Exceptions préliminaires du Royaume-Uni

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20150615_preliminary_objections_en
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Incidental Proceedings
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13986

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

OBLIGATIONS RELATIVES À DES NÉGOCIATIONS CONCERNANT LA CESSATION
DE LA COURSE AUX ARMES NUCLÉAIRES ET LE DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE

(ÎLES MARSHALL c. ROYAUME-UNI)

EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

DU ROYAUME-UNI DE
GRANDE-BRETAGNE ET
D’IRLANDE DU NORD

15 JUIN 2015

[Traduction du Greffe] Table des matières

Page

I. APERÇU DES QUESTIONS EN CAUSE ET PRÉSENTATION DES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES ............. 1

II. LA DEMANDE DES ILES M ARSHALL ET LES AUTRES ÉLÉMENTS CONTEXTUELS PERTINENTS ........ 4

A. Le TNP..................................................................................................................................... 4

B. Les déclarations faites par les Parties en vertu de la clause facultative.................................... 4

C . Les réclamations formulées par les Iles Marshall contre le Royaume-Uni.............................. 6

III. XCEPTIONS PRÉLIMINAIRES D ’INCOMPÉTENCE ET D IRRECEVABILITÉ ...................................... 8

A. Il n’existe, entre les IlesMarshall et le Royaume-Uni, aucun différend susceptible de
faire l’objet d’un règlement judiciaire ..................................................................................... 8

B. La demande des Iles Marshall est exclue par l’effet des déclarations faites par les
Parties en vertu de la clause facultative................................................................................. 17

1. Les déclarations faites par les Parties en vertu de la clause facultative............................. 17

2. La Cour n’a pas compétence en raison de la limitation ratione temporis prévue dans
la déclaration faite par la République des Iles Marshall en vertu de la clause
facultative ......................................................................................................................... 18

3. La Cour n’a pas compétence car les Iles Marshall ont accepté sa juridiction
obligatoire uniquement aux fins du présent différend ...................................................... 22

C. La demande des Iles Marshall doit être rejetée car elle met en cause les intérêts
essentiels d’Etats non parties à la procédure.......................................................................... 24

D. La demande de la République des Iles Marshall n’entre pas dans le cadre de la
fonction judiciaire de la Cour, qui doit donc refuser d’exercer sa compétence à son
égard....................................................................................................................................... 32

IV. RÉSUMÉ ET DÉCISION DEMANDÉE .............................................................................................. 36

L ISTE DES ANNEXES ......................................................................................................................... 37 I. APERÇU DES QUESTIONS EN CAUSE ET PRÉSENTATION
DES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

1. Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ci-après le «Royaume-Uni»)
a appris l’existence de la procédure engagée contre lui par la République des Iles Marshall (ci-après
la «République des Iles Marshall» ou les «Iles Marshall») le 24 avril 2014 par des articles de presse

faisant état du dépôt par celle-ci d’une requête introductive d’instance devant la Cour internationale
de Justice. Il était précisé dans ces articles que des requêtes distinctes avaient été déposées
simultanément contre huit autres Etats : la Chine, la France, l’Inde, Israël, la Corée du Nord, le
Pakistan, la Fédération de Russie et les Etats-Unis d’Amérique. Dans leur requête contre le

Royaume-Uni, formulée en des termes, pour l’essentiel, similaires aux autres actes simultanément
déposés, les Iles Marshall invoquaient «le manquement aux obligations qui découlent de
l’article VI [du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 1968] et du droit international
coutumier» qu’aurait commis le Royaume-Uni en ne poursuivant pas de bonne foi des négociations
1
en vue de prendre des mesures effectives de désarmement nucléaire .

2. Le Royaume-Uni a été surpris par le dépôt de cette requête et les allégations qui y
sont contenues. La République des Iles Marshall n’avait en effet jusque-là jamais formulé

 directement ou indirectement  le moindre grief à l’égard du Royaume-Uni concernant la
participation de ce dernier aux efforts de désarmement nucléaire. Bien au contraire, ses
déclarations publiques donnaient à penser qu’elle reconnaissait que d’importants progrès étaient
réalisés dans ce domaine sur le plan multilatéral. Ainsi, à l’occasion de la conférence des parties

chargée d’examiner le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (ci-après le «TNP»)
en 2005, le représentant de la République des Iles Marshall avait fait la déclaration suivante :

«Quoique les Iles Marshall continuent de souffrir des conséquences de leur

exposition aux radiations, nous relevons avec satisfaction que certains progrès ont été
réalisés. Il existe aujourd’hui moins d’armes nucléaires et moins d’Etats qui en sont
dotés qu’il y a trente ans. Cette avancée n’aurait pas été possible sans une coopération
durable entre de nombreux Etats, notamment les Etats-Unis et la Fédération de Russie.
2
Depuis 1970, le TNP a été amélioré, mis à jour et complété.»

3. De même, les Iles Marshall n’ont jamais, dans le cadre de leurs échanges bilatéraux avec

le Royaume-Uni, formulé le moindre grief au sujet de la participation de celui-ci aux efforts
déployés en vue du désarmement nucléaire. Elles n’ont pas davantage contesté, à l’occasion de la
conférence des parties chargée d’examiner le TNP en 2010, la déclaration du représentant
britannique exposant les progrès réalisés par le Royaume-Uni en ce qui concerne chacune des
«treize mesures concrètes à mettre en œuvre dans le cadre des efforts systématiques et progressifs

déployés3pour appliquer l’article VI du traité», mesures qui avaient été fixées lors de la conférence
de 2000 . Si elles ont bien indiqué de manière incidente, au cours de certaines réunions bilatérales

1 Requête introductive d’instance contre le Royaume-Uni (ci-après la «requête»), par. 2, et mémoire des
Iles Marshall (ci-après le «mémoire»), par. 2.

2 Déclaration de S. Exc. M. Alfred Capelle, représentant permanent de la République des Iles Marshall, à la
conférence des parties chargée d’examiner le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en 2005 (5 mai 2005)
(annexe 1).
3
Déclaration du Royaume-Uni à la conférence des parties chargée d’examiner le traité sur la non-prolifération
des armes nucléaires en 2010, faite par S. Exc. M. John Duncan, ambassadeur pour les affaires multilatérales de maîtrise
des armements et de désarmement (21 mai 2010) (annexe 2). - 2 -

à caractère général, qu’elles s’efforçaient d’obtenir des Etats-Unis une indemnisation
supplémentaire au profit des victimes des essais nucléaires effectués dans l’atoll de Bikini dans les
années 1950, elles n’ont, en revanche, jamais formulé la moindre critique sur la question du
désarmement nucléaire.

4. Ce silence des Iles Marshall a pour toile de fond la réduction unilatérale progressive, par
le Royaume-Uni, de son arsenal nucléaire  à certains égards le plus modeste parmi les Etats dotés
d’armes nucléaires auxquels il est fait référence dans le TNP (ci-après les «Etats dotés d’armes
nucléaires parties au TNP»)  et sa participation active aux efforts internationaux en vue,
notamment, de la création de zones exemptes d’armes nucléaires et de l’élargissement de ces zones.

Le Royaume-Uni est ainsi partie aux protocoles additionnels des traités de Tlatelolco, Rarotonga et
Pelindaba, qui portent respectivement sur les zones dénucléarisées des régions Amérique latine et
Caraïbes, Pacifique sud et Afrique. Il a également ratifié le protocole additionnel au traité portant
création d’une zone exempte d’armes nucléaires en Asie centrale et poursuit sa coopération avec
les Etats signataires de l’instrument équivalent conclu en ce qui concerne l’Asie du Sud-Est. Ayant
signé le traité d’interdiction complète des essais nucléaires dès l’ouverture de celui-ci à la

signature, le Royaume-Uni est, avec la France, le premier Etat doté d’armes nucléaires à en être
devenu partie. En outre, il dirige des activités de recherche visant à mettre au point des techniques
de vérification pour s’assurer que tout traité de désarmement nucléaire signé à l’avenir soit
appliqué sous un contrôle international strict et efficace.

5. Dans ce contexte, la requête des Iles Marshall introduisant une instance contre le

Royaume-Uni pour inobservation, notamment, de l’article VI du TNP et de prétendues obligations
parallèles découlant du droit international coutumier a été une surprise totale, et les allégations qui
y figurent sont, selon le Royaume-Uni, manifestement dépourvues de fondement. La présente
pièce a toutefois pour objet d’examiner non pas le bien-fondé de ces allégations, mais les questions
de la recevabilité de la requête et de la compétence de la Cour pour se prononcer sur le fond de

l’affaire. A cet égard, le Royaume-Uni soutient que la requête des Iles Marshall est irrecevable et
que la Cour n’est pas compétente pour en connaître ; c’est pourquoi il soulève les présentes
exceptions préliminaires d’incompétence et d’irrecevabilité, conformément au paragraphe premier
de l’article 79) du Règlement de la Cour (ci-après le «Règlement»), dans le délai prescrit à cet
effet.

6. A l’appui de ses exceptions préliminaires, le Royaume-Uni présente cinq moyens
distincts. Premièrement, il fait valoir qu’il n’existe entre les Iles Marshall et le Royaume-Uni
(ci-après les «Parties») aucun «différend» susceptible de faire l’objet d’un règlement judiciaire au
sens du paragraphe 2 de l’article 36, du paragraphe premier de l’article 38 et du paragraphe premier
de l’article40 du Statut de la Cour, du paragraphe premier de l’article 38 du Règlement, ainsi que
des dispositions applicables du droit international coutumier et de la jurisprudence en la matière.

Se fondant notamment sur le principe énoncé à l’article 43 des articles de la Commission du droit
international sur la responsabilité de l’Etat (ci-après les «articles de la CDI sur la responsabilité de
l’Etat» ou les «articles de la CDI»)  qui a été examiné dans les arrêts qu’a récemment rendus la
Cour dans les affaires Géorgie c. Fédération de Russie et Belgique c. Sénégal , le Royaume-Uni
soutient en particulier que, les Iles Marshall ne l’ayant nullement informé de leurs griefs, le

différend allégué ne saurait faire l’objet d’un réglement judiciaire et que, en conséquence, la Cour
n’a pas compétence pour connaître des demandes y afférentes, ou ces demandes sont irrecevables.

4Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 70 ; Questions concernant
l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 422. - 3 -

7. Deuxièmement, au surplus ou à titre subsidiaire, le Royaume-Uni conteste que la Cour ait
compétence au titre des déclarations faites par les deux Parties en vertu de la clause facultative,

lesquelles constituent la seule base de compétence invoquée par les Iles Marshall en la présente
espèce. Plus précisément, il affirme que, par l’effet de la limite temporelle contenue dans la
déclaration des Iles Marshall, qui exclut de la juridiction de la Cour les situations ou faits
postérieurs au 17 septembre 1991, cette dernière est incompétente à l’égard d’une grande partie de
la période pendant laquelle se seraient produits les manquements allégués, ainsi que de certains
aspects essentiels des réclamations formulées par les Iles Marshall à l’encontre du Royaume-Uni, et
partant, à l’égard de la demande dans son ensemble.

8. Le troisième fondement invoqué par le Royaume-Uni  également au surplus ou à titre
subsidiaire, et qui est distinct du précédent  est que les Iles Marshall, par leur déclaration du
24 avril 2013 en vertu de la clause facultative, n’ont accepté la juridiction obligatoire de la Cour
qu’«aux fins du [différend]» aujourd’hui allégué à l’égard du Royaume-Uni. Pareils différends
étant exclus de la compétence de la Cour par l’effet de l’alinéa iii) du paragraphe premier de la

déclaration du Royaume-Uni, la Cour n’a pas compétence pour connaître des réclamations
présentées par les Iles Marshall.

9. Quatrièmement, au surplus ou à titre subsidiaire, les allégations spécifiques formulées par
les Iles Marshall contre le Royaume-Uni ayant immanquablement des incidences directes sur les
intérêts essentiels d’Etats non attraits devant la Cour, le Royaume-Uni fait valoir que la requête est
irrecevable ou que la Cour n’est pas compétente pour en connaître, puisque lesdits Etats ne sont pas

parties à la procédure.

10. Le cinquième fondement avancé au surplus ou à titre subsidiaire est que, étant donné
qu’un arrêt rendu par la Cour dans la présente affaire ne pourrait avoir aucune conséquence
pratique, la requête n’entre pas dans la fonction judiciaire de la Cour, et celle-ci devrait donc, en
tout état de cause, se déclarer incompétente.

11. Chacun de ces motifs d’incompétence et d’irrecevabilité est développé ci-après (les
deuxième et troisième l’étant dans la même section car ils concernent l’un comme l’autre les
déclarations faites en vertu de la clause facultative). Pour les raisons exposées dans ses exceptions
préliminaires, le Royaume-Uni prie la Cour de dire et juger que la requête présentée contre lui par
les Iles Marshall est irrecevable ou ne relève pas de la compétence de la Cour, ou de se déclarer
incompétente.

*

* * - 4 -

II. A DEMANDE DES ILES M ARSHALL ET LES AUTRES
ÉLÉMENTS CONTEXTUELS PERTINENTS

12. Il apparaît utile, aux fins des exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité développées
ci-après, d’apporter quelques précisions concernant l’instance introduite par les Iles Marshall
contre le Royaume-Uni et d’autres aspects contextuels importants. Le présent chapitre comporte

trois parties intitulées comme suit : A) Le TNP, B) Les déclarations faites par les Parties en vertu
de la clause facultative, et C) Les réclamations formulées par les Iles Marshall contre le
Royaume-Uni.

A . Le TNP

13. Le Royaume-Uni figure au nombre des parties originelles au TNP ; il s’est donc trouvé
lié par ledit instrument, dès la date d’entrée en vigueur de celui-ci, et ce, en tant qu’Etat doté
d’armes nucléaires. Parmi les engagements qu’ont pris l’ensemble des Etats parties au TNP figure
celui  qui est énoncé à l’article VI et que les Iles Marshall invoquent en la présente espèce  de
«poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la

course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un
traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace».
A supposer, arguendo, qu’il existerait parallèlement, en droit international coutumier, une
obligation de négociation de même teneur que celle de l’article VI du TNP, il serait extrêmement
ardu, pour ce qui concerne les Etats parties originels au TNP tels que le Royaume-Uni, de faire la
distinction entre les comportements relevant de cette obligation alléguée de droit international

coutumier et ceux qui relèvent de l’engagement conventionnel énoncé à l’article VI.

14. Les Iles Marshall ont adhéré au TNP le 30 janvier 1995. Pour autant que cela soit
pertinent, cet instrument n’est donc en vigueur entre le Royaume-Uni et la République des
Iles Marshall que depuis cette date.

B. Les déclarations faites par les Parties
en vertu de la clause facultative

15. Les Iles Marshall invoquent, comme base de compétence, les déclarations d’acceptation
de la juridiction obligatoire de la Cour faites par les Parties en vertu de l’article 36, paragraphe 2,

du Statut. La déclaration du Royaume-Uni, datée du 5 juillet 2004, se lit comme suit :

«1. Le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande
du Nord reconnaît comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, sous
condition de réciprocité, la juridiction de la Cour internationale de Justice,
conformément au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour et jusqu’à ce qu’il
soit donné notification de l’abrogation de cette acceptation, en ce qui concerne tous les
er
différends nés après le 1 janvier 1974 qui ont trait à des situations ou à des faits
postérieurs à ladite date, autres que :

i) Tout différend que le Royaume-Uni et l’autre ou les autres parties seraient
convenus de régler selon un autre mode de règlement pacifique ;

ii) Tout différend avec le gouvernement d’un autre pays membre qui est ou qui a été
membre du Commonwealth ;

iii) Tout différend à l’égard duquel toute autre partie en cause a accepté la juridiction
obligatoire de la Cour internationale de Justice uniquement en ce qui concerne - 5 -

ledit différend ou aux fins de celui-ci, ou lorsque l’acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour au nom d’une autre partie au différend a été déposée ou

ratifiée moins de douze mois avant la date du dépôt de la requête par laquelle la
Cour est saisie du différend.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2. Le Gouvernement du Royaume-Uni se réserve également le droit de
compléter, modifier ou retirer à tout moment, par voie de notification adressée au

Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, les réserves formulées
ci-dessus ou toutes autres réserves qu’il pourrait formuler par la suite, lesdites réserves
complémentaires, lesdites modifications ou lesdits retraits prenant effet à compter de
la date de ladite notification.» (Les italiques sont de nous.)

16. Aux fins présentes, le Royaume-Uni appelle l’attention sur le passage mis en évidence
dans la déclaration précitée, et notamment au membre de phrase «a accepté la juridiction

obligatoire de la Cour internationale de Justice uniquement … aux fins [du différend]». La portée
de cette restriction et son incidence sur la procédure introduite par les Iles Marshall sont examinées
dans la partie III B) 3) ci-dessous, aux paragraphes 76-82. A titre préliminaire, le Royaume-Uni
relèvera que les Iles Marshall ont déposé leur requête introduisant la présente instance le
24 avril 2014.

17. La déclaration des Iles Marshall en vertu de la clause facultative, qui est datée du

24 avril 2013, se lit comme suit :

«1) Le Gouvernement de la République des Iles Marshall déclare reconnaître
comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l’égard de tout autre
Etat acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour internationale de Justice,
conformément au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour, et jusqu’à ce qu’il
soit donné notification au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies du

retrait de cette déclaration, sur tous les différends nés après le 17 septembre 1991, au
sujet de situations ou de faits postérieurs à cette date, autres que :

i) Les différends au sujet desquels la République des Iles Marshall a convenu avec
l’autre ou les autres parties en cause d’avoir recours à un autre mode de règlement
pacifique ;

ii) Les différends à l’égard desquels toute autre partie en cause a accepté la juridiction

obligatoire de la Cour internationale de Justice uniquement en ce qui concerne
ledit différend ou aux fins de celui-ci.

2) Le Gouvernement de la République des Iles Marshall se réserve également le
droit de modifier, compléter ou retirer à tout moment l’une quelconque des réserves
formulées ci-dessus ou toute autre réserve qu’il pourrait formuler par la suite,
moyennant une notification adressée au Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies, les modifications, ajouts ou retraits prenant effet à la date de la

notification.» (Les italiques sont de nous.)

18. Aux fins présentes, le Royaume-Uni appelle l’attention sur le membre de phrase mis en
évidence dans la déclaration précitée : «sur tous les différends nés après le 17 septembre 1991, au
sujet de situations ou de faits postérieurs à cette date». La portée de cette restriction et son
incidence sur la procédure introduite par les Iles Marshall sont examinées dans la partie III B) 2) - 6 -

ci-dessous, aux paragraphes 63-75. A titre préliminaire, le Royaume-Uni relèvera que la date du
17 septembre 1991 est celle à laquelle la République des Iles Marshall est devenue membre de
l’Organisation des Nations Unies et, par voie de conséquence, partie au Statut de la Cour. Ce qui

importe, aux fins présentes, c’est que la déclaration facultative des Iles Marshall exclut la
juridiction de la Cour à l’égard des différends ayant trait à des situations ou des faits antérieurs au
17 septembre 1991.

C. Les réclamations formulées par les Iles Marshall
cont re le Royaume-Uni

19. La République des Iles Marshall affirme que le Royaume-Uni n’a pas satisfait aux
obligations consacrées par l’article VI du TNP et le droit international coutumier. Elle précise

ensuite cette assertion en indiquant que le Royaume-Uni i) manque de manière continue aux
obligations qui lui incombent en vertu de l’article VI du TNP, ii) manque de manière continue à ces
mêmes obligations qui lui incombent en vertu du droit international coutumier et iii) manque de
manière continue à son devoir de s’acquitter de bonne foi de ses obligations juridiques
5
internationales . En substance, les griefs formulés dans la requête et dans le mémoire des
Iles Marshall reviennent donc à soutenir que le Royaume-Uni méconnaît, de manière persistante et
en toute mauvaise foi, les obligations que lui imposent le TNP et le droit international coutumier,
méconnaissance qui se prolonge dans le temps. Ces griefs portent donc non pas sur une violation

unique qui aurait été commise récemment, mais sur un prétendu manquement continu se
poursuivant depuis plusieurs dizaines années, c’est-à-dire une ligne de conduite alléguée.

20. Le Royaume-Uni rappelle au passage ce qu’il a déjà précisé en introduction, à savoir que

les Iles Marshall n’ont jamais, en aucune circonstance, formulé à son égard le moindre doute, ni la
moindre allégation ou réclamation, et ce, en dépit du comportement de mauvaise foi qui serait le
sien de longue date. Cela va dans le sens de l’exception d’incompétence soulevée par le
Royaume-Uni dans la partie III A) ci-dessous, à savoir qu’il n’existe, entre les Parties, aucun

différend susceptible de faire l’objet d’un règlement judiciaire.

21. Les Iles Marshall s’attachent ensuite, dans leur requête et leur mémoire, à préciser leurs
griefs contre le Royaume-Uni en avançant un certain nombre d’allégations factuelles spécifiques

fondées sur un rappel chronolo6ique débutant en 1952 et intitulé «Le Royaume-Uni et la course
aux armements nucléaires» , ainsi que sur une analyse sur le thème du «Royaume-Uni et [du]
désarmement nucléaire», dont l’entrée en matière se lit comme suit : «[a]u cours des années 1970
et 1980, [le Royaume-Uni] a … refusé à plusieurs reprises que son système d’armes nucléaires soit
évoqué lors des pourparlers qui étaient alors menés au sujet du désarmement» . Pour établir la base

factuelle des obligations de désarmement nucléaire qu’elle avance dans son mémoire, la
République des Iles Marshall commence par invoquer d’anciennes résolutions de l’Assemblée
générale des Nations Unies, puis s’intéresse aux développements des années 1960 qui ont mené au
TNP, à la conclusion de cet instrument en 1968 et, enfin, aux conférences des parties chargées
8
d’examiner le traité, tenues tous les cinq ans à partir de 1975 . Les accusations portées contre le
Royaume-Uni sont, d’une manière générale, présentées comme un manquement à une obligation de

5Requête, par. 7 ; mémoire, par. 7.
6
Requête, par. 24 et suiv.
7Requête, par. 60 ; mémoire, par. 66.

8Mémoire, partie 4, par. 111 et suiv. - 7 -

comportement  le fait que le Royaume-Uni n’ait pas engagé des négociations de bonne foi sur le
désarmement nucléaire , et un manquement à une obligation de résultat «dont [celui-ci] partage

la responsabilité», à savoir le fait que les négociations sur le désarmement nucléaire n’aient pas
abouti 9.

22. L’allégation d’une responsabilité partagée pour inobservation de l’article VI du TNP et
de l’obligation parallèle qui, selon la République des Iles Marshall, existerait en droit international
coutumier constitue le fil rouge de l’argumentation de celle-ci. D’un point de vue général, cela va
dans le sens de l’exception préliminaire exposée dans la partie III C) ci-après, qui repose sur le fait

que les allégations des Iles Marshall mettent en jeu les intérêts essentiels d’Etats qui ne sont pas
parties à la procédure. De plus, loin de se limiter à des assertions d’ordre général, les Iles Marshall
avancent un certain nombre de griefs plus précis qui mettent directement et spécialement en cause

les intérêts essentiels d’autres Etats. Ainsi est-il notamment allégué que le Royaume-Uni a violé
l’article VI du TNP et la prétendue obligation de droit international coutumier susmentionnée en
adoptant un comportement ayant consisté à conclure avec les Etats-Unis l’accord de défense
mutuelle 10, coopérer avec la France en vue de la conclusion d’un traité bilatéral de coopération en
11
matière de défense et de sécurité et adopter des 12sitions communes avec d’autres Etats dotés
d’armes nucléaires au sein d’organes multilatéraux .

23. Comme il est d’usage au stade d’exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité ayant un

caractère exclusivement préliminaire, les griefs formulés par les Iles Marshall ne sont examinés que
très superficiellement dans le présent exposé. Ce rapide examen permet toutefois de dégager
trois caractéristiques importantes aux fins des exceptions exposées ci-après. Premièrement, les

Iles Marshall tirent grief d’une prétendue ligne de conduite suivie par le Royaume-Uni depuis
plusieurs dizaines d’années, puisqu’elle remonterait aux années 1970 et 1980 au moins.
Deuxièmement, les réclamations des Iles Marshall mettent en cause le comportement d’autres
Etats, dans la mesure où elles concernent soit des accords passés entre le Royaume-Uni et d’autres

Etats, soit des comportements suivis par le Royaume-Uni de concert avec d’autres Etats.
Troisièmement, l’un des points essentiels de l’argumentation des Iles Marshall consiste à affirmer
que le Royaume-Uni partage avec d’autres Etats la responsabilité des manquements qu’elles
allèguent.

*

* *

9
Mémoire, par. 214 et 222.
10Ibid., par. 60-61.

11Ibid., par. 62-64.
12
Ibid., par. 76, 77, 81-92. - 8 -

III. XCEPTIONS PRÉLIMINAIRES D ’INCOMPÉTENCE ET D ’IRRECEVABILITÉ

24. Compte tenu du contexte qui vient d’être exposé, le Royaume-Uni soutient que la requête
des Iles Marshall est irrecevable ou que la Cour n’a pas compétence pour connaître de l’affaire, et
ce, pour cinq motifs distincts :

a) il n’existe, entre les Parties, aucun «différend» susceptible de faire l’objet d’un règlement
judiciaire au sens du Statut et du Règlement de la Cour ;

b) la limite temporelle contenue dans la déclaration faite par les Iles Marshall en vertu de la clause
facultative prive la Cour de compétence ;

c) le libellé de la déclaration faite par le Royaume-Uni en vertu de la clause facultative exclut la
compétence de la Cour notamment dans les cas où la partie qui introduit une instance a accepté
la juridiction obligatoire de la Cour uniquement «aux fins» du différend en cause ;

d) certains Etats dont les intérêts essentiels sont mis en cause dans la requête ne sont pas parties à
la procédure ;

e) les demandes formulées ne relèvent pas de la fonction judiciaire de la Cour, qui devrait par
conséquent refuser d’exercer sa compétence à leur égard.

25. Ces motifs, qu i fondent les exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité du
Royaume-Uni, seront examinés tour à tour dans les sections suivantes. Les deuxième et troisième
m otifs seront traités dans une même section, car ils concernent tous deux les déclarations faites par
les Parties en vertu de la clause facultative.

A. Il n’existe, entre les Iles Marshall et le Royaume-Uni, aucun différend

susceptible de faire l’objet d’un règlement judiciaire

26. Le Royaume-Uni soutient que, à la date du dépôt de la requête des Iles Marshall, il
n’existait, entre les deux Etats, aucun différend susceptible de faire l’objet d’un règlement
judiciaire concernant ses obligations de poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures
efficaces relatives au désarmement nucléaire, que lesdites obligations lui incombent au regard du
TNP ou du droit international coutumier. En conséquence, la Cour n’est compétente pour examiner

aucune des demandes des Iles Marshall et celles-ci sont toutes irrecevables.

