Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo) - (Indemnisation due par la République démocratique du Congo à la République de Guinée) - La Cour décide que le montant

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2012/22
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
Site Internet : www.icj-cij.org

Communiqué de presse
Non officiel

N o 2012/22
Le 19 juin 2012

Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo)

(Indemnisation due par la République démocratique du Congo à la République de Guinée)

La Cour décide que le montant de l’indemnité due par la République démocratique du
Congo à la République de Guinée pour le préjudice subi par M. Diallo
s’élève à 95 000 dollars des Etats-Unis

LA HAYE, le 19juin2012. La Cour interna tionale de Justice (CIJ), organe judiciaire
principal des NationsUnies, a rendu ce jour son arrêt en l’affaire Ahmadou Sadio Diallo

(République de Guinée c.Ré publique démocratique du Congo (Indemnisation due par la
République démocratique du Congo à la République de Guinée).

Dans son arrêt, qui est définitif, sans recours et obligatoire pour les Parties, la Cour,

1) fixe, par quinze voix contre une, à 85 000 dollars d es Etats-Unis le montant de l’indemnité due
par la République démocratique du Congo à la République de Guinée pour le préjudice
immatériel subi par M. Diallo ;

2) fixe, par quinze voix contre une, à 10 000 dollars d es Etats-Unis le montant de l’indemnité due

par la République démocratique du Congo à la République de Guinée pour le préjudice matériel
subi par M. Diallo en ce qui concerne ses biens personnels ;

3) dit, par quatorze voix contre deux, qu’aucune indemnisation n’est due par la République

démocratique du Congo à la République de Guinée pour le préjudice matériel qu’aurait subi
M. Diallo du fait d’une perte de rémunération pr ofessionnelle au cours de ses détentions et à la
suite de son expulsion illicites ;

4) dit, à l’unanimité, qu’aucune indemnisation n’est due par la République démocratique du

Congo à la République de Guinée pour le préjudice matériel qu’aurait subi M.Diallo du fait
d’une privation de gains potentiels ;

5) dit, à l’unanimité, que le montant intégral de l’indemnité due conformément aux points1 et2
ci-dessus devra avoir été acquitté au 31août2 012 et que, en cas de non-paiement à la date

indiquée, des intérêts courront sur la somme pr incipaer due par la République démocratique du
Congo à la République de Guinée, à compter du 1 septembre2012, au taux annuel de
6 pour cent ;

6) Rejette, par quinze voix contre une, la demande de la République de Guinée en ce qui concerne
les frais de procédure. - 2 -

I. Les chefs de préjudice au titre desquels l’indemnisation est demandée

La Cour relève que la Guinée demande à êt re indemnisée pour quatre chefs de préjudice : un
chef de préjudice immatériel et trois chefs de préjudice matériel.

A) L’indemnité réclamée au titre du préjudice immatériel subi par M. Diallo

La Cour prend en considération différents facteurs aux fins d’évaluer le préjudice immatériel
subi par M. Diallo, notamment le caractère arbitraire des arrestations et détentions dont l’intéressé a
fait l’objet, la durée exagérément longue de sa pé riode de détention,les accusations sans preuve

dont il a été victime, le caractère illicite deson expulsion d’un pays dans lequel il résidait depuis
trente-deux ans et où il exerçait des activités co mmerciales importantes, et le lien entre son
expulsion et le fait qu’il ait tenté d’obtenir le recouvrement des créances qu’il estimait être dues à
ses sociétés par l’Etat zaïrois ou des entrepri ses dans lesquelles ce dernier détenait une part

importante du capital. Elle prend également en cons idération le fait qu’il n’a pas été démontré que
l’intéressé avait été soumis à des mauvais traitements.

Se basant sur des considérations d’équité, la Cour considère que la somme de 85 000 dollars

des Etats-Unis constitue une indemnité appropriée au titre du préjudice immatériel subi par
M. Diallo (par. 21-25).

