Non-Corrigé
Uncorrected
CR 2009/21
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LAAYE THHEGUE
ANNÉE 2009
Audience publique
tenue le mardi 29 septembre 2009, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Tomka, vice-président,
faisant fonction de président
en l’affaire relative à des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
(Argentine c. Uruguay)
________________
COMPTE RENDU
________________
YEAR 2009
Public sitting
held on Tuesday 29 September 2009, at 10 a.m., at the Peace Palace,
Vice-President Tomka, Acting President, presiding,
in the case concerning Pulp Mills on the River Uruguay
(Argentina v. Uruguay)
____________________
VERBATIM RECORD
____________________ - 2 -
Présents : M. Tomka, vice-président, faisant fonction de président en l’affaire
KoMroMa.
Al-Khasawneh
Simma
Abraham
Keith
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Skotnikov
Crinçade
Yusuf
Grejugesood,
BeTroresz.
juiesesa, ad hoc
Cgoefferr,
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -
Present: Vice-President Tomka, Acting President
Judges Koroma
Al-Khasawneh
Simma
Abraham
Keith
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Skotnikov
Cançado Trindade
Yusuf
Greenwood
Judges ad hoc TorresBernárdez
Vinuesa
Registrar Couvreur
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -
Le Gouvernement de la République argentine est représenté par :
S. Exc. Mme Susana Ruiz Cerutti, ambassadeur, conseiller juridique du ministère des relations
extérieures, du commerce international et du culte,
comme agent ;
S. Exc. M. Horacio A. Basabe, ambassadeur, directeur général de l’Institut du service extérieur de
la nation, ancien conseiller juridique du ministère des relations extérieures, du commerce
international et du culte, membre de la Cour permanente d’arbitrage,
S. Exc. M. Santos Goñi Marenco, ambassadeur de la République argentine auprès du Royaume des
Pays-Bas,
comme coagents ;
M.AlainPellet, professeur à l’Université Paris Ouest, Nanterre-La Défense, membre et ancien
président de la Commission du droit internatio nal, membre associé de l’Institut de droit
international,
M. Philippe Sands QC, professeur de droit internatio nal au University College de Londres, avocat,
Matrix Chambers, Londres,
M. Marcelo Kohen, professeur de droit internationa l à l’Institut de hautes études internationales et
du développement, Genève, membre associé de l’Institut de droit international,
Mme Laurence Boisson de Chazournes, professeur de droit international à l’Université de Genève,
M. Alan Béraud, ministre à l’ambassade de la République argentine auprès de l’Union européenne,
ancien conseiller juridique du ministère des affaires étrangères, du commerce international et du
culte,
M.DanielMüller, chercheur au Centre de droit in ternational de Nanterre (CEDIN), Université de
Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
comme conseils et avocats ;
M. Homero Bibiloni, secrétaire d’Etat à l’environnement et au développement durable,
comme autorité gouvernementale ;
M. Esteban Lyons, directeur national du contrôle environnemental du secrétariat à l’environnement
et au développement durable,
M.HowardWheater, docteur en hydrologie de l’ Université de Bristol, professeur d’hydrologie à
l’Imperial College, directeur de l’Imperial College Environment Forum,
M. Juan Carlos Colombo, docteur en océanographie de l’Université de Québec, professeur à la
faculté des sciences et au musée de l’Université de La Plata, directeur du Laboratoire de chimie
environnementale et de biogéochimie de l’Université de La Plata,
M.NeilMcIntyre, docteur en ingénierie envir onnementale, maître de conférences à l’Imperial
College, Londres, - 5 -
The Government of the Republicof Argentina is represented by:
H.E. Ms Susana Ruiz Cerutti, Ambassador, Legal Adviser to the Ministry of Foreign Affairs,
International Trade and Worship,
as Agent;
H.E. Mr. Horacio A. Basabe, Ambassador, Director of the Argentine Institute for Foreign Service,
former Legal Adviser to the Ministry of Fore ign Affairs, International Trade and Worship,
Member of the Permanent Court of Arbitration,
H.E. Mr. Santos Goñi Marenco, Ambassador of the Argentine Republic to the Kingdom of the
Netherlands,
as Co-Agents;
Mr.AlainPellet, Professor at the University of Paris Ouest, Nanterre-La Défense, member and
former Chairman of the International Law Co mmission, associate member of the Institut de
droit international,
Mr. Philippe Sands QC, Professor of International Law at the University College London, Barrister
at Matrix Chambers, London,
Mr.MarceloKohen, Professor of International Law at the Graduate Institute of International and
Development Studies, Geneva, associate member of the Institut de droit international,
Ms Laurence Boisson de Chazournes, Professor of International Law at the University of Geneva,
Mr.AlanBéraud, Minister at the Embassy of the Argentine Republic to the European Union,
former Legal Adviser to the Ministry of Foreign Affairs, International Trade and Worship,
Mr. Daniel Müller, Researcher at the Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), University
of Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
as Counsel and Advocates;
Mr. Homero Bibiloni, Federal Secretary of Environment and Sustainable Development,
as Governmental Authority;
Mr.EstebanLyons, National Director of Environm ental Control, Secretariat of Environment and
Sustainable Development,
Mr. Howard Wheater, PhD in Hydrology at Bristol University, Professor of Hydrology at Imperial
College and Director of the Imperial College Environment Forum,
Mr. Juan Carlos Colombo, PhD in Oceanography at the University of Québec, Professor at the
Faculty of Sciences and Museum of the National University of La Plata, Director of the
Laboratory of Environmental Ch emistry and Biogeochemistry at the National University of
La Plata,
Mr.NeilMcIntyre, PhD in Environmental Engineering, Senior Lecturer in Hydrology at Imperial
College London, - 6 -
Mme Inés Camilloni, docteur en sciences atmosphériques, professeur de sciences atmosphériques à
la faculté des sciences de l’Université de Buenos Aires, maître de recherche au conseil national
de recherche (CONICET),
M.GabrielRaggio, docteur en sciences techni ques de l’Ecole polytechnique fédérale de
Zürich (ETHZ) (Suisse), consultant indépendant,
comme conseils et experts scientifiques ;
M.HolgerMartinsen, ministre au bureau du conseiller juridique du ministère des affaires
étrangères, du commerce international et du culte,
M. Mario Oyarzábal, conseiller d’ambassade, bureau du conseiller juridique du ministère des
affaires étrangères, du commerce international et du culte,
M.FernandoMarani, secrétaire d’ambassade, amb assade de la République argentine au Royaume
des Pays-Bas,
M.GabrielHerrera, secrétaire d’ambassade, bureau du conseiller juridique du ministère des
affaires étrangères, du commerce international et du culte,
MmeCynthiaMulville, secrétaire d’ambassade, bureau du conseiller juridique du ministère des
affaires étrangères, du commerce international et du culte,
Mme Kate Cook, avocat, Matrix Chambers, Londres, spécialisée en droit de l’environnement et en
droit du développement,
Mme Mara Tignino, docteur en droit, chercheur à l’Université de Genève,
M.MagnusJeskoLanger, assistant d’enseignement et de recherche, Institut de hautes études
internationales et du développement, Genève,
comme conseillers juridiques.
Le Gouvernement de l’Uruguay est représenté par :
S. Exc. M. Carlos Gianelli, ambassadeur de la République orientale de l’Uruguay auprès des
Etats-Unis d’Amérique,
comme agent ;
S. Exc. M. Carlos Mora Medero, ambassadeur de la République orientale de l’Uruguay auprès du
Royaume des Pays-Bas,
comme coagent ;
M.AlanBoyle, professeur de droit international à l’Université d’Edimbourg, membre du barreau
d’Angleterre,
M. Luigi Condorelli, professeur à la faculté de droit de l’Université de Florence,
M.LawrenceH.Martin, cabinet Foley Hoag LLP, membre du barreau de la Cour suprême des
Etats-Unis d’Amérique, du barreau du district de Columbia et du barreau du Commonwealth du
Massachusetts, - 7 -
MsInésCamilloni, PhD in Atmospheric Sciences, Professor of Atmospheric Sciences at the
Faculty of Sciences of the University of Bue nos Aires, Senior Researcher at the National
Research Council (CONICET),
Mr.GabrielRaggio, Doctor in Technical Scienc es of the Swiss Federal Institute of Technology
Zurich (ETHZ) (Switzerland), Independent Consultant,
as Scientific Advisers and Experts;
Mr.HolgerMartinsen, Minister at the Office of the Legal Adviser, Ministry of Foreign Affairs,
International Trade and Worship,
Mr.MarioOyarzábal, Embassy Counsellor, Office of the Legal Adviser, Ministry of Foreign
Affairs, International Trade and Worship,
Mr. Fernando Marani, Embassy Secretary, Embassy of the Argentine Republic in the Kingdom of
the Netherlands,
Mr. Gabriel Herrera, Embassy Secretary, Office of the Legal Adviser, Ministry of Foreign Affairs,
International Trade and Worship,
Ms Cynthia Mulville, Embassy Secretary, Office of the Legal Adviser, Ministry of Foreign Affairs,
International Trade and Worship,
MsKateCook, Barrister at Matrix Chambers, London, specializing in environmental law and law
relating to development,
Ms Mara Tignino, PhD in Law, Researcher at the University of Geneva,
Mr.MagnusJesko Langer, teaching and research assistant, Graduate Institute of International and
Development Studies, Geneva,
as Legal Advisers.
The Government of Uruguay is represented by:
H.E. Mr. Carlos Gianelli, Ambassador of the Eastern Republic of Uruguay to the United States of
America,
as Agent;
H.E. Mr. Carlos Mora Medero, Ambassador of the Eastern Republic of Uruguay to the Kingdom of
the Netherlands,
as Co-Agent;
Mr.AlanBoyle, Professor of International Law at the University of Edinburgh, Member of the
English Bar,
Mr. Luigi Condorelli, Professor at the Faculty of Law, University of Florence,
Mr. Lawrence H. Martin, Foley Hoag LLP, Member of the Bars of the United States Supreme
Court, the District of Columbia and the Commonwealth of Massachusetts, - 8 -
M. Stephen C. McCaffrey, professeur à la McGeorge School of Law de l’Université du Pacifique,
Californie, ancien président de la Commission du droit international et rapporteur spécial aux
fins des travaux de la Commission relatifs aux cours d’eau internationaux,
M. Alberto Pérez Pérez, professeur à la faculté de droit de l’Université de la République,
Montevideo,
M.PaulS.Reichler, cabinet Foley Hoag LLP, membre du barreau de la Cour suprême des
Etats-Unis d’Amérique et du barreau du district de Columbia,
comme conseils et avocats ;
M. Marcelo Cousillas, conseiller juridique à la direction nationale de l’environnement, ministère du
logement, de l’aménagement du territoire et de l’environnement de la République orientale de
l’Uruguay,
M. César Rodriguez Zavalla, chef de cabinet au ministère des affaires étrangères de la République
orientale de l’Uruguay,
M.CarlosMata, directeur adjoint des affaires juri diques au ministère des affaires étrangères de la
République orientale de l’Uruguay,
M. Marcelo Gerona, conseiller à l’ambassade de la République orientale de l’Uruguay au Royaume
des Pays-Bas,
M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, avocat, admis au barreau de la République orientale de
l’Uruguay et membre du barreau de New York,
MA. damKahn, cabinet Foley Hoag LLP, membre du barreau du Commonwealth du
Massachusetts,
M.AndrewLoewenstein, cabinet Foley Hoag LLP, membre du barreau du Commonwealth du
Massachusetts,
MmeAnaliaGonzalez, LLM, cabinet Foley Hoag LLP, admise au barreau de la République
orientale de l’Uruguay,
Mme Clara E. Brillembourg, cabinet Foley Hoag LLP, membre des barreaux des districts de
Columbia et de New York,
MmeCicelyParseghian, cabinet Foley Hoag LLP, membre du barreau du Commonwealth du
Massachusetts,
M. Pierre Harcourt, doctorant à l’Université d’Edimbourg,
M. Paolo Palchetti, professeur associé à la faculté de droit de l’Université de Macerata,
Mme Maria E. Milanes-Murcia, MA, LLM, JSD Candidate à la McGeorge School of Law de
l’Université du Pacifique, doctorante à l’Université de Murcia, admise au barreau d’Espagne,
comme conseils adjoints ;
Mme Alicia Torres, directrice nationale de l’environneme nt au ministère du logement, de
l’aménagement du territoire etde l’environnement de la République orientale de l’Uruguay,
M.EugenioLorenzo, conseiller technique à la direction de l’envir onnement du ministère du
logement, de l’aménagement du territoir e et de l’environnement de la Ré publique orientale de
l’Uruguay, - 9 -
Mr.StephenC.McCaffrey, Professor at the McGeorge School of Law, University of the Pacific,
California, former Chairman of the Interna tional Law Commission and Special Rapporteur for
the Commission’s work on international watercourses,
Mr.AlbertoPérezPérez, Professor at the Faculty of Law of the University of the Republic,
Montevideo,
Mr.PaulS.Reichler, Foley Hoag LLP, Member of the Bars of the United States Supreme Court
and the District of Columbia,
as Counsel and Advocates;
Mr. Marcelo Cousillas, Legal Counsel at the Nationa l Directorate for the Environment, Ministry of
Housing, Territorial Planning and Environment of the Eastern Republic of Uruguay,
Mr.CésarRodriguezZavalla, Chief of Cabinet, Ministry of Foreign Affairs of the Eastern
Republic of Uruguay,
Mr.CarlosMata, Deputy Director of Legal Affair s, Ministry of Foreign Affairs of the Eastern
Republic of Uruguay,
Mr.MarceloGerona, Counsellor of the Embassy of the Eastern Republic of Uruguay in the
Kingdom of the Netherlands,
Mr. Eduardo Jiménez de Aréchaga, Attorney at law, admitted to the Bar of the Eastern Republic of
Uruguay and Member of the Bar of New York,
Mr. Adam Kahn, Foley Hoag LLP, Member of the Bar of the Commonwealth of Massachusetts,
Mr.AndrewLoewenstein, Foley Hoag LLP, Member of the Bar of the Commonwealth of
Massachusetts,
MsAnaliaGonzalez, LLM, Foley Hoag LLP, adm itted to the Bar of the Eastern Republic of
Uruguay,
MsClaraE. Brillembourg, Foley Hoag LLP, Member of the Bars of the District of Columbia and
New York,
MsCicelyParseghian, Foley Hoag LLP, Me mber of the Bar of the Commonwealth of
Massachusetts,
Mr. Pierre Harcourt, PhD Candidate, University of Edinburgh,
Mr. Paolo Palchetti, Associate Professor at the School of Law, University of Macerata,
Ms Maria E. Milanes-Murcia, M.A., LLM; JSD Candidate, McGeorge School of Law, University
of the Pacific; PhD Candidate, University of Murcia; admitted to the Bar of Spain,
as Assistant Counsel;
Ms Alicia Torres, National Director for the Environment at the Ministry of Housing, Territorial
Planning and Environment of the Eastern Republic of Uruguay,
Mr.EugenioLorenzo, Technical Consultant for the National Directorate for the Environment,
Ministry of Housing, TerritorialPlanning and Environment ofthe Eastern Republic of Uruguay, - 10 -
M.CyroCroce, conseiller technique à la direction de l’environnement du ministère du logement, de
l’aménagement du territoire etde l’environnement de la République orientale de l’Uruguay,
Mme Raquel Piaggio, bureau de la gestion des eaux (O.S.E.), consultante technique à la direction de
l’environnement du ministère du logement, de l’aménagement du territoire et de l’environnement
de la République orientale de l’Uruguay,
M.CharlesA.Menzie, PhD., Principal Scientist et directeur d’EcoSciences Practice chez Exponent,
Inc., à Alexandria, Virginie,
st
M. Neil McCubbin, Eng., Bsc. (Eng), 1 Class Honours, Glasgow, Associate of the Royal College of
Science and Technology, Glasgow,
comme conseillers scientifiques et experts. - 11 -
Mr. Cyro Croce, Technical Consultant for the National Directorate for the Environment, Ministry of
Housing, Territorial Planning and Enviro nment of the Eastern Republic of Uruguay,
Ms Raquel Piaggio, Water Management Administration ⎯ O.S.E. ⎯ Technical Cons ultant for the
National Directorate for the Environment, Mini stry of Housing, Territorial Planning and
Environment of the Eastern Republic of Uruguay,
Mr. Charles A. Menzie, PhD., Principal Scientist and Director of the EcoSciences Practice at
Exponent, Inc., Alexandria, Virginia,
Mr. Neil McCubbin, Eng., BSc. (Eng), 1st Class Honours, Glasgow, Associate of the Royal College
of Science and Technology, Glasgow,
as Scientific Advisers and Experts. - 12 -
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de pr ésident: Veuillez vous asseoir. L’audience
est ouverte et je donne la parole à M. le professeur Philippe Sands. You have the floor, Sir.
SANr.DS:
V. VIOLATIONS OF A RTICLES 36 AND 41SA: PROOF ,DAMAGE TO
THE ECOSYSTEM AND ENVIRONMENT
I. Introduction
1. Thank you, Mr. President. Mr.President, Members of the Court, you heard yesterday
from ProfessorWheater and ProfessorColombo on the compelling evidence of ecological change
and the harms caused to the environment of the River Uruguay by discharges emanating from
Botnia. You are now going to hear from me after a night swimming in the depths of raw data on
the legal consequences to be drawn from that ev idence, and the legal standards that we say
Uruguay is bound to follow under the Statute. And I am going to deal with this by reference to two
central issues. First, the issue of reverse flow: did those taking the decision on the Uruguayan side
to authorize the plant know about reverse flow and its magnitude and, if so, did they adequately
take it into account in taking their decisions? And second, the issue pollution: has the Botnia
plant caused harmful pollution or ecological change, by contributing, for example, to violations of
CARU or other standards, or indeed by referenc e to any other criteria? In this respect the
relationship between the Botnia plant and Febr uary’s unprecedented algal bloom has emerged as a
key factual issue that divides the Parties. nd in addressing these two issues I will also try to
respond to Judge Bennouna’s important question.
2. Now, before getting to these issues, may I make a small number of preliminary points.
3. First, we see no need to spend much more time on what Articles 1, 36 and 41 do or do not
mean. You have heard fully fro m both Parties on those issues. ProfessorBoyle’s interpretation
was unpersuasive, and he frequently departed from the actual text of the provisions in order to
support his rather narrow interpretations. You will recall, for example, that he described as “bold”
Argentina’s argument that Article 36 commits Urugua y to avoid “any ecological change”. That is
curious, because Argentina was merely using the very words of Article 36, which do indeed oblige
1
CR 2009/18, p. 22, para. 35. - 13 -
the parties to prevent “ any ecological change”, it does not say “significant ecological change” or
“harmful ecological change”, it says “any ecological change”. This is the language that the Parties
agreed to and it is the language that the Court must interpret and apply ⎯ “any” means “any”.
4. A second preliminary: it is now clear that the Parties are a bit like ships passing in the
night, they have got rather different approaches to this case’s centre of gravity. Much of Uruguay’s
argument is focused on the technological splendour of the plant, said to be one of the very finest on
this planet. Now that may or may not be true. But it misses the point. The key issue is not the
plant or its technology, it is the river: can this river accommodate this level of discharges at this
location? The differences between the Parties may be seen in their reliance on outside expertise:
they have offered you an expert on technological matters but they have offered you no one who has
any expertise on rivers. And you will have noticed too that not one person with scientific expertise
has addressed the Court on behalf of Uruguay. For a case of this kind, whether it is before this
Court or any other international tribunal, I am not aware of any other State that has taken such a
minimalist approach to litigating a case that has cer tain complex technical and scientific aspects.
By contrast, we have offered you expertise on the river. The bottom line for Argentina is that this
is a case not about technological fixes, it is a case about the character of the river: there is no pulp
mill, we say, that should be located at this precise location. You are not called upon to decide on
the merits or demerits of any particular technology that is used in this plant.
