Exposé écrit du Guatemala

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169-20180301-WRI-08-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
15073
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
EFFETS JURIDIQUES DE LA SÉPARATION
DE L’ARCHIPEL DES CHAGOS DE MAURICE EN 1965
REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF
EXPOSÉ ÉCRIT
PRÉSENTÉ PAR LA
RÉPUBLIQUE DU GUATEMALA
MARS 2018
[Traduction du Greffe]
1. La République du Guatemala soumet par la présente son exposé écrit relatif à la demande
d’avis consultatif sur les Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en
1965, conformément à l’ordonnance prise par la Cour le 14 juillet 2017, telle que complétée par
celle du 17 janvier 2018, et comme suite à la résolution 71/292 adoptée par l’Assemblée générale
des Nations Unies le 22 juin 2017 et communiquée au président de la Cour internationale de Justice
sous le couvert d’une lettre du Secrétaire général des Nations Unies datée du 23 juin 2017.
I. INTRODUCTION
2. L’Assemblée générale a décidé, par sa résolution 71/292 datée du 22 juin 2017, et
conformément à l’article 96 de la Charte des Nations Unies, de «demander à la Cour internationale
de Justice de donner, en vertu de l’article 65 de son Statut, un avis consultatif» sur les questions
suivantes :
a) «Le processus de décolonisation a-t-il été validement mené à bien lorsque Maurice
a obtenu son indépendance en 1968, à la suite de la séparation de l’archipel des
Chagos de son territoire et au regard du droit international, notamment des
obligations évoquées dans les résolutions de l’Assemblée générale 1514 (XV) du
14 décembre 1960, 2066 (XX) du 16 décembre 1965, 2232 (XXI) du 20 décembre
1966 et 2357 (XXII) du 19 décembre 1967 ?» ;
b) «Quelles sont les conséquences en droit international, y compris au regard des
obligations évoquées dans les résolutions susmentionnées, du maintien de
l’archipel des Chagos sous l’administration du Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d’Irlande du Nord, notamment en ce qui concerne l’impossibilité dans laquelle
se trouve Maurice d’y mener un programme de réinstallation pour ses nationaux,
en particulier ceux d’origine chagossienne ?».
3. Avisée par le Secrétaire général des Nations Unies sous le couvert de la lettre du 23 juin
2017 adressée à son président, la Cour a décidé, par une ordonnance datée du 14 juillet 2017, que
«l’Organisation des Nations Unies et ses Etats Membres, qui [étaient] susceptibles de fournir des
renseignements sur la question soumise à la Cour pour avis consultatif, pourr[aient] le faire dans les
délais fixés par la[dite] ordonnance» et a fixé au 30 janvier 2018 la date d’expiration du délai dans
lequel des exposés écrits sur la question pourraient lui être présentés. Ayant décidé que l’Union
africaine était susceptible de fournir des renseignements sur les questions qui lui avaient été
soumises, la Cour a «[p]rorog[é] jusqu’au 1er mars 2018 le délai dans lequel tous les exposés [y
relatifs] pourr[aient lui] être présentés», conformément au paragraphe 2 de l’article 66 de son
Statut.
4. La République du Guatemala compte parmi les 94 Etats qui ont voté en faveur de la
résolution 71/292. A la lumière de ce qui précède, et en tant que destinataire de la communication
spéciale et directe de la Cour internationale de justice visée au paragraphe 2 de l’article 66 du
Statut, elle a donc décidé de participer à l’instance en soumettant le présent exposé écrit.
5. Dans ce cadre, elle commencera par se pencher sur la question de la compétence et celle
de l’opportunité de connaître de la demande d’avis consultatif, et n’abordera qu’ensuite les
éléments de fond que recouvrent les deux questions.
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II. COMPÉTENCE
6. La République du Guatemala estime que la Cour est compétente en l’espèce pour répondre
à la demande d’avis consultatif telle qu’énoncée dans la résolution 71/292 de l’Assemblée générale
des Nations Unies, et ce pour les motifs suivants.
Le paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte des Nations Unies dispose que «[l’]Assemblée
générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la Cour internationale de Justice un avis
consultatif sur toute question juridique».
7. En vertu de cette disposition, deux conditions doivent être remplies :
a) la demande d’avis consultatif doit émaner de l’un des deux organes susmentionnés de
l’Organisation des Nations Unies ; et
b) toute question sur laquelle elle porte doit être juridique.