27. La présente exception repose sur deux principes juridiques bien établis :

a) le fait qu’il doit être satisfait, au moment du dépôt de la requête, aux conditions régissant la
compétence de la Cour, y compris l’existence d’un différend d’ordre juridique ;

b) le fait que l’on ne saurait conclure à l’existence d’un différend juridique si l’Etat qui soumet ce
différend à la Cour n’en a pas informé l’autre Etat. - 9 -

28. La Cour a maintes fois réaffirmé le principe selon lequel la compétence doit «s’apprécier
à la date du dépôt de l’acte introductif d’instance» . C’est également à cette date que doit être

déterminée l’existence d’un différend, condition nécessaire pour l’exercice de la compétence de la
Cour au titre du paragraphe 2 de l’arti cle 36 de son Statut. Comme celle-ci l’a précisé dans
l’affaire Belgique c. Sénégal, «ce qui importe est de savoir si, à la date du dépôt de la requête, il
existait entre les Parties un différend» . 14 Dans l’affaire Croatie c. Serbie, la Cour a appelé

l’attention sur les responsabilités de l’Etat demandeur à cet égard :

«il importe de souligner qu’un Etat qui décide de saisir la Cour doit vérifier avec
attention que toutes les conditions nécessaires à la compétence de celle-ci sont

remplies à la date à laquelle l’instance est introduite. S’il ne le fait pas, et que lesdites
conditions viennent ou non à être remplies par la suite, la Cour doit en principe se
prononcer sur sa compétence au regard des conditions qui existaient à la date de
l’introduction de l’instance.» 15

29. Tout aussi important est le principe de droit coutumier selon lequel l’Etat qui a
l’intention d’introduire une instance doit en informer l’autre Etat. Ce principe est énoncé comme

suit à l’article 43 des Articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de
l’Etat :

«Article 43. Notification par l’Etat lésé

1. L’Etat lésé qui invoque la responsabilité d’un autre Etat notifie sa demande à
cet Etat.

2. L’Etat lésé peut préciser notamment :

a) le comportement que devrait adopter l’Etat responsable pour mettre fin au fait
illicite si ce fait continue ;

b) la forme que devrait prendre la réparation, conformément aux dispositions de la
deuxième partie.» (Les italiques sont de nous.)

30. Le Royaume-Uni appelle l’attention sur les termes du paragraphe 1 de l’article 43 mis en
évidence ci-dessus : un Etat lésé «notifie sa demande» à l’Etat dont il invoque la responsabilité. A
cet égard, il convient de relever que le paragraphe 3 de l’article 48 des Articles de la Commission
du droit international étend la condition énoncée à l’article 43 aux affaires dans lesquelles la

responsabilité d’un Etat est invoquée par un Etat autre que l’Etat lésé. Le principe de notification
préalable opère donc comme un principe général en matière d’invocation de la responsabilité
internationale d’un Etat.

31. Lorsqu’il a présenté ce qui allait devenir l’article 43, le rapporteur spécial de la
Commission du droit international a fait observer que cette disposition présentait une analogie avec

13Voir, par exemple, Questions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant
de l’incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1998, p. 9, par. 44 ; Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 70,
par. 31.

14 Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt,
C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 422, par. 54.
15
Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 412, par. 80. - 10 -

l’article 65 de la convention de Vienne sur le droit des traités 16 et qu’elle était étayée par l’arrêt
17
rendu par la Cour en l’affaire de Certaines terres à phosphates à Nauru . Dans cette affaire,
l’Australie avait notamment soutenu que les réclamations de Nauru étaient irrecevables au motif
qu’elles n’avaient pas été soumises dans un délai raisonnable. En rejetant cette exception,

«[l]a Cour [a] constat[é] … que Nauru a[vait] été officiellement informée, au plus tard
par lettre du 4 février 1969, de la position de l’Australie au sujet de la remise en état
er
des terres à phosphates exploitées avant le 1 juillet 1967. Nauru n’a[vait] contesté
cette position par écrit que le 6 octobre 1983. Dans l’intervalle cependant la question
avait, selon les dires de Nauru, non contredits par l’Australie, été soulevée à deux

reprises par le président de Nauru auprès des autorités australiennes compétentes. La
Cour [a] estim[é] que, eu égard tant à la nature des relations existant entre l’Australie
et Nauru qu’aux démarches ainsi accomplies, l’écoulement du temps n’a[vait] pas
18
rendu la requête de Nauru irrecevable.»

32. En abordant la question de la notification, le rapporteur spécial de la Commission du

droit international a relevé que, «malgré cette souplesse et la prise en considération du contexte
entourant les relations entre les deux Etats concernés, la Cour para[issait] avoir tenu compte du fait
que l’Etat demandeur avait effectivement notifié la réclamation à l’Etat défendeur» et qu’il était
19
«suffisant» que l’Etat défendeur en ait pris connaissance . Et le rapporteur spécial de conclure :

«De l’avis du Rapporteur spécial, cette approche est appropriée sur le plan des

principes. Il doit exister au minimum une certaine forme de notification de la
réclamation en responsabilité d’un Etat à l’autre, de telle sorte que l’Etat responsable
ait connaissance de l’allégation formulée à son encontre et qu’il soit en mesure d’y

répondre (par exemple en mettant fin à la violation et en proposant une forme de
réparation adéquate). Bien entendu, la forme précise que prend la réclamation variera
selon les circonstances. Mais le projet d’articles devrait au moins exiger que l’Etat qui

invoque la responsabilité le notifie à l’Etat responsable. A cette occasion, il serait
normal que soient précisés le comportement qui est exigé de lui pour qu’il soit mis fin

16
Troisième rapport sur la responsabilité des Etats, présenté par M. James Crawford, rapporteur spécial
(cinquante-deuxième session de la Commission du droit international (2000), Nations Unies, doc. A/CN.4/507/Add.2,
par. 235), annexe 3. L’article 65 de la convention de Vienne est libellé comme suit :
«1. La partie qui, sur la base des dispositions de la présente Convention, invoque soit un vice de
son consentement à être liée par un traité, soit un motif de contester la validité d’un traité, d’y mettre fin,

de s’en retirer ou d’en suspendre l’application, doit notifier sa prétention aux autres parties. La
notification doit indiquer la mesure envisagée à l’égard du traité et les raisons de celle-ci.
2. Si, après un délai qui, sauf en cas d’urgence particulière, ne saurait être inférieur à une période
de trois mois à compter de la réception de la notification, aucune partie n’a fait d’objection, la partie qui a

fait la notification peut prendre, dans les formes prévues à l’article 67, la mesure qu’elle a envisagée.
3. Si toutefois une objection a été soulevée par une autre partie, les parties devront rechercher une
solution par les moyens indiqués à l’Article 33 de la Charte des Nations Unies.

4. Rien dans les paragraphes qui précèdent ne porte atteinte aux droits ou obligations des parties
découlant de toute disposition en vigueur entre elles concernant le règlement des différends.

5. Sans préjudice de l’article 45, le fait qu’un Etat n’ait pas adressé la notification prescrite au
paragraphe 1 ne l’empêche pas de faire cette notification en réponse à une autre partie qui demande
l’exécution du traité ou qui allègue sa violation.»
17
Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 240.
18 Ibid., par. 36.

19 Troisième rapport sur la responsabilité des Etats, présenté par M. James Crawford, rapporteur spécial
(cinquante-deuxième session de la Commission du droit international (2000), Nations Unies, doc. A/CN.4/507/Add.2,
par. 237), annexe 3. - 11 -

à tout fait illicite de caractère continu, ainsi que la forme que devrait revêtir la
20
réparation demandée.»

33. L’exigence de notification préalable énoncée à l’article 43 reflète également un autre
21
principe d’application générale pertinent aux fins de la question de la compétence de la Cour .
L’existence  réelle et non hypothétique  d’un différend ratione materiae est une condition
préalable à la compétence de la Cour. A cet égard, il ressort de la jurisprudence bien établie de

celle-ci qu’il convient d’aller au-delà de la simple affirmation de l’existence d’un différend par
l’Etat demandeur 22. Rosenne s’est exprimé comme suit à ce sujet :

«C’est à la Cour qu’il appartient de déterminer objectivement s’il existe ou non
un différend. Pareille détermination ne repose ni sur l’affirmation subjective de
l’existence d’un différend par l’une des parties, ni sur sa réfutation tout aussi

subjective par une autre partie. Aux fins de ladite détermination, la Cour devra
s’assurer que l’une des parties s’oppose activement à la réclamation de l’autre.
Comme elle l’a fait remarquer dans les affaires du Sud-Ouest africain, il ne suffit pas
de se contenter de démontrer que les intérêts des deux parties sont en conflit.» 23

34. L’exigence de notification préalable énoncée à l’article 43 a directement trait à la

question de l’établissement de l’existence d’un différend à l’égard duquel la Cour a compétence,
car elle permet à celle-ci de déterminer objectivement si l’Etat défendeur putatif s’oppose
formellement à la réclamation de l’Etat demandeur.

35. Le libellé de l’article 43 a été adopté par la Commission du droit international sans
opposition ni amendement d’aucun gouvernement 2. Dans son commentaire, la Commission

précise que la «première réaction [de l’Etat lésé] devrait être d’appeler l’attention de l’Etat
responsable sur la situation et de lui demander de prendre les mesures voulues pour mettre fin à la
violation et réparer» 25.

36. La notification préalable d’un différend par l’Etat se voulant demandeur à l’Etat
défendeur putatif est une caractéristique commune aux dispositifs de règlement obligatoire des

différends en droit international. A titre d’exemple, l’article 283 de la Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer (ci-après la «CNUDM») établit une «obligation de procéder à
des échanges de vues» qui, en application de l’article 286 de ce même instrument, constitue une

condition préalable au recours aux procédures obligatoires aboutissant à des décisions obligatoires.
D’une manière générale, l’approche suivie dans le domaine du commerce international est
similaire, le mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des

20 Troisième rapport sur la responsabilité des Etats, présenté par M. James Crawford, rapporteur spécial

(cinquante-deuxième session de la Commission du droit international (2000), Nations Unies, doc. A/CN.4/507/Add.2,
par. 238.
21 Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), opinion individuelle de M. le juge ad hoc Mampuya, p. 641.

22 Par exemple : Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception
préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 803, par. 16.
23 e
Rosenne, The Law and Practice of the International Court, 1920-2005, 4 éd., 2006, vol. II, p. 508.
24 e
Compte rendu analytique de la 2682 séance de la Commission du droit international, Nations Unies,
doc. A/CN.4/SR.2682, par. 38, annexe 4.
25 Annuaire de la Commission du droit international (2001), vol. II, deuxième partie, Nations Unies,
doc. A/56/10, commentaire de l’article 43, par. 3, annexe 5. - 12 -

différends de l’Organisation internationale du travail imposant par exemple des consultations
préalables avant qu’un plaignant puisse demander l’établissement d’un groupe spécial chargé du
règlement des différends. Il s’agit également d’une approche habituelle en matière de règlement

des différends internationaux relatifs aux investissements.

37. Le Royaume-Uni n’établit pas ici d’analogies directes entre les règles de la CNUDM,

celles de l’Organisation internationale du travail ou d’autres procédures de règlement obligatoire
des différends internationaux, d’une part, et, d’autre part, la juridiction obligatoire de la Cour
fondée sur des déclarations faites en vertu de la clause facultative du paragraphe 2 de l’article 36 du
Statut. La Cour est une juridiction sui generis. Force est néanmoins de constater l’existence d’une

proposition d’application générale — à savoir qu’un Etat ne de26ait «pas être pris totalement par
surprise par l’introduction d’une procédure obligatoire» . Le membre de phrase qui vient d’être
cité, tiré de la sentence récemment rendue par le tribunal constitué en application de l’annexe VII
de la CNUDM dans l’affaire opposant Maurice au Royaume-Uni (et qui figure dans une partie de

cette sentence dans laquelle le tribunal a donné tort à celui-ci), résume un principe salutaire
d’application générale dans le domaine du règlement des différends internationaux, principe qui
repose sur les termes employés au paragraphe 1 de l’article 43 des Articles de la Commission du
droit international sur la responsabilité de l’Etat et s’en inspire.

38. Quoique n’ayant pas examiné le libellé de l’article 43 des Articles de la Commission du
droit international, la Cour a récemment souscrit, avec l’autorité qui est la sienne, à l’exigence de
notification préalable de toute réclamation en tant que condition préalable à l’existence d ’un
différend susceptible de faire l’objet d’un règlement judiciaire et à l’égard duquel elle aurait

compétence. Le Royaume-Uni s’appuie à cet ég27d sur les arrêts qu’elle a rendus dans les affaires
Géorgie c. Russie et Belgique c. Sénégal .

39. Dans l’affaire Géorgie c. Russie, pour déterminer s’il existait un différend juridique entre
ces deux Etats au moment du dépôt de la requête, la Cour a procédé à un examen détaillé des
échanges diplomatiques, documents et déclarations pertinents. Elle a fondé son appréciation de ces
éléments de preuve sur l’observation suivante :

«il serait plus aisé de démontrer l’existence d’un différend entre les Parties si un
échange entre elles mettait en évidence des positions diamétralement opposées à
propos de leurs droits et obligations respectifs en ce qui concerne l’élimination de la
discrimination raciale, mais … ainsi qu’elle l’a déjà indiqué, l’existence d’un

différend peut, d28s certaines circonstances, être déduite de l’absence de réaction à
une accusation» .

40. L’analyse des éléments de preuve par la Cour s’étend sur 80 paragraphes, dans lesquels
sont examinés de nombreux exemples de la pratique officielle géorgienne et russe entre 1992
et 2008 . La Cour a jugé que la plupart des documents et déclarations qui lui avaient été soumis
ne prouvaient pas l’existence d’un différend, car ils «ne cont[enaient] aucune critique à l’encontre»

du défendeur, ne s’apparentaient pas à une «allégation» à l’encontre de celui-ci, et n’étaient pas

26
Arbitrage relatif à l’aire marine protégée des Chagos (Maurice c. Royaume-Uni), sentence du 18 mars 2015,
par. 382 (http:/www.pca-cpa.org/showpage.asp?pag_id=1429, disponible en anglais uniquement).
27
Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 70 ; Questions concernant
l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 422.
28Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 70 , par. 37.
29
Ibid., par. 31-113. - 13 -

autrement de nature à étay30 l’existence entre les parties d’un différend susceptible de faire l’objet
d’un règlement judiciaire .

41. Ayant écarté la quasi-totalité des éléments de preuve qui lui avaient été présentés, la
Cour a finalement fondé sa conclusion concernant l’existence d’un différend d’ordre juridique entre

les parties sur «les échanges qui [avaient eu] lieu le 10 août 2008 entre les représentants de la
Géorgie et de la Fédération de Russie au Conseil de sécurité, les accusations formulées les 9 et
11 août par le président de la Géorgie et la réponse qui leur [avait été] donnée le 12 août par le
ministre russe des affaires étrangères» 3. Le poids accordé au fait que le ministre russe des affaires
étrangères avait expressément répondu à l’accusation (en la réfutant) du président géorgien, qui

soutenait que la Russie se livrait à un nettoyage ethnique, a joué un rôle crucial dans cette
conclusion.

42. Dans l’affaire Belgique c. Sénégal, la Cour a, de la même façon, examiné
méthodiquement les échanges diplomatiques qui avaient précédé le dépôt de la requête afin de

vérifier si le Sénégal avait été dûment avisé du différend. L’essentiel de l’analyse de la Cour est
contenue dans les passages suivants :

«54. Le mandat d’arrêt international décerné par la Belgique, qui a été transmis
au Sénégal le 22 septembre 2005 et était accompagné d’une demande d’extradition
(voir paragraphe 21 ci-dessus), faisait, il est vrai, état de violations du droit

international humanitaire, d’actes de torture et de génocide, de crimes contre
l’humanité, de crimes de guerre, de meurtres et d’autres crimes. Cependant, aucun de
ces deux documents n’indiquait ou ne laissait entendre que le Sénégal était tenu, au
regard du droit international, d’exercer sa compétence à l’égard desdits crimes, s’il
n’extradait pas M. Habré. Du point de vue de la compétence de la Cour, ce qui

importe est de savoir si, à la date du dépôt de la requête, il existait entre les Parties un
différend quant à l’obligation, pour le Sénégal, de prendre, en vertu du droit
international coutumier, des mesures concernant les crimes précités, attribués à
M. Habré. Au vu de la correspondance diplomatique échangée entre les Parties, qui a
été examinée plus haut (voir paragraphes 21-30), la Cour estime qu’un tel différend
n’existait pas à cette date. Les seules obligations mentionnées dans la correspondance

diplomatique entre les Parties sont celles qui découlent de la convention contre la
torture. A cet égard, il convient de relever que, même dans une note verbale remise au
Sénégal le 16 décembre 2008, soit à peine deux mois avant le dépôt de sa requête, la
Belgique s’est contentée d’indiquer que ses propositions en matière de coopération
judiciaire étaient sans préjudice «du différend subsistant entre [elle] et le Sénégal au

sujet de l’application et de l’interprétation des obligations résultant des dispositions
pertinentes de la convention … contre la torture», sans faire nulle mention d’une
obligation de poursuivre ou d’extrader relativement à d’autres crimes. Dans cette
même note verbale, la Belgique a également pris acte des modifications apportées à la
législation et à la Constitution du Sénégal en se référant au seul crime de torture, alors

même que lesdites modifications n’étaient pas limitées à ce crime. Dès lors, le
Sénégal n’avait aucune raison de prendre position, dans ses relations avec la Belgique,
sur la question de la poursuite de M. Habré pour des crimes que celui-ci aurait commis
au regard du droit international coutumier. Quoique les faits constitutifs de ces crimes
aient pu être étroitement liés aux actes de torture allégués, la question de savoir si un
Etat est tenu d’engager des poursuites à l’encontre d’un ressortissant étranger à raison

30
Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), par. 65, 67, 77, 84, 86-87, 89
et 92.
31Ibid., par. 113. - 14 -

de crimes relevant du droit international coutumier que celui-ci aurait commis à

l’étranger est clairement distincte de toute question concernant le respect des
obligations qui incombent à cet Etat en application de la convention contre la torture,
et soulève des problèmes juridiques tout à fait différents.

55. La Cour conclut que, au moment du dépôt de la requête, le différend qui
opposait les Parties n’était pas relatif à des manquements à des obligations relevant du
droit international coutumier, et qu’elle n’a donc pas compétence pour statuer sur les

demandes de la Belgique qui s’y rapportent. C’est donc uniquement à l’égard du
différend concernant l’interprétation et l’application de l’article 6, paragraphe 2, et de
l’article 7, paragraphe 1, de la convention contre la torture que la Cour devra
déterminer s’il existe une base juridique de compétence.» 32

43. Ainsi que cela ressort des passages précités, la Cour a jugé que la notification préalable à
un Etat défendeur putatif du détail des réclamations que l’Etat demandeur entend formuler à son

encontre était une condition préliminaire à l’établissement de sa compétence.

44. Le Royaume-Uni est d’avis que plusieurs conclusions générales et importantes peuvent

être tirées des arrêts que la Cour a rendus dans les affaires Géorgie c. Russie et Belgique c. Sénégal.

a) L’on ne saurait conclure à l’existence d’un différend susceptible de faire l’objet d’un règlement

judiciaire entre deux Etats lorsque l’une des parties n’a pas eu connaissance des réclamations
formulées contre elle et se voit donc privée de la possibilité d’y répondre.

b) En temps normal, l’existence d’un différend entre deux Etats sera démontrée par des éléments

établissant des positions diamétralement opposées à propos des droits et obligations respectifs
desdits Etats, le plus souvent sous la forme d’échanges entre eux avant l’introduction de
l’instance. Dans certains cas, l’existence d’un différend peut être déduite de l’absence de
33
réaction à une accusation , à condition toutefois que l’Etat qui s’abstient de répondre ait eu la
possibilité de le faire.

c) Les réclamations doivent être notifiées par l’Etat qui entend introduire une instance en des

termes clairs, spécifiques et visant l’Etat dont la responsabilité sera mise en cause. Ainsi, ce
n’est pas parce qu’un Etat informe un autre Etat de l’existence d’un différend relatif à
l’inobservation de certaines obligations conventionnelles qu’il aura dûment notifié ipso facto

celle d’un différend ayant trait à une règle du droit international coutumier de même portée, et 34
ce, en raison des «problèmes juridiques … différents» que ces deux situations soulèvent .

d) Même s’il existe un différend entre deux Etats sur des questions ayant une portée plus large et si

celui-ci est abondamment étayé par des déclarations et des documents, l’existence du différend
soumis à la Cour devra néanmoins être établie par des éléments de preuve s’y rapportant
spécifiquement. Des références faites de manière incidente dans le cadre d’une réclamation
35
plus large seraient insuffisantes à cet égard .

32 Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt,
C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 444-445, par. 54-55.

33 Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt,
C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 439, par. 37.
34
Ibid., p. 445, par. 54.
35 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 70, par. 63. - 15 -

45. Les faits et circonstances entourant le différend allégué par les Iles Marshall contre le
Royaume-Uni se distinguent radicalement de ceux des affaires Géorgie c. Russie et Belgique

c. Sénégal. Dans ces deux affaires, l’Etat demandeur avait pu produire de multiples échanges
diplomatiques avec l’Etat défendeur concernant l’objet du différend qui avait été par la suite
soumis à la Cour. Ces éléments eux-mêmes n’ont pas toujours suffi à établir l’existence d’un
différend susceptible de faire l’objet d’un règlement judiciaire en ce qui concerne chacun des

aspects de la demande présentée ultérieurement à la Cour.

46. Or, les Iles Marshall, dans leur mémoire, ne mentionnent que deux déclarations à l’appui

de la prétendue existence d’un différend avec le Royaume-Uni. Cependant, ni le contenu de ces
déclarations, ni les circonstances dans lesquelles elles ont été faites ne constituent un quelconque
élément de preuve de l’existence, le 24 avril 2014, date du dépôt de la requête introductive
d’instance par les Iles Marshall, d’un différend entre celles-ci et le Royaume-Uni.

47. Dans la première de ces déclarations, faite le 26 septembre 2013 à la réunion de haut
niveau des Nations Unies sur le désarmement nucléaire, le ministre des affaires étrangères des

Iles Marshall a exhorté «tous les Etats dotés d’armes nucléaires à intensifier leurs efforts pour 36
assumer leurs responsabilités en vue d’un désarmement effectif réalisé en toute sécurité» . La
déclaration ne mentionnait pas spécifiquement le Royaume-Uni et ne pouvait en aucune manière
être considérée par celui-ci comme mettant en cause sa responsabilité au regard du droit

international pour une quelconque violation du TNP ou du droit international coutumier. En outre,
et c’est là un point crucial, le fait d’exhorter des Etats à intensifier leurs efforts dans un certain sens
ne suppose ni n’implique que ces Etats ne respectent pas le droit international. Par ailleurs, dans
leur mémoire, les Iles Marshall font une citation tronquée de la déclaration, en omettant la phrase

précédente, qui se lit comme suit «le désarmement procède de la volonté politique, et nous nous
félicitons des progrès bilatéraux réalisés à cet égard, y compris entre les Etats-Unis d’Amérique et
la Russie» 37.

48. La seconde déclaration sur laquelle s’appuient les Iles Marshall a été faite à peine plus de
deux mois avant le dépôt de la requête, dans le cadre d’une conférence à laquelle le Royaume-Uni
n’assistait pas . Et les Iles Marshall n’ont pris aucune mesure pour en informer le Royaume-Uni.

49. Comme l’a fait observer le rapporteur spécial de la Commission du droit international sur
la responsabilité de l’Etat , il peut suffire, aux fins de l’article 43, qu’un Etat défendeur ait

connaissance des réclamations formulées à son encontre. En l’espèce, il est cependant tout à fait
clair que, d’une part, le Royaume-Uni n’en avait nullement connaissance et que, d’autre part, les
Iles Marshall n’ont pas pris les mesures minimales requises pour l’en informer. En ce qui concerne
la réunion de haut niveau des Nations Unies sur le désarmement nucléaire, dans le cadre de laquelle

les Iles Marshall ont fait la première des déclarations susmentionnées, le Gouvernement du
Royaume-Uni était représenté au niveau ministériel. La déclaration officielle faite par le
Royaume-Uni à cette occasion ne contient toutefois aucune référence à celle des Iles Marshall 40.
Or, il est inconcevable qu’une allégation grave concernant le respect du régime juridique des armes

36Mémoire, par. 98 et annexe 71.
37
Ibid., annexe 71.
38Ibid., par. 100.

39Voir plus haut, par. 32.
40
Déclaration faite au nom de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis d’Amérique par M. Alistair Burt,
sous-secrétaire d’Etat du Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, à la réunion de haut
niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le désarmement nucléaire, 26 septembre 2013, annexe 6. - 16 -

nucléaires par le Royaume-Uni n’ait suscité aucune réaction de la part d’un de ses ministres
participant à une réunion consacrée précisément à ces questions. Le fait est que nul ne pouvait
déduire de la déclaration des Iles Marshall que celles-ci invoquaient la responsabilité du

Royaume-Uni pour violation du droit international et que, partant, cela appelait une réponse.

50. Les Iles Marshall ont eu d’autres occasions de notifier au Royaume-Uni le différend qui,
selon elles, oppose les deux Etats. En 2010, lors de la conférence d’examen du TNP, le

Royaume-Uni a ainsi présenté un exposé détaillé de ses progrès en ce qui concerne chacune des
treize étapes de la mise en œuvre de l’article VI, lesquelles avaient été définies à la conférence
d’examen de 2000 ; les Iles Marshall n’ont soulevé aucune question à ce sujet. En
septembre 2013, le ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères et du Commonwealth du

Royaume-Uni, S. Eec. M. Hugo Swire, s’est rendu aux Iles Marshall pendant deux jours à
l’occasion du 44 sommet du forum des Iles du Pacifique, dans le cadre duquel le Royaume-Uni et
les Iles Marshall organisaient ensemble une réunion sur le changement climatique. Le
26 février 2014, quelques semaines seulement avant le dépôt de la requête introduisant la présente
instance, le nouvel ambassadeur du Royaume-Uni s’est rendu aux Iles Marshall pour présenter ses

lettres de créance. Au cours de sa visite, il s’est entretenu avec le président, le ministre des affaires
étrangères et d’autres ministres de cet Etat. A aucun moment la réclamation des Iles Marshall ou
une quelconque question sous-jacente n’a été abordée.

