Annexe 1
Première question poséepar le juge Al-Khasawneh aux Etats-Unis
[I'raduction]
«Les conseils des Etats-Unis considèrent-ils que la notion de lex specialis, d'une part, et
celle de «régime se suffisant à lui-même»,d'autre part, sont synonymes? Si tel n'est pas le
cas, quelles sont les différences entre ces deux notions ? Cette question concerne évidemment
letraité de 1955.»
La position de l'Iran sur cette question a étéexposée au cours des plaidoiries (voir
CR 2003/16, 3 mars 2003, 15 heures, p. 11-13 (M. Crawford)). Rien dans la réponse des
Etats-Unis à la question du juge Al-Khasawneh n'appelle une modification quelconque de cette
position. L'Iran tient seulement à faire trois observations à propos de la réponsedesEtats-Unis.
En premier lieu, l'Iran constate que les Etats-Unis ne soutiennent plus désormaisque le traité
d'amitié est un <<régime se suffisant à lui-même», expression qui a en fait étéemployée par
M. Weil au cours du premier tour de plaidoirie (CR 2003112,p. 18, par. 17.20). Mais, quelles que
soient les difficultésqui entourent la notion de<<régims ee suffisant à lui-même»,il est tout à fait
clair que celle-ci'a rien à voir avec la présenteaffaire. Le traitéd'amitiéest un traitébilatéralau
sens habituel, qui doit donc êtreinterprétéet appliquéconformémentau droit international.
En deuxième lieu, s'il est vrai que le traité d'amitiéest une lex specialis- en tant qu'il
confère aux Parties certains droits et leur impose certaines obligations dans le cadre de leurs
relations bilatérales-, cet aspect est sans pertinence en l'espèce. La question de savoir si un traité
bilatéralest une lex specialis- par exemple vis-à-vis d'un autre traitéou du droit international
général- revêtune importance lorsqu'il existe une contradiction possible entre le traitébilatéralet
telle autre norme. TI s'agit «essentiellement [d]'une affaire d'interprétatiom>,comme l'a fait
remarquer la Commission du droit international au paragraphe 4 de son commentaire de l'article 55
de son projet d'articles sur la responsabilitéde l'Etat pour fait internationalement illicite, joint à la
résolution56/83 de l'Assembléegénéraledatéedu 12 décembre2001; et c'est précisémentle droit
international qui fournit le cadre d'interprétationpour les instruments tels que le traitéd'amitié.
L'Iran renvoie une nouvelle fois à la jurisprudence du Tribunal irano-américaindes réclamations,
et notamment à l'affaire Amoco International Finance, dans laquelle le tribunal a qualifiéle traité
d'amitié de lex specialis puis, pour ajouter dans le mêmeparagraphe que «les règles de droit
coutumier peuvent servir à combler les lacunes possibles du traité,à déterminer le sens de termes
qui n'y sont pas définis, ou plus généralementà faciliter l'interprétation et l'exécution de ses
dispositions» (Iran-US CTR, vol. 15, p. 222, par. 112, 1987). En la présenteespèce,c'est du traité
d'amitié,et en particulier du paragraphe 1 de son article X, que la Cour tire sa compétence,mais la
Cour peut suivre le droit international pour interpréteret appliquer le traité. LesParties semblent
bien s'accorder sur ce point.