B) L’indemnité réclamée au titre du préjudice matériel subi par M. Diallo

1) Perte de biens personnels qu’aurait subie M. Diallo (y compris ses avoirs en banque)

La Cour estime que la Guinée n’est pas parve nue à établir l’étendue de la perte de biens
personnels ⎯ à savoir, le mobilier figurant dans l’inve ntaire des biens trouvés dans l’appartement
de M.Diallo, certains objets de grande valeur qui s’y seraient aussi trouvés et ne sont pas

répertoriés dans cet inventaire, et des avoirs en banque ⎯ qu’aurait subie l’intéressé ni la mesure
dans laquelle cette perte aurait été causée par le comportement illicite de la RDC. La Cour rappelle
toutefois que M. Diallo a vécu et travaillé sur le territoire congolais pendant une trentaine d’années,
au cours desquelles il n’a pu manquer d’accumuler des biens personnels. Elle considère que

l’intéressé aurait eu à les déménager en Guinée ou prendre des mesures pour pouvoir en disposer en
RDC. Partant, elle ne doute pas que le compor tement illicite de la RDC a causé à M.Diallo un
certain préjudice matériel s’agissant des biens personnels qui se trouvaient dans son appartement.

Dans ces conditions, se basant sur des considér ations d’équité, la Cour considère que la
somme de 10 000 dollars des Etats-Unis constitue une indemnité appropriée au titre dudit préjudice
matériel subi par M. Diallo (par. 30-36).

2) Perte de rémunération qu’aurait subie M. Diallo au cours de ses détentions et à la suite
de son expulsion illicites

La Cour estime que la Guinée n’a pas établi que M. Diallo percevait de ses deux sociétés une

rémunération mensuelle dans la période qui a précéd é immédiatement ses détentions. Elle observe
que la Guinée n’a pas davantage expliqué en quoi les détentions de M.Diallo auraient provoqué
l’interruption du versement de la rémunération que l’intéressé aurait pu recevoir en sa qualité de
gérant desdites sociétés. Dans ces circonstances, la Cour estime que la Guinée n’a pas prouvé que

M. Diallo aurait subi une perte de rémunération professionnelle à la suite de ses détentions illicites
(par. 37-46).

Elle considère que les raisons pour lesquelles el le a rejeté la demande formulée au titre de la

perte de rémunération professionnelle qu’aurait subie M. Diallo pendant ses périodes de détention - 3 -

valent tout autant pour la demande qui a trait à la période suivant l’expulsion de M.Diallo. Elle
ajoute que cette demande est en outre fondée en grande partie sur des conjectures, partant

notamment de la supposition que M.Diallo aurait continué de percevoir cette somme mensuelle,
n’eût été son expulsion illicite. Par conséquent, la Cour conclut qu’auc une indemnisation ne
saurait être allouée au titre des allégations de la Guinée qui concernent la rémunération que
M. Diallo n’aurait pu percevoir à la suite de son expulsion (par. 47-49).

En conséquence, la Cour n’accorde aucune i ndemnité au titre de la perte de rémunération
prétendument subie par M. Diallo au cours de ses détentions et à la suite de son expulsion (par. 50).

3) Privation alléguée de gains potentiels

La Cour observe que la Guinée formule une autre demande au titre de ce qu’elle appelle les
«gains potentiels» de M.Diallo. Elle estime que cette demande revient à réclamer une

indemnisation à raison d’une perte de valeur des so ciétés qui serait attribuable aux détentions et à
l’expulsion de M. Diallo. Or, pareille réclamation va au-delà de l’objet de l’instance, la Cour ayant
déjà déclaré irrecevables les demandes guinéenn es se rapportant aux préjudices qui auraient été
causés aux sociétés.

En conséquence, la Cour n’alloue aucune indemnité à la Guinée au titre de sa demande
afférente à des «gains potentiels» de M. Diallo (par. 51-54).

