Exposé écrit de la Fédération de Russie

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169-20180227-WRI-05-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
15071
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
EFFETS JURIDIQUES DE LA SÉPARATION
DE L’ARCHIPEL DES CHAGOS DE MAURICE EN 1965
REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF
EXPOSÉ ÉCRIT DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE
27 FÉVRIER 2018
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
I. Introduction ............................................................................................................................... 1
II. Compétence et pouvoir discrétionnaire de la Cour..................................................................... 2
1. Fonctions et pouvoirs de l’Assemblée générale et droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes dans le contexte de la décolonisation ................................................................ 4
2. Fonctions et pouvoirs de l’Assemblée générale et statut des territoires .................................. 5
III. Conclusions ............................................................................................................................... 7
I. INTRODUCTION
1. Par sa résolution 71/292, adoptée le 22 juin 2017, l’Assemblée générale des
Nations Unies, agissant conformément au paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte des
Nations Unies, et eu égard à l’article 65 du Statut de la Cour internationale de Justice, a demandé à
celle-ci de donner un avis consultatif sur les questions suivantes :
a) «Le processus de décolonisation avait-il été validement mené à bien lorsque
Maurice a obtenu son indépendance en 1968, à la suite de la séparation de
l’archipel des Chagos de son territoire et au regard du droit international,
notamment des obligations évoquées dans les résolutions 1514 (XV) du
14 décembre 1960, 2066 (XX) du 16 décembre 1965, 2232 (XXI) du
20 décembre 1966 et 2357 (XXII) du 19 décembre 1967 de l’Assemblée
générale ?» ;
b) «Quelles sont les conséquences en droit international, y compris au regard des
obligations évoquées dans les résolutions susmentionnées, du maintien de
l’archipel des Chagos sous l’administration du Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d’Irlande du Nord, notamment en ce qui concerne l’impossibilité dans laquelle
se trouve Maurice d’y mener un programme de réinstallation pour ses nationaux,
en particulier ceux d’origine chagossienne ?»
2. A l’issue d’un vote enregistré, la résolution 71/292 du 22 juin 2017 a été adoptée par
94 voix contre 15, avec 65 abstentions dont celle de la Fédération de Russie. Bien que la Fédération
de Russie se soit abstenue lors du vote consacré à la résolution susmentionnée, elle a décidé de
soumettre le présent exposé écrit afin de faire connaître sa position sur certains aspects du droit
international qui entrent en jeu dans l’examen des questions soumises à la Cour.
3. Afin de déterminer s’il lui échet de donner un avis consultatif et, dans l’affirmative,
comment le formuler, la Cour devra inévitablement apporter une réponse à un ensemble de
questions importantes, en particulier sur le rôle et le mandat des organes principaux de
l’Organisation, parmi lesquels l’Assemblée générale des Nations Unies, ainsi que sur la répartition
des pouvoirs entre ces derniers. Elle pourra aussi se pencher sur la corrélation entre le règlement de
différends territoriaux et l’introduction d’une procédure consultative.
4. L’Organisation des Nations Unies est une institution universelle unique en son genre qui
fut créée en tant que centre où s’harmonisent les efforts des nations vers des fins communes
consistant notamment à maintenir la paix et la sécurité internationales, à développer entre les
nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et
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de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et à réaliser la coopération en résolvant les problèmes
internationaux1.
5. La réalisation de ces objectifs est inextricablement liée au fonctionnement harmonieux et
efficace de l’Organisation, qui ne saurait être possible sans une interprétation et une exécution
cohérentes des mandats de ses principaux organes. Bien que de portée très large, le mandat de
l’Assemblée générale des Nations Unies n’englobe pas les questions relatives au statut juridique
des territoires, hormis celles touchant aux pouvoirs de l’Assemblée à l’égard du régime de tutelle et
les questions connexes concernant le système des mandats.