5. That is not to say however, that the issue of applicable legal standard s is not relevant. It
is, and that brings me to a third preliminary point: Uruguay has changed its case on the applicable
law. You will recall what Uruguay argued three years ago: in the provisional measures phase
Uruguay told you that it was imposing on Botnia “an obligation to meet standards set down by the
2
law of the European Community” . Botnia’s discharges, Mr. Reichler told you, and I quote again
“will meet the same strict requirements that are enforced in Europe” 3. You heard nothing more on
that subject last week from Uruguay. The claim has been abandoned, recognition by Uruguay that
Botnia is discharging effluents in a manner that plainly violates European Union water quality
standards and that it is or has discharged banned substances ⎯ including nonylphenols ⎯ that are
2
CR 2009/12, p. 49, para. 26 (Sands, referring to CR 2006/47, p. 27 (Boyle)).
3Ibid., p. 53. - 14 -
banned by the European Union. Seemingly counsel for Uruguay now recognizes that they just
went too far last time out. They have rolled back their case. Their lack of information as to what
the plant is discharging or has discharged has caused them to be more cautious, on some occasions.
But the European Union claim is not one that Urugua y is free to abandon: it has declared that it
would apply European Union standards and others ⎯ Argentina, the IFC, this Court ⎯ have relied
on that declaration, which was not made just in this courtroom. In your folder you have got various
examples of other commitments to apply European Union law. In November2007, for example,
when the Botnia plant started to operate, the President and Chief Executive Officer of Botnia,
Mr.ErkkiVaris, said that the plant “will operate complying with the most strict standards set by
the European Union” 4. That claim is demonstrably false. In July2009, when UPM took over
Botnia’s ownership of the plant, UPM issued a press release again stating “the mill operates in
compliance with the strictest standards set by the European Union” 5. That claim too is
demonstrably false. The undertaking was also given to the IFC which has relied on it, as the IFC
website makes clear. You will find on the website the following statement: “The plant will also
meet . . . European Union standards” 6. Now, you may well ask yourself why is counsel for
Argentina making such a song and dance about this poi nt? The answer is very simple: if Botnia,
Uruguay and the IFC invoke European Union sta ndards, then Argentina is entitled to invoke
European Union standards and this Court is entitle d to hold Uruguay to those very same European
Union standards, in addition to the standards of CARU and other applicable international norms.
Mr. President, back in 1974 this Court confirmed in the Nuclear Tests case that “declarations made
by way of unilateral acts, concer ning legal or factual situations, may have the effect of creating
legal obligations”, and that an undertaking that is given publicly and with an intent to be bound will
be binding ( Nuclear Tests (New Zealand v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974 , p.472,
para.46). Uruguay’s undertaking was made very publicly and very formally, in this very
courtroom. Counsel left no doubt as to Uruguay’s intention to be bound. Uruguay cannot now
4
RA, Anns., Vol. III, Ann. 51.
5Available at http://w3.upm-kymmene.com/upm/internet/cms/upmcms.nsf/prv/upm_and_Mets%…
sign_a_letter_of_intent_on_new_ownership_structure_of Botnia.
6See http://www.ifc.org/ifcext/lac.nsf/content/Uruguay_Pulpmills_FAQs. - 15 -
abandon an inconvenient undertaking, any more than it is free to abandon, without some cost at
least, its earlier pleadings on the issues of fact.
6. Now, this was not the only point on which Uruguay changed its argument last week. By
way of fourth preliminary point, it is now appa rent that Uruguay has completely changed its case
on the facts. It has changed its case on reverse flow, for example. I will come back to that. It has
changed its case on the impact of the pollutants. It now accepts, for example, that the Esteros de
Farrapos protected Ramsar wetland site can be affe cted by discharges from Botnia. “Regrettably”,
counsel for Uruguay told the Court last Monday, “this information was not available to me and I
7
therefore could not make it available to the Court in 2006” . Now, when counsel for Uruguay says
“this information”, what is he referring to? He cannot be referring to the location of the Ramsar
site. He cannot be referring to the fact that the site is connected to the river. He is referring to
reverse flow, a feature of the river on which he and every other counsel for Uruguay were, it seems,
blissfully unaware back in 2006.
II. Reverse flow
7. And this brings us to reverse flow. There is now no disagreement between the Parties that
this is a key issue, because it relates to the river’ s ability to disperse the effluent. And so, there are
two issues of fact for the Court to decide: first, did those authorizing the plant and its financing
know about reverse flow and stagnation and their magnitude ⎯ did they know about it? Secondly,
did they take into account the full extent of reve rse flow? Mr.Reichler dealt with these issues at
great length 8. The centrepiece of his submission last week was the claim that the evidence showed
that Uruguay, and I quote him: “presumed that the river flows in reverse substantially more
frequently than Argentina did, by 29 per cent of the time to 23 per cent of the time” 9. Now on this
occasion, of course, we are happy to play the num bers game with Uruguay, but I have to tell you
that this claim came somewhat out of the blue for Argentina. It reflect s a 180º turn in Uruguay’s
case. It is important. Let us go slowly through the relevant materials.
7
CR 2009/16, p. 37, para. 66 (Boyle).
8
CR 2009/16, pp. 41-46, paras. 8-22.
9Ibid., p. 46, para. 20. - 16 -
8. We can start with what Uruguay has previously said it knew. We have been through the
main volumes ⎯ each of the Counter-Memorial and the Rejoinder ⎯ and we have been unable to
find a single place in which Uruguay claims to have argued that it relied on a reverse flow rate of
29 per cent, or indeed any significant reverse flow at all. In fact, that figure of 29 per cent comes
from a document that is buried away in AnnexR11 of Uruguay’s Rejoinder 10 and never again
mentioned. The document was issued by DINAMA in response to concerns raised by Argentina
about phosphorus. It provides no explanation as to how the figure was arrived at. In fact, it seems
11
to have come from modelling prepared for Botnia’s environmental impact assessment , modelling
that, ProfessorWheater explained yesterday ( CR2009/20), was grossly inadequate, based on
insufficient data and the use of a two-dimensional model that was inappropriate for the reverse
flow problem. But, whatever its source ⎯ we have not been able to completely sort it out ⎯ the
crucial point is that it establishes ⎯ this is the crucial point ⎯ that, as at December 2005, when the
information was given to Argentina, the Uruguayan authorities ⎯ or at least some Uruguayan
authorities ⎯ had received information about a very high rate of flow reversal. That was, of
course, before the provisional measures phase. Mr. Reichler’s confirmation now is of very, very
great significance: it confirms prior knowledge a bout the magnitude of flow reversal. So, the
crucial question becomes: did they then rely on the 29 per cent figure?
9. It is abundantly clear that they did not. Let us start with what Uruguay has said in its
written pleadings in this case. They certainly do not indicate that decisions were taken on the basis
of that conservative, severe flow reversal rate that Mr.Reichler would now have you believe
informed decision making. In the Counter-Memoria l, for example, we found no discussion of that
figure or its implications for the assessment of Botnia’s impacts. We see ⎯ and Professor Reichler
took you to this yesterday ⎯ references to “rare flow reversals”, at paragraph 4.122; low flow, as
being an “unusual ‘worst case’” scenario and “a rare, short-term event”; or, paragraph 5.64, flow
reversals are being “expected to occur only a few ti mes per year or less”. Then, at paragraph 6.76,
Uruguay states that Argentina’s evidence “overstate s the reversal frequency”. Now look, I could
just go on and on and on but I am not going to. The Rejoinder does exactly the same thing. The
10
RU, Vol. II, Ann. R11, p. 2, para. 5.
1Ann. VIII to Additional Report No. 5 of Botnia’s EIA, CMU, Ann. 164. - 17 -
Rejoinder rubbishes Professor Rabinowich’s work on reverse flow and states that “it is undisputed
that most flow reversals are much less extreme and shorter in time” than those alleged by
Argentina’s experts 12. Until last Monday ⎯ until last Monday ⎯ Uruguay’s entire case was that
Argentina’s evidence on flow reversal was just plain wrong and that all the effluents would be
discharged quickly and efficiently downstream. And now it has changed its position and it accepts
that our evidence on flow reversal is correct. The Court will have noticed that Uruguay did not
challenge the accuracy of the flow reversal char ts that Argentina provided on 30 June 2009. And
obviously it cannot do so. The charts are based on actual data, on actual measurements. Uruguay
has no measurements of its own on which to re ly and that may be why we get into various
procedural difficulties. It does not know or unders tand the raw data. All it has for Fray Bentos is
the one day of monitoring that occurred on 16 December 2003, that I referred to in the first round 13.
Uruguay has no data. Since Uruguay accepts now that our data is correct, there is no longer a
dispute between the Parties on this key factual issue and that makes your task as a court much
easier.
10. The consequence of the concession, which we are happy to take, is that Mr. Reichler and
his team now find themselves in very great difficulty. They are in the unhappy position of having
to make an impossible choice. Mr.Reichler could have stuck to his previous argument that
Uruguay was wrong on reverse flow but, of course, he would have known that he would lose that
argument and, with it, the main plank of his entire case: Argentina would then easily be able to
show that Uruguay’s authorizations, and the actions of the IFC, were based on manifestly
erroneous assumptions about the ability of the river to disperse the effluent. So he chose the only
other route available to him: he discarded the entirety of pleadings of his Party and he accepted
that Argentina was right on reverse flow. What he now has to do is persuade the Court that,
contrary to his previous assertions, all Uruguay’s decisions, as well as those of the IFC, were taken
on the basis of assumption that reverse flow was of an even greater magnitude than Argentina says
is the case. This has taken Uruguay to the edge of a precipice and to the point of disaster. If
Mr.Reichler is unable to persuade you that those decisions were taken on the basis of the true
12
RU, para. 6.20.
1CR 2009/14 p. 61, para 12. - 18 -
magnitude of reverse flow, then he and Uruguay are in this situation: it will have been established
that Uruguay knew about reverse flow all along and that then ⎯ wilfully it seems ⎯ they ignored
its magnitude and effect, and its consequences for the project. That, Mr. President, would be a very
serious matter. But that, it seems, on the evidence, is what has happened.
11. Mr.Reichler would have you believe that the important decisions began only in
14
January 2006 . That was no accidental slip on his part. He needs to push back the date of
authorization to support his other arguments, that somehow Argentina had previously agreed to a
project ⎯ which, of course, it never did ⎯ and to fatten the file of environmental assessments on
which he would like to be able to argue that the decisions were based. In fact the act of
authorization occurred on 14February2005, wh en Uruguay’s Ministry of Housing, Land Use
Planning and Environmental Affairs granted Botn ia its AAP, following which work on the site
began 1. In many respects that was the most important of all the decisions, because it approved the
location of the plant, and it allowed the finance to start flowing into Uruguay. If accurate
information on flow reversal was crucial at any pa rticular moment, then it was before the site was
selected. So, were reverse flow assumptions of 29percent or 23percent relied on for that
decision? They were not. The February 2005 decision ⎯ the AAP ⎯ was based on two
documents: Botnia’s environmental impact as sessment of 31March2004, together with some
16
additional reports , and DINAMA’s assessment of 11February2005. Botnia’s EIA does not
discuss the implications of an elevated level of flow reversal 1. DINAMA’s assessment merely
picks up the conclusions of the 2004EIA. It refers to low flow which, it says, has an “annual
frequency of occurrence less than 10 per cent”. The DINAMA assessment of February 2005, it is
true, does mention reverse flow but only in passing, as having been observed as a “short term”
occurrence “lasting less than one day”. It is not raised as a serious issue by DINAMA, no
consequences are drawn from its observations, and there is no reference to any figure relating to the
18
magnitude . In no further assessment thereafter did Uruguay’s authorities give effect to the
1CR 2009/16, p. 43, para. 5.
15
Resolution 63/2005, AM, Anns., Vol VII, Ann. 10; MA, para. 2.54.
16
MA Anns., Vol. V, Ann. 7, pp. 373-390; and CMU, Vol. VII, Anns. 161-164 and 167.
1CMU, Vol. VII, Ann. 164.
1CMU, Vol. II, Ann. 20, p. 9, Secs. 4.1 and 3.2 respectively. - 19 -
consequences of a reverse flow at the level of 23percent or 29percent, or anything that came
close to that.
12. So much for the formal decision-making process. I say formal because in our submission
it is now plain that the decision to locate the plant at the site was taken much earlier, well before
any assessments were carried out, so that all that followed was merely an ex post facto justification
of an early political decision to locate the site at that place. Mr.Reichler says Uruguay only
proceeded to construction on the basis of that high reverse flow assumption. As we have seen, this
is totally inconsistent with the way Uruguay has pleaded its case, totally unsupported by any
evidence. The pleadings confirm that all the relevant decisions were taken on the basis of
assumptions that flow reverse occurred only rarely, if at all. Those assumptions are based on
erroneous models. Again, the key point is th is: Uruguay’s authorities proceeded to rely on
assumptions about flow reversal that were wrong ⎯ they wrongly assumed the capacity of the river
to disperse the effluents. The 29 per cent figure may later have been shared with Argentina, as part
of the GTAN process, but there is no evidence that it was ever relied on by any decision maker in
Uruguay. Uruguay has consistently relied on revers e flow as being “rare” and exceptional. Why
should this be? The only possible conclusion is that a 29percent flow reversal rate would have
been very unhelpful to the project’s prospects. In fact, it would have killed the project from the
outset. No reasonable State would authorize a project of this kind at a location where the river flow
is so unhelpful to the dispersal of pollutants. That is all the more so when the waters at that very
location are already known to be eutrophic, as DINAMA recognized. So the figure was buried
away and it only re-emerged last week, in the face of Uruguay’s very real difficulties with our data.
13. Now, this project needed IFC money, so the approval and review processes moved to
that international arena. And let us go briefl y through the same step-by-step process. The IFC
approval for the project came in November 2006, and it followed the preparation of a series of four
reports: a draft Cumulative Impact Study, then the first Hatfield Report, then a final Cumulative
Impact Study, and then the second Hatfield Report. The question is, did these reports alert the IFC
to a reverse flow rate of 29 per cent or 23 per cent? They did not. It is not a case of the IFC getting
it wrong so much as those it retained and then relied upon getting it wrong. - 20 -
14. The first document, the draft Cumulative Impact Study ⎯ published December 2005.
What does it say? It states that reverse flow of surface waters occurs only on “rare occasions” that
have only been “briefly recorded at Fray Bentos”, and it then adds that “these rare events of reverse
19
flow last only for a few hours” .
15. The draft CIS was reviewed by Mr.McC ubbin and his colleague in the first Hatfield
Report, published on 27 March 2006. Now that report raised concerns about the distribution of the
effluent plume. It recommended that effluent dispersal modelling should be proceeded with as
soon as possible, taking into account effluent te mperature and the various river flow patterns
including reverse flow and zero flow in order to define more precisely the mixing zone 2.
16. One assumes that Uruguay would be keenly in terested in this process. This would have
been the moment for Uruguay to jump in and say “Hang on a second, chaps, you’ve got the flow
reversal rate completely wrong.” Did they do that? No, they did not do that. Did they hand over
the information ⎯ that Mr.Reichler now says Uruguay had ⎯ that showed flow reversal rate at
29 per cent. No, Uruguay did not do that.
17. The final CIS was released on 12 October 2006. And it refers to new modelling that was
carried out, yet ⎯ amazingly ⎯ it reaches the very same conclusions as the original draft. Lo and
behold, the new modelling comes up with ⎯ exactly the same result. It concludes that “On rare
occasions the flow can reverse direction and travel upstream for short periods of time. These flow
21
reversals may occur a few times per year or less frequently...” Rare? A few times a year or
less? That does not sound quite like the 29 per cent that Mr. Reichler told you about last week, that
has now been embraced by Uruguay as the basis of all its decision making.
18. So, what happened next? The second Hatfield Report was completed on 14October
2006 ⎯ two days after the final CIS was released. Th e final CIS runs to 221pages, with nearly
800pages of technical annexes. Yet, despite the amazingly short period of time available,
Mr. McCubbin and his colleague somehow managed to complete and review the work in a timely
and helpful basis. On pollutant dispersion in the river, they found that the “revised plume
1MA Anns., Vol. V, Ann. 6, p. 24, para. 3.3.
20
MA Anna., Vol. V, Ann. 9
2CMU, Vol. VIII, Ann. 173, p. 3.4, para. 3.2.1. - 21 -
modelling is well done”, and that it provides “excelle nt plume configurations and dilution ratios at
22
important river flows” . Well, perhaps it was “well done”, bu t it seems to have got the results
completely and totally wrong, at least in the sense that it now directly contradicts Mr.Reichler’s
new-found acceptance of 29 per cent flow reversal. The Hatfield authors signed off on a CIS report
that found flow reversal to be “rare”, occurring only “a few times a year or less frequently”. Again,
did Uruguay rush to correct the error? It did not, and it did not do so for the obvious reasons that it
agreed with an assessment that was helpful to the project. What did the authors of the Hatfield
Report have to say about river flow in its conclusions? Nothing. An attentive reader of the entirety
of the final Hatfield Report will find just one line on river flow: “The Rio Uruguay is a very large
23
river.” Thatisit. “Averylargeriver.” And, on the basis of this in-d epth analysis, the IFC
approved the financing of the project a few weeks later, on 21 November 2006.
19. So, did Uruguay rely and take into account the 29 per cent figure? Uruguay did not. Did
the IFC rely on the 29 per cent figure? It did not. At every stage of the process the decisions were
based on the assumption that reverse flow was “rare”. “Information was not available to me”,
counsel for Uruguay confessed last week. Well, it seems that Uruguay withheld the 29percent
figure ⎯ even from him ⎯ back in 2006. And that is presumably why he did not appreciate how
far upstream Botnia’s discharges would go: he now accepts they can go upstream. And it seems
too that Mr.McCubbin did not have reverse flow at the forefront of his mind, or that the IFC did
not have accurate information on reverse flow at the forefront of that organization’s mind when it
approved the project. Yet, Mr.Reichler rec ognizes this is crucial information, because it
determines where the discharges will go. Much of them, as I said two weeks ago, go upstream.
That is what the data shows, that is what th e simulations show. And Uruguay now accepts this.
Maybe they do not accept it, maybe next week, or later this week they will try to persuade you that
somehow a 29percent flow has no impact at all on the dispersion of the pollutants from Botnia.
That frankly would not be a serious argument at this stage. Having accepted reverse flow at a
serious level, Uruguay is bound to accept its conseque nces. And with that it is not a great leap to
22
CMU, Vol. VIII, Ann. 178, Sec. A16, p. 3.
2Ibid. - 22 -
the conclusion that the plant should never have been located at this place. That is the reality at the
heart of this case, and the issue and the facts are dispositive.
III. Independent experts
20. Now, before moving on to the issue of pollution this may be a good moment to respond
to Judge Bennouna’s important questions. He aske d first what the Partie s understood by the term
“independent expert”, and second, and in the context of this case, whether an expert retained by
one of the Parties may be treated as an “independent expert”. We listened, of course, with great
interest to Mr.Reichler’s presentation on this subj ect, the gist of which was to say that anyone
retained by one of the Parties could not be said to be “independent” in the sense of
Judge Bennouna’s question. Now, I can understand why he would ta ke that approach, since it has
the very great merit of leaving this side of the r oom rather bare of independent expertise, whereas
his side of the room would have a raft of distant independent experts whom he says you should
blindly follow, despite the fact that they have written no reports for these proceedings, have not
considered any of Argentina’s evidence in this case, and have not been brought to address this
Court in any way. Would that it were so simple to follow Mr. Reichler’s approach.
21. We are not before an English court or a court in Washington, D.C. We are before the
International Court of Justice, so Judge Bennouna’s question falls to be answered by reference to
this Court’s rules and this Court’s practice, and we say that they point to a different, more nuanced
conclusion. The Court’s Statute and Rules do, of course, refer to experts, but not to “independent
24
experts” . There seems to be no difference between the Parties as to what is meant by an expert.
