Réponses de l'Albanie aux questions posées par MM. les juges Koroma, Bennouna et Cançado Trindade au terme de la procédure orale (traduction)

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17886
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

CONFORMITÉ AU DROIT INTERNATIONAL DE LA DÉCLARATION UNILATÉRALE
D’INDÉPENDANCE DES INSTITUTIONS PROVISOIRES D’ADMINISTRATION
AUTONOME DU KOSOVO

R ÉPONSES DE LRÉPUBLIQUE ’ALBANIE AUX QUESTIONS POSÉES PAR LES JUGES

21DÉCEMBRE 2009 - 2 -

Table des matières

Réponse à la question posée par M. le Juge Koroma........................................................................
. 3

I. Observatiog nsnérales ........................................................................
.......3.........................

II. L’histoire du droit international ........................................................................
................... 3

III. La pratique de la Commission du droit international........................................................... 3

IV. La désintégration de la Yougoslavie et de l’Union soviétique............................................. 4

V. Les lignes directrices de 1991 pour la reconnaissance de nouveaux Etats........................... 4

VI. La pratique de la Commission Badinter........................................................................
....... 5

VII. La pratique du Conseil de sécurité ........................................................................
............... 6

VIII. Conclusion........................................................................
.................................................... 6

Réponse à la question posée par M. le juge Bennouna ...................................................................... 7

I. Observationg sénérales ........................................................................
.................................. 7

II. La question de la déclaration d’indépe ndance du Kosovo a-t-elle été présentée aux
électeurs ?........................................................................
....................................................... 8

III. Conclusion ........................................................................
..................................................... 9

Réponse à la question posée par M. le juge Cançado Trindade....................................................... 10

I. Observationg sénérales ........................................................................
................................ 10

II. L’importance du renvoi aux accords de Rambouillet .......................................................... 10

III. L’adhésion de la République fédérale de Yougoslavie aux principes figurant dans

l’annexe 2........................................................................
..................................................... 11

IV.L’importance du renvoi aux accords de Rambouillet pour les questions
d’autodétermination, de sécession ou les deux .................................................................... 12

V. Quelles sont, en droit international gé néral, les conditions factuelles devant au
préalable être remplies pour constituer un «peuple» et pouvoir prétendre à la qualité
d’Etat ?........................................................................
......................................................... 12 - 3 -

R ÉPONSE À LA QUESTION POSÉE PAR M. LE JUGE K OROMA

M. le juge Koroma a posé la question suivante :

«Il a été affirmé que le droit international n’interdit pas qu’un territoire fasse sécession
d’un Etat souverain. Les participants à la présente procédure pourraient-ils indiquer à
la Cour quels sont, selon eux, les éventuels principes et règles de droit international
qui autoriseraient, en dehors d’un contexte colonial, un territoire à faire sécession d’un

Etat souverain sans le consentement de ce dernier ?»

I. Observations générales

1. La manière dont la question a été posée pourrait être interprétée comme laissant entendre
qu’une règle spéciale autorisant un territoire à faire sécession d’un Etat souverain sans le

consentement de ce dernier serait nécessaire pour que cette sécession soit conforme au droit
international. L’Albanie considère cependant qu’une telle interpréta tion serait erronée. En réalité,
la question est de savoir si le dr oit international contient une rè gle imposant le consentement de
l’Etat souverain pour que la sécession d’un territoire soit conforme à ce droit.

2. Si l’existence d’une telle règle ne peut être établie, point n’est besoin de rechercher une
règle autorisant expressément un territoire à faire sécession. Or, l’Albanie estime qu’il ressort

clairement de l’histoire, de la pratique des Etats et de l’ opinio juris qu’aucune règle soumettant la
sécession à un consentement ne peut être établie . En revanche, il va de soi que le droit
constitutionnel peut interdire la sécession sans le consentement des autorités centrales d’un Etat.

II. L’histoire du droit international

3. L’Albanie a déjà mentionné le fait que, après que les Etats–Unis d’Amérique eurent
déclaré leur indépendance envers la Grande-Bretagne, une longue discussion s’était ensuivie pour
savoir dans quelle mesure cette déclaration éta it valable et pouvait donner lieu à la création d’un
nouvel Etat. La question ne fut pas réglée à l’époque. C’est seuleme nt lorsque les Etats

d’Amérique latine déclarèrent leur indépendance qu’il fut établi par la pratique et l’opinio juris que
des Etats tiers pouvaient reconnaître de nouveaux Etat s après une déclaration d’indépendance, si le
nouvel Etat était devenu effectif . Telle est la règle reconnue en droit international général depuis

environ 1820. Pour qu’une nouvelle règle puisse voir le jour, il faudrait démontrer que la pratique
des Etats et l’opinio juris ont changé. Or, l’Albanie estime que l’existence d’une nouvelle pratique
ne saurait être établie.

