Audience publique tenue le jeudi 17 juin 1993, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de sir Robert Jennings, président

Document Number
083-19930617-ORA-01-00-BI
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Number (Press Release, Order, etc)
1993/17
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InternationalCourt Cour internationale
of Justice de Justice
THE HAGUE La HAYE

hrblic sitting

held on Thursday 17 June 1993, at 10 a.rn.,at the Peace Palace,

President Sir Robert Jemings presiding

in the case concerning Territorial Dispute

' (Libyari&ab Jamahiriya/Chad)

VERBATIMRECORD

Audience publique

tenue le jeudi 17 juin 1993, à 10 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de sir Robert Jennings, Président

en l'affaire du ~ifférend territorial

(Jamahiriya arabe libyenne/Tchad)

COMPTERENDUPresent:

PresidentSir RobertJennings
Vice-PresidentOda
JudgesAgo
Schwebel
Bedjaoui
Ni
Evensen
Tarassov
Guillaume

Shahabuddeen
Aguilar Mawdsley
Weeramantry
Ranjeva
Ajibola
Herczegh

Judges ad hoc Sette-Camara
Abi-Saab

RegistrarValencia-OspinaPrésents:

Sir RobertJennings,président
M. Oda, Vice-Président
MM. Ag0
Schwebel
Bedjaoui
Ni

Evensen
Tarassov
Guillaume
Shahabuddeen
AguilarMawdsley
Weeramantry
Ranjeva
Ajibola
Herczegh,juges

MM. Sette-Camara
Abi-Saab,juges ad hoc

M. Valencia-Ospina,GreffierThe Govemnt of the Libyan Arab Jamahiriya is represented by:

H.E. Mr. Abdulati Ibrahiml-Obeidi
Ambassador,

as Agent;

Mr. KamelH. ElMaghur
Member ofthe Bar of Libya,

Mr. DerekW. Bowett,C.B.E.,Q.C.,F.B.A.
WhewellProfessoremeritus, University of Cambridge,

Mr. Philippe Cahier
Professorof International Law,GraduateInstitute of
International Studies, University of Geneva,

Mr.LuigiCondorelli
Professorof International Law, Universi ofyGeneva,

Mr. JamesR. Crawford
Whewell Professor of Internatio Law,Universityof Cambridge,

Mr. RudolphDolzer
Professor of Internation Lalw,Universityof Mannheim,

Sir Ian SinclairK.C.M.G.,Q.C.

Mr. WalterD. Sohier
Member ofthe Bar of the State of New Yorknd of the Districof
Columbia,

as Counseland Advocates;

Mr. TirnmT. Riedinger
Rechtsanwalt, Frere Cholmeley, Paris,

Mr. RodmanR. Bundy
Avocat à la Cour, Frere Cholmeley, Paris,

Mr. RichardMeese
Avocat à la Cour, Frere Cholmeley, Paris,

Miss LorettaMalintoppi
~voca-tà la Cour, Frere Cholmeley, Paris,

Miss AzzaMaghur
Member ofthe Barof Libya,

as Counsel;

Mr. ScottB. Edmonds
CartographerM,aryland Cartographic Inc.,

Mr. BennetA. Moe
Cartographer, Maryland CartographI ics,,Le Gouvernementde la Janiahiriyaarabe libyenneest représenté par :

S. Exc. M. Abdulati IbrahiEml-Obeidi
ambassadeur,

comme agent;

M. KamelH. El Maghur
membredu barreaude Libye,

M. DerekW. Bowett,C.B.E.,Q.C., F.B.A.
professeur émérite, ancien titulaire ldchaire Whewell à
l'Université deCambridge,

M. Philippe Cahier
professeurde droit international à l'Institutuniversitaire de
hautesétudes internationaled se l'universitéde Genève,

M. Luigi Condorelli
professeur de droit internationalà l'Universitéde Genève,

M. James R. Crawford
titulairede la chaire Whewell de droit internationalà
l'Universitéde Cambridge,

M. Rudolf Dolzer
professeurde droit international à l'Universitéde Mannheim,

Sir Ian Sinclair,K.C.M.G.,Q.C.

M. WalterD. Sohier
membredes barreaux del'étatde New York et du district de
Columbia,

comme conseilset avocats;

M.Timm T. Riedinger
Rechtsanwalt, Frere Cholmeley, Paris,

M. RodmanR. Bund:y
avocat à la Cour, Frere Cholmeley Paris,

M. Richard Meese
ayocat à la (Jour,Frere CholmeleyP,aris,

Mlle Loretta Malintoppi
avocat à la Cour, Frere Cholmeley, Paris,

Mlle Azza Maghur
membre du barreau de Libye,

comme conseils;

M. ScottB. Edmonds
cartographe, Maryland CartographI ics.,

M. BenettA. Moe
cartographe, Maryland CartographI ics., Mr. RobertC. Rizzutti
Cartographer,MarylandCartographics, Inc.,

as Experts.

The Government of the Republic of Chad is represented by:

RectorAbderahmanDadi, Directorof the Ecolenationale
d'administrationet de magistraturede N'Djamena,

as Agent;

H.E. Mr. MaharnaAli-Adoum,Ministerfor Foreign Affairs of the
Republicof Chad,

as Co-Agent;

H.E. Mr. Ahmad Allam-Mi,Ambassadorof the Republicof Chad to
France,

H.E. Mr. RamdaneBarma,Arnbassadoo rf theRepublicof Chad to
Belgiurnand the Netherlands,

as Advisers;

Mr. Alain Pellet,Professorat the Universityof Paris X - Nanterre
and at the Institutd'étudespolitiquesof Paris,

as Deputy-Agent, Counsel andAdvocate;

Mr. AntonioCassese,Professorof International Law at the European
University Institute ,lorence,

Mr. Jean-Pierre Cot,Professorat the Universityof Paris 1
(Panthéon-Sorbonne),

Mr. ThomasM. Franck,Becker Professor of International Law and
Director,Center for Internationa Studies, New York University,

Mrs. RosalynHiggins,Q.C., Professorof International Law,
Universityof London,

as Counsel and Advocates;

Mr. MalcolmN. Shaw, Ironsides Rayand Vials Professor of Law,
Universityof Leicester,Member of the EnglishBar,

Mr. Jean-MarcSorel,Professorat the Universityof Rennes,

as Advocates;

Mr. Jean Gateaud, Ingénieur général géograph henoraire,

as Counsel and Cartographer;

Mr. Jean-Pierre Mignard, Advocaa te the Courtof Appealof Paris, M. RobertC. Rizzutti
cartographe, MarylanC dartographicsInc.,

comme experts.

Le Gouvernement de la République du Tchad est représenté pa:

M. AbderahmanDadi,directeurde l'écolenationale d'administration
et de magistraturede N'Djamena,

comme agent;

S. Exc.M. MahamatAli-Adoum,ministredes affaires étrangères de la
Républiquedu Tchad,

comme coagent;

S. Exc. M. Ahmad Allam-Mi, ambassaded ur la ~épubliquedu Tchad en
France,

S. Exc. M. RamdaneBarma,ambassadeur de la Républiquedu Tchad en
Belgiqueet an. Pays-Bas,

comme conseillers;

M. Alain Pellet,professeur à l'Universitéde Paris X - Nanterreet
à l'Institut d'études politiquesPd aris,

comme agent adjoint, conseil et avocat;

M. AntonioCassese,professeur de droit internation àal'Institut
universitaire européen de Florence,

M. Jean-Pierre Cot, professeurà l'université deParis 1
(Panthéon-Sorbonne),

M. Thomas M. Franck,titulairede la chaire Becker de droit
internationalet directeurdu centre d'études internationales de
l'Universitéde New York,

Mme Rosalyn HigginsQ ,.C.,professeur de droit internationalà
l'université de Londres,

comme conseils et avocats;

M. MalcolmN. Shaw,titulaire de la chaire Ironsides R any Vials
de droit à l'Universitéde Leicester, membrdeu barreau
d'Angleterre,

M. Jean-Marc Sorel, professeurà l'Universitéde Rennes,

comme avocats;

M. Jean Gateaud, ingénieur général géographe honoraire,

comme conseil et cartographe;

Me Jean-Pierre Mignard, avoc atla Cour d'appel dPearis,
0406CMr. Marc Sassen,Advocateand LegalAdviser,The Hague,

as Counsel;

Mrs. Margo Baender, Research AssistaC nt,ter forInternational
Studies,New York University, School L ofw,

Mr. Olivier CortenC,ollaborateurscientifique, Universit librede
Bruxelles,

Mr. RenaudDehousse,AssistantProfessorat the European University
Institute, Florence,

Mr. Jean-Marc Thouvenin, attaché temporaire d'enseign ement
rechercheat the Universityof Paris X -Nanterre,

Mr. JosephTjop,attachétemporaire d'enseignementet de recherche
at the Universityof ParisX - Nanterre,

as Advisers and ResearchAssistants;

Mrs. Rochelle Fenchel,
Mrs. SusanHunt,
Miss Florence Jovis,
Mrs. MireilleJung,
Mrs. MartineSoulier-Moroni.Me MarcSassen,avocatet conseiller juridique, La Haye,

comme conseils;

Mme Margo Baender, assistand terechercheau centre d'études
internationaled se laFacultéde droitde l'université de New York,

M. Olivier Corten, collaborateur scientifi Universitélibre de
Bruxelles,

M. RenaudDehousse, maître-assistantà l'Institutuniversitaire
européende Florence,

M. Jean-Marc Thouvenin, attaché temporaire d'enseign etment
recherche à l'Universitéde ParisX - Nanterre,

M. JosephTjop,attaché temporaire d'enseigneme ende recherche à
l'universitéde Paris X - Nanterre,

comme conseillerset assistantsde recherche;

Mme RochelleFenchel,
Mme SusanHunt,
Mlle FlorenceJovis,
Mme MireilleJung,
Mme MartinSoulier-Moroni. The PBESIDENT: Pleasebe seated. Mt. Cahier.

M. CAHIER : Monsieurle Président, Messieurs les juges,n' cestpas

sans émotionqu'unjuriste international plaide devant votre haute

juridictionet je tiensà vous dire quec'estun honneur et un privilège

pourmoi de paraître devant vous dans cette affaire entr Libyae et le

Tchad.

Monsieurle Président, Messieurs les juges,

La tâche quim'incombeaujourd'hui est d'examinerla périodequi va

de 1919 à la conclusiondu traitéde 1935 entre l'Italieet la France.

La périodeest assez riche en événementspuisquedes traités sont conclus W

entreles protagonistes dn eotrehistoire : l'Angleterre,la Franceet

l'Italie, Etats qui multipliententreeux des négociations. Malgré cela,

j'auraiscrupule à retenirtroplongtemps votre attentie otn cela pour

deux raisons. D'unepart la Libyeet le Tchadse sont étendus assez

longuement sur ces événementsdans leurs écritureest deuxièmement ces

événements n'ontguère modifié ls aituationexistanterelative à la

délimitation de lf arontièrequi faitl'objet du différen qui vous est

soumis.

Mais quelleest la situation en 1919? Les collèguesqui m'ont
YV
précédé vous ont démontq ré'entreles possessions colonialf esançaises

et italiennes en Libye la frontièren'a pas été délimitée, hormis le

tracéqui va de la Méditerranée àGhadamès. Tout le reste du tracé est

incertitude, même sila Franceet l'Italiepensentavoir des droits dans

la région, mais desdroitsqui ne sont pas exprimés avec précisi etnqui

méritentde l'êtrepour quel'onpuissearriver àune véritable

délimitationde la frontière. Cettesituationdoit être completépear la

conclusion, en 1915d'un texteplus précis,à savoir cetaccordde

Londres qui prévoyai en faveur del'Italiedes compensations en matière coloniale. En 1919, donc, la guerr est terminée,les alliés ont gagné

et l'on auraitpu penser que dans cette grande négociation glo quile

mène au traitéde versailiesla Franceauraitessayé,à la lumière de

l'accordde Londres,de délimiter cette frontière libyea nnec

l'Italie. Sansdoute,des négociations se sont déroulées en mai1919,

mais les propositions français e"bienpeu de chose"disait Tittoni, le

ministre italied nes affairesétrangères,dans son discoursau Parlement

italiendu 29 septembre 1919),ces propositions s'avèrentinsuffisantes

et certainement padse nature à récompenserl'effortfournipar l'Italie

dans la guerre fait aux côtés desalliés.

Voilà, Messieurs, l paysageque l'ondécouvre - passez-moi

l'expression - au leverdu rideau en septembr 1919. Du pointde vue

chronologique, ic lonviendraitd'examineren toutpremierlieu letraité

entrel'Angleterre et la France,étantdonné qu'ilest du

8 septembre 1919, alors qc ueluientre laFranceet l'Italieest du

12 septembre1919. Si je préfère traited ru deuxième avant le premier,

c'estque celui-cine concerneguèrele différend actuel. En effet,

Monsieurle Président, Messieursles juges,son préambule indiquq eu'ila

été conclu en application l dearticle13 de l'accordde Londreset qu'il

a pour butla "fixation" de la frontière entre T laipolitaineet les

possessions françaises d'Afrique danle secteurqui va de Ghadamèsà

Toummo, secteuqrui ne fait pas l'obje du différendsoumis à votre haute

juridiction.

Je tiensd'ailleurs à soulignerle terme employé par

l'articlepremierde cet accord, à savoir fixationde la frontière.

Cela prouveune foisde plus ce quele Gouvernement libye antoujours

soutenu, à savoirque dans ce secteuirl n'y avait pasde frontière

délimitée, autremen le terme employé n'aurait pas été ced leui

fixationmais de modification. Cet échangede notes étant extrêmement précis ed'uneclarté

parfaite(la Cour en trouverale textedans lemémoire libyen,

"International Accordana Agreements", annex eo 18), il n'y aurait pas

lieude s'y arrêtersi la partie adverse,selonune méthode qu'elle

affectionne, ne s'étaitpas forcéede lui prêterun sens qui ne résulte

aucunement du texte.

Le Tchad estimeen premierlieu quece traitéde 1919,décidant que

Toummoconstituele point extrême de la Libye versle sud-ouest, confirme

l'acceptation parl'Italiede la frontière de la Tripolitaine indiquée

sur la carte annexéeà la déclaration franco-britannid que1899 (mémoire
'(ii7
du Tchad,p. 203).

Cetteaffirmation est pour le moins surprenanteD.ans l'accord

de 1919 il n'y a aucune référence cettecarte. Or le traiténe peut

confirmer quelque chose qu' nelmentionnepas.

D'ailleurs,faut-ille rappeler, cette cart n'étaitpas annexée à

la déclarationde 1899.

Commemon collègue, M. Sohier, l'a indiqué, cette carte

n'établissait d'aucune manière une frontièret ne pouvait pas l'établir

d'autantplus qu'aucund ees partiesà l'accord n'avaistur ceterritoire

un droit souverain.
1

Mais l'imaginationde nos honorables contradicteurs débod rde

fertilitélorsqu'ils affirment quel'onpeut déduire de l'accordde 1919

que,depuis Toummo, la frontièrefaitun coude pour remonte vers le

nord-est et croise le tropique du Canceràla longitudedu 16" est de

Greenwich,c'est-à-dire au pointde départde la limite

franco-britanniqu de 1899 (mémoiredu Tchad,p. 201, et contre-mémoire

du Tchad,p. 355). Messieursde la Cour,j'ai lu et reluà plusieurs reprisec set

accord franco-italid en 1919et je n'ai pas trouvéla moindre indication

d'unedélimitation de la -frontièràe l'estde Toummo. Nousne sommes

même pasdans le cas où l'onpourraitdire qu'iln'y a pas lieu

d'interpréter un texte lorsquecelui-ciest clair, ici iln'y a tout

simplement pas de texteà interpréter.La délimitation de la frontière

va de Ghadamès àToummoet elles'arrête à ce dernierpoint.

Au-delàde ce pointtout est à faire. Le traité mêmele reconnait

en disant :

"le Gouvernementde Sa Majestéle roi d'Italie etle
Gouvernementde la Républiquese sont déjàmis d'accordsur les
points suivantst,outen réservant d'autrespointspourun
prochainexamen".

Ces "autrespoints''concernent forcémen la délimitationde la

frontière à l'estde Toummo,puisquel'accordn'en souffle motet que

c'estla seulepartiequi reste àdélimiter; la partie entre Ghadae mès

la mer Méditerranéle'ayantété en 1910.

D'aprèsle Gouvernement du Tchad l'accordde 1919,en se plaçantsur

le terrain des compensationspromisesà l'Italieà l'article13 du traité

de Londres, montre quel'Italiereconnaissait en droit lestatu quo

territorial, même s ellele contestait politiquement (mémd oiTchad,

p. 201-202). Cette affirmation n'est guè exacte. L'Italiene

reconnaissaitpas le statu quoterritorial, car elle étaitl'héritière

- et les écritureslibyennesl'ontmontré - des droitsde l'Empire

ottoman dansla région. Celadit, ces droitns'étaientpas clairement

établis, ilsne permettaientpas de délimiter une frontièd remanière

précise. Il existaitpar conséquentun contentieux territorie altre la

Franceet l'Italiedans la région, commele reconnaîtd'ailleurs

l'article13 du traitéde Londres. En effet, après avoir mention néprincipede compensations en

faveurde l'Italie,il ajoute:

"notammentdans le règlementen sa faveurdes questions
concernantles frontièresdes colonies italienne de
llErythrée,de la Somalieet de la Libyeet des colonies
voisinesde la Franceet de laGrande-Bretagnew.