8. Le paragraphe 2 du même article, quant à lui, indique que
«tous autres organes de l’Organisation et institutions spécialisées qui peuvent, à
un moment quelconque, recevoir de l’Assemblée générale une autorisation à cet effet
ont également le droit de demander à la Cour des avis consultatifs sur des questions
juridiques qui se poseraient dans le cadre de leur activité».
9. Cette différence de formulation montre, et la Cour l’a d’ailleurs relevé en diverses
occasions, que si d’autres organes de l’Organisation des Nations Unies et institutions spécialisées
autorisés à cet effet peuvent demander à la Cour de rendre des avis consultatifs uniquement sur des
questions juridiques qui se poseraient dans le cadre de leur activité, l’Assemblée générale et le
Conseil de sécurité peuvent le faire en ce qui concerne toute question juridique.
10. Parallèlement, l’article 65 du Statut de la Cour internationale de Justice  qui fait partie
intégrante de la Charte des Nations Unies  précise bien que «[l]a Cour peut donner un avis
consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura été
autorisé par la Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispositions à demander cet avis».
11. Ainsi, d’un côté, le paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte ménage à l’Assemblée
générale et au Conseil de sécurité la possibilité de demander à la Cour internationale de Justice de
donner un avis consultatif et, de l’autre, l’article 65 du Statut de la Cour autorise celle-ci à rendre
un tel avis à la demande des organes ou institutions autorisés à ce faire par la Charte ou
conformément à ses dispositions. Il est consant qu’une telle autorisation est d’ordre discrétionnaire,
le soin de décider s’il convient d’y donner suite étant laissé à la Cour elle-même.
12. Lorsqu’elle est saisie d’une demande d’avis consultatif, la Cour doit donc s’assurer au
préalable que les conditions énoncées aux articles 96 de la Charte et 65, paragraphe 1, du Statut
sont remplies, et donc :
a) que la demande est présentée par un organe investi d’un tel pouvoir ; et
b) que la ou les questions soumises à la Cour sont de nature juridique.
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13. En l’espèce, c’est l’Assemblée générale, l’un des deux organes autorisés par la Charte
des Nations Unies à lui demander de rendre un avis consultatif, qui a saisi la Cour. Elle l’a fait en
application des dispositions de son Règlement intérieur, en adoptant, le 22 juin 2017, la
résolution 71/292, par 94 voix contre 15 avec 65 abstentions. La première des deux conditions doit
donc être considérée comme remplie.
14. En ce qui concerne la seconde, relative à la nature juridique des questions, la Cour a
déclaré, dans le passé, que les questions «libellées en termes juridiques et soul[evant] des
problèmes de droit international [étaient], par leur nature même, susceptibles de recevoir une
réponse fondée en droit…, et donc revêt[aient] un caractère juridique»1.
15. La résolution 71/292 comprend deux questions distinctes qui, l’une et l’autre, ne
sauraient être interprétées autrement que comme étant de nature juridique : la première est celle de
savoir si la décolonisation a été validement menée à bien au moment où Maurice a accédé à
l’indépendance, alors que la seconde concerne les éventuelles conséquences en droit international
de l’administration de l’archipel des Chagos par le Royaume-Uni au regard d’obligations
internationales, dont celles découlant de plusieurs résolutions de l’Assemblée générale. Selon la
République du Guatemala, la Cour pourra constater que la seconde condition est, elle aussi,
remplie : les questions qui lui ont été soumises sont bien de nature juridique.
16. Nonobstant ce qui précède, il semble utile de rappeler ce que la Cour a aussi toujours dit,
au sujet de la présence d’aspects politiques dans les questions dont elle était saisie, à savoir que le
simple fait qu’une question recouvre de tels aspects «ne suffit pas à lui ôter son caractère
juridique … [; et qu’elle] ne saurait refuser de répondre aux éléments juridiques d’une question qui,
quels qu’en soient les aspects politiques, l’invite à s’acquitter d’une tâche essentiellement
judiciaire»2.
17. Pour les raisons énoncées ci-dessus, la République du Guatemala considère que la Cour
internationale de Justice est compétente pour connaître de la demande d’avis consultatif qui lui a
été présentée sur la base de la résolution 71/292.
III. OPPORTUNITÉ
18. Ainsi qu’indiqué dans sa jurisprudence, la Cour, dès lors qu’elle se déclare compétente
pour donner l’avis consultatif demandé, doit déterminer «s’il existe une quelconque raison pour
elle, sur la base de son appréciation discrétionnaire, de refuser d’exercer une telle compétence»3.