6. Les principes fondamentaux du droit international contemporain, y compris l’égalité des
droits des peuples et le droit de ceux-ci à disposer d’eux-mêmes, sont la pierre angulaire de
relations internationales justes et équitables. C’est en vertu de ces principes que plus de 80 peuples
soumis à la domination coloniale ont acquis leur indépendance depuis la création de l’Organisation
des Nations Unies. Conscient de l’importance fondamentale de ces principes, notre pays a apporté
une contribution importante au processus de décolonisation en appuyant la lutte des peuples
africains et asiatiques en faveur de l’indépendance.
7. Les Etats doivent régler leurs différends au moyen de mécanismes auxquels ils sont
convenus de recourir conformément au droit international applicable, l’objectif étant d’apaiser les
tensions et d’encourager la coopération pacifique.
8. C’est dans cet esprit que la Fédération de Russie soumet le présent exposé écrit à la Cour
internationale de Justice, conformément à ses ordonnances du 14 juillet 2017 et du 17 janvier 2018.
II. COMPÉTENCE ET POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE DE LA COUR
9. Conformément au paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte des Nations Unies,
l’Assemblée générale peut demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute
question juridique.
10. En vertu du paragraphe 1 de l’article 65 de son Statut, la Cour peut donner un avis
consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura été
autorisé par la Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispositions à demander cet avis.
11. Ainsi qu’indiqué dans son avis consultatif sur la Conformité au droit international de la
déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, la Cour, «[l]orsqu’elle est saisie d’une
demande d’avis consultatif, … doit commencer par déterminer si elle a compétence pour donner
l’avis demandé et, dans l’affirmative, s’il existe une quelconque raison pour elle de refuser
d’exercer une telle compétence»2.
12. Dans cet avis, la Cour a par ailleurs noté ceci :
1 Article 1 de la Charte des Nations Unies.
2 Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 412, par. 17.
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«Bien que le paragraphe 1 de l’article 96 [de la Charte des Nations Unies] confère à
l’Assemblée générale le pouvoir de demander un avis consultatif «sur toute question
juridique», la Cour a … donné certaines indications quant à la relation entre la
question faisant l’objet d’une demande d’avis consultatif et les activités de
l’Assemblée générale (Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la
Hongrie et la Roumanie, première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 70 ;
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 232-233, par. 11-12 ; Conséquences juridiques de
l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 145, par. 16-17)».
13. Dans chacune de ces affaires, la question s’est posée de savoir si, en adressant sa
demande d’avis consultatif à la Cour, l’Assemblée générale des Nations Unies outrepassait ses
pouvoirs. Si la Cour n’a jamais rejeté la demande à ce motif, elle s’est livrée à un examen
approfondi de la relation entre la question posée et la compétence de l’Assemblée.
14. L’examen par la Cour du mandat de l’Assemblée générale en matière de procédure
consultative est indispensable et doit être effectué de manière rigoureuse pour chaque demande.
15. Malheureusement, la pratique récente témoigne d’un moindre respect pour le mandat et
les procédures des organes de l’Organisation des Nations Unies, lequel génère des conflits de
compétence au sein de celle-ci et sape l’ordre juridique international.
16. La propre jurisprudence de la Cour confirme que les avis consultatifs qu’elle rend servent
à fournir aux organes qui les sollicitent les éléments de caractère juridique qui leur sont nécessaires
dans le cadre de leurs activités3 ; dit autrement, «[l’]objet de la … demande d’avis est d’éclairer les
Nations Unies dans leur action propre»4. Pour citer l’avis rendu sur les Conséquences juridiques
pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)
nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, «il s’agit d’une requête présentée par
un organe des Nations Unies, à propos de ses propres décisions, en vue d’obtenir de la Cour un avis
juridique sur les conséquences et les incidences de ces décisions».