Si des frontières précises avaient existél'époque,le traité

n'auraitcertes pas mentionné"des questionsconcernant les

frontières". Il suffisait eneffetd'insérerle principede

compensations auregarddes frontières.Si le traité cite des

"questionsconcernant les frontières" c'esbien que certaines

frontières doivent encoê reredélimitéeset qu'ily a incertitude sur

les droitsdes parties danscertainesrégions. L'article13 du traitéde Londresa doncpourbut de permettre à

l'Italie,lorsqu'une délimitation interviend dral'invoquer afin

d'obtenir un tracéqui lui soit avantageux et,en cas dedoutesur les

droitsréciproques des parties, queces droits soient établi en sa

faveur. C'estla raisonpour laquellel'Italie,dans lesnégociations au

seindu conseil suprêmd ees alliéset de sa commission, se placesur le

plan des compensations.Ces négociationn se consistentd'ailleursqu'en

quatre réunions, exacteme let15, le 19, le 28 et le 30 mai 1919. On

voit mal comment ,ansun laps de temps aussi brel f,s partiesse

seraient livrées àun examen juridique approfon deileurs droits

respectifs dans la région.

Il s'agiten réalitéd'unenégociation politiqu globale,le fait

que l'Italieait essayé d'obteni un mandatsur le Togo leprouve. Or,

en se plaçantsur le terrain politique s,ur leterrainde l'article13 du

traitéde Londres,l'Italiene renonce à aucunde ses droitset ellene

reconnait juridiquement aucu statuquo. Si elle peut arrive àr un

accord c'est tantmieux,et c'est cequi se passe avecle traité de 1919

pour le tracé Ghadamès-Toummo, si en lle arrive pas c'esttantpis.

L'Italienégociera ultérieurement, commel'indique d'ailleur lse traité

de 1919 : "touten réservant d'autres points pu onrprochainexamen".

C'estde cette manière que la commission l'a compris puisque dans

son rapport, après avoir mention leérefus italiendes propositions

françaises relativesà la frontièrede la Libye,elle ajoute :"L'Italie

entend par là garderla question coloniale africaine ouverte entre elle

et la France." (Mémoirede la Libye, "Italian Archives", annexe,

p. 28.) Dès lors,dans lamesureoù l'article13 du traitéde Londres

n'a pas pleinement trouvé application et le Gouvernement françai en

est conscient puisqu'un note internedu ministère françai des affaires

étrangères indique que: "l'Italiepourra toujours invoquer l'arti 13ledu pactede Londres, terrain sur lequel il estbien difficilede refuser

la conversation"(mémoiredu Tchad,annexe148) - dans la mesure-

disais-je - où l'article13 n'a pas pleinement trouv application, la

situation relative à la frontièresud de la Libyen'a pas été modifiée

par le traitéde 1919 entrela Franceet l'Italie. Il n'y avait pasde

frontières séparant les deux Eta coloniaux avant1919, il n'yen a pas

plus en 1919. L'Italieet la Francegardent chacunl eeurséventuels

droits dansla région, mais l'Italiepossèdedepuis 1915 un droitde

plus : c'estcelui qui découle de l'artic 13ede l'accordde Londres.

Ainsidonc letraitéde septembre 191n 9'a eu poureffetque de

délimiter lafrontière dans le secteurGhadamès-Toumme ot riend'autre.

Vouloirlui donner uneconséquence sur la frontière méridionalc'est

forcerla réalité, car il n'y a riende semblable ni dans letexte,ni

dans son contexte,ni dans lescirconstanced se sa négociation.

Monsieurle Président, Messieursles juges, si j'ai pu êtrebref en

ce qui concerne l'examen dutraitéentrela Franceet l'Italiede 1919,

je doism'étendredevantagesur le traité du 8 septembr 1919 conclu

entrel'Angleterre et la France. Curieuxraitéen effet,puisqu'il

portesur lafrontièresud de la Libyeet qui, donc,ne pouvait

qu'empiéter sur les droitsitaliens,ou toutau moins sur les droitsque w

l'Italiecroyait posséded rans cette région.L'Italien'étaitni

associée, ni même informée de l'existendce cet accord, ce qué itait

- le moins que l'onpuisse dire - incorrect,et peu amical,puisqu'elle

étaitdirectement concerné par son objet. Cela prouveque les deux

partiesne devaient pas avoir bonne conscienceà l'égardde l'Italie.

Drôle demanière d'appliquer l'accordLo dedres,étrange "compensation I"

Pour biencomprendre la portéede ce traité, il faut revenirun

instantsur ladéclaration de 1899.
On s'en souvient,d'aprèsson

article2, le tracéde la frontière du territoire françai ne pouvaiten e
aucun casdépasser à l'estle 23 degréde longitude. Sur cepointla
e
conventionde 1919 porte cette frontière jusqu'24 degréde

longitude. Cette partiede la convention figure maintena sur l'écran

(texteno 59 du dossiervert)

Son effet géographique appara sur la carteno 58.

Mais il y a plus, Messieurs,'article3 de la déclarationde 1899

prévoyaitqu'aunord du 15~parallèle, la zone françaisseera limitée

par une ligne qui, partan tu pointde rencontredu tropiquedu Cancer

avec le 16~ degréde longitude, descendr dans la directiosnud-est

jusqu'àsa rencontre avec le 24 degréde longitudequ'ellesuivra

jusqu'àsa rencontreau nord du 15 parallèle. Or, d'aprèsla

convention de 1919,et sous couvert d'interprétation, cette ligne prendra

e
une directionsud-est jusqu'au24 degréde longitudeau point

d'intersection ave le parallèle19" 30' de latitude.Ce passagedu

traité apparaît maintena ntr l'écran(texteno 61 du dossiervert).

La différence entre le parallèle e 15celuidu 19" 30' n'est pas

insignifiante.La carte no28, qui figureà votre dossieret quiest

maintenantsur l'écran,montre la ligne résulta netla déclaration

de 1899,celle qui figurs eur leLivre jaune,et enfin cellede 1919.

La différenceentreces lignes est saisissante. Enfin, cette lign eui

en 1899 suivait rigoureusement une orienta sud-estdevienten 1919

une ligneest-sud-est.

D'aprèsle Tchad,le tracé résultand te l'accordde 1919ne diffère

pas, ou de très peu, du tracé dceluide 1899. De plus l'accordde 1919

ne feraitqu'interprétel ra déclaration d1e899,ce quirésulterait des

textesdu traité que je viens de vousmontrer. Deux affirmations,deux

erreurs: une de fait, une dedroit.

L'erreurde faittoutd'abord,à savoirque letracé qui résulterait

de la déclarationde 1899 serait identiquoe, presque,de celuirésultantdu traitéde 1919. L'examende la cartequi estsous vosyeux

(carte 28) indiquequ'ily a une divergence considérable entre la ligne

de 1899 et cellede 1919.*Plus concrètement le nouveau tracé

(contre-mémoirleibyen,p. 185) a pour effet d'accorderà la Franceun

territoire d'environ180 000 kmz, ce qui correspond la surface réunie

de la Suisse,de la Hollande,de la Belgiqueet de l'Autriche.Je veux

bien qu'ils'agitde territoires désertiquest que par rapportà

l'immensitédu continent africailn'étenduedes territoires européens

cités représente pe ue chose. Il n'en reste pasmoinsvrai qu'ils'agit

d'un bien grand morceaude territoireet qu'ilest difficilede

comprendre comment, en dép detla véritéla plus élémentaire,le Tchad

ou presque,à celui
puisse affirmerque letracéde 1899est égal,

de 1919, Les chiffres sontlà, Messieurs.

Le Tchadprétenden outre que le trait de 1919 interprètceelui

de 1899. Je n'ai rien contrceetteaffirmation, en ce sens que deux

Etats peuvent, sou srétexted'interprétation authentique, modif uiner

traité. Mais celane vaut évidemmenq tue dans le cade leursrapports

mutuels. Juridiquement toutel'argumentatioenst sansvaleur lorsqu'on

l'appliqueà des Etatstiers.

Le principede l'effet relatidfes traités, qu'ils soient

interprétatifosu pas, est bien établien droit international.Il a

toujoursété reconnupar la doctrineet confirmé par ljaurisprudence

internationale.Examinant les effetsdu traitéde Parisde 1898, conclu

entre l'Espagneet les Etats-Unis,Max Huber, danssa célèbre sentence

arbitrale relativeà l'Ilede Palmas,affirmait:

"It is evidentthatwhatevermay bethe rightconstruction
of a treaty,it cannotbe interpretedas disposing ofthe

rightsof independentthirdPowers."(RSA, vol. II, p. 842.) Le principe découle dceeluide l'indépendance et de l'égalitédes

Etats, quia été sisouventreconnudans de nombreuses résolutions de

l'Assembléegénérale des -NationUnies. Ce principeest d'ailleurs

réaffirmé à l'article34 de la conventionde Vienne de 1969 surle droit

des traités.

Et s'il est une disposition dcette conventionde 1969 qui codifie

une règle coutumièrec'estbien celle-ci. La règlede l'effetrelatifdes traitésn'estpas contestée de

l'autrecôtéde la barre;nos collègues, représental nt Gouvernement

tchadien, sontbien tropbons juristes. En revanche, ils soutiennene t,

sur ce pointon ne saurait les suivre,que la délimitation résultande

l'accordde 1919 étaitopposable à l'Italie,touten reconnaissant quc ee

dernier Etat étaittiers à l'accord mentionné.

Je m'efforceraide résumer le plus fidèlement possible leur

argumentation.Tout d'abord, cette opposabilité résulter duitaitque

le tracéde 1919 étaitsemblable à celuide 1899 reconnupar L'Italie.

Or le Gouvernement libye an faitjusticede cette affirmation: les deux
I
tracés diffèrentj,e le répète,de manière considérable.

Ensuite, le Gouvernementtchadien soutient que, même si t lescés

diffèrent,celuide 1919n'en serait pas moins opposableà l'Italie.

J'ai quelques difficultés su ce pointà suivre le raisonnemen de nos

adversaires.

Le premierargumentdécouletoujoursde la prétenduereconnaissance

par l'Italiede l'accord franco-britanniq dee1899. Mon collègueWalter

Sohiera faitjusticede cette affirmatioe nt il n'y a pas lieud'y

revenir.

D'aprèsle deuxième argument la Turquie n'avait aucun droit

souverainen dehors des limite se la Tripolitaineellene pouvait donc

transférer à l'Italiedes droits qu'elle n'avait p (asépliquedu Tchad,

p. 59).

La Libyea soutenu à diversesreprises,et le montreraà nouveau,

que la Sublime Port avait à l'époque des droitqsui dépassaient les

limitesde la Tripolitaine.Mais, detoutemanière,si la Cour - comme

nous lepensons - arrivera à la conclusionque le traitéde 1955entre la

Libyeet la Francen'a pas délimité la frontièresud de la Libye,
il lui appartiendra,dans sa tâchede délimitation,de déterminerl'existence

des droitsde la Turquiedans la région. Le Gouvernementtchadien

reconnaît d'ailleurls'existenced'uneprésence ottomane en 1908

(répliquedu Tchad,p. 64) et il estun faitqu'à cettedate les troupes

françaises ne s'y trouvaientpas.

MessieurslesMembresde la Cour,il est-indubitable - et on ne le

conteste pas de l'autrecôtéde la barre (réplique du Tchad,p. 59) - que

par le traitéd'0uchydes 15et 18 octobre1912, l'Italiesuccédaità la

Turquie ence qui concerne ses droits territoris auxle territoire qui

allait devenir la Libye. Sansdoute les droits turcn s',étantpas

toujours précis, peuvep ntêter àdiscussion, à négociation,mais ce qui

est certainc'estque ni la Franceni l'Angleterre ne pouvaienten 1919,

par un accord entre elles, dispos ders droitsque l'Italiepossédaiten

tant qulEtatsuccesseur. D'aucune manièrlee traitéde 1919 ne pouvait

être opposable àl'Italiequi l'ignorait et qui, dèsqu'elleen aura eu

connaissancen ,'auracesse dele rejeter.

Conscient probablemed nt la faiblesse de sa thèsle, Gouvernement

du Tchaden a développé une nouvelle da sasréplique(p. 59). D'après

elle, l'articl1 e6 du traitéde Lausanne de 1923 aurait consal cré

renonciation par la Turquieà tousdroitset titresde quelquenatureque

ce soit, surou concernant les territoires sita uésdelàdes frontières

prévues par ce traité. Toujours d'après l Tchad:

"Cetterenonciation n'esp tas adressée la seule Italie;
elle l'estaussià l'Empirebritannique et à la France,
également parties a traité. Il fauten déduire que les droits
improbablesde la Turquie sur les territoires occupés par la
Francesont, entoutétatde cause, éteints, exacteme autmême
titre queceuxqu'ellepouvaitavoirsur les colonies

britanniques ou italiennes dont,dans ce dernier cas, la
Libye"(réplique du Tchad,p. 59, par. 2.60),

et la réplique ajoute que le trad ité1912,mettantfin à la guerre

entre l'Italieet la Turquie,étaità l'égardde la Franceet de

l'Angleterretes interaliosacta, il n'en résulterait aucune

obligationà l'égardde ces deuxpays. Même s'il étaitsupportépar deuxbéquilles, cet argumentne tient

pas debout. Tout d'abordil n'estpas contestable quele traitédlOuchy

de 1912 ait eu pour effet'detransférer à l'Italiela souverainetdée la

Turquie sur la Libye, même slia frontièrede ce territoiren'étaitpas

entièrementdélimitée. Non seulementla communauté internationad lee

l'époqueen a pris acte,mais la France puisl'Angleterre l'ontreconnu

expressément. La premièrepar une déclaration unilatérad le

20 octobre 1912, formulée sans aucune réserve, puis l parccordavec

l'Italiedu 28 octobre 1912 (mémoirede la Libye, "International Accords

and Agreements", annexeno 11).

Les deuxEtats, France et Angleterre, reviennen sur cette

reconnaissancp ear l'article10 de l'Accordde Londresde 1915,qui dit:

"L'Italiesera substituée en Libyeaux droitset
privilègesappartenant actuellemea nt Sultan en vertuu
traitéde Lausanne." (Mémoidre la Libye,ibid., annexe2
no 12.)

La reconnaissancpear ces deux Etats des droits italie sur la

Libye découland tu traitéde 1912est donc claireet inconditionnelle; il

est pour le moins extraordinairqeue le Tchad soutiennaeujourd'huique

cet accordétait res inter alios actapar rapport à l'Angleterreet la

France.

Pour terminercet aspectdu problème,je voudrais indiqueq rue

l'interprétatiod nu Tchadde l'article 16 dturaitéde Lausanne de 1923

est erronéei Car l'article16, je l'aidéjàdit, prévoit:

"LaTurquie déclare renoncerà tous droits et titresde
quelque natureque ce soit, surou concernant les territoires
situésau-delàdes frontières prévues pl ar présenttraité."

Mais quelles sont lesfrontières prévues pa le présenttraité ? Il

s'agitdes frontièrep srévues à l'article 2qui concernent: la Bulgarie

et la Grèce,à l'article 3 qui concernent laSyrieet l'Irak;ainsi que

la cessiond'îlesen faveurde la Grèce(art.
12)et de l'Italie

(art.15).

0451C/CR/17/T3/dt La renonciationde tous les droitest titresde la part de la

Turquie, étand tonné laposition de l'articl 16 dans le contextedu

traité,ne peut viserque=ces territoires. Il n'y a là, Messieurs les

Juges, aucun mot sur laLibye. Celava de soi, la souveraineté turque

ayantété transférée à l'Italieen 1912, la Turquin ee pouvaitpas

renoncer à des droits qu'elle n'avait pl depuisdix ans.

En continuantl'examendu traitéde 1923,nous voyonsqu'ilcontient

à son article22 une disposition relativ àela Libye,qu'ilconvientde

lire en liaisonavec l'article10 de l'accordde Londresde 1915. Par ce

dernier,on l'a vu, l'Italiesera substituée en Libyeaux droitset

privilèges appartenantactuellementau Sultanen vertudu traité

d'0uchyde 1912.

Ce qui estcertain c'est donc qu'en 1915l'Angleterreet la France

acceptentque tousles droits de l'EmpireOttomansur la Libyepassent

à l'Italie. Il n'y a plus aucuneréserve. On est loinde

l'interprétatiod nu Tchad.

Cependant,l'on est en droit dese demanderce que les termes

"droitset privilèges appartenantactuellement au Sultan" voulaient

dire en 1915,alors que l'Italieavaitsuccédé en Libye à l'Empire

ottomanen 1912. La réponseest simple, le mémoirl eibyenet mon

collègue le professeur Condore l'ointmontré :le traitéde 1912

accordaitau Sultancertainsprivilèges.Il gardaitpar exempleun

représentant personne et une autorité en matière religie usece qui

concernait les musulmans .n vertudu traité de 1915les droits passent

à l'Italie,cependant - celaest évident - le traitéde Londresn'était

pas opposableà la Turquie.D'où l'article 22 du traitéde Lausanne

de 1923: "la Turquie déclare reconnaît l'abolitiondéfinitive de tous
droits et privilège de quelque nature que ce soit do elle
Jouissaiten Libyeen vertudu traitéde Lausannedu
18 octobre1912".

Cette dispositiono,n le voit,vise la reconnaissancdeu transfertà

l'Italiedes droits résiduels que la Turquie possédait en enorebye en

vertudu traitéde 1912. Quantà la Franceet à l'Angleterre,elles

avaientdéjà reconnu un tel transferten 1915. Ainsi,l'examendes

textes pertinents montrele caractèreartificielde la construction

juridiquetchadienne.