19. La République du Guatemala le sait, comme elle sait que, à l’article 65 du Statut, la
fonction consultative de la Cour est qualifiée de «discrétionnaire». Elle estime toutefois que la
Cour ne devrait pas refuser de connaître de la demande d’avis consultatif que lui a soumise
l’Assemblée générale en vertu de la résolution 71/292, puisqu’il n’existe aucune raison décisive
pour elle de ce faire.
1 Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2010, p. 415, par. 25.
2 Ibid., p. 415, par. 27.
3 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 232, par. 10.
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20. La Cour est, avant tout, l’organe judiciaire principal de l’Organisation des
Nations Unies et l’un des six organes principaux de l’Organisation. Il est donc essentiel, aux fins du
bon fonctionnement de celle-ci, qu’elle puisse assumer ses différents rôles. En effet l’impossibilité
pour un organe de s’acquitter de fonctions que lui seul serait à même de remplir impliquerait une
défaillance de l’ensemble du système.
21. A plusieurs reprises, la Cour s’en est déclarée consciente. Elle a ainsi indiqué que sa
réponse à une demande d’avis consultatif «constitu[ait] une participation … à l’action de
l’Organisation et qu’en principe, elle ne dev[ait] pas être refusée»4, pour autant qu’elle ait la
certitude que «l’intégrité de [s]a fonction judiciaire … et sa nature en tant qu’organe judiciaire
principal de l’Organisation des Nations Unies»5 seront protégées. La Cour n’a, jusqu’à présent,
jamais refusé de donner suite à une demande d’avis consultatif soumise par l’Assemblée générale,
ni de manière générale ni au titre de l’opportunité judiciaire. La République du Guatemala est
convaincue que la Cour ne trouvera aucune raison, en la présente espèce, de s’écarter du choix
qu’elle a toujours fait de s’acquitter de sa fonction consultative.
22. L’argument que pourraient faire valoir certaines parties, à savoir que le problème
sous-jacent relève d’un différend bilatéral et qu’il ne saurait donc être examiné par la Cour en sa
compétence consultative, devrait être écarté. La Cour a déclaré que «sa compétence pour donner un
avis consultatif ne dépendait pas du consentement des Etats intéressés, même lorsque l’affaire avait
trait à une question juridique actuellement pendante entre eux», puisqu’un avis consultatif est
dépourvu de force obligatoire et qu’il est donné non aux Etats, mais à l’organe de l’ONU qui en fait
la demande.
23. De surcroît, la Cour, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’avis consultatif, peut
connaître de questions juridiques abstraites ou ayant trait à un différend interétatique. Le
paragraphe 3 de l’article 102 de son Règlement, qui impose en pareils cas de désigner des juges ad
hoc, suffit à l’attester. Ce paragraphe se lit comme suit :
«Si l’avis consultatif est demandé au sujet d’une question juridique
actuellement pendante entre deux ou plusieurs Etats, l’article 31 du Statut est
applicable, ainsi que les dispositions du présent Règlement qui pourvoient à
l’application de cet article.»
24. Ce qui précède devrait permettre d’écarter tout argument selon lequel la Cour ne devrait
pas examiner la demande d’avis consultatif au motif qu’elle se rapporte à un différend bilatéral et
que cela équivaudrait à tourner le principe du consentement des Etats à l’exercice de sa fonction
judiciaire. En effet, un tel cas de figure est même prévu dans son Règlement.
25. En ce qui concerne la question de savoir si la Cour, en rendant des avis consultatifs dans
des cas susceptibles d’être assimilés à des différends bilatéraux, aurait pour effet de tourner la
condition préalable du consentement des Etats, il convient de noter que, dans la présente procédure,
comme dans des affaires antérieures,
4 Conséquences juridiques de l’édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 156, par. 44.
5 Demande de réformation du jugement n° 158 du Tribunal administratif des Nations Unies, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1973, p. 175, par. 24
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«[l]es questions juridiques dont l’Assemblée générale a saisi la Cour se situent … dans
un cadre plus large que celui du règlement d’un différend particulier et englobent
d’autres éléments. De surcroît, ces éléments ne visent pas seulement le passé mais
concernent aussi le présent et l’avenir»6.
26. Tout comme dans l’avis consultatif rendu en l’affaire du Mur, l’Assemblée générale s’est
tournée vers la Cour en vue d’obtenir des précisions et des indications pour pouvoir s’acquitter de
ses propres fonctions relatives à des questions dépassant celles posées par un simple différend
bilatéral :
«50. L’objet de la requête dont la Cour est saisie est d’obtenir de celle-ci un avis
que l’Assemblée générale estime utile pour exercer comme il convient ses fonctions.