III. La pratique de la Commission du droit international

4. La Commission du droit international a, pendant ses premières sessions, examiné la

question de savoir si le droit international contenait un droit de sécession ou une interdiction de la
sécession. Elle est parvenue à la conclusion que le droit international n’avait ni prévu un droit de
sécession ni condamné la sécession visant à l’accessi on à l’indépendance. Au cours de ses

délibérations sur l’article 18 du projet de déclaration des droits et devoirs des Etats, la Commission
a expressément limité le principe de non-reconnaissance des acquisitions territoriales par le recours
illicite à la force aux cas d’acquisition «par un au tre Etat», ce qui excluait l’hypothèse de la

1
Exposé écrit de l’Albanie (avril 2009), par. 44 et références. - 4 -

sécession . Il en résulte que la Commission du droit in ternational considérait clairement, en 1949,

que la règle n’avait pas changé.

IV. La désintégration de la Yougoslavie et de l’Union soviétique

5. Chacun sait que, du fait de la désintégra tion de ces deux Etats, de nombreux Etats
aujourd’hui souverains ont déclaré leur indépendance à l’égard de la Yougoslavie ou de l’Union

soviétique, puis de la Fédération de Russie. Pour autant que cela ait pu être établi, aucun Etat ni
aucune organisation internationale n’a jugé que ces déclarations d’ indépendance, en tant qu’actes
de sécession, étaient contraires au droit interna tional lorsque l’ancien souverain n’y avait pas

consenti.

6. Certes, dans la plupart des cas, un accord a finalement pu être trouvé. On ne saurait

cependant en conclure qu’une nouve lle règle de droit international a, de ce fait, été établie, rè
gle
selon laquelle le consentement de l’ancien souverain serait une condition nécessaire.

7. L’Albanie considère que le bien-fondé de cette interprétation ressort des lignes directrices
pour la reconnaissance de nouveaux Etats d’Europe orientale et de l’Union soviétique, adoptées par
les ministres de l’Union européenne le 16déce mbre1991, ainsi que de la pratique de la

commission dite Badinter et du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies.

V. Les lignes directrices de 1991 pour la reconnaissance de nouveaux Etats

8. Les lignes directrices pour la reconnaissance de nouveaux Etats d’Europe orientale et de
l’Union soviétique ont soumis la reconnaissan ce aux conditions suivantes : «le respect des

dispositions de la Charte des Nations Unies et des engagements souscrits dans l’acte final
d’Helsinki et la charte de Paris, notamment en ce qui concerne l’état de droit, la démocratie et les
droits de l’homme; la garan tie des droits des groupes ethniques et nationaux et des minorités

conformément aux engagement souscrits dans le cadre de la CSCE ; le respect de l’inviolabilité des
limites territoriales qui ne peuvent être modifiées que par des moyens pacifiques et d’un commun
accord ; la reprise de tous les engagements pertinents relatifs au désarmement et à la
non-prolifération nucléaire ainsi qu’à la sécurité et à la stabilité régionales ; l’engagement à régler

par accord, notamment le cas échéant par un recours à l’arbitrage, toutes les questions afférentes à
la succession d’Etats et aux différends régionaux».

9. Il a été précisé que la Communauté européenne et ses Etats membres ne reconnaîtraient
pas les entités ayant vu le jour à la suite d’une agression, et qu’ils tiendraient compte des
conséquences de la reconnaissance sur les Etats voisins . 3

10. L’Albanie estime que l’absence, dans ces lignes directrices, de toute condition de

consentement de l’ancien souvera in démontre clairement qu’une telle règle n’existe pas en droit
international. Les ministres des affaires étrangère s de l’Union européenne auraient inclus cette
condition s’ils avaient considéré que le droit intern ational l’imposait. A cet égard, la déclaration
des ministres des affaires étrangères constitue une manifestation importante de la pratique étatique.