51. L’affirmation selon laquelle elle a qualité pour saisir la Cour, non seulement au motif
qu’elle est «un Etat lésé au sens de la définition énoncée à l’alinéa ii) du paragraphe b) de
l’article 42», mais également en vertu du caractère erga omnes de l’obligation de négocier qu’elle
fait valoir n’est d’aucune aide à la République des Iles Marshall . Comme cela a été précisé

ci-dessus, par l’effet du paragraphe 3 de l’article 48 des Articles de la Commission du droit
international, l’exigence de notification préalable s’applique de la même manière aux Etats autres
que les Etats lésés. L’élément essentiel est que les réclamations doivent être notifiées à l’Etat dont
la responsabilité internationale est mise en cause et que celui-ci doit se voir donner la possibilité

d’y répondre.

52. De toute évidence, les Iles Marshall ont conscience de ces manquements puisqu’elles
tentent d’établir que le Royaume-Uni avait connaissance de leurs réclamations. Cependant, leurs

tentatives pour démontrer que celui-ci a43ontesté leurs allégations s’appuient sur des affirmations
générales et dépourvues de pertinence . Au moment où les Iles Marshall ont déposé leur requête
introductive d’instance devant la Cour, elles n’avaient pas même pris les mesures les plus
élémentaires pour informer le Royaume-Uni de leur réclamation ni d’aucun aspect d’un différend,

ou d’un simple désaccord, qui les opposerait à celui-ci. Il n’y avait aucun conflit entre les positions
juridiques des Iles Marshall et du Royaume-Uni. Dans une affaire qui repose sur l’allégation selon
laquelle une obligation de négocier de bonne foi n’a pas été respectée, il est particulièrement
singulier qu’une instance ait été introduite sans que rien n’ait été fait pour notifier préalablement
les réclamations formulées.

41
Déclaration du Royaume-Uni à la conférence des parties chargée d’examiner le traité sur la non-prolifération
des armes nucléaires en 2010, faite par S. Exc. M. John Duncan, ambassadeur pour les affaires multilatérales de maîtrise
des armements et de désarmement (21 mai 2010) (annexe 2).
42Mémoire, par. 103.

43Ibid., par. 101. - 17 -

53. De l’avis du Royaume-Uni, les Iles Marshall ne lui ayant d’aucune manière notifié leurs
griefs, le différend allégué n’est pas susceptible de faire l’objet d’un règlement judiciaire.
En conséquence, la Cour n’a pas compétence pour connaître des réclamations en question et
celles-ci sont irrecevables.

B. La demande des Iles Marshall est exclue par l’effet des déclarations
faites par les Parties en vertu de la clause facultative

54. Outre l’exception formulée ci-dessus, qui concerne l’absence de différend susceptible de
faire l’objet d’un règlement judiciaire, le Royaume-Uni fait valoir, au surplus ou à titre subsidiaire,
que la demande de la République des Iles Marshall se trouve exclue par l’effet des déclarations
d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour faites par les Parties. Il avance deux

arguments à l’appui de cette affirmation : le premier est que la limite temporelle contenue dans la
déclaration des Iles Marshall, qui exclut de la compétence de la Cour les situations ou faits
antérieurs au 17 septembre 1991, prive celle-ci de compétence à l’égard de la demande des
Iles Marshall dans son ensemble ; le second, distinct du précédent, est que la Cour n’a pas
compétence au motif que, par sa déclaration du 24 avril 2013, la République des Iles Marshall n’a

accepté la juridiction obligatoire de la Cour qu’«aux fins du différend» qui, selon elle, l’oppose
aujourd’hui au Royaume-Uni. Après une brève analyse contextuelle des déclarations faites par les
Parties en vertu de la clause facultative, ces deux arguments seront développés tour à tour.

1. Les déclarations faites par les Parties en vertu de la clause facultative

55. Les déclarations des deux Parties sont reproduites et brièvement examinées aux
paragraphes 15 à 18 ci-dessus. S’agissant de celle du Royaume-Uni, le passage pertinent aux fins
présentes est l’exclusion énoncée à l’alinéa iii) du paragraphe premier, qui se lit comme suit :

«[Le Royaume-Uni reconnaît comme obligatoire la juridiction de la Cour en ce
qui concerne tous les différends autres que] tout différend à l’égard duquel toute autre

partie en cause a accepté la juridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice
uniquement en ce qui concerne ledit différend ou aux fins de celui-ci, ou lorsque
l’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour au nom d’une autre partie au
différend a été déposée ou ratifiée moins de douze mois avant la date du dépôt de la
requête par laquelle la Cour est saisie du différend.»

56. La déclaration des Iles Marshall est datée du 24 avril 2013. Le passage pertinent aux fins
présentes est l’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour «sur tous les différends nés après
le 17 septembre 1991, au sujet de situations ou de faits postérieurs à cette date».

57. Ainsi que la Cour l’a rappelé à maintes reprises, «l’un des principes fondamentaux de

son Statut est q44elle ne peut trancher un différend entre des Etats sans que ceux-ci aient consenti à
sa juridiction» . En la présente espèce, les Iles Marshall invoquent, comme unique base de
compétence, les déclarations respectives des Parties en vertu de la clause facultative. Il ne saurait
être contesté que la Cour n’a compétence qu’à l’égard des questions couvertes par l’une et l’autre
de ces déclarations.

44Voir notamment, Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 90, par. 26, et les affaires
auxquelles il y est fait référence. - 18 -

58. Avant d’en venir aux fondements des exceptions soulevées par le Royaume-Uni, deux
observations préliminaires s’imposent.

59. Premièrement, la déclaration de la République des Iles Marshall est datée du
24 avril 2013. Celle-ci a déposé sa requête introductive d’instance le 24 avril 2014, soit un an

après, jour pour jour.

60. Le Royaume-Uni est le seul Etat doté d’armes nucléaires partie au TNP à avoir accepté la
juridiction obligatoire de la Cour en application du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut. Il est
également le seul des neuf Etats visés par les requêtes déposées le 24 avril 2014 à être lié par

l’article VI du TNP et à l’égard duquel la République des Iles Marshall pouvait raisonnablement
fonder des espoirs (si minces fussent-ils) de voir la Cour examiner ses demandes. Toute
circonstancielle que soit cette remarque, il est absolument évident que, lorsqu’elle a fait sa
déclaration en vertu de la clause facultative, la République des Iles Marshall avait spécifiquement
en vue la présente procédure, introduite douze mois plus tard contre le Royaume-Uni. Il serait

fallacieux de sa part de prétendre le contraire.

61. Deuxièmement, ainsi que cela appert du passage cité au paragraphe 55 ci-dessus, la
déclaration du Royaume-Uni comporte une clause de protection classique d’une durée de
douze mois qui exclut la compétence de la Cour «l orsque l’acceptation de la juridiction obligatoire

de [celle-ci] au nom d’une autre partie au différend a été déposée ou ratifiée moins de douze mois
avant la date du dépôt de la requête par laquelle la Cour est saisie du différend».

62. S’agissant du calcul de cette période de douze mois, le Royaume-Uni fait observer qu’il
est de pratique courante, en contentieux international, de faire courir les délais à partir du

lendemain de la date de réception d’une notification, et ce, afin d’éviter toute divergence quant à
l’heure ex45te à laquelle il y a lieu, le jour où la notification est reçue, de commencer le
décompte . Si l’on applique cette méthode pour calculer la période de douze mois prévue dans la
déclaration du Royaume-Uni, la requête de la République des Iles Marshall a été déposée un jour
trop tôt ; la déclaration de cet Etat étant datée du 24 avril 2013, le délai de douze mois devait en
effet courir à compter du 25 avril 2013 et expirer le 25 avril 2014, soit le lendemain de la date à

laquelle la requête des Iles Marshall a été déposée. Bien que le Royaume-Uni entende fonder ses
exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité sur les autres motifs exposés dans la présente pièce,
lesquels recouvrent des considérations plus importantes, dans leur portée et leur principe, que la
simple question technique de la date de dépôt, ce point mérite toutefois d’être signalé, en ce qu’il
donne une indication du caractère discutable de la requête de la République des Iles Marshall.

2. La Cour n’a pas compétence en raison de la limitation ratione temporis prévue dans la
déclaration faite par la République des Iles Marshall en vertu de la clause facultative

63. Il est clairement établi que, par l’effet de la condition de réciprocité énoncée au

paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, toute limitation ratione temporis contenue dans la
déclaration faite par une partie à un différend en vertu de cette clause facultative «fait droit entre
les parties», et que, en conséquence, «compétence est conférée à la Cour seulement dans la mesure

45Cette méthode courante de calcul des délais a été retenue dans de nombreux instruments internationaux : voir
notamment le paragraphe 6 de l’article 2 du Règlement d’arbitrage de la CNUDCI de 2010 («Tout délai prévu dans le
présent Règlement court à compter du lendemain du jour où une notification est reçue.») et la convention européenne sur
la computation des délais adoptée par le Conseil de l’Europe en 1972 (citée à titre d’exemple uniquement, le
Royaume-Uni n’étant pas partie à cette convention, laquelle, par ailleurs, ne s’applique bien évidemment pas à la présente
procédure). - 19 -

46
où les deux déclarations coïncident pour la lui conférer» . Il s’ensuit que, étant donné la limite
temporelle qui figure dans la déclaration des Iles Marshall, la compétence susceptible d’être
conférée à la Cour en l’espèce ne couvre que les «différends nés après le 17 septembre 1991, au

sujet des situations ou des faits postérieurs à cette date».

64. Le Royaume-Uni fait valoir que, si tant est qu’il existe, entre les deux Parties, un

différend susceptible de faire l’objet d’un règlement judiciaire  ce qu’il conteste, pour les raisons
exposées ci-dessus , celui-ci ne saurait être dûment soumis à la Cour par la simple mention de
situations ou de faits postérieurs au 17 septembre 1991, puisqu’il porte, en réalité, sur le
comportement qui aurait été celui du Royaume-Uni à partir du 5 mars 1970, date d’entrée en

vigueur du TNP, jusqu’à aujourd’hui. Dès lors, suivant la jurisprudence bien établie de la Cour,
étant donné que des éléments constitutifs essentiels du différend échappent à la compétence
ratione temporis de celle-ci, c’est la demande présentée par les Iles Marshall contre le
Royaume-Uni dans son intégralité qui s’en trouve exclue.

65. Ainsi que cela a été relevé dans la partie II C ci-dessus (paragraphes 19-23), la
République des Iles Marshall soutient que le Royaume-Uni s’est, par un comportement de

mauvaise foi remontant au moins aux années 1970 et 1980, rendu coupable d’un manquement
continu. Dans ces conditions, la question essentielle aux fins d’apprécier l’exception
d’incompétence exposée sous le présent intitulé est de savoir si, dans le cadre de l’examen des
«situations ou faits» auquel elle se livrerait pour exercer dûment sa fonction judiciaire, la Cour

serait amenée à en examiner certains qui sont antérieurs à la date à compter de laquelle elle peut
exercer sa compétence en vertu des dispositions pertinentes des déclarations facultatives (date
ci-après désignée, par commodité, la «date critique»). La Cour, tout comme sa devancière, ont
indiqué à maintes reprises que les situations ou faits pertinents à cet égard étaient ceux qui devaient
47
être considérés comme étant «générateurs du différend», ceux qui en sont «réellement la cause» .

66. L’argumentation des Iles Marshall consiste, en substance, à affirmer que l’article VI du
TNP et le droit international coutumier imposent au Royaume-Uni l’obligation de poursuivre de

bonne foi et de mener à terme des négociations devant mettre fin à la course aux armements
nucléaires et conduire à un désarmement dans tous ses aspects, et que le Royaume-Uni manque de
manière continue à cette obligation 48.

67. Si l’on se réfère au mémoire de la République des Iles Marshall, le fait «générateur» du
différend qui, selon elle, oppose les Parties  ou celui qui en est «réellement la cause»  est un
comportement qu’aurait le Royaume-Uni à l’égard de l’article VI du TNP, instrument entré en

vigueur le 5 mars 1970, soit plus de vingt ans avant la date critique en la présente affaire. Un
certain nombre d’éléments confirment que les «situations ou faits» en cause dans le présent
différend remontent à la naissance de l’obligation incombant au Royaume-Uni en vertu de l’article
VI :

46 Affaire relative à la Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. Belgique), mesures conservatoires,

ordonnance du 2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 124, par. 30.
47Compagnie d’électricité de Sofia et de Bulgarie, arrêt, 1939, C.P.J.I. série A/B n 77, p. 82 ; la Cour a fait
sienne cette définition, et l’a appliquée en l’affaire du Droit de passage sur territoire indien (Portugal c. Inde), fond,
arrêt, C.I.J. Recueil 1960, p. 6, par. 35, et en l’affaire relative à Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 6, par. 44.
48
Mémoire, par. 7. - 20 -

a) l’allégation principale des Iles Marshall consiste à affirmer que le Royaume-Uni manque de 49
manière continue à ses obligations en vertu du TNP et du droit international coutumier ;

b) dans son mémoire, la République des Iles Marshall répète à l’envi que le Royaume-Uni manque
50
à ses obligations depuis que le TNP est entré en vigueur il y a 45 ans , et que la requête a pour
objet de «s’assurer que les obligations juridiques souscrites il y a 45 ans par le Royaume-Uni
51
dans le cadre du TNP produisent effectivement les résultats attendus» ; et

c) la République des Iles Marshall s’appuie sur de nombreux exemples censés illustrer la position
du Royaume-Uni à l’égard des armes nucléaires et du désarmement, en remontant à la date

d’entrée en vigueur du TNP. S’il n’entend pas, dans la présente pièce, examiner ces allégations
au fond, le Royaume-Uni en citera néanmoins certaines, à titre d’exemples :

i. depuis 1968, la Royal Navy mènerait sans interruption des patrouilles avec des
sous-marins nucléaires ; 52

ii. l’«accord de défense mutuelle», conclu initialement en 1958 entre le Royaume-Uni et les
Etats-Unis et très récemment reconduit  en 2014 , constituerait une violation de
l’article VI du TNP ; 53

iii. au cours des années 1970 et 1980, le Royaume-Uni aurait refusé à plusieurs reprises que
ses systèmes d’armement nucléaire soient inclus dans les négociations qui étaient alors
54
menées au sujet du désarmement ;

iv. le Royaume-Uni aurait refusé que ses armes nucléaires soient incluses dans les
55
négociations sur la réduction des arsenaux nucléaires après la fin de la Guerre froide ; et

v. Mme Thatcher aurait sollicité et obtenu auprès des Etats-Unis des assurances de ce que les

accords signés à l’avenir entre ces derniers et la Russie en matière de maîtrise des
armements n’auraient aucune incidence sur la fourniture de missiles Trident au
Royaume-Uni 56.

68. Si la République des Iles Marshall invoque également des situations ou faits plus récents
à l’encontre du Royaume-Uni, ceux-ci ne sont, dans le contexte des allégations présentées en

l’espèce, que le prolongement d’une ligne de conduite plus ancienne censée démontrer une
violation, par le Royaume-Uni, des obligations continues qui lui incombent au titre du TNP et du
droit international coutumier. Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour et de sa

devancière que la simple invocation d’un comportement postérieur à la date critique ne saurait
permettre à l’Etat demandeur de se soustraire aux effets d’une restriction temporelle de la

compétence de la Cour.

49Mémoire, par. 7.
50
Ibid., par. 6, 213, 221.
51
Ibid., par. 10.
52Ibid., par. 35.

53Mémoire, par. 61.
54
Ibid., par. 66.
55
Ibid., par. 69.
56Ibid., par. 70. - 21 -

69. Dans l’affaire des Phosphates du Maroc, la Cour permanente a ainsi rejeté les assertions
de l’Italie selon lesquelles la restriction temporelle ne trouvait pas à s’appliquer, aux motifs que
i)certains actes invoqués par le demandeur comme des faits illicites en soi avaient été accomplis
après la date critique, ii) ces actes, lorsqu’ils étaient mis en rapport avec des faits antérieurs
auxquels ils étaient intimement unis, constituaient dans leur ensemble un seul fait illicite continu et

progressif, qui n’était arrivé à sa perfection qu’après la date critique, et iii) les faits antérieurs
avaient donné naissance à une violation du droit international qui s’était prolongée au-delà de cette
date. Et la Cour permanente de souligner ce qui suit :

«On ne saurait reconnaître une telle relation entre un différend et des éléments

postérieurs qui supposent l’existence ou qui ne comportent que la confirmation ou le
simple développement de situations ou de faits antérieurs, alors que ceux-ci
constituent les véritables éléments générateurs du différend.» 57

70. En la présente espèce, il est clair que les situations et faits les plus récents invoqués à
l’appui de la demande de la République des Iles Marshall correspondent précisément à ce cas de
figure.

71. La Cour a suivi le même raisonnement en l’affaire relative à Certains biens

(Liechtenstein c. Allemagne). La question, dans cette affaire, était de savoir si le différend avait
trait à des événements datant des années 1990, à savoir les décisions des tribunaux allemands en
l’affaire du Tableau de Pieter van Laer, ou avait pour «fait générateur» ou «cause réelle» les
décrets de 1945, en vertu desquels le tableau en question avait été saisi, et la convention de
règlement de 1952, au regard de laquelle les juridictions allemandes s’étaient déclarées

incompétentes pour connaître de l’affaire. La Cour a précisé ce qui suit :

«Le présent différend ne saurait concerner les événements intervenus dans les
années 1990 que si, comme le soutient le Liechtenstein, l’Allemagne s’est, au cours de
cette période, écartée d’une position jusqu’alors commune selon laquelle les biens

liechtensteinois échappaient aux dispositions de la convention sur le règlement, ou si
les tribunaux allemands, en appliquant pour la première fois à des biens
liechtensteinois leur jurisprudence antérieure fondée sur la convention sur le
règlement, ont appliqué ladite convention «à une situation nouvelle» après la date
critique.»58

72. Si l’on applique cette analyse à la présente espèce, la République des Iles Marshall est
dans l’incapacité d’établir que le comportement récent du Royaume-Uni diffère des positions qui
étaient les siennes auparavant, ni qu’il constitue une situation nouvelle qui s’est fait jour après le
17 septembre 1991, c’est-à-dire la date critique aux fins présentes. Bien au contraire, l’idée qui

sous-tend toute son argumentation est que, depuis 1970, le Royaume-Uni manque de manière
continue aux obligations que lui impose le TNP.

73. Pour rechercher si une réserve temporelle à la compétence trouve à s’appliquer, il y a lieu

d’envisager la demande dans son ensemble. Lorsque celle-ci est a priori fondée sur une prétendue
ligne de conduite se prolongeant dans le temps, l’Etat demandeur ne saurait nier qu’il s’appuie sur
des faits antérieurs à la date critique pour alléguer que le différend est né après celle-ci. C’est
précisément ce qu’avait tenté de faire ce qui était alors la République fédérale de Yougoslavie (la
«RFY») et ce qu’a fermement rejeté la Cour dans l’ordonnance en indication de mesures

57 o
Phosphates du Maroc, arrêt, 1938, C.P.J.I. série A/B n 74, p. 24.
58Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 6, par. 49. - 22 -

conservatoires qu’elle a rendue en l’affaire de la Licéité de l’emploi de la force. Quoique la Cour
se soit, dans cette affaire, attachée à la première partie de la réserve  la date à laquelle le
différend était né , cette analyse s’applique de la même manière pour établir la date des
«situations ou faits» en cause dans un différend. La date critique aux fins de la réserve de la RFY

était le 25 avril 1999. La Cour a relevé qu’il était établi que les bombardements en cause avaient
débuté le 24 mars 1999, et s’étaient poursuivis de manière continue au-delà du 25 avril 1999 ; il ne
faisait donc aucun doute, de son point de vue, que le différend juridique entre la RFY et les Etats
membres de l’OTAN attraits devant elle était né bien avant la date critique, et que la RFY ne
pouvait faire valoir que chaque attaque aérienne avait généré un différend distinct 59.

74. En la présente espèce, le différend allégué a trait à une obligation continue incombant au
Royaume-Uni depuis le 5 mars 1970. La République des Iles Marshall ne peut se soustraire à
l’effet de sa réserve temporelle en laissant entendre que les faits postérieurs qu’elle invoque

donnent lieu à un différend distinct.

75. En résumé, le Royaume-Uni fait valoir que les faits «générateurs» ou qui sont la «cause
réelle» du différend allégué sont largement antérieurs au 17 septembre 1991, ce qui prive la Cour
de compétence ratione temporis à l’égard du différend dans son ensemble.

3. La Cour n’a pas compétence car les Iles Marshall ont accepté sa juridiction obligatoire
uniquement aux fins du présent différend

76. La déclaration de la République des Iles Marshall en vertu de la clause facultative a été

déposée auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies le 24 avril 2013. La
présente requête a été déposée au Greffe de la Cour le 24 avril 2014. Ainsi que cela a déjà été
signalé, il ne saurait s’agir d’une simple coïncidence. Cela indique, au contraire, on ne peut plus
clairement que la République des Iles Marshall a accepté la juridiction obligatoire de la Cour «aux
fins» de pouvoir introduire la présente instance contre le Royaume-Uni, au sens où cette expression

s’entend dans la réserve énoncée au point iii) du paragraphe 1 de la déclaration qu’a faite le
Royaume-Uni en vertu de la clause facultative.

77. Les principes pertinents aux fins d’interpréter les déclarations faites en vertu de la clause

facultative et les réserves dont elles sont asso60ies ont été rappelés en l’affaire de la Compétence en
matière de pêcheries (Espagne c. Canada) , dans laquelle la Cour a notamment précisé ce qui
suit :

a) les conditions ou réserves n’ont pas pour effet de déroger à une acceptation de caractère plus

large déjà donnée, mais servent à déterminer l’étendue de l’acceptation par l’Etat de la
juridiction obligatoire de la Cour ; il n’existe donc aucune raison d’en donner une interprétation
restrictive.

b) Toute déclaration ou réserve doit être interprétée «telle qu’elle se présente», en tenant compte
des mots effectivement employés.

59
Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. Belgique), mesures conservatoires, ordonnance du 2 juin 1999,
C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 124, par. 28-29.
60Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 432 et suiv., par. 44-56. - 23 -

c) La Cour ne saurait se fonder sur une interprétation purement grammaticale du texte. Elle doit
rechercher l’interprétation qui est en harmonie avec la manière naturelle et raisonnable de lire le
texte :

i. étant donné qu’une déclaration en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut est un
acte rédigé unilatéralement, la Cour peut mettre l’accent sur l’intention de l’Etat qui
dépose une telle déclaration ;

ii. l’intention d’un Etat qui a formulé une réserve peut être déduite non seulement du texte

même de la clause pertinente, mais aussi du contexte dans lequel celle-ci doit être lue et
d’un examen des éléments de preuve relatifs aux circonstances de son élaboration et aux
buts recherchés.

78. En appliquant ces principes à la présente espèce, le Royaume-Uni fait valoir que la
compétence de la Cour est exclue par l’effet de la réserve exprimée par les termes «aux fins de»,
qui figure dans sa déclaration en vertu de la clause facultative. L’interprétation naturelle et
raisonnable de ce libellé est confirmée par l’histoire rédactionnelle de la déclaration et de la réserve
dont celle-ci est assortie.

79. Le Royaume-Uni a, pour la première fois, formulé une réserve en ces termes en 1957, en
réaction à l’inquiétude suscitée par l’affaire du Droit de passage, instance que le Portugal avait
introduite contre l’Inde trois jours seulement après avoir déposé auprès du Secrétaire général des
61
Nations Unies, en vertu de la clause facultative, une déclaration formulée en des termes généraux .
Ainsi que l’a alors précisé le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères du Royaume-Uni en
s’adressant au Parlement, le libellé de cette nouvelle réserve visait à prévenir toute «embuscade» :

«Dans sa formulation initiale, notre déclaration se contentait, me semble-t-il, de

nous contraindre à comparaître devant la Cour dans des procédures introduites par des
Etats ayant déposé une déclaration d’acceptation équivalente.

L’une des nouvelles réserves du Royaume-Uni y apporte un complément
indispensable en excluant spécifiquement les cas où l’autre partie a accepté la
62
juridiction obligatoire de la Cour aux seules fins d’u n différend particulier.»

80. Le Royaume-Uni fait valoir que la présente affaire tombe sous le coup de la lettre et de
l’esprit de sa réserve exprimée par les termes «aux fins de». A cet égard, la République des Iles

Marshall ne saurait arguer de ce que, sa propre déclaration en vertu de la clause facultative étant
libellée de manière générale, des procédures pourraient être introduites contre elle à l’avenir. L’on
aurait en effet pu dire la même chose au sujet de la déclaration générale du Portugal en l’affaire du
Droit de passage ; or il est clair que son invocation entrait dans la catégorie des abus que la réserve
visait à contrecarrer.

81. Dans le cadre des exceptions préliminaires d’incompétence qu’il avait soulevées en
l’affaire de la Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. Royaume-Uni), le
Royaume-Uni avait avancé ce qui suit : 63

61
M. Wood, «The United Kingdom’s Acceptance of the Compulsory Jurisdiction of the International Court» in
Festskrift til Carl August Fleischer (dir. publ. O. Fauchald/H. Jakhelln/A. Syse), 2006, p. 632ff.
62Selwyn Lloyd, débats de la Chambre des communes, 8 novembre 1957, col. 472-475 (annexe 7).

63Exceptions préliminaires du Royaume-Uni en date du 20 juin 2000, par. 4.27. - 24 -

«[B]ien que rédigée de toute évidence en termes volontairement généraux, la
déclaration de la RFY a en réalité été déposée aux fins du présent différend. C’est ce
qui ressort clairement de la façon dont elle tente d’accepter la compétence de la Cour
en ce qui concerne l’action militaire du Royaume-Uni et des autres défendeurs tout en
excluant de la compétence de la Cour les actions de la RFY qui avaient provoqué cette

action militaire comme cela ressort du délai de trois jours seulement qui s’est écoulé
entre le dépôt de la déclaration et celui de la requête en l’espèce.» (Les italiques sont
de nous.)

82. En la présente espèce, quoique douze mois, jour pour jour, se soient écoulés depuis le
dépôt de sa déclaration, l’empressement avec lequel elle a déposé sa requête trahit tout aussi
clairement le but que la République des Iles Marshall poursuivait réellement en acceptant la
juridiction obligatoire de la Cour. Le Royaume-Uni soutient, en conséquence, que la Cour n’a pas
compétence en la présente affaire en raison de la réserve exprimée par les termes «aux fins de», qui

figure dans sa déclaration faite en vertu de la clause facultative.

C. La demande des Iles Marshall doit être rejetée car elle met en cause les intérêts
essentiels d’Etats non parties à la procédure

83. Outre les motifs d’incompétence et d’irrecevabilité qui ont été exposés ci-dessus, ou à
titre subsidiaire, le Royaume-Uni fait valoir que les allégations spécifiques avancées contre lui par
la République des Iles Marshall mettent directement et immanquablement en cause les intérêts
d’Etats qui ne sont pas parties à l’instance. Par conséquent, en l’absence de ces parties essent ielles,
la requête est irrecevable ou la Cour est incompétente pour connaître des demandes qui y sont

contenues.