Professor Salmon’s Dictionnaire de droit international public defines an expert as including:
“Une personne choisie pour ses connaissances techniques et qui peut ê
tre
chargée dans un procès:
a) Par une partie ou par le tribunal d’éclai rer ce dernier sur certaines questions
litigieuses . . .
b) Par une partie25de faire partie de sa délégation et de participer aux
plaidoiries. . . ”
24
Statute of the Court, Arts. 43, 50, 51; Rules of the Court, Arts. 57, 58, 62, 63, 64, 65, 67, 68, 70 and 71.
25J. Salmon (ed)., Dictionnaire de droit international public, 2001, p. 483. - 23 -
So that seems like a pretty decent definition of ex pert. What about the concept of independence?
To our mind the issue of independence falls to be assessed principally by reference to two
considerations: first, the individual’s relationship to the party or parties and, second, his or her
relationship to the matters that are in dispute in a particular case. This is consistent with the
approach that is taken by the Dictionnaire, which defines a person’s “independence” as “le fait
pour une personne . . . de ne pas dépendre d’aucune au tre autorité que la sienne propre . . . ou tout
le moins, de ne pas dépendre de l’Etat sur le territoire duquel elles exercent leurs fonctions . . .” 26
Now, having regard to these considerations, we have got no difficulty at all in accepting that the
written reports prepared for these proceedings, fo r example, by Dr.Charles Menzie, should be
treated as those prepared by an independent expe rt, since (as far as we are aware) he has no
personal interest in the outcome of this dispute (having not, you understand it, been involved in the
IFC decision-making process) and he is not an employee of Uruguay’s Government. His views are
entitled to be accorded the consideration of those emanating from an independent expert, even if, as
we are advised, they are wrong and manifestly so (and I would say that we note with interest that
we can quite understand that Uruguay would not now have him address the Court, since he has
expressed, clearly and unambiguously, that extreme lo w flow is a “rare” occurrence, and this, of
27
course, is now contradicted by the real argument adopted by Uruguay) . But, in the same way
ProfessorColombo and ProfessorWheater are experts and they are independent: they are not
employees of Argentina’s Government, and they have no personal interest in the outcome of these
proceedings. They are, in fact, respected senio r academics, with international reputations to
protect. Having written reports that were submitte d in these proceedings, there is nothing at all
unusual in Dr. Menzie and Professor Colombo and Professor Wheater having been asked to join the
delegations of the States that respectively sought their expertise.
22. But others who serve on the delegations of either Party are not to be treated as
independent experts, not necessarily because they are not expert but because they are not
independent. An employee of the State cannot be treated as independent, not least because the
relationship with the State is such that the Stat e could be in a position to exercise influence on the
26
Ibid., p. 570.
2CMU, p. 443, para. 6.93. - 24 -
views that are expressed. This is not in any way to criticize our own Mr.Esteban Lyons, or
Uruguay’s Ms Alicia Torres, but simply to recognize the reality that they are permanent, full-time
employees of their respective Governments, they are part of government, they are part of the State
apparatus, they are not independent of it.
23. For different reasons, we say that Mr.McCubbin has to be treated differently from
Dr.Menzie or ProfessorColombo or Professor Wheater. Mr.McCubbin is not independent
because he has got an interest in the outcome of these proceedings: on 14 October 2006 he signed
the Hatfield Report, which was the basis for the IFC’s financing decision. It was he and one
colleague, Dr.William Dwernychuk, who approved the final CIS report, and they approved the
conclusion that reverse flow was a rare occurrence. So when he appears before you as counsel, he
is not doing what everyone else has done, namely, explaining the details of the written reports that
they have submitted to the Parties and that have been part of the record. Mr.McCubbin has not
written a report: he is defending his own decision as part of the IFC process, and he has a direct,
personal interest in this Court ruling in such a way as to uphold his views. And, for that reason, we
say he cannot be treated as independent. Indeed, we were pretty surprised that Uruguay would
wish to present him in any capacity other than as a witness for cross-examination. I can give you
an example: his situation is no different from one that many of us in this room have faced as
experts in international law who asked to provide as sistance to an international organization that is
involved in an issue that is in dispute between two States. That happens pretty often. We do not
later turn up on the delegation of one of those Stat es involved in the same dispute. We do not do it
because to do so would raise profound issues of judgment and of confidentiality, and they would be
bound to raise questions as to the individual’s i ndependence during the conduct of the earlier work
for the international organization. And, for that reason, we have very serious concerns about
Mr. McCubbin’s role in this matter, his relationship with Uruguay, and a situation which appears to
be one of revolving doors in which people go in an d out of different relationships with different
parties involved on that side of the room.
24. Now, it is entirely a matter for Urugua y to decide how it wishes to compose its
delegation. If Uruguay does not want to benefit from expertise on river hydrology, if it does not
want the Court to hear directly from anyone with expertise in rivers, including those from its own - 25 -
universities, that is entirely a matter for Uruguay. But let us be very clear, Mr. McCubbin does not
have that expertise. His training and professional experience is as an engineer. He is not an expert
on rivers or on hydrology or on modelling (and in fact it seems that Uruguay has no one with that
expertise on its delegation). We ask ourselves the question therefore, on what basis could he opine
to the IFC that this river could bear this level of pollution, or that the hydrographic models were, as
he put it, “excellent”? Is he an expert on modelling? Well, we have not been provided with a copy
of his curriculum vitae, but it seems that he is not. And there is no indication that Dr. Dwernychuk,
his co-author on the Hatfield Report, is an expert on modelling or river flow: he has got a doctorate
in biology and a masters in zoology. Yet the IFC relied on Messrs McCubbin and Dwernychuk to
determine that the river could bear this level of pollution, because reverse flow was “rare”. That
strikes us as a less th an ideal situation. And this is all the more so when you consider
Mr.McCubbin’s background, which appears to be so mewhat closely related to the pulp industry.
Now, let me be clear. This is not in any sense a criticism of him or of the pulp industry, which
provides a service from which we all benefit and rely: as Argentina has repeatedly said, it has no a
priori objection to pulp mills, it is just that we think this mill should not be at this location. No, our
growing concern is how someone so closely associ ated with the promotion of the industry could
have been selected to play such a key role in the IFC process. Now, on that point, Mr. President,
Members of the Court, you will recall that ProfessorWheater has referred to the Gunn pulp mill
project in Tasmania, the pulp mill that has generated huge public oppositi on and whose effluent
will not be discharged into the river but instead will be piped over a great distance to the coast, and
then a further 3km from the coast out to sea where it will be dumped. Well, Mr.McCubbin has
expressed views on that project. Indeed, in March 2005, shortly before he became involved in this
project, he was invited to Tasmania to talk about the environmental impacts of that project. Who
invited him? He was invited by APPITA, th e Australian Pulp and Paper Industry Technical
Association, whose members include at least one co mpany, Mezzo, that is involved in the plant at
Fray Bentos 28. It seems his role in Tasmania was to a ssuage the concerns of local citizens. You
can get a flavour of how he went about carrying out that task for this industry association, and the
28
http://www.appita.com.au/Sustaining%20Members#M. - 26 -
rigour of his approach on the riverine issues, from an interview he gave to the Australian
Broadcasting Corporation, the transcript of which is in your judges’ folder at tab 3. We leave you
to read it at your leisure. It is a most telling interview.
25. Mr.President, we would have had no difficulty at all with Mr.McCubbin ⎯ or anyone
else from EcoMetrix or Hatfield having a personal interest in the outcome of this ca
se ⎯ being
brought to the Court for examination and cross-examination, in accordance with Article57. That
would have been a perfectly proper procedure, and it would have allowed the views of those
persons to be tested. Uruguay coul d have gone down that route, it chose not to. In the absence of
such testing, we simply do not see how their work can be accorded any greater weight than that of
Dr.Menzie or ProfessorColombo or ProfessorWheate r, as Mr.Reichler submits. And there is a
related point, that Mr. Reichler did not touch on at all. The practise of this Court has long been to
allow States to include independent scientific or technical experts on their delegations and to permit
them to address the Court as counsel. The fact that they do so does not diminish the independent
quality of their analysis, or the analysis that is set out in any written report that may have been
written and submitted to the Court. A number of us in this room, Mr. President, well recall the case
involving Hungary and Slovakia. Both sides included on their delegations distinguished academics
who addressed the Court on their reports or on areas of expertise. There was never any suggestion
that their views lacked independence. The Court heard them, and the Court then determined how
persuasive were their analyses and opinions. Many other States have followed the same approach.
They have done so because a Court such as this , assembling different legal traditions and different
approaches to evidentiary and expe rt issues, necessarily has to adopt a certain flexibility in its
approach to the collection and use of evidence and e xpertise. This is all the more so with a Bench
that is so large in number, which makes it less well-suited to the conduct of examination and
cross-examination, and where it seems the time availa ble for oral hearings is limited. States have
to be sensitive to the realities and practicalitiesof international litigation, and one cannot assume
that any particular legal culture or tradition can simply be transposed from that national system to
this Court. The approach that Mr.Reichler ur ges upon you would require a significant change to
the Court’s established practise. It would mean that authors of reports submitted in the written
phase would have to be put forward for examination and cross-examination if their reports were to - 27 -
be given any weight. On technically complex cases such as this, that would mean months of
hearings. It is not immediately apparent to us that this is a route that the Court necessarily wants to
take.
26. For all these reasons, we invite you to reject Uruguay’s approach and confirm the
established practise of the Court. In response to JudgeBennouna’s question, individual experts
such as Dr.Menzie, ProfessorColombo and ProfessorWheater are to be treated as independent,
and their views to be accorded such weight and cr edibility as the Court assesses to be appropriate.
You have heard ProfessorColombo and ProfessorWh eater for yourselves, it is for you to assess
their credibility, and the substance of what they say.
IV. Preventing pollution and ecological change
27. I turn now to my next issue, pollution and ecological balance. Now, we welcome
Uruguay’s acceptance of the relevance of the precautionary principle, and confirmation that both
Parties accept that the applicable standard is that re ferred to in Principle 15 of the Rio Declaration.
The principle is applicable as a general rule of international law, and also by incorporation as a
treaty rule through Articles 1 and 41 (a) of the Statute, and we invite you to apply the principle.
28. ProfessorBoyle dealt with the issue of pollution on two occasions. Last Monday he
pinned his flag to the mast of CARU standards: Botnia, he said, is not causing “ any violation of
29
applicable CARU standards” . That is a pretty clear and unambiguous statement ⎯ assuming of
course that the word “any” has its usual meaning, as we understand it to be, and as is reflected in
Article36 of the Statute. Then on Wednesday he took his argument a step further: CARU
30
standards, he said, “serve to define what c onstitutes pollution for the purposes” of the Statute .
The consequence of this is ⎯ and I take his words ⎯ “it can be presumed that water which meets
[CARU standards] is not polluted and that effluent discharges that do not cause [these standards] to
be exceeded are not harmful to the aquatic environment” 31. Now, we do not accept that the
approach is right in those terms, since it would mean that something that was not listed by
29
CR 2009/16, p. 33, para. 50; emphasis added.
30
CR 2009/18, p. 13, para. 7.
31Ibid., pp. 13-14, para. 7. - 28 -
CARU ⎯ nonylphenols for example ⎯ would for that reason alone not ⎯ in its own name ⎯ be
treated as a pollutant. That argument cannot be right.
29. Nevertheless, the argument does have the great merit of simplicity. The trouble with
simplicity is that it is a two-way street, his argument works in reverse. ProfessorBoyle’s logic
necessarily means that discharges that do contribute to the violation of CARU standards, or cause
violations to become even greater, are to be treated per se as discharges that cause harmful
pollution to the aquatic environment and must be stopped. Of course Uruguay makes the argument
because it believes that CARU standards are being met. But are they? It seems that once again
counsel for Uruguay did not have all the information available to it.
30. Let us take ProfessorBoyle on his approach. Let us look at some examples of CARU
standards and, to avoid any controversy, let us take Uruguay’s own monitoring. But, let us not take
DINAMA’s monitoring, which is provided to EcoMetrix for assessment and commentary.
Professor Wheater told you in the first round how selective and misleading is the monitoring data
provided by DINAMA and EcoMetrix ⎯ without mentioning the value of an “independent
assessment” by EcoMetrix that is based on data provided by the Uruguayan Government.
31. No, let us take the monitoring provided by Uruguay’s very own Obras Sanitarias del
Estado ⎯ the OSE ⎯ the national State Water Works. In its new documents provided on
15July2009, Uruguay gave you some of OSE’s monitoring data, but it was outdated: they gave
you the figures from April2007 to November2008. Why did they not give you the figures from
November 2008 to 13 May 2009, the period that covered the algal bloom, even though those
figures were available in Spanish on OSE’s website 32? Curious also that, when they dumped a load
of new documents on us two weeks ago, they di d not include the updated OSE material. And you
are about to find out why. We are happy to provide you with the material, it is in the judges’
folder, in Spanish and in English translation.
32. [Plate on, showing location of sampling point ⎯ to do with Esteban.] Now, the first
point is, where do these figures come from? The OSE results come from the monitoring point
located at the drinking water supply intake pipe for Fray Bentos. You can see that on the screen
32
www.ose.com.uy/a_monitero_fray_bentos.html. - 29 -
now, in blue. And what you see next to it on the left in red is the waste water discharge point for
Fray Bentos. The point that is important here, is that it is located upstream of the Fray Bentos
waste water discharge pipe, but just 3km south of Botnia, 70metres offshore. [Plate off.] Now,
the latest OSE data shows the results of monitori ng in two tables. The first table deals with the
pre-operational period, hopefully set out, from 19 April2007 until 6November2007; the second
table deals with the post-operational peri od, from 13November2007 until 13May2009.
Professor Boyle says that CARU standards are not being violated by BOTNIA, these figures show
that they are and they also show that BOTNIA’s effluents are increasing significantly the levels of
violations. Let us just take two parameters in the time available.
33. The first parameter is dissolved oxygen. Now, dissolved oxygen is a measure of the
amount of oxygen that is dissolved into the river wate r. It is one of those parameters in which you
are looking for a high figure: the higher the figure, the more dissolved oxygen in the river, the
better its ecological status; the lower the figure the gr eater the level of harm to the river. I do not
need to tell you that dissolved oxygen in the river is vital for the life of the river; reduce the
oxygen levels and fish and plants die off and the river’s ecology changes. It is vitally important,
and it is connected to eutrophication. Let us start with the CARU standard. [Plate on.] CARU, as
you will see on the left-hand side, requires there to be at least 5.6milligrammes of dissolved
oxygen in every litre of the river’s water. In the pre-operational period, you can see that already
the average value was below that level ⎯ 4.9milligrammes, already some 12percent below
CARU standards. What happens during the operationa l period? We see that the average has fallen
to 3.8 milligrammes, now more than 30 per cent below CARU standards. And a drop is also shown
33
in ProfessorColombo’s measurements, at levels that also violate CARU standards . Botnia’s
chemical and biological discharges are taking oxyge n out of the water, they are causing the levels
of oxygen to drop. You will see also on the chart maximum values ⎯ that means the highest
recorded values during the period ⎯ and you will note, and we do with some concern, that those
highest recorded values have dropped in the pre- operational period of 8 milligrammes per litre, to
6.3 milligrammes per litre, that is ju st above CARU standards. That is a clear violation of CARU
3New Documents Submitted by Argentina, 30 June 2009, Chap.3, see Executive Summary, para.2, and
Sec. 3.2.3. - 30 -
standards. There is the evidence for you, and it is also a clear sign that ecological change is on the
way. [Plate off.]
34. The second parameter is phenolic substances. [Plate on.] This is a different example.
Here, there were no pre-existing violations, the Botnia plant has caused violations to occur. In the
first example, of course, the Botnia discharges ha ve caused the violations to become worse. As
you can see on the screen, the CARU standard for phe nolic substances is 1 microgramme per litre.
Now you can see what happened in the pre-opera tional phase. The concentrations of phenolic
substances were less than one, in other words they were so low that they could not be detected,
either as an average or even as a maximum value. What has happened since the plant went into
operation? First you have got the averages, 3microgrammes per litre. Now that is already three
times higher than CARU standards. And now look at a headline figure ⎯ maximum values:
20.7 microgrammes per litre. Phenolic substances have reached levels that are 20 times higher than
CARU standards, that is a 2,000 per cent exceedance. [Plate off.]
35. Now let us look to a third parameter, phosphorus. And this was a subject on which
ProfessorBoyle was notably skittish. He accepted that phosphorous levels were “too high” even
34
before the plant began to operate . In fact, as we have said, both Parties agree, the river’s waters
were eutrophic when Uruguay first authorized the plant on 14February2005 ⎯ that is why this
plant would never have been authorized in any European Union member State. ProfessorBoyle
was eager to tell you that there were no CARU standards on phosphorus, and he even suggested
35
that this was due to Argentina’s actions . Actually, I can correct him ⎯ it was Uruguay that
stopped the adoption by CARU of standards on phos phorus, and it did so rather recently. In 2005
36
Argentina proposed adding phosphorus standards to the CARU Digest . The following year
Uruguay blocked the proposal because it was included in another proposal that would have
committed CARU to take a holistic ecological approach to its activities ⎯ an attitude that Uruguay
34
CR 2009/16, p. 33, para. 52.
3CR 2009/18, p. 16, para 13.
3See CARU Minute 05/2005, Report No. 253 of the U ndercommission of Water Quality and Pollution
Prevention, p.1032, attaching as Annex C a report by the Argentine delegate Lucio Janiot recommending that
phosphorous standards be included in the Digest, pp. 1042-1045. - 31 -
did not wish to subscribe to 37. What ProfessorBoyle could not quite bring himself to say,
however, was that the levels of phosphorus were not only “too high” but that they violated
Uruguay’s standards, which they do. He told you that since the plant went into operation the levels
of phosphorus in the river have not increased. That is not true. We have provided the figures from
Professor Colombo’s monitoring that shows that le vels of soluble reactive phosphorus (SRP) have
increased, and that ProfessorWheater has explaine d why Mr.Reichler’s efforts to minimize this
data reveal an evident difficulty in dealing with more data on that side of the river. But we do not
need to rely on Professor Colombo’s figures, we can again rely on the OSC’s figures, on Uruguay’s
figures.
36. What do these show? [Plate on.] Well, let us begin with Uruguay’s limits. On the
left-hand side you can see Uruguyan Decree 253/79 sets maximum limits for phosphorus of
0.025milligrammes per litre. OSE figures show a pre-operational average of phosphorus in the
waters off the Botnia plant of 0.08 milligrammes per litre, already more than three times above
Uruguay’s limits. What happens after operations begin? The averages go up. Levels increased to
0.09 milligrammes per litre. And that is a 12 pe r cent increase on pre-operational levels, but more
to the point, the 0.01 increase is almost 50 per cent of the limit that is permitted by Uruguay’s own
law. So on what basis does Professor Boyle stand before you and tell you that there have been no
increases in phosphorous levels? The increases b ecome even more dramatic when you look at
maximum values. Pre-operation, the maximum values of phosphorus were 0.109 milligrammes per
litre, that is to say, four times above Uruguay’s maximum permitted limit. What happens after the
plant begins to operate? The maximum value in creases to 0.54 milligrammes per litre. That is
more than 20 times higher ⎯ 20 times higher ⎯ than Uruguay’s own limits. So I ask counsel for
Uruguay, how they can say, with a straight face, that there have been no increases ⎯ no
increases ⎯ when their client’s own figures say otherwise? How can they say ⎯ in relation to
dissolved oxygen and phenolic substances ⎯ that there are no violations of CARU standards?
How can they stand before you and say that, when there are abundant and increasing violations of
3See CARU Minute 07/2006, Report No. 264 of the U ndercommission of Water Quality and Pollution
Prevention, p. 02442. - 32 -
those standards? You can sort of already hear th e refrain of the anti-Edith Piaf song: “Oui, je
regrette beaucoup encore une fois, je n’avais pas l’information . . .” [Plate off.]