2
Annuaire de la Commission du droit international, 1949, p. 112-113.
3Déclaration sur les lignes directrices pour la reconnaissance de nouveaux Etats d’Europe orientale et de l’Union
soviétique, Conseil de sécu rité de l’Organisation Nations Unies, Nations Unie s, doc./23293, 17décembre1991,
annexe II. - 5 -

11. Sur la base de ces lignes directrices, de nouveaux Etats ont été reconnus et ce, sans que

l’ancien souverain y ait formellement consenti. Tel a notamment été le cas de la reconnaissance de
la Croatie .

VI. La pratique de la commission Badinter

12. La Communauté européenne a constitué une commission d’arbitrage, qui a examiné
nombre des questions qui se sont posées dans le ca dre de la dissolution de la Yougoslavie. La
commission d’arbitrage était composée du préside nt du Conseil constitutionnel français, du
président de la Cour constitutionnelle fédérale allemande, du président de la Cour constitutionnelle

italienne, du président de la Cour constitutionnelle espagnole et du président de la Cour d’arbitrage
belge. Le président du Conseil constitutionnel français, M. Badinter, en a été nommé pré
sident.

13. Il ressort clairement de la manière dont la commission Badinter a traité la question de la
dissolution de la Yougoslavie que tous ses membres considéraient que la sécession ne requérait pas

le consentement de l’ancien souverain. Dans le point 2) de l’avis n°8 du 4juillet1992 figure le
paragraphe suivant :

«La commission considère que l’existe nce d’un Etat fédéral, composé de
plusieurs entités fédérées distinctes est gr avement mise en cause lorsqu’une majorité
de celles-ci, englobant la majorité du territoire et de la population de la fédération, se
constituent en Etats souverains, de telle sorte que l’autorité fédérale ne peut plus y être

exercée en fait.»

14. La commission d’arbitrage n’a donc p as subordonné l’acte par lequel les anciennes
entités de l’Etat fédéral se constituent en tant qu’ Etats souverains au consentement de l’ancien
souverain. La commission précise que, dans ces conditions, la reconnaissance témoigne du fait que

l’entité polit5que ainsi reconnue est une réalité et lu i confère certains droits et obligations en droit
international .

o
15. L’avis n 10 du 4 juillet 1992 démontre également que la commission d’arbitrage ne
considérait pas le consentement de l’ancien souverain comme nécessaire à la sécession. Au
paragraphe 4 de cet avis, la commission examine la question de la reconnais sance. Elle souligne

que la reconnaissance est purement déclarative du point de vue de ses effets, mais ajoute qu’il
s’agit néanmoins d’un acte discrétionnaire que les autres Etats peuvent effectuer au moment de leur
choix et sous la forme qu’ils décident, à la seu le condition qu’ils respectent les normes impératives

du droit international général, notamment celles qui interdisent le recours à la force dans les
relations avec d’autres Etats ou qui garantissent les droits des minorités ethniques, religieuses ou
linguistiques .

16. L’Albanie considère que, si la commission av ait estimé que le consentement de l’ancien
souverain était une condition à la reconnaissance d’un nouvel Etat créé par voie de sécession, elle

l’aurait précisé.

4
Pour un examen plus approfondi, voir S.Oeter: Yougoslavia dissolution , in: R. Bernard (dir. publ.),
Encyclopedia of Public International Law, vol. 4 (2000), p. 1563, 1568–1573.
5 o
Avis n 8, RGDIP, tome XCVII, 1993, p. 589.
6Ibid., p. 595. - 6 -

VII. La pratique du Conseil de sécurité

17. Ainsi que l’Albanie et d’autres Etats l’ont démontré, il ressort clairement de la pratique
du Conseil de sécurité que le consentement de l’ancien souverain ne constitue pas, en droit
international public, une condition nécessaire de la sécession. Le Conseil de sécurité a eu à
connaître de cas d’intervention d’Etats tiers ayant entr aîné une sécession, et a appelé les Etats à ne

pas reconnaître l’entité en question en tant qu’Etat. Rien de tel ne s’est cependant produit dans le
cas du Kosovo. Le Conseil de sécurité n’a jamais agi en vertu d’une règle qui subordonnerait la
sécession au consentement de l’ancien souverain.