Que ce soit en 1919,commeen 1923,l'Italiepossédaittousles

titres juridiques héritd és la Turquie,elle étaitdonc juridiquement

fondée à protester contrcee traité franco-britanniq ue1919qui

empiétait surses prétentions.Elle protestera d'ailleursà plusieurs

reprises, commneous allons levoir.

Je tiens à le souligner, Messieurde la Cour,et le Tchad

l'admet (mémoir du Tchad,p. 190, par. 182),cette oppositiointalienne

à l'accordde 1919a été renouvelée constammej ntsqu'àla conclusion, en

1935,de l'accordLaval-Mussolini. Cette attitude est symptomatiquea:ucun Etat,aucungouvernement ne

protesterait pendantune duréede quatorze ans contre unaccord,qui en

vertude l'effetrelatif-des traitésne lui est pas opposable,s'il

n'étaitpas convaincu de son bon droit. Ce bondroit peut découle re

l'uneou de l'autreraison suivante :

1) en premier lieu,l'Italien'a jamais reconnu la lignede 1899 que

la Frances'engageait à ne pas dépasser;

2) même si tel étaitle cas,l'accordde 1919 diffère profondément

de celuide 1899.

Je pense quepourmieuxapprécierla valeurde ces protestations, il

convientd'examinerle raisonnement du Gouvernement italie tel qu'il

résultede ses notesde protestation.

Dès le début, lapremièrenote du Gouvernement italien adressée au

Gouvernement français,du 12 décembre 1921e,st très claire; aprèasvoir

montré que la lign de 1919 est différentede cellede 1899,elle ajoute :

"Il résultede ce qui précèdeque le Gouvernement roys al
trouve dans l'impossibilitdée reconnaitrela convention
anglo-françaisdee 1919." (Mémoiredu Tchad, annexes 98/99.)

La note italiennede protestationadressée au Gouvernementanglais

du 10 décembre1921étaitrédigéeplusou moinsdans lesmêmes termes

(mémoirede la Libye,"British Archives" annexe,p. 137).

Le constatde la différence entre l lagnede 1899 et cellede 1919

est réaffirmé dans une nouvelle no itealienneadressée au Gouvernement

françaisle 27 mars 1924 (mémoiredu Tchad, annex1 e04). Cette dernière

va cependant plusloin dufaitque laconvention de 1919 employait le

termede frontière.

Le Tchad fait grandcas de l'emplodie ce termedans laconvention.

D'aprèslui, si la déclaration de1899se bornait à délimiterdes zones

d'influence, lc aonvention de1919 consolide l aigne prévueen une

véritable délimitatio de frontière (mémoir du Tchad,p. 193). 11 en résulteque cettesoi-disant interprétation authentiq dee

1919 de la déclaratiode 1899 a pour effetnon seulementde modifierle

tracéde la ligneindiquée, mais encore de modifielra naturede cette

ligne. En 1899 deuxEtatsse reconnaissent des aspirations

territoriales,et rien deplus;en 1919, toujourd s'aprèsle Tchad,ces

deux Etatsétablissent un véritable partageterritorial-au-dépensde

l'Italie,Etat tiers à cet accord. Et l'onvoudraitaujourd'hui que ce

changement territorie atl ce changement dea naturede la lignede 1899

soit opposableà l'Italie. Cette dernièartoutde suitevu le piège.

Dans sa note diplomatiquedu 27 mars 1924, elle faisait valo :ir

"La déclarationdu 21 mars 1899 représentau it simple
partagede zonesd'influence, tandis quela conventionde 1919
est une véritable délimitatid on frontière.L'espritdes deux

documents diplomatique est donc différentet on doit
reconnaître que laconvention de 1919a foncièrement modifi le
statu quo créépar la déclaratiodne 1899,

Le Gouvernement italie se considère partanetn plein
droit, pour cqeui le concerne,de ne pas reconnaître
l'existencede la convention du 8 septembre1919." (Mémoiredu
Tchad,annexe105.)

Il me semble doncqu'ilne sauraity avoir aucun doutepossiblesur

le faitque l'Italien'a reconnuni le changement du tracé dela ligne,

ni la transformatiodne cetteligneen frontière.Toutes les

affirmations du Tchad tendantà montrer que le tracdée 1919est

opposable à l'Italiese heurtent à la réalitédes faits.
-
Dès lors,le Gouvernement du Tchadne peut invoquerla prétendue

adhésionde l'Italieà la ligne découlant de la déclaratd ieo1899 comme

ayant pour conséquenl ceopposabilitdée la lignede 1919,puisque

celle-cien modifiele tracéet la naturemême.

L'argumentd'aprèslequel la conventio de 1919ne modifie pas la

déclarationde 1899, maisqu'elle l'interprèd tens le sensde l'intention originair des parties(mémoiredu Tchad,p. 194) est

également dépourvdue valeur.

L'Italien'avaitpas: à se soucierde l'intention des partiesau

regardde la déclaration de 1899, intentioqnu'ellene pouvait évidemment

pas connaître n'ayantpas participé à sa négociation. Seul le textede

cette déclaration pouval it concerner,-maicselui-ci,quoiqu'onen dise,

ne laissaiten rien prévoir le texte dela conventionde 1919,qui - on

l'a vu - s'en écarteet restede ce faitpour l'Italieres inter alios

acta.

Le pointde vue italien sera répét àéplusieurs reprises, notamment

lorsdes incursions militaires françaid sess leTibesti. Dans sa note

de protestation du 19 mai1930 (mémoiredu Tchad,annexe125) le

Gouvernement italien rappelaia tu Gouvernement français que ce dernier

avait reconnu, en 1902, que la déclaration de 1899 entrF erlnaceet

l'Angleterre marquait pourla zone d'influence française par rapp àola

Tripolitaine et à la Cyrénaïque une limite ql ueGouvernement de la

République n'avaitpas l'intention dd eépasser. Cettenote revenait sur

le fait quel'Italien'lavait jamais reconnu la conventiondu

8 septembre1919,car elleavaitprofondément modifil éa déclaration

de 1899 aussi bien dans son contenu juridique qudeans son contenu

territorial.Et la note d'ajouter:

"Cette précisioenst faite sans aucun préjudid ces droits
qui découlent en faveur del'Italiede l'article13 du pactede
Londresde 1915."

Ainsi,au fil des années, la position italien anété constante : la

convention du 8 septembre1919ne lui est pas opposable.

Que répond à cela la France? Vousne serezpas étonnés, Messieurs

de la Cour,de constater que la thèse française corresd ponnd les

grandes lignes à celledu Tchad,exposéeaujourd'hui devantvous. Aux nombreusesnotesdiplomatiques italiennes répond deetombreuses notes

diplomatiquesfrançaises.

La thèse française est bien exposéedans lanote du 7 février 1923

(mémoiredu Tchad,annexe102). Elle se réfèred'abordà l'échangede

lettresdu ler novembre 1902 q,ui indique

"quepar la limitede l'expansion française ...on entendbien
la frontièrede la Tripolitaine indiquée pl arcarte annexée à
la déclaration du 21 mars 1899, additionnelà lla convention
franco-anglaisd eu 14 juin 1898".

De plus, toujoursd'aprèsle Gouvernement français, le tracéde la

lignenord-estest indiquéen pointillé, ce qui montq ruee cette ligne

n'étaitpas définitive.Ceci est d'autant plus vrai qu le paragraphe 3 W

de la déclaration de 1899,avantde décrirela ligne, disait : "Il est

entenduen principe."

Toujoursd'aprèsle Gouvernement français, la convention de 1919n'a

en rienmodifiéles dispositions dl ea conventionde 1899, ce qui résulte

de son dernier paragraph qui le dit expressément. Et après avoir

analyséla nouvelle lignel ,a note ajoute:

"Cetteinterprétations ,i voisinedu traité provisoire de
la cartede 1899,élargitlégèrement la zone d'influence
françaiseau préjudicedu domaineanglo-égyptien.Mais
l'espritde la déclaration de Londre est respectéet son texte
faisait déjà prévoir ceti teterprétation."

Retenons, Messieurs, que cette note reconnaît l'élargissement même

si léger de la zone d'influencferançaise.Mais,dans sa note du

21 juin 1924 (mémoiredu Tchad,annexe107)le Gouvernement français

rejetteral'argumentitalien d'après leque cet accroissement territorial

légeren faveur de la Franc est d'environ180 000 km2,

"Quelques centaines de kilomètres cat rrésau plus"dit la note

française. Dans sa note du5 mars 1930 (mémoirede la Libye,"Italian

Archives"annexe,p. 70), le Gouvernement françaa ifsfirmera: "la ligne qui,à l'estde Toummo,marquela limitedes

possessions française est la ligne définie pal'accord
franco-britanniqu du 9 septembre 1919 portant interprétation
de la déclarationfranco-britanniqu du 21 mars 1899, reconnue
par l'Italieen vertu de l'accor franco-britanniqu du
ler novembre1902".

Jusqu'iciil y a une certaine consistancdeans la positiodne la

France mêmesi elle estjuridiquement maf londée. Mais voilà que trois

mois plustard le Gouvernemenf trançaischangeson fusild'épaule. Cela

résultede la note du 25 juin 1930 (mémoiredu Tchad, annexe127). D'aprèscelle-ci,l'accordde 1902 entrela Franceet l'Italieprécisait

que le territoireinterdità l'expansionfrançaise étaitdélimitépar la

frontièrede la Tripolita-ine,ndiquéepar la carte annexé e la

déclarationde 1899. Et la note ajoute :

"Or, l'examende ladite carte révèle qu le territoireen
questionà partirde Toummoremonte vers le nord-estjusqu'aux
environsdu 2Se degré de latitude nordpour se diriger
ensuite franchement a nord. La ligne définie par'article3
de la déclarationfranco-anglaisd ee 1899 rencontre cette
frontière à son intersectionavecle tropiquedu Cancermais
ellene la traverse pas, en sorte que les territoq iureslle
partage entre la Franc et l'Angleterresontsituésentièrement
en dehorsde la zoneréservée à l'Italie."

Il en résulte quele tracé découlandte l'accordde 1919ne pouvait
-
léseraucundroititalien.

Et voilà, Messieurs, cett ligneque l'on avoulu opposable à

l'Italieen vertude l'accordde 1902 - cettelignedisais-je - a

disparu, ellen'a plus aucuneimportancecar de toutemanière elle se

situeen dehorsde la zoneréservée àl'Italie. C'estun véritabletour

de prestidigitateur qu'iconviendrait d'applaudir.

De toute manière,il est certain quela position français est

fluctuante.J'en vois la preuvedans une lettrd eu7 août 1928(mémoire

de la Libye,"French Archives" ,nnexe,p. 360)de M. de Beaumarchais,

ambassadeur de Franceà Rome,adressée au ministre françaidses affaires '.iI

étrangères Briand, dan laquellel'ambassadeur relat un entretienqu'il

a eu avec Mussoliniau sujet de négociations portant, entre auts res,

la frontière libyenne. M. de Beaumarchais proposque l'oasisde Djado

soit incorporée dan le territoirelibyen, maisà deux conditions :

1) que l'Italiereconnaisseque la Francea satisfaitaux exigences

du traitéde Londresde 1915;et

2) que l'Italiereconnaissel'accordde 1899 relatif aux frontières

de la Tripolitaine. Enfinl'ambassadeur ajoutaq it'ilavait indiqué à

Mussolini : "il étaitnécessairede déterminer d'une façon définitive lesfrontières de nos possessionsrespectives".

On croitrêver. La Francequi asoutenu dans diverse notes

diplomatiques que llltalieavait reconnule soi-disant partage

d'influence entre la Franceet l'Angleterre,la voilàen trainde

demander cette reconnaissancee,t non pas de l'accordde 1919- ce qui

aurait été normap luisquel'Italiene l'avaitjamais reconnu - mais de

celuide 1899. Et il ne s'agitpas ici d'unequelconque note

administrative interne française, m da'unedémarche officiell de

l'ambassadeur de Franceau chefde 1'Etatitalien. Vouloirnous dire

aujourd'hui, comme lefaitle Tchad, que la position françaé iseit

constanteet que cettefameuse lignd ee 1899a été opposableà l'Italie

depuis 1902, c'estvouloirdéformerla réalité.

Mais, indépendammendte ceschangements répétésdans la position

française, il convientde rejeter l'argumen d'aprèslequel letraité

de 1919,prenantsa sourcedans celuide 1899,se situaitentièrement en

dehorsde la zoneréservée à l'Italie. Car de deux chosesl'une. Ou

bien l'accordde 1902visait à la foisla Tripolitaine et la ligne

découlantde l'accordde 1899,ou bien il ne visait que la Tripolitaine.

Dans le premiercas, il va sans dire que la ligne découlandtu traité

de 1919 empiétaitsur les droits de l'Italie, puiss quetracé était

modifié en défaveur d cet Etat,et en plusen modifiait ln aature. Ou

bien l'accordde 1902ne visait que la Tripolitaine, mais dans ce cas la

thèsefrançaiseignoreque, depuis 1912, l'Italiea succédéà la Sublime

Porte dans la région dat nsusses droits. Succession reconnu par la

France en 1912et par la Franceet l'Angleterre dans le traitéde 1915.

On peutdire ce que l'onveut, mais l'on n'échappe pasà cette

alternative.Selonque l'on choisissel'uneou l'autre solution on

arrive toujoursà la conclusionque l'accordde 1919 touchait aux droitsde l'Italieet que l'Italieétaitdonc fondée dans ses protestationset

dans son refusde le reconnaître.

Monsieur le Président Messieursles juges,dans ses écrituresla

Libye a montrédes divergences profondes ent reattitudeanglaise et

cellede la Francefaceaux protestations italiennf esrmuléesà la suite

de l'accordde 1919.

Quantau Tchad,il s'estefforcé deles minimiser pour arriver à la

conclusion que lp aosition de cedseux Etatsétaiten réalitécommune.

Pourtant, les faits sont les faitset la divergence existe comj me le

soulignerai maintenan en analysantla positionanglaise.

L'Italie adressai lte 10 décembre1921 auGouvernement anglais j,e

viens del'indiquer, une notede protestation indiquaq nut'ellene

pouvait pas reconnaîtl reaccordde 1919pour les mêmesraisons contenues

dans la note adresséeau Gouvernement françai lse 12 décembre 1921,t

que je viensd'analyser.

Contrairement à la France,l'Angleterre est beaucoupmoinssûre de

son bon droit en ce qui concerne l'accordde 1919. Vous trouverez

d'ailleurs dans lea snnexesau mémoirelibyen("British Archives",

annexe,p. 138-149)des notesinternesanglaisesqui examinent le

problème. Dès le début (p. 138) il est dit :

"In thislong andvery complicaten dote the Italian
Ambassadorhas put his fingeron a certain discrepancy between
Our conventionswith the Frenchof March21st,1899,and

September 8th, 1919 relatingto the frontierbetweenBritish
and Frenchpossessions in North-East Africa."

A la page suivante,cettenote reconnaîtqu'au moment de la

négociation du traité de 1919on ne saitpas si l'on a tenu comptede ses

effetssur le territoire italien, mais l'onadmetque le traitéavait

pour effet d'étendr les territoires françai dans la région. Et la note

ajoute :

"On the otherhand we are partiesto theAnglo-French
conventionand as suchthe Italianshave a rightto protestto
US."
0453C/CR/17/T5/lc La mêmenote interne poursuite ,t cela montrel'embarras de

l'administration anglais qu,'ilestnécessaire de consulterle

Gouvernement françai et que l'on pourrait répondre l'Italieque le

tracéde la lignede 1899 donnait une indicationgénéralede la

frontière,qui a été interprétéeet préciséeen 1919. Mais l'auteurde

la note n'estpas dupe car il ajoute : "TheItaliansare not likelyto

accept thisargument."

Et prenantau sérieuxles prétentions italienne il,ajoute :

"Moreover, if we should proveto be wrongand the Italians
rightwe should bein the position ofhavingcededto Francean
area to whichwe had no title."(Mémoirede la Libye,"British
Archives",annexe,p. 143.)

Monsieurle Président, Messieurs les jugj es,ne pense pas qu'il

faille donner tropd'importance à des notes interne des administrations

étatiques, car sur le plan internationalleurvaleur probante est

relative; elles peuvent cependi andtiquerles circonstances dans

lesquelles les décisions ayanutn véritableeffetinternational sont

prises.

A l'occasion, censotes internes montrent seulemq ent

l'administration anglai neesait pas trop comment répondreàla note

italienne, qu'elle n'est pas sûre sonebon droit, qu'elle admq et'ily

a eu en 1919un changement par rapportà l'accord de 1899,puisqu'elle

reconnaît qu'iy l a eu cession de territoiren faveurde la France.

En tous lescas, et c'estce quinous intéresse, la réponse

officielle anglaiseà la note italiennen'essaye pas de justifier

l'accordde 1919en disantque le tracé de la lign de l'accordde 1899

ne donnait. qu'uniendication générale dla frontière qui avai dès lors

été interprétée et précisée,ce quiaurait été conforme à la thèse

française commo en l'a vu. Non, la noteanglaisese placesur un terrain

juridique plus solid et qui étaitbasé sur une solutiop nréconiséeà

l'intérieurde l'administration (mémoi deela Libye,"BritishArchives",

annexe,p. 147-149).

