Observations du Nicaragua sur la réponse écrite du Costa Rica à la question posée par M. le juge Bennouna au terme de l'audience tenue le vendredi 15 octobre 2010, à 17 heures

Document Number
17746
Document Type
Incidental Proceedings
Date of the Document
Document File
Document

O BSERVATIONS DU N ICARAGUA SUR LA RÉPONSE DU C OSTA R ICA À LA QUESTION POSÉE
PAR M. LE JUGE BENNOUNA

1. Au terme de l’audience tenue le 15 oct obre 2010, le juge Bennouna a posé au Costa Rica

la question suivante :

«Le CostaRica a indiqué à la Cour qu’il n’a toujours pas ratifié le traité de

délimitation maritime dans la mer des Ca raïbes, qu’il a signé avec la Colombie, le
17mars1977, «dans le souci de conserve r de bonnes relations avec le Nicaragua,
lequel n’a pas cessé de lui demander de n’en rien faire tant que le différend n’a pas été

réglé avec la Colombie» (traduction du CR 2010/12, du 11 octobre 2010, p. 14, par. 8,
M. Brenes).

Est-ce que le CostaRica a différé la ratification du traité du 17mars1977, en

attente du jugement de la Cour au fond, da ns l’affaire pendante devant elle, opposant
le Nicaragua à la Colombie ?

En d’autres termes, est-ce que le Costa Rica attend le jugement de la Cour au
fond pour clarifier certaines hypothèses, mentionnées dans le même compte rendu
(traduction du CR 2010/12, p. 28, par. 13, M. Lathrop), hypothèses à partir desquelles
le traité de 1977 aurait été négocié et signé ?»

2. La réponse du Costa Rica à la question du juge Bennouna montre de manière éclatante que

la décision de la Cour en l’affaire Nicaragua c. Colombie ne peut nuire d’aucune façon aux intérêts
juridiques de cet Etat, et confirme donc ce qui ressortait déjà de façon évidente des exposés écrits et
oraux consacrés à la requête à fin d’intervention déposée le 25 février 2010.

3. Au paragraphe5 de sa réponse, le CostaRica déclare que: «ni les «hypothèses» visées
dans la question de la Cour ni l’accord de 1977 lui-même ne constituent un intérêt d’ordre juridique

auquel la décision de la Cour en l’espèce risque, en tant que telle, de porter atteinte». Le Nicaragua
est d’accord avec lui. Le traité de 1977 que le Costa Rica a conclu avec la Colombie ne constitue
pas en lui-même un intérêt d’ordre juridique suffi sant pour satisfaire aux exigences de l’article 62

car, du propre aveu du Costa Rica, ce n’est pas un intérêt «auquel la décision de la Cour en l’espèce
risque, en tant que telle, de por ter atteinte». Le Costa Rica ne pouvait pas décemment prétendre le
contraire.

4. Le Costa Rica précise que le seul intérêt d’ordre juridique

«exposé dans sa requête et tout au long de ses plaidoiries, «concerne l’exercice de ses

droits souverains et de sa juridiction dans l’espace maritime de la mer des Caraïbes
auquel lui donne droit, selon le droit international, sa côte bordant cette mer»» .

Cet intérêt d’ordre juridique étant le seul que le Costa Rica fasse valoir à l’appui de sa demande à
fin d’intervention au titre de l’article 62, celle-ci ne peut aboutir.

1
CR 2010/17, p. 27.
2Réponse du Costa Rica à la questioM.le juge Bennouna (22octobre2010) , par.5 (les italiques sont de
nous). - 2 -

5. Comme le Nicaragua l’a démontré dans ses observations écrites et, plus spécialement,
dans ses plaidoiries des 13 et 15octobre, l’«int érêt» du CostaRica dans «l’espace maritime de la
mer des Caraïbes auquel [il a] droit» ne pâtira pas et ne peut pas pâtir de la décision que la Cour
3
rendra dans la présente affaire . Le CostaRica a présenté deux définitions différentes de cet
«espace maritime de la mer des Caraïbes» dans le quel il prétend avoir un intérêt d’ordre juridique.

La première correspond à l’espace maritime défini dans le traité de 1977. Le Nicaragua a montré
que la décision rendue en l’espèce, et en particulier la frontière que la Cour tracera entre le
Nicaragua et la Colombie, n’aura pas d’incidence sur la zone dans laquelle le Costa Rica détient un
4
intérêt d’ordre juridique telle qu’elle découle du traité de 1977 .

6. Le Nicaragua a également démontré que , quand bien même le CostaRica pourrait, par
impossible, prétendre à des intérêts juridiques dans la zone plus vaste qu’il a définie dans ses
plaidoiries des 11 et 14octobre, il ne satisferait pas pour autant aux exigences de l’article62 car,

comme le Nicaragua l’a montré, même la zone plus vaste qu’il revendique à présent ne sera pas
touchée par la décision rendue en l’instance . 5

7. Etant donné que le seul intérêt d’ordre ju ridique dont le CostaRica a fait état dans ses
exposés écrits et oraux est son intérêt dans un espace maritime de la mer des Caraïbes, et que le

Nicaragua a démontré que cet intérêt ⎯ que ses contours géographiques soient ceux définis dans le
traité de 1977 entre le Costa Rica et la Colombie, ou ceux définis dans les plaidoiries du Costa Rica

⎯ ne sera pas et ne saurait être mis en péril par la décision de la Cour en l’espèce, la demande doit
être rejetée.

8. Dans la mesure où le CostaRica campe sur la position qu’il a adoptée à l’audience —à
savoir qu’il a «différé la ratification de l’accord de 1977 parce que le diffé rend persistant entre les
6
Parties…devait être tranché par la Cour» ⎯, le Nicaragua fait observer que, dans la phrase
suivante de sa réponse à la question du juge Be nnouna, le Costa Rica reconnaît n’avoir appris que

le 24décembre1999 pour la toute première fois que «le Nicaragua avait l’intention d’introduire
devant la Cour une instance contre la Colombie », instance qui fut en fait engagée deux ans plus
tard, le 6décembre2001 7. Cette réponse n’explique pas pourquoi le CostaRica n’a pas ratifié

l’accord entre le 17mars1977 et le 24décembre 1999, soit pendant plus de vingt-deuxans. De
toute évidence, ses raisons étaient totalement étra ngères à une éventuelle intention du Nicaragua

⎯ dont le Costa Rica n’avait pas connaissance ⎯ de porter la présente affaire devant la Cour.

3
Observations écrites de la Répub lique du Nicaragua sur la requête à fin d’intervention déposée par la
République du Costa Rica, 26 mai 2010, par. 6, 11-33 ; CR 2010/13, p. 11, par. 7 (Argüello), p. 13, par. 13-14 (Argüello),
p. 29-30, par. 7-8 (Reichler), p. 32-42, par. 14-44 (Reichler) ; CR 2010/16, p. 19-24, par. 3-21 (Reichler).
4
CR2010/13, p.36-37, par.27-29 (Reichler); CR2010/16, p. 18, par.31 (Argüello), p.20, par.7-8 (Reichler),
p. 21, par. 11 (Reichler), p. 22-24, par. 13-21 (Reichler). Le Nicaragua estime, comme il l’a exposé à l’audience, que les
espaces maritimes dans lesquels le Costa Rica détient un intérêt d’ordre juridique sont limités à ceux qui sont définis dans
le traité de 1977, même si le traité lui- même n’est jamais entré en vigueur et ne lie pas les parties. Comme le Nicaragua
l’a indiqué, le fait que le Costa Rica ait renoncé à toute re vendication sur des zones situées au-delà des limites convenues
en1977 prime sur la non-ratification et même sur la carence du traité à créer des obligati ons contraignantes, et cette