VIII. Conclusion

18. En conséquence, l’Albanie conclut qu’il n’ existe, en droit international public, aucune
règle interdisant à un territoire de faire sécession d’un Etat souverain sans le consentement de ce

dernier. - 7 -

R ÉPONSE À LA QUESTION POSÉE PAR M. LE JUGE B ENNOUNA

M. le juge Bennouna a posé la question suivante :

“Did the authors of the Unilateral Declaration of Independence by the
Provisional Institutions of Self-Government of Kosovo previously campaign, in the

elections of November2007 for the Assemb ly of the Provisional Institutions of
Self-Government of Kosovo, on the basis of their willingness, once elected, to declare
Kosovo independent unilaterally, or did they at least present the unilateral declaration
of Kosovo’s independence to their electors as one of the alternatives for their future

action?”

«Est-ce que les auteurs de la décl aration unilatérale d’indépendance des

institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo ont fait auparavant
campagne, lors de l’élection de novem bre2007 de l’assemblée des institutions
provisoires d’administration autonome du Kosovo, sur la base de leur volonté de

déclarer unilatéralement, une fois élus, l’ indépendance du Kosovo, ou bien ont-ils, au
moins, présenté à leurs électeurs la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo
comme l’une des alternatives de leur action future ?»

I. Observations générales

1. Les élections auxquelles il est fait référence dans la question posée par
M.lejugeBennouna, élections qui se sont tenues le 17novembre2007, se sont déroulées
simultanément à trois niveaux: l’assemblée du Kosovo, les assemblées municipales et les maires

élus au suffrage direct. La campagne électorale a été plutôt courte; elle n’a duré que vingtetun
jours. Les observateurs internationaux sont c onvenus que, d’une manièr e générale, tant les
élections elles-mêmes que le processus électoral s’étaient déroulés conformément aux normes
7
européennes et internationales en matière d’élections démocratiques . Ainsi que la mission du
Conseil de l’Europe pour l’observation des élec tions au Kosovo (CEEOMV) l’a indiqué dans sa
déclaration préliminaire du 18 novembre 2007, la cam pagne s’est déroulée dans le calme, mais elle

s’est révélée assez discrète par rapport aux él ections précédentes, les entités politiques ayant
préféré recourir massivement à l’affichage plut ôt que de tenir de grands rassemblements
politiques . En outre, les principaux dirigeants politiques étaient souvent absents du Kosovo, pour
9
cause de participation aux négociations sur le statut futur de la province .

2. Les deux processus, c'est-à-dire le processu s électoral et les négociations sur le statut

futur, progressaient en même temps mais étaient clai rement distincts. A l’époque, le processus de
négociation était mené par une tr oïka comprenant des représentants de l’Union européenne, des
Etats-Unis d’Amérique et de la Fédération de Russi e. Il convient de men tionner ici que, dans leur

déclaration sur le Kosovo faite le27septembre 2007 à NewYork, les ministres du groupe de
contact ont souligné que tout règlement devait être acceptable pour le peuple du Kosovo, garantir
l’application des normes relatives au caractère multiethnique du Kosovo et promouvoir la stabilité

7
Mission du Conseil de l’Europe pour l’observatides élections au Kosovo (CEEOM V), communiqué de
presse – 801 (2007).
8Ibid.

9Déclaration préliminaire de la mission du Conseil de l’Eupour l’observation des élections au Kosovo
(CEEOMV), disponible sur le site internet:tp://www.coe.int/t/dc/files/events /2007_kosovo/prelim_statement_fr.asp
(consulté pour la dernière fois le 20 décembre 2009). - 8 -

10
future de la région . En outre, les ministres ont exprimé l’espoir que les élections prévues au
Kosovo le17novembre se dérouleraient dans le cal me et l’ordre, avec la pleine participation de
11
toutes les communautés .

3. Le représentant spécial du Secrétaire géné ral de l’Organisation des NationsUnies, qui
dirigeait la mission d’administration intérimaire au Kosovo (MINUK), M.JoachimRücker, a fixé
la date des élections au1 erseptembre2007. La tenue de ces élections a été annoncée par

M. Rücker, sur la base de l’accord conclu avec les principaux leaders politiques du Kosovo, accord
en vertu duquel les élections pourraient être reportées à tout moment si l’on estimait qu’elles

risquaient d’interférer avec le processus de détermination du statut final du Kosovo.