37. It has to be said that consistency is not a defining feature of Uruguay’s case. Nor is
clarity. In fact, it often seems that Uruguay and its counsel simply do not know what is coming out
of this plant. Their approach to the emblematic issue of nonylphenols illustrates the point. We all
heard ⎯ we all heard Mr. Reichler last week: he told the Court that Uruguay was “convinced” that
there “is” no use of nonylphenols ⎯ note that he did not say there “has never been” any use of
nonylphenols. And then he went on to say, if Botnia is using nonylphenols, Uruguay will put a
stop to it38. That was a very telling remark. He does not have a clue. They do not know what is
coming out of the pipe. This Court decides cas es on the basis of evidence, not on the basis of
conviction. The evidence is overwhelming ⎯ overwhelming ⎯ that Botnia has used nonylphenols
and may still be using nonylphenols. Separately, there have also been dramatic increases in
phenolic substances, three times above permitted CARU levels. Uruguay has never provided any
explanation as to how it gets the lipophilic s ubstances out of the eucalyptus wood chips. Two
weeks ago I invited them to provide a detailed acc ount of all the chemicals the plant uses in its
cleaning processes and has used since 2007. Have they given it to us? No! Have they given it to
you? No! On that, at least, there is a certain consistency, since Argentina has long been asking for
information of this kind and it has long not been available. In fact, in October 2005, in the course
of the GTAN process, Argentina requested inform ation relating to “the production process of the
Botnia project”. Uruguay responded as follows: “[ B]y virtue of the fact that the information
available to the Argentinian delegation is the same that is available to the Uruguayan delegation,
the request had to be forwarded to the company. No corresponding response has been received to
39
date.” In January2006 Uruguay admitted the info rmation requested by Argentina had been
requested from Botnia but said only that “[Botnia] had responded according to the progress of their
40
project” . No information, we are still waiting for it.
3CR 2009/17, p. 24, para 28.
39
CMU, Anns., Vol. V, Ann. 145, Sec. V.
4CMU, Anns., Vol. V, Ann. 154, p. 2. - 33 -
The Court will have detected ⎯ four years on ⎯ a persistent pattern: regretfully, the information
is not available to me, Botnia has it but the State does not. But reading statements of this kind one
might almost be drawn to the unhappy inference th at Uruguay has, in effect, just handed over the
management of this issue ⎯ and the management of the River Uruguay ⎯ to Botnia. So imagine
our surprise last week when we read an inte rview from a leading Uruguayan politician, a former
cabinet minister who is now the governing party’s leading candidate to succeed to the presidency.
What does he say? Let me quote: “The waters of the River Uruguay are the responsibility of the
Finns.” That is what Jose Mujica said two weeks ago: “The waters of the River Uruguay are the
responsibility of the Finns. They are not the r esponsibility of the Uruguayan efficiency or the
Argentinian efficiency.” And he went on: “The Finnish are not clumsy, they are very careful and
41
care [about the environment], much more than any of us.”
38. Mr.President, it seems that he was not speaking in jest. The Government of Uruguay
does not know how this plant operates and is unable to obtain the information from Botnia. That is
why the lawyers on that side of the room keep ge tting into such difficulty, as they do, for example,
on nonylphenols and on other matters.
39. Mr.President, it is plain that the Botnia plant is causing harmful pollution.
Professor Colombo has provided overwhelming eviden ce to show that the algal bloom was caused
by the Botnia plant. Uruguay had nothing to say ⎯ nothing ⎯ about the presence of eucalyptus
fibres and nonylphenols and coliforms associated with pulp mills in the algal blooms. Uruguay had
nothing to say about the presence of cells in nu mbers that vastly exceed CARU standards. And
Uruguay’s own account of the source of the algal ex plosion has been thoroughly dismantled: they
failed to take account of reverse flow issues; they do not understand the data; they knew nothing
about reverse flow, it turns out, and, if they did, they did not pass it on to their own counsel or to
the IFC; they have got the wind direction wrong; they have underestim ated the occurrence of
serious odour events; and now we learn that they cannot even interpret satellite data properly; they
find chlorophyll where there are sediments. These are pretty serious failings for any State; they do
suggest an inherent latent difficulty with scientific and technical matters.
4El País , 16Sep. 2009 (available at: http://www.elpais.com.uy/090916/ pnacio-442324/politica/argentina-
turismo-y-las-pasteras-son-incompatibles. - 34 -
40. Mr. President, you do not have to take the step of applying European Union law. I have
shown you the clearest evidence that the plant is using and is discharging harmful pollutants that
have resulted in violations or fu rther and greater violations of CA RU standards. That is the case
for dissolved oxygen, for phenolic substances, on o ccasion for algae too. It is also the case for
phosphorus, by reference to Uruguay’s standards. There are many other examples I could give.
On Professor Boyle’s approach this is all we have to show to persuade you on our Article 41 case,
and we have shown it plainly. There is no way around the evidence. Let us take Professor Boyle’s
words and let us invert them: “[I]t can be presu med that water that does not meet CARU standards
is polluted and effluent discharges that cause thes e standards to be exceeded or further exceeded
42
are harmful to the aquatic environment.” With these discharges, with these violations of CARU,
of Uruguay standards, of European Union standard s, and with the consequential algal bloom, the
diminishing levels of oxygen, also comes the ecological change that Article36 commits Uruguay
to avoid absolutely.
V. Conclusions
41. Mr.President, Members of the Court, that brings me to my conclusion. Uruguay has
made much of its entitlement to exercise its right of sovereignty. Those rights are not, however,
absolute. We can put it no better than did the arbitral tribunal in the Iron Rhine case, which ruled
that a State “may exercise its right of sovereignty... unless this would conflict with... treaty
rights”43. In the present case the treaty rights are t hose set forth in the 1975Statute, and they
include Argentina’s rights not to be subject to pollu tion in violation of Article 41, and the right to
hold Uruguay to its obligation to co-ordinate thr ough the Commission to avoid “any change in the
ecological balance”. As has been aptly written, the Court has rejected the argument that
“obligations assumed under a valid ly concluded treaty can no longer be observed because they
have proved inconvenient” ( Gabčíkovo-Nagymaros Project (Hungary/Slovakia), Judgment, I.C.J.
Reports 1997, separate opinion of JudgeKoroma, p.144). The procedural obligations which we
say have been violated are not an end in themse lves; they are a means to achieve, amongst other
42
CR 2009/18, pp. 13-14, para. 7.
4Arbitration regarding the Iron Rhine Railway, Belgium/Netherlands, Arbitral Award, The Hague, 24 May 2005,
Chap. V, para. 160. - 35 -
commitments, those set forth in these two Articl es, and, of course, to achieve “optimum and
rational utilization” of the river. If those obligations had been followed then the kinds of issues on
which Uruguay has got itself into such difficulty ⎯ the magnitude of reverse flow, the violation of
CARU standards ⎯ might well have been avoided. The fact that those obligations were not
followed can have no impact on the continued currency and effect of Articles 36 and 41.
42. Mr. President, we have all come to appreciate the singular importance of this case. At its
heart lies the well-being of an important river. The propensity of counsel for Uruguay to overstate
their case has now put them in considerable difficu lty. For five years Uruguay proceeded on the
basis that reverse flow was rare. Since last week they would have you believe they proceeded on a
different basis. The case they have pleaded says otherwise. “The only thing worse than being
talked about is not being talked about,” Oscar Wilde once said ⎯ and they never talked about a
29percent reverse flow figure. Uruguay simply did not take it into account. And that failure
means they have brought themselves into violati on of Articles36 and 41. It also means that
Botnia’s effluents have been taken upstream wh ere they are now accumulating: phosphorus and
phenolic substances ⎯ way beyond limits ⎯ , dissolved oxygen levels falling. A few months ago
Botnia’s polluting discharges caused a massive, unprecedented toxic algal bloom. The evidence
shows the plant is discharging ⎯ has discharged ⎯ banned nonylphenols. No doubt in our
view ⎯ no doubt at all ⎯ that Articles 36 and 41 have been violated and they are being violated on
a daily basis. If those provisions are to mean anything, then it is the responsibility of this Court to
stop the discharges, at this location at least. That is a historic responsibility, but it is one that
44
requires the Court to do no more than is required by Uruguay’s own law , namely to stop all the
discharges from this plant into this section of the river. The historic responsibility now falls to you,
Mr.President and Members of the Court: you can allow the discharges to continue, with all the
ensuing damage that we are told will now follow, or you can stop them.
4See DINAMA, Environmental Impact A ssessment Report for the Botnia Pl ant, 11 Feb. 2005, CMU, Vol. II,
Ann.20, para.8, Conclusions and Recomme ndations, p.33 states: “23. The operati on of the project shall not cause, in
any place of the coast located downstream the effluent, or in OSE’s raw water pump, values exceeding those established
in the following table in relation to parameters of water quality.” (Emphadded.) A level of 0. 5 µg/L is set for
phenolic substances, which is now greatly exceeded. The document goes on to state:
“In case the discharge of effluents of the project causes that the values of water quality parameters
exceed those values indicated in the previous chart, the proponent could only continue with the discharge
if he/she extracts from the receiving body an amouequivalent to the increase, above the permissible
maximum value of the parameter, which causes the discharge he/she is carrying out.” (Emphasis added.) - 36 -
43. Mr. President, Members of the Court, that concludes my submissions this morning. Just
before closing I would like to thank all members on the Argentine team for the really tremendous
assistance they have provided me over the course of the last three years, on scientific and technical
matters in particular, but also legal matters, a nd my excellent colleague Kate Cook for all of the
work she has done over the past three years. I thank you once again for your kind attention, and
invite you to call to the bar Professor Marcelo Kohen.
The VICE-PRESIDENT, Acting President: I thank ProfessorSands for his presentation, et
je passe la parole immédiatement à M. le professeur Kohen pour commencer sa plaidoirie.
M. KOHEN :
VI. LES TENTATIVES URUGUAYENNES DE CONTOURNER
LE STATUT DOIVENT ETRE REJETEES
1. Monsieur le président, Messieurs les jug es, suite à de nombreuses péripéties, l’Uruguay a
finalement choisi sa position à l’égard de l’article 7. Le défendeur a finalement dû accepter qu’il
n’a pas agi conformément à cet article. L’argument de la Partie défenderesse se borne maintenant à
invoquer l’existence de prétendus accords ayant un double but : contourner la procédure du statut et
construire les usines.
2. Il est regrettable de constater que, pour ju stifier cette argumentation, l’Uruguay s’est livré
⎯ quoi qu’il en dise ⎯ à un exercice en règle de démolition du rôle de la CARU dans le système
45
du statut du fleuve . Comme si cette dernière était une coquille vide qui se bornerait à recevoir et
transmettre des notes entre les parties.
e
M 3. Martin a prétendu que ⎯ je cite en traduisant ⎯ «la décision commune de contourner
la CARU n ’a pas été une violation du statut» 4. Partant aussi de cette fausse prémisse, le
professeurCondorelli a opéré un saut procédural spectaculaire, en se plaçant directement à
l’article 12 et prétendant que, par conséquent, il serait inutile «de rouvrir le dossier des obligations
45CR 2009/18, p. 39-48, par. 13-40 (McCaffrey) ; CR 2009/18, p. 49-55, par. 3-22 (Martin).
46Version originale : « the joint decision to bypass CARU was not a violation of the Statute », CR 2009/18, p. 49,
par. 2 (Martin). - 37 -
47
dont les Etats auraient dû s’acquitter envers la CARU» . C’est une manière à peine voilée de
reconnaître que l’Uruguay n’a pas respecté la procédure précédant l’article 12.
4. Ce matin, je vais vous démontrer que les arrangements dont la Partie défenderesse essaie
de se prévaloir n’ont pas du tout la portée qu’elle leur prête, qu’il n’y a jamais eu un accord pour
contourner la CARU et que l’Argentine n’a jama is accepté la construction des usines ENCE et
Botnia. Qui plus est, pour cette dernière usine, tout prétendu accord de la nature de celle voulue
par l’Uruguay serait même matériellement impossible. En définitive, l’Uruguay ne peut échapper
au constat de sa violation flagrante de l’article 7 et suivants du statut.
5. La semaine dernière, nous avons été témo ins des efforts considérables déployés par la
Partie adverse pour brouiller les faits. L’Uruguay a coupé à sa guise le texte de certains documents
dont il s’est servi, tout en ignorant d’autres d’une importance capitale. Je me propose au cours de
cette plaidoirie de rétablir la réalité, telle qu’elle découle du dossier de l’affaire. Chaque fois, je
vais «examiner le contenu réel [des documents] ai nsi que les circonstances dans lesquelles [ils ont
été adoptés]» ( Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête: 2002) (République
démocratique du Congo c. Rwanda), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2006 , par.
49) 48. Monsieur le président, en suivant vos instruc tions, je m’abstiendrai de revenir sur les points
que nous avons développés lors du premier tour de plaidoiries et sur lesquels l’Uruguay est resté
éloquemment silencieux. Ils gardent bien entendu toute leur pertinence. Je me bornerai donc
exclusivement à réfuter les arguments développés par nos contradicteurs la semaine dernière.
6. La situation est simple. Je la résume. D’un côté, il y a un Etat qui décide de ne pas suivre
la procédure du statut et, d’un autre, un Etat qui exige que la CARU soit saisie afin de déclencher la
procédure que les deux Etats ont conventionnellement établie. La CARU, quant à elle, s’est dès le
début placée dans la position qui lui revient: elle a, tant pour l’usine d’ENCE que pour celle de
Botnia, officiellement demandé à l’Uruguay qu’il tr ansmette l’information avant la délivrance des
autorisations 49, mais l’Uruguay n’y a pas répondu. Au contraire, l’Uruguay a délivré les
47CR 2009/19, p. 14, par. 6 et p. 21-22, par. 20 (Condorelli).
48 Essais nucléaires (Australie c. Fr ance), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 269-270, pDifférend frontalier
(Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 573-574, par. 39-40.
49ENCE: Note SET-10413_UR du 17 octobre 2002 (mémoire de l’Argentine (MA), livreIII, annexe12),
noteSET-10617-UR du 21avril2003 (MA, livreIII, annexe 16), noteSET-10706-UR du 15août2003 (MA, livreIII,
annexe 18). Botnia : note SET-11037-UR du 16 novembre 2004 (MA, livre III, annexe 36). - 38 -
autorisations sans suivre la procédure du statut. L’Argentine a, chaque fois, protesté contre ces
faits50. C’est ainsi que le différend est né, et c’est comme cela que le différend s’est aggravé à
chaque fois que l’Uruguay a décidé d’octroyer une nouvelle autorisation sans respecter l’article 7.
7. Les arrangements intervenus en2004 et en2005 avaient pour objet de faire sortir
l’Uruguay de l’unilatéralisme et de le faire revenir au respect du statut, et non pas de blanchir ses
violations. Je vais examiner ces arrangements l’un après l’autre.
A. L’arrangement du 2 mars 2004 visait à faire revenir
l’Uruguay à la CARU
8. Voyons tout d’abord l’arrangement du 2 mars 2004. Monsieur le président, contrairement
e
à ce que M Martin a dit mercredi, je ne vois, évid emment, aucun inconvénient à vous exposer son
contenu. Mais à la différence de M eMartin, je vais vous présenter ce texte dans sa totalité et je
n’oublierai pas d’examiner la première étape conve nue dans cet arrangement . Nous constaterons
que nos contradicteurs aiment brûler les étapes . Je vais me servir du seul texte faisant foi
relativement au contenu de cet arrangement, celui du procès-verbal de la réunion de la CARU du
51
15 mai 2004 .
9. [Projection n o 1.] Le voilà à l’écran, vous pouvez aussi le consulter à l’onglet n o6 de vos
e 52
dossiers. Les Parties ont-elles voulu écarter la CARU, comme l’a dit M Martin ? Pourquoi donc
le texte commun de l’arrangement du 2mars2004 n’apparaît qu’au procès-verbal de la réunion
extraordinaire de la CARU, qui marque la fin de sa paralysie? Cela prouve que l’arrangement
visait à réintroduire le projet d’ENCE au sein de la CARU, et non le contraire. Et pas uniquement
pour un plan de monitoring, comme le prétend l’Uruguay 53. Messieurs les juges, qu’indique cet
arrangement comme premier point? Regardez. Que l’Uruguay devra transmettre l’information
50 CARU, procès-verba1l 1/03, session extraordinaire du 17 octobre 2003 (MA, livre III, annexe 5) ;
note MREU 226/03 du 27 octobre 2003 (MA, livre II, annexe 20) ; CARU, session du 11 mars 2005, procès-verbal 3/05,
p. 7-11, point 3.4 (MA, livre III, annexe 31).
51CARU, procès-verbal1/04 (15mai2004), MA, livreIII, annexe24, p. 169-170. Dossier de plaidoiries,
29 septembre 2009, onglet n 6.
52CR 2009/18, p. 57-59, par. 30-36 (Martin).
53CR 2009/18, p. 59, par. 36 (Martin). - 39 -
concernant la cons truction de l’usine 54. [Fin de la projection n o 1; projection n o2.] Et que
trouve-t-on tout de suite dans le procès-verbal de la CARU après le descriptif de l’arrangement du
2 mars ? Une décision, qui vise précisément à appliquer l’arrangement ministériel, et qui impose à
l’Uruguay de transmettre cette in formation à la CARU à travers sa délégation. Cette information
devra ensuite être étudiée par la CARU avant a pprobation; la CARU fera des propositions, que
l’Uruguay devra examiner avec l’entreprise. Et une fois cette procédure achevée, la CARU sera à
nouveau saisie par l’Uruguay 55 !
10. Plutôt que contourner la CARU, comme l’Uruguay le prétend, on peut certainement
affirmer que l’arrangement du 2mars a, au contrair e, renforcé le rôle de la CARU. [Fin de la
projection n o 2 ; projection n 3.] En réalité, Monsieur le président, Messieurs les juges, la
procédure normale que suit la CARU et que vous voyez reflétée dans le tableau projeté à l’écran est
56
loin de circonscrire cette organisation binationale à la fonction d’une simple «boîte aux lettres»
[fin de la projection n o 3].
11. Voilà donc le véritable contenu de l’arra ngement du 2mars, à la lumière du seul texte
officiel et commun aux Parties. Une minute in terne préparée par un diplomate uruguayen et bien
sûr inconnue de l’Argentine, ou encore des déclarations attribuées par la presse à un diplomate
e 57
argentin sur lesquelles s’appuie M Martin , ne peuvent en aucun cas remplacer le texte du
procès-verbal de la CARU qui seul fait foi. Ils ne constituent rien par eux-mêmes. Par ailleurs, si
le conseil de l’Uruguay voulait vraiment savoir de quelle manière le coauteur argentin de
54“On 2 March 2004 the Foreign Ministers of Argentina and Uruguay arrived at an agreement with respect to the
proper course of action on the topic, namely, the Uruguayan Government shall provide the information related to the
construction of the pulp mill, and in relation to the operational phase of the pulp mill, CARU shall carry out the
monitoring of water quality in compliance with its Statut e.” (CARU, procès-verbal1/04 (15mai2004), MA, livreIII,
annexe 24, p. 170 ; [traduction du Greffe].)
55
“Both delegations reasserted that the Foreign Ministers of the Republic of Argentina and the Republic of
Uruguay agreed on 2 March 2004 that Uruguay shall communicate the information related to the construction of the pulp
mill including the Environmental Management Plan. In this sense, CARU shall receive the Environmental Management
Plans for the construction and operation of the pulp mill pr ovided by the company to the Uruguayan Government via the
Uruguayan delegation. Within the framework of its competency, CARU will consider those, taking into account the terms
included in the aforementioned Ministerial Resolution 342/2003, particularly those terms expressly established by the
Ministry of Housing, Land Use Planning and the Environment, such as actions which require additional implementation
and assessment by the company before approval of those, formulating its observations, comments and suggestions, which
shall be transmitted to Uruguay, to be dismissed or decide d with the company. Once said issues are considered, CARU
shall be again informed.” (CARU, procès-verbal 1/04 (15 mai 2004), MA, livre III, annexe 24, p. 170-171, [traduction du
Greffe].)