84. La présente exception d’incompétence et d’irrecevabilité repose sur le principe énoncé en
l’affaire de l’Or monétaire. Pour des raisons de pure logique, le Royaume-Uni ne saurait à lui seul

conduire, et encore moins conclure des négociations sur le désarmement nucléaire. Par ailleurs, un
examen approfondi des allégations de manquement spécifiques avancées contre lui révèle
clairement que d’autres Etats dotés d’armes nucléaires parties au TNP i) ont adopté et adoptent des
positions qui sont identiques à celle du Royaume-Uni  ou n’en diffèrent pas notablement  à
l’égard d’un certain nombre de conférences, d’initiatives et de résolutions relatives au désarmement

nucléaire (ainsi que cela appert notamment de déclarations conjointes faites en différentes
occasions par le Royaume-Uni, les Etats-Unis ou la France, ainsi que par les cinq membres
permanents du Conseil de sécurité), ou ii) sont parties aux accords ou projets spécifiques de
coopération qui, selon les Iles Marshall, constituent des manquements, de la part du Royaume-Uni,
aux obligations lui incombant en vertu de l’article VI du TNP ou du droit coutumier. La Cour ne

peut donc se prononcer sur le comportement du Royaume-Uni sans apprécier nécessairement, dans
le même temps, la licéité du comportement d’autres Etats. Il s’ensuit que, si la Cour devait statuer
sur la question de savoir si le Royaume-Uni manque à ses obligations, les intérêts juridiques
d’autres Etats dotés d’armes nucléaires parties au TNP seraient non seulement touchés par une telle
décision mais, qui plus est, en «constitueraient l’objet même» 64; une telle décision impliquerait

aussi nécessairement65une appréciation de la licéité du comportement d’un autre Etat qui n’est pas
partie à l’instance» .

64
Affaire de l’Or monétaire pris à Rome en 1943 (Italie c. France, Royaume–Uni de Grande-Bretagne et
d’Irlande du Nord et Etats-Unis d’Amérique), question préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1954, p. 32.
65Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 90, par. 29. - 25 -

85. Avant de développer ce point, le Royaume-Uni tient à faire deux observations liminaires.
Premièrement, il rappelle que la République des Iles Marshall a un différend de longue date avec
les Etats-Unis, dont elle met en cause la responsabilité  et auxquels elle réclame une
indemnisation , pour des problèmes de santé causés à sa population par suite de l’exposition de

celle-ci à des radiations. Ce différend a donné lieu à une action en justice devant les juridictions
américaines, ainsi qu’à des échanges diplomatiques sur la scène internationale et des actions
politiques entreprises par la République des Iles Marshall auprès du Gouvernement et du Congrès
américains à Washington. Les griefs formulés concernent les effets du programme américain
d’essais nucléaires conduit dans les Iles Marshall entre le 30 juin 1946 et le 18 août 1958. Comme

l’indiquent d es documents du Congrès américain accessibles au public datant de septembre 2000, la
République des Iles Marshall, invoquant un «changement de circonstances», a sollicité auprès de ce
dernier «une indemnisation et une réparation supplémentaires à raison de dommages et préjudices
causés à la population des Iles Marshall par le programme américain d’essais nucléaires conduit
dans les atolls d’Enewetak et de Bikini entre 1946 et 1958» . A cet égard, des articles de presse

rapportant les propos de représentants et responsables politiques des Iles Marshall indiquent que
«[l’]origine de ces procédures est à rechercher dans un mécontentement nourri de longue date par
le refus des Etats-Unis de reconnaître leur responsabilité dans les problèmes de santé liés aux
radiations qui frappent la population de l’archipel» 6.

86. Deuxièmement, ainsi que cela a été précisé en introduction, parallèlement à leur requête
introductive de la présente instance contre le Royaume-Uni, les Iles Marshall en ont déposé huit
autres  similaires, pour l’essentiel  contre la Chine, la France, l’Inde, Israël, la Corée du Nord,
le Pakistan, la Fédération de Russie et les Etats-Unis d’Amérique. Elles ont également engagé

simultanément et sur des fondements à peu près identiques une procédure contre les Etats-Unis
devant le tribunal du district du Nord de la Californie.

87. L’introduction de ces procédures parallèles suggère  ce que confirme d’ailleurs un

examen approfondi des griefs présentés contre le Royaume-Uni , que la République des
Iles Marshall considère que ses allégations donnent lieu à une responsabilité partagée de la part des
Etats dotés d’armes nucléaires parties au TNP et des autres Etats qui possèdent ou sont présumés
posséder des armes nucléaires (collectivement désignés ci-après les «Etats dotés d’armes
nucléaires»).

88. Le Royaume-Uni est le seul des Etats visés par ces procédures qui soit à la fois partie au
TNP et auteur d’une déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour actuellement
en vigueur. Il n’est donc pas interdit de penser que, à travers l’instance introduite contre le

Royaume-Uni, la République des Iles Marshall manifeste en réalité son ressentiment à l’égard des
Etats-Unis, et que, pour autant qu’elles soient réelles, ses inquiétudes et doléances ont une cible
plus large que le seul Royaume-Uni, et sont dûment traitées dans le cadre du processus d’examen
du TNP actuellement en cours.

89. Ce que le Royaume-Uni appelle ici, par commodité, le principe de l’Or monétaire, est le
fait que la Cour ne peut exercer sa juridiction à l’égard d’un Etat que si celui-ci y a consenti. On
attribue généralement l’origine de ce principe à l’affaire de l’Or monétaire, quoique celui-ci eût

66
Rapport d’évaluation de la demande adressée au Congrès des Etats-Unis d’Amérique par le Gouvernement de
la République des Iles Marshall, novembre 2004 (annexe 8).
67 Article paru dans Kyodo News/PacNews le 11 août 2014, citant Annette Note et Abacca Maddison,
respectivement chef de mission adjointe à l’ambassade des Iles Marshall au Japon et ancienne sénatrice des Iles Marshall
(annexe 9). - 26 -

68
déjà été énoncé dans des affaires plus anciennes . Dans l’affaire de l’Or monétaire, la Cour a
conclu qu’elle n’avait pas compétence pour se prononcer sur la prétention de l’Italie concernant
l’or monétaire en cause pour les raisons suivantes :

«la requête gravite autour d’une réclamation de l’Italie contre l’Albanie, réclamation
d’indemnité pour dommage prétendu. L’Italie estime avoir contre l’Albanie droit à
réparation d’un délit international que, selon l’Italie, l’Albanie aurait commis envers

elle. En conséquence, pour déterminer si l’Italie a titre à recevoir l’or, il est nécessaire
de déterminer si l’Albanie a commis un délit international contre l’Italie et si elle est
tenue à réparation envers elle ; puis, dans ce cas, de déterminer aussi le montant de
l’indemnité.

. . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La Cour ne peut trancher ce différend sans le consentement de
l’Albanie. … Statuer sur la responsabilité internationale de l’Albanie sans son

consentement serait agir à l’encontre d’un principe de droit international bien établi et
incorporé dans le Statut, à savoir que la Cour ne peut exercer sa juridiction à l’égard
d’un Etat si ce n’est avec le consentement de ce dernier.

. . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

En l’espèce, les intérêts juridiques de l’Albanie seraient non seulement touchés
par une décision, mais constitueraient l’objet même de ladite décision. En pareil cas,

le Statut ne peut être considéré comme auto69sant implicitement la continuation de la
procédure en l’absence de l’Albanie.»

90. En la présente instance, les Iles Marshall font valoir, en substance, que le Royaume-Uni a

manqué et continue de manquer aux obligations internationales qui lui incombent au regard de
l’article VI du TNP et du droit international coutumier,

a) en s’abstenant de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au

désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace ;

b) en prenant des mesures visant à améliorer la qualité de son système d’armes nucléaires et à le
conserver pour une durée illimitée ;

c) en s’abstenant de mener des négociations qui mettraient fin à la course aux armements
nucléaires ;

d) en modernisant, actualisant et mettant à niveau ses capacités en matière d’armes nucléaires et en

poursuivant sa politique déclarée dans ce domaine ; et

e) en empêchant de fait la grande majorité des Etats non dotés d’armes nucléaires parties au TNP
de respecter les obligations que leur impose l’article VI . 70

68 Notamment par la C.P.J.I. dans la procédure consultative du Statut de la Carélie orientale (C.P.J.I. série B,
n 5), où la Cour s’est déclarée incompétente au motif que l’avis sollicité concernait un différend avec la Russie qui

n’était pas membre de la Société des Nations et n’avait pas accepté la compétence de la Cour, et qu’«[i]l [était] bien établi
en droit international qu’aucun Etat ne saurait être obligé de soumettre ses différends avec les autres Etats soit à la
médiation, soit à l’arbitrage, soit enfin à n’importe quel procédé de solution pacifique, sans son consentement» (p. 27).
69 Affaire de l’Or monétaire pris à Rome en 1943 (Italie c. France, Royaume–Uni de Grande-Bretagne et
d’Irlande du Nord et Etats-Unis d’Amérique), question préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1954, p. 32.
70
Mémoire, par. 239. - 27 -

91. Le Royaume-Uni soutient que la Cour ne peut se prononcer sur la question de savoir si le
Royaume-Uni manque aux obligations énoncées ci-dessus sans avoir à statuer aussi sur cette même
question en ce qui concerne d’autres Etats dotés d’armes nucléaires.

92. S’agissant du manquement allégué à l’obligation de négocier en vue de mettre fin à la

course aux armements nucléaires ou de parvenir à un désarmement nucléaire général, le
Royaume-Uni ne peut mener et encore moins71onclure pareilles négociations à lui seul. Le Conseil
de sécurité a rappelé à maintes reprises la nécessité que tous les Etats satisfassent à leur obligation
de négocier de bonne foi en vue du désarmement nucléaire, ce qu’admet d’ailleurs la République
des Iles Marshall lorsqu’elle examine la nature de l’obligation de négocier au paragraphe 176 de

son m émoire ; elle y souligne, à juste titre, que les négociations

 reposent, pour l’essentiel, sur la communication et la discussion ;

 sont des discussions visant à parvenir à un règlement mutuellement acceptable d’une question
en litige entre deux Etats (ou plus) ;

 requièrent que l’une des parties tente réellement d’engager des discussions avec l’autre.

93. Toutefois, bien que l’article VI du TNP impose à tous les Etats parties de poursuivre des

négociations de bonne foi, c’est, en pratique, aux Etats dotés d’armes nucléaires qu’il revient de
prendre les mesures en vue du désarmement nucléaire et de s’y conformer. La réclamation de la
République des Iles Marshall porte donc non pas sur les relations qu’elle entretient elle-même avec
le Royaume-Uni, mais sur celles que ce dernier entretient avec l’ensemble des autres Etats dotés
d’armes nucléaires, comme le confirme à l’évidence le fait que le demandeur ait déposé une
requête identique, en substance, contre chacun d’eux. Il s’ensuit que les intérêts juridiques de ces

huit autres Etats «constituent l’objet même» de la demande présentée par la République des Iles
Marshall contre le Royaume-Uni.

94. Les allégations de la République des Iles Marshall sont, en ce sens, très différentes de
celles qui étaient en cause en l’affaire de Certaines terres à phosphates à Nauru. Nauru arguait

que la responsabilité de l’Australie était engagée à raison de certaines violations de l’accord de
tutelle sous le régime duquel elle était administrée, l’Australie soutenant pour sa part que la Cour
ne pouvait se prononcer sur sa responsabilité sans se prononcer également sur la responsabilité
internationale du Royaume-Uni et de la Nouvelle-Zélande, qui avaient été conjointement désignés
en qualité d’autorité administrante. Or, en pratique, l’administration était entièrement exercée par

l’Australie, de sorte que la demande de Nauru était fondée sur le seul comportement de l’Australie
à son égard. La Cour a donc été en mesure de distinguer les droits et intérêts du Royaume-Uni et
de la Nouvelle-Zélande, qui n’auraient été en cause que si, par exemple, l’Australie avait invoqué
la responsabilité solidaire de ces deux Etats concernant le versement de l’indemnité accordée à
Nauru :

«la détermination de la responsabilité de la Nouvelle-Zélande ou du Royaume-Uni
n’est pas une condition préalable à la détermination de la responsabilité de l’Australie,
seul objet de la demande de Nauru … Dans la présente affaire, toute décision de la
Cour sur l’existence ou le contenu de la responsabilité que Nauru impute à l’Australie
pourrait certes avoir des incidences sur la situation juridique des deux autres Etats

concernés, mais la Cour n’aura pas à se prononcer sur cette situation juridique pour

71Voir notamment les résolutions n 984 (1995) et n 1887 (2009). - 28 -

72
prendre sa décision sur les griefs formulés par Nauru contre l’Australie.» (Les
italiques sont de nous.)

95. En la présente espèce, en revanche, le Royaume-Uni n’est pas, de fait, l’objet unique des
griefs formulés par la République des Iles Marshall. Celle-ci ne prétend pas avoir été lésée par le
comportement du Royaume-Uni à son égard, mais par le comportement de ce dernier vis-à-vis des
autres Etats dotés d’armes nucléaires. Le comportement et les obligations de ces autres Etats sont

donc au cœur même de la demande, et la Cour ne saurait examiner et apprécier la participation du
Royaume-Uni aux négociations sur le désarmement isolément de celle des autres Etats dotés
d’armes nucléaires.

96. La même conclusion s’impose si l’on applique l’analyse qu’a suivie la chambre en
l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras). Dans
cette affaire, la Cour a jugé qu’il ne découlait pas de l’assertion d’El Salvador quant à l’existence
d’un régime de condominium sur les eaux du golfe de Fonseca que le Nicaragua avait un intérêt

constituant l’objet même de la décision. Pour parvenir à cette décision, elle s’était intéressée à la
notion d’opposabilité :

«Si le Nicaragua est autorisé à intervenir, l’arrêt que rendra la Chambre ne
déclarera pas, pour ce qui est des rapports entre cet Etat et les deux autres, que le

Nicaragua possède ou ne possède pas … de droits découlant du condominium, mais
seulement que, dans les rapports entre El Salvador et le Honduras, le régime de
condominium déclaré par la Cour de justice centraméricaine est ou non opposable au
Honduras.» 73

97. En invoquant, en la présente affaire, les obligations du Royaume-Uni au titre du TNP ou
du droit international coutumier, la République des Iles Marshall ne cherche évidemment pas à
obtenir de la Cour une décision qui ne soit opposable qu’à cet Etat. Un arrêt contraignant le seul

Royaume-Uni à poursuivre avec elle des négociations sur le désarmement nucléaire ne lui servirait
à rien. Ce qu’elle cherche à obtenir  ainsi que le confirment les neufs requêtes qu’elle a déposées
devant la Cour , c’est une décision enjoignant aux Etats dotés d’armes nucléaires d’engager et de
conclure des négociations entre eux.

98. Lorsqu’on les examine en détail, les griefs formulés par la République des Iles Marshall
révèlent de manière plus évidente encore ce lien étroit entre le Royaume-Uni et les autres Etats

dotés d’armes nucléaires. Ainsi, dans son mémoire, la République des Iles Marshall avance
notamment que :

a) la reconduction de l’accord de défense mutuelle conclu entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis
d’Amérique emporte violation de l’article VI en ce qu’elle vise à perpétuer et renforcer les
74
capacités nucléaires du Royaume-Uni ;

b) le Royaume-Uni et la France mènent conjointement des recherches en vue de favoriser la mise
au point d’une nouvelle génération d’ogives nucléaires. En 2010, les deux Etats ont conclu, à
cet effet, un traité bilatéral de coopération en matière de défense et de sécurité, lequel a été

72
Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 261.
73Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras), requête à fin d’intervention, arrêt,
C.I.J. Recueil 1990, p. 122.

74Mémoire, par. 61. - 29 -

prorogé le 31 janvier 2015 par un accord conclu entre le premier ministre Cameron et le
75
président Hollande ;

c) le Royaume-Uni a voté contre la résolution A/RES/67/56 de l’Assemblée générale des

Nations Unies en vertu de laquelle a été créé un groupe de travail à composition non limitée
chargé d’élaborer des propositions visant à faire avancer les négociations multilatérales sur le
désarmement nucléaire . Dans une déclaration conjointe avec les Etats-Unis et la France datée

du 6 novembre 2012, il a indiqué qu’il n’était en mesure de soutenir ni la résolution en question,
ni la constitution du groupe de travail à composition non limitée, ni les conclusions auxquelles
celui-ci pourrait parvenir 77;

d) à l’issue de la conférence tenue à Londres en février 2015, le groupe des P5  les cinq
membres permanents du Conseil de sécurité, tous dotés d’armes nucléaires  a, dans une

déclaration commune, «réaffirm[é] qu’une approche progressive du désarmement favorisant la
stabilité internationale, la paix et le renforcement de la sécurité pour tous demeur[ait] la seule
voie réaliste et pragmatique pour parvenir à un monde exempt d’armes nucléaires» 78;

e) le Royaume-Uni a toujours voté contre la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies
concernant la «[s]uite donnée à l’avis consultatif … sur la Licéité de la menace ou de l’emploi
79
d’armes nucléaires» ;

f) le Royaume-Uni s’est officiellement opposé à la proposition de convention relative aux armes
nucléaires présentée par le Costa Rica 80;

g) à l’occasion de la réunion de haut niveau sur le désarmement nucléaire tenue par l’Assemblée
générale des Nations Unies en septembre 2013, le Royaume-Uni a, dans une déclaration

conjointe avec les Etats-Unis et la France, salué le regain d’enthousiasme entourant le débat sur
le désarmement nucléaire, tout en déplorant que ces efforts soient consacrés à des initiatives
telles que la réunion de haut niveau et le groupe de travail à composition non limitée 81;

h) le Royaume-Uni a voté contre les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies
faisant suite aux réunions de haut niveau de 2013 et 2014 . 82

99. La simple énonciation de ces allégations démontre que les griefs formulés contre le
Royaume-Uni ne peuvent être isolés des obligations et du comportement des autres Etats dotés

d’armes nucléaires, notamment la France et les Etats-Unis. En effet,

a) si la conclusion de l’accord de défense mutuelle constitue un manquement de la part du

Royaume-Uni, il s’ensuit nécessairement que les Etats-Unis se sont rendus coupables d’un
manquement équivalent. Cette même conclusion s’impose pour ce qui est des instruments et
accords de coopération conclus avec la France ;

75 Mémoire, par. 62-64.

76 Ibid., par. 76.
77
Ibid., par. 77.
78
Ibid., par. 81.
79 Ibid., par. 82.

80 Ibid., par. 83-89.
81
Ibid., par. 90.
82 Ibid., par. 91. - 30 -

b) si les déclarations communes faites par le Royaume-Uni au nom des Etats-Unis et de la France
en novembre 2012 et septembre 2013 ainsi que la déclaration conjointe faite au nom du groupe
des P5 en février 2015 emportent violation des obligations du Royaume-Uni, alors elles
engagent aussi nécessairement la responsabilité de ces autres Etats ;

c) s’il est reproché au Royaume-Uni la façon dont il a voté au sein de l’Assemblée générale des
Nations Unies, ces mêmes griefs doivent être dirigés contre les autres Etats dotés d’armes
nucléaires qui ont fait les mêmes choix de vote ; et

d) de la même manière, si la position du Royaume-Uni à l’égard du projet de convention relative

aux armes nucléaires constitue une inobservation de ses obligations, il convient nécessairement
de conclure que les autres Etats dotés d’armes nucléaires ayant adopté des attitudes similaires
ou moins constructives ont eux aussi méconnu leurs obligations au regard du TNP ou des règles
alléguées du droit international coutumier.

100. Ainsi que la Cour l’a confirmé, notamment en l’affaire d83la Frontière terrestre et
maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria) , lorsque son arrêt est susceptible
d’avoir une incidence, directe ou indirecte, sur les intérêts de tiers, la protection offerte par
l’article 59 du Statut n’est pas toujours suffisante. En la présente espèce, dans la mesure où le
comportement reproché au Royaume-Uni reflète la position des autres Etats dotés d’armes

nucléaires, il serait illusoire d’affirmer que les droits et intérêts de ces Etats tiers sont efficacement
protégés par l’article59 du Statut.

101. C’est pourquoi le Royaume-Uni fait valoir que les intérêts des autres Etats dotés

d’armes nucléaires «constituent l’objet même» de la réclamation qu’a présentée contre lui la
République des Iles Marshall, réclamation qui, par conséquent, tombe directement sous le coup du
principe énoncé en l’affaire de l’Or monétaire.

102. En tout état de cause, ainsi que cela ressort de sa jurisprudence, la Cour considère qu’il

n’y a plus lieu de faire  et ne fait plus  une application stricte du critère de l’«objet même»
énoncé en l’affaire de l’Or monétaire.

a) Dans un certain nombre d’opinions dissidentes jointes à l’arrêt rendu en l’affaire de Certaines
terres à phosphates à Nauru, des Membres de la Cour ont dénoncé le caractère par trop

restrictif du raisonnement suivi par la majorité. Sir Robert Jennings, président de la Cour, a
ainsi estimé qu’il était «très certainement manifeste» que les intérêts juridiques de la
Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni constitueraient l’objet même de toute décision en
l’affaire, soulignant en particulier que si, dans le cadre de l’examen au fond, la Cour devait
décider que l’Australie était conjointement et solidairement liée par les obligations en cause ou

qu’elle n’était responsable que d’une partie du dommage allégué, la Cour rendrait 84
inévitablement et simultanément une décision sur les intérêts juridiques de ces Etats . Le
juge Ago, pour sa part, a souligné qu’il était incohérent de constater dans l’arrêt, d’une part, que
la responsabilité juridique imputée à l’Australie «pourrait certes avoir des incidences sur la

situation juridique» des autres Etats, tout en déclarant, d’autre part, que «la Cour n’aura[it] pas
à se prononcer sur cette situation juridique». Selon lui, en se prononçant sur les griefs adressés
à l’Australie, la Cour affecterait inévitablement les droits et obligations juridiques du

83
Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale
(intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 303, par. 238.
84 Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 301-302. - 31 -

85
Royaume-Uni et de la Nouvelle-Zélande . De même, le juge Schwebel a indiqué que «[c]e qui
[était] décisif, c’[était] de savoir si la détermination des droits de la partie présente
détermin[ait] effectivement les droits de la partie absente» 86(les italiques sont de nous), ajoutant

que, si la Cour se prononçait contre l’Australie, cela reviendrait à se prononcer contre la
Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, à l’égard desquels la protection accordée par l’article 59
serait plus théorique que pratique . 87

88
b) En l’affaire du Timor oriental , la Cour a considéré que, «[q]uelle que [fût] la nature des
obligations invoquées, [elle] ne saurait statuer sur la licéité du comportement d’un Etat lorsque

la décision à prendre impliqu[ait] une appréciation de la licéité du comportement d’un autre
Etat qui n’[était] pas partie à l’instance» (les italiques sont de nous). Ce prononcé est une
réaffirmation importante du critère de «l’objet même», et reflète, de l’avis du Royaume-Uni, les

critiques formulées par les juges d’opinion dissidente en l’affaire de Nauru.

c) Cette interprétation de la portée du principe de l’Or monétaire est confirmée par la position

qu’a adoptée la Cour à l’égard des requêtes à fin d’intervention présentées en vertu de
l’article 62 du Statut par des Etats tiers dans le cadre de certains différends de délimitation
maritime. En l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), la Cour a

ainsi rejeté la demande d’intervention de Malte au motif que celle-ci ne pouvait établir
l’existence d’un intérêt juridique directement en cause dans la procédure. Elle a toutefois

souligné que, sa compétence étant limitée à celle que lui avaient conférée les parties, elle ne
pouvait rendre de conclusions concernant les droits ou prétentions d’autres Etats n’étant pas
parties à l’affaire 89, et n’a donc pas fixé le point terminal de la ligne de délimitation, lequel
90
dépendait de la délimitation à convenir avec Malte . Un raisonnement similaire a été adopté
dans d’autres affaires, notamment celle du Plateau continental (Jamahiriya arabe
libyenne/Malte) 91, celle de la Délimitation maritime et des questions territoriales entre Qatar et
92
Bahreïn (Qatar c. Bahreïn) et celle de 93 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et
le Nigéria (Cameroun c. Nigéria) . Dans toutes ces affaires, la Cour a clairement reconnu que,
si elle était bien en mesure d’exercer sa compétence à l’égard des aspects du différend ne

concernant que les Etats attraits devant elle, elle ne pouvait valablement se prononcer sur des
points susceptibles d’empiéter sur les droits et intérêts d’Etats tiers non parties à la procédure.
Dans ce contexte, il ne semble pas qu’il ait été nécessaire d’établir que la détermination des

droits de l’Etat tiers constituait une condition préalable logique ou temporelle à la délimitation
entre les parties. Ainsi, dans les affaires Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne, Jamahiriya arabe

85 Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 328.

86 Ibid., p. 331.
87
Ibid., p. 342.
88
Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 90, par. 28.
89 Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt,
C.I.J. Recueil 1981, p. 3, par. 35.

90 Ibid., arrêt, C.I.J. Recueil 1982, p. 18, point C) 3) du dispositif.

91 Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 13, par. 21 :
«La … décision [de la Cour] ne doit porter que sur la zone où, selon les indications qu’elle a données à la Cour, l’Italie
n’émet pas de prétentions sur le plateau continental.»
92
Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 2001, p. 40, par. 221 : «[La Cour] ne peut fixer le point situé le plus au sud de cette frontière, car
l’emplacement définitif de ce point est tributaire des limites des zones maritimes respectives de l’Arabie saoudite et des
Parties…»

93 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale
(intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 303, par. 238 : «La compétence de la Cour repose sur le consentement des
parties. Aussi la Cour ne peut-elle se prononcer sur les droits d’Etats tiers qui ne sont pas parties à l’instance…» - 32 -

libyenne/Malte et Cameroun c. Nigéria, les intérêts juridiques et les droits des Etats tiers ne
paraissent pas avoir été précisément définis.

103. A la lumière de cette jurisprudence, le Royaume-Uni soutient que les droits et intérêts
juridiques de certains Etats tiers constituent l’«objet même» de la réclamation que les Iles Marshall
ont formulée contre lui et, a fortiori, qu’une décision de la Cour en la présente espèce impliquerait
nécessairement «une appréciation de la licéité du comportement d’un autre Etat qui n’est pas partie

à l’instance». En conséquence, conformément au principe énoncé en l’affaire de l’Or monétaire, la
demande est irrecevable ou la Cour ne peut exercer sa compétence à l’égard de celle-ci.