II. Total de l’indemnité et intérêts moratoires

La Cour conclut que l’indemnité à verser à la Guinée s’élève à un total de 95 000 dollars des
Etats-Unis, payable le 31août2012 au plus tard. Elle décide que, en cas de paiement tardif, des
er
intérêts moratoires sur la somme principale due courront, à compter du 1 septembre 2012, au taux
annuel de 6 pour cent (par. 56).

III. Frais de procédure

La Cour décide que chaque Partie supportera ses frais de procédure (par. 60).

Composition de la Cour

La Cour était composée comme suit: MT . omka, président ; M. Sepúlveda-Amor,
vice-président; MM.Owada, Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov, CançadoTrindade, Yusuf,

Greenwood, MmesXue, Donoghue, M.Gaja, MmeSebutinde, juges ; MM. Mahiou, Mampuya,
juges ad hoc ; M. Couvreur, greffier.

M. le juge Cançado Trindade joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle; MM.les

juges Yusuf et Greenwood joignent des déclarations à l’arrêt; MM.les juges ad hoc Mahiou et
Mampuya joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion individuelle.

* - 4 -

Un résumé de l’arrêt figure dans le document intitulé «Résumé n o2012/3». Le présent
communiqué de presse, le résumé de l’arrêt, ainsi que le texte intégral de celui-ci sont disponibles

sur le site Internet de la Cour (www.icj-cij.org) sous la rubrique «Affaires».

___________

Note : Les communiqués de presse de la Cour ne constituent pas des documents officiels.

___________

La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des
Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies et a entamé
ses activités en avril 1946. La Cour a son siège au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas). C’est
le seul des six organes principaux de l’ONU dont le siège ne soit pas à New York. La Cour a une

double mission, consistant, d’une part, à régler conf ormément au droit international les différends
d’ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats (par des arrêts qui ont force obligatoire et sont
sans appel pour les parties concernées) et, d’autre part, à donner des avis consultatifs sur les
questions juridiques qui peuvent lui être soumises par les organes de l’ONU et les institutions du

système dûment autorisées à le faire. La Cour est composée de quinze juges, élus pour un mandat
de neuf ans par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Indépendante du
Secrétariat des Nations Unies, elle est assistée par un Greffe, son propre secrétariat international,
dont l’activité revêt un aspect judiciaire et dipl omatique et un aspect administratif. Les langues

officielles de la Cour sont le français et l’anglai s. Aussi appelée «Cour mondiale», elle est la seule
juridiction universelle à compétence générale.

Il convient de ne pas confondre la CIJ, ju ridiction uniquement ouverte aux Etats (pour la

procédure contentieuse) et à certains organes et institutions du système des Nations Unies (pour la
procédure consultative), avec les autres institutions judiciaires, pénales pour la plupart, établies à
LaHaye et dans sa proche banlieue, comme pa r exemple le Tribunal pénal international pour

l’ex-Yougoslavie (ou TPIY, juridiction ad hoc créée par le Conseil de sécurité), la Cour pénale
internationale (CPI, la première juridiction pénale internationale permanente, créée par traité, qui
n’appartient pas au système des Nations Unies), le Tribunal spécial pour le Liban (ou TSL, organe
judiciaire indépendant composé de juges libanais et internationaux), ou encore la Cour permanente

d’arbitrage (CPA, institution indépendante permettant de constituer des tribunaux arbitraux et
facilitant leur fonctionnement, conformément à la Convention de La Haye de 1899).

___________

Département de l’information :

M. Andreï Poskakoukhine, premier secrétaire dela Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)
M. Boris Heim, attaché d’information (+31 (0)70 302 2337)
Mme Joanne Moore, attachée d’information adjointe (+31 (0)70 302 2394)

Mme Genoveva Madurga, assistanteadministrative (+31 (0)70 302 2396)

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