17. La compétence consultative de la Cour n’a pas pour finalité de régler  du moins pas
directement  des différends entre Etats, mais de donner des conseils d’ordre juridique aux
organes et institutions qui en font la demande5. Ainsi,
«[l]a compétence consultative n’est pas une forme de recours judiciaire à la
disposition des Etats, mais un moyen permettant à l’Assemblée générale[,] … en vertu
du paragraphe 2 de l’article 96 de la Charte, d’obtenir l’avis de la Cour pour
3 Voir, entre autres, Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1951, p. 19 ; Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du
Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1971, p. 24, par. 32 ; Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 37, par. 72.
4 Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1951, p. 19.
5 Voir, entre autres, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 236.
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[l’]assister dans [ses] activités. L’avis est donné par la Cour non aux Etats, mais à
l’organe qui l’a demandé.»6
18. En conséquence, la Fédération de Russie estime que l’Assemblée générale ne peut
demander un avis consultatif que sur les questions qui relèvent de son mandat, entrent dans le
champ de ses activités et requièrent d’être éclaircies aux fins de son action future.
1. Fonctions et pouvoirs de l’Assemblée générale et droit des peuples
à disposer d’eux-mêmes dans le contexte de la décolonisation
19. L’article 10 de la Charte des Nations Unies autorise l’Assemblée générale à
«discuter toutes questions ou affaires rentrant dans le cadre de la présente Charte ou se
rapportant aux pouvoirs et fonctions de l’un quelconque des organes prévus dans la
présente Charte, et, sous réserve des dispositions de l’article 12, formuler sur ces
questions ou affaires des recommandations aux Membres de l’Organisation des
Nations Unies, au Conseil de sécurité, ou aux Membres de l’Organisation et au
Conseil de sécurité».
20. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est mentionné au paragraphe 2 de
l’article 1, à l’article 55 et à l’article 56 corrélatif de la Charte des Nations Unies. Le paragraphe 2
de l’article 1 le range au nombre des buts de l’Organisation. Le rapporteur du premier comité de la
Première commission de la Conférence de San Francisco a décrit ces buts comme «la raison d’être
de l’Organisation[,] … l’ensemble des fins communes[,] … la cause et l’objet de la Charte à
laquelle souscrivent collectivement et individuellement les Etats Membres»7. Les décisions prises
par les organes en vertu d’autres articles peuvent être considérées  d’un point de vue
constitutionnel  comme se rapportant voire comme donnant effet aux buts et principes précités8.
L’URSS a joué un rôle important dans l’affirmation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,
entre autres buts des Nations Unies9.
21. Selon la Cour, ces dispositions intéressent directement et particulièrement les territoires
non autonomes que vise le chapitre XI de la Charte. Comme la Cour l’a dit dans son avis
consultatif du 21 juin 1971 sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue
de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du
Conseil de sécurité, «l’évolution ultérieure du droit international à l’égard des territoires non
autonomes, tel qu’il est consacré par la Charte des Nations Unies, a fait de l’autodétermination un
principe applicable à tous ces territoires»10.
22. L’autodétermination dans le contexte de la décolonisation est fermement ancrée dans le
mandat de l’Assemblée générale des Nations Unies, laquelle, au fil des années, à adopté plusieurs
6 Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 71 ; Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance
relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 417, par. 33.
7 Documents de la conférence des Nations Unies sur l’organisation internationale, tome VI, p. 465.
8 The Charter of the United Nations, A commentary, 3e éd., Vol. I, B. Simma. D.-E. Khan, G. Nolte, A. Paulus
(sous la dir. de), Oxford University Press, 2012, p. 109, p. 6.
9 Ibid., p. 318, par. 6.
10 Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 31.
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résolutions sur l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux
peuples coloniaux (ci-après également appelée la «Déclaration»), en particulier les résolutions 9
et 66 (I) de 1946, les résolutions 334 et 569 (IV) de 1949, la résolution 567 (VI) de 1951, les
résolutions 637 et 648 (VII) de 1952, la résolution 742 (VIII) de 1953, la résolution 1188 (XIV)
de 1959, et les résolutions 1514 (XV) et 1541 (XV) de 1960.