D. La demande de la République des Iles Marshall n’entre pas dans le cadre de la fonction

judiciaire de la Cour, qui doit donc refuser d’exercer sa compétence à son égard

104. Ainsi que la Cour l’a observé en l’affaire du Cameroun septentrional,

«[i]l y a des limitations inhérentes à l’exercice de la fonction judiciaire dont la Cour,

en tant que tribunal, doit toujours tenir compte... C’est à la Cour elle-même et no94pas
aux parties qu’il appartient de veiller à l’intégrité de [s]a fonction judiciaire.

Ainsi, même si elle estime qu’elle a compétence dans une affaire donnée, la Cour peut refuser de

l’exercer si elle considère que pareil exercice serait incompatible avec sa fonction judiciaire. La
notion d’intégrité judiciaire l’a notamment conduite à le faire lorsqu’elle est dans l’incapacité de
«rendre un arrêt effectivement applicable» 9.

105. Les bases de ce principe de l’applicabilité effective des arrêts ont été posées par la Cour
permanente dans la procédure consultative de l’Interprétation de l’accord gréco-bulgare du
9 décembre 1927 . La Cour avait été saisie de deux questions : celle de savoir, tout d’abord, s’il
existait entre les parties un différend au sens de l’article 8 de l’accord en question et, dans

l’affirmative, quelle était la nature des obligations pécuniaires découlant de cet accord. La Cour a
répondu négativement à la première question et rejeté les demandes des parties la priant de se
prononcer néanmoins sur la seconde, estimant que celle-ci ne lui était posée qu’en cas de réponse
affirmative à la première, et qu’«[i]gnorer, à la demande des Parties, cette condition, serait en fait

permettre aux deux Gouvernements intéressés de soumettre une question à la Cour à fin d’avis
consultatif».

106. La question de la juste portée de la fonction de la Cour s’est posée avec une acuité

particulière en l’affaire du Cameroun septentrional. Le Cameroun priait la Cour de constater que
le Royaume-Uni avait manqué à certaines obligations découlant de l’accord de tutelle en ayant,
notamment, organisé le plébiscite à la suite duquel le Cameroun septentrional avait été rattaché à la
Fédération de Nigéria. Il avait été mis fin à l’accord de tutelle par une résolution de

l’Assemblée générale des Nations Unies entrée en vigueur peu de temps après le dépôt de la
requête du Cameroun devant la Cour. Reconnaissant que celle-ci ne pouvait annuler cette
résolution, le Cameroun ne sollicitait aucune mesure de restitution ou de réparation. En revanche,
il faisait valoir que la Cour pouvait et devait rendre un jugement déclaratoire à l’effet que, avant

94
Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1963,
p. 29.
95Ibid., p. 33.

96C.P.J.I. série A/B n 45, p. 87. - 33 -

que l’accord de tutelle ne prenne fin, le Royaume-Uni en avait violé les dispositions. La Cour a
rejeté les demandes formulées dans la requête du Cameroun en soulignant

a) qu’elle serait dans l’incapacité de rendre un arrêt effectivement applicable, étant donné que les
décisions de l’Assemblée générale ne seraient pas infirmées et que le territoire du Cameroun
septentrional ne serait pas rattaché à la République du Cameroun ;

b) que, conformément à l’article 59 du Statut, l’arrêt ne serait obligatoire ni pour le Nigéria, ni
pour quelque autre Etat ou organe des Nations Unies ;

c) qu’elle ne pouvait rendre des arrêts qu’à l’occasion de cas concrets dans lesquels il existait, au

moment du jugement, un litige réel impliquant un conflit d’intérêts juridiques entre les parties ;

d) que son arrêt devait avoir des conséquences pratiques en ce sens qu’il devait pouvoir affecter
les droits ou obligations juridiques existants des parties, dissipant ainsi toute incertitude dans

leurs relations juridiques ;

e) qu’elle pouvait, dans des cas appropriés, prononcer un jugement déclaratoire, et que, pour
déterminer s’il y avait lieu de le faire, elle examinerait si sa décision demeurerait applicable

dans l’avenir ou serait susceptible d’avoir des «conséquences» ;

f) que, si elle n’envisageait pas, de manière générale, les suites de son arrêt, il y avait une
différence entre, d’une part, s’intéresser à la manière dont sa décision serait exécutée ou à la

probabilité de sa mise en œuvre et, d’autre part, examiner si l’arrêt «sera[it] susceptible
d’application ou d’exécution à un moment quelconque de l’avenir» ;

g) qu’elle n’avait pas simplement pour fonction de fournir une base d’action politique ; lorsqu’elle

tranchait un différend au fond, l’une ou l’autre partie (ou les deux) devait en fait être à même de
prendre des mesures visant le passé ou l’avenir, ou de ne pas en prendre, de sorte qu’il y ait
exécution de l’arrêt de la Cour 97.

107. Ces principes énoncés en l’affaire du Cameroun septentrional ont été appliqués dans
celles des Essais nucléaires, la Cour ayant conclu que les déclarations de la France concernant la
cessation effective des essais nucléaires faisaient disparaître le différend entre les parties. En

décidant qu’il n’y avait pas lieu de laisser se poursuivre la procédure, elle s’est, là encore,
intéressée à la portée qu’il convenait de donner à sa fonction judiciaire :

«Il n’entre pas dans la fonction juridictionnelle de la Cour de traiter des

questions dans l’abstrait, une fois qu’elle est parvenue à la conclusion qu’il n’y a plus
lieu de statuer au fond. La demande ayant manifestement perdu son objet, il n’y a rien
à juger.» 98

108. Le juge Schwebel a souscrit à ce principe dans l’opinion dissidente qu’il a exposée dans
les affaires de Lockerbie , estimant que, eu égard à l’adoption par le Conseil de sécurité de ses

97 Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1963,
p. 33-38.

98 Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, par. 59 ; Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande c. France), C.I.J. Recueil 1974, par. 62.
99
Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien
de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 70, et
Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de
Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 161. - 34 -

résolutions 748 (1992) et 883 (1993), aucun arrêt de la Cour ne saurait avoir d’effet juridique sur

les droits et obligations des Parties et ne saurait donc entrer dans le cadre de la fonction judiciaire
propre à la Cour.

109. En la présente affaire, la République des Iles Marshall prie la Cour i) de constater que le
Royaume-Uni manque aux obligations lui incombant au titre du TNP et du droit international

coutumier, et ii)de lui enjoindre de

«prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer, dans un délai d’un an à
compter du prononcé de l’arrêt, aux obligations qui lui incombent en vertu de
l’article VI du TNP et du droit international coutumier, parmi lesquelles celle de
mener des négociations de bonne foi, si nécessaire en engageant celles-ci, en vue de

conclure une convention relative à un désarmement nucléair100ans tous ses aspects
effectué sous un contrôle international strict et efficace» .

Le Royaume-Uni fait valoir que pareilles constatation et injonction n’auraient aucune conséquence
pratique et, partant, ne sauraient entrer dans le cadre de la fonction judiciaire propre à la Cour.

110. Ainsi que cela a déjà été indiqué, le Royaume-Uni ne peut, à lui seul, mener des
négociations, et encore moins les faire aboutir. Il s’agit là d’une obligation qui implique
logiquement la participation d’au moins un autre Etat et, en pratique, nécessite celle d’au moins
tous les autres Etats dotés d’armes nucléaires. Ce postulat fondamental est d’ailleurs clairement
admis par la République des Iles Marshall, qui formule évidemment les mêmes prétentions dans
chacune des neuf requêtes dirigées contre lesdits Etats.

111. Dans la présente affaire, toute constatation ou injonction de la Cour aurait,
conformément au principe de l’Or monétaire, une portée nécessairement limitée au Royaume-Uni,
avec les conséquences suivantes :

a) la Cour ne peut, d’un point de vue pratique, enjoindre au Royaume-Uni d’engager des

négociations sur le désarmement, ou de les faire aboutir. En effet, une telle décision dépendrait
entièrement du comportement d’Etats tiers à l’égard desquels, conformément à l’article 59 du
Statut, elle ne serait pas obligatoire, et ne serait, en conséquence, pas «susceptible
d’application» ;

b) le Royaume-Uni est dans l’incapacité de prendre, à lui seul, d’éventuelles mesures visant le

passé ou l’avenir aux fins d’exécuter un arrêt de la Cour. Il convient de relever, à cet égard, que
la République des Iles Marshall ne réclame (à juste titre) aucune réparation de la part du
Royaume-Uni ;

c) une déclaration a l’effet que le Royaume-Uni a l’obligation de mener et faire aboutir, à l’avenir,
des négociations sur le désarmement n’ajouterait rien aux différentes obligations qu’impose

déjà le TNP ;

d) une déclaration limitée reconnaissant que le Royaume-Uni a, par le passé, manqué à ses
obligations ne demeurerait pas applicable dans l’avenir et n’aurait pas de «conséquences» ; il
s’ensuit que, conformément au raisonnement suivi par la Cour en l’affaire du Cameroun
septentrional, il n’y a pas lieu, en la présente affaire, de rendre pareil jugement déclaratoire.

10Mémoire, par. 239-240. - 35 -

112. En conséquence, le Royaume-Uni fait valoir que le principe énoncé dans l’affaire du
Cameroun septentrional est directement en jeu en la présente espèce. Par ailleurs, à la différence

de l’affaire précitée et de celles des Essais nucléaires, le problème n’est ici pas simplement celui
d’une requête qui a été rendue sans objet par un fait intervenu après le dépôt de celle-ci bien au
contraire, la République des Iles Marshall devait savoir, avant de déposer sa requête, qu’aucun arrêt
de la Cour ne pourrait avoir de conséquence pratique, et sa requête est donc irrémédiablement
infondée. Dès lors, si, en dépit des arguments exposés ci-dessus, elle devait conclure que la requête
est recevable et relève de sa compétence, la Cour devrait néanmoins refuser d’exercer sa
compétence en la présente affaire.

*

* * - 36 -

IV. RÉSUMÉ ET DÉCISION DEMANDÉE

113. En résumé de ce qui précède, les exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité
soulevées, au surplus ou à titre subsidiaire, par le Royaume-Uni sont les suivantes :

a) la République des Iles Marshall ayant omis d’informer, d’une quelconque manière, le
Royaume-Uni de ses griefs, il n’existe entre les Parties aucun différend susceptible de faire
l’objet d’un règlement judiciaire ; la Cour n’a donc pas compétence pour connaître des

demandes ou celles-ci sont irrecevables.

b) La Cour est incompétente en raison de la limite temporelle contenue dans la déclaration faite
par la République des Iles Marshall en vertu de la clause facultative, qui exclut de la
compétence de la Cour une grande partie de la période pendant laquelle les violations auraient
été commises et, partant, lensemble de la demande de la République des Iles Marshall.

c) La Cour est incompétente en raison de la disposition contenue dans la déclaration faite par le
Royaume-Uni en vertu de la clause facultative excluant les cas où l’autre partie a accepté la
juridiction obligatoire de la Cour uniquement «aux fins [du différend en question]».

d) La requête est irrecevable ou la Cour n’a pas compétence pour en connaître en raison de
l’absence de la procédure d’autres parties essentielles dont les intérêts sont directement et
immanquablement mis en jeu par les allégations de la République des Iles Marshall.

e) En tout état de cause, la Cour devrait refuser d’exercer sa compétence en la présente affaire au
motif qu’aucun arrêt qu’elle pourrait rendre ne saurait avoir de conséquences pratiques sur les
questions en cause, qui ne relèvent donc pas de la fonction judiciaire qui lui est propre.

114. Pour les raisons exposées dans les présentes exceptions préliminaires, le Royaume-Uni

prie la Cour de dire et juger que la demande présentée par la République des Iles Marshall est
irrecevable, ou qu’elle n’a pas compétence pour en connaître.

Fait le 5 juin 2015

L’agent du Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d’Irlande du Nord,

(Signé) M. Iain M ACLEOD .

___________ - 37 -

L ISTE DES ANNEXES

Page

Annexe 1 Déclaration de S. Exc. M. Alfred Capelle, représentant permanent de la
République des Iles Marshall, à la conférence des parties chargée

d’examiner le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 2005
(5 mai 2005) 38

Annexe 2 Représentation permanente du Royaume-Uni à la conférence du

désarmement, déclaration du Royaume-Uni à la conférence des parties
chargée d’examiner le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires
en 2010, faite par S. Exc. M. John Duncan, ambassadeur pour les affaires
multilatérales de maîtrise des armements et de désarmement, New York
(19 mai 2010) 41

Annexe 3 Troisième rapport sur la responsabilité des Etats, présenté par M. James
Crawford, rapporteur spécial (cinquante-deuxième session de la
Commission du droit international (2000), Nations Unies,
doc. A/CN.4/507/add. 2, par. 235) 45

e
Annexe 4 Compte rendu analytique de la 2682 séance de la Commission du droit
international, Nations Unies, doc. A/CN.4/SR.2682, par. 38 47

Annexe 5 Annuaire de la Commission du droit international (2001), vol. II,
deuxième partie, Nations Unies, doc. A/56/10, commentaire de l’article
43, par. 3 49

Annexe 6 Déclaration faite au nom de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis

d’Amérique par M. Alistair Burt, sous-secrétaire d’Etat du Gouvernement
du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, à la réunion
de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le
désarmement nucléaire (26 septembre 2013) 52

Annexe 7 Débat de la Chambre des communes du Royaume-Uni (8 novembre 1957) 55

Annexe 8 Rapport d’évaluation de la requête adressée au Congrès des Etats-Unis
d’Amérique par le Gouvernement des Iles Marshall, relative à un
changement de circonstances imputables aux essais nucléaires effectués

par les Etats-Unis dans les Iles Marshall, conformément à l’article IX du
règlement des réclamations nucléaires approuvé par le Congrès dans la
Public Law 99-239 59

Annexe 9 Les Iles Marshall cherchent du soutien en faveur des procédures
introduites devant la CIJ contre les puissances nucléaires 63 - 38 -

A NNEXE 1

RÉPUBLIQUE DES ILES M ARSHALL

DÉCLARATION DE S.E XC. M. ALFRED CAPELLE ,REPRÉSENTANT PERMANENT DE LA

RÉPUBLIQUE DES ILES M ARSHALL ,À LA CONFÉRENCE DES PARTIES
CHARGÉE D ’EXAMINER LE TRAITÉ SUR LA NON PROLIFÉRATION
DES ARMES NUCLÉAIRES DE 2005 (5MAI 2005)

Je vous remercie, Monsieur le président.

J’ai l’honneur de prendre la parole au nom de la République des Iles Marshall. Nous
souscrivons à la déclaration faite plus tôt cette semaine au nom du groupe du Forum des îles du
Pacifique. Dans notre région du monde, trois grandes puissances ont procédé à des essais
nucléaires. Dès lors, il me semble que nos nations insulaires sont particulièrement bien placées et

possèdent la crédibilité nécessaire pour s’exprimer sur l’importance et l’urgence de la non-
prolifération.

Monsieur le président,

Tout d’abord, ma délégation tient à vous féliciter pour votre élection en tant que président de

la conférence d’examen du TNP de2005. Nous espérons que, grâce à votre engagement et à vos
qualifications, cette conférence sera couronnée de succès. Notre petite délégation est disposée à
participer et à contribuer à sa réussite.

Les Iles Marshall ont joué un rôle actif lors des deux conférences précédentes, qui se sont
conclues sur une note optimiste et des espoirs renouvelés d’efforts plus fructueux dans la mise en

œuvre des dispositions du TNP.

Monsieur le président,

Ma délégation partage l’avis du directeur général de l’AIEA, M.d el-Baradei, selon
lequel l’objectif du TNP tient en deux mots, à savoir «sécurité et développement» : la sécurité pour

tous en réduisant puis, à terme, en éliminant la menace nucléaire, et le développement pour tous
grâce à des technologies de pointe. Ma délégation a conscience tant de l’importance que revêt le
développement pour les Etats parties que de leurs inquiétudes en matière de sécurité. Je
souhaiterais insister quelque peu sur cette notion en mettant en exergue les questions liées aux
droits de l’homme. Pour la majorité de la population mondiale, sécurité rime avec santé  santé

des terres et des ressources, et santé physique des individus — et non avec possession d’armes.
Les dirigeants des grands pays n’ont pas le droit de priver les autres de cette sécurité afin de se
sentir eux-mêmes plus en sécurité.

Plus que tout autre pays dans le monde, les Iles Marshall savent ce que veut dire la guerre
nucléaire. Nous l’avons vécue sur notre territoire soixante-sept fois, et notre archipel a été plus

exposé aux radiations que tout autre endroit de la planète. Il va sans dire que nous souffrons
toujours des conséquences de ces essais nucléaires menés au nom de la sécurité mondiale.

La non-prolifération des armes dans le monde est un objectif essentiel pour notre nation, car
elle va de pair avec la non-prolifération des maladies, des déplacements forcés, des dommages

environnementaux et des graves perturbations aux niveaux social, culturel, économique et
politique. Les Iles Marshall connaissent malheureusement fort bien ces phénomènes en raison de
leur expérience directe des effets des armes nucléaires. L’ère nucléaire a touché si profondément
notre archipel qu’elle en a même modifié la langues avons dû créer des termes après les essais - 39 -

atmosphériques d’armes nucléaires, car nous n’avions pas de mots pour décrire les graves
anomalies qui ont commencé à apparaître dans notre environnement, sur nos animaux et dans notre

propre chair à la suite de l’exposition aux radiations. Monsieur le président, les Iles Marshall ne
souhaitent le même destin à aucune autre nation ni à aucun autre peuple ; c’est pourquoi nous
sommes aussi engagés en faveur de la non-prolifération des armes nucléaires.

Monsieur le président,

Ma délégation appelle les Nations Unies à examiner la question des dommages qu’a subis le
Territoire sous tutelle des îles du Pacifique à l’époque où l’administrateur de l’ONU a fait exploser

des armes nucléaires. L’accord de tutelle que mon pays avait jadis passé avec cet organe austère a
pris fin sur la base des rapports de l’ancien administrateur, selon lesquels les dommages et
préjudices dus au programme d’essai étaient mineurs et leur portée limitée. Grâce à des documents
déclassifiés, nous savons désormais qu’il n’en était rien et nous exhortons la conférence à
recommander à notre ancien administrateur de prendre totalement en compte l’ensemble des
dommages et préjudices résultant des 67 essais atmosphériques d’armes thermonucléaires et
atomiques réalisés dans notre archipel. Ma délégation insistera fortement pour qu’une formule

allant en ce sens figure dans le rapport final de la conférence.

Les Iles Marshall saluent l’appel lancé en 2004 par les dirigeants du Forum des îles du
Pacifique tendant à ce que les Etats-Unis s’acquittent pleinement de leurs obligations en fournissant
une réparation juste et adéquate, y compris la réhabilitation totale et définitive des zones touchées
afin que celles-ci retrouvent leur productivité économique, ainsi que la relocalisation, en lieu sûr,
des populations déplacées. En outre, nous enjoignons également aux pays ayant procédé à des

essais nucléaires en Polynésie française et dans les Kiribati d’assumer pleinement la responsabilité
des conséquences de leurs activités sur les populations locales et l’environnement de notre région.

Monsieur le président,

Quoique les Iles Marshall continuent de souffrir des conséquences de leur exposition aux
radiations, nous relevons avec satisfaction que certains progrès ont été réalisés. Il existe
aujourd’hui moins d’armes nucléaires et moins d’Etats qui en sont dotés. Cette avancée n’aurait

pas été possible sans une coopération durable entre de nombreux Etats, notamment les Etats-Unis
et la Fédération de Russie. Depuis 1970, le TNP a été amélioré, mis à jour et complété.

Je suis également heureux d’annoncer que mon pays a récemment signé un accord de
garanties et un protocole additionnel avec l’AIEA. Les Iles Marshall reconnaissent aussi
l’importance de l’Initiative de sécurité contre la prolifération, des dispositions de la résolution 1540
du Conseil de sécurité (2004) et de l’Initiative mondiale de réduction de la menace nucléaire,
coordonnée conjointement par les Etats-Unis et la Russie.

Monsieur le président,

Le vif intérêt des chefs d’Etat des îles du Pacifique pour la réduction et, à terme,
l’élimination des armes nucléaires, ainsi que pour la préservation de toute pollution
environnementale dans la région du Pacifique, n’a pas faibli. Les Iles Marshall saluent les efforts
de coopération du Forum des îles du Pacifique avec les Etats transportant des matières nucléaires

sur les questions essentielles de la prévention, des mesures d’urgence, de la responsabilité et de
l’indemnisation. Nous demeurons cependant préoccupés de ce que les accords internationaux
actuels sur la responsabilité et l’indemnisation ne prennent pas adéquatement en compte les risques
que représente le transport de substances radioactives. Nous continuons de demander des garanties
aux Etats transportant des matières nucléaires afin que, en cas d’accident, la région touchée ne
doive pas en assumer seule les dommages. - 40 -

La conférence d’examen du TNP de 2000 a pris acte des préoccupations des petits Etats
insulaires en développement et d’autres Etats côtiers en ce qui concerne le transport maritime de

substances radioactives. La Stratégie de Maurice pour la poursuite de la mise en œuvre du
Programme d’action pour le développement durable des petits Etats insulaires en développement,
adoptée en 2005, a mis l’accent sur la nécessité de «développer plus avant et de renforcer les cadres
réglementaires internationaux» dans ce domaine. Ma délégation se félicite de toutes les occasions
qui nous sont données de réaliser des progrès en la matière, avec la coopération d’autres petits Etats
insulaires en développement.

Monsieur le président,

Nous reconnaissons le droit des Etats parties au TNP de développer la recherche, la
production et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Nous sommes cependant
inquiets que le recours à cette disposition du TNP (article IV) ne soit qu’une justification pour
développer des moyens d’enrichissement et de retraitement de l’uranium susceptibles de servir à la
production et à la prolifération d’armes nucléaires. C’est pourquoi nous nous prononçons nous
aussi pour que soient imposées des restrictions à l’utilisation de technologies modernes à des fins

pouvant être en contradiction avec les engagements qui ont été pris par le TNP.

Monsieur le président,

Les Iles Marshall sont d’avis que les défis relatifs à la sécurité mondiale et à la prolifération
sont aussi complexes d’un point de vue politique et technique qu’ils ne l’étaient pendant la guerre
froide. Nous avons assisté à l’émergence de nouvelles formes meurtrières de terrorisme et d’un
marché noir des matières nucléaires, et vu des cas où les Etats trichent, voire annoncent leur retrait

du TNP. Ce ne sont là que quelques-uns des défis auxquels la conférence est confrontée et qui
représentent une grave menace pour l’intégrité du TNP. Nous espérons que les Etats parties
s’uniront et saisiront cette occasion pour prendre des mesures concrètes afin de veiller à ce que le
traité serve véritablement ses objectifs.

Pour terminer, Monsieur le président, je voudrais soulever la question de l’éducation.
Lorsque j’étais président de l’université des Iles Marshall, j’ai créé un Institut nucléaire pour

permettre aux étudiants et aux citoyens marshallais de mieux comprendre l’impact de la guerre
froide sur notre nation. J’estime qu’il est de notre devoir d’améliorer la connaissance des armes
nucléaires et de leurs effets, en particulier dans les régions où ils en subissent les conséquences.
Nous serons donc très heureux d’explorer des questions d’éducation avec toutes les parties
intéressées.

Je vous remercie, Monsieur le président.

___________ - 41 -

A NNEXE 2

R EPRÉSENTATION PERMANENTE DU R OYAUME -UNI À LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT

D ÉCLARATION DU ROYAUME -UNI À LA CONFÉRENCE DES PARTIES CHARGÉE D EXAMINER

LE TRAITÉ SUR LA NON -PROLIFÉRATION DES ARMES NUCLÉAIRES EN 2010,FAITE PAR
S.E XC . M. OHN DUNCAN ,AMBASSADEUR POUR LES AFFAIRES MULTILATÉRALES
DE MAÎTRISE DES ARMEMENTS ET DE DÉSARMEMENT , NEW Y ORK (19MAI 2010)

Progrès réalisés par le Royaume-Uni en ce qui concerne les «treize mesures

concrètes à mettre en œuvre dans le cadre des efforts systématiques
et progressifs déployés pour appliquer l’article VI»

Le document final de la conférence d’examen de 2000 énonce treize mesures concrètes à
mettre en œuvre dans le cadre des efforts systématiques et progressifs déployés pour appliquer

l’article VI du TNP. Le tableau suivant expose les progrès accomplis à ce jour par le Royaume-Uni
dans le sens du désarmement nucléaire en ce qui concerne chacune de ces treize mesures.

1. L’importance et l’urgence de poursuivre le Le Royaume-Uni a signé le traité d’interdiction
processus de signature et de ratification sans complète des essais nucléaires en 1996 et l’a
conditions et conformément aux procédures ratifié en 1998. Il a par ailleurs invité les Etats
constitutionnelles afin de permettre l’entrée qui ne l’avaient pas encore fait à l’imiter sans
en vigueur, dans les meilleurs délais, du tarder.

Traité d’interdiction complète des essais
nucléaires.

2. L’imposition d’un moratoire sur les Le Royaume-Uni a volontairement instauré un
explosions expérimentales d’armes moratoire ; il n’a procédé à aucune explosion
nucléaires ou toute autre explosion nucléaire expérimentale d’armes nucléaires ni à aucune

en attendant l’entrée en vigueur de ce traautre explosion nucléaire depuis 1991.

3. La nécessité de mener des négociations au Le Royaume-Uni considère le traité sur l’arrêt
sein de la conférence du désarmement sur un de la production de matières fissiles comme une
traité non discriminatoire, multilatéral et priorité et n’a eu de cesse de demander

internationalement et effectivement l’ouverture immédiate de négociations dans le
vérifiable interdisant la production de cadre de la conférence du désarmement sur la
matières fissiles destinées à la production base du programme de travail (CD/1864) adopté
d’armes ou autres dispositifs explosifs par consensus en 2009.
nucléaires, conformément à la déclaration du
Le Royaume-Uni a volontairement instauré un
Coordonnateur spécial en 1995 et au mandat
y figurant, compte tenu des objectifs tant duatoire sur la production de matières fissiles
désarmement nucléaire que de la devant servir à la fabrication d’armes nucléaires
non-prolifération nucléaire. Il est ou d’autres dispositifs explosifs nucléaires, et
instamment demandé à la conférence du n’a produit aucune matière fissile à cet usage
désarmement de convenir d’un programme depuis 1995.

de travail prévoyant l’ouverture immédiate
et la conclusion dans les cinq ans de
négociations sur un traité de ce type.