II. La question de la déclaration d’indépendance du Kosovo a-t-elle été présentée aux
électeurs ?

4. A titre liminaire, il convient de préciser que les élections du 17 novembre 2007 portaient
principalement sur l’élection des personnes appelées à diriger les structures du Kosovo et ce, dans
les nombreux domaines qui faisaient désormais partie des attributions desdites structures. Cela

étant, l’hypothèse de l’indépendance du Kosovo ét ait mentionnée dans les programmes électoraux
des principaux partis politiques 12 et faisait l’objet de débats et de commentaires dans les médias 13.

Les programmes de certains des principaux partis politiques, à savoir la ligue démocratique d14
Kosovo (LDK) et la nouvelle alliance du Kosovo (AKR) l’attestent clairement . Ainsi, selon le
programme de l’AKR, l’«élément moteur» de son action était la création d’un Etat du Kosovo

souverain et indépendant doté d’une économi e développée et intégré aux structures
euro-atlantiques . 15

5. Les informations diffusées en albanais et en anglais par de grands médias tels que la BBC,
«Voice of America» et «Deutsche Welle», ainsi que par les médias serbes eux-mêmes, indiquaient
16
clairement que l’indépendance du Kosovo était be l et bien l’une des principales possibilités . Les
programmes politiques de la plupart des partis kosovars et la campa gne qu’ils ont menée, ainsi que

la couverture médiatique de cette campagne, c onfirment que l’hypothèse de l’indépendance était
clairement à l’ordre du jour et qu’elle a été présentée aux électeurs.

6. Ainsi qu’il a déjà été indiqué, il s’agi ssait d’élections simultanées à trois différents
niveaux des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo. C’est pourquoi les

principaux thèmes de campagne étaient des qu estions telles que le développement économique,
l’emploi, etc. Le faible taux de participation peut être considéré comme un signe de l’insatisfaction
de la population face aux difficultés économiques a uxquelles elle devait faire face ainsi que de sa

10
Voir le dossier communiqué à la Cour par le Secrétaire général, documents con cernant la création de la
MINUK et l’administration du Kosovo ⎯processus de détermination du statut futur du Kosovo (partieII-I), p.164;
disponible sur le site internet: http://www.icj-cij.org/docket/files/141/15040.pdf (consulté pour la dernière fois
le 20 décembre 2009).
11
Ibid, p. 165.
12
Programme de la LDK, p. 1, 5 et 6.
13 Voir les Local Media Monitoring Reports relatifs à la période allant du mois d’août2007 au mois de

novembr2e007, établis par la MINUK, dont le texte anglais est dis ponible sur le site Internet
http://www.unmikonline.org/dpi/localmed.nsf/f0300?OpenForm (consulté pour la dernière fois le 20 décembre 2009).
14 Voir les programmes de la LDK, du PDK, de l’AKR et de l’AAK.

15 Programme de l’AKR, p. 3.

16 Pour de plus amples informations, voir les sites Internet respectifs de ces médias. - 9 -

lassitude et de sa frustration devant la lenteur du processus de négociation sur le statut futur ; enfin,
et ce n’est pas le moins important, le mauvais temps a eu une inciden ce négative sur le scrutin 17.

Quoi qu’il en soit, c’est le parti démocrati que du Kosovo (PDK) qui est sorti vainqueur des
élections , parti dont le leader avait annoncé quelques jours auparavant que Pristina déclarerait
19
l’indépendance «peu» après le 10 décembre 2007 .

20
7. Ainsi que cela a été indiqué dans l’exposé écrit de l’Albanie , le peuple du Kosovo s’était
déjà prononcé à une très large majorité en fave ur de l’indépendance pa r un référendum sur cette
question organisé au Kosovo du 26au 30septembre 1991, à la suite de l’abolition du statut

d’autonomie de la province par la Serbie en 1989. Sur les 87 % de la population ayant participé à
ce référendum, 99,87% avaient voté pour l’indépendance 21. A n’en pas douter, l’écrasante

majorité du peuple du Kosovo était favorable à l’indépendance.

III. Conclusion

8. Le peuple du Kosovo, ainsi qu’il l’avait déjà fait savoir lors du référendum de 1991, était

clairement favorable à l’indépendance. La décl aration d’indépendance faite le 17 février 2008 par
ses représentants démocratiquement élus a donc été l’expression de cette volonté populaire, du

pouvoir constituant du peuple du Kos ovo. Les imposantes célébrations qui ont eu lieu le jour de
l’indépendance du Kosovo, le 17février2008, illu strent parfaitement le soutien populaire dont
bénéficie l’acte constitutif de la République du Kosovo.