56MA, p. 55, fig. 2. Dossier de plaidoiries, 29 septembre 2009, onglet n 7.
57
CR 2009/18, p. 57, par. 30 (Martin). - 40 -
l’arrangement interprétait celui-ci, il aurait pu re garder l’intervention du ministre devant la
o
commission des affaires étrangères de la Chambre des députés le 14 avril 2004 [projection n 4] :
«En ce qui concerne M’Bopicuá [l’usine d’ENCE], l’accord auquel nous avons
souscrit avec l’Uruguay aura trois étap es. La première étape s’achève avec
l’approbation des travaux. Cette étape est du domaine d’une instance spécifique, la
commission du fleuve Uruguay (CARU), à ce stade, l’Argentine recevra l’ensemble
58
de l’information de la part de l’Uruguay.»
[Fin de la projection n 4.]
12. Il est vrai que l’arrangement évoque une deuxième phase opérationnelle et c’est
d’ailleurs la seule qui ait retenu l’attention du conseil de l’Uruguay. Mais mentionner la phase
opérationnelle ne signifie pas qu’elle a été approuvée par avance. Toute interprétation contraire
viderait la première phase de toute substance, à savoir que l’information fournie par l’Uruguay doit
être examinée par la CARU et l’Argentine. Et ceci vaut a fortiori pour la troisième phase, celle des
mesures de contrôle supplémentaires au cas où le projet serait approuvé. Or, Monsieur le président,
et ce «or» est un grand «mais», les Parties ne sont jamais arrivées à ces étapes, parce que l’Uruguay
n’a jamais transmis à la CARU l’information requise par la première phase et donc, celle-ci n’a
jamais pu entreprendre ce qui a été convenu lors de la réunion extraordinaire du 15 mai 2004.
13. Donc, il n’y a pas eu de nouvelle information, pas de possibilité pour la sous-commission
de procéder à des études, pas de possibilité pour la CARU de se prononcer, pas de possibilité
d’envoyer l’avis de la commission à l’Uruguay, pas de saisine ultérieure de la CARU par
l’Uruguay et pas de décision prise par la CARU ouvrant la voie à la suite de la procédure.
14. Nos contradicteurs ont persisté avec le peu d’arguments qu’ils ont pour tenter de justifier
leur comportement. Ils veulent nous faire croire qu’ envisager la possibilité de la construction et de
la mise en service d’une usine signifie automatiquement que cette construction et cette mise en
service aient été acceptées par avance. Mais tout cela, Monsieur le président, doit être le fruit
d’une étude, d’une évaluation et d’une décision ! Par définition, chaque étape est conditionnée par
la conclusion de l’étape préalable. Puisque l’Ur uguay n’a pas permis le franchissement de la
première étape, il ne peut alors prétendre placer l’Argentine dans la seconde étape.
58Procès-verbal de la réunion du minist re des affaires étrangères Rafael Bielsa avec la commission des affaires
étrangères de la Chambre des députés, Buenos Aires, 14 avril 2004. MA, livre VII, annexe 11 (ma traduction). Traduction en
anglais du Greffe : «With regard to M’Bopicuá, the agreemen t we have entered into with Uruguay will have three stages.
The first stage ends with the approval of the works. This stage involves a specific body, the Administrative Commission
of the River Uruguay (CARU), and here Argentina will receive all the information from Uruguay.» (MA, par. 2.30.) - 41 -
15. Clairement, il n’y a même pas eu l’ombre d’un accord pour contourner la CARU.
L’arrangement ne peut non plus être interprété comme une acceptation préalable de la part de
l’Argentine de la construction de l’usine, ce qui supposerait que l’Argentine ne se soucierait pas du
résultat de l’examen de l’information requise. Ceci serait contraire au but même de l’évaluation
d’un projet. Permettez-moi, Monsieur le prési dent, de faire une comparaison avec le monde
académique. Que notre règlement d’études prévoi e plusieurs étapes en vue de l’obtention d’un
diplôme ne signifie nullement que nous ayons d’ores et déjà accepté que tous nos étudiants
décrocheront leur diplôme, quoi qu’ils fassent. Ou bien que nous sachions par avance que leurs
examens seront brillants et que leurs travaux de recherche seront excellents.
16. Mais revenons au fleuve Uruguay, Monsieur le président, ou plutôt à son statut et à
l’arrangement du 2mars qui n’ét ait qu’une modalité de sa mise en Œuvre. Il fallait donc
transmettre l’information à la CARU et il fallait «l’approbation des travaux». Avec l’arrangement
du 2 mars, on en est toujours resté à l’article 7 du st atut. Et c’est l’Uruguay qui a décidé de ne pas
franchir la première étape. Tout au long de l’année2004, le ministre Bielsa a rappelé à son
homologue Opertti l’engagement que l’Uruguay avait pris: il l’a fait en juillet, lors d’un sommet
du MERCOSUR, en août, lors d’une réunion du groupe de Rio, et en novembre, lors du sommet
ibéro-américain de SanJosé de Costa Rica 59. L’Uruguay, en la personne de son ministre des
affaires étrangères d’alors, n’a pas tenu parole. Et je vous rappelle ⎯ et sur ce point il n’y a pas de
divergence entre les Parties ⎯ que durant toute l’année 2004 et le premier trimestre2005 ENCE
60
n’avait pas commencé la construction de son usine .
17. Il n’y a donc rien à reprocher au comportement argentin. Il n’existe pas non plus de
possibilité de déduire une quelconque acceptation argentine de quoi que ce soit. Il existait un
arrangement, la CARU attendait l’information uruguayenne, les travaux n’avaient pas commencé
et l’Uruguay n’a rien fait.
18. Le conseil de l’Uruguay s’est référé à la documentation que l’Uruguay a transmise à
61
l’Argentine en octobre et en novembre 2003 . Il aurait pu constater que , bien que la protestation
59
Affidavit de M. Rafael Bielsa o26 novembre 2007), réplique de l’Arge ntine (RA), livre II, annexe 42. Dossier
de plaidoiries, 29 septembre 2009, onglet n
60
CR 2006/47, p. 46, par. 13 (Reichler).
61CR 2009/18, p. 55-56, par. 25 (Martin). - 42 -
argentine ait invoqué l’article 7 du statut, l’Uruguay a justifié la transmission de cette information
uniquement au titre de «l’esprit de coopération et de cordialité entre bons voisins», ignorant
62 e
totalement l’application du statut . M Martin a prétendu que l’Uruguay ne pouvait pas
transmettre l’information relative à l’usine d’ ENCE à la CARU car celle-ci était à l’époque
«paralysée» 63. Mais cette paralysie résultait du refus uruguayen d’accepter la compétence de la
CARU à l’égard du projet d’ENCE! C’éta it la volonté de l’Uruguay et non une quelconque
incapacité. L’Uruguay avait évidemment tout loisir de transmettre l’information, mais ne l’a pas
voulu. Je vous donne un exemple probant à cet égard: ce fut l’Argentine, durant la période de
«paralysie», en février 2004, qui a transmis à la CARU l’information reçue sur le projet d’ENCE,
et qui a demandé sa remise à la sous-commission pertinente pour son étude 6. Le conseil du
défendeur pourra peut-être, jeudi ou vendredi, n ous expliquer pourquoi l’Uruguay n’a pas pu faire
de même.
e
M19. Martin a prétendu par la suite qu’un si mple rapport interne de deux conseillers
techniques argentins, mentionné dans une réponse du chef du cabinet des ministres datant de
février 2004 à une question posée par un législateur, pouvait équivaloir à l’absence d’objection au
65
projet, dans le sens de l’article9 du statut ! C’était très téméraire de sa part et le conseil
uruguayen en était conscient puisqu’il a utilisé le conditionnel. Voyons la réalité des faits.
20. Nous sommes en février 2004, ces consultants techniques, agissant à titre purement
individuel et n’engageant qu’eux-mêmes, ont fait un premier commentaire de l’information alors
disponible, qui comme nous le savons bien, n’était pas suffisante, car sinon, l’arrangement de
mars2004 n’aurait pas inclus l’exigence de l’e nvoi d’information supplémentaire. Mais si
l’Argentine s’était satisfaite de l’avis de ses cons ultants, pourquoi a-t-elle exactement à la même
époque demandé à la CARU de transmettre l’information à la sous-commission pertinente pour son
évaluation, afin de déterminer si le projet pouvait affecter la qualité des eaux, tout en mentionnant
62
MA, livre II, annexe 21 ; contre-mémoire de l’Uruguay (CMU), vol. III, annexe 55.
63CR 2009/18, p. 55, par. 24 (Martin).
64Note du président de la délégation argentine au président de la CARU du 23 février 2004. Reproduite dans:
CARU, procès-verbal 1/04 (15 mai 2004), MA, livre III, an nexe 24. Dossier de pl aidoiries, 29 septembre 2009,
onglet n 6.
65CR 2009/18, p. 56-57, par. 26-29 (Martin). - 43 -
explicitement l’article7 du statut 66? Non, Messieurs les juges, nous sommes très loin d’une
quelconque approbation par l’Argentine et les vaines tentatives de nos contradicteurs de vous
placer à un stade ultérieur de la procédure n’ont aucune valeur. Ceci est également valable pour
l’avis de l’un des délégués argentins, qui se prononce à nouveau sur la base de la seule information
67
disponible à ce moment-là .
21. Monsieur le président, le conseil urug uayen aurait pu lire avec plus d’attention le
procès-verbal de la CARU du 15 mai 2004. Il aurait trouvé par exemple que le président de la
délégation argentine a relu la note du 23 février 2004 dans laquelle il fait rése rve de l’article 7, et
insiste que la documentation n’est pas complè te et que la CARU doit remplir ses fonctions 68. Il
aurait pu constater que le délégué argentin, M. Rodr íguez, après avoir signalé l’effet préjudiciable
d’une telle usine pour Ñandubaysal et pour le fleuve en général, a rappelé que l’Argentine avait
69
protesté contre le non-respect du mécanisme de consultation prévu par l’article 7 du statut ; et que
le délégué argentin, M. Rojas, a souligné le caractè re fondamental de l’article 7 et suivants, tout en
affirmant la nécessité de prendre en compte «d’autres alternatives de développement qui pourraient
se voir affectées lors de la construction et de la mise en service ultérieure de Celulosas de
M’Bopicuá» 70 (ENCE).
o
22. Le conseil de la Partie adverse aurait également pu constater [projection n 5] que le
délégué uruguayen, M. Cardoso, tout en saluant le rapprochement de points de vue intervenu entre
les deux ministères a estimé, après avoir rappelé la divergence d’opinions des deux délégations sur
des questions techniques liées au projet, que cet arrangement «aidera à résoudre le différend»
71
(«facilitará el camino para superar la controversia») ⎯ si vous me permettez, Monsieur le
président, d’employer quelques mots de ma langue maternelle. [Fin de la projection n o 5.]
66Note du président de la délégation argentine au président de la CARU du 23 février 2004. Reproduite dans:
CARU, procès-verbal 1/04 (15 mai 2004), MA, livre III, annexe 24, p. 147-148.
67CR 2009/18, p. 56-57, par. 28 (Martin).
68CARU, procès-verbal 1/04 (15 mai 2004), MA, livre III, a nnexe 24, p. 147-148 et 153. Dossier de plaidoiries,
29 septembre 2009, onglet no 6.
69CARU, procès-verbal 1/04 (15 mai 2004), MA, livre III, annexe 24, p. 161-164. Dossier de plaidoiries,
29 septembre 2009, onglet no 6.
70Ibid, p. 164-165. Dossier de plaidoiries, 29 septembre 2009, onglet n 6.
71 o
Ibid, p. 167 ; les italiques sont de nous. Dossier de plaidoiries, 29 septembre 2009, onglet n 6. - 44 -
23. Tout cela est concluant, Monsieur le président : l’arrangement du 2 mars 2004 a mis fin
au différend relatif au fait de savoir si la CA RU était ou non le lieu d’évaluation du projet
d’ENCE, mais n’a pas mis fin au différ end concernant le projet lui-même.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président: Monsieur le professeur, je crois que
c’est le moment opportun de vous interrompre afin que la Cour puisse prendre une pause. Et, je
crois que nous n’avons que dix minutes. The hearing is suspended for 10 minutes.
The Court adjourned from 11.30 a.m. to 11.40 a.m.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Veuillez vous asseoir. L’audience est
reprise et la parole est à M. le professeur Kohen.
M. KOHEN : Merci, Monsieur le président.
B. Il est matériellement impossible que l’Argentine ait approuvé
le projet de construction de l’usine Botnia
24. Je passe maintenant au point qui me semble être celui sur lequel les avocats et conseils
de la Partie uruguayenne ont fait preuve de plus d’imagination: à savoir, les prétentions selon
lesquelles l’Uruguay «n’aurait pas violé l’article 7» en ce qui concerne Botnia et que l’Argentine
72
aurait accepté la construction de cette usine . Vous aurez remarqué la formule choisie par nos
contradicteurs. Ils n’affirment pas que «l’U ruguay a respecté ses obligations découlant de
l’article7», mais que «l’Uruguay n’a pas violé» cette disposition. Pour ce faire, les conseils
uruguayens ont invoqué deux choses: l’extension de l’arrangement du 2mars2004 à l’usine
Botnia et l’arrangement de mai 2005 créant le GTAN. Aucun des deux arrangements ne permet
73
d’arriver à une pareille conclusion .
25. Au fond, l’argument avancé par la Par tie défenderesse pour invoquer un prétendu accord
argentin à la construction de l’usine Botnia est de nature grammaticale. Il s’agit de l’emploi du
pluriel «usines» (avec un «s») dans un certain nombre de documents argentins ou dans l’appellation
72
CR 2009/18, p. 47-48, par. 38-40 (McCaffrey) ; CR 2009/18, p. 60-63, par. 40-49 (Martin).
73CR 2009/14, p. 14-17, par. 11-19 ; p. 19, par. 24 (Kohen). - 45 -
74
du PROCEL . En ce qui concerne ce dernier, nous nous sommes déjà référés lors du premier tour
pour démontrer qu’il ne peut pas être perçu comme une acceptation de l’installation des usines et je
75
vous y renvoie respectueusement .
26. Revenons au pluriel «usines» trouvé par l’Uruguay dans quelques documents. Monsieur
le président, s’il s’agit d’étendre l’arrangement du 2 mars 2004 à l’usine Botnia, l’exercice s’avère
inutile pour l’Uruguay: nous avons déjà vu la véritable port ée de cet arrangement, qui impose
l’obligation de soumettre tout projet industriel d’une telle ampleur à la procédure de consultation
préalable au sein de la CARU. Si l’Uruguay l’avait appliqué, il aurait dû soumettre le projet Botnia
à la CARU. Je dirai qu’en délivrant l’autorisation à Botnia le 14février2005, l’Uruguay a
malheureusement mis fin à cet arrangement, car il est à nouveau revenu à la situation préexistante
qui avait généré cet arrangement.
27. Mais supposons un instant, arguendo, que nos amis uruguayens interprètent correctement
l’arrangement du 2 mars 2004 et que celui-ci ait mis fin au différend concernant l’installation et la
mise en service de l’usine d’ENCE. Les documents utilisant le terme «usines» au pluriel sont tous
antérieurs à la date à laquelle l’Argentine a pr is connaissance de l’autorisation délivrée par le
76
Gouvernement uruguayen le 14février2005 . A ce moment-là, il ne pouvait pas y avoir de
différend concernant l’usine Botnia, tout simp lement parce que l’Urugua y n’avait pas encore
autorisé la construction de l’usine sans avoir préalab lement suivi la procédure du statut. Messieurs
les juges, comment peut-on mettre fin à un différend qui n’existe pas encore ?
28. Monsieur le président, il est purement et simplement impossibl e que l’Argentine ait
accepté la construction de l’usine Botnia comme le prétend l’Uruguay. Au fond, le défendeur vous
propose la thèse selon laquelle l’Argentine aurait accepté la construction de Botnia avant même de
recevoir toute l’information la concernant. Et ce n’ est pas tout! L’Argentine l’aurait fait avant
que l’Uruguay accepte lui-même une telle construction !
29. Tout à l’heure, je vous ai parlé de mes étudiants et de notre règlement d’études. J’avais
en effet à l’esprit nos étudiants déjà immatricul és. Permettez-moi, Monsieur le président, de
74
CR 2009/18, p. 60-61, par. 42-44 (Martin).
75
CR 2009/14, p. 17, par. 17 (Kohen) ; CR 2009/15, p. 41-43, par. 13-17 (Müller).
76Voir CARU, procès-verbal 08/04 (12 novembre 2004), MA, livre III, annexe 28 ; CMU, vol. IV, annexe 108. - 46 -
poursuivre la comparaison. Avec l’interprétation uruguayenne relative à l’usine Botnia, je devrais
maintenant faire attention avec nos étudiants poten tiels, car il arrive qu’ils me contactent avant
même de postuler à notre institut. Et s’ils suivent la thèse de l’Uruguay, je crains qu’ils ne viennent
demain nous demander leur diplôme ⎯ et ceci avant même d’envoyer leur dossier de candidature !
C. L’Uruguay a reconnu ne pas avoir respecté la procédure
du statut de 1975
30. Messieurs les juges, il devient évident à ce stade que les faits sont très différents des
prétentions uruguayennes. Dès que l’Argentine a pris connaissance par la presse des rumeurs
relatives à l’autorisation de construction de Botnia , elle a signalé auprès de la CARU qu’une telle
autorisation serait contraire à l’article 7 du statut 77. Une fois l’information confirmée, l’Argentine
78
a protesté aussi au sein de la CARU et a signalé la violation de cette obligation . A chaque fois,
l’Uruguay n’a pas réagi. Ou plutôt si. Une fois : pour confirmer exactement la thèse argentine.
31. En effet, ce qui s’est passé à la réunion de la CARU du 6 mai 2005 revêt une importance
fondamentale à l’égard de l’attit ude des Parties par rapport à Botn ia, mais aussi à l’égard de
l’ensemble de la procédure.
32. Pour cette raison, je vous prie d’accepter la longue citation suivante du président de la
délégation argentine : [projection 6].
«[I]l est inévitable de remarquer que le mécanisme de consultation préalable n’a
pas été respecté, et cela est grave. La CARU a envoyé des notes aux organismes
uruguayens compétents ⎯démarches pour lesquelles l’Argentine exprime ses
remerciements ⎯ en demandant de l’information complémentaire concernant le projet
M’Bopicuá, et elle a requis l’envoi de la même information concernant Botnia. Nous
regrettons qu’il n’y ait pas eu de réponse. Nous regrettons aussi que le système de
consultation prévu dans le statut du fle uve Uruguay ne fonctionne guère, et que la
CARU ne puisse donc pas compter sur ce mécanisme. L’intention de notre délégation
est d’insister à nouveau sur ce sujet qui affecte de manière sensible les différentes
communautés vivant sur la rive argentine du fleuve Uruguay, étant évident que la rive
uruguayenne souffrirait aussi de ces effets. Il est évident que la violation du statut
relativement au mécanisme de consultation préalable (art. 7 et suiv.) doit être prise au
sérieux. Il est évident que si cette situation se poursuit, il faudra déclencher les
procédures prévues dans le statut afin de régler les différends sur l’application des
normes stipulées dans ce traité. Je souhaite faire remarquer que nous nous réservons
nos droits sur ce point-là. Nous lançons un nouvel appel à la délégation uruguayenne
77CARU, procès-verbal 3/05 (11 mars 2005), MA, livre III, annexe 31. Dossier de plaidoiries, 29 septembre
o
2009, onglet n9.