0453C/CR/17/T/5lc Cette réponse anglaisd e, 5 février 1923,à la protestation

italienne mérite d'êtrecitée en détail (on la trouveraau mémoirede la

Libye, "ItalianArchives";annexe,p. 38-40). Elle est conform e la

thèselibyenne. D'après cette note en effet, iln'estpas question que

la déclaration de mars 1899et le traitéde 1919 "Couldin any way

disposeof territory belongingto a third power", et .la.noteajouteque

la déclaration de 1899 :

"merelydefined the limito sf two spheresof political

influence ... The situationis not in any way changed by the
convention of 1919 ... Thisbeingthe case, the convention
doesnot and couldnot dispose of any Italian territory aatl1
and if any of the area comprisedbetween the twolinesreferred
to in the Anglo-Frencdheclaration of 189 and the agreement
of 1919 respectivelyis in factItalian territoryt ,he rights
of your Excellency's governmeo nter thatportionof thearea
are unaffectedby the convention."

Pour finir la note anglaise ajoute:

"If the ItalianGovernment have any rightosf sovereignty
in the area in questionthey can onlyhave beeninherited from
the TurkishGovernrnent."

Le Gouvernement anglais maintienp dara la suiteson analyse de la

situation juridique dan la région.

La Libyea montré dans ses écriturescombien la position anglaise

divergeait de cellede la France. Le Tchads'estefforcéde minimiser

cette divergencep ,ourtantelleest biennette.

La France estime qulee traitén'est qu'une interprétati denla

déclaration de 1899,qu'ilne changepas grand-chose à l'affaireet que

de toute manièrel'Italieest liéepar l'accordde 1902. L'Angleterre

réserve au contrair tousles droitséventuels de l'Italie. L'accord

de 1899 et celuide 1919 : "couldnot dispose of any Italianterritory at

all" et, plus loin, aucundee ces deuxconventions "coul dn any way

disposeof territory belongingto a thirdPower." On noterad'ailleurs qul e'Angleterrese placesur le terrainde la

succession dlEtats. Si l'Italiea des droits,ilsne peuvent que

découlerde ceuxpossédés-par la Turquie. La France, dansses notes

diplomatiques, est silencieusesur cepoint. Celadit, lanote anglaise

ajoute : "Thequestionwhether any of this areais Italianterritoryis

one of fact,in whichthe onusof prooflieson the ItalianGovernment."

Sans doute,la chargede lapreuveincombe à celui quiaffirme

l'existence d'un fait. Mais, dans lecadrede ma plaidoirie, le problème

n'estpas de savoirsi l'Italieavaitou non des droits dans lr aégion

contestée, le problèmeest celuide l'effetdu traitéde 1919 sur les

droitsque l'Italieprétendait avoir. Or, contrairementà la Francequi

estimeque cetraitéest opposable à l'Italie,l'Angleterre esd te l'avis

qu'ilne pouvait avoir aucuneffet sur leséventuelsdroitsitaliens.

C'estbien cela qu'ilfautsouligneraujourd'hui.

La divergenceentre laFranceet l'Italieest importante aussa iu

sujetde la nature de la ligne. On se souvient quel'Italieavait,entre

autres, justifiél'inopposabilitéà son égarddu traitéde 1919du fait

du changementdans la nature de la ligne.

Que répondà celal'Angleterre, alorsque la Francene répondrapas

à cet argument ? Toujoursdans la note citée,le Gouvernement italien

rappelle que la déclaration de1899ne faisait quedéfinir leslimitesde

deux zonespolitiques d'influenc et ajoute : "Thesituationis not in

any way changedby the conventionof 1919."

On est loin,Messieurs de la Cour, dela thèsefrançaise, on est

loind'une frontière, on est toujoursdansun partagede zonespolitiques

d'influence;et je croisque le terme politiquemérited'êtreretenu.

En tous les cas,de l'avisdu Gouvernement anglais n 'y a jamaiseu de partageterritorial.Et nousne soutenons pas autrc ehose. La Libye

soutientqu'en1919 iln'y a pas eu de délimitationde frontière,et que

si celle-ciavait eulieu; ellen'étaitpas opposable à l'Italie.

Le Tchad,pour expliquer cette divergen d'einterprétatioenntre la

Franceet llAngleterre,aavancéun argumentpour le moins surprenant. On

nous dit, on vous dit,Messieursde la Cour, quel'interprétation

anglaises'expliquepar le fait que l'Angleterree, définitiveet

contrairementà la France, n'était pas particulièrement intéressée dans

la région(contre-mémoirdeu Tchad,p. 321-322). Curieux argumenetn

effet. 11 conviendrait- si j'aibien compris- de préférer

l'interprétatiod nonnéepar la France au traitde 1919 à cellede

l'Angleterredu faitque lapremière avaid tes intérêts importants dans

la régionqui fait l'objedtu différend actuel.Voilà une nouvelle

méthoded'interprétatiod nes traités quel'on chercherait en vain danla

conventionde Vienne de1969sur le droitdes traités. En vérité,ce

seraitl'interprétation inverse qu'il faud adoptter,tant il est vrai

qu'unEtat non intéressé fournir une interprétation plu objective.

Au surplus, faceà des interprétationdsivergentes, iconvientde

retenir cellequi est la plusconformeaux principes élementair es

droitinternational.

L'interprétatiodne l'Angleterrea le méritede la simplicité. Elle

reposesur deux piliers:

1) la déclaration de1899 aeu pour conséquenceun partageen deux

zones politiques d'influence;

2) le traitéde 1919ne pouvait en rien modifier cettatde choses

ni porter atteinte auéxventuelsdroits quel'Italiepossédait dans la

régionen tant qu'héritière des droi dtsla SublimePorte. Le premier argumenetst conformeau principed'aprèslequel deux

Etatsne sauraientse partagerun territoire sur lequelilsn'ont aucun

droit. N'oublionspas qu'en 1899ni l'Angleterre ni la Francene sont

présentesdans larégion.

Le deuxième argumenetst conformeaux principesdu droit

international le moins contesté,à savoirle principede l'effetrelatif

des traitéset le principe de la successiond'Etaten matière

territoriale.

En revanche,l'interprétatiot nchadienneest le résultatd'une

véritable acrobati juridique. D'aprèselle, puisque l'Italieavait

reconnuen 1902 le partagede 1899en zones politiqued s'influence, elle

doit reconnaître en 1919: a) une véritable délimitation frontalière

qui étaitla conséquence logique d ce partage politique;b) un

changement du tracé de la ligne de 1899, puis queui-ciétaitincertain.

Je l'aidit et je le répète :admettre la thès de nos honorables

contradicteurc s'estaller à l'encontredu principede l'effet relatif

des traités. L'acceptec'est abandonnelr'unedes règlesles plus

solidesdu droit international.

Ainsije crois avoir démontré ql ue traitédu 8 septembre 1919

entrela Franceet l'Angleterre n'a pas eu pour effet d'établiurne

frontière opposableà l'Italie. En 1919, comme auparavanl t, situation

n'a pas changé,il n'y a toujours pas de délimitation frontal dière la

région : questionqui fait l'obje du différendqui vous est soumis.

Je ne m'arrêteraique brièvement su r'accordde 1924entre

l'Angleterreet la Franceet celuide 1934entre l'Angleterre et

l'Italie. Que se passe-t-ilen 1924 ? Conformémentà la déclaration

de 1899, unecommission anglo-françai aseu pour tâchede délimitersur

le terrainla frontière entrel'Afriqueéquatoriale français et leSoudananglo-égyptien, en se conformantaux indications donnéea su

paragraphe 2 de cette déclarationmodifiéepar la convention de 1919.

L'accorddu 10 janvier 1924prend acte des travauxde cette commission.

Or, si celle-ciavait suivi les indications contenuespa aragraphe 2 de

la déclarationde 1899, la démarcationde la frontière aurait dû

s'arrêterau point de latitude 15' 45' avec-le24O de longitudeest.Mais les travauxde la commission oné tté poursuivisbien au delà

puisque,d'aprèsl'accordde 1924(section VIII, alinéa g), annexe10

du mémoiredu Tchad) :

"A partirde l'intersectiod ne l'ouedavec le méridien
24", la frontière suit le méridi 24O en directiondu nord,

jusqu'àsa rencontreavec le parallèle19' 30' nord."

Ainsi le méridien24O qui devaitêtreune limitede la zone

politique française devient une véritable frone ti,èconformément

ainsià l'accordde 1919, lepointd'arrivéede la lignequi part du

tropiquedu Cancerest fixé auparallèle 19O 30', ce qui,nous l'avons

déjà vu, empiétaitlargement sur les droits ql ueItalieprétendait avoir

dans la région.

On ne s'étonneradoncpas que l'Italie, dansune notediplomatique

au Gouvernement anglai du 28 février 1924,protesteet contre letraité

de 1919et contre cette démarcatid on la frontière(mémoirede la Libye,

"British Archives" annexe,p. 180).

A première vue, iyl a certainementune contradiction entr la

position anglaise expriméeà l'Italiedans sa note diplomatiquede 1923,

d'aprèslaquellel'accordde 1919ne sauraiten rien toucheraux droits

de cette dernière danl sa région,et cet accordde 1924. Les raisons de

cette contradictio nous échappent, Messieur de la Cour,mais cette

contradictionn'a guèrede conséquence au pointde vue juridique.

Sur le plan desrelationsinternationales, ar uegardde l'Italie,

seule compte l'attitua deglaise à son égard,à savoir que les accords de

l'Angleterre avec la Francene sauraient porteartteinte aux droit de

l'Italiedans la région. De toutemanière,l'accordde 1924,commecelui

de 1919, en vertudu principe del'effetrelatifdes traités,ne lui est

pas opposableet cela d'autant plus quel'Italieproteste. Ainsi,la France etl'Angleterre peuvent délimiter, démarquer toutes

les frontièresqu'ellesdésirent, ces actes sont dépourd vuvaleur

juridiquedès lors qu'ils'empiètenstur les droitsd'un autreEtat.

D'ailleurs, la démarcations'estarrêtéeau parallèle 19" 30' et ne se

poursuitpas versl'ouest,ce qui montre que dans l'espritde la France

et de l'Angleterrece segmentne constituaitpas une frontière.

Le traitédu 20 juillet1934entre l'Angleterre, 1'Egypteet

l'Italiea pourbut de délimiterla frontière entre le Soudanet la Libye

et a pour objetde préciserque le trianglede Sarraappartient à la

Libye. Les négociations qui ont précédé cet accordnt été exposées en

détail dansle mémoire libyen(p. 303-314),et il n'y a pas lieud'y

revenir. Ellesmontrent que l'Angleterrereconnaissait qu'en 18e 99

1919 il n'y avait entreelleet la France qu'une délimitati denzones

d'influence et quel'Italiese posaitcomme Etat successeur des droits de

la Turquie. Mais cequi me semble plus importantencorec'estle texte

même du traité.

"Partantdu pointd'intersectiodnu 2Se méridienest de
Greenwichet du 22e parallèlenord, la ligne frontière suit
la lignedu 25e méridien, en directiosud,jusqu'àson
intersectionavec le20e parallèlenord;de ce point,elle
suit le 20e parallèle nordn direction ouestjusqu'àson
intersectionavec le24e méridienest de Greenwich;de ce
point, elle suit le4e méridienest de Greenwichen
direction sudjusqu'àsa jonctionavec lafrontière des
possessionsfrançaises." (Mémoideela Libye,"International

Accords and Agreements", ann2 exe)

Cette dispositiodnu traité doitêtrelue en liaison avecunpassage

du communiqué officiedles troisgouvernementsqui apparaît maintenant

sur l'écran(no 62 du dossiervert). J'attire votre attentis onr les

termes"stillto be fixed", ce qui montre que dansl'espritde ces

gouvernements la ligne frontia èrec les possessions françaises doit

encore êtredélimitée. Mais un des signatairesn'estpas n'importequi. Il s'agitdu

Gouvernement anglais lp iér les accordsde 1919 et de 1924avec la

France.

En s'exprimantcommeil le fait,en concluantle traitéde 1934,le

Gouvernement anglais montre une f deiplus qu'iln'a jamaisvoulu

empiétersur leséventuels droits italiens. La limite-des possessions

françaises estindéterminée.Elle devraitse situer,d'aprèsle traité,

quelque part le longdu 24e méridienen directionsud.Mais où ?

Mystère.

Dès lors,toutau moinsd'après l'historiquede la question,trois

points sont possible toutau longdu 24e méridien. Soit celuide la

jonctionau parallèle19O 30'. Mais sûrement pas pour l'Italie, qui a

formulédes protestations à l'égardde l'accordde 1919. Soit celui

résultant du livre jaune,à savoirlgO,ou enfin letracéde la zone

politiqued'influence de 1899,qui mène au parallèle15' 35'. Mais

d'autreslignes sont possiblescomptetenudes droitsde la Turquie dans

la région.

Messieursde la Cour, ily a sans doute unecertaineincohérence

dans les positionasnglaiseet française ence qui concerne une

éventuelle délimitation dp esssessions entre lFranceet l'Angleterre

dans larégion. Mon but ici estsimplement de vous montrer qucees

incohérencesne peuvents'expliquer que par le faitqu'iln'y avaitpas

de délimitationet que, si l'Angleterreet la France,à travers les

accordsde 1919 et 1924avaientvoulu y parvenir, cette délimitation

n'étaitpas opposable à l'Italie. L'accordde 1934en est une preuve

supplémentaire.

L'examende la périodequi va de1919 à 1934montre que la situation

juridique auregardde la délimitationde la frontière entre la Fran cel'Italiedans la zone en question,à traversles deuxtraitésde 1919,

ceuxde 1924 et de 1934,est restéesans effet. 11 n'y avait pasde

frontièreen 1919,il n'y-ena toujours pas e1 n934.

Vous avezmaintenantsous lesyeux une carte géographiqu(ecarte

no 63 du dossiervert) qui montre,en 1934, lesfrontières résultan des

règlements conventionnels. A l'ouest,la frontièreestdélimitéejusqu'à

Toummoainsiqu'à l'estentre l'Italie1 ,'Egypteet le Soudan. Tout

resteà faireau sud entrel'Italieet la France.

Monsieurle Président, Messieursles juges,il me resteraità

examinerles négociations franco-italiennes quont abouti à la
v
conclusion du traitéde 1935,ellesont été examinéesen détail dans les

écritures libyenne et, ne voulantpas alourdirmon exposé, je me permets

très respectueusemendte vous y renvoye(rmémoirede la Libye,p. 280-302

et 314-323).

Je vous remercieM,essieurs dela Cour,de votreattentionet je

vous prie de donnerla paroleà mon collègueM. Condorelli peut-être

aprèsl'interruptiod ne la matinée.

The PRESIDENT: Thankyou verymuch ProfessorCahier. 1 think

perhapsit wouldbe convenient to takeOur breaknow and then

ProfessorCondorellican occupythewholeof the time afterwards. Thank

you verymuch.

L'audience est suspendue d11 h 10à 11 h 30. Le PRESIDENT: ProfessoCondorelli.

M. CONDORELLI :

Introduction

Monsieurle Président, Messieurs lj esges,en reprenantla parole

devant vous, je voudrais commence par vous annoncerles thèmessur

lesquels porterm aa plaidoiried'aujourd'hui.

Dans unepremière partie, j'ai l'intention,avec votre permission,

d'interrompre pendantun court moment la séquence histori que

événements : je voudraism'arrêtersur lescartes géographique dse source

italienne représental nat Libye. Mon but est d'étudiers'il est vrai,

commele Tchadle prétend, que ces cartes confirmeraient l'acceptation

par l'Italiede la lignede 1899ou de cellede 1919 en tant que

frontière méridional de la Libye, ou sipar hasard ces cartn es

prouventpas exactement le contraire.

Après cette étudd ee cartes, dans ma deuxième parj tiereprendrai

le fil de l'histoiredu différend au pointprécis où le professeur Cahier

s'estarrêtédans sa plaidoirie d'ily a un moment. Ma tâche serici de

présenter à la Cour les accords de Rod me 7 janvier1935, dans lebut de

démontrerque,même sile traité de1935n'est finalement pas entr en

vigueur à causedu défaut d'échangd ees ratificationsl,es accords

Mussolini-Laval prouvent l aefaçon la plus clair et la plus décisive

qui soit uneconclusion qui,par ailleurs, s'imposait déjà auvu de

toutesles preuves fourniep sar l'étude des événements antérieurs à

savoirqu'avant1935 aucune frontière n'avait été délim aifinede

séparer les possessions frança iseitalienneà l'estde Toummo.

Après cela, dans la troisième par deieon intervention,

j'examinerai quelques-uns des événements postéri eurs35, afinde

montrer que la pratique subséquente des parties confirme ultérieurement

l'absencede frontière dans la régionen question.

0458C/CR/17/T/8lc Enfin,dans la quatrième et dernière parti je,me pencheraisur le

traitéde paix de 1947,dont il s'agirad'étudierles effets par rapport

au présent différend.

PREMIERE PARTIE

LES CARTES ITALIENNES

1. A propos de la thèsedu Tchadd'aprèslaquellel'Italieaurait fait
siennela cartefigurantdans le Livre jaune

Monsieurle Président, Messieurs les jugd es,s lesprécédentes

plaidoiries, la Libyea démontré que l'Italien'a jamaisreconnuni la

lignefigurantdans lacarte publiée danl se Livrejaune de1899,ni

cellede la convention franco-anglaisd ee 1919,et n'a jamaisaccepté,en

particulier, de considérer l'une de ces lige nestantque frontière

méridionale de la Libye. Cette démonstration maintenant, avec votre

permission, va être complétéeà travers l'étuddees cartesd'origine

italienne, qui en confirment harmonieusement les résultats.