17
Selon CNN, «des organisateurs d’élections internationaux ont en partie imputé le faible taux de participation au
mauvais temp ;sl»e texte anglais de cet article es t disponible sur le site
Internet http://www.cnn.com/2007/WORLD/europe/11/18/kosovo.election/index.html (consulté pour la dernière fois le
20décembre2009). Selon Express, un quotidien du Kosovo, «d es organisateurs d’élections ont estimé que le mauvais
temps ⎯ neige et pluie ⎯ était la cause principale du faible taux de participation aux élections. JoachimRücker,

TimGuldimann et Mazllum Baraliu l’ont mentionné également». Voir le Local Media Monitoring Report du
1novembre 2007, établi par la MI NUK, dont le texte angl ais est disponible sur le site Interne:t
http://www.unmikonline.org/dpi/localmed.nsf/f0300?OpenForm &Seq=1#_RefreshKW_Media (consulté pour la dernière
fois le 20 décembre 2009).
18
Le PDK a recueilli 34,3 % des suffrages ; le LDK, 22,6 % ; l’AKR, 12,3 % ; la LDD-PSHDK et l’AAK, 9,6 %.
Pour des résultats statistiques détaillés de ces élections, voir, en page4, http://www.osce.org/documents/
mik.2007/07/39006_en.pdf (consulté pour la dernière fois le 20 décembre 2009).
19
Comme cela a été indiqué sur B92 (une radio serbe), le texte anglais de l’article étant disponible sur le site
Internethttp://www.b92.net/eng/news/politics-article.php?yyyy=2007&mm=11&dd=12&….
20
Exposé écrit de l’Albanie, avril 2009, par. 10.
21
Voir, notamment, D.Bethlehem et M.Weller (dir. publ.), The «Yugoslav» Crisis in International Law:
General Issues Part I, Cambridge International Document s Series, Vol.5, Cambridge Un iversity Press, 1997, p.xxx;
N. Malcolm, Kosovo: A Short History, Macmillan Publishers Ltd.: London, 1998, p. 347. - 10 -

R ÉPONSE À LA QUESTION POSÉE PAR M. LE JUGE C ANÇADO T RINDADE

M. le juge Cançado Trindade a posé la question suivante :

«La résolution1244(1999) du Conseil de sécurité fait référence, à l’alinéa a) de son
paragraph1e1, à «l’instauration au Kosovo d’une autonomie et d’une

auto-administration substa ntielles», compte pleinement tenu des accords de
Rambouillet. De votre point de vue, que faut-il entendre par ce renvoi aux accords de
Rambouillet? Celui-ci a-t-il une incidence sur les questions d’autodétermination, de

sécession ou les deux? Dans l’affirmative, à quelles conditions un peuple devrait-il
satisfaire pour pouvoir prétendre au statut d’ Etat, dans le cadre du régime juridique
établi par la résolution 1244 (1999) du Conse il de sécurité ? Et quelles sont, en droit
international général, les c onditions factuelles devant au préalable être remplies, pour

constituer un «peuple», et pouvoir prétendre à la qualité d’Etat ?»

I. Observations générales

1. Dans la résoluti1244(1999) du C onseil de sécurité de l’Organisation des
Nations Unies, il est fait référence à quatre re prises aux accords de Rambouillet. A l’alinéa a) du
paragraphe11, il est indiqué que la présence civile internationale fac ilitera, en attendant un
règlement définitif, l’instauration au Kosovo d’une autonomie et d’une auto-administration

substantielles, compte pleinement tenu de l’annexe 2 et des accords de Rambouillet (S/1999/648).

2. A l’alinéa e) du paragraphe 11, il est indiqué que l’une des responsabilités de la présence

internationale civile est de faciliter un processpolitique visant à déterminer le statut futur du
Kosovo, en tenant compte des accords de Rambouillet (S/1999/648).

3. Dans l’avant-dernier paragraphe de l’annexe 1, il est indiqué que les ministres des affaires
étrangères du G-8 ont adopté les principes généra ux pour un règlement politique suivants: un
processus politique menant à la mise en place d’ un accord-cadre politique intérimaire prévoyant
pour le Kosovo une autonomie s ubstantielle, qui tienne pleinement compte des accords de

Rambouillet et des principes de souveraineté et d’in tégrité territoriale de la République fédérale de
Yougoslavie et des autres pays de la région.