4. La nécessité de créer, au sein de la Le Royaume-Uni a soutenu la création d’un

conférence du désarmement, un organe groupe de travail sur le désarmement nucléaire
subsidiaire approprié chargé d’étudier la dans le cadre du programme de travail
question du désarmement nucléaire. La (CD/1864) adopté par consensus à la conférence - 42 -

conférence du désarmement est instamment du désarmement de 2009, et prié la conférence
priée de convenir d’un programme de travail d’adopter un programme de travail pour 2010

prévoyant la création immédiate d’un organe sur cette base.
de ce type.

5. Le principe de l’irréversibilité du Le Royaume-Uni n’est revenu sur aucune des
désarmement nucléaire et des mesures de mesures de désarmement nucléaire qu’il a
contrôle et de réduction des armes nucléaires prises, et a réduit ses forces à un seul système de
et autres armes connexes. lancement, un seul type de têtes nucléaires et

une plate-forme de lancement unique.

6. L’engagement sans équivoque de la part des Le Royaume-Uni s’est clairement engagé en
Etats dotés d’armes nucléaires à parvenir à faveur de la réalisation de l’objectif d’un monde
l’élimination complète de leurs armes exempt d’armes nucléaires par des déclarations
nucléaires et, par là même, au désarmement nationales et multilatérales (dont la déclaration
nucléaire que tous les Etats parties se sont faite au sommet du G8 qui s’est tenu à L’Aquila

engagés à réaliser en vertu de l’article VI. en 2009 et la résolution 1887 du Conseil de
sécurité des Nations Unies).

7. Faciliter l’entrée en vigueur et la pleine mise Non applicable au Royaume-Uni.
en œuvre, dès que possible, de START II et
la conclusion, dans les meilleurs délais, de
START III, tout en préservant et renforçant

le Traité sur les missiles antimissiles
balistiques qui, conformément à ses
dispositions, constitue la pierre angulaire de
la stabilité stratégique et le fondement de
nouvelles réductions des armements
stratégiques offensifs.

8. Promouvoir l’adoption et la mise en œuvre Non applicable au Royaume-Uni.
de l’Initiative trilatérale entre les Etats-Unis
d’Amérique, la Fédération de Russie et
l’Agence internationale de l’énergie
atomique.

9. Inciter tous les Etats dotés d’armes En septembre 2009, le Royaume-Uni a accueilli

nucléaires à prendre des mesures menant au une conférence destinée à permettre aux cinq
désarmement nucléaire d’une manière qui membres permanents du Conseil de sécurité de
renforce la stabilité internationale, en se discuter de mesures visant à accroître la
fondant sur le principe d’une sécurité non confiance en vue du désarmement nucléaire. La
diminuée pour tous : conférence a rassemblé pour la première fois
des scientifiques spécialisés dans le domaine
des armes nucléaires et d’importants

responsables politiques des Etats dotés de telles
armes. Les participants se sont penchés sur les
défis à relever pour accroître la confiance,
mettre en place la surveillance et garantir le
respect des mesures adoptées, dans le cadre de
nouveaux progrès visant à aboutir à un
désarmement nucléaire et à la non-prolifération

des armes nucléaires, ainsi que sur les mesures à
prendre pour répondre à ces défis. Le
Royaume-Uni a également soutenu la recherche
universitaire indépendante sur la question des - 43 -

conditions à réunir pour parvenir à un monde
exempt d’armes nucléaires et à la sécurité

globale dans un monde où pareilles armes
seraient rares.

i) poursuite des efforts déployés par les Le Royaume-Uni a réduit le nombre de ses
Etats dotés d’armes nucléaires pour ogives opérationnelles, lequel est aujourd’hui
réduire unilatéralement leurs arsenaux inférieur à 160. La puissance explosive de son
nucléaires ; arsenal nucléaire a été réduite d’environ 75 %
depuis la fin de la guerre froide.

ii) renforcement de la transparence de la Le Royaume-Uni fait preuve de transparence en
part des Etats dotés d’armes nucléaires ce qui concerne ses stocks de matières fissiles et

pour ce qui est des capacités en matière d’ogives opérationnelles. Il a d’ailleurs produit
d’armes nucléaires et de l’application des archives de ses stocks de défense de
des accords, conformément à plutonium et d’uranium hautement enrichi.
l’article VI, et en tant que mesure
volontaire de renforcement de la
confiance visant à faire progresser le
désarmement nucléaire ;

iii) nouvelle réduction des armes nucléaires Le Royaume-Uni ne possède aucune arme de ce

non stratégiques sur la base type.
d’initiatives unilatérales et dans le
cadre du processus de réduction des
armes nucléaires et de désarmement
nucléaire ;

iv) adoption de mesures concrètes Le Royaume-Uni a largement réduit la capacité
permettant de réduire la capacité opérationnelle de son système d’armes
opérationnelle des systèmes d’armes nucléaires. En principe, seul un sous-marin de
nucléaires ; la classe Vanguard patrouille à tout moment à

des fins de dissuasion. Toutes les armes
nucléaires du Royaume-Uni ont un délai de
lancement qui se mesure en jours, et aucune ne
vise un Etat en particulier.

v) diminution de l’importance des armes Le Royaume-Uni a déclaré publiquement qu’il
nucléaires dans les politiques de «n’envisager[ait] jamais d’utiliser des armes
sécurité afin de minimiser le risque de nucléaires si ce n’est dans des cas extrêmes de
voir ces armes utilisées et de faciliter le légitime défense ou pour protéger [ses] alliés».
processus aboutissant à leur élimination Les armes nucléaires du Royaume-Uni ne sont

totale ; pas conçues pour être utilisées militairement
pendant un conflit, mais pour dissuader et
prévenir la menace nucléaire et les actes
d’agression à l’encontre de ses intérêts vitaux
qui ne pourraient l’être par d’autres moyens.

Le Royaume-Uni a exposé sa politique sur les
garanties négatives de sécurité en 1995, dans
une lettre officielle qu’il a adressée au
Secrétaire général de l’Organisation des

Nations Unies (et dont il est fait état dans la
résolution 984 du Conseil de sécurité des
Nations Unies). En outre, le Royaume-Uni a
signé et ratifié les protocoles prévoyant la mise
en place de zones exemptes d’armes nucléaires - 44 -

en Amérique latine et aux Caraïbes (traité de
Tlatelolco), dans le Pacifique sud (traité de

Rarotonga) et en Afrique (traité de Pelindaba),
protocoles dans lesquels il a, par voie de traité,
accordé des garanties négatives de sécurité à
une centaine de pays.

vi) engagement des Etats dotés d’armes Le Royaume-Uni soutient le désarmement
nucléaires, dès lors qu’il y aura lieu, multilatéral et a affirmé qu’il était prêt à inclure
dans un processus débouchant sur son arsenal nucléaire dans des négociations
l’élimination totale de leurs armes multilatérales élargies lorsque cela se révélerait

nucléaires. utile.
10.Promouvoir la prise de dispositions Le Royaume-Uni a déclaré 4,4 tonnes de

permettant à tous les Etats dotés d’armes matières fissiles excédentaires par rapport à ses
nucléaires de placer dès que possible les besoins de défense, dont 0,3 tonnes de
matières fissiles dont ils estiment qu’ils plutonium de qualité militaire ; il a placé ces
n’ont plus besoin à des fins militaires entre stocks sous le régime de garanties de la
les mains de l’AIEA ou d’autres Communauté européenne de l’énergie atomique
arrangements et mesures de vérification (EURATOM) et sous le contrôle de l’Agence
internationaux pertinents afin de réaffecter internationale de l’énergie atomique. Le

ces matières à un usage pacifique et Royaume-Uni a également annoncé en 1998
s’assurer ainsi qu’elles ne pourront plus qu’il cesserait d’exercer son droit à prélever des
jamais servir à des programmes militaires. matières fissiles sur ces stocks.

11.Réaffirmer qu’en fin de compte, l’objectif Le Royaume-Uni souscrit à ce principe et s’est
des Etats engagés dans un processus de pleinement acquitté de ses engagements en
désarmement est le désarmement général et matière de désarmement général non nucléaire.
complet sous contrôle international efficace.

12.Faciliter l’établissement par tous les Etats Le livre blanc de 2006 contient l’exposé de la
parties, dans le cadre du processus d’examen doctrine nucléaire du Royaume-Uni et sa
renforcé du Traité de non-prolifération des posture actuelle en la matière. Le Royaume-Uni

armes nucléaires et compte tenu de l’avis produit régulièrement des rapports dans le cadre
consultatif de la Cour internationale de des déclarations nationales qu’il fait aux
Justice du 8 juillet 1996, de rapports comités préparatoires et aux conférences
réguliers sur la mise en œuvre de l’article VI d’examen du TNP.
et de l’alinéa c) du paragraphe 4 des
Principes et objectifs de 1995 concernant la
non-prolifération et le désarmement

nucléaires.
13.Promouvoir le développement des capacités Le Royaume-Uni mène des recherches dans ce

de vérification qui seront nécessaires pour domaine au sein de l’Atomic Weapons
s’assurer que les accords de désarmement Establishment, dans le cadre d’un projet
nucléaire visant à créer un monde exempt tripartite avec la Norvège et VERTIC (une ONG
d’armes nucléaires sont respectés. chargée de la vérification) sur les aspects
techniques et autres de la vérification du
démantèlement des ogives nucléaires. Les
travaux portent notamment sur l’authentification

des ogives, le suivi des stocks, les questions de
garde permanente et la mise en place d’une
garantie d’accès aux sites nucléaires sans
compromettre la sécurité nationale.

___________ - 45 -

ANNEXE 3

TROISIÈME RAPPORT SUR LA RESPONSABILITÉ DESE TATS,PRÉSENTÉ PAR
M. JAMES C RAWFORD RAPPORTEUR SPÉCIAL (CINQUANTE DEUXIÈME

SESSION DE LAC OMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL (2000),
N ATIONS UNIES,DOC. A/CN.4/507/DD .2PAR . 235) - 46 -

70 Documents de la cinquante-deuxième session

réaction d’un État lésé qui a connaissance de la violation Nauru dans son discours de l’indépendance et, implicite-
peut avoir des conséquences juridiques pouvant même ment, dans des correspondances et discussions ultérieures

aller jusqu’à la perte du droit d’invoquer la responsabilité, avec les ministres australiens. Cependant, la Cour releva
par renonciation ou prescription extinctive. également que

235. L’on peut relever une analogie avec l’article 65 de [C]e n’est que le 6 octobre 1983 que le président de Nauru écriv-
la Convention de Vienne de 1969, en vertu duquel : it au premier ministre d’Australi447n lui demandant de réexaminer
favorablement la position de Nauru .
1. La partie qui, sur la base des dispositions de la présente
Convention, invoque soit un vice de son consentement à être liée par una Cour résuma comme suit les communications entre les
traité, soit un motif de contester la validité d’un traité, d’y mettre fin, de:
s’en retirer ou d’en suspendre l’application, doit notifier sa prétention
aux autres parties. La notification doit indiquer la mesure envisagée à Nauru a été officiellement informée, au plus tard par lettre du 4
l’égard du traité et les raisons de celle-ci. février 1969, de la position de l’Australierau sujet de la remise en état
des terres à phosphates exploitées avant le 1uillet 1967. Nauru n’a
2. Si, après un délai qui, sauf en cas d’urgence particulière, ne contesté cette position par écrit que le 6 octobre 1983. Dans l’intervalle
saurait être inférieur à une période de trois mois à compter de la récep-endant la question avait, selon les dires de Nauru, non contredits
tion de la notification, aucune partie n’a fait d’objection, la partie qui aAustralie, été soulevée à deux reprises par le président de Nauru
fait la notification peut prendre, dans les formes prévues à l’article 67,ès des autorités australiennes compétentes. La Cour estime que, eu
la mesure qu’elle a envisagée. égard tant à la nature des relations existant entre l’Australie et Nauru
qu’aux démarches ainsi accomplies, 448coulement du temps n’a pas
3. Si toutefois une objection a été soulevée par une autre partie,rendu la requête de Nauru irrecevable.
l’Article 33 de la Charte des Nations Unies.par les moyens indiqués à
Il semble ressortir de cet extrait que la Cour n’a pas
4. Rien dans les paragraphesqui précèdent ne porte atteinte aux attaché beaucoup d’importance aux formalités. Elle a
droits ou obligations des parties découlant de toute disposition en estimé suffisant que l’État défendeur ait pris connaissance
vigueur entre elles concernant le règlement des différends.
de la réclamation suite aux communiqués du demandeur,
5. Sans préjudice de l’article 45, le fait qu’un État n’ait pas adressési la preuve de ces derniers revêtait la forme d’ar-
la notification prescrite au paragraphe 1 ne l’empêche pas de faire ceticles de presse, de discours ou réunions au lieu d’une cor-
notification en réponse à une autre partie qui demande l’exécution du respondance diplomatique officielle. Mais, malgré cette
traité ou qui allègue sa violation.
souplesse et la prise en considération du contexte en-
236. Il convient de ne pas formaliser à excès la procé- tourant les relations entre les deux États concernés, la
Cour paraît avoir tenu compte du fait que l’État deman-
dure, et d’éviter de laisser entendre que la conséquence deur avait effectivement notifié la réclamation à l’État
normale de la non-exécution d’une obligation est l’intro- défendeur.
duction d’une demande en réclamation. Dans de nom-
breux cas, la voie discrète de la diplomatie peut s’avé-
rer plus efficace pour assurer l’exécution de l’obligation, 238. De l’avis du Rapporteur spécial, cette approche
est appropriée sur le plan des principes. Il doit exister au
voire la réparation. Néanmoins, un État lésé ou intéressé minimum une certaine forme de notification de la ré-
est en droit de répondre à la violation et sa première réac- clamation en responsabilité d’un État à l’autre, de telle
tion devrait être d’attirer l’attention de l’État responsable
sur la situation, et de demander qu’il prenne des mesures sorte que l’État responsable ait connaissance de l’alléga-
appropriées afin de mettre fin à la violation et de pourvoir tion formulée à son encontre et qu’il soit en mesure d’y
répondre (par exemple en mettant fin à la violation et en
à la réparation. proposant une forme de réparation adéquate). Bien en-
tendu, la forme précise que prend la réclamation variera
237. Il n’appartient pas au projet d’articles de détailler
la forme que l’invocation de la responsabilité doit revêtir. selon les circonstances. Mais le projet d’articles devrait
au moins exiger que l’État qui invoque la responsabilité
Dans la pratique, les réclamations en responsabilité sont le notifie à l’État responsable. À cette occasion, il serait
formulées à différents niveaux de gouvernement, en fonc- normal que soient précisés le comportement qui est exigé
tiondeleurgravitéetdel’étatdesrelationsgénéralesentre
les États concernés. D’ailleurs, la CIJ a parfois admis des de lui pour qu’il soit mis fin à tout fait illicite de caractère
modes d’invocation de responsabilité plutôt informels. continu, ainsi que la forme que devrait revêtir la répara-
tion demandée. En outre, dès lors que le mode normal de
Dans l’affaire de Certaines terres à phosphates à Nauru communication interétatique est l’écrit, il paraît approprié
par exemple, l’Australie soutenait que la réclamation de d’exiger que la notification de la réclamation ait lieu par
Nauru était irrecevable car elle n’avait « pas été présentée 449
dans des délais raisonnables » 446. Cet argument soulevait écrit .
deux questions : d’une part, celle de savoir à quel mo-
3. q uestIons relatIves à la recevabIlIté
ment la réclamation avait été effectivement introduite, et des réclamatIons
d’autre part, celle de déterminer si le laps de temps écoulé
avant l’introduction de la réclamation (ou encore, le laps
de temps écoulé avant que Nauru ait effectivement pris 239. Lorsqu’un État ayant protesté contre une violation
n’est pas satisfait de la réponse donnée par l’État respon-
une mesure quelconque de réclamation) était fatal à cette sable, il est en droit d’invoquer la responsabilité de cet
dernière. Cette objection fut rejetée par la Cour. Elle fit ré-
férence non seulement au fait que la réclamation avait été 447Ibid., par. 35, p. 254.
soulevée, et non réglée, avant l’indépendance de Nauru en 448
1968, mais aussi à des articles de presse selon lesquels la 449Ibid., par. 36, p. 254 et 255.
Cf. la Convention de Vienne de 1969, art. 23 (les réserves, les ac-
réclamation avait été évoquée par le nouveau président de ceptations expresses de réserves et les objections aux réserves doivent
446 être formulées par écrit) et 67 (les notifications d’invalidité, d’extinc-
C.I.J. Recueil 1992 (voir supra la note 307), par. 31, p. 253. tion ou de retrait d’un traité doivent être formulées par écrit). - 47 -

ANNEXE 4

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2682ESÉANCE DE LA COMMISSION

DU DROIT INTERNATIONAL ,NATIONS U NIE,
DOC . A/CN.4/SR.2682PAR. 38 - 48 -
68 séance – 30 mai 2001 115

n’est une modification de terminologie dans la version aux dispositions de la deuxième partie », de manière à
française. S’agissant de l’alinéa b, le Comité a analysé bien préciser qu’un État lésé dispose de tous les recours

l’observation d’un gouvernement selon laquelle les mots visés dans la deuxième partie. Le Comité a d’autre part
« groupe d’États » supposent une espèce d’entité dotée examiné une proposition tendant à élargir le paragraphe
de la personnalité juridique. Il a envisagé la possibilité 2, notamment en y ajoutant un alinéa portant sur la nature
de la remplacer par les mots « plusieurs États », mais il a et les caractéristiques de la demande. Ayant toutefois
conclu que la première expression rend mieux le sens de relevé que l’avis avait été émis, lors de discussions anté-
la disposition, qui renvoie à une communauté d’États. Il rieures, que l’article devait être aussi souple que possible,
sera précisé dans le commentaire que cette disposition ne il a estimé qu’il serait inutile de développer dans le corps
vise pas à conférer la personnalité juridique à un groupe du texte les caractéristiques de la demande, mais que cela
d’États. Quant à la catégorie d’États relevant du sous- pouvait être fait dans le commentaire.
alinéa i de l’alinéa b, elle n’a soulevé aucune objection
et le Comité l’a donc maintenue elle aussi. En revanche, 39. Pour ce qui est de l’article 45 [22] (Recevabilité de
la demande), le Comité de rédaction a étudié la proposi-
pour ce qui est du sous-alinéa ii de l’alinéa b, le Comité tion d’un gouvernement tendant à insérer dans la dispo-
a constaté qu’elle a créé une certaine confusion parmi
les gouvernements. Il a noté que la notion d’obligation sition liminaire les mots « par l’État lésé » après les mots
intégrale tire son origine de l’alinéa c du paragraphe 2 de « ne peut pas être invoquée ». Il a décidé de ne pas y don-
l’article 60 de la Convention de Vienne de 1969. Cette ner suite, car ces mots ne cadreraient pas avec le champ
catégorie d’obligations est plus connue et plus fréquente d’application de l’article, lequel vise aussi bien l’État lésé
dans le contexte des obligations nées de traités multilaté- que des États autres que l’État lésé en droit d’invoquer la
raux que dans d’autres contextes. De plus, la disposition responsabilité. À propos de l’alinéa a, le Comité a tout
en question, dans le cadre de la responsabilité des États, d’abord examiné la proposition d’un gouvernement ten-
renvoie à un intérêt collectif, question déjà traitée à l’ali- dant à revenir, pour ce qui est du principe de la nationalité
des réclamations, au texte adopté en première lecture. Il
néa a du paragraphe 1 de l’article 49. Pour ces motifs et en a noté que cette question de nationalité concerne princi-
raison des critiques émises par les gouvernements, qui la
jugent trop vague, le Comité a envisagé de la supprimer. palement la recevabilité de la demande et décidé que, le
Mais tout bien considéré, il a jugé nécessaire de maintenir nouvel alinéa a introduisant un élément de souplesse, il
une disposition sur les « obligations intégrales », car cette ne serait pas opportun de revenir à l’ancien texte. Il a exa-
catégorie d’obligations, encore que restreinte, existe et il miné ensuite l’observation d’un gouvernement indiquant
faut conserver un certain parallélisme avec l’alinéa c du que la notion de « nationalité des réclamations » n’est
paragraphe 2 de l’article 60 de la Convention de Vienne. pas connue dans le langage juridique français et qu’il
Il a émis l’avis que la méprise des gouvernements pouvait conviendrait de repenser cette formule et de parler des
être attribuée au fait que la disposition était mal rédigée, règles applicables en matière de nationalité dans le cadre
de l’exercice de la protection diplomatique. Le Comité
et notamment trop large, risquant ainsi d’entretenir la a décidé de maintenir le texte tel quel, même dans sa
confusion avec l’alinéa a du paragraphe 1 de l’article 49.
Il a donc décidé de maintenir la disposition et de restrein- version française. Il a noté que l’expression « nationalité
dre la définition des « obligations intégrales » en s’inspi- des réclamations » a été utilisée par la CIJ dans l’avis
rant de plus près du libellé de l’alinéa c du paragraphe 2 consultatif qu’elle a rendu en 1949 dans l’affaire de la
de l’article 60 de la Convention. Le texte du sous-alinéa ii Réparation, avis rendu en français et en anglais, le texte
de l’alinéa b de l’article 43 se lit désormais comme suit : français faisant foi. Le Comité a noté par ailleurs que le
« Est de nature à modifier radicalement la situation de principe de la nationalité des réclamations ne s’applique
tous les autres États envers lesquels l’obligation est due pas uniquement dans le domaine de la protection diplo-
quant à l’exécution ultérieure de cette obligation ». matique. Quant à l’alinéa b, le Comité, ayant noté que
les gouvernements en général l’appuyaient, n’y a apporté
aucune modification.
37. Enfin, le Comité de rédaction a modifié le titre de
l’article de manière à mieux en refléter le contenu. Il a 40. S’agissant de l’article 46, son titre a posé des pro-
noté que la définition de l’État lésé découle de la teneur blèmes à certains membres du Comité de rédaction, qui
de l’article, bien qu’elle ne figure pas expressément dans
le texte. Le nouveau titre « Invocation de la responsabilité préféraient en anglais le mot renunciation (« renoncia-
par un État lésé », qui était celui de l’ancien article 44, tion ») au mot loss (« perte »). Le Comité a apporté cette
correspond mieux à l’article 43. modification dans la version française (Renonciation au
droit d’invoquer la responsabilité), mais a maintenu tel
quel le titre en anglais, ayant jugé que le mot loss est plus
38. En ce qui concerne l’article 44, le Comité de rédac- indiqué que le mot renunciation.
tion, compte tenu du nouvel intitulé de l’article 43, a
modifié son titre comme suit : « Notification par un État 41. À propos de l’alinéa a, le Comité de rédaction a
lésé », qui, lui aussi, reflète mieux la teneur de l’article et examiné les propositions de certains gouvernements
correspondrait mieux à l’article 45. Il a maintenu le para- visant à exclure la possibilité de renoncer à une demande
graphe 1 tel quel, ayant constaté qu’il n’a suscité aucune née de la violation d’une norme impérative ou d’une obli-
objection ni aucune proposition de modification rédac- gation erga omnes. Il a estimé que, dans le contexte du

tionnelle de la part des gouvernements, si ce n’est une chapitre V de la première partie (Circonstances excluant
observation touchant la signification du terme « invoca- l’illicéité), le mot « valablement » renvoie aussi bien à la
tion », déjà réglée. À propos du paragraphe 2, le Comité validité de la procédure qu’à la validité quant au fond de
a étudié la suggestion faite par un gouvernement d’énu- la renonciation à la demande. En ce qui concerne la ques-
mérer toutes les voies de recours ouvertes à un État lésé. tion de savoir dans quelles circonstances il est possible
Il a ajouté à la fin de l’alinéa bes mots « conformément de renoncer à une demande relative à la violation d’une - 49 -

A NNEXE 5

A NNUAIRE DE LAC OMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL (2001),OL . II,

DEUXIÈME PARTIE , ATIONS U NIES,DOC. A/56/10,
COMMENTAIRE DE L ’ARTICLE 43,PAR. 3 - 50 -

12 Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-troisième session

d’annulation de la revendication) et des assurances de une condition de la mise en mouvement de l’obligation
non-répétition conformément à la deuxième partie. de réparer. De plus, l’obligation de notifier la demande
ne signifie pas que la conséquence normale de la non-