78CARU, procès-verbal 5/05 (6 mai 2005), MA, livre III, annexe 32. Dossier de plaidoiries, 29 septembre 2009,
onglet n 10. - 47 -
pour qu’elle accomplisse la consultation préalable par rapport à Botnia SA, afin que la
CARU et en particulier la délégation arge ntine puissent analyser si les ouvrages
projetés peuvent avoir des effets e nvironnementaux nécessitant des mesures
79
correctives en conformité avec le statut du fleuve Uruguay.» [Fin de la
projection 6.]
33. Voilà qui est clair. Tout comme la répon se dépourvue de toute ambiguïté de la part du
président de la délégation uruguayenne [projection 7]: «les faits sont te ls que M.l’ambassadeur
[García Moritán, président de la délégation argen tine] les a présentés» («los hechos han sido así
como los ha relatado el Sr. Embajador» 80) [fin de la projection 7].
34. L’Uruguay a donc reconnu, par l’intermédiaire du président de sa délégation à
l’organisation binationale compétente, qu’il n’a pas transmis l’information à la CARU, ni suivi le
mécanisme de consultation préalable à l’autori sation de construction, malgré les demandes
formulées par celle-ci et ainsi que l’exige le statut de 1975.
D. Le GTAN n’a en rien blanchi le comportement illicite uruguayen
35. Je passe maintenant à la thèse avancée notamment par le professeurLuigiCondorelli
suivant laquelle la constitution du GTAN impliquerait le blanchiment du comportement illicite
uruguayen. L’idée est que les deux gouvernements au raient décidé de discuter de la question des
81
usines de pâte à papier à un niveau plus élevé que celui de la CARU .
36. Permettez-moi tout d’abord de placer la constitution du GTAN dans son contexte
chronologique. Au début mars 2005, le nouveau gouvernement du président Tabaré Vázquez a pris
ses fonctions en Uruguay. Comme je l’ai rappelé, l’ancien gouvernement a délivré l’autorisation à
79 Ibid. (ma traduction). Traduction du Greffe en anglais :
«However, we must mention that the prior cons ultation mechanism was not observed, and this is
serious. The CARU has sent Notes to the releva nt Uruguayan bodies, and the Argentine Delegation
expresses its appreciation for such steps and requests additional data on the installation of the M’Bopicuá
undertaking, and on Botnia. We regret not having re ceived an answer. We regret to see that the
consultation system provided for in the Statute of the River Uruguay is not being implemented and that
the CARU cannot benefit from such system. It is the intention of our Delegation to raise the issue once
again, as it significantly affects several comm unities on the Argentine coastline on the River Uruguay,
and it is obvious that the Uruguayan coastline will also suffer from such effects. It is obvious that breach
of the Statute as regards the prior consultation syste(Article 7 and following ones) is a very serious
matter. It is obvious that should such situation con tinue, the procedures provide d for in the Statute for
settling disputes concerning the application of rules provided for therein must be triggered. I wish to point
out that we make a reservation of rights in this regard. We once again request the Uruguayan Delegation
to comply with the prior consultation system as regards Botnia S.A. so that the CARU and the Argentine
Delegation in particular, can analyse whether the projected works involve envi ronmental effects that
require corrective measures in accordance with the Statute of the River Uruguay.»
80 Ibid., traduction du Greffe en anglais : «[t]he facts have occurred as Mr. Ambassador [Roberto García Moritán,
President of the Argentine Delegation] has explained».
81 CR 2009/18, p. 45, par. 31 (McCaffrey) ; CR 2009/19, p. 23, par. 23 (Condorelli). - 48 -
Botnia deuxsemaines avant son départ, sans info rmer l’Argentine d’une telle autorisation.
o
[Projection n 8.] A en croire le vice-président uruguayen sortant de l’époque, LuisHierro, le
candidatVázquez avait promis au président ar gentin durant toute l’année2004 que l’Uruguay
n’autoriserait pas la construction des usines de pâte à papier 82. [Fin de la projection n o 8.] Mais
c’est aussi à cette période de l’année 2005 qu’ont commencé les travaux de nivellement du terrain
pour ENCE et ceux de nivellement de terrain et de construction pour Botnia 83.
37. Le professeur Condorelli a invoqué un prétendu «blocage des travaux de la CARU» à ce
84
moment-là qui aurait justifié la création du GTAN . Messieurs les juges, il n’en est rien. Il a dû
se tromper avec la situation existant entre novemb re 2003 et mai 2004. Au premier semestre 2005
la CARU fonctionnait normalement. La preuve est la suivante: les réunions qui ont eu lieu en
mars et en mai2005 au cours desquelles l’Argentine a fait valoir devant la CARU le non-respect
par l’Uruguay de ses obligations découlant des articles 7 et suivants à l’égard de Botnia, réunions
que mon ami et contradicteur a allègrement ignorées.
e
38. Pour sa part, M Martin fait grand cas de la note que le ministreBielsa a remise à son
85
homologue Gargano le 5 mai 2005 . Il est regrettable que le conseil se soit uniquement fié à la
traduction uruguayenne de cette note, qui ne reproduit pas un passage fondamental 86. Il aurait pu,
soit consulter le texte original en espagnol, soit la traduction complète fournie par l’Argentine.
87
J’avais déjà cité cette note la semaine dernière et avait même projeté à l’écran la partie que nos
contradicteurs semblent ignorer. Avec votre indulgence, Monsieur le président, je la projetterai une
o
nouvelle fois [projection n 9] :
39. Comme vous voyez, cette note demande :
a) que l’on envisage la relocalisation des usines,
b) que l’on élargisse l’information fournie à leur égard, et
82
«Hierro Criticized Uruguay’s Foreign Policy», El Espectador, Montevideo, 2juin2009 (New Doouments
Submitted by Argentina, 30 June 2009, Press Articles). Dossier de plaidoiries, 29 septembre 2009, onglet n 11.
83
MA, par. 2.62 ; CMU, par. 1.39 et 3.116 ; RA, par. 2.28.
84 CR 2009/19, p. 13, par. 4 (Condorelli).
85 CR 2009/18, p. 61-62, par. 46 (Martin).
86 Duplique de l’Uruguay (DU), vol. II, annexe R15, dossier de plaidoiries, 29 septembre 2009, onglet n 12.
87
CR 2009/14, p. 19, par. 24 (Kohen). - 49 -
c) que l’on maintienne le statu quo durant cent quatre-vingt jours afin de produire des études
d’impact cumulé sur l’environnement 88. [Fin de la projection n 9.]
40. Messieurs les juges, je ne vois pas ce qui pourrait être demandé de plus à l’Argentine
pour faire valoir ses droits. Le 5mai, elle demande, au niveau ministériel, la suspension des
travaux pendant six mois ainsi que la satisfaction des deux autres conditions que vous venez de voir
à l’écran. Le 6mai elle fait valoir au sein même de la CARU le non-respect par l’Uruguay de
l’article7 et avertit que si l’Uruguay persiste dans le non-respect de la procédure, la voie prévue
par le statut pour le règlement des différends devra être mise en Œuvre ⎯ce qui d’ailleurs
constitue une référence à l’article60 et non à l’article12. Ceci est concluant et dépourvu
d’ambiguïté, Monsieur le président.
41. Je passe maintenant au communiqué de presse du 31mai relatif au GTAN. Comme le
professeurCondorelli l’a affirmé, la création de ce groupe technique a été décidée par les deux
89
présidents le 5 mai . Je viens de vous montrer que l’Argentine proteste le lendemain même devant
la CARU contre la violation de l’article 7 du fait de l’autorisation à Botnia. Preuve accablante que
la création du GTAN n’impliquait pas un contourneme nt de la CARU et ne supposait pas que, par
je ne sais pas quel miracle d’acrobatie diplomatique, les Parties se soient placées à l’article 12 du
statut, comme le conseil du défendeur le prétend ensuite 90.
42. Le même conseil a consacré de nombreuses minutes à éclaircir l’expression «les usines
qui sont en train d’être construites», expression que l’on trouve dans le communiqué de presse. Il
n’y a rien de quoi s’étonner: les travaux avai ent effectivement commencé. Je laisse mon cher
contradicteur LuigiCondorelli choisir la formule qu’il préfère en français car cela ne change
absolument rien. C’était un constat de fait. Un fait que l’Argentine a opportunément contesté.
91
Sans aucun fondement, le conseil urug uayen parle d’un «fait désormais acquis» , formule qui
dissimule mal la volonté constante de l’Uruguay d’imposer le fait accompli. C’est donc vrai que
les travaux de construction avaient déjà débuté en mai2005, Monsieur le président. J’ai montré
88
Note du ministre des affaires étrangères de la République argentine ministre des affair es étrangères de la
Républioue orientale de l’Uruguay (5ma i2005), MA, livreII, annexe22. Do ssier de plaidoiries , 29 septembre 2009,
onglet n 12.
89
CR 2009/19, p. 13, par. 4 (Condorelli).
90Ibid., p. 21-23, par. 20-23.
91CR 2009/19, p. 18, par. 13, voir aussi p. 19, par. 16 (Condorelli). - 50 -
comment l’Argentine n’a pas accepté ce fait et a demandé que l’on arrête les travaux. Et je
demanderai à l’autre Partie un peu de cohérence : après avoir invoqué que les usines étaient en train
d’être construites en mai2005, que l’Uruguay ne vienne plus nous dire que l’autorisation de
construction de l’usine Botnia n’a été délivrée qu’en janvier 2006 92!
43. En somme, l’effort uruguayen déployé la semaine dernière pour faire passer l’accord de
création du GTAN comme un blanchiment de sa condu ite illicite n’a rien donné ; sauf une preuve
supplémentaire que la tentative de l’Uruguay de montrer que l’autorisation délivrée
le 15 février 2005 ne valait pas autorisation de construction n’a aucun fondement.
Conclusions
44. J’arrive à ma conclusion. Au fond, Messieurs les juges, la stratégie de l’Uruguay pour
justifier son non-respect des obligations découlant du chapitreII du statut se réduit à des arguties
sémantiques dépourvues de fondement. Car, s’il étai t vrai que les Parties s’étaient mises d’accord
pour la construction des usines, pourquoi alors n’auraie nt-elles pas choisi la voie la plus simple et
la plus sûre qu’elles avaient facilement à leur di sposition, à savoir une décision de la CARU ? Si,
93
comme l’affirmait le professeurMcCaffey, la «CARU c’ est les Parties agissant conjointement»
ou l’«instrument des deux ministères des affaires étrangères» 94, pourquoi ces dernières ne s’en
seraient pas servi pour mettre véritablement fin au différend concernant les usines de pâte à
papier ?
45. Monsieur le président, la réalité s’impose tout naturellement. Le fait est que l’article7
n’a pas été respecté par l’Uruguay. Le fait est que les arrangements de mars 2004 et de mai 2005
n’ont aucunement eu pour objectif de contourner la CARU, ni de blanchir l’Uruguay de son
comportement illicite, ni de donner un consentement argentin à la construction de l’une ou l’autre
des usines de pâte à papier.
92DU, par. 2.121, 2.124, 3.109, et 3.112 ; 43 (Reichler) ; CR 2009/18, p. 24, par. 42 (Boyle) ; CR 2009/16, p. 16,
par.19 (Gianelli); CR 2009/16, p. 42- 43, par. 14 (Reichler); CR 2009/17, p. 31; CR 2009/19, p. 21, par.19
(Condorelli).
93CR 2009/18, p. 44, par. 27 (McCaffrey). Texte original : «CARU is the Parties ⎯ Argentina and Uruguay ⎯
acting jointly.»
94CR 2009/18, p. 45, par. 30 (McCaffrey). Texte original : «CARU is an instrument of the two Parties’ Foreign
Ministries.» - 51 -
46. Monsieur le président, que reste-t-il apr ès avoir démontré que les arrangements de 2004
et2005 n’avaient en aucune circonstance pour but de contourner la CARU, ni de propulser les
Parties à un stade ultérieur de la procédure prévue pa r le statut ? Ce qui reste, c’est simplement (et
tristement) que l’Uruguay a violé l’obligation de notifier la CARU conformément à l’article 7. Ce
faisant, l’Uruguay a empêché que toute la procédure du chapitreII du statut puisse suivre son
cours. Il a ainsi violé l’ensemble des prescriptions de cette procédure. Les efforts de l’Uruguay
pour prouver que l’on se situait à l’article 8, à l’article 9, à l’article 11 ou à l’article 12 n’ont pas de
sens, simplement parce que jamais les Parties ont atteint l’article7, pas plus qu’elles ont décidé
d’en écarter l’application.
47. Monsieur le président, Messieurs les juges, cela a été un très grand privilège et un
honneur de défendre les droits de mon pays et en même temps, un traité bilatéral modèle conclu
avec nos frères uruguayens. Je vous prie maintenant, Monsieur le président, de bien vouloir donner
la parole à mon collègue et ami Alain Pellet.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président: Je vous remercie, Monsieur le
professeur. Je donne la parole à M. le professeur Alain Pellet.
M. PELLET :
VII. LA REPARATION ET BREF RESUME DE LA THESE A RGENTINE
1. Merci beaucoup. Monsieur le président , Messieurs les juges, il m’incombe, dans un
premier temps, de revenir sur la question de la réparation due à l’Argentine par l’Uruguay du fait
de ses nombreuses et graves violations du statut de1975. Puis, encore plus rapidement, je
résumerai notre argumentation juridique avant que l’agent de la République argentine fasse
quelques remarques conclusives préalablement à la lecture des conclusions finales.
I. La réparation
2. Monsieur le président, les propos tenus deva nt la Cour de céans ne sont jamais purement
académiques 95⎯ même lorsqu’ils le sont par des professeurs (une confrérie à laquelle je me flatte
95
CR 2009/19, p. 44, par. 1. - 52 -
d’appartenir…): ils engagent l’Etat au nom duque l ils sont proférés et c’ est avec l’attention de
l’avocat que j’ai écouté, jeudi dernier, ceux de mon collègue, et confrè re, et adversaire, et
néanmoins ami, LuigiCondorelli. Et plutôt que su ivre un plan «académique» «à la française», je
procéderai par remarques successives d’importance inégale.
3. Première remarque: Elle répond à l’une des considérations préliminaires sur lesquelles
s’est fondé mon contradicteur, selon lequel l’Argent ine oublierait «que le statut contient bien des
normes spécifiques portant sur les conséquen ces des faits illicites. Les articles42 et43
contemplent explicitement l’indemnisation en ta nt que remède approprié en cas de préjudices
causés par la pollution du fleuve en violation du statut» 9. «En violation du statut», ce sont les
quatre mots de trop, Monsieur le président : l’article 42 parle de «responsabilité» dans sa traduction
française («Cada parte será responsable…» selon l’or iginal espagnol) pour la simple raison que ni
le français, ni l’espagnol ne permettent de faire la distinction entre les notions rendues par les mots
anglais responsible d’une part, et liable d’autre part. Les traducteurs du statut en langue anglaise
ne s’y sont pas trompés qui ont rendu de manièr e exacte l’idée sous-jacente à cette disposition par
l’expression : «Each party shall be liable to the other…».
97
4. Comme Daniel Müller l’avait fort bien mont ré lors de notre premier tour de plaidoiries ,
les articles 42 et 43 ⎯ qui figurent pour mémoire sous l’onglet 13 du dossier des juges ⎯ n’ont pas
pour fonction de répondre à une situation comparable à celle qui nous occupe. Il ne s’agit pas de
procéder à l’indemnisation de dommages résultant de la violation du statut par l’une des Parties;
d’ailleurs :
⎯ c’est l’article 43 et non l’article 42 qui parle d’indemnisation ;
⎯ cette disposition (l’article 43 ; c’est sous l’onglet 13) concerne clairement non pas les relations
entre les deux Etats, mais les conséquences de s infractions commises par les utilisateurs et
relevant de la juridiction respective des Parties ;
96Ibid., p. 46, par. 6 (Condorelli).
97
CR 2009/15, p. 41-42, par. 14-16. - 53 -
98
⎯ quant à l’article42, il n’aurait aucun sens utile s’il devait être interprété comme le propose
99
l’Uruguay : «c’est un principe de droit internationa l, voire une conception générale du droit,
que toute violation d’un engagement co mporte l’obligation de réparer» ( Usine de Chorzów,
o o
fond, arrêt n 13, 1928, C.P.J.I. série A n 17, p. 29).et il eût été tout à fait vain de rappeler ceci
dans le statut ; par contre di re que chacune des Parties est liable envers l’autre des dommages
résultant de la pollution causée par ses activités ou par celles relevant de sa juridiction, cela
alors fait sens.
Vous ne sauriez donc, Messieurs les juges, suivre mon aimable contradicteur lorsqu’il tente de vous
convaincre que cette lex specialis, qu’il interprète erronément, devrait vous conduire à écarter le
principe fondamental du droit de la r esponsabilité internationale selon lequel la restitutio in
integrum est le remède de principe en cas de violation d’une obligation internationale 100.
5. Deuxième remarque: Aucune autre considération ne devrait du reste vous conduire,
Messieurs de la Cour, à écarter cette modalité de prin cipe de la réparation qu’ est la restitution. Et
sûrement pas l’affirmation de mon contradicteur selon laquelle il faudrait différencier les violations
des obligations procédurales d’une part et subs tantielles d’autre part imposées par le statut 101.
102
Comme nous l’avons dit et redit , comme Laurence Boisson de Chazournes et moi l’avons répété
hier, comme PhilippeSands l’a, lui aussi rappelé tout à l’heure, et comme la Cour elle-même l’a
103
souligné , ces différents types d’obligations sont liées. Non seulement en ne respectant pas les
dispositions procédurales du chapitre II, l’Uruguay a empêché une évaluation sereine et ex ante des
risques qu’ENCE et Botnia pourraient faire peser sur l’écosystème du fleuve, mais encore et
surtout (pour ce qui est de la réparation), en auto risant la construction puis la mise en service de
Botnia, il a violé à la fois les dispositions substantielles et les dispositions procédurales du statut.
L’usine a été construite en dépit des prescriptions du chapitreII et elle pollue; et elle va polluer
98Voir Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 24 ; Différend territorial
(Jamahiriya arabe libyenne/Tchad), arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 23. Voir aussi la sentence arbitrale du 17juillet 1986,
Filetage dans le golfe du Saint-Laurent, RSA, vol. XIX, p. 243, par. 30.
99
CR 2009/19, p. 53-54, par. 22 (Condorelli).
100Voir notamment. MA, par. 8.218.27 ; RA, par. 5.28-5.40 ; ou CR 2009/15, p. 45-46, par. 4-6 (Pellet).
101Voir CR 2009/19, p. 46-57, par. 7, ou p. 52, par. 20.
102RA, par. 1.19-1.45 et par. 5.40 ; CR 2009/12, p. 66, par. 9 (Boisson de Chazournes).
103
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Arg entine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance
du 13 juillet 2006, C.I.J. Recueil 2006, p. 133-134, par. 81. - 54 -
plus encore si elle reste en activité ⎯ alors que l’évaluation de ces ri sques conformément au statut
aurait inévitablement conduit à la cons truire ailleurs. On ne peut pas faire la différence entre les
deux catégories de dispositions violées aux fins de la réparation : la situation dommageable actuelle
est le résultat des violations et des unes et des autres.
104
6. Bien sûr, Monsieur le président, que la réparation doit prendre «une forme adéquate» et
«correspondre au préjudice subi» 105, mais c’est le préjudice global subi par l’Etat victime qui doit
être pris en considération: qu’il résulte d’un e violation unique ou, comme en l’espèce, de la
combinaison de plusieurs violations, que celles- ci soient de même nature ou différentes, peu
importe. Le principe demeure, la réparation doit être intégrale et la restitutio en est la modalité de
droit commun. Une modalité que seules deux raisons pourraient conduire à écarter ⎯ et sur cela
106
les Parties sont d’accord : une impossibilité matérielle (l’Uruguay ne l’invoque pas ⎯ à juste
titre) ou le fait que la restitutio in integrum serait «hors de toute proportion avec l’avantage qui
résulterait de la restitution plutôt que de l’indemnisation» 107.