4. Au paragraphe 8 de l’annexe 2 est prévu un processus politique en vue de l’établissement
d’un accord-cadre politique intérimaire prévoyant pour le Kosovo une autonomie substantielle, qui
tienne pleinement compte des accords de Rambouillet et du principe de la souveraineté et de
l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et des autres pays de la région.

II. L’importance du renvoi aux accords de Rambouillet

5. Le renvoi aux accords de Rambouillet signi fie que les dispositions très détaillées de ces

accords relatives à la période intérimaire précédan t l’adoption d’une solution finale doivent être
prises en compte par la présence internationale civile et de sécurité au Kosovo. De toute évidence,
ces dispositions détaillées ne sont pas des obligati ons contraignantes. L’expression employée dans
chacun de ces renvois est «qui tienne pleinement compte» ou «qui tienne compte» des accords de

Rambouillet. - 11 -

6. Ces renvois ont néanmoins une autre signification très importante. Les accords de

Rambouillet ne précisaient pas quelle serait la solution finale pour le Kosovo. La question de
savoir si le Kosovo deviendrait ou non pleinement indépendant n’était pas tranchée. C’est ce qui
ressort du paragraphe3 de l’articlepremier du chapitre8 de la version finale de l’accord
intérimaire de Rambouillet, libellé comme suit :

«Trois ans après l’entrée en vigueur du présent accord, une réunion
internationale sera convoquée en vue de définir un mécanisme pour un règlement

définitif pour le Kosovo, sur la base de la volonté du peuple, de l’avis des autorités
compétentes, des efforts accomplis par chac une des parties dans la mise en Œuvre du
présent accord, et de l’acte final d’Helsinki, ainsi que pour réaliser une évaluation
d’ensemble de la mise en Œuvre du présent accord et d’examiner les propositions de
22
mesures complémentaires formulées par les parties.»

7. Cette disposition contenue dans les accords de Rambouillet atteste que la pleine

indépendance du Kosovo sur la base de la «volont é du peuple» était envisagée comme l’une des
issues possibles du processus intérimaire. Le fait qu’il soit confirmé, par le renvoi aux accords de
Rambouillet, que cette possibilité est conforme à la résolution 1244 (1999) revêt la plus haute

importance.

8. Ainsi que l’Albanie l’a déjà précisé, la référence à la souveraineté et à l’intégrité

territoriale de la République fédé rale de Yougoslavie, qui figure dans les deux derniers renvois à
Rambouillet, crée un équilibre dans le libellé de la résolution. D’un côté, il est confirmé que la
procédure en tant que telle n’a au cune incidence sur l’intégrité terr itoriale et la souveraineté de la

République fédérale de Yougoslavie. De l’autre, il est clairement indiqué que le processus
politique peut conduire à un statut final d’indépendance du Kosovo.

III. L’adhésion de la République fédérale de Yougoslavie aux principes figurant
dans l’annexe 2

9. Dans le préambule de la résolution 1244 (1999), il est expressément indiqué que la

République fédérale de Yougoslavie a adhéré aux principes dont l’énoncé forme l’annexe 2 de la
résolution.

10. La partie 9 du préambule se lit comme suit :

«Accueillant avec satisfaction les principes généraux concernant la solution politique

de la crise du Kosovo adoptés le 6mai 1999 (S/1999/516; annexe 1 à la présente
résolution) et se félicitant de l’adhésion de la République fédérale de Yougoslavie aux
principes énoncés aux points 1 à 9 du document présenté à Belgrade le 2 juin 1999
(S/1999/649; annexe 2 à la présente résolu tion) ainsi que de son accord quant à ce

document…»

11. De par cette formulation de la résolu tion 1244 (1999), il a été confirmé que tous les

intéressés reconnaissaient que la possibilité d’une indépendance pleine et entière du Kosovo
⎯possibilité qui existait en vertu des accords de Rambouillet ⎯ faisait partie des principes sur
lesquels la solution de la crise du Kosovo devait reposer.