23. Depuis 1946, l’Assemblée générale des Nations Unies s’est dotée d’organes subsidiaires
spécifiquement chargés de la question des territoires non autonomes et de l’autodétermination.
Après l’adoption de la déclaration phare susmentionnée, en 1960, a été créé le Comité spécial
chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de
l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (également appelé «comité spécial sur la
décolonisation» ou «comité des Vingt-Quatre»)11. A l’heure actuelle, la décolonisation figure parmi
les principaux sujets dont traite la Commission des questions politiques spéciales et de la
décolonisation (Quatrième Commission) de l’Assemblée générale.
24. Dans l’affaire du Sahara occidental, la Cour a dit qu’un Etat Membre des Nations Unies
«ne pouvait pas valablement objecter à ce que l’Assemblée générale exerce ses pouvoirs pour
s’occuper de la décolonisation d’un territoire non autonome et demande un avis consultatif sur des
questions intéressant l’exercice de ces pouvoirs»12. Selon elle,
«[l]’Assemblée générale n’a pas eu pour but de porter devant la Cour, sous la forme
d’une requête pour avis consultatif, un différend ou une controverse juridique, afin
d’exercer plus tard, sur la base de l’avis rendu par la Cour, ses pouvoirs et ses
fonctions en vue de régler pacifiquement ce différend ou cette controverse. L’objet de
la requête est tout autre : il s’agit d’obtenir de la Cour un avis consultatif que
l’Assemblée générale estime utile pour pouvoir exercer comme il convient ses
fonctions relatives à la décolonisation du territoire»13.
25. En conséquence, de par son mandat et les activités qu’elle mène dans ce domaine,
l’Assemblée générale peut être directement concernée par le processus de décolonisation.
2. Fonctions et pouvoirs de l’Assemblée générale et
statut des territoires
26. Les articles 10 à 17 de la Charte des Nations Unies, qui décrivent le mandat de
l’Assemblée générale, ne contiennent aucune disposition concernant la compétence de l’Assemblée
générale en matière de détermination du statut juridique des territoires.
27. L’Assemblée générale des Nations Unies
«n’est pas, de manière générale, habilitée à exercer des droits ou un titre de propriété
sur des territoires ni à imposer des changements de statut permanents. Pareils pouvoirs
11 Nations Unies, résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale en date du 14 décembre 1960.
12 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 15, par. 30.
13 Ibid., p. 18, par. 39.
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restent ceux du souverain territorial ou, en définitive, des habitants du territoire
concerné»14.
28. Il est une exception à cette règle s’agissant des pouvoirs de l’Assemblée à l’égard du
régime de tutelle et des questions connexes relatives au système des mandats. Ainsi, dans son avis
consultatif sur le Sud-Ouest africain,
«la Cour [est] arriv[ée] à la conclusion que l’Assemblée générale des Nations Unies
[était] fondée en droit à exercer les fonctions de surveillance qu’exerçait
précédemment la Société des Nations en ce qui concerne l’administration du Territoire
et que I’Union sud-africaine a[vait] l’obligation de se prêter à la surveillance de
l’Assemblée générale et de lui soumettre des rapports annuels»15.
29. Tout différend territorial entre Etats peut être réglé par les moyens pacifiques auxquels
ceux-ci sont convenus de recourir conformément au droit international applicable. Le pouvoir dont
dispose l’Assemblée générale des Nations Unies de demander un avis consultatif à la Cour
internationale de Justice ne peut être exercé ultra vires pour régler la question du statut juridique
d’un territoire en tournant le consentement ainsi donné par les parties, la Cour n’ayant donc pas
compétence pour répondre à une telle requête.