En revanche -et c'est le troisièmepoint de l'Iran -, elles divergent sur les implications de
cette position, particulièrement en ce qui concerne l'interprétationde l'alinéa) du paragraphe 1 de
l'article XX. Pour l'Iran, la clause des «intérêtsitaux» ne saurait, ou du moins ne devrait pas être,
appliquéede manièreà légitimerou rendre licite au sens du traitéun comportement contraire à une
norme impérativede droit international général,c'est-à-dire un comportement s'accompagnant de
l'emploi de la force dans les relations internationales d'une manière qui dépassemanifestement le
cadre de la légitimedéfense. L'intention des Parties au traitéd'amitién'étaitpas de permettre à
l'une d'entre elles, sous le couvert de l'alinéad) du paragraphe 1 de l'article XX, de prendre des
mesures militaires contraires aux termes exprèsdu traitédans des circonstances qui <<nesauraient»
se justifier sur le fondement de la légitime défense. n s'agit là très clairement d'un point -2-
d'interprétationque les Etats-Unis, qui ont beau citer abondamment les adages latins, n'ont jamais
examiné. Il est lui aussi évoquédans le commentaire de la CDI sur l'article 55, au paragraphe 2:
«les Etats ne peuvent pas, mêmepar accord entre eux, prévoirdes conséquencesjuridiques d'une
violation de leurs obligations mutuelles qui autoriseraient des actes contraires à des normes
impératives du droit international général». Or, c'est ce que les Etats-Unis font en la présente
espècelorsqu'ils s'appuient sur l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX. Annexe 2
Seconde question posée par le juge Al-Khasawneh aux Etats-Unis d'Amérique
Dans sa déclaration, que les Etats-Unis nous ont communiquée et qui figure sous
l'onglet n° C9 du dossier des juges, le général Crist explique dans les termes suivants
pourquoi il a étédécidéd'attaquer les plates-formes pétrolières: «[l]'Iran n'aurait jamais pu
s'en prendre à des navires américains sans ces plates-formes, dans la mesure où il ne
disposait pas d'autres moyens offshore de surveillance constante des routes maritimes,
hormis l'île de Farsi». Pourquoi les Etats-Unis ont-ils choisi de s'en prendre aux
plates-formes et non aux moyens de surveillance situés sur l'île de Farsi ?
Cette question fait référenceaux propos du général Crist, lequel a déclaréque, «hormis 1'île
de Parsi», l'Iran ne disposait pas d'autres moyens offshore que les plates-formes pétrolièrespour
assurer «la surveillanceconstante desroutes maritimes».
Pour formuler des observations sur la réponsedes Etats-Unis à cette question, il faut tout
d'abord souligner que la déclarationdu général Crist elle-mêmeest inexacte. Ainsi que l'Iran l'a
montré,les forces militaires iraniennes disposaient d'installations de transmission et de radar le
long des côtes de l'Iran et sur ses îles, installations qui pouvaient couvrir la totalitédu golfe
Persique (voir déclaration de M. Mokhlessian, réplique,vol. VI). Les côtes et les îles iraniennes
étaientainsi équipéesde radars d'alerte dotés de fonctions de stand-by à longue distance, et
capables de détecteret de suivre les mouvements de n'importe quel navire dans le golfe Persique.
D'autres équipementsradar et systèmes de détectionélectroniqueétaientinstallésà bord des
aéronefset desnavires de guerre. Ces faits n'ontpas été contestéspar les Etats-Unis.
Les propres annexes des Etats-Unis confirment que l'île de Farsi n'étaitpas la seule île
iranienne à êtreéquipée de radars. Ainsi, l'annexe 114du contre-mémoirementionne, pour le seul
premier district naval, des postes radar sur les îles de Larak, d'Abou Mousa, de Hengam, de Sirrik
et de Sirri. L'Iran avait égalementplacédes installationsradar sur les îles de Tonb, de Qeshm et de
Kharg.
La réponsedes Etats-Unis quant au choix des plates-formes pétrolièrescomme cible des
actions américainesplutôt que de l'île de Farsi ou mêmede n'importe quelle autre installationradar
appartenant à l'Iran est contreditepar les faits eux-mêmes.L'Iran a déjàmontrénon seulementque
le radar situésur le complexe de Reshadat n'étaitpas sophistiquéet qu'il étaiten trèsmauvais état,
mais aussi que ce radar se trouvait sur la plate-formeR-4.
C'est pourtant la plate-forme R-7, qui n'étaitpas équipéede radar, qui fut la cible initiale de
l'attaque des Etats-Unis, lesquels décrivirentla plate-forme R-4 comme une «'cible d'occasion'
inattendue», qui n'avait pas étéprévue(voir réplique,par. 4.80 et suiv., et mémoire,annexe 69). TI
n'y avait d'installation radar ni sur la plate-forme de Salman ni sur celle de Nasr et les Etats-Unis
-dont les forces avaient arraisonnéla plate-forme de Salman et devaient par conséquentêtreen
mesure d'affirmer avec certitude quels matérielsy étaient présents- n'ont pas prétendu le
contraire. En outre, les Etats-Unis reconnaissent que les eaux aux alentours des plates-formes
n'étaientpas minées (par. 5 de leur réponse),ce qui confirme encore davantage que celles-ci
n'avaient pas de fonction offensive.