22 o
Nations Unies, doc. S/1999/648 (dossier n 30). - 12 -

12. Cela ressort également du premier paragra phe du dispositif de la résolution. Dans ce
paragraphe, le Conseil de sécur ité «[d]écide que la solution politique de la crise au Kosovo

reposera sur les principes généraux énoncés à l’annexe 1 et les principes et conditions plus détaillés
figurant à l’annexe 2»

13. Au paragraphe 2 du dis positif, le Conseil se félicite «de l’adhésion de la République
fédérale de Yougoslavie aux prin cipes et conditions visés au paragraphe 1 et exige de la
République fédérale de Yougoslavie qu’elle coopère sans réserve à leur prompte application».

14. Le fait que les références au chapitre VII de la Charte des Nations Unies soient libellées
comme suit est également important :

«Résolu à assurer que la sécurité du personnel international soit garantie et que tous
les intéressés s’acquittent des responsabilit és qui leur incombent en vertu de la
présente résolution, et agissant à ces fins en vertu du chapitre VII de la Charte des

Nations Unies».

15. Il ressort clairement de cette formulati on que les responsabilités de tous les intéressés, y

compris la République fédérale de Yougoslavie, dépendent des différents résultats possibles du
processus politique visant à déterminer le statut final du Kosovo.

IV. L’importance du renvoi aux accords de Rambouillet pour les questions
d’autodétermination, de sécession ou les deux

16. Etant donné que le renvoi aux accords de Rambouillet fait référence à un règlement final

pour le Kosovo «sur la base de la volonté du peuple», il est pertinent aux fins de
l’autodétermination ou de la sécession. De par la façon dont il a formulé la résolution 1244, le
Conseil de sécurité a reconnu que la volonté du pe uple revêtait une importance décisive en la
matière. Le peuple du Kosovo est donc reconnu dans ce renvoi.

17. Ce point est confirmé par le cadre constitutionnel pour un gouvernement autonome
provisoire au Kosovo, promulgué par le repr ésentant spécial du Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies le 15 mai 2001, qu i proclame que «le Kosovo est une entité sous

administration internationale provisoire qui, ai nsi que son pe23le, présente des caractéristiques
historiques, juridiques, culturelles et linguistiques uniques» .

18. Il ressort de la structure de la réso lution 1244 (1999) que le peuple du Kosovo est

considéré comme pouvant prétendre au statut d’État si le processus inauguré par la résolution 1244
devait aboutir à ce résultat. Dès lors que ce pr ocessus n’a pas conduit à un résultat accepté d’un
commun accord, le peuple du Kosovo était fondé à exercer son droit à l’autodétermination.

V. Quelles sont, en droit international généra l, les conditions factuelles devant au préalable
être remplies pour constituer un «peuple» et pouvoir prétendre à la qualité d’Etat ?

19. La Cour suprême du Canada a, dans l’affaire du Québec, examiné le sens de la notion de
peuple dans le contexte du droit à l’autodéterm ination. Elle a indiqué que le sens du terme
«peuple» restait assez incertain. Selon la Cour suprême du Canada, il est évident qu’un peuple peut

s’entendre d’une partie seulement de la population d’ un Etat existant. La définition de ce mot ne

23
Art.1.1 du cadre constitutionnel pour un gouvernet autonome provisoire, MINUC/Reg./2001/9, 15 mai
2001. - 13 -

peut être restreinte à la population d’Etats existants car cela rendrait largement superflue la
24
reconnaissance du droit à l’autodétermination .

20. L’Albanie considère que les éléments ci-a près sont importants aux fins de définir ce

qu’est un peuple jouissant du droit à l’autodétermination externe :

1. Un élément subjectif relatif à l’identité du peuple en question.

2. Un élément historique relatif à la transformation de ce peuple en une entité spécifique.

3. Des éléments linguistiques, culturels et re ligieux se révéleront souve nt importants pour créer

l’identité requise.

21. Le peuple du Kosovo, qui est à plus de90% d’origine albanaise sur les plans
linguistique, culturel et historique, forme un peuple au sens du droit à l’autodétermination.

22. Ainsi que l’Albanie et d’autres participants l’ont indiqué, le peuple du Kosovo, qui a subi
pendant dix ans l’oppression brutale de la Serb ie, a, par la déclaration d’indépendance du
17 février 2008, exercé son droit à l’autodétermination en toute conformité au droit international.

___________

24Renvoi relatif à la sécession du Québec [1998], 2 R.C.S. 217.

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Réponses de l'Albanie aux questions posées par MM. les juges Koroma, Bennouna et Cançado Trindade au terme de la procédure orale (traduction)

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