A vrai dire,dans sa réplique, la Partie tchadiep nrnetendle

contraire. Sa thèseest que l'Italie, aprè 1902,auraitelle-même

adoptéla cartedu Livre jaune et s'en serait servie dasnss diverses

négociations avec la Grande-Bretagne; t outien étant parfaitement

consciente que la care te question n'avait pasété annexéeà la

déclaration de 1899.
.
Mais voyonssur quoiune telle thèse prend appui A.la page 55 de

sa répliquele Tchad fait figurer une carte qu vous verrezapparaître

maintenant à l'écran. Il s'agit apparemmen d'un extrait partiedle la

cartedu Livre jaune, sauq fue l'encartidentifiantles diverses lignes

a disparuet que des mots en italien- que vous pouvez voir maintenan-t

ont été rajoutéàs deux endroits,en particulier poucre qui est de la

légende "déclarationfranco-anglaisdeu 21 mars 1899". Cette légende,vous pouvezle voir, suit la lign d'est-sud-estqui, tant dansla carte

du Livrejaune qui apparaîtra maintena nte dans cettecarte-ci,

indiquede façon erronéela lignede strictsud-estde l'article3 de la

déclaration.Vous pouvez void roncque c'estbien la même ligne qui

apparaît dans ledseux cas.

Nous revenons maintenantà la cartequi figuredans la répliquedu

Tchad. Qu'unceartecomportedes motsen italien, voilà qui prout veès

peu. Pour en tirerun quelconque indiceà l'encontre de l'Italie,il

faudrait démontreqru'il s'agit'une carte officielle italienne et

qu'ellea été utilisée par l'Italiede façonà impliquer la

reconnaissancd ee chacunedes lignesqui y sont tracées, notammende

cellequi intéresse le Tchad. Maisnos contradicteurs se gardent bien de

démontrerquoi que ce soit à ce sujet.

D'où vient cette carte? En fait,on n'en sait rien. Le Tchad l'a

trouvée annexéeà un memorandwndu ForeignOfficeconcernant certaines

discussions de 1911 entre la Grande-Bretagenel'Italieau sujet dela

frontièreentrela Libyeet 1'Egypte(réplique du Tchad, annexe23).

Dans ce mémorandum ielst question d'unenote diplomatique italienne,

mais on ne dit pasdu toutsi cette noteétaitou non accompagnée d'une

carte;de toutefaçon,la note italienne à laquelleon se réfèren'est

pas annexéepar le Tchad. Mais même si l'on admettait,à de pures fins

de discussion, que lcaarte enquestionavait étéréellement remisp ear

une ambassade d'Italiei,l se serait très évidemmeanti d'un support

utilisé afin d'illustrerla positionde l'Italieau sujet d'unefrontière

qui n'avaitrien à voir avec laFrance, dans le cadre d'une négociation

avecun ~tatautre quela France.
De plus,rienn'estpréciséquant à la

naturedes diverses ligneqsui sont tracéessur cettecarte.

Messieurs les juges, vous pourriez vous demander pourquoi la Partie

tchadiennefaitune montagne d'ui nndiceaussi douteux qu'une carted'origineincertaine, au contenu ambiguet provenantd'archivesd'un pays

tiers. Pourquoile Tchadne base-t-ilpas plutôtson analysesur les

nombreusescartesitaliennes officielles, tou àt fait officielles,

d'avant et d'après1912 ? La réponseest simpleet elle est accablante

pournos aimables contradicteurs : c'est que toutelses cartes

italiennes, sans aucune exception, contredisent radicale lesnt

allégations de la Partieadverse. En effet, tout commlees cartes

britanniques quv ious ont été montrées pamon collègueM. Sohier, les

cartes italiennes officielles montr lantignede l'article3 de la

déclaration de 1899comme orientée exacteme autsud-est(etnon pas à

l'est-sud-est), et indiquent clairemenqtu'ilne s'agitnullementd'un

tracéde frontière. Dansun instant,j'auraile plaisirde montreret de

commenterces cartes,ceci d'autant plus que, curieusemenl t, Tchad

sembleen ignorerl'existence.

Mais je le ferai après avoidrit deux motsd'un argumentnon

cartographiquem ,ais connexe, que la répliquue tchadienne voud tiretr

de la réponse à une interrogation parlementaire donl née

12 décembre 1914 par le sous-secrétairde'Etataux colonies,

M. Gaetano Mosca,au cours d'une séanc du Parlementitalien(réplique du

Tchad,annexe28). Il étaitquestion de l'appartenanc e la Franceou à W

l'Italied'uneoasis près de Ghat,qui avait été occupée pa les

Français; et, dans lesmotifsde sa réponse, le représenta dut

Gouvernement italien faisait effectivement référence, taà la

déclaration franco-anglaisdee 1899,qu'à la carte"quifut rédigée à la

suite",afinde justifierle pointde vue italien. Voilà qui,d'aprèsle

Tchad,prouverait quelle importancel'Italieaccordaità la déclaration

de 1899. Franchement, Monsieu le Président,on ne saisitpas trèsbien la

logiquede cet argument, qui n'a pas de pertinence par rappoa rt

territoire quiest l'objetdu présentdifférend. D'abord, M. Moscane

parle pas, n'identifie pas la carte donitl parle.Ensuite,il est tout à

fait clairque M. Moscase réfèreà la zonede Ghat,une oasisprès de

Ghat,or cettezone est à l'ouestde la Libye,du côté algérien,et non

pas au sud: la référence à la carte,que ce soit celle duLivre jaune

ou une autre carte, ne concerne doncque lesconfins occidentau de la

Tripolitaine, et non pas la frontière méridionale; autremd ent, la

lignedontM. Mosca discute n'est pas cel deel'article3 de la

déclaration de 1899,mais la ligne ondulée entourl anTripolitaine qui

ne formel'objetd'aucune dispositio de la déclarationet qui n'a jamais

été une frontière au sensjuridique, puisqu'ils'agissait, comme vous

l'avezentendu,d'unesimple indication de caractère géographique

relative à une limite que la France s'était enga àgéee pas dépasser.

Il faut rappeler à cet égardqu'untel engagemenn te pouvait pas être

explicité par M. Mosca, puisqu'il découla its accordsde 1900-1902qui

à cetteépoque-làétaient encore secret :sdes accords qui, comm la

Libyel'a démontré, n'avaient rien à voir avecle sud libyen mais

portaientsur l'ouest. Et - souvenons-nous e n en 1912l'Italiecroyait

toujours ce que la Franl cei avaitindiqué à torten 1902 : c'est-à-dire

qu'unecarteétaitannexée à la déclaration de 1899 alors quen' céetait

pas le cas.

A vrai dire,dans la répliqud eu Tchadon trouve l'affirmatio très

curieuse d'après laquelle u phrasede la déclaration du sous-secrétaire

d'Etatitalien impliquerai la "parfaite connaissand ces circonstances

dans lesquelles a été établie la carte de 1899" (répld iuqTchad,

p. 62, note6). Mais l'argument n'est pas très série puisqu'ildépendd'unemauvaisetraduction de l'original italie nM. Moscaavait parlé

d'unecarte(onne sait pasci c'estcelledu Livre jaune?) en

l'indiquant commerédigée'"à la suite"("inseguito",en italien)de la

déclaration de 1899,et non pas "après"cette déclaration,commele Tchad

le prétend(à tortdu moinsà la page 62 puisquedeux pages plus loin, il

en donneen fait la bonnetraduction). Non pas donc "après"mais "à la

suite". Or "à la suite"en anglais "pursuan to",n'implique pas

nécessairementune séquence temporelle en l'espèce,c'estla connexion

entrela déclaration et la cartequi estmise en évidencepar cesmots:

c'estque M. Moscane soupçonnait padsu toutque la carte prétendument

annexéeà la déclaration de 1899étaiten faitune belle inventiod ne la

diplomatiefrançaise:

2. Les cartesitaliennes officielles

J'en viens maintenantà la cartographie officielle italieq nne,

pourrabien nouséclairer sur les convictio desl'Italieconcernant la

questionde la frontière méridional de la Libye. Voici apparaîtrà

l'écranla cartede l'Afrique publiépear le ministèredes affaires

étrangères italienen 1906 (c'estune cartequi figuredans laréplique

libyenneet que vousavez dans votre dossier auno 69) donc quatre ans

aprèsl'accordfranco-italien de 1902. Plusieurslignesapparaissant sur

cette cartesont identifiées.D'abordla ligne représentan ltes

prétentions--ottomanes1 de90. Puisune ligne entouran la Tunisieet

qui vajusqu'àGhadamès(cetteligne s'explique parc que lacarteest

antérieurede plusieurs annéesau traité de1910relatifà la frontière

entreTunisieet Libye). A l'est est montrée, entre autresla ligne

ButrosGhali-Cromer de 1899,qui sépare llEgyptedu Soudananglo-égyptien

e
suivantle 22 parallèle. On trouve aussi les lignd es la déclarationanglo-françaisd ee 1899: commeon peut le constater, la lignede

l'article3 est représentée comme une ligne rigoureusement ori auntée

sud-est;quant à la lignede l'article2, deuxpartiessontmarquées

alorsque celle entre lle et lse degrésde latitude nordest encore à

définir.

Vous remarquerez, Messieurs l Juges, quesur cettecarte

n'apparaîtpas la ligne ondulée qui, dans la cad rtLivre jaune,

entourela Tripolitaine. Le profil généradle la Tripolitaine,de la

Cyrénaïque et du Fezzanest montrépar une couleurjaune,alorsque la

zoneau sud et à l'ouestde la ligne de l'articl 3ede la déclaration

de 1899 estmontréedansune couleur blanche, av unce légende indiquant

en italien: "zonr eevendiquéepar la Franceet la Turquie".

Monsieurle Président, cette carte démontreà elleseulecombien

sont erronées les allégations tchadiennes concern lansignification et

les effetsdes accordsfranco-italiend se 1900-1902.Un coupd'oeil

permetde constater visuellement, p remierlieu,qu'en1906 l'Italiene

reconnaissait pad su toutqu'une frontièrdee la Tripolitaine avai été

établieen 1902. En deuxième lieu, l'Italierelevait que l'hinterland

tripolitain était toujou r'objetd'un différend entr la Porteet la

France,un différendqui étaitdonc à considérer comme encoà rerégler.

En troisième lieui,l est évidentqu'en 1906 l'Italieétait convaincue

que la lignede l'article 3 est rigoureusement orientaée sud-est, ce

qui veutdire que l'Italien'accordait pas la moindre importanc àela

ligned'est-sud-est figurantdans la cartedu Livre jaune. Enfin,en

quatrième lieu,du pointde vue italien cette dernière lig n'était

certainement pascensée représente la délimitation entre les possessions

ottomaneset celles de la France, puisq leeterritoireau sud-estest

indiqué comme revendiqe uémême tempspar les deuxpays. Venons-en maintenant à une seconde carte,qui apparaît à l'écran

maintenant : celle publiée par le ministèredes affaires étrangères

en 1912, que la Libye a fait figurerdans sa répliqueet que vous avez

dans votre dossierau no 70. Parmi les lignes tracéesen des couleurs

différentes,on reconnaîtla frontière entre Libye et Tunisie,qui a

Ici
formé l'objetde l'accordde 1910 et qui arrivejusqu'àGhadamès.

non plus, on ne voit pas la ligne ondulée entouranl ta Tripolitaine dans

la carte du Livre jaune. Mais surtout,la ligne de l'article 3 de la

déclarationde 1899 est représentéeencoreune fois comme une ligne de

sud-est.Même chose, concernant cette dernière ligne toujours, dans la

carte de 1917 du ministèredes colonies, que la Libye a reproduite dans

sa répliqueet que vous pouvez voiren ce moment à l'écranet au no 71

dans votre dossier.

Monsieurle Président, ilest étonnantque, parmi les quelque

cent soixante-deux cartes rassemblées dans l'atlas cartograpq hique

accompagnele contre-mémoire du Tchad, on ne trouveaucune,je dis bien

aucune,des cartes officielles italiennes qj uee viens de montrer,et

ceci en dépitdu fait que,par exemple, la carte de 1906, la première que

je vous ai montrée, soit précisément mentionnée dd ans documents

produits par les deux Parties dans cette affaire. Encore plus étonnant

est que le Tchad - comme on l'a vu - fasse par contre appe l une copie

amputée dela carte du Livre jaune : une copiede source inconnue, dont
.
la force probatoire dépendrait essentiellement, semble-t duifait que

des motsy figurenten italien ! Mais continuons à observer les cartes et regardons mainte unent

autre carte officielle qui apparaîtà l'écran :c'estcelle publiée en

1926par le ministèredes?colonies italien(ellefigureau no 72 dans

votredossier). Nous sommes maintenan dix ans plus tard, etla

frontière occidentale deLl ibyeest désormais établie jusqu'àToummo,

puisqulentretempl s'accordfranco-italied ne 1919,dont M. Cahiera

parlé,est intervenu.Mais à l'est deToummo, rien n'esi tndiqué, aucune

délimitation n'ayantété tracéeprécédemment.On remarquera aussq iue

sur cette carte ne figureplus la lignede l'article3 de la déclaration

de 1899. Par contre,a l'estde la ligne figure, bien entendu,la

frontière avec llEgypte,qui aété fixéeen 1924, deux anp slus tôt donc.

Passons sivous le voulez bien encoreà une autre carte : ici,c'est

la carte2 officielle italienn de 1937,qui est reproduite dans le

contre-mémoire libye et au no 73 de votredossier. Cettefois-cion

voit figurerla lignedu traité de Rome de 1935,dont je vais discuter

toutde suiteaprès. Je me permets d'attirer votre attents ioncette

carte,en anticipant quelqu peu sur l'exposé suivant, pour compléter

l'analyse cartographiqs uens interruptions,ais aussi pour signale que

ce qu'onvoit figurer maintenant à l'écranest bien la seulecarte

officielle italienn qui figure dans l'atlas cartographi queadien. Un

hasard véritablement extraordina aifaiten sorte quenos éminents

contradicteurs n'ont trouvé dans leurs recherches d'archil veseuule

carte italienne officiel qui soit inoffensive pour eux, alors qun 'ils

sont tombéssur aucune de celleq sui portent'gravemen tréjudiceà leur

thèse.

Passons encoraeux deux dernières cartes: d'abord cellede 1939,

que vous voyez ici eqtui correspondà celle publiée dans le

contre-mémoirleibyen comme carteno 54, et puis cellede 1941,qui figuredansvotre dossier au no 74. Je ne crois pas quej'ai besoinde

m'arrêterlongtempssur ces deux cartes, puisquà l'instarde la carte

de 1926 (que j'aimontrée-il y a quelquesinstants),ces dernières cartes

ne comportent aucune ligneà l'estde Toummo :le traitéde Romen'est

pas entréen vigueur finalement, donc é ilaitnormald'afficher de

nouveaul'absencede toute frontière dans la région.

3. L'incidentde la carte scolaire italiend ne 1930

Monsieur le Président, Messieurs les juj geas,parléjusqu'à

présentdes cartes officiellei staliennes.Mais ily a encore unecarte,

quasi officiellc eelle-ci,mais très intéressante, dont i convientde

discuter brièvement :c'estla carte scolaire de 1930,qui fut à

l'origined'un incident diplomatique tr instructif entre la France et

l'Italie. La voici apparaîtr e l'écran. L'histoirea été racontée en

grand détail dans les écritureslibyennes(mémoirede la Libye,

par. 5.278-5.279 et cartesnos 78 et 79; répliquede la Libye,

par. 6.200-6.20 5t carteLR 16E; répliquede la Libye,vol. II,

"Supplementary"a ,nnexe5.10),je n'ai dont pasbesoinde faire plus

qu'uncourtrappel.

En bref, leproblèmeest le suivant :en décembre 1930 l'ambassadeur
w
françaisà Rome avaitété informé qu'une cart de l'Afriqueutilisée dans

les écoles italienne montraitla Libye comme englobanttantle Tibesti

qu'une vaste zone a sud et à l'estde celui-ci : cet effet résultaidte

la coloration de laditezone,identique à celle utilisée pour le restant

du territoire libyen. Protestation française e, à cette protestation,

le Gouvernement italien réagit, suite un échange très touff de

correspondance entre les divers ministères intéressésen adoptant la

solutionde laisser enblanc lazone en question,
en reconnaissancdeu

faitque "dansla zone les frontièrn esontpas encore été internationalement délimitée (c'estla phrasequ'ontrouvedans la

dépêchedu 22 décembre1930du ministèredes affaires étrangères, signée

par M. Guariglia(réplique de la libye,vol. II, annexe5.10). Dans la

même dépêche,on indique qu'il s'agissaitlà de la solutionqui avait été

couramment retenue tadntns lescartes officielle sue dans cellesde

caractèretouristique.On comprenden somme, -quela France.nSavait

jamaisréagiprécédemment contre les cartes indiquant l'abse dece

frontière dans la zoneet que,pour la satisfaire maintenant on allait

modifierla carte scolaird ee 1930afin de confirmeq ru'effectivemenlta

frontière n'étaittoujours pas délimitéeO .n remarqueraque,,d8après ce

qu'onen sait,la solution adoptéa e dû paraître agréablà la France,

puisqu'ilne résulte pas qu'il yait eu de nouvellesprotestations.

Monsieurle Prési,dent ,'incidentde 1930confirme nettement c qui

se dégagedes cartes officielles :l'absence de frontièd rens larégion

formant l'objed tu pr4sentdifférend.De plus,cet accident montre que

la Francen'avaitaucune objection à soulever contrdees cartes

établissant l'absence l de frontière.