7. Or, et c’est ma troisième remarque, contrairement à ce qu’a plaidé mon fougueux
108
contradicteur , la cessation des activités de l’usine, qu’elle se traduise par un démantèlement, une
relocalisation ou une réaffectation (ou une co mbinaison de tout ceci), n’aurait rien de
109 110
«radicalement inacceptable» , «de totalement disproportionné» , d’«outrancier» et
111
d’«exorbitant» . En premier lieu, il me paraît important de dissiper les impressions que les
images de l’usine qui ont été projetées par l’Argentine pourraient vous avoir laissées, Messieurs les
juges: oui, Botnia est une très grosse usine, mais, comme dans beaucoup d’établissements
industriels contemporains, les installations fixes ⎯les bâtiments, la cheminée centrale ⎯, pour
104
Voir CR 2009/19, p.46-47, par.7 (Condorelli citant notamment Usine de Chorzòw, compétence, arrêt n° 8,
1927, C.P.J.I. série A n° 9, p. 21).
105
Ibid. (Condorelli citant Avena et autres ressortissants mexicains (M exique c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt,
C.I.J. Recueil 2004, p. 59, par. 119).
106
Voir notamment CR 2009/ 15, p. 45-46, par. 6 (Pellet) et CR 2009/19, p. 50, par. 16 (Condorelli).
107Articles de la Commission du droit international sur laresponsabilité de l’Etat pour fait internationalement
illicite, art. 35 b).
108CR 2009/19, p. 49-51, par. 10-18, et p. 54-56, par. 26-29 (Condorelli).
109Ibid., p. 49, par. 10.
110Ibid., p. 50, par. 15.
111
Ibid., p. 54, par. 26. - 55 -
impressionnantes qu’elles soient, sont, en définitive, sans doute moins coûteuses que le matériel
mobile ⎯ les machines, les produits, l’équipement informatique ⎯ qui peut, sans trop d’encombre,
être réutilisé ailleurs. Juste pour en donner un ex emple: la société autrichienneAndritz a conclu
avec Botnia un contrat d’environ 200millions d’ euros, près de 300millions de dollars, pour la
112
fourniture du matériel de traitement des fibres ; il s’agit là de biens mobiliers réutilisables dans
une autre usine construite ailleurs. Par aille urs, je maintiens que la non-disproportionnalité
grossière, qui constitue la seule limite de la préférence qui doit être donnée à la restitutio in
integrum sur tout autre mode de réparation, doit s’ap précier non pas à la date à laquelle la Cour se
prononcera, mais à celle à laquelle, dûment averti du risque qu’il prenait, l’Uruguay a pris la
responsabilité de passer outre l’opposition argentin e à la construction de Botnia, nonobstant
l’avertissement ferme que vous lui avez adre ssé dans votre ordonnance du 13juillet2006 113. Il
114
s’est engagé alors à se conformer à un ordre de démantèlement ou de cessation d’activité ⎯ et
cet engagement a probablement joué un rôle dans votre décision de ne pas faire droit aux mesures
conservatoires demandées par l’Argentine ; de bonne foi, l’Uruguay ne peut aujourd’hui se dédire
115
et soumettre la Cour (et le demandeur) au chantage du «dommage colossal» .
8. Au demeurant, la charge en résultant n’est pas «colossale»: l’usine peut être relocalisée
dans un emplacement moins préjudiciable pour le fleuve et pour l’Argentine; de nombreux
éléments de l’installation actuelle peuvent être réutilisés; les inconvénients sociaux pour la
population de Fray Bentos seront minimes et compensés par des grands avantages puisque, comme
je l’ai dit lors du premier tour sans être contredit 116, l’usine a des retombées sociales plus que
limitées dans la région ⎯ et elle les produira autant là où elle sera relocalisée. Elle peut l’être. Ce
n’est pas grossièrement dispropor tionnel; ce n’est pas déraisonnable et ce n’est pas inéquitable:
une telle relocalisation ne portera aucune a tteinte au développement durable de l’Uruguay ⎯ à
112Voir http://www.botnia.com/en/default.asp?path=204;1490;1491;1541;1544;917.
113
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c.Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance
du 13 juillet 2006, C.I.J. Recueil 2006, p. 133, par. 78.
114
Voir ibid., p. 125, par. 47.
115Voir CR 2009/19, p. 47, par. 8 (Condorelli).
116CR 2009/15, par. 17 ; voir aussi CR 2009/13, p. 23, par. 32 (Kohen). - 56 -
laquelle celui-ci est légitimement attaché ⎯ et préservera le développement durable de l’Argentine
que le fonctionnement de l’usine là où elle est implantée, méprise … souverainement 117 !
9. Monsieur le président, ma quatrième et dern ière remarque au sujet de la réparation due à
l’Argentine porte conjointement sur la cessation du comportement illicite de l’Uruguay et sur les
garanties de non-répétition. Mais une précision d’abord: si je ne m’arrête pas sur nos autres
demandes ceci ne veut pas dire que nous y re nonçons, qu’il s’agisse de la satisfaction que
constituera la constatation par la Cour de l’illicéité du comportement de l’Uruguay en ce qui
concerne l’autorisation de l’usine ENCE ou qu’il s’agisse de l’indemnité qui doit être versée par
l’Uruguay en compensation des dommages subis par l’Argentine jusqu’au moment où Botnia aura
cessé de fonctionner.
10. Au bénéfice de cette remarque, qui n’im plique aucunement que nous renoncions à la
restitutio bien sûr, nous prenons bonne note, Monsieur le président, de ce que l’Uruguay, par la
bouche de son avocat (fût-il professeur…), M. Condorelli, reconnaît que, si la Cour constate qu’il a
commis des illicéités, «il lui incomberait alors indiscutablement de cesser ces conduites et de
118
revenir au respect des règles violées…» . Nous notons aussi qu’il admet que
«[l’] obligation de cessation pourrait fort bien comporter la nécessité pour l’Uruguay
d’adopter de nouvelles mesures visant, par ex emple, une meilleure prévention de la
pollution. L’Uruguay ne conteste nullement le pouvoir de votre Cour de prescrire le
cas échéant la mise en Œuvre de mesures d’un tel genre en tant qu’élément de la
cessation, si par impossible elle devait constater que la conduite du défendeur n’a pas
été en harmonie avec le statut.» 119
Et pourtant, ce demi-aveu et ces déclarations d’intention ne rassurent pas complètement la
République argentine. Ne fût-ce que parce que si elles sont tout à fait sincères, on voit mal
120
pourquoi le défendeur refuse d’accepter que le dispositif de l’arrêt «dise explicitement» qu’elle
doit cesser ses faits internationalement illicites.
11. Dans le même esprit, c’est justem ent parce que, comme le dit à nouveau le
professeurCondorelli, «l’Uruguay a déjà fait état d’innombrables fois de sa ferme intention de
117Cf. CR 2009/19, p. 51, par. 18.
118
Ibid., p. 45, par. 3.
119Ibid., p. 45, par. 4.
120Ibid., p. 45, par. 3. - 57 -
continuer à respecter ses obligations tant pro cédurales que substantielles découlant du statut» 121et
parce que ces assurances n’ont pas été suivies d’effet que, de l’avis de l’Argentine, les
circonstances justifient amplement que la Cour fasse droit à sa demande et ordonne à la Partie
uruguayenne de donner les garanties de non-répétition qui s’imposent, garanties dont le monitoring
du fleuve ne saurait être un succédané ⎯ne fût-ce que parce qu’il n’a évidemment pas lieu
122
d’être (sous la forme que suggère l’Uruguay) si Botnia cesse ses activités à son emplacement
actuel ⎯ comme la Cour, je l’ai dit, ne peut manquer de l’ordonner.
12. J’ajoute enfin, Monsieur le président , pour qu’aucune ambigu ïté ne subsiste, que
l’Argentine maintient 123sa ferme opposition à la demande urugua yenne d’une déclaration de la
Cour l’autorisant à continuer l’exploitation de l’usine Botnia: il s’agit d’une demande
reconventionnelle déguisée, irrecevable a ux termes de l’article80 du Règlement ⎯une sorte de
satisfaction à l’envers ⎯; et cette demande est, de toute façon sans aucun fondement puisque
l’Uruguay ne reproche à l’Argentine aucune violation du statut de 1975.
II. Bref résumé de la thèse de la République argentine
13. Il me reste, Monsieur le président, à récapituler brièvement les grandes lignes de
l’argumentation juridique de la République argentine. A l’issue de deux tours de plaidoiries, durant
lesquels celle-ci a pu s’exprimer amplement, cela vous semble peut-être abusif, Messieurs de la
Cour: vous nous avez écoutés avec attention ; vous avez noté ou «enregistré» ce qui vous
paraissait important ⎯ ou ce qui ne l’était pas à vos yeux ; et vous commencez sans doute à trouver
le temps un peu long. Je vous comprends… Et pou rtant je vous prie de bien vouloir m’accorder
encore quelques minutes d’attention car, comme il est naturel, c’est le défendeur qui va s’exprimer
le dernier; mais nous nous perm ettons d’émettre le vŒu que vous écoutiez ses savants et adroits
conseils en ayant très présents à l’esprit les aspec ts de nos positions qui nous semblent les plus
importants.
14. Je les présenterai, Monsieur le président, en rappelant, pour lever toute ambiguïté, ce que
notre thèse n’est pas, par contraste avec ce qu’elle est :
121Ibid., p. 58, par. 35.
122
Voir CR 2009/15, p. 37-43 (Müller).
123Voir ibid., p. 55-56, par. 26-28 (Pellet). - 58 -
⎯ premièrement, nous ne disons pas qu’aux termes du statut de 1975 la Partie, qui estime qu’un
ouvrage ou une utilisation des eaux du fleuve pourra it affecter le régime de celui-ci ou la
qualité de ses eaux ou lui causer à elle, Partie, un préjudice sensible, a un droit de veto ou de
blocage du projet ⎯mais nous affirmons qu’il ne peut être passé outre l’opposition de cette
Partie que par une décision de la Cour de céans sur le fondement de l’article 12 du statut et
qu’en autorisant le projet ENCE et la construction et la mise en service de l’usine Botnia,
l’Uruguay a commis une violation flagrante du système équilibré et raisonnable mis en place
par le statut; cette procédure eût-elle été r espectée, une partie au moins des problèmes qu’il
vous appartient de résoudre auraient pu (et dû) vo us être soumis bien plus tôt (ce qui aurait
d’ailleurs empêché que les autres se posent) ;
⎯ deuxièmement, nous ne prétendons pas qu’il n’appar tient pas à la Cour, dans le cadre de la
présente instance, de déterminer si l’usin e Botnia peut causer un préjudice sensible à
l’Argentine ou affecter le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux ⎯mais nous avons la
ferme conviction que la compétence de la Cour va très au-delà de cette détermination et qu’il
serait absurde de s’en tenir à ceci dès lors que l’ usine a été construite et fonctionne au mépris
de nombreuses dispositions ⎯ pas seulement procédurales ⎯ du statut ;
⎯ troisièmement, nous n’alléguons pas que la CARU a un pouvoir de décision en la matière ni
qu’elle est autre chose qu’un instrument au service de ses membres (étant rappelé cependant
qu’ils sont deux et qu’aucun ne peut imposer sa volonté à l’autre) ⎯ mais nous estimons que,
conformément au texte et à l’esprit du statut , la commission doit déterminer sommairement les
risques engendrés par un projet et qu’elle c onstitue le cadre par l’intermédiaire duquel les
communications et les notifications entre les Par ties doivent intervenir et que c’est dans cette
instance (la CARU) que les questions qui divisent les Parties doivent être traitées ;
⎯ quatrièmement, nous ne considérons pas que l’ar ticle 12 n’a aucun rôle à jouer dans l’affaire
présente ⎯mais nous soutenons qu’il ne constitue pas le fondement de la juridiction de la
Cour, qui a été saisie sur la base de l’ar ticle 60, disposition qui vous donne compétence,
Messieurs les juges, pour examiner l’ensemb le des violations commises par l’Uruguay (y
compris d’avoir, par son comportement, empêché la Cour de jouer son rôle ex ante au titre de
l’article 12) ; - 59 -
⎯ cinquièmement, nous ne disons pas que le st atut de 1975 est un instrument sacro-saint et
immuable auquel il ne pourrait être dérogé par un accord des Parties ⎯ mais nous considérons
qu’une telle dérogation ne peut être le fait que d’un accord formel et dépourvu d’ambiguïté et
nous avons établi, en tout état de cause, qu’aucun accord en ce sens ⎯ non plus d’ailleurs
qu’aucun arrangement informel ⎯ a jamais été conclu pour écarter l’intervention de la CARU
ni, moins encore, pour autoriser la construction de l’usine ENCE, encore moins de Botnia;
celle-ci ne peut avoir fait l’objet d’un accord avant même qu’elle soit l’objet de discussions
entre les Parties ;
⎯ sixièmement, nous ne disons pas que l’Urug uay n’a pas le droit de promouvoir sur son
territoire l’industrie de la pâte à papier da ns le cadre de son dr oit à un développement
durable ⎯ mais nous considérons qu’il ne peut le faire en utilisant unilatéralement la ressource
partagée qu’est le fleuve Uruguay, au mépris du droit tout aussi certain de l’Argentine et de sa
population à son propre développement durable, et nous affirmons que seule la gestion du
fleuve Uruguay en vue de son utilisation rationnell e et optimale telle que l’organise le statut
réalise cet équilibre ;
⎯ septièmement, nous ne disons pas que l’usine Botn ia est, par elle-même et dans l’abstrait une
monstruosité écologique et nous reconnaissons qu’une usine de pâ te à papier produit
inévitablement des effets néfastes sur l’environnement ⎯ mais outre que, comme nous l’avons
montré, elle est loin, très loin de présenter toutes les vertus dont l’Uruguay la pare, nous
soutenons plus que jamais qu’il s’agit de la ma uvaise usine au mauvais endroit compte tenu de
la vulnérabilité de l’écosystème de ce cours d’eau international et des utilisations préalables
dont il était l’objet ⎯ ce qui veut dire aussi que nous ne contestons pas qu’elle puisse ⎯ cette
usine ⎯ légitimement (et licitement) être déloca lisée en un lieu où les énormes quantités
d’effluents qu’elle déverse seront dispersés de façon satisfaisante ;
⎯ huitièmement, nous ne nions pas que des études pr éalables ont été avalisées par l’organisation
(purement financière) qu’est la SFI ⎯ mais nous avons montré que celle-ci s’est fondée sur des
rapports qui sont loin d’être exemplaires sur le plan de l’indépendance de leurs auteurs
contrairement à ce que claironne l’Uruguay, et qui sont, en tout cas, biaisés du fait des erreurs
méthodologiques et de l’insuffisance des données sur lesquelles ils reposent et sur des études - 60 -
d’impact sur l’environnement ne répondant pas aux exigences du droit international
contemporain ;
⎯ neuvièmement, rassurez-vous, c’est mon dern ier point, nous ne prétendons pas qu’une
catastrophe écologique s’est déjà produite du fait de l’activité de Botnia, quoique des
dommages sérieux aient déjà été causés au fle uve et des préjudices sensibles à l’Argentine
⎯ mais nous avons démontré que l’usine a été ét ablie sans considération pour les principes de
prévention et de précaution, qu’elle constitue un danger né et actuel pour l’environnement et
qu’elle présente pour l’avenir des risques grav es pour l’équilibre de l’écosystème du fleuve;
comme nous l’avons établi ⎯ preuves actuelles à l’appui, et non sur la base de rapports rédigés
ex ante en fonction de données incomplètes ⎯ des pollutions importantes ont d’ores et déjà été
détectées et certaines limites posées par les st andards de la CARU et d’autres standards
applicables sont franchis, notamment en ce qui concerne la dissolution de l’oxygène ou la
présence de nonylphénols toxiques.
15. Monsieur le président, un prononcé de la Cour en faveur de la thèse que l’Uruguay vous
a présentée signifierait :
1) qu’unEtat ⎯ Un Etat ⎯ riverain d’un fleuve international peut l’utiliser et le polluer à bien
plaire dès lors que les activités en cause sont situées sur sa rive ou de son côté du thalweg ou du
chenal navigable, et ceci quand bien même ce cours d’eau ferait l’objet d’un traité le soumettant
à des règles précises et raisonnables de gestion commune ; cela voudrait dire aussi,
2) que la Cour mondiale serait prête à légitimer les proclamations unilatérales d’un droit souverain
à un développement qui ne serait ni durable (car souverainement indifférent à la protection de
l’environnement), ni respectueux de l’objet mê me du statut de 1975 qui organise l’exercice de
ce droit dans l’intérêt des deux Etats parties en promouvant «l’utilisation rationnelle et optimale
du fleuve» ; et,
3) cela signifierait aussi, en un mot, que pacta non sunt servanda puisqu’il suffirait à une partie de
déclarer que, «selon son opinion», elle est dans son bon droit quand bien même un traité lui
impose une concertation poussée et organisée avec son partenaire et, prévoit que, faute
d’accord, les parties doivent s’en remettre à la Cour, non pas ex post, mais ex ante, avant
d’avoir créé un fait que l’une d’elle présente comme irréversible. - 61 -
16. J’hésite, Monsieur le président, à lire à nouveau le dictum fameux de votre avis de 1996.
124
Mais la Partie uruguayenne n’a pas h ésité à se l’approprier très abusivement alors que toute son
attitude dément l’attachement qu’ elle proclame aux principes que vous avez si heureusement
exprimés. En le citant à nouv eau, je voudrais confirmer que ce dictum lumineux traduit très
exactement les principes dont l’Argentine s’est in spirée dans toute cette affaire : «l’environnement
n’est pas une abstraction, mais bien l’espace où vivent les être s humains et dont dépendent la
qualité de leur vie et leur santé, y compris pour les générations à venir» 125 (Licéité de la menace ou
de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 241-242, par. 29).
J’épargne la fin de la citation mais je voudrais dire que ces vérités ont, aujourd’hui, valeur de
principes généraux applicables même sans texte; il en va a fortiori de même lorsqu’elles sont
reflétées dans un texte conventionnel.
17. Bien qu’il ait été conclu il y a près de trente-cinq ans, le statut du fleuve Uruguay avait
largement anticipé cet aboutissement et organisé la protection de la ressource partagée que
constitue ce cours d’eau en posant les règles d’une gestion commune que la République orientale
de l’Uruguay a bafouées. C’est ce comportement illicite, aux graves réperc ussions tant concrètes
que sur le plan des principes, que la République argentine vous prie de bien vouloir sanctionner en
constatant la responsabilité de l’Etat défendeur et en en tirant les conséquences de droit sur le plan
de la réparation.
18. Monsieur le président, Messieurs les jug es, j’espère ne pas avoir trop abusé de votre
bienveillante attention. Je vous suis très reconna issant de me l’avoir prêtée et je vous prie,
Monsieur le président, de bien vouloir donner la parole à Mme l’ambassadeur Susana Ruiz Cerutti.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président: Je vous remercie, Monsieur le
professeur. Je donne la parole à Mme l’ambassadeur Ruiz Cerutti, pour les remarques et
conclusions finales de la République argentine. Vous avez la parole, Madame.
124Voir CR 2009/17, p. 50, par. 10 (McCaffrey) et CR 2009/18, p. 20, par. 27 (Boyle).