15) Le projet d’articles traite des obligations découlant exécution d’une obligation internationale est l’introduc-
du droit international, quelle qu’en soit la source, et ne se tion d’une demande en réclamation. Néanmoins, un état
limite pas aux obligations conventionnelles. Dans la pra- lésé ou intéressé est en droit de réagir à la violation, et
tique, des obligations interdépendantes couvertes par le sa première réaction devrait être d’appeler l’attention de
sous-alinéa ii de l’alinéa b découleront habituellement de l’état responsable sur la situation et de lui demander de
traités établissant des régimes particuliers. Même en vertu prendre les mesures voulues pour mettre fin à la violation

de tels traités, il se peut qu’une simple violation de l’obli- et réparer.
gation n’ait pas nécessairement pour effet de compromet-
trel’exécution du traité par tous les autres états concernés 4) Les présents articles n’ont pas vocation à détailler la
et il est souhaitable que la portée de ce sous-alinéa soit forme que l’invocation de la responsabilité doit revêtir.
limitée. Par conséquent, un état n’est considéré comme Dans la pratique, les réclamations en responsabilité sont
lésé, en vertu du sous-alinéa ii de l’alinéa b, que si la vio-
lation est d’une nature telle qu’elle affecte de façon radi- formulées à différents niveaux gouvernementaux, selon la
gravité du cas et l’état des relations générales entre les
cale la jouissance des droits ou l’exécution des obligations é tats concernés. Dans l’affaire concernant Certaines ter-
de tous les autres états auxquels l’obligation est due. res à phosphates à Nauru, l’Australie soutenait que la de-
mande de Nauru était irrecevable car elle n’avait « pas été
présentée dans des délais raisonnables » 676. La Cour s’est

référée au fait que la question de la revendication avait été
Article 43. – Notification par l’État lésé soulevée, et non résolue, avant l’indépendance de Nauru
en 1968, ainsi qu’à des articles de presse selon lesquels la
1. L’État lésé qui invoque la responsabilité d’un revendication avait été évoquée par le nouveau Président
autre État notifie sa demande à cet État. de Nauru dans son discours d’indépendance et, implici-
tement, dans des correspondances et entretiens ultérieurs
2. L’État lésé peut préciser notamment : avec des ministres australiens. Cependant, la Cour a re-

a) Le comportement que devrait adopter l’État levé également que
responsable pour mettre fin au fait illicite si ce fait
continue; ce n’est que le 6 octobre 1983 que le Président de Nauru écrivit au
Premier Ministre d’Australie en lui demandant de « réexaminer favora-
b) La forme que devrait prendre la réparation, blement la position de Nauru77
conf ormément aux dispositions de la deuxième partie.
La Cour résuma comme suit les communications entre les

parties :
Commentaire Nauru a été officiellement informée, au plus tard par lettre du 4 fé-
vrier 1969, de la position de l’Australie au sujet de la remise en état
1) L’article 43 précise la procédure qu’un état lésé doit des terres à phosphates exploitées avant le 1let 1967. Nauru n’a
suivre pour invoquer la responsabilité d’un autre état. Il contesté cette position par écrit que le 6 octobre 1983. Dans l’intervalle
s’applique à l’état lésé tel qu’il est défini à l’article 42, et cependant, la question avait, selon les dires de Nauru, non contredits
aussi aux états en droit d’invoquer la responsabilité d’un par l’Australie, été soulevée à deux reprises par le Président de Nauru
675 auprès des autorités australiennes compétentes. La Cour estime que, eu
autre état visés à l’article 48 . égard tant à la nature des relations existant entre l’Australie et Nauru
qu’aux démarches ainsi accomplies678’écoulement du temps n’a pas
2) Même si la responsabilité d’un état est engagée de rendu la requête de Nauru irrecevable.
plein droit à raison de la commission par lui d’un fait in-
ternationalementillicite,ilestnécessaire,danslapratique, Dans ces circonstances, il suffisait que l’état défendeur
que l’état lésé et/ou l’autre ou les autres états intéressés
ait connaissance de la revendication à travers les commu-
réagissent s’ils souhaitent obtenir la cessation du fait en niqués du demandeur, même si la preuve de ces derniers
question ou réparation. Les réactions peuvent revêtir di- revêtait la forme d’articles de presse rendant compte de
verses formes, allant du rappel officieux et confidentiel discours ou de réunions au lieu d’une correspondance di-
de la nécessité d’exécuter l’obligation à la protestation plomatique officielle.
formelle, aux consultations, etc. En outre, le fait qu’un
é tat léséà qui est notifiée une violation ne réagit pas peut
entraîner des conséquences juridiques, voire éventuelle- 5) En notifiant une demande, un état lésé ou intéressé
doit normalement préciser le comportement qu’à son avis
ment la perte du droit d’invoquer la responsabilité par re- l’état responsable doit adopter pour mettre fin à tout fait
nonciation ou acquiescement : cette question est traitée à illicite qui continue, ainsi que la forme que devrait revê-
l’article 45. tir la réparation demandée. C’est ainsi que l’alinéa a du
paragraphe 2 prév oit que l’état lésé peut indiquer à l’état
3) L’article 43 prévoit que l’état lésé qui souhaite invo-
responsable ce qui devrait être fait pour mettre fin au fait
quer la responsabilité d’un autre état notifie sa demande illicite si celuici continue. Ces indications ne lient pas
à cet état. Il est analogue à l’article 65 de la Convention
deVienne de 1969. La notification visée à l’article 43 n’a Certaines terres à phosphates à Nauru, exceptions préliminaires
pas besoin d’être faite par écrit; de même, elle n’est pas (voir supra note 230), par. 31, p. 253.
Ibid., par. 35, p. 254.
Voir le paragraphe 3 de l’article 48 et le commentaire y relatif.Ibid., par. 36, p. 254 et 255. - 51 -

Responsabilité des États 12

en tant que telles l’état responsable. L’état lésé ne peut de est soumise à la règle de l’épuisement des voies de

qu’exiger de l’état responsable qu’il honore ses obliga- recours internes.
tions : l’état lésé n’est pas tenu de stipuler ni de définir
les conséquences juridiques d’un fait internationalement
illicite. Il serait cependant utile que l’état responsable sa- Commentaire
che comment il pourrait donner satisfaction à l’état lésé :
cela pourrait faciliter le règlement du différend.
1) Les présents articles ne traitent pas des problèmes de
compétence des cours et tribunaux internationaux, ni en
6) L’alinéa b du paragraphe 2 traite de la question du général des conditions de recevabilité des instances intro-
choix par l’état lésé de la forme de la réparation souhai- duites devant eux. Ils portent plutôt sur la définition des
tée. En général, l’état lésé est en droit d’opérer un choix conditions régissant l’établissement de la responsabilité

entre les formes de réparation disponibles. Il peut ainsi internationale d’un é tat et l’invocation de cette respon-
préférer l’indemnisation à la possibilité de la restitution, sabilité par un autre état ou d’autres états. Ils n’ont donc
comme l’Allemagne l’a fait dans l’affaire relative à pas pour fonction de traiter de questions comme le critère
l’Usine de Chorzów 679, ou comme la Finlande a fini par le de l’épuisement d’autres moyens de règlement pacifique
faireàl’occasiondurèglementdel’affaireduPassagepar avantl’introductiond’uneinstance,nidedoctrinescomme
680 celle de la litispendance ou du choix de la juridiction, qui
le Grand-Belt . L’état lésé peut aussi se contenter d’une
déclaration réparatoire, à titre général ou sur un point pré- peuvent affecter la compéten681d’un tribunal internatio-
cis de sa réclamation. D’un autre côté, il y a des cas où un nal par rapport à un autre . À l’inverse, certaines ques-
é tat ne peut pas, pour ainsi dire, « empocher » la somme tions qui entreraient dans la catégorie des questions de
versée à titre d’indemnisation et se désintéresser du rè- recevabilité lorsqu’elles sont invoquées devant un tribunal
glement de la situation, par exemple lorsqu’il s’agit de la international présentent un caractère plus fondamental. Il

vie ou de la liberté d’individus ou du droit d’un peuple à s’agit avant tout des conditions régissant l’invocation de
disposer de son territoire ou à disposer de lui-même. En la responsabilité d’un état. Deux de ces questions sont
particulier, dans le cas d’obligations de caractère continu traitées à l’article 44 : le critère de la nationalité des récla
dontl’exécutionnefaitpasintervenirsimplementlesdeux mations et celui de l’épuisement des recours internes.
é tats concernés, il se peut que ces derniers ne puissent
trouver un règlement, de la même manière qu’un état lésé
2) L’alinéa a prévoit que, la responsabilité d’un état ne
ne peut de son propre chef libérer l’état responsable des peut être invoquée que conformément aux règles appli-
obligations continues qui lui incombent envers un groupe cables en matière de nationalité des réclamations. Ainsi
d’états ou envers la communauté internationale dans son que la CPJI l’a déclaré dans l’affaire des Concessions Ma-
ensemble. vrommatis en Palestine :

C’est un principe élémentaire du droit international que celui qui auto-
7) étant donné ces limites qui pèsent sur la capacité de rise l’état à protéger ses nationaux lésés par des actes contraires au
l’état lésé de choisir la forme de réparation qu’il préfère, droit international commis par un autre état, dont ils n’ont pu obtenir
l’article 43 n’énonce pas le droit de l’état lésé de choisir satisfaction par les voies ordinaires.
la forme de réparation en des termes absolus. Il ne fait
L’alinéa a ne tend pas à développer la règle de la natio-
que donner quelques indications à l’état lésé quant aux
précisions qu’il pourrait fournir dans sa demande ou dans nalité des réclamations, ni les exceptions à cette règle.
des communications ultérieures. Il vise plutôt à préciser que non seulement la règle de la
nationalité des réclamations joue en ce qui concerne la
compétence et la recevabilité des réclamations devant les
organes judiciaires, mais encore qu’elle est une condition
Article 44. – Recevabilité de la demande générale de l’invocation de la responsabilité dans les cas
683
La responsabilité de l’État ne peut pas être invo- où elle est applicable .
quée si :
3) L’alinéa b prévoit que, lorsque la demande est soumi-
a) La demande n’est pas présentée conformément se à la règle de l’épuisement des voies de recours internes,

aux règles applicables en matière de nationalité des ré- elle est irrecevable si toutes les voies de recours internes
clamations; disponibles et efficaces n’ont pas été épuisées. Il est ré-
digé en des termes généraux, afin de pouvoir s’appliquer
b) Toutes les voies de recours internes disponibles
et efficaces n’ont pas été épuisées au cas où la deman- Pour une analyse des diverses considérations ayant des répercus-
sions sur la compétence et la recevabilité des réclamations internatio-
Comme la CPJI l’a souligné dans l’affaire relative à l’Usine denales présentées dent les tribunaux, voir G.Abi-Saab, Les exceptions
Chorzów (compétence), à ce stade, l’Allemagne ne cherchait plus à préliminaires dans la procédure de la Cour internationale, Paris, Pedo-
obtenir au nom des sociétés allemandes concernées la restitution de ne, 1967; G. Fitzmaurice, The Law and Procedure of the International
l’usine en question ou de son contenu (voir supra note 34, p. 17). Court of Justice, vol. II, Cambridge, Grotius, 1986, p. 427 à 575; et S.
0Passage par le Grand-Belt (Finlande c. Danemark), mesures Rosenne, TheLaw and Practice of the International Court, 1920-1996,
conservatoires, ordonnance du 29 juillet 1991, C.I.J. Recueil 1991, 3eéd., La Haye, Martinus Nijhoff, 1997, vol. II (Jurisdiction).
p. 12. Dans cette affaire, la CIJ n’a pas accepté l’argument du Dane- Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n° 2 (voir supra
mark selon lequel la restitution serait impossible si, lors de l’examene 236), p. 12.
au fond de l’affaire, il était conclu que la construction du pont sur leLes questions relatives à la nationalité des réclamations seront
Grand-Belt entraînerait une violation des obligations internationalesraitées dans le détail dans le cadre des travaux de la Commission sur la
du Danemark. Pour les clauses du règlement finalement convenu, voir protection diplomatique. Voir le premier rapport du Rapporteur spécial
M. Kosk enniemi, « L’affaire du passage par le Grand-Belt », Annuairsur la protection diplomatique dans Annuaire… 2000, vol. II (1-
français de droit international, vol. XXXVIII (1992), p. 940. tie), doc. A/CN.4/506 et Add. 1. - 52 -

ANNEXE 6

D ÉCLARATION FAITE AU NOM DE LA F RANCE ,DU ROYAUME -UNI ET DESE TATS-U NIS

D’AMÉRIQUE PAR M. A LISTAIRB URT,SOUS -SECRÉTAIRE D ’ETAT DU GOUVERNEMENT
DU R OYAUME -UNI DEG RANDE -BRETAGNE ET D ’IRLANDE DU N ORD ,À LA RÉUNION
DE HAUT NIVEAU DE L ’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES N ATIONS UNIES
SUR LE DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE ,26SEPTEMBRE 2013

Monsieur le président,

Je m’adresse à vous au nom des Gouvernements de la France et des Etats-Unis d’Amérique,
et de mon propre gouvernement, celui du Royaume-Uni.

Un processus progressif

Monsieur le président, nos trois nations souhaitent inviter la réunion de haut niveau à
confirmer le principe consacré dans le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires selon

lequel l’ensemble des Etats parties ont la responsabilité commune de mettre en œuvre des mesures
effectives de désarmement nucléaireLes Etats dotés de l’arme nucléaire et ceux qui ne la
possèdent pas doivent coopérer afin de créer les conditions et l’environnement qui leur permettront
d’atteindre les objectifs de désarmement et de non-prolifération, dans le respect des principes
d’irréversibilité, de vérifiabilité et de transparence.

Nos gouvernements sont d’avis qu’il est indispensable, pour parvenir au désarmement,
d’instaurer un régime fort et efficace de non-prolifération nucléaire, et que, réciproquement, les
avancées dans le domaine du désarmement encouragent les efforts de non-prolifération. Mettre un
terme à la prolifération des armes nucléaires fait partie des conditions qui doivent être réunies au

niveau international pour permettre la poursuite du processus progressif visant à atteindre le but
ultime qu’est le désarmement nucléaire.

Nous sommes convaincus que la seule manière d’accomplir de réels progrès en matière de
désarmement, tout en préservant la sécurité et la stabilité mondiales, consiste en une approche

pratique et progressive.Ce n’est que par un processus méthodique et régulier que nous
parviendrons à édifier un monde exempt d’armes nucléaires. Dans le cadre de ce processus, nous
nous efforçons de faire avancer les négociations en vue de la conclusion d’un traité relatif à l’arrêt
de la production de matières fissiles ainsi que de l’entrée en vigueur du traité d’interdiction

complète des essais nucléaires. Tous les Etats parties au TNP conviennent que la conclusion d’un
tel instrument relatif à l’arrêt de la production de matières fissiles constitue la prochaine étape dans
ledésarmement nucléaire multilatéral.

Une responsabilité commune

Monsieur le président, le désarmement ne peut être dissocié des autres efforts mis en œuvre
pour combattre les dangers que représentent, sur le plan mondial, les armes de destruction massive,
et notamment leur prolifération et le risque terroriste y afférent.

Nous nous sommes engagés à renforcer les trois axes principaux du TNP que sont le
désarmement, la non-prolifération et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, dont
chacun est important en soi et complémentaire des deux autres. Tous les Etats doivent œuvrer en
faveur du désarmement, non seulement en mettant eux-mêmes en œuvre des mesures dans ce sens,

mais également en contribuant à créer des conditions favorables à celui-ci. Pour que soit préservée
l’intégrité du régime de non-prolifération, il nous faut, tout en réglant la question de - 53 -

l’inobservation, de la part de certains Etats parties au TNP, des obligations qui leur incombent,
reconnaître à ceux qui y satisfont le droit d’utiliser l’énergie nucléaire à des fins pacifiques.

Initiatives et prochaines étapes

Monsieur le président, nos trois nations entendent ouvrir de nouvelles perspectives en
engageant toutes affaires cessantes, entre les Etats dotés d’armes nucléaires, un dialogue d’une
ampleur sans précédent et dans des conditions normalisées sur les questions liées au désarmement.

Nous tenons à rappeler les progrès et efforts inédits que ces Etats ont déjà réalisés en matière

de réduction des armements nucléaires, de désarmement et d’amélioration de la confiance et de la
transparence, et nous nous félicitons de ce que les stocks sont aujourd’hui nettement plus bas que
ce qu’ils ont jamais été au cours des cinquante dernières années.

S’agissant du nouveau traité «START» conclu entre les Etats-Unis d’Amérique et la
Fédération de Russie, il prévoit des mesures en vue de nouvelles réductions et limitations des
armements stratégiques offensifs, qui, lorsqu’elles seront pleinement mises en œuvre, porteront le

nombre d’armes nucléaires déployées aux Etats-Unis et en Russie au niveau le plus bas jamais
atteint depuis les années 1950. Il s’agit là, selon nous, d’une étape importante dans la mise en
application de l’article VI du TNP qui permettra, en favorisant la confiance mutuelle, l’ouverture,
la prévisibilité et la coopération, d’établir des bases plus solides pour répondre aux dangers que
représentent la prolifération et le terrorisme nucléaires.

Nous saluons également les efforts accomplis par mon propre pays, le Royaume-Uni, qui a

d’ores et déjà réduit le nombre d’ogives et de missiles embarqués sur ses sous-marins nucléaires de
dissuasion, en fixant le plafond à 120 ogives opérationnelles, et à 180 pièces pour l’ensemble des
stocks d’armes nucléaires.

Nous nous félicitons en outre des résultats obtenus par la France, qui, conformément à ses
objectifs, a réduit d’un tiers le nombre de ses armes, missiles et avions de la composante
aéroportée, réduction qui porte aujourd’hui à moins de 300 le nombre total de ses pièces
d’armement nucléaire.

Nous continuons de tenir des réunions, à tous les niveaux concernés, sur les questions
nucléaires afin de favoriser le maintien du dialogue et de la confiance mutuelle en vue d’atteindre
nos objectifs en ce qui concerne le TNP. Nous envisageons, ainsi que nous l’avons fait lors des
précédentes séances, et ainsi que le prévoit le point n°5 du plan d’action de 2010 relatif au TNP, de
présenter notre rapport à la troisième session du Comité préparatoire qui se tiendra en 2014.

T raité d’interdiction complète des essais nucléaires

Monsieur le président, l’entrée en vigueur du traité d’interdiction complète des essais
nucléaires reste une question tout à fait prioritaire. Nous sommes convaincus que cet instrument
permettra d’améliorer la sécurité nationale de tous les Etats. En attendant son entrée en vigueur,
nous continuons d’appeler chaque Etat à respecter son moratoire national sur les explosions
nucléaires expérimentales et tous les autres types d’explosion nucléaire, et encourageons par
ailleurs les Etats visés à l’annexe 2, et, de manière générale, l’ensemble des nations, à prendre des

mesures en vue de ratifier le traité sans attendre que les autres en fassent autant. - 54 -

Soutien en vue de la conclusion d’un traité relatif à l’arrêt de la production de matières
fissiles

Monsieur le président, cette réunion de haut niveau nous offre l’occasion de réaffirmer notre
objectif d’engager des négociations en vue de conclure un traité relatif à l’arrêt de la production de
matières fissiles dans le cadre de la conférence du désarmement et sur la base du document
CD/1299 et du mandat qui y est énoncé. Nous regrettons vivement que la conférence ne soit
toujours pas parvenue à convenir d’un programme de travail complet et demeurons convaincus
qu’il nous faut engager immédiatement des négociations sur pareil traité. A cet égard, nous

espérons que le groupe d’experts gouvernementaux qui doit se réunir en 2014 et 2015 encouragera
la tenue de ces négociations dans le cadre de la conférence du désarmement.

Autres démarches en vue du désarmement nucléaire

Pour terminer, Monsieur le président, nous tenons à dire quelques mots des autres démarches
entreprises en matière de désarmement nucléaire.

Nous avons parfaitement conscience des graves conséquences de l’utilisation des armes
nucléaires et continuerons à considérer qu’il est de la plus haute importance d’éviter pareille
éventualité. Tel est précisément l’objectif des efforts que nous déployons en vue du désarmement,
de la non-prolifération et de la sécurité nucléaire.

La session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée au
désarmement, tenue en 1978, a, de notre point de vue, établi suffisamment d’instances destinées à

débattre de ces questions, parmi lesquelles la première commission de l’Assemblée générale des
Nations Unies, la commission du désarmement de l’ONU et la conférence du désarmement. Nous
nous félicitons du regain d’enthousiasme entourant le débat sur le désarmement nucléaire, tout en
déplorant qu’il se porte sur des initiatives telles que la réunion de haut niveau, la campagne de
sensibilisation sur les conséquences humanitaires, le groupe de travail à composition non limitée et
la mobilisation en faveur d’une convention relative aux armes nucléaires.

Nous sommes fermement convaincus que cette énergie serait bien mieux utilisée si elle était

orientée vers les processus existants, ce qui permettrait de surmonter les situations de blocage et
d’avancer suivant une logique pratique et progressive englobant tous les Etats dotés d’armes
nucléaires, notamment en prenant des mesures pour mettre en œuvre le plan d’action convenu dans
le cadre de la conférence d’examen du TNP de 2010. Ce plan d’action constitue le meilleur moyen
de progresser sur la voie du désarmement nucléaire multilatéral. Nous sommes déterminés à mettre
en œuvre cette démarche progressive et complète et continuerons de travailler avec la société civile
et l’ensemble des Etats membres de l’Organisation des Nations Unies pour atteindre cet objectif.

Monsieur le président, le seul moyen de parvenir à créer un monde exempt d’armes
nucléaires consiste à œuvrer jour après jour à la mise en œuvre de mesures concrètes à cet effet,
notamment en améliorant, de manière générale, l’environnement sécuritaire international et en
prenant des mesures pratiques et régulières reposant les unes sur les autres. Nous demeurons
toutefois préoccupés par le risque que ces efforts ne détournent l’attention des graves menaces
posées par l’inobservation des obligations de non-prolifération et les difficultés qu’il nous faut

surmonter à cet égard.

Je vous remercie, Monsieur le président.

___________ - 55 -

A NNEXE 7

D ÉBATS DE LA CHAMBRE DES COMMUNES DU ROYAUME -UNI,
8 NOVEMBRE 1957

Centrale nucléaire de Windscale (accident)

Le Premier ministre (M. Harold Macmillan) : Je vais, si vous le permettez, dire quelques

mots au sujet de l’accident de Windscale. J’ai entre-temps eu l’occasion d’examiner le rapport
établi par la commission de M. William Penney, rapport qui a été remis à l’autorité britannique de
l’énergie atomique pour l’aider à faire face à ses responsabilités en tant que gestionnaire de la
centrale de Windscale. Je tiens à fournir à la Chambre et à la nation des informations les plus
complètes possible au sujet de l’accident et des mesures qui ont été mises en œuvre pour remédier à
ses conséquences. A cet effet, un livre blanc a été remis au Parlement et sera disponible

aujourd’hui. Il s’agit d’une version moins technique, également établie par la commission de
M. Penney, du rapport concernant les causes de l’accident et les mesures de remédiation qui ont été
prises. Dans ce livre blanc, la commission rend également compte des mesures mises en place pour
protéger le personnel de la centrale et, plus généralement, la population, et des observations
formulées à cet égard par une commission spéciale indépendante constituée par le conseil de la
recherche médicale, observations que j’avais moi-même sollicitées, ainsi que j’en ai informé la

Chambre le 29 octobre. L’accident s’est produit lors d’une opération d’entretien courant, comme
cela est précisé dans le livre blanc. Il s’agit assurément d’un incident grave qui a causé des
perturbations touchant un grand nombre de personnes, mais j’invite toutefois les honorables
membres de la chambre à l’envisager dans une juste perspective. Depuis douze ans que ce nouveau
secteur se développe dans notre pays, celui-ci n’a connu aucun épisode grave d’exposition à des
radiations, et rien n’indique que l’accident en question ait eu des effets nocifs importants sur la
santé humaine ou sur la faune, ni qu’il ait causé des dommages matériels. Les raisons à cela

tiennent à la politique générale mise en œuvre par l’autorité de l’énergie britannique en matière de
protection de la santé et de la sécurité, à l’efficacité du système de sécurité dont sont équipés les
réacteurs de Windscale, ainsi qu’aux qualités de courage, de réactivité et de compétence des
membres du personnel présents sur les lieux après l’accident. La Chambre se joindra à moi, je
pense, pour rendre hommage non seulement aux efforts de ces professionnels, mais également au
calme et au sang-froid dont ont fait preuve les habitants de Windscale vivant à proximité de la

centrale. Il importe à présent de tirer tous les enseignements de cet épisode, non seulement en
prenant toutes les mesures nécessaires pour qu’il ne se reproduise jamais, mais aussi en
réfléchissant à la manière dont nous pouvons, à la lumière de cet accident, améliorer l’organisation
de l’autorité de l’énergie atomique. A cet effet, M. Alexander Fleck a accepté, à ma demande,
d’évaluer les données techniques relatives à l’accident et d’établir des recommandations quant aux
mesures nécessaires pour remédier aux problèmes d’organisation sur lesquels l’autorité a appelé
mon attention. Le cahier des charges, ainsi que la composition des trois commissions qu’il

présidera, sont détaillés dans le livre blanc. Pour finir, je puis assurer aux membres de la Chambre
que l’accident de Windscale ne remet nullement en question la sécurité des centrales nucléaires
construites pour produire de l’électricité, et ce, pour des raisons exposées en détail dans une annexe
distincte du livre blanc.

M. Gaitskell : Le premier ministre a raison de se féliciter de ce que cet accident n’ait pas eu

de conséquences plus graves, et je souhaiterais, au nom de mes collègues conservateurs et
travaillistes, m’associer à lui pour rendre hommage au professionnalisme de l’autorité de l’énergie
atomique et au comportement exemplaire des habitants de la zone concernée. La Chambre voudra,
je pense, examiner le rapport avant d’engager tout débat approfondi. Je ne poserai donc qu’une
seule question à ce stade. Si j’ai bien compris, M. Fleck présidera trois commissions. Le premier
ministre envisage-t-il de demander à celles-ci d’établir des rapports et, dans l’affirmative, ceux-ci

seront-ils publiés ? - 56 -

Le premier ministre : Je puis vous dire avec certitude que les commissions établiront des
rapports et que j’examinerai soigneusement la question de leur publication.

M. Grimond : Il est notable que ni cet accident ni aucun de ceux qui ont, par le passé, touché
ce secteur d’activité n’ait, semble-t-il, eu de conséquences graves pour la population, la faune ou
les biens matériels. L’on peut toutefois supposer qu’un préjudice mineur a été causé à un très
grand nombre de personnes, et je souhaite inviter messieurs les députés conservateurs à nous faire
connaître leur position sur la question de l’indemnisation due. Des décisions ont-elles été prises à
ce sujet ?

Le premier ministre : L’autorité de l’énergie atomique prendra évidemment ses
responsabilités.

M. Robens : Au vu de l’importance considérable, pour notre pays, de la valeur d’exportation
des centrales nucléaires, le livre blanc revient-il plus en détail sur ce qui a été dit par mon collègue

conservateur ce matin, à savoir  si j’ai bien compris  que l’accident de Windscale ne pourrait
en aucun cas se produire dans les centrales nucléaires que nous construisons actuellement ?

Le premier ministre : C’est là, me semble-t-il, un point très important et je remercie le député
de l’avoir à nouveau souligné. J’ai fait préparer et annexer au livre blanc une étude technique dans
laquelle il est précisé que les installations militaires du type de celle dont il est ici question n’ont
rien à voir avec les centrales nucléaires civiles, où de tels accidents ne peuvent survenir, en raison

du caractère totalement différents des activités qui y sont menées.

M. Harold Davies : Je prie mon collègue de bien vouloir me pardonner d’avoir manqué les
quelques premières phrases de sa déclaration. N’est-il pas exact qu’une expérimentation
inhabituelle était menée à Windscale et qu’il a fallu aller chercher les personnes à même de
comprendre ce qui se passait, lesquelles étaient absentes au moment de l’incident ? Dès lors, et
afin d’apaiser l’opinion publique au cas où pareil incident se reproduirait à l’avenir, notre collègue

conservateur pourrait-il envisager de créer une commission entièrement indépendante de
scientifiques qualifiés et d’autres professionnels susceptibles d’être appelés à examiner les faits et à
faire connaître leurs conclusions, parallèlement aux enquêtes conduites par les représentants de
l’Etat et scientifiques mandatés par celui-ci

Le premier ministre : Je suis en mesure de répondre aux deux points soulevés par cette
question. L’accident s’est produit lors d’une opération d’entretien courant, dite de libération

«d’énergie Wigner». J’ai demandé à M. William Penney de tenter d’expliquer en des termes
simples, dans l’une des sections du livre blanc, en quoi cette opération consiste précisément. Elle
est réalisée régulièrement, et l’a été alors qu’aucune expérimentation à des fins civiles ou militaires
n’était en cours. Tout cela sera, à mon avis, plus facile à comprendre lorsque Messieurs les députés
auront pu prendre connaissance du livre blanc, qui est assez dense et a vocation à présenter les faits
de la manière la plus complète possible. S’agissant de la seconde partie de la question posée par

monsieur le député, je tiens à exprimer ma gratitude  et ce, au nom de l’ensemble de la chambre
et du pays tout entier  à Alexander Fleck pour le travail qu’il a accompli. M. Fleck est
extrêmement compétent sur l’essentiel des questions en cause, mais je serai franc en précisant que,
pour ce qui est des points hautement techniques ayant trait aux technologies atomiques, ce sont ses
connaissances scientifiques de nature générale qui ont motivé mon choix. S’agissant de la
demande formulée par notre honorable collègue, la difficulté tient au fait que tous les experts - 57 -

réellement compétents dans ce domaine sont, d’une manière ou d’une autre, employés par l’autorité

de l’énergie atomique.