Mais unedernière remarque s'impo auesujetde cet épisode. C'est

que lamodification de la cartescolaire, telle que décid aueniveau

gouvernemental, met bien en évide l'ampleur de la zone revendiquépear

l'Italie. Malheureusementl ,a Libyen'a pas pu trouverun exemplaire en

couleurde la carte telle que modifiée, mais seuled meenexemplaires en

noir et blancqui ont été publiés dans le mémoire libyen (ca nrte78

et 79). Toutefois, on peut aisémentsupposer quel'effetdu

blanchissementde la zone,conformément aux instructionsdu ministèredes

affaires étrangères,à l'estet au sudde Toummo,qui apparaissait en

vert-jaunedans lacarte de 1930,comme vousle voyezà l'écran,a dû

être celui quiest en train d'apparaître maintenant l'écran.

Superposons maintenant sur cette carte ainsi mod lafiéene revendiquée par lL aibyedevantvotre Cour : la voilàapparaître.Il est

intéressantde noter combien cette ligneest prochede la marge

inférieure de la zoneque71acarte scolaire de 1930indiquait comme

appartenant à la Libye,et que la carte modifiée par les autorités

italiennes indiqua comme revendiquée en t mêmpes parl'Italieet parla

France. Je voudrais vous signale qu'au no 77 dans votre dossierf ,igure

justement cette cart aevec lasuperposition de la lignede la

revendication libyenne.

4. Conclusion concernan les cartes italiennes

Monsieurle Président, Messieurs les juges, j'en ai terminé avec la

: je n'ai qu'à tirerquelques conclusions,
première partiede mon exposé

des conclusionsqui - me semble-t-il - s'imposent.

La premièreest que aucune des cartes italiennes officielles ou

quasi officiellesq ,ue ce soitimmédiatement après les accordd se

1900-1902ou plus tard, n'indiqueune quelconque frontière méridional de

la Libye :avecune parfaitecohérence, la cartographie italienn exprime

la conviction ferme et constantedu Gouvernement italien que f laontière

n'a Jamaisété délimitée danl sa régioncontestée. Seule exception :

pendantune courtepériode le tracd ée 1935a figurédans lescartes,

pour disparaître ensuitelorsqu'il devintclair que le traité

Mussolini-Lavan l'allaitpas entreren vigueur.

Deuxièmeconclusion : un certain nombrd ee cartes italiennes,

jusqu'en1917, montrent effectivement ll aignede l'article3 de la

déclaration de 1899, maisen mettant clairemen en exergue que cett ligne

ne représentait pas une frontièreet qu'elleétaitorientée-rigoureusement

au sud-est, et non pas à l'est-sud-est.Aucune, absolument aucune des

cartes officielles italienn nesreproduitla lignede la cartedu Livre

jaune de 1899 : il est faux,il est absolumentfaux, quel'Italieaurait

"faitsienne'' cette carte comml ee soutient le Tchad !

0460C/CR/17/TlO/mv Monsieurle Président, je voudrais me permettr de rappelerque dans

l'arrêtde 1986, la Chambre de votre Cour qauirégléle différend

frontalier entre Burki naso et Mali s'est soigneusement pench sur la

valeur probatoird ees cartes, lorsquceelles-ci n'onptas faitl'objet

d'un accord précis entr les partiesà un différend. La Chambrea

remarquéque le poidsdes cartesen tant qu'élémend te preuve peut varier

suivantleur fiabilité techniqu et la neutralitéde leur source, maisa

soulignéqu'ils'agira dans tous les cas de preuves àcaractère

auxiliaire ou confirmatif: en effet,"lescartesne peuvent à elles

seulesêtre considérées comme des preu d'une frontière"

(C.I.J.Recueil 1986,p. 583,par. 56). Dans le sillage de cet

enseignement, on devra certainement admettre aus esipour les mêmes

raisons,que lescartes que je viensde montrerne peuventnon plus être

considérées à elles seulescommedes preuves suffisantes pour démontrer

l'absencede frontière dans la régioncontestée.La Libye,d'ailleurs,

se gardebien de prétendre une pareille chose,puisqu'ellereconnaît que

les cartes italiennes pour fiables qu'elles soien- et ellesle sont-

sur le plantechnique, ne sont certainement panseutres: elles

traduisent en image cartographiqule pointde vueitalien. Mais c'est

justementpour cela,c'estjustementparcequ'ellesne sont pas neutres,

que les cartes italienne sontprécieuses ici, s'agissant d'identifier

avec exactitude la positi denl'Italie. En effet,les cartes italiennes

officielles,vu leur parfaite cohéren cetravers toutela période

pertinente, prouvent de façon irréfutable qul'Italien'a jamais

reconnu,ni l'existence d'un erontière dans la régio n,l'orientation

est-sud-estde la ligne résultant de l'arti3 cde la déclaration

de 1899. Autrementdit, ces cartes ne donnent pasla preuve décisivdee

l'absencede la frontière, mais donnent certainem lantreuve décisive

que l'Italien'a jamais reconnu l'existence d'une te frontière. DEUXIEMEPARTIE

LES ACCORDSDE ROME DE 1935

1. L'importancedes accordsde Rome

Monsieurle Président,il est temps maintenanq tue je passeà la

deuxième partid ee ma plaidoiried'aujourd'huip,ortantsur lesaccords

de Rome de 1935. Les écritures des Parties révèlenutn désaccord

fondamental à l'égardde la significatiod ne ces accordset de leur

impactsur le règlementdu présent différend. Sur un point, cen'est

déjà pas mal, il y a pleine identitdée vues cependant: ces accords ont

une importance capital parceque leur textel ,eur contexte ainsi qu les *I

circonstances dans lesquellesils ont étéconclus révèlena tu grand jour

commentles parties percevaient en 1935 la situation existant dans la

régionen question,pour ce qui est de l'étatdes frontières.Une telle

importance n'est certespas amoindriepar le faitque les ratifications

ne furent pas échangée :selleen est, en revanche, énorméme rethaussée.

Il est évident,en effet,qu'ilne servirait absolumeà ntrien de

s'interroger maintenant surla questionde savoir quel étail t'étatdes

frontières avan1 t935, sile "traité africain"- commeon l'appela -

était entré en vigueuret avait dece faitrégléle différend. C'est

justement parcq eu'iln'en a pas été ainsique l'étude des accords

de 1935 révèleune utilité exceptionnelle: cette étude perme de

comprendre si en 1935 la Franceet l'Italieont considéré qu'elles

déplaçaient une frontière préexistante, s i, au contraire,les deux

pays ont reconnu qu'ils f ixaientune pour la toute premièrefois. Je

le répète,il y a pleine identité de vue ent Libye etTchad quant à la

manièrede poser ce problème, alors qu'ily a désaccord, désaccord total,

quant à la solutionà lui donner.

Bien entendu,il ne faut pasoublier,afind'apprécier à sa juste

valeurle traité franco-italien 1 de35,qu'aucundes instruments

0461C/CR/17/Tll/lc internationauqxui l'ontprécédén'a eu pourbut explicitement affiché de

délimiterla frontière dans la zon contestée.Nos aimables

contradicteurjs'en suis certainne nieront pas,je l'espère,ce qui

relèvede l'évidencemême : dans toute l'histoireséculairedu différend,

le traitéde 1935 est bien le seul instrument par lequ les deux Etats

titulairesde la souveraineté dpeart et d'autre-duterritoireà

délimiter, à la suite d'une négociation spécifiquea mentsur la

délimitation, oné ttabliun tracébien déterminé, point géographiq par

point géographique, en exprimant avec précisionvl olonté(commele dit

l'article2 du traité)de définir ainsi"la frontière séparanl ta Libye

de l'Afriqueoccidentale français et de l'Afrique équatoriale française

à l'estde TUMMO". Vous voyezqu'apparaît à l'écranle tracé quia été

négocié en1935.

Monsieurle Président, Messieurs lj esges,avantde procéder à

l'analysedes accords de 1935 ,e voudrais fairdeeux remarques

préliminaires.

La premièreest de caractère terminologique.Je suis en train de

parlerdes "accords de Rome"a ,u pluriel,et du "traité de Rome"a,u

singulier(ou de "traité africain").La raisonen est que letraitéen

questionest un, certesle plus important, maiu sn seulementdes huit

instruments qui furent signés le même jo uar le chefdu Gouvernement

italien, Mussolini,et par le ministre françai des affaires étrangères,

Laval. Il ne faut pas oublier que ld eesuxEtats avaient voulu clo re

cette occasionp,ar un arrangement global, l'ensemd bulcontentieux

colonialqui existaitentreeux. Un autrede ces instrumentsl ,a

déclaration générale met celaen évidence, lorsqu'elle souligne qu"eles

conventions [auplurieldonc]en date de ce jour ont assuréle règlement

des principales questions ql ues accords antérieurs laissaient pendantes

entreeux..." J'attire l'attention sl ur terme "pendantes": laFranceet l'Italiedéclarent donc solennelleme qu'ily avait, entre les

deux pays,des questions ouvertes des questions non réglées

précédemment, qu'onallait régler maintenant.

Deuxièmeremarque préliminaire : le traitéde Rome est le seul,des

huit instruments signés à cettedate,dont l'entréeen vigueur était

subordonnée à l'échangedes instruments de ratificationsd,'aprèsson

article 7. Dans son mémoire,le Tchada démontré que les autres

instruments,en revanche,sont entrésen vigueur immédiatemend t,s leur

signature, s'agissant d'accords en forme simplifiéQ e.'ilplaise à la

Courde noter que la Libyr eeconnaît pleinemen l'exactitudede cette

analyse tchadienne : ce pointpeutdonc être considéré comme acqua is,

vu de l'accordqui existeentreles Parties à ce sujetprécis.

2. Le textedu traitéde 1935

Le moment est venu de regarderde près le textedu traitéet de

constater encoru ene fois cequi saute littéralementaux yeux dès qu'on

lit le premier alinéd ae l'article2 et qu'onle compare au premier

alinéade l'article 4. Pour rendre mieux intelligibl mes remarques, je

demandeque ces deux textes apparaissent maintenant l'écran.

A l'article2, concernant la frontière entre l Libye,d'unepart,

et l'Afrique orientale français et l'Afriqueéquatoriale française,

d'autrepart,on indique que cettefrontière sera "déterminé de"la

façon quiest précisée dans la suite de l'article: il est donc question

de la "détermination"e ,t non pas du déplacemenou de la modification

d'une frontière préexistante. A l'article4, par contre,l'expression

utilisée est complètement différente; ici, concernant fois-ceila

frontière entre 1'Erythréeet la côte françaisdees Somalis,on convient

de la modificationd'unefrontière précédente, puisqu'onparled'un tracé

qui est substituéà un autretracé. Ces motssontparlants. Il est clairqu'ilsont été choisis avec le

plus grandsoin afinde soulignerla conviction de la Franceet de

l'Italieque les opération menéesdans les deux caé staientd'une nature

bien distincte :délimitation concernantla Libye, rectificatid oen

frontière concernant1'Erythrée.Mais ce n'est pas tout : les textesque

vous avez sous lesyeux expliquent en toutes lettresles raisons

juridiques justifiant le cho dexcesmots. Dans le cas de l'Erythrée,

il est préciséqu'ily a modification de frontière puisqu'auparavant une

délimitation différent avaitété établie par deux traités qui sont

nommément citésl ,e protocolede Rome,etc. Dans le cas de la Libye,par

contre, ilfaut parler de délimitationparcequ'aucun traitn é'avait

précédemment déterminéla frontièredans la zone,Toummoétant -

l'article2, comme vous le voyez ,e dit explicitemen -tle "point

terminalde la lignefixéepar l'accord de Parid su 12 septembre1919". Les dispositions du traitéde 1935 sontd'uneclarté tellement

- commentdirais-je - "solaire",qu'onaurait envie presqu de plaindre

nos honorables contradicteurs,astreints comme ils le sontà défendre une

thèse vraimentindéfendable.Leurhabileté, cependant, es tout à fait

remarquable: voilà quedans sa répliquele Tchad présente un argument

textuel,un seul ilest vrai,mais qui, à son sens, prouverait

qu'avant1935 il y avait bien unefrontière dans la région litigieuse e;

que cette frontière le traitéde 1935la déplaçaiten faveurde

l'Italie. L'argument esttiréd'un passagedu même article 2 où il est

dit quela ligne-frontière est tracéede façon que telle ou telle

localité"resteen territoire français'': le Tchadde dire si ces

localités "restentw en territoire frand çaisrèsle traitéde 1935,

c'estqu'auparavant il y avaitun autretracéfrontalier qui était plus

favorable à la France.

L'argument esd t'unegrande subtilité; mai il est tellement subtil

qu'ildevient pratiquemen évanescent, si on l'étudiede près 1 On peut

y répondresansdifficulté en constatant que l'article2 décritet

précisel'effetqui découlerade la délimitatioq nu'ilprévoit :

autrement dit, il spécifie qu'àcertainsendroits la lignd eoit être

tiréede façon que les lieux cits és retrouventsituésd'un côté oude

l'autre,mais cecine dit nullementoù ilsseraient si la délimitation

n'étaitpas établie. En somme,le langagede l'article 2 est celui

typiquede tout traité de délimitationi ,ndiquant quele tracé doitêtre

placésur lacartede manière qu'une fois la frontière établie, telles

localités"resteront" englobéd esns leterritoire de l'un des Etatset

d'autres localités chez v leisin.

D'ailleurs l'exactitud de cette analyseest confirméepar la

lecturedu communiqué de presse officiedlu 8 janvier 1935, dans lequel

les deux parties ont expliqu quel était l'obje et le butdu traité. Onpeuty lire la phrase suivantea ,u sujetde la ligne prévueà

l'article 2 : "cette ligne laiss en territoire italie Aouzouet

Ouezentiet en territoirtffrançai Bardaïet Tekro". Voilàqui met

définitivement en piècesl'argument tchadien,puisqu'ilest clairqu'ici

aussion décritl'effetde la ligne nouvellement tracé eans qu'on

puisserienarguerà partirde ces expressions quan t la questionde

savoir à qui appartenaientces localités avanlta délimitation. A moins

que le Tchad, - comment dirais-J epris àson propre piège, ne préfère

admettre, pour rester cohérent a soncargument, que cette phra due

communiqué impliqu la reconnaissancpear la France que Aouzoeut

Ouezenti appartenaient déjàà la Libyeavant la conclusio du traité, vu

que celui-ciles "laisse"du côté italien... !

Monsieurle Président, le textedu traité de 1935 exprio mn ne peut

plus clairemenl t'intentiondes Parties :celles-ciétaient parfaitement

conscientes d'établi pour la première fois une délimitation d laans

région. La lignede l'article2, dans la carte qui fut soumiseau

Parlement italien avec le ted xtetraitépour l'autorisation àla

ratification, porte, en italien, la légende "nouvelle frontière

méridionale", ("nuovoconfinemeridionale"), ce quiest sans aucun doute

correct, s'agissant effectivement d'une frontière toute nou Maisl,e.

la Partieadverse n'est pad su tout d'accordet faitdes efforts

véritablement surhumains pour ti deerette terminologie "nuovo confine

meridionale" un argumentqui semble véritablemen tirépar lescheveux.

D'après le Tchad,si en Italieon a parlé de"nuovo confine( "nouvelle

frontière), c'estqu'or1admettait par là implicitement qu'une vieille

frontièreétaitdésormais remplacé pear une nouvelle,et ceci tantdans

le casde 1'Erythrée que dans celudie la Libye. Malheureusement ce

syllogisme, impeccableen apparence,est toutà faitboiteuxen réalité,puisqu'il oubliq eue l'adjectif "nouveau"un ae pluralitéde sens,et

cecien italiencommeen français, comme en anglais(et peut-êtredans

d'autreslanguesaussi).'Qu'ilme soit permis d'inviternos éminents

contradicteursà donnerun coup d'oeil, par exempla e,plus célèbre des

grandsdictionnaires de la langue française l,e Littré: ils pourront y

découvrirque "nouveau"peut certes signifier "autre, a qchangé", mais

peut signifier auss "qui estou apparaîtpour la premièrefois" (Littré,

Dictionnaire de la langue françaiseP ,aris,Hachette,1881,t. III,

p. 757).

3. Le communiquéde presse

Monsieurle Président, Messieur lses Juges,je viens de citer le

communiqué de pressedu 8 janvier 1935 :c'esteffectivement un document

d'un très grand intérêt, puisqu'il clarifielb aiengnification du

traitéde Rome. Il est utile de rappeler maintenan en,effet, que dans

ce communiqué on décritl'objetet le but du traité par une terminologie

partiellement différente, mais d loetens est parfaitement identique :

il y est toujours questiod ne la "détermination" de la frontière

libyenne, alors qu pour 1'Erythréele mot utilisé, cett fois-ci,est

"rectification" : ceci confirme encoredavantage, s'ily en avaitbesoin,

le bien-fondéde l'interprétatiod nu textedu traité que j'ai exposée il

y a un instant. Mais ce qui estencore plus suggestip f,isqu'il s'agit

cettefois-cid'une nouvelle preuve c'estque le communiqué qualifie de

"territoires ainsi reconnus comme appartenantà la Libye"la bande de

territoires qui, quarante ansplus tard, sera couramment appel "la

bande d'Aouzou". Voilàqui est dit d'une façon limpid et efficace :le

traitéde 1935 - contrairementà ce que le Tchad voudrait faire croi -ren'attribuait pas à l'Italiedes territoires françaism ,ais reconnaissait

comme italiensdes territoires situés dans une zone non délimitéeet dont

la Franceavait précédemmentcontesté l'appartenanc àe l'Italie.

Il me reste à préciserbien entendu quelle valeur probatoir peut

être attribuéeà ce communiqué. Pour répondreà cette question,il faut

d'abordnoter qu'il s'agit ici du communiquéofficielconjointqui a été

distribué à la presse à l'issuede la cérémonie officielle des signatures

des accordsde Rome, et qui a été publié parles journauxdes deux pays.