125Voir aussi Projet Gab číkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaqu ie), arrêt, C.I.J.Recueil1997 , p.41 et 67-68,
par.53 et 112; Usines de pâte à papier sur le fl euve Uruguay (Argentine c.Uruguay) , mesures conservatoires,
ordonnance du 13 juillet 2006, C.I.J.Recueil2006, p.132, par.72; ou CPA, sentence arbitrale du 24mai2005, par.59
(disponible sur http://www.pca-cpa.org/upload/files/Iron_Rhine_Franch_award.pd(traduction non officielle)); voir
aussi RSA, vol. XVIII, p. 66-67. - 62 -
Mme RUIZ CERUTTI : Merci.
C ONCLUSIONS
1. Monsieur le président, Messieurs les juges, les conseils et avocats de l’Argentine vous ont
présenté notre cas et les arguments de fait et de dr oit qui le prouve et le professeur Pellet vient de
les résumer. Il me revient maintenant de faire quelques remarques conclusives et permettez-moi de
continuer dans la même veine que mon ami, le professeur Pellet.
2. Comme nous l’avons déjà expliqué, l’ Uruguay a cru pouvoir reformuler le cas que
l’Argentine a porté devant votre haute ju ridiction pour pouvoir répondre à son propre cas ⎯ très
différent du nôtre. Mais, Monsieur le président, c’est au demandeur de formuler son affaire, et au
défendeur d’y répondre.
3. Messieurs les juges, l’affaire que l’Argen tine a soumise à la Cour n’est pas celle relative
au développement durable de l’Uruguay. L’Argent ine n’a jamais remis en question le droit dont
jouit son voisin (au même titre que notre pays) à un développement économique durable. L’affaire
dont vous êtes saisis ne porte pas sur cette question.
4. Elle ne porte pas non plus sur l’activité industrielle menée sur la rive argentine, sur
laquelle se sont installées des petites et moyennes en treprises dont la taille et l’activité ne sont en
rien comparables à celles de Botnia. L’Urugua y n’a jamais prétendu que l’article27 du statut
s’applique à ces installations.
5. Il ne s’agit pas non plus d’une affaire contre une société privée, Botnia, ou contre
l’industrie de la pâte à papier tout entière. Notre affaire n’est pas non plus un concours d’ingénierie
industrielle pour savoir quelle est la meilleure usine de pâte à papier.
6. L’affaire devant la Cour n’est pas non plus dirigée contre la Société financière
internationale qui a choisi de financer le projet de l’usine Botnia. L’Argentine a, depuis le début de
la procédure au sein de la SFI, informé l’organisa tion de l’existence d’un différend concernant ce
projet et a fait connaître sa position. L’Argentine regrette beaucoup la décision que la SFI a prise
en novembre 2006 sur la base d’une documentation biai sée. Mais la SFI n’est pas une partie dans
cette affaire. Les informations et rapports étab lis pour les seuls besoins du financement de l’usine
Botnia, par ailleurs insuffisants et basés sur des informations recueillies et produites largement par - 63 -
l’entreprise elle-même, n’ont pas été conçus pour prouver la conformité de l’usine aux exigences
du statut de 1975. Ils ne bénéficient, dans notre a ffaire, d’aucune valeur probante particulière et ne
dispensent en aucune manière l’Uruguay du respect de ses obligations découlant du statut de 1975.
7. L’affaire que l’Argentine vous a soumise ne concerne pas non plus et ne met aucunement
en question les relations bilatérales entre nos deux pays, et je reviendrai un peu plus tard sur ce
point.
8. L’affaire que l’Argentine a portée devant votre Cour n’est pas tout ça.
*
9. Notre affaire concerne un traité ⎯le statut du fleuve Uruguay ⎯, ses violations et la
responsabilité qui en découle.
10. Notre affaire concerne le respect de cet instrument conventionnel particulier et spécifique
qui a pour but d’assurer une utilisation rationn elle et optimale du fleuve Uruguay et le
développement économique aux deux pays riverains tout en évitant toute pollution et toute
modification de l’équilibre écologique du fleuve et de son écosystème. Notre affaire porte sur
l’utilisation d’un mécanisme commun dont le but est de gérer conjointement le fleuve pour prévenir
et éviter tout problème de pollution. Notre affa ire porte sur les violations par l’Uruguay de ses
obligations de saisir la CARU et de notifier à son voisin à travers la CARU, un projet industriel
«suffisamment important pour affecter le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux». Elle porte
sur la violation de l’obligation de transmettre l’in formation nécessaire et de consulter. Et cette
affaire porte sur la violation de l’obligation de prévenir toute pollution du fleuve et de son
écosystème. Il s’agit d’une affaire qui concerne l’ ensemble de l’instrument régissant le fleuve et
non pas seulement l’une de ses dispositions prise isolément.
11. L’affaire de l’Argentine n’est que cela, mais elle est tout cela.
*
12. Monsieur le président, Messieurs de la C our, vous avez vu jongler les avocats et conseils
de l’autre côté de la barre avec des dates, des notes diplomatiques, des procès-verbaux de la CARU - 64 -
qui, soi-disant, constitueraient un accord entre l’Argentine et l’Uruguay pour écarter les
dispositions procédurales du statut pour l’examen de s projets ENCE et Botnia. Il s’agit de simples
effets de manches habilement imaginés afin de te nter de cacher la décision unilatérale prise par
l’Uruguay d’écarter le régime d’information et de consultation préalables que nos deux pays ont
suivi ensemble pendant tant d’années.
13. Tant après l’autorisation unilatérale de la construction de l’usine ENCE en2003,
qu’après celle donnée à Botnia en2005, l’Argentin e a essayé, à plusieurs reprises, que l’Uruguay
se conforme au respect du statut et soumette les projets à la CARU pour qu’elle les étudie et les
analyse. Ces efforts sont restés vains.
14. A partir du mois de mars 2005, il est devenu évident que le nouveau Gouvernement
uruguayen, qui pendant la campagne électorale avait pris position contre les usines de pâte à papier,
allait continuer, de manière non équivoque, la politique de l’unilatéralisme de son prédécesseur.
15. A partir de ce moment, le Gouvernement argentin a entrepris des nouvelles tentatives
pour trouver un règlement au différend. A cette fi n, il demanda la relocalisation, la transmission
d’informations, la suspension des travaux et une évaluation complète de l’impact des deux usines
sur l’environnement du fleuve. Les présidents des deux pays se mirent d’accord pour créer un
groupe technique ⎯ le GTAN ⎯ pour essayer de trouver encore une fois une solution au différend,
et notamment à la question de la localisation des usines, comme les professeurs Pellet etKohen
l’ont déjà expliqué. L’Uruguay n’a jamais voulu di scuter ces questions qui, selon lui, relèvent de
sa seule souveraineté et qui n’étaient pas, à son avis toujours, soumis au respect du statut de 1975.
Ses réponses ont été négatives et ont provoqué l’échec du GTAN.
16. Malgré le constat que seule la saisine de la Cour pourrait apporter une solution au
différend conformément à l’article 60 du statut, l’Argentine continua à chercher un règlement
diplomatique de l’affaire. En mars 2006, un projet d’accord très prometteur et négocié au plus haut
niveau n’a pas pu être signé en raison du refus de Botnia de suspendre les travaux de construction.
Même après le dépôt de la requête introductive d’ instance et en plein déroulement de la procédure
devant votre Cour, une procédure de facilitation par S.M. le ro i d’Espagne et le Gouvernement
espagnol a été mise en place à l’initiative de l’Argentine; mais en novembre2007, l’Uruguay a
également provoqué la fin de ces négociations en autorisant la mise en service de l’usine de Botnia. - 65 -
17. Monsieur le président, l’Uruguay n’a cherché qu’une chose : la construction et la mise en
service des usines aussi rapidement que possible afin de tenter de mettre l’Argentine (puis la Cour)
devant un fait accompli.
18. Aujourd’hui, l’Uruguay accuse l’Argentine de ne pas vouloir coopérer au sein de la
CARU pour effectuer la surveillance de Botnia. Mais il ne peut pas choisir seulement ce qui lui
convient. On ne peut pas refuser tout rôle à la CARU en relation avec les projets des usines et, en
même temps, réclamer la coopération de la même CARU pour surveiller conjointement les
dommages écologiques que l’une de ses usines, Botnia, est en train de causer. Ce n’est pas
acceptable. L’Argentine se refuse à voir son rôle dans le cadre du statut se réduire à cela ⎯ à la
seule surveillance ex post.
19. Une telle politique de l’unilatéralisme est désastreuse pour un fleuve international
comme l’Uruguay. Nos adversaires semblent oublier qu’il s’agit justement d’une ressource
partagée soumise à un régime juridique spécifique. Ce n’est ni la Tamise, ni la Seine, ni le
Mississipi. Si l’interprétation biaisée du statut de 1975 défendue par l’Uruguay depuis 2003 étaient
la bonne, si chaque riverain avait le droit d’auto riser ou de construire unilatéralement n’importe
quel ouvrage soumis au statut nonobs tant le désaccord de l’autre, Monsieur le président, il ne
s’agirait pas de coopération et d’utilisation rationn elle et optimale: ce serait tout simplement
l’anarchie, la fin du statut du fleuve Uruguay.
*
20. Messieurs de la Cour, aujourd’hui, l’Argentine l’a démontré, nous sommes loin d’évaluer
un simple risque à l’environnement du fleuve. Nous avons démontré, par la voix du professeur
BoissondeChazournes que les études d’impact ét aient manifestement inad équates. Nous avons
prouvé que l’usine a causé d’ores et déjà un préjud ice sensible à son environnement, à la qualité de
ses eaux, à sa flore et à sa faune. Vous avez lu les rapports et entendu les propos des professeurs
Colombo et Wheater. Le professeur Sands vous a expliqué que l’Uruguay a choisi d’ignorer le
problème des courants inversés dans le fleuve Ur uguay. Nous avons démontré que l’usine Botnia - 66 -
viole les standards de la qualité des eaux établis au sein de la CARU. L’usine Botnia utilise et
rejette des substances toxiques pour l’environnement. Nos preuves le montrent clairement.
21. L’Argentine a fait beaucoup d’efforts pour mettre en place un système transparent de
surveillance du fleuve, des eaux et de l’air, de la flore et de la faune, aussi complet que possible.
Elle avait proposé un tel programme au sein même de la CARU dès août 2006. L’Uruguay n’a pas
voulu approuver un tel programme au sein de la commission à cause de son interprétation trop
restrictive du champ d’application du statut qui n’est pas limité aux seules eaux du fleuve. Le
rapport que les experts argentins ont établi et qui a été soumis à l’appréciation de la Cour le
30juindernier est basé sur une surveillance de l’air, de l’eau, des sédiments, de la flore et de la
faune, sur de très nombreux échantillons, et sur des milliers de données ⎯bref sur un travail
scientifique de haute qualité et conforme aux règles de l’art. Les experts argentins ne se sont pas
simplement fiés aux données et échantillons prélevés par d’autres ⎯et certainement pas par
Botnia ⎯ comme c’est le cas de beaucoup des rapports soi-disant «indépendants» sur lesquels se
fonde la Partie adverse.
22. Les résultats que l’Argentine a recueillis , malgré les difficultés qu’elle a dû surmonter,
ont d’ores et déjà démontré que l’us ine n’est pas cette «superb facility» 126 que l’Uruguay a dépeint
la semaine dernière. Les changements causés à l’environnement du fleuve sont réels, ils violent les
standards de la CARU et constituent un préjudice sen sible au fleuve et à l’Argentine contraire aux
dispositions du statut. Messieurs de la Cour, tous ces faits se sont passés alors que l’usine n’a
fonctionné que pendant un peu moins de deux ans. Imaginez-vous les dommages à venir dans
les dix, vingt ou dans les quarante ans de la vie utile de cette usine ? Et après… ?
23. Messieurs de la Cour, l’Argentine cherche la confirmation et la sauvegarde du
mécanisme commun qu’elle a établi avec son voisin par le statut du fleuve Uruguay, mais
également qui se trouve dans le traité sur le Rí o de la Plata. Ces deux fleuves constituent la
frontière naturelle entre nos deux pays et, en mê me temps, leur trait d’union. Consacrer la
politique de l’unilatéralisme donnerait un coup mortel à cette architecture normative édifiée
126
CR 2009/17, p. 45, par. 55 (McCubbin). - 67 -
soigneusement depuis plus de trente-cinq ans et qui est basée sur la coopération, l’information et la
consultation préalables.
24. Monsieur le président, Messieurs les Memb res de la Cour, l’amitié entre les deux pays
n’est pas en jeu. Les relations bilatérales, heureusement, se portent tout à fait bien : elles sont très
riches. Je vais donner seulement trois exemples : les relations commerciales sont excellentes:
l’Argentine est le deuxième fournisseur du marc hé uruguayen et la deuxième destination des
exportations de l’Uruguay. Dans le domaine du tourisme, en 2008, l’Uruguay a reçu deux millions
de touristes, dont 53% sont argentins. En janvier2009, ce chiffre était passé à73%. Dans le
domaine de l’énergie renouvelable ⎯ pour trouver un troisième exemple ⎯ les deux pays sont en
train de mettre sur pied, en Uruguay, un projet binational d’usine de regazéification d’une grande
envergure. Ce projet implique un investissement plus important que celui de Botnia.
25. C’est seulement au niveau local que le différend a créé des tensions. Il a divisé la
communauté riveraine que formaient auparavant les villes de Gualeguaychú en Argentine et de
Fray Bentos en Uruguay. Depuis sixans, les habitants de Gualeguaychú se sont vu imposer les
projets d’usine de pâtes à papier sans avoir été cons ultés. Ils souffrent déjà des conséquences de la
présence de l’usine Botnia ; ils ont peur et ils cr aignent pour leur santé à l’idée de quarante années
à supporter des odeurs nauséabondes, quaranteann ées de pluies acides, quaranteannées d’algues
127
toxiques. La réaction à laquelle la Partie uruguayenne a fait allusion la semaine dernière et que
l’Argentine n’a aucunement encouragée n’est que la conséquence de l’installation de l’usine sur la
rive gauche du fleuve Uruguay en face de la ville de Gualeguaychú et de Ñyandubaysal. Vous
n’êtes pas appelés à juger les habitants de cette ville; et il est clair que l’affaire qui vous est
soumise ne concerne aucunement la circulation r outière entre l’Argentine et l’Uruguay. Elle
concerne le statut de 1975 et le respect dû à ses dispositions.
26. A en croire certaines remarques que l’on a pu entendre dernièrement, saisir la Cour serait
une sorte d’acte inamical de la part de l’Argentine. Ce n’était pa s l’intention de l’Argentine et ce
n’était pas l’intention des deux Parties qui, dans un esprit de coopération, ont choisi la Cour comme
étant l’organe appelé à se prononcer en dernier re ssort sur leurs éventuels désaccords au sujet de
127
CR 2009/16, p. 16-18, par. 20-22 (Gianelli) ; CR 2009/19, p. 42-43, par. 24-25 (Reichler). - 68 -
l’application du traité du Río de la Plata et du statut du fleuve Uruguay. Ce choix montre que les
deux pays ont confiance dans le droit international dont votre Cour est l’organe. L’Argentine a
confirmé cette confiance en s oumettant le différend qui l’oppo se à l’Uruguay devant cette haute
juridiction.
27. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, l’Argentine et l’Uruguay ont convenu
d’adopter le statut et se sont engagés à prévenir la pollution du fleuve et à éviter toute modification
de son équilibre écologique. Les deux Parties ont créé un mécanisme permettant de mettre en
Œuvre ces obligations et ont confié à la Cour le rôle de garantir leur respect. C’est cela, l’enjeu de
notre affaire. L’Argentine n’a p as d’objections de principe contre les usines de pâte à papier en
général. Nos objections concernent cette usine ⎯ Botnia ⎯ à cet emplacement ⎯
l’environnement sensible de la ressource partagée qu’est le fleuve Uruguay. C’est la mauvaise
usine au mauvais endroit.
*
28. Avant de donner lecture des conclusions de la République argentine, j’aimerais au nom
des agents et de toute l’équipe, vous remercier, Monsieur le président, Messieurs les juges, pour
l’attention, la patience et la courtoisie dont vous avez fait preuve au cours de ces trois semaines
d’audiences. Nos remerciements vont également au Greffe pour la précieuse assistance qu’il nous
a apportée dans le cadre de cette affaire et pour le bon déroulement des audiences. J’aimerais
également exprimer notre gratitude aux excelle nts interprètes, qui ont accompli un travail
remarquable. Ma reconnaissance va aussi au conseil et à tous les membres de l’équipe argentine et
à tous ceux qui ont appuyé leurs travaux.
29. Monsieur le président, Messieurs les juges, je vais maintenant lire les conclusions finales
de la République argentine conformément à l’article 60, paragraphe 2, du Règlement de la Cour.
Pour l’ensemble des raisons exposées dans son mémoire, dans sa réplique et lors de la
procédure orale, qu’elle maintient intégralement, la République argentine prie la Cour
internationale de Justice de bien vouloir :
1. constater qu’en autorisant - 69 -
⎯ la construction de l’usine ENCE,
⎯ la construction et la mise en service de l’usine Botnia et de ses installations connexes sur la rive
gauche du fleuve Uruguay,
la République orientale de l’Uruguay a violé les obligations lui incombant en vertu du statut du
fleuve Uruguay du 26 février 1975 et engagé sa responsabilité internationale ;
2. dire et juger qu’en conséquence, la République orientale de l’Uruguay doit :
i) reprendre une stricte application de ses ob ligations découlant du statut du fleuve Uruguay
de 1975 ;
ii) immédiatement cesser les faits internationa lement illicites par lesquels elle a engagé sa
responsabilité ;
iii) rétablir sur le terrain et au plan juridiquela situation qui existait avant la perpétration de
ces faits internationalement illicites ;
iv) verser à la République argentine une indemnité pour les dommages occasionnés par ces
faits internationalement illicites, qui ne seraient pas réparés par cette remise en état, dont le
montant sera déterminé par la Cour dans une phase ultérieure de la présente instance ;
v) donner des garanties adéquates qu’elle s’abs tiendra à l’avenir d’empêcher l’application du
statut du fleuve Uruguay de 1975 et, en particu lier, du mécanisme de consultation institué
par le chapitre II de ce traité.
30. Monsieur le président, Messieurs les jug es, ceci marque la fin de la présentation de
l’Argentine. Je vous remercie beaucoup.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je vous remercie infiniment, Madame
l’agent. La Cour prend acte des conclusions fina les dont vous venez de donner lecture au nom de
la République argentine. Avant de lever la séance, je veux donner la parole à M. le juge Bennouna
qui souhaite poser une question à l’une des Parties. Monsieur le juge, s’il vous plaît.
M. le juge BENNOUNA : Je vous remercie, Monsieur le président en exercice. Ma question
qui s’adresse à l’Uruguay est la suivante: Quel procédé et quel produit sont utilisés par l’usine
Botnia pour son nettoyage ? - 70 -
In English, this question to Uruguay is as follows: What process and what products are used
by Botnia plant for its cleaning?
Je vous remercie, Monsieur le président en exercice.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de prési dent: Je vous remercie Monsieur le juge.
Le texte de cette question sera communiqué par écrit aux Parties dès que possible. La République
orientale de l’Uruguay, à laquelle la question de M. le juge Bennouna est adressée, est priée de
fournir sa réponse par écrit dans un délai qui a ét é fixé au vendredi 9 octobre 2009 à 18 heures au
plus tard. En outre, toutes observations écrit es que la République argentine pourrait vouloir
présenter, conformément à l’article72 du Règlement, sur la réponse de l’autre Partie devront être
communiquées le lundi 19 octobre 2009 à 18 heures au plus tard.
Je rappellerai que la République orientale de l’Uruguay présentera son second tour de
er
plaidoiries le jeudi1 octobre, de 15heures à18heures, et le vendredi 2octobre de 10heures à
13 heures.
L’audience est levée.
L’audience est levée à 13 heures.
___________
Audience publique tenue le mardi 29 septembre 2009, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Tomka, vice-président, faisant fonction de président en l'affaire relative à des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay)