Réponses de l'Organisation des Nations Unies aux questions posées par MM. les juges Guillaume et Koroma

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Annexe 2 à NUMA 98/56bis

Réponses de J'Organisation des Nations Unies aux questions posées

par MM. GuiJlaume et Koroma, juges

[Traduction}

Question de M. Guillaume : «Je serais reconnaissant au représentant des Nations Unies de
fournir toute information en sa possession sur les travaux préparatoires de la décision 1998/297 par
laquelle le Conseil économique et social a saisi la Cour» (CR 98/17, p. 53).

Réponse de l'Organisation des Nations Unies :

1. Le Conseil économique et social a officiellement examiné la note du Secrétaire général
(E/1998/94) lors des quarante-septième et quarante-huitième séancesde sa session de fond de 1998,

tenues le 31 juillet 1998, et a examiné le projet de décision (E/1998/L.49) le 5 août 1998, lors de
sa quarante-neuvième séance. Le 5 août 1998, lors de sa quarante-neuvième séance, le Conseil
économique et social a adoptésans vote le projet de décision, qui est devenu la décision 1998/297.
Les extraits pertments des comptes rendus des quarante-septième, quarante-huitième et quarante­
neuvième séances du Conseil sont joints en annexes, en anglais seulement. Bien que nous soyons

en mesure de fournir ces comptes rendus aux membres de la Cour, il y a lieu de noter qu'ils font
par ailleurs l'objet d'un embargo de la part du Secrétariat, et qu'ils ne seront distribués ou rendus
publics que lorsqu'ils seront également disponibles dans les cinq autres langues officielles de
l'Organisation des Nations Unies.

2. Alors que le Secrétariat procède à des enregistrements sonores des séances du Conseil
économique et social, et les conserve, le Conseil n'est pas autorisé à établir des procès verbaux et
il n'existe donc pas de transcription des e:irregistrements sonores des séances du Conseil.

Question de M. Koroma : «En la présente espèce, quelle signification faut-il donner au
membre de phrase «actes accomplis ... au cours de leurs missions (y compris leurs paroles et
écrits) ?» (CR 98/17, p. 53)

Réponse de l'Organisation des Nations Unies :

1. Concernant les privilèges et immunités des experts en mission au sens de l'article VI de
__la conventiQ;n,_l.c_c;hap_e_ue_la_section_22-se-réfère-aux-«priV-ilèges-et-immunités--
nécessaires-f·x
experts] pour exercer leurs fonctions en toute indépendance» et couvre les privilèges et immunités
particuliers qui leur sont accordés dans les six alinéas de la section 22. L'immunité de toutè

juridiction en ce qui concerne les actes accomplis au cours des missions (y compris les paroles et
écrits), qui est accordée aux experts en mission aux ternies de l'article VI, section 22 b), est donc
strictement fonctionnelle.

2. Dans l'avis qu'elle a rendu dans l'affaire Mazilu, la Cour a clairement dit que le sens des

dispositions de la convention relatives aux «experts en mission» devait êtredéterminéen examinant
ces dispositions dans leur contexte législatif,puis en les appliquant aux faits particuliers de l'affaire
portée devant la Cour (voir Applicabilitéde la section 22 de l'article VI de la convention sur les
privilèges et immunités des Nations Unies, C.I.J. Recueil 1989, p. 192-198). - 2 -

3. Dans l'avis Mazilu, la Cour a tout d'abord relevé que la convention avait étéadoptée
conformément au paragraphe 3 de l'articlede la Charte et que la convention déterminait les

privilèges et immunités accorder : 1) à l'Organisation des Nations Unies en tant que telle
(articles I et II);aux représentants des membres de l'Organisation (article IV); 3) aux
fonctionnaires de l'Organisation (article V); et 4) aux expertsarticle VI) (ibid., p. 192).