Cela va sans dire,il est notoire quede tels communiqués sont dûment

négociéspar les délégationsdes partiesconcernées. Notre communiqué

constituedonc unedéclaration publique et officiellede la France et de

l'Italie, par laquelle les deux Etats expliquent conjointe etentun

commun accord quel est le but et le sens du traitéde 1935.

Monsieurle Président, Messieurs lej suges, votrejurisprudenceest

riche d'enseignements quant à la nature juridiquede ce genrede

documents. Dans votre arrêtdu 19 novembre1978 sur l'affairedu

Plateau continentalde la mer Egée (C.I.J. Recueil 1978, p. 39,

par. 95-96)votre Coura observé que"il n'existe pas de règle d droit

international interdisan tu'un communiqué conjoint constitu un accord

international..."; pour savoirsi c'est le casou non, votre Courdit

tout "dépendessentiellement de la nature de l'acte ou de la transaction

dont il est fait état"a ,lors quela forme n'a pas beaucoup d'importance.

Et la Cour de conclure en l'espèce que"pourdéterminer quelle était en

fait la nature de l'acte oude la transaction consacrée pal re

communiqué..., la Cour doit tenir compte avan tout des termes employés

et des circonstances dans lesquellesle communiquéa été élaboré".Dans

deux autres arrêtsbien connus votre Cour a mis en évidence que

finalement "la seule question pertinente est de savoirsi la rédactionemployéedans une déclaration donné eévèleou non clairement

l'intention..." du ou desauteurs. C'est dans l'arrêtdu 26 mai 1961

dans l'affaire duTemple iie préah Vihéar (C.I.J.Recueil 1961, p.32;

et dans l'affairedes Essais nucléaires,arrêt, p. 267-268,par. 45). Dansnotre cas les choses sonton ne peut plus claires vu les

termes,les circonstances et le butdu communiqué de pressede 1935.

Sans l'ombred'un doute,l'intentionde la Franceet de l'Italieétait

d'expliquerofficiellement le senset la portéedu traitéde 1935. Le

communiquéa donc uneplace de choix dans l'interprétat deonce traité,

puisqu'ilconstitueun accord visant à éluciderla signification

juridiqued'un autre accord concl en même temps par les mêmesparties.

On est, autrement dit dans l'universde l'interprétation authentiqu on;

est plus précisément confronté cette interprétation authentid que

caractère contextuel dontei st questionà l'article31,

paragraphe 2 a), de la conventionde Viennesur le droitdes traités

de 1969 : je rappelle que la conventi denVienne reconnaîutne placede

choix, pour l'interprétati d'nun traité, au contexteet que celui-ci

comprendau premierrang "Toutaccordayantrapportau traitéet quiest

intervenu entre toutes les partiesà l'occasionde la conclusion du

traité."

Permettezmoi de dire, en concluant sur ce thème,qu'ilest

difficiled'imaginer un instrument international rentr aans cette

définition mieux que le communiqué de pred sse Janvier1935.

4. L'exposédes motifs

Monsieurle Président, j'ai laissé de côtéjusqu'àprésentla

confirmatio~ la plus expliciteet la plus définitiv de toutes, cellequi

- pour ainsi dir -e coilronnea démonstration qujee viensde présenter.

J'ai procédé ainsiafinde faire ressortir d'embl laebizarrerie de la

remarquequ'onpeut lire à la page 80 de la réplique tchadienne, d'après

laquellece qui résulte de l'expod sés motifs, dontje vais parler

maintenant, accompagnal ntprojetde loi français autorisan ta

ratification du traité de 1935 serait com leedit le Tchad "la seule

note discordante",par rapport à la thèsede la partie tchadienne.

0463C/CR/17/T13/drCurieux propos, en effet, sil'on songe au faisceau cohéred ntpreuves

et d'indicesque j'ai rassemblés et illustrésjusqu'iciet qui s'ajoutent

à ceuxdécoulantdes travaux préparatoire s

Après tout ce que lesécritureslibyennes ont soulign àéce sujet,

je n'ai pas besoinde m'attarderlongtempssur cet exposédes motifs. Je

rappellequ'aumoyendu documenten questionle Gouvernement français

indiquaitpourquoiil demandait à son parlementd'adopterla loi

autorisant la ratificationdu traitéde 1935. Autrement dit, le

gouvernement voulait convainc leeParlement françai se dire oui,en lui

montrant les avantages du trae itéles difficultéqsue celui-ciaurait

aplanies : une opérationd'ailleurs parfaitementréussie, puisque le

Sénat français dit ouià l'unanimité, alors que la Chambr des députésle

fit à la majoritéécrasantede 555 voix pouret 9 contre. Quel était

l'argument du gouvernement, ielst repris, presque mo t mot, d'un

mémorandumdu Quai d'Orsayde 1935(mémoirede la Libye, "French

Archives" annexev ,ol.3, p. 426). Voilà commentil est formulé dans le

passage essentied le l'exposédes motifs queje souhaite voir apparaître

maintenant à l'écranet dontun extrait figureau no 67 de votre

dossier. Voici comment se lit le passage pertinent:

"[ll'arrangemendtu 12 septembre 1919laissaitl'Italieet la
Francesans frontièreconventionnelle à l'estde Tummo,le
cabinetde Rome s'étant toujoursrefusé à reconnaître que la
lignede démarcation fixép ear les accordsfranco-anglais
de 1899 et de 1919 entreles zonesd'influence de la Franceet
de la Grande-Bretagnpeût valoirà l'égardde l'Italiecomme
frontièrepolitique entre territoir dessouveraineté".

Un peu plus loin dansle même documenotn faitétatde ce qu'à

partirde 1928 (qui estla datede l'occupation du Fezzanpar les forces

armées italiennea su coursde la guerre contrela Senussya),

"il apparut que l'absend ce frontières gênerait les autorités

locales des deupxays pour coordonne leur actionde policeet
de contrôledes tribus1'. Voilàdes admissions tout à faitofficielles, faite par le

Gouvernement français deva son Parlementle 26 février 1935, des

admissions qui détruisentcomplètement la thèsetchadienne, comme elles

détruisent d'ailleurs toutl ea construction alambiquqéuee la France

avait prétendu édifie srur les accordsfranco-italiendse 1900-1902. En

effet,commeon peut le constater, en 1935le Gouvernement françai as

publiquement et explicitementreconnu la parfaite exactitu deela thèse

que la Libyea présenté à votreCour : plus précisément, i lreconnu

primo : qu'avant1935 il n'y avaitpas à l'estde Toummode

"frontière conventionnelle et,même, carrémentq,u'il y avait (deuxième

passage)"absencede frontière" : ce qui implique entre autres que la

Francen'alléguait nullementqu'à défaut de conventions la frontièa ret

pu résulterd'autrechose, del'effectivito éu de n'importequels autres

facteurs, - il y avait absencede frontière;

secundo : le Gouvernement français a aup ssiliquement et

officiellement admis e 1935 que l'Italie"s'étaittoujours refusé e

reconnaître", en tantque "frontière politique non seulementla ligne

résultantde l'accordfranco-anglaid se 1919, mais aussi celp leévuepar

la déclaration franco-anglaisdee 1899 1 En somme, la Francr eeconnaît

pleinement(et le fait en1935 1) que les accordsfranco-italiend se

1900-1902 ne sauraientêtre interprétéscommeimpliquant l'acceptation

par l'Italiede la lignede 1899 oude 1919en tantque frontière. C'est

exactement le contrairede ce qu'allèguedevantvotre Cour le Tchad

aujourd'hui, et il convientde demanderà la partietchadienne comment

peut-ellesouteniravec tantd'assurance une thèseaussi clairement

battueen brèchepar tantde preuvesdécisiveset concordantes. J'en termine maintenant avl ecétudede cet exposéde motifset je

voudraisle faire parun bref rappel de la Jurisprudence internationale

portantsur la valeur probatoird ee cegenrede documents internes

d'originegouvernementale fourna isx parlements nationaux.Il est vrai

que le tribunal arbitral ayant déci leé12 février1985d'undifférend

entre Guinée et Guinée-Bissaau considéréqu'à proprement parlecres

documentsne faisaient pas parti dees travaux préparatoirestricto

sensu,mais lesa tout demême pris en considération au titre très

évidement de travaux préparatoire au senslarge(RGDIP,1985,p. 515,

par. 70). VotreCour,cependant, sans se soucierde querellesde
w
vocabulaire,n'a pas hésité à considérer queles explications donnéepar

un gouvernementdans l'exposéde motifs accompagnan un projetde loi

nationale "lèveles doutes qu'on pourrait encore av auisujetde son

intention..." (Plateaucontinentalde la merEgée,arrêt,p. 27,

par. 66) : au fond, cequi est décisifest donc quel'intention soit

clairement exprimée, comme l'a a uiclairvotre jurisprudence quej'ai

citéeprécédemment.Or, dans notre cas l'intenti dunGouvernement

françaisest parfaitement claire, au suj des raisonsqui, à son sens,

rendent hautement souhaitable la ratificd attrnaité de 1935:c'est

que ce traité établissait enfin une frontl ièoù - le Gouvernement

françaisen donnait publiquement l'assuranc- il y avait eujusque-là

"absencede frontière". 5.Le sortdu traitéde 1935

Monsieurle Président, J'es nuisà la fin dela deuxième partie de

ma plaidoirie. Il me res-teencoreà rappeler que la non-entréeen

vigueurdu traitéde 1935 futdue à une décision du Gouvernement italien

qui,malgrétoutes les pression qui lui venaientde la France,considéra

que lessacrifices territoriaux envisagés par l'Itn aliae,ment

concernant la Libye,ne se justifiaient pav su que la Franceavait manqué

à ses engagements relatif au dossier éthiopien,en particulier du fait

que celle-ci n'avaip tas prisla défensede l'Italiedevantla Société

des Nations face à l'indignatiognénérale causépear l'agression

italienne à 1'Ethiopie.Je noterai qu'il n'y a pas de désaccordentre

les Parties quant à l'identification des raisons ayant empêché l'échange

des ratificationsd ,e sorte qu'il n'est pas uti dees'y attarder. Bien

entendu, la non-entré en vigueurdu traité de Romn ee lui enlève rien de

sa signification éminentp e,ur ce qui est de la preuvequ'en1935 la

France reconnut officiellement qu'aucun traité précédent n'avait

valablement délimité la frontièreà l'est deToummo.

Quant à la questionde savoir dans quelle mesul re traitéde 1935

mérite d'être pri esn considératiopnar votre Courune foisque, s'étant

assurée del'absencede frontière danl sa région litigieuse,elle en

viendra à établir la délimitatioj n,aurail'honneurde présenter le

pointde vue de la Libye mardi de la semai prochaine.

TROISIEMEPARTIE

LES EVENEMENTSENTRE 1935ET LA FIN DE LA GUERRE MONDIALE

1. Evaluation générale

J'en viens maintenant, Monsie lurPrésident, à la troisième partie

de ma plaidoirie d'aujourd'hq ui,portesur la périodequi va des

accordsde Romede 1935 à la fin de la seconde guerre mondiale.

Schématiquement,on pourrait décomposer cette périe odedeuxsections.

0464C/CR/17/T14/ La première, qui va jusqu'àla finde 1938,est caractérisée pau rn

climat d'attente: des deux côtés,on se prépareà l'entréeen vigueur de

la délimitationde 1935;-onprenddes dispositions en vue de celaet on

s'inquiètede l'incertitudequi a été crééepar le faitque les

procéduresd'échangedes ratifications traînee nt longueur.

La deuxièmesectionva de 1939au traitéde paix de 1947,et icion .

voit la France et l'Italiese retrancher sur les positionsd'avant1935.

La France, n'ayantpu convaincre l'Italied'échangerles ratifications,

va faire semblant d'oublier toucte qu'elleavait admis ouvertement

en 1935 et, avecun aplombtout-à-fait remarquable,va reprendresa

prétention traditionnelle, suivant laqu lallegned'est-sud-est du

Livre jaune de 1899, tellequ'interprétée pa la convention

franco-anglaisdee 1919, constituerait la frontière méridional le de

Libye. De son côté,l'Italiemaintiendra l'idée que la fronti este

toujours à détermineren prenant en considératit oannt les titres

ottomans que les droits italiens basés sur l'accorL dondresde 1915.

Il convientde rappelertoutde suitequ'aucunenouvelle négociation

n'auralieu entreles deux Etats, bientôt emport dans latourmente de

la secondeguerremondiale. La situation existante quant à la question

de la frontière méridionan le sera donc plus modifiéd e, moinsjusqu'à W

la sortiede scènede l'Italie. Cependant, deux épisodesde cette

période méritend t'êtremis en évidence,puisqu'ils confirmentclairement

l'absence de délimitation.

2. L'incidentde Jef-Jef

Le premierest celui quele Tchad appelle l'incident de Jef-Jef

de 1938 : un incidentmineur,que la Partie adverse s'est évert àuée

monteren épingleen le déformant passablement,
afind'en tirer une

significationqu'iln'a certainement pas. Pour le Tchad, ee nffet,cet

épisode prouverait quel'Italiereconnaissait la souverainetéde la

0464C/CR/17/T14/Francesur la bandede Aouzou, alors qu'enréalité tout ce qu'onpeut en

déduire est que le deuxEtats maintenaient leurs positir oenspectives.

De plus,l'incident se déroula à unmomentoù le sortdu traitéde 1935

étaitencore incertain, e non pas -commele Tchadle prétend - à un

momentoù il étaitdevenu clair quc ee traitén'entreraitjamaisen

vigueur.

Toutel'histoire de Jef-Jefnaît des travauxde foraged'un puits

que l'Italieavait décidé d'effectue enr avril1938 dans unelocalitése

situantdans la partiede la zone contestée que le trai deé1935

reconnaissait commi etalienne.Vous voyez à l'écranoù Jef-Jefse situe

exactement.Voilà Jef-Jef qui vaêtre placé par rappoa rutx principales

lignes dont on discute. Des travauxde forage, donc,qui avaientété

entreprisdu côté italien au moyen d'ouvriers; ces traf vauxnt

interrompus par les forcf esançaises,puis ilsfurentrepris tambour

battantpar des militairesitalienset menés jusqu'à leur terme, sans que

cettefois-ciles forces françaises, comme il y avait désormaidses

militaires italiens n'osentintervenir poul res arrêter. Toutefois, des

notesdiplomatiques furentéchangées, afid ne préciser les point se vue

respectifs (mémoiredu Tchad,p. 214 et suiv.;contre-mémoird ee la

Libye,p. 374 et suiv.). Indépendammend tu langage utiliséde part et

d'autre,il est clairque l'Italieréalisason but, qui étaitde faire

actede souveraineté danl sa zone en effectuandes travauxde génie

civilet en laissantdes marques indiquan que le lieu concern étaiten

territoire italie( ncommeon peut le voirdans le dossiersur l'incident

de Jef-Jef,contre-mémoird eu Tchad, livreIV,p. 541). Mais il est vrai

aussi quedu côté français cette conduid te l'Italiefut contestée,

quoiqueavecune extrêmemodération, au nom d'unecontinuité de la

souveraineté française dal nszone jusqu'àune éventuelle entréeen

vigueurdu traitéde 1935. Cependant, s'il est certain que la France,tout en gardant un profil trèsbas,ne s'inclina pas au pointde vue

italien,il est certain aussi qu'aucun documn entémoigned'un

acquiescement italien à 1"attitudede la France :au contraire, le

contre-mémoire libyena démontré (p. 374 et suiv.)que l'Italiegardases

convictions et sa positionau sujetde l'appartenancd eu territoire en

question.

Le Tchad,en particulier, déforme vraime latréalitélorsqu'il

prétend que l'aide-mémoireitaliendu 3 mai 1938 aurait impliqué la

reconnaissance par l'Italiede la lignede 1919 en tant que frontière

méridionale de la Libye :si tel avait étl ée cas, l'Italieauraitdû

présenterses excuses, ayant violé la souveraineté territord ialla

France. Or, l'Italiene s'excusait pas du tout :bien au contraire,

c'étaitelle qui s'élevait contre la décis diesmilitaires français

d'empêcherla continuation des travaux; c'était ell qui, sans la moindre

hésitation, notifiaità la France que les travaux allaient être repris,

et cecien se gardant bien de demanderune quelconque autorisation ! Ces

travaux,d'ailleurs, furent effectivement contine utéachevéssans

entraves. Face à une telle attitude de l'Italie,on auraitpu s'attendre

à de forteset immédiates réaction de la France,alorsque leQuai

d'Orsaymit un mois et demi pour répondre,le 20 juin,par unenote très

conciliante dans laquelle, après avoir rappe llaépositionde principe de

la France,on s'empressait dd eéclarer que l'incident était cl vus,ue

les travaux étaient termin( émsémoiredu Tchad,p. 215). Voir danstout

celaun acquiescement de l'Italieaux positions de l Francerelève d'une

fantaisie - me semble-t-il- singulièrement débridée.