Projet de loi présenté

Prêts aux fins de travaux publics

Projet de loi présenté par M. Powell concernant l’affectation de fonds en vue de certains

prêts octroyés à des institutions locales et financés par le Local Loans Fund et à d’autros fins y
afférentes — Première lecture — Seconde lecture lundi prochain et impression [projet n °7].

Ordre du jour

Discours de la Reine

Débat

[Quatrième jour]

Je souhaiterais dire quelques mots sur un autre sujet lié à l’Organisation des Nation Unies, à
savoir la Cour internationale de Justice et, plus précisément, la clause facultative prévue par le
Statut de celle-ci. Des questions m’avaient été posées sur ce point par Monsieur le député du
nord-est de Leicester (M. L. Ungoed-Thomas), mais n’ont pu être abordées la semaine dernière ; il

me semble préférable d’y répondre dans le cadre d’une allocution plutôt que par un échange de
questions et de réponses. La clause facultative concerne la juridiction obligatoire de la Cour
internationale. Très peu d’Etats l’ont acceptée sans réserve. De fait, je crois savoir qu’ils sont au
nombre de trois : Haïti, le Nicaragua et le Paraguay. Une douzaine d’autres Etats l’ont acceptée
sous réserve de réciprocité (République populaire de Chine, Colombie, Danemark, République
dominicaine, Honduras, Liechtenstein, Norvège, Panama, Philippines, Suède, Suisse et Uruguay).

D’autres encore, environ une quinzaine, l’ont acceptée en formulant des réserves spécifiques de
portée variable : il s’agit des Pays-Bas, du Luxembourg, de l’Australie, du Canada, du Salvador, de
la France, d’Israël, du Liberia, du Mexique, du Pakistan, du Portugal, de l’Afrique du sud, du
Royaume-Uni et des Etats-Unis. Enfin, plus de cinquante pays ne l’ont pas acceptée du tout. Notre
pays a toujours fait partie de ceux qui acceptaient la clause facultative avec certaines réserves. Sa
première déclaration, déposée en 1929, était limitée aux procédures engagées ultérieurement et
prévoyait une condition de réciprocité ; était par ailleurs réservé le droit d’exiger la suspension de

toute procédure introduite devant la Cour concernant un différend dont serait déjà saisi le Conseil
de la Société des Nations. La déclaration comportait en outre trois réserves spécifiques, dont la
première concernait les différends que les parties seraient convenues de soumettre à un autre mode
de règlement pacifique, la deuxième, les différends avec d’autres Etats membres du
Commonwealth, et la troisième, les différends «qui, au regard du droit international, [étaient] de la
compétence exclusive du Royaume-Uni». Lorsque, il y a quelques mois, j’ai examiné la position

du Royaume-Uni sur cette question, j’ai pris conscience — pour la première fois, je l’avoue — de
deux éléments qui me semblent tout à fait inacceptables pour notre pays. Le premier tient au fait
qu’un Etat puisse accepter la juridiction obligatoire de la Cour sur une base ad hoc, c’est-à-dire aux
fins d’une affaire ou procédure particulière, et attraire, dans le cadre de cette procédure devant la
Cour, un autre Etat ayant déposé une déclaration d’acceptation permanente. A l’issue de la
procédure, n’ayant accepté la juridiction de la Cour qu’à l’égard de celle-ci, l’Etat demandeur se

trouve à l’abri de toutes poursuites susceptibles d’être engagées dans le cadre d’un autre différend.
En pareil cas, on ne saurait parler, à mon avis, d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour
sous condition de réciprocité. Dans sa formulation initiale, notre déclaration se contentait, me
semble-t-il, de nous contraindre à comparaître devant la Cour dans des procédures introduites par
des Etats ayant déposé une déclaration d’acceptation équivalente. L’une des nouvelles réserves du
Royaume-Uni y apporte un complément indispensable en excluant spécifiquement les cas où - 58 -

l’autre partie a accepté la juridiction obligatoire de la Cour aux seules fins d’un différend
particulier. La déclaration exclut également, pour des raisons largement similaires, les cas où

l’autre partie a déposé son acceptation permanente de la juridiction de la Cour relativement peu de
temps, soit moins de douze mois, avant d’avoir engagé l’instance devant la Cour. Je ne chercherai
à occulter aucun aspect de cette question, mais l’exemple qui vient immédiatement à l’esprit est
celui des essais nucléaires. Je pense que nous sommes tous convenus qu’il ne pouvait être mis fin
aux essais nucléaires de manière unilatérale. [La Chambre : «Non.»] Nous sommes tous convenus,
je crois, que notre pays ne mettrait pas unilatéralement fin aux essais.

M. Hugh Gaitskell (Leeds, sud) : Ce que nous avons proposé et ce à quoi nous avons engagé
le gouvernement, c’est que le Royaume-Uni suspende les essais pendant une période déterminée,
dans l’espoir qu’un accord international complet intervienne dans cet intervalle.

M. Lloyd : J’ai dit «mettre fin» aux essais, peut-être ai-je employé ce terme à mauvais
escient, mais il a été convenu, me semble-t-il, qu’il ne pouvait être mis unilatéralement fin aux
essais, bien que ceux-ci pussent être suspendus pendant une période limitée. Je parlais de la

question de la cessation des essais. Cela signifie qu’un pays du bloc communiste pourrait, dans le
cadre d’un différend concernant les essais, déclarer qu’il accepte la juridiction obligatoire de la
Cour, nous attraire devant elle et obtenir que la Cour indique des mesures conservatoires. La
procédure pourrait durer un an ou deux, après quoi la Cour se prononcerait dans un sens ou dans
l’autre, et l’Etat du bloc de l’est pourrait échapper  ou cesser d’être soumis à la juridiction de
la Cour, et nous serions alors dans l’impossibilité d’engager à notre tour, si nous le souhaitions, une

instance contre lui. Cette situation est, de mon point de vue, inacceptable et totalement
indéfendable pour de simples raisons de réciprocité. Le second point concerne les différends
relatifs à des questions de sécurité nationale. Le Gouvernement des Etats-Unis a formulé une
réserve qui exclut les différends portant sur des questions relevant essentiellement de sa juridiction
interne, telle que déterminée par lui. La France dispose d’une réserve similaire et je crois que,
avant qu’elle ne revienne sur son acceptation l’année dernière, l’Inde avait elle aussi formulé une
réserve équivalente. Dans une affaire récente opposant la France et la Norvège, cette dernière a

affirmé qu’elle était, en vertu du principe de réciprocité, autant habilitée que la France à déterminer
si un différend concernait ou non des questions de son propre ressort. En matière de sécurité
nationale, nous devons, à mon avis, réserver notre position lorsque d’autres Etats le font. Si tous
les pays du bloc soviétique le font et si nos alliés principaux le font, nous devons nous aussi
formuler des réserves. Le Gouvernement de Sa Majesté a donc pris des mesures le 18 avril. Le
Secrétaire général a transmis notre déclaration à tous les Etats Membres au mois de mai, et nous
avons par ailleurs échangé des communications avec le greffier de la Cour internationale de Justice.

Nous avons appliqué la même procédure qu’en 1955, lorsque nous avons modifié notre déclaration.
Il n’est nullement dans notre intention de remettre en question le respect dû à la Cour. Nous
croyons en cette institution et en ses principes directeurs, mais estimons qu’il est indispensable de
garantir la réciprocité. C’est, me semble-t-il, à l’aune de ce principe considéré, de tous temps,
comme fondamental, que nous devons accepter la juridiction obligatoire de la Cour.

___________ - 59 -

A NNEXE 8

RAPPORT D ’ÉVALUATION DE LA REQUÊTE ADRESSÉE AU CONGRÈS DES ETATS-U NIS
D’AMÉRIQUE PAR LE GOUVERNEMENT DES ILES M ARSHALL ,RELATIVE À UN

CHANGEMENT DE CIRCONSTANCES IMPUTABLE AUX ESSAIS NUCLÉAIRES
EFFECTUÉS PAR LES E TATS-UNIS DANS LESILES M ARSHALL ,
CONFORMÉMENT À L ’ARTICLE IX DU RÈGLEMENT DES
RÉCLAMATIONS NUCLÉAIRES APPROUVÉ PAR
LE CONGRÈS DANS LA PUBLIC LAW 99-239

Novembre 2004

Publié par le bureau des affaires d’Asie de l’Est et du Pacifique (4 janvier 2005)

Résumé

Contexte

En 1986, à la section 177 de l’Accord de libre association entre les Etats-Unis et les

Iles Marshall, le Gouvernement des Etats-Unis a accepté la responsabilité d’indemniser les citoyens
des Iles Marshall des pertes de biens et dommages aux biens ou des décès ou dommages aux
personnes qu’ils ont subis du fait des programmes d’essais nucléaires menés par le Gouvernement
des Etats-Unis dans les Iles Marshall du Nord entre le 30 juin 1946 et le 18 août 1958, et les deux
gouvernements sont convenus d’énoncer dans un accord distinct les dispositions voulues pour un

règlement juste et adéquat de toutes les demandes d’indemnisation correspondantes.

L’Accord de libre association et l’accord distinct (ci-après dénommé «Accord
d’indemnisation visé à la section sont entrés en vigueur le même jour, à savoir le 21 octobre
1986. Les deux gouvernements sont convenus que l’Accord d’indemnisation visé à la section 177,

incorporé dans l’Accord de libre association par renvoi,

«constitue le règlement pour solde de tout compte de toutes demandes
d’indemnisation passées, présentes et futures du Gouvernement, des citoyens et des
ressortissants des Iles Marshall résultant du Programme d’essais nucléaires, ou

fondées sur lui ou ayant un rapport quelconque avec lui, et qui mettent en cause les
Etats-Unis, leurs agents, leurs employés, leurs sous-traitants et leurs citoyens et
ressortissants, et de toutes demandes de réparation en équité ou autre réparation en
rapport avec ces demandes, y compris celles de ces demandes qui pourraient être en
instance de jugement ou qui pourraient être formées devant tout tribunal ou autre

juridiction judiciaire ou administrative» (article X 1)).

Dans le cadre de cette indemnisation pour solde de tout compte , les deux parties sont
convenues que les Etats-Unis donneraient 150 millions de dollars au Gouvernement des
Iles Marshall pour créer un fonds d’affectation spéciale pour l’indemnisation nucLeaire.

Gouvernement des Etats-Unis ne participe ni aux décisions du Tribunal relatives à la répartition des
indemnités provenant de ce fonds entre les demandeurs ni à l’administration du fonds.

L’articleX de l’Accord d’indemnisation visé à la section 177 dispose que

«si des pertes de biens et des dommages aux biens ou des décès ou des dommages aux

personnes subis par des citoyens des Iles Marshall et imputables au Programme
d’essais nucléaires surgissent ou sont découverts postérieurement à la date d’entrée en
vigueur du présent Accord, et que ces préjudices n’aient pas été connus et n’aient - 60 -

raisonnablement pas pu être connus à ladite date d’entrée en vigueur, et si ces
préjudices rendent les dispositions du présent Accord manifestement inadéquates»,

la République des Iles Marshall peut demander au Gouvernement des Etats-Unis de réparer lesdits
préjudices en adressant une requête à cet effet au Congrès des Etats-Unis. L’articleIX dit
expressément qu’il est entendu que cette disposition n’engage pas le Congrès à ouvrir et affecter
des crédits à cette fin.

Invoquant l’article IX de l’Accord d’indemnisation visé à la section 177, la République des
Iles Marshall a adressé au Congrès des Etats-Unis, en septembre 2001, une requête invoquant un

«changement de circonstances» dans laquelle elle fait état de dommages et préjudices subis par la
population des Iles Marshall du fait du programme d’essais nucléaire exécuté par les Etats-Unis
dans les atolls d’Enewetak et de Bikini de 1946 à 1958, pour lesquels elle demande une
indemnisation et des réparations supplémentaires.

Par cette requête, la République des Iles Marshall demande plus de 3 milliards de dollars
d’aide et d’indemnisation supplémentaire, en sus du montant prévu dans l’Accord d’indemnisation

visé à la section 177, pour financer l’amélioration du système national de santé, les indemnités
accordées par le Tribunal des réclamations nucléaires pour dommages corporels, perte de
jouissance des terres et détresse, et la restauration des atolls, ainsi que de crédits supplémentaires
destinés à la sécurité du travail, la saine gestion du nucléaire et la sensibilisation au nucléaire.

Exposition

Les données disponibles sur les retombées radioactives ne justifient pas une requête
invoquant la disposition relative à un «changement de circonstances» de l’Accord d’indemnisation
visé à la section 177. Dans sa requête, la République des Iles Marshall prétend qu’une zone
beaucoup plus importante que les atolls et îles du nord principalement concernés par l’Accord
d’indemnisation visé à la section 177 a été exposée à des niveaux dangereux de radioactivité. Or il
ressort largement des données scientifiques recueillies par les experts que l’impact actuel des
retombées radioactives sur les Iles Marshall est limité aux îles et atolls les plus au nord. Bien que
certaines îles risquent de ne plus jamais pouvoir accueillir de communautés ou fournir de produits

alimentaires et doivent rester interdites d’accès, la plupart des îles historiquement habitées des
atolls du nord pourraient être recolonisées dans certaines conditions. L’Accord d’indemnisation
visé à la section 177 reconnaît que, dans les atolls du nord, certaines îles resteront plus habitables
que d’autres. Aux termes de cet Accord, le Gouvernement des Iles Marshall a assumé la
responsabilité de contrôler l’utilisation qui est faite des zones affectées par le programme nucléaire.

Santé

Dans sa requête, la République des Iles Marshall demande des systèmes de santé primaire,
secondaire et tertiaire améliorés, intégrés dans ses services sanitaires existants, et capables de servir
l’ensemble de la population de la République pendant cinquante ans. La République des
Iles Marshall estime les frais de fonctionnement de ces systèmes à 45 millions de dollars par an
pendant cinquante ans (frais de voyage et d’hébergement non compris), et demande 50 millions de
dollars pour les coûts d’immobilisation prévisionnels.

En vertu de l’Accord d’indemnisation visé à la section 177, le fonds d’affectation spéciale
devait fournir 2 millions de dollars par an pendant 15 ans pour que des soins médicaux puissent
être dispensés à la population des quatre atolls affectés par les essais nucléaires (Bikini, Enewetak,
Rongelap et Utrik). Conçu à l’origine pour la population de ces quatre atolls, le Programme de
soins de santé de la section 177 compte 13 460 inscrits. Il a cessé d’être financé dans le cadre de
l’Accord d’indemnisation visé à la section 177 en 2001, conformément aux dispositions dudit - 61 -

Accord. Par ailleurs, dans l’Accord de libre association de 1985, le Congrès a voulu que des soins

médicaux spécialisés continuent d’être dispensés au membres restants de la population de Rongelap
et d’Utrik qui avaient été exposés aux rayonnements ionisants de l’essai thermonucléaire Bravo de
1954. Le Département de l’énergie des Etats-Unis et ses prédécesseurs ont dispensé ces soins
spécialisés sans interruption pendant 49 ans. Dans sa requête, la République des Iles Marshall
cherche à obtenir une amélioration de son système de santé qui ne serait pas limitée aux personnes
affectées par le programme d’essais américain. La demande de la République des Iles Marshall
tendant à faire dispenser des soins médicaux à l’ensemble de sa population en se réclamant de la

disposition relative au «changement de circonstances» incluse dans l’Accord d’indemnisation visé
à la section 177 n’a aucun fondement.

De plus, la requête de la République des Iles Marshall, du fait qu’elle a été formée en
septembre 2000, ne tient pas compte des dispositions de l’Accord de libre association modifié qui
est entré en vigueur le 1 ermai 2004. Selon l’Accord modifié, les dépenses de santé du

Gouvernement de la République des Iles Marshall seront de 15,9 millions de dollars pour l’exercice
budgétaire 2005 et devraient s’élever à 16,5 millions pour l’exercice 2006, 16,6 millions pour
l’exercice 2007 et 16,8 millions pour l’exercice 2008. L’Accord de libre association modifié
prévoit que les deux tiers environ de ces dépenses seront couverts par des fonds américains.

Indemnisation des dommages aux personnes

La République des Iles Marshall demande 26,9 millions de dollars pour payer des indemnités
pour dommages corporels que le Tribunal des réclamations nucléaires a déjà approuvées et qui
dépassent le montant des ressources du fonds d’affectation spéciale. Or le Gouvernement des
Etats-Unis n’a pas été associé à la définition des critères d’ouverture du droit à indemnisation
appliqués par le Tribunal des réclamations nucléaires, alors que ces critères permettent
d’indemniser des personnes et des affections qui ne sont pas couvertes par les programmes

américains d’indemnisation des radiolésions. De même, le Gouvernement des Etats-Unis n’a pas
été associé à la gestion du fonds d’affectation spéciale ni aux décisions de placement qui ont pu
peser son rendement. Le rendement douteux de ce fonds ne saurait être imputé au Programme
d’essais nucléaires des Etats-Unis et ne saurait servir de fondement à une demande de financement
au titre de la disposition de l’Accord d’indemnisation visé à la section 177 relative à un
«changement de circonstances».

Perte de jouissance des terres et détresse

Toutes les pertes de biens et tous les dommages aux biens sont survenus avant l’entrée en
vigueur de l’Accord d’indemnisation visé à la section 177. Il n’existe ni pertes de biens ni
dommages aux biens qui n’aient pu «raisonnablement avoir été connus» à la date d’entrée en
vigueur. Les données disponibles sur les pertes de biens ou les dommages aux biens ne justifient

pas une requête invoquant la disposition de l’Accord d’indemnisation visé à la section 177 relative
à un «changement de circonstances». Le Tribunal des réclamations nucléaires a accordé
à Enewetak environ 244 millions de dollars au titre de la perte de jouissance des terres et
30 millions au titre de la détresse. Il a accordé à Bikini environ 278 millions de dollars au titre de
la perte de jouissance des terres et 33 millions au titre de la détresse. D’autres réclamations sont en
instance pour Utrik et Rongelap. En accordant ces indemnités, le Tribunal a dépassé le montant de

l’indemnisation des pertes de biens et dommages aux biens prévu par l’Accord d’indemnisation
visé à la section 177. Les Etats-Unis n’ont été associés ni à l’évaluation des réclamations de Bikini
et d’Enewetak ni aux décisions du Tribunal les concernant. De même, comme il est dit plus haut, il
n’a pas été associé à la gestion du fonds d’affectation spéciale ni aux décisions de placement qui
ont pu peser sur son rendement. Le rendement douteux de ce fonds ne saurait être imputé au
programme d’essais nucléaires des Etats-Unis et ne saurait servir de fondement à une demande de - 62 -

financement au titre de la disposition de l’Accord d’indemnisation visé à la section 177 relative à
un «changement de circonstances».

Restauration des atolls

Le Tribunal des réclamations nucléaires a étudié des stratégies de restauration dont le coût
prévisionnel allait de 217 millions à 1,4 milliards de dollars pour Bikini et une gamme similaire
d’options pour Enewetak. Il a accordé 251 millions de dollars à Bikini le 5 mars 2001 et
91 millions de dollars à Enewetak le 13 avril 2000 «pour restaurer leur sécurité et leur

productivité». En accordant ces indemnités, le Tribunal a dépassé le montant de l’indemnisation
prévue par l’Accord d’indemnisation visé à la section 177. Il n’existe aucun «changement de
circonstances» sur la base duquel une demande de financement pourrait être faite légitimement en
vertu de l’article IX de l’Accord d’indemnisation visé à la section 177.

L’assertion selon laquelle le Gouvernement des Etats-Unis aurait adopté depuis l’Accord
d’indemnisation de 1986 des normes plus strictes d’assainissement des sites nucléaires sur son
territoire constitue un élément important de la requête de la République des Iles Marshall. La dose

limite retenue actuellement par le Gouvernement des Etats-Unis pour protéger la population contre
toutes les sources de rayonnements ionisants est de 1 millisievert (mSv) par an. Le sievert est une
unité de dose de rayonnement qui mesure l’efficacité biologique de différents types de
rayonnement. Un millisievert est un millième de sievert. Toutes les décisions d’assainissement
nucléaire dans la République des Iles Marshall, tant avant qu’après l’entrée en vigueur de l’Accord
de libre association, ont retenu la dose limite actuelle retenue aux Etats-Unis. Il ressort du suivi
approfondi dont ont fait l’objet les habitants des atolls des Marshall où des travaux

d’assainissement ont été menés que les doses réelles de rayonnement y sont inférieures à 0,15 mSv,
qui est la valeur préconisée par le Tribunal. Les décisions prises jusqu’à maintenant en matière
d’assainissement nucléaire de la République des Iles Marshall leur ont assuré un degré de
protection qui dépasse toutes les directives des agences fédérales des Etats-Unis ainsi que les
normes préconisées par le Tribunal.

Sécurité du travail, saine gestion du nucléaire et sensibilisation au nucléaire

Dans sa requête, la République des Iles Marshall souligne l’absence, dans l’Accord
d’indemnisation visé à la section 177, d’importants programmes de sécurité du travail, de saine
gestion du nucléaire et de sensibilisation au nucléaire. Or il s’agit là de programmes que les parties
pouvaient décider d’inclure dans l’Accord, et qu’elles ont décidé de ne pas y inclure. Leur absence
ne constitue nullement un «changement de circonstances» susceptible de justifier une demande de
crédits supplémentaires en vertu de l’Accord d’indemnisation visé à la section 177. Si le

Gouvernement de la République des Iles Marshall estime que ces programmes sont indispensables,
il devrait les inclure dans le budget de la République, à la suite de quoi ils pourraient être examinés
par la Commission mixte de gestion économique et de responsabilité financière, qui étudierait la
possibilité de les financer par le biais d’une subvention sectorielle prévue par l’Accord de libre
association modifié.

___________ - 63 -

A NNEXE 9

L ES LES M ARSHALL CHERCHENT DU SOUTIEN EN FAVEUR DES PROCÉDURES
INTRODUITES DEVANT LA CIJ CONTRE LES PUISSANCES NUCLÉAIRES

K YODO N EWS /PACN EWS (11AOÛT 2014)

(http://www.islandsbusiness.com/news/marshall-islands/5994/
marshallislands-seeks-support-for-icj-cases-again/)

Majuro, Iles Marshall  Selon deex personnalités des Iles Marshall qui se sont rendues à
Hiroshima et Nagasaki à l’occasion du 69 anniversaire du bombardement nucléaire de ces deux
villes, les autorités de leur pays cherchent à obtenir le soutien de la société civile et de la
communauté internationale en faveur des instances introduites par celui-ci devant la Cour
internationale de Justice (CIJ) à l’encontre des Etats dotés de l’arme nucléaire.

«Nous tentons de rallier le grand public et toutes les organisations qui militent contre les
armes nucléaires», a déclaré Mme Annette Note, chef de mission adjoint à l’ambassade des
Iles Marshall au Japon, dans un entretien qu’elle a récemment accordé à Kyodo

Le 24 avril, cet archipel du Pacifique a déposé neuf requêtes devant la CIJ, une contre

chacun des cinq Etats officiellement dotés de l’arme nucléaire (les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la
France, la Russie et la Chine), ainsi que contre l’Inde, le Pakistan, Israël et la Corée du Nord,
alléguant un manquement de leur part aux obligations visant à l’élimination des armes nucléaires
qui leur incombent en vertu du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).

Les Iles Marshall, sur le territoire desquelles les Etats-Unis ont mené 67 essais nucléaires

entre 1946 et 1958, affirment en effet que ces neuf pays n’ont pas honoré leur engagement en vertu
du TNP à «poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la
cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement
nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et
efficace».

L’Inde, le Pakistan et Israël ne sont pas parties au TNP, et la Corée du Nord s’en est retirée
en 2003. Israël posséderait des armes nucléaires, même s’il ne l’a pas reconnu, tandis que l’Inde, le
Pakistan et la Corée du Nord ont procédé à des essais nucléaires.

A la question de savoir si des gouvernements s’étaient manifestés en faveur de la cause

défendue par son pays, Mme Note a déclaré : «Jusqu’à présent, nous n’avons pas réellement reçu
de réponse positive, mais nous avons gagné le soutien d’organisations en Inde, en Norvège, au
Royaume-Uni, au Japon et en Russie. Cela nous donne de l’espoir.»

Mme Note représentait les Iles Marshall lors des cérémonies annuelles commémorant le
bombardement du 6 août à Hiroshima et du 9 août à Nagasaki.

Selon elle et Mme Abacca Maddison, ancienne sénatrice marshallaise, l’origine de ces
procédures est à rechercher dans un mécontentement nourri de longue date par le refus des
Etats-Unis de reconnaître leur responsabilité dans les problèmes de santé liés aux radiations qui
frappent la population de l’archipel.

«En japonais, on parle des «hibakusha» et, en marshallais, des «ribomb»», ajoute
Mme Maddison pour désigner les personnes touchées par les radiations. - 64 -

En mars, les Iles Marshall ont commémoré le 60 anniversaire de l’explosion de

Castle Bravo, la bombe à hydrogène testée par les Etats-Unis dont les retombées se sont répandues
sur l’ensemble de l’archipel. Mmes Note et Maddison sont originaires respectivement des
atolls Bikini et Rongelap, qui, avec les atolls Enewetak et Utirik, furent les plus atteints par ces
retombées.

«Ils prétendent qu’une seule bombe a eu des conséquences pour les îles, alors qu’il y a eu

67 bombes atomiques et à hydrogène», assure Mme Maddison. Sur nombre d’îlots, le niveau de
contamination est toujours trop élevé pour y habiter en toute sécurité.

Mme Maddison s’est rendue à Hiroshima et à Nagasaki pour assister à une convention du
Conseil japonais contre les bombes A et H, l’un des principaux groupes de militants antinucléaires
au Japon.

Les deux personnalités marshallaises appellent à signer une pétition en ligne
(nuclearzero.org) pour soutenir les instances introduites par les Iles Marshall devant la CIJ.

«A défaut d’un large appui des Etats, tout un chacun peut nous aider, mais il nous faut pour
cela un grand nombre de signatures, explique Mme Maddison. La Terre appartient à tous, et pas

seulement à neuf pays.»

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Exceptions préliminaires du Royaume-Uni

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