La Cour a ensuite notéque la section 22 de la convention, qui énonceles privilèges et immunités
à accorder aux experts en mission,couvrait manifestement que les experts accomplissant des
missionspour l'Organisation, mais que «cette section ne fourni[ssai]t aucune indication sur la nature,
la duréeou le lieue ces missions.» (ibid., p. 193). La Cour a alors fait observer :

«L'objectif recherché par la section'en est pas moins clair, à savoir
permettreà l'Organisation des Nations Unies de confier des missions à des personnes

n'ayant pas la qualitéde fonctionnaire de l'Organisation et leur garantir les "privilèges
et immunités nécessaires pour exercer leurs fonctions en toute indépendance". Les
experts ainsi nommésou éluspeuvent êtrerémunérésou non, bénéficierou d'un

contrat, se voir confier une tâche nécessitant des travaux plus ou moins prolongés.
L'essentiel n'est pas dans leur situation administrative, mais dans la nature de leur
mission.» (p. 194, par. 47)

4. Il n'est pas contestéqu'un rapporteur spécialde la Commission des droits de l'homme est
un expert en mission et qu'un expert en mission bénéficiede l'immunitépour les paroles qu'il a
prononcéeset les écritsqu'il a publiés«au cours de [sa] mission». Dans l'avis qu'elle a rendu dans

l'affairezilu, la Cour a dit qu'elle considérait que «lorsque la section 22 vis[ait] les experts
ac~bmpl dessmisinntpour l'Organisation des Nations Unies, elle us[ait] du terme "mission"
au"sens général.»(p. 195, par. 50) et que «la section 22 entend[ait] assurer dant e'intérêd

l'Organisation l'indépendance de ces experts en leur accordant les privilèges et immunités
nécessaires àet effet.» (ibid.). Elle a également conclu que ces privilèges et immunités étaient
applicablesaux personnes (autres que les fonctionnaires de l'Organisation des Nations Unies)

au,ç..quellesune mission a[vait] étéconfiéepar l'Organisation et qui [étaient] de ce fait en droit de
béii,éficierdes privilèges et immunités prévus par ce texte pour exercer leurs fonctions en toute
independance.» (p. 196, par. 52). Nous soutenons qu'ildécoule de la jurisprudence de la Cour que

le membre de phraseactes accomplis ... au cours de leurs missions (y compris leurs paroles et
écrits)» signifie qu'il y a lieu de déterminer si c'est dans le cadre de la mission qui lui avait été
confiéepar la Commission des droits de l'homme queato' Param Cumaraswamy a prononcé

les paroles cause. C'est à cette question que la présente réponse sera maintenant consacrée.

5. Dans un rapportsur le Respect des privilèges et immunités des fonctionnaires de
l'Organisationes Nations Unies et des institutions spécialisées,le Secrétaire générala affirmé:

--~~li!:.~ _ndirs.e.teim.:tciQens.accompl eLlesacts-acrme_lsfà.iteipilé,-qui--est
au centre de la notion d'immunité liéeaux fonctions, est une question de fait qui dépend des
circonstances de chaque casiculier» (dossier, pièce113, par. 7). De même,le Secrétairegénéral

soutient que la question de savoir si des actes, y compris des paroles et des écrits,ont étéaccomplis
dans le cadre d'une mission estquestion de fait, qui dépenddes circonstances de chaque cas
particulier.

6. Dans les circonstances de l'espèce, le Secrétaire générala relevé qu'il entrait dans les
pouvoirs discrétionnaires des rapporteurs spéciauxmission de droits de l'homme de rendre

publiques leurs activités et que la Commission avait estimé qu'une telle publicité était l'un des
moyens de sensibiliser le public aux normes applicables en matière de droits de l'homme et à leurs
violations. A cet égard,dans une lettre du 2 octobre 1998 adresséeau Secrétaire général,la Haute
commissaire aux droits de l'homme a également confirmél [était]tout à fait courant que les

rapporteurs spéciauxparlent àpresse des.questions ayant trait àleurs investigations, tenant ainsi
le public informé leur travail» et que «les reportages de presse [étaient]en fait un moyen efficace
de sensibiliser le public aux questions qui occup[ai]ent tel ou teldossier, pièce 54bis

distribuéeen français en annexe à NUMA 98/20, p. 2)En outre, le rapporteur spécial a fait - 3 -

expressémentrapport à la Commission de ses méthodesde travail et de son intention de conduire

de son côtédes activitésd'information, en plus de celles menéespar le Centre pour les droits de
l'homme (dossier, pièce 4).