L’avis est demandé à l’égard d’une question qui intéresse tout particulièrement les
Nations Unies, et qui s’inscrit dans un cadre bien plus large que celui d’un différend
bilatéral. Dans ces conditions, la Cour estime que rendre un avis n’aurait pas pour
effet de tourner le principe du consentement au règlement judiciaire et qu’elle ne
saurait dès lors, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, refuser de donner un
avis pour ce motif.»7
27. La Cour a très opportunément précisé son propos en ces termes :
«L’Assemblée générale n’a pas eu pour but de porter devant la Cour, sous la
forme d’une requête pour avis consultatif, un différend ou une controverse juridique,
afin d’exercer plus tard, sur la base de l’avis rendu par la Cour, ses pouvoirs et ses
fonctions en vue de régler pacifiquement ce différend ou cette controverse. L’objet de
la requête est tout autre : il s’agit d’obtenir de la Cour un avis consultatif que
l’Assemblée générale estime utile pour pouvoir exercer comme il convient ses
fonctions relatives à la décolonisation du territoire.»8
28. Sur la base de ce qui précède, il devrait être parfaitement clair que la possibilité qu’existe
un différend entre certains Etats concernant l’objet des questions soumises par l’Assemblée
générale devant la Cour ne devrait pas empêcher celle-ci d’exercer sa compétence. Il devrait être
tout aussi clair que lesdites questions dépassent le cadre de ce possible différend interétatique, vu
qu’elles sont examinées par l’Assemblée générale depuis des décennies et ont fait l’objet de
plusieurs résolutions phares. Les réponses que la Cour est susceptible de donner aux questions qui
lui ont été posées en vertu de la résolution 71/292 devraient donc avoir un effet juridique utile
manifeste et une applicabilité.
29. Il importe de dissiper toute crainte que l’avis consultatif demandé puisse servir à
favoriser les intérêts d’un Etat donné — peut-être même vis-à-vis d’un autre. La Cour a déclaré que
les avis consultatifs ne constituaient pas une forme de recours judiciaire pour les Etats, puisqu’ils
ne sont pas donnés à ceux-ci mais à l’organe qui en a fait la demande :
«C’est justement pour cette raison que les motifs ayant inspiré les Etats qui sont
à l’origine, ou votent en faveur, d’une résolution portant demande d’avis consultatif ne
6 Sahara occidental, avis consultatif, C.1.J. Recueil 1975, p. 18, par. 38.
7 Conséquences juridiques de l’édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 159, par. 50.
8 Sahara occidental, avis consultatif, C.1.J. Recueil 1975, p. 18, par. 39.
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sont pas pertinents au regard de l’exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire
de répondre ou non à la question qui lui est posée.»9
30. Pour renforcer encore ce propos, l’on peut évoquer ce que la Cour a déclaré dans l’avis
consultatif qu’elle a rendu en 1996 sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires :
«[D]ès lors que l’Assemblée a demandé un avis consultatif sur une question
juridique par la voie d’une résolution qu’elle a adoptée, la Cour ne prendra pas en
considération, pour déterminer s’il existe des raisons décisives de refuser de donner
cet avis, les origines ou l’histoire politique de la demande, ou la répartition des voix
lors de l’adoption de la résolution.»10
31. En conclusion, la République du Guatemala considère que la Cour ne trouvera aucune
raison décisive d’exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas rendre l’avis consultatif demandé et
qu’elle remplira, comme elle l’a toujours fait, le rôle consultatif qui est le sien en tant qu’organe
judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies.
IV. QUESTIONS
32. En ce qui concerne le fond des deux questions posées à la Cour par l’Assemblée
générale, la République du Guatemala souhaite à ce stade s’en tenir à quelques observations
générales et liminaires, se réservant le droit d’analyser plus avant, dans les observations écrites
qu’elle soumettra à la Cour le 15 mai 2018 au plus tard, les principes et notions juridiques qu’elles
mettent en jeu et leur évolution, au cas où il en serait question dans les exposés écrits d’autres
Etats.