renonciation territoriale n’opère pas uniquement à l’égard de la Colombie mais produit aussi, en tant que telle, des effets
erga omnes. CR 2010/13, p. 15-16, par. 22 (Argüello), p. 27-28, par. 32-35 (Reichler).
5 CR2010/13, p.11, par.7 (Argüello), p.13, par.13- 14 (Argüello), p.29-30, par.7-8 (Reichler), p.32-36,

par. 14-26 (Reichler) ; CR 2010/16, p. 20-24, par. 9-21 (Reichler).
6 Réponse du Costa Rica à la question de M. le juge Bennouna (22 octobre 2010), par. 2.

7 Ibid. - 3 -

9. Les raisons pour lesquelles le Costa Rica s’est abstenu de ratifier le traité de 1977 ont été
exposées à l’audience et ne sont pas liées à la présente instance. Etant donné qu’il s’agit

essentiellement là d’une question subsidiaire, celle-ci est examinée séparément dans l’annexe jointe
aux présentes observations.

10. Quelles que puissent être les visées ultime s du CostaRica, la seule question pertinente
dans le cadre de sa demande à fin d’intervention est celle de savoir si son intérêt d’ordre juridique
⎯ dans l’espace maritime de la mer des Caraïbes qui est défini soit dans le traité de 1977, soit dans
ses plaidoiries ⎯ risque d’être compromis par la décision rendue en l’espèce. Comme le

Nicaragua l’a démontré, tel ne peut être le cas, et peu importe à cet égard de savoir lequel de ces
deux espaces maritimes définit véritablement l’inté rêt juridique costa-ricien. La demande à fin
d’intervention doit donc être rejetée.

La Haye, le 29 octobre 2010.

L’agent de la République

Nicaragua, du

(Signé) M. Carlos J. A

___________ C ERTIFICATION

[Traduction]

Je soussigné, agent de la République du Nicar agua, certifie, conformément à l’article 51 du
Règlement de la Cour, que les documents co mpris dans l’annexe aux observations du
Gouvernement de la République du Nicaragua su r la réponse du Gouvernemen t de la République
du CostaRica à la question posée à ce dernier pa r M.le jugeBennouna au terme de l’audience

tenue dans l’après-midi du vendre di15octobre2010 en l’affaire du Différend territorial et
maritime (Nicaragua c. Colombie) sont des traductions françaises exactes des documents originaux
qui ont été invoqués, à savoir :

LISTE DES ANNEXES TRADUITES EN FRANÇAIS

Numéro Document

Annexe1 Traité relatif à ladélimitation des zones marines et sous-marines et de
coopération maritime entre la République de Colombie et la République du
Costa Rica, exposé des motifs, Assemblée législative du Costa Rica.

o
Annexe 2 Procès-verbal n 18 de la séance tenue le 23juillet1985 par la Commission
permanente des affaires juridiques de l’Assemblée législative du Costa Rica.

o
Annexe 3 Procès-verbal n 24 de la séance tenue le 27 août1985 par la Commission
permanente des affaires juridiques de l’Assemblée législative du Costa Rica.

o
Annexe 4 Procès-verbal n 156 de la séance tenue le 16mars1993 par l’Assemblée
législative du Costa Rica.

Annexe 5 Procès-verbal n 99 de la séance tenue le 5avril1994 par la Commission

permanente des affaires juridiques de l’Assemblée législative du Costa Rica.

Annexe 6 Arrêté du 10 février 2000 de l’Assemblée législative du Costa Rica.

La présente certification est établie le 29 octobre 2010.

L’agent de la République du Nicaragua,

(Signé) M. Carlos J. RGÜELLO G ÓMEZ .

___________

Document file FR
Document
Document Long Title

Observations du Nicaragua sur la réponse écrite du Costa Rica à la question posée par M. le juge Bennouna au terme de l'audience tenue le vendredi 15 octobre 2010, à 17 heures

Links