7. Ayant conclu que le fait, pour le rapporteur spécial,derendre publiques ses activitésentrait

dans le cadre des fonctions liéesà sa mission, le Secrétairegénérala ensuite estiméque, concernant
la question de savoir en quelle qualitéles paroles incriminées en l'espèceavaient étéprononcées,
M. Dato' Param Cumaraswamy avait étéinterviewéen sa qualité officielle de rapporteur spécial
et que l'article «La justice malaisienne sur le banc des accusés» publié dans le numéro de
novembre 1995 de la revue britanniqueInternational Commercial Litigation se référaie txplicitement

à son titre et sa qualité officiels au sein de l'Organisation des Nations Unies. S'agissant de la
relation entre les paroles prononcéespar le rapporteur spécialet la mission qui lui avait étéconfiée
par la Commission des droits de l'homme,le Secrétairegénérala relevéque l'article évoquaitaussi
la mission globale que lui avait assignée l'Organisation des Nations Unies d'enquêtersur les

allégationsrelatives à l'indépendancedu pouvoir judiciaire et que l'article et les passages en cause
renvoyaient manifestement à des allégations relatives à l'indépendance du pouvoir judiciaire
malaisien. Gardant àl'espritl'indépendance,l'impartialitéet l'intégrité desrapporteurs spéciauxdes
Nations Unies, le Secrétairegénérala égalementexaminéla teneur des remarques et a conclu que,
en ce qu'elles expriment les préoccupations.du rapporteur spécialau sujet de l'indépendancedu

pouvoir judiciaire malaisien, elles se rattachaient à la mission qui lui avait été confiée par la
Commission des droits de l'homme.

8. Sur la base des considérationsqui précèdent,le Secrétairegénérala estiméque les paroles

àla base des griefs des plaignants en l'espèceont étéprononcéespar le rapporteur spécialdans le
cadre de sa mission au sens de la section 22 b) de la convention et il a donc soutenu que M. Dato'
Param Cumaraswamy bénéficiaitde l'immunitéde juridiction en la matière.

9. A cet égard, l'Organisation des Nations Unies rappelle une fois de plus que, dans ses

résolutions 1995/36 du 3 mars 1995, 1996/34 du 19 avril 1996, et ultérieurement dans ses
résolutions 1997/23 du 11 avril1997 et 1998/35 du 17 avril 1998 (dossier, pièces 5, 6, 7 et 8), la
Commission des droits de l'hommen'acesséde constater avec satisfaction que le rapporteur spécial
étaitrésoluà diffuser largement des informations sur ses activités. En outre, lorsqu'ellea renouvelé

pour trois ans le mandat du rapporteur spécialdans sa résolution 1997/23 (dossier, pièce 7), la
Commission, ayant eu le bénéficede trois de ses rapports, étaitparfaitement consciente de la base
sur laquelle il enquêtaitsur le pouvoir judiciaire malaisien (dossier, pièce 9, par.158-160, et
pièce 10, par. 13), de ses relations avec la presse (dossier, pièce 10, par. 152 et 160 et pièce 11,
par. 32-34 et 39), et des poursuites judiciaires engagéescontre lui devant les tribunaux nationaux

malaisiens (dossier, pièce 11, par. 122-134). En décidant de renouveler le mandat du rapporteur
spécial, la Commission a donc confirméqu'elleapprouvait ses méthodes.de travail, de mêmeque
la-manière·dont il-·s'acquittait·de··samission;·notamment·par··se
s··déclaration:s·publique·s;y-compris
ses déclarations à des représentants de la presse. Ce faisant, la Commission a aussi confirmé

l'appréciationdu Secrétairegénéras lelon laquelle lesparoles incriminées avaientété prononcéespar
M. Dato' Param Cumaraswamy dans le cadre de sa mission, en sa qualitéde rapporteur spécialde
la Commission chargéde la question de l'indépendancedes juges et des avocats.

10. L'Organisation des Nations Unies soutient respectueusement que, dans le cas d'espèce,le

membre de phrase «actes accomplis ... au cours de leurs missions (y compris leurs paroles et
écrits)»couvre les paroles que le rapporteur spéciala prononcées devant un représentant de la
presse, dans l'exécutionde ses fonctions de rapporteur spécial,paroles qui ont étépubliéesavec une
référenceexplicite àla qualitéet au titre officiels du rapporteur spécialde la Commission des droits
de l'homme, à son enquête sur J'indépendance du pouvoir judiciaire malaisien et à ses

préoccupationsy relatives, et que ces paroles se rapportent et se rattachent directement à la mission
que la Commission des droits de l'hommeavait confiéeau rapporteur spécialchargéde la question
de l'indépendancedes juges et des avocats.

DPTr.

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