33. S’agissant de la première question — «Le processus de décolonisation a-t-il été
validement mené à bien lorsque Maurice a obtenu son indépendance en 1968, à la suite de la
séparation de l’archipel des Chagos de son territoire et au regard du droit international, notamment
des obligations évoquées dans les résolutions de l’Assemblée générale 1514 (XV) du 14 décembre
1960, 2066 (XX) du 16 décembre 1965, 2232 (XXI) du 20 décembre 1966 et 2357 (XXII) du
19 décembre 1967 ?») — la République du Guatemala considère que la Cour, à l’issue de son
analyse, devrait répondre par la négative.
34. Il est abondamment prouvé que l’archipel des Chagos faisait partie de Maurice avant
d’en être détaché par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et avant
l’accession de Maurice à l’indépendance. Il est en outre suffisamment établi que le Royaume-Uni a
tenté de faire passer ses actions pour licites, tout en les sachant contraires aux obligations qui lui
incombaient dans le cadre du processus de décolonisation mené sous l’égide de l’ONU, notamment
en ce qui concerne le principe de l’intégrité territoriale tel que consacré par la Charte des
Nations Unies et la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale des Nations Unies. Pour ces
raisons et toute autre susceptible d’être soumise en temps utile dans les observations écrites, la
République du Guatemala estime que la Cour devrait conclure que le processus de décolonisation
de Maurice n’a PAS été validement mené à bien en 1968.
9 Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2010, p. 417, par. 33.
10 Licéité de la menace ou de l’emploi d'armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996, p. 237, par. 16.
- 8 -
35. En particulier, la Cour devrait examiner de près tous les documents et toute la
correspondance émanant du Royaume-Uni et relatifs à Maurice, à son indépendance et à
l’amputation de l’archipel des Chagos, pour élucider les faits et les motivations sous-jacentes qui
sont à l’origine de la situation actuelle.
36. S’agissant de la seconde question — «Quelles sont les conséquences en droit
international, y compris au regard des obligations évoquées dans les résolutions susmentionnées, du
maintien de l’archipel des Chagos sous l’administration du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d’Irlande du Nord, notamment en ce qui concerne l’impossibilité dans laquelle se trouve Maurice
d’y mener un programme de réinstallation pour ses nationaux, en particulier ceux d’origine
chagossienne ?», la République du Guatemala compte que la Cour répondra que le maintien de
l’archipel des Chagos sous l’administration du Royaume-Uni constitue un acte illicite ayant un
caractère continu auquel il faut mettre fin, afin que la décolonisation de Maurice puisse être
complète ; et que, par conséquent, l’archipel des Chagos doit immédiatement être replacé sous le
contrôle et la souveraineté de Maurice — soit le seul moyen pour celle-ci de retrouver son intégrité
territoriale. Les autres conséquences devraient être énumérées par la Cour à la lumière des
principes généraux du droit international, du droit international coutumier, du droit de la
responsabilité des Etats, des dispositions pertinentes de la Charte des Nations Unies, des différentes
résolutions applicables de l’Assemblée générale et de tout autre corpus juridique que la Cour jugera
pertinent en vertu du principe iura novit curia.
37. La République du Guatemala ne soulignera jamais assez l’importance qu’elle attache au
plein respect des principes de l’intégrité territoriale et de l’égalité souveraine des Etats, les deux
piliers sur lesquels repose le système international. Dans cette optique, elle souhaite appeler
l’attention de la Cour sur l’exposé écrit qu’elle a déposé le 11 mars 1975 comme suite à la demande
d’avis consultatif sur le Sahara occidental, document qui est conservé aux archives de la Cour.
38. Pour les raisons qui précèdent, la République du Guatemala considère que la Cour
internationale de Justice :
a) devrait se déclarer compétente pour connaître de la demande d’avis consultatif contenue dans la
résolution 71/292 de l’Assemblée générale ;
b) ne devrait pas conclure à l’existence de raisons décisives lui interdisant d’exercer son pouvoir
discrétionnaire de ne pas rendre l’avis consultatif demandé ;
c) devrait conclure que la décolonisation de Maurice n’a pas été validement menée à bien en 1968
parce que l’archipel des Chagos a été détaché de son territoire et maintenu sous l’administration
du Royaume-Uni ;
d) devrait conclure que le maintien de l’archipel des Chagos sous l’administration du
Royaume-Uni constitue un acte illicite ayant un caractère continu auquel il convient de mettre
un terme en restituant immédiatement ledit archipel à Maurice, et en restaurant ainsi l’intégrité
territoriale de celle-ci.
L’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la
République du Guatemala auprès du Royaume des Pays-Bas,
(Signé) S. Exc. Mme Gladys Marithza RUIZ SÁNCHEZ DE VIELMAN.
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