Nous relèveronsenfin que dans leur réponseà cette question, les Etats-Unis prétendentune
nouvelle fois que «les attaques iraniennes contre le trafic maritime furent plus nombreuses dans le
champ radar des plates-formes iraniennes que dans celui de l'île de Parsi». Cette affirmation ne -2-
tient pas compte du fait que, comme le montrent les preuves produites par les Etats-Unis
eux-mêmes,le nombre d'attaques qui se seraient produites au voisinage des plates-formes en 1987
et 1988 est insignifiant (voir annexe 10 des Etats-Unis, p. 41 et annexe 2, p. 19, 21 et 23; voir
égalementCR 2003/15, p. 31, par. 21). Annexe 3
Première question poséeaux deux Parties par le juge ad hoc Rigaux
Quel est le statut juridique des plates-formes pétrolièresaménagéespar un Etat sur son
plateau continental ? Quelles sont les compétencesexercées sur ces installations ? Quelle est
la différenceentre le statut de telles plates-formes pétrolièresselon qu'elles sont localisées
respectivement dans la mer territoriale d'un Etat ou en dehors de celle-ci?
L'Iran n'a pas d'observationsà formuler sur la réponsedes Etats-Unisàcette question. Annexe 4
Seconde question poséeaux deux Parties par le juge ad hoc Rigaux
Selon les Parties, durant la guerre entre l'Iran et l'Iraq, le Koweït était-ilun Etat
neutre, un Etat non-belligérant ou un Etat cobelligérant de l'Iraq ? La réponse à cette
question serait-elle différente,selon qu'elle ait été formuléedurant la guerre elle-mêmeou
aujourd'hui, compte tenu du complémentd'informations dont on dispose ?
Dans leur réponse à cette question, les Etats-Unis ont manqué d'établir une quelconque
distinction entre un Etat neutre respectant les obligations que ce statut lui impose et un Etat
prétendument non belligérant. Ainsi que l'Iran l'a déjà fait observer dans sa propre réponse,
l'expression «non belligérant» est utilisée pour décrire la situation d'un Etat qui, s'il est
officiellement neutre parce qu'iln'est pas partie au conflit, a violéles obligations d'abstention et
d'impartialitéqui incombent à un Etat neutre.
Les actes du Koweït pendant le conflit, dûment établispar l'Iran, montrent que le Koweït n'a
pas respectéses obligations d'Etat neutre. Les élémentsde preuve produits par l'Iran démontrent
également que les actions non neutres du Koweït étaientà l'époquede notoriétépublique (voir
notamment la réplique de l'Iran, par. 2.12 à 2.16; le rapport Freedman annexé à la réplique de
l'Iran dansle volume II; la réponseadditionnelle de l'Iran, par. 3.23-3.27; et les élémentsde preuve
qui y sont mentionnés).
Ainsi que l'Iran l'a déjàfait observer dans sa propre réponseà cette question, un Etat est ou
bien partie à un conflit ou ne 1'est pas. La note diplomatique émanantdu ministère des affaires
étrangèresde l'Etat du Koweït, jointe à la réponsedes Etats-Unis, ne fait qu'illustrer la situation
officielle du Koweït, qui n'étaitpas partie au conflit. Cette note doit êtrelue à la lumière des
diverses déclarations formulées au début des annéesquatre-vingt-dix par de hauts responsables
koweïtiens, et notamment par le ministre des affaires étrangères,qui figurent à 1'annexe 13 de la
réplique de l'Iran. Toutes ces déclarationsreconnaissent le soutien du Koweït à l'Iraq durant le
conflit, soutien qui constitue une violation manifeste des obligations incombant à un Etat neutre.
NR-AMtr/PHrev
Observations de l'Iran sur les réponses des Etats-Unis d'Amérique aux questions posées par le juge Al-Khasawneh et le juge ad hoc Rigaux