30. Dans son avis consultatif relatif au Sahara occidental, la Cour a noté que
«le défaut de consentement d’un Etat intéressé p[ouvait], dans certaines circonstances,
rendre le prononcé d’un avis consultatif incompatible avec le caractère judiciaire de la
Cour. Tel serait le cas si les faits montraient qu’accepter de répondre aurait pour effet
de tourner le principe selon lequel un Etat n’est pas tenu de soumettre un différend au
règlement judiciaire s’il n’est pas consentant. Si une telle situation devait se produire,
le pouvoir discrétionnaire que la Cour tient de l’article 65, paragraphe 1, du Statut
fournirait des moyens juridiques suffisants pour assurer le respect du principe
fondamental du consentement à la juridiction»16.
31. Dans ce contexte, la Cour a retenu comme critère la question de savoir si le différend
était né indépendamment, dans le cadre de relations bilatérales, ou durant les débats de l’Assemblée
générale des Nations Unies17.
32. La Cour, appelée à examiner une demande d’avis consultatif qui, en réalité, la saisit non
pas simplement d’un différend mais d’un différend territorial bilatéral, doit appliquer un critère
plus strict. Cette position est étayée, entre autres, par le fait que, dans son avis consultatif sur le
Sahara occidental, la Cour n’a pas rejeté l’objection de l’Espagne selon laquelle le consentement
d’un Etat au règlement judiciaire d’un différend concernant l’attribution de la souveraineté
14 Voir, entre autres, C. Stahn, The Law and Practice of International Territorial Administration: Versailles to
Iraq and Beyond, Cambridge University Press, 2008, p. 545.
15 Statut international du Sud-Ouest africain, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 137.
16 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 25, par. 33.
17 Ibid., par. 34.
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territoriale était toujours nécessaire, mais a indiqué que «[l]es questions posées dans la requête ne
se rattach[aient] … pas à un conflit territorial, au sens propre, entre les Etats intéressés»18.
III. CONCLUSIONS
33. Il importe que la Cour évalue avec soin les circonstances propres à chaque demande
d’avis consultatif afin de déterminer en connaissance de cause si l’organe dont émane une demande
particulière a formulé celle-ci dans le cadre de son mandat (fût-il l’Assemblée générale des
Nations Unies) afin de pouvoir s’acquitter de ses fonctions.
34. Dans l’avis consultatif relatif à Certaines dépenses des Nations Unies, la Cour a déclaré
ceci : «Comme il a été prévu en 1945, … chaque organe doit …, tout au moins en premier lieu,
déterminer sa propre compétence»19. Cette affirmation demeure vraie aujourd’hui. Toutefois,
s’agissant d’une demande d’avis consultatif, c’est la compétence de l’Assemblée générale des
Nations Unies qui fonde celle de la Cour ; s’agissant de la présente requête, il convient dès lors de
se pencher sur le mandat de l’Assemblée générale.
35. Dans ce contexte, il convient de noter que, lors d’affaires précédentes, la Cour
«s’est écartée du libellé de la question qui lui était posée lorsque celle-ci n’était pas
correctement formulée (voir, par exemple, Interprétation de l’accord gréco-turc du
1er décembre 1926 (protocole final, article IV), avis consultatif, 1928, C.P.J.I. série B
no 16) ou lorsqu’elle a constaté, en examinant le contexte de la demande, que celle-ci
ne mettait pas en évidence les «points de droit ... véritablement ... en jeu»
(Interprétation de l’accord du 25 mars 1951 entre l’OMS et l’Egypte, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1980, p. 89, par. 35). De même, lorsque la question posée était peu
claire ou vague, la Cour l’a clarifiée avant de donner son avis (Demande de
réformation du jugement n° 273 du Tribunal administratif des Nations Unies, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1982, p. 348, par. 46)»20.
___________
18 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 27-28, par. 43.
19 Certaines dépenses des Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de la Charte), avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1962, p. 168.
20 Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 423, par. 50.

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