Il est vrai,Monsieurle Président, que dans l'aide-mémoire italien

du 3 mai la localitéen questionétaitdécrite commesituée"dansla zone

comprise entre la frontière actue delea Libyeet la frontière

résultantdes accords Mussolini-Laval 1 de35". C'estune indéniablemaladresse verbale, mai qui estloinde justifier toute la construction

que le Tchad voudraity fonder. En effet,l'expression "frontière

actuelle" étaittirée du'rapport dguouverneurgénéralde la Libye,

Balbo, qui étain totoirement lplus ardentdéfenseurdes droits

territoriauxde l'Italiesur l'hinterland libyen. Les termesen

questionsse référaient dons cans aucun doutà la situation quiexistait

en fait,quant à la disposition sur le terrad ins forces armées

italienneset françaises, et non pasà la situationjuridique. 11 va de

soi, en effet, quetantle gouverneur Balbo quele Gouvernement italien

savaientparfaitement qu'à peinequelques années plu sôt, commele

professeur Cahier vou l'a rappelé,l'Italieavait protesté fermement

contrepar exemple l'établisseme d'unprésidemilitaire français à

Tekro,qui estau sud de Jef-Jef, commel'Italiesavaitparfaitement bien

sûr,qu'elleavait régulièremen protesté, entr1e921 et 1934, contre la

conventionfranco-anglaisd ee 1919. C'estau vu de ce contexte

diplomatiqueet politiqueque le documend te 1938doit être très

évidemment interprété. 4.Les discussions de 1941 sur la zonedémilitariséedans le cadrede la
conmission d'armistice

Monsieurle Président, il m'incombeencore de dire deux motssur un

deuxième épisode : celuide l'échangede lettres entre le général Grossi,

présidentde la commission d'armistice franco-italienndee 1941,et les
.
autorités françaises a,u sujet dela zone démilitarisé ee 200km qui

devait être établi le longdes frontières libyennes, apr lèasconvention

d'armistice entre le deux paysde 1940. J'endiraideuxmots seulement,

d'une part parce qu lees Parties ont traité le suj entprofondeurpar

écrit, d'autre parett surtout parce qu'il serait inut dels'appesantir V

sur un thème duquel,avec la meilleure bonne volonté, aucun argument

d'utiliténe peut être tiré quanatu règlementdu présent différend.

Certes,le Tchad n'est pas d'accorp d,isqu'aucontraireil tente

l'impossibleafind'extraire des documents pertinents des indices

imaginaires d'acquiescement depa latde l'Italie. Mais en réalitéi ,l

suffitde liresanspartipris les documents en questp ioonr constater

qu'aubout du compteles deuxEtatsavaientsimplement repris leurs

positions traditionnelle au,vu du fait quele traité de Rome d 1935

n'était finalement pa entréen vigueur.

Toutel'histoire peut êtr resumée ainsi.Le général Grossi,

constatant que la frontiè n'avaitjamaisété déterminée, proposa le

12 mars 1941 à la France de calculecete zone démilitarisée d 200 kmà

partir dela ligne de1935. Aux yeux des Italiens, cette lig neuvait

être provisoirement utilisée, en attendant une future délimitation, vu

qu'elle était la seuq lei résultâtd'un document négocipéar l'Italieet

la France enmême temps (et cecimême si letraité de 1935 n'était pe as

vigueur). Les autorités françaises hésitèrent longtempà réagir; après

un débat interne assez conf usrendud'ailleurstrès difficile par la situationde l'époque(puisqu'il s'agissad it gouvernementde Vichy),la

réponse tomba finalemed ntuxmois plus tard, le 14 mai 1941. Cette

réponse comportait l contre-propositio d'utiliser plutôt la ligne

de 1899-1919, puisquepour laFrancecelle-ciavait été acceptép ear

l'Italieen 1900-1902, alors que le trait de 1935 avaitété,dit la

lettre française" ,récusé"par l'Italie.

Commeon le voit, rien de particulièremenn touveaujusqu'ici : la

France,en oubliant les admissioe nsplicites qu'elleavait faites en

1935, avait repris sa thèse traditionnell que nous connaissonsbien.

Mais là où les chosesprennentune touteautre tournured ,u moins dans

l'espritdu Tchad,c'estlors dela réponse italienne àla

contre-propositio nrançaise.D'après lecontre-mémoird eu Tchad, cette

réponse fut, ni plusni moins,une véritable capitulation, l'Italie

n'ayantpas su contester la valeu et le bien fondéde la thèsefrançaise.

Messieurs les juges q,uelle inventivité! Très franchement,il est

difficilede comprendre commen la Partie adversepeut liretantde

choses, une capitulation da une courte lettredu 14 juillet, dans

laquellele général Grossi signale : 1) que laquestionde la frontière

dépasse les compétences l de commission d'armisticeet trouveraplace

parmi les problèmes à régleraprès laguerre;2) pour l'applicatio de

l'armistice laditq euestionn'a plusd'importance pratiqu et ellepeut

par conséquent reste sranssolution. Est-cecela une capitulation ?

Mais c'estle contrairepeut-être ! A deux reprises,en effet, dans

cette courte lettre l général Grossi d'Itals ieuligne que lafrontière

méridionale de la Libye n'estpas délimitée, malgrcée que prétend la

France : pourquoisinonle général Grossi rangeraitl -ilquestion de la

frontière parmiles problèmes à régler après la guerre?Pourquoi sinon affirmerait-iqlue pour l'heurecettequestionpeut rester

"sanssolution" ? En somme,il estclair que, par la lettredu

généralGrossi,les autorités italiennes contestaient nette ment

positionde la Franced'aprèslaquellela frontière méridional de la

Libyeétaitdéjà délimitée,cecidu faitmême d'indiquerexplicitement

que pour l'Italiecette frontière restaà itétablirdans le futur.

Monsieurle Président, Messieur les juges,une conclusion

s'impose : aprèsl'époquedes accordsde Rome la France,en oubliantla

reconnaissance explicid te 1935 qu'aucune frontiè reavaitjamaisété

délimitéedans larégion contestée , reprissa vieille thèse d'après
*
laquelle cette frontière exist aijà,puisquel'Italieavaitsoi-disant

acceptéen 1900-1902la ligne de 1899-1919.L'Italie,de son côté,ne

s'inclinaJamaisdevantla thèse française et maintint fermemensta

position : la délimitationétaittoujours à établir,et elle devait

l'êtreen respectant ses droits territoriaux, teq lu'ilslui venaient de

l'héritage ottomanet de l'accord de Londre de 1915.

QUATRIEMEPARTIE

Le traitéde paixde 1947
et la frontière méridionalde la Libye

. Evaluationgénérale

Monsieurle Président, Messieurs lj esges,il est tempsd'envenir

à la quatrièmeet dernière partie de ma plaidoirie d'aujourd'hui.Je

voudrais parler maintenant du document international qui c lansacre

sortiede scènede l'Italie : le traitéde paixde 1947. A l'issuede la

deuxième guerre mondiale e, effet,ce traité démantèlerl a'empire

colonial italien :l'Italiequitte donc la Libye,ayant été obligéà e

renoncer à toutesses possessions africainey s,compris tousles droits

et titresy relatifs comme le dit l'arti2 cleparagraphe 1 du traitédepaix. Conformément àl'article 23, paragraphe2, la Libyedemeurasous

l'administration françai etebritanniquejusqu'àce que son "sort

définitif" comml ee dit letraité(c'est-à-dire l'accèsà 1'indépendance)

ne fût arrêté. Et on saitque les décision ys relatives furent adoptées

finalement par l'Assembléegénéraledes Nations Unies, à défautde la

décision que leq suatre puissance se surent pas arrête rans le délai

d'un an que le traité leurconcédait.Sir Ian Sinclair parlerd ae tout

cela demain matin.

Dans laprésente partie finad le ma plaidoirie,d'entendstraiter

rapidement de l'effetdu traitéde paix sur le dossierdes frontières

libyennes.Un thème,celui-ci, qui a été longuement discut dans les

écritures des Parties,de sortequ'ilsuffirad'en rappelerles éléments

essentiels.

Premièreobservation à faireest que le traité de paixne consacra

pas l'intangibilitdées frontières dela Libyeet des autresex-colonies

italiennes : au contraire,il fut prévu que les frontière esquestion

pouvaient être "ajustées",c'estle termequ'onutilisa,"ajustées" d'un

communaccord parles quatre puissances dans le déd lain an. Cette

réglementations'explique aisémentsi l'onsonge,en particulier, que la

Franced'un côté et 1'Egyptede l'autre côté envisageaie detfaire

valoirdes aspirations territorial aux fraisde la Libye : ce qui

poussa donc à établir dansle traitéde paixla possibilité de modifier,

d'ajusterle cas échéantles frontièred su territoireen question.

Deuxième observation: le traité de painxe transféra pasaux

puissances la souveraineté s laLibye,comme la réplique tchadien lee

prétendà tort,et le traité de paix octroa yax puissances seulement le

droitde continuer à "administrer"la Libyeainsique celui de prendre

certaines décisions importantes d unnsélairestreint. Indiscutablementl,a souverainetéde l'Italies'étaitéteinteen vertude

l'article23. Toutefoisceci comportan ,on pas un transfertde

souveraineté,mais une pé-riode'attenteet de suspension que seulela

décisionsur le sort finalde la Libye allaic tlore. De toute façon, il

ne vaut pasla peined'approfondir cette question,puisque - commeon le

verrasouspeu - ellen'a pas d'incidence particulière, quoil quePartie

tchadienneen dise.

2. Les traitésfranco-italiencsoncernant la Libyenon notifiés
conformément à l'article44 du traitéde paix

Monsieurle Président, l'un des thèmes débattudsans les écritures

des Partiesau sujetdu traité de paixest celuide savoirquellessont

les conséquencesdu fait qu'aucundes traitésfranco-italienc soncernant

la Libyen'a éténotifiépar la France à l'Italieconformément à

l'article44 du traité depaix. Cet article prévoyaite ,n effet, que les

traités bilatérau xon notifiéspar la puissance intéressén e,n notifiés

à l'Italie,"seront tenus pour abrogés".Au vude ce régime juridique

précis,la Libyea soutenu qu'après la guerr et,donc en 1955, les

traitésfranco-italiens sur lesquels le Tchad appu ses revendications

ne pouvaient pas être considérés co enmeigueur.

Mais leTchad n'est pas de cet avis .Pour lui les traitésen

questionn'avaient pas à êtrenotifiésparcequ'après la guerrl e'Italie

n'étaitplus concernée, ayant per toutdroitet titre par rappor àtla

Libye. Ce raisonnement, pourtane t,t forthâtif,puisqu'ilomet avant

toutde prendreen considération le libellé tn rès de l'article44,

qui, en cas de non notification, frappe d'abrogat" ionusles traités de

cette nature", comm dit le traité de paix,à savoirtous les traités

bilatéraux conclus par une puissance"avecl'Italieantérieurement à la

guerre". Autrementdit, chacunedes puissances alliéee st associéesdevait savoirque,si elle désirait"lemaintienou laremiseen vigueur"

d'un quelconque traitbilatéral conclu avel'Italieavantla guerre,

elle devait nécessaireme net notifier.Il est clairque lerégimede

l'article44 était construit comdmeevants'appliquerà la totalitédes

traités rentrant danla définition prévue, sans aucu exception. Il

fautdoncprésumer que la Francen'a pas notifiéles deux traités

franco-italiendse 1900-1902et de 1919 parcqu'ellene souhaitaitpas

leurmaintienen vigueur. Cette présomptions'avère d'ailleurs parfaitementfondée sil'on

songe que,par une autre disposition figurantdans le même traité, à

l'annexeXI, les quatre puissancesj,e l'ai dit, se réservaient ledroit

d'"ajusterw,donc de modifierles frontières libyennes : la France,en

effet,avait des aspirationsen ce sens, commeje l'ai rappelé il y a

quelquesinstants.Dans ces conditions, il était parfaitement logique

pour la France de ne pas notifier lestraités avec l'Italiequ'elle

considérait relatifs aux frontières libyennes: ceci non pas parce que

ces traitésne concernaient plus l'Italie mais parce que pour la France

il convenait mieux, Justement, ds e'en débarrasser afin depréparerle
w
terrainpour les "ajustements"qu'ellecherchait à obtenir.Qu'il me soit

permis denoter que dans son mémoire, à la page 123, le Tchad avait

ouvertement admis quec'estbien comme ceci que le comportementde la

France doit êtreexpliqué.Ensuite, danssa réplique,se rendant compte

que la véritélui estnuisible,la Partie tchadiennea essayé - un peu

tardivement à vrai dire - de changerson fusil d'épaule.

Il est certainque laFrance souhaitait ardemment modifie àrson

avantage les frontières libyennes tant à l'ouest qu'ausud (mémoire du

Tchad, annexe 212); la France s'étaitdonné - par l'annexe XI du traité

de paix - le moyende procéderen toute légalité à ces modifications, si W

elle arrivait à glaner le consentement des autrespuissancesou, plus

tard, celui de l'Assembléegénérale ; il va de soi que laFrancedevait

alors,par cohérence,mettrehors jeutout le .trousseau de dispositions

bilatéralesqui fixaientces frontières(ou dont elle s'étaitpresque

toujours déclarée convaincuq eu'ellesles fixaient,avec cependant

l'exception remarquabld ee 1935). C'est exactement à cela que rimait la

décision dene pas notifier ces dispositions, e nrovoquant parlà leur

abrogation(quitteà essayerde les ressusciterpar la suite en cas de

nécessité). Il est à noterque cesmotivations amenèren lta Franceà ne notifier

ni l'accordfranco-italied ne 1919 (quitraçait effectivement une

frontière dontla modification était vivement souhai duéeôté

français),ni les accordsde 1900-1902. Or, en réalité- nous le savons

bien - ces derniers instrument n'avaientdélimité aucune frontière,

notammentdans larégionqui nous intéresse. Mais au départla France

avait soutenu le contraire,en continuant sur la lancée pendandtes

décennies, puis elle avait cha degcap en 1935,puis elleétaitrevenue

à la case-départ après :il aurait donc été totalement illogd ique

notifierles accordsen question, étand tonnéque les aspirations

territoriales françaises portaient également, dans l'après- surerre,

les territoires situa és nord dela ligne de 1899et de cellede 1919.

Monsieurle Président, Messieurs lJ esges,j'enviens au dernier

point.

3. L'effetdu traitéde paix sur l'article 13de l'accordde Londres
de 1915

Les considérations précédentes n'p onttouché la question de la

surviede l'obligation prévue à l'article13 du traité de Londres

de 1915,puisquele régime de l'article 44 se référaitaux seulstraités

bilatéraux, et non pas aux traitésmultilatérauxL.e sortde l'article 13

suite à la succession entr l'Italieet la Libye estdonc régipar les

principes de droit international général pertinents, défaut d'un

jus speciale de caractère conventionn qeui serait fixé dans le traité

de paix.Il fautalorsse référer, comme la Libye l'a démontré, au

principe consacréà l'article11 de la convention de Viennesur la

successio~ d'Etatsen matièrede traitéset retenir que, dans la mesure

où l'article13 du traité de 1915 prescru ite obligation pesans tur laFrance à l'avantagede l'Italiequi influence le règlementd'une question

relative à la délimitation de la frontièrede la Libye, lefait que

l'Italieait perdula souveraineté sur la Libyene saurait faire

disparaîtrel'obligation en question,qui resteen vigueur à l'avantage

de la Libye.

Le Tchad n'est pas d'accordavec cette analyseq ,ue la Libyea

développée longuemen tans son contre-mémoire :la thèsedu Tchad à ce

sujet est que, au contraire,l'obligation de la Franceenvers l'Italie

découlantde l'article13 prit fin avec le traitéde paix,du faitmême

que l'Italieavait renoncé à ses droitset titrescoloniaux.Mais cette

thèsene répond pas à la vraiequestion.11 est indiscutable, en effet,

que l'Italieperditen 1947 le droitde bénéficierde l'article13, cela

va de soi : et la Libyese gardebien de le contester. Mais cecin'exclut

nullement que la Libye,une fois venue en existence, ait héritd éu titre

juridique découlant de l'artic 13,commeelle asans aucun doute hérité

de tousles autres titres italien et ottomans susceptibles d'influencer

le règlementde la question relative à la délimitation de la frontière.

Il est clair, Monsieur le Président, Messieurs le Juges,que le

Tchadne peut pas souffler lc ehaudet le froiden mêmetemps.Autrement

dit, soit le Tchad soutient qu lea Libyen'est à aucun effetle

successeurde l'Italieconcernant le territoire libye et,dans ce casil

doit accepter la conséquence suivant laquelleLl ibye,ni ne peut

bénéficierdes droits territoriaux de l'Itali ni,n'est liéepar les

obligations de même natur qeui pesaientsur celle-ci;soit le Tchad

reconnaît que la Libyea succédé à l'Italieconcernantle territoire

libyen,et dans ce cas il ne peut échapper à la conséquence suivant

laquellel'héritagecolonial reçu par la Libyecomportenon seulementdes

contrainteset des obligations, mais auss des avantageset des droits.4. Conclusion

En conclusion, Monsieu le Président, Messieur les Juges,on peut

constaterqu'à la finde-lapériode italienne ,outcommeau début,le

territoire de laLibyen'étaitpas délimité verl se sud,commela France

l'a d'ailleurs explicitement recoe nnu1935.Après 1947, donc, cette

délimitation était toujoursà établiren prenanten compte lesarguments

et titresjuridiques pertinents, telsque l'Italieles avait reçus de

l'Empireottomanet qu'elle les a transmi àsla Libye.Non seulement

l'Italien'avaitrenoncé à aucunde ces titres, mais en plus elleen a

accumulé(et donc transmis à la Libye)un nouveau,découlantde

l'article13 de l'accordde Londresde 1915.

Je vous remercie, Monsieu le Président.

The PRESIDENT: Thankyou very much,Professor Condorelli. So

tomorrow at teo n'clockwe resumewith,1 think,Sir IanSinclair. Thank

you very much.

La séance est levéeà 13 heures

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Audience publique tenue le jeudi 17 juin 1993, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de sir Robert Jennings, président

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