Observations de la Fédération de Russie sur la réponse écrite de la Géorgie aux questions posées par MM. les juges Koroma et Cançado Trindade à la fin de l'audience publique tenue le vendredi 17 septe

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O BSERVATIONS DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE SUR LA RÉPONSE ÉCRITE DE LA G ÉORGIE AUX
QUESTIONS POSÉES AUX PARTIES À L ’AUDIENCE PAR MM. LES JUGES K OROMA
ET CANÇADO T RINDADE

er
Le 1 octobre 2010

A. Observations sur la réponse de la Géorgie à la question posée par M. le juge Koroma

La Fédération de Russie ne trouve rien à re dire à ce que la Géorgie a déclaré dans la
première partie de sa réponse à la question du juge Koroma, à savoir que la convention
internationale sur l’élimination de toutes les form es de discrimination raciale (la «CIEDR») a pour

objet et pour but d’éliminer la discrimination race. Mais là n’était pas la question. Celle-ci
concernait plus spécifiquement

«l’objet et le but de la clause ainsi libellée: «qui n’aura pas été réglé par voie de

négociation ou au moyen des procédur es expressément prévues par ladite
convention», contenue dans l’article 22 de la convention sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination raciale».

Là encore, il s’agissait non pas de déterminer ce qui était «approprié», de l’avis de la
Géorgie (contrairement à ce que celle-ci semble indiquer au dernier paragraphe de sa réponse),
mais de définir l’objet et le but du membre de phrase en question à la lumière de la règle générale

d’interprétation énoncée à l’article31 de la conventi on de Vienne de 1969 sur le droit des traités.
En l’occurrence, la Géorgie s’en tient simplement à une interprétation qui prive le membre de
phrase cité par le juge Koroma de tout objet et de tout but.

En outre, la Géorgie ne contribue pas à éluider la question en décrivant inexactement les
procédures de conciliation établies dans la CIEDR, qu’elle tente de reléguer au second plan et de
marginaliser en faisant référence à «la fonctiod’enquête, différente, des organes créés dans la

deuxième partie». Les articles11 à 13 de la CIEDR établissent en fait un mécanisme de
conciliation obligatoire pour régler les différenentre Etats (une fois ceux-ci cristallisés de la
manière prévue aux paragraphes 1 et 2 de l’article 11 de la CIEDR).

Il convient également de noter que la Géorgie, pour abréger ou pour d’autres raisons, se
réfère uniquement aux premiers termes ⎯ «qui n’aura pas été réglé» ⎯ de l’expression visée dans
la question du juge Koroma . Ce parti pris de la Géorgie illustre fort bien ses tentatives visant à

priver l’expression de tout sens — et donc de tout objet et de tout but possibles.

En réalité, l’expression ne se limite pasces six mots, mais se poursuit précisément pour
exposer les modes de règlement auxquels un Etat partie doit avoir recours avant de pouvoir porter

unilatéralement le différend devant la Cour. C’est dans son intégra lité — «qui n’aura pas été réglé
par voie de négociation ou au moyen des procédures expressément prévues par ladite
convention»—que cette clause prend tout son sen s et, partant, qu’apparaissent clairement son

objet et son but.

Ainsi qu’établi à nouveau dans la réponse de la Russie, la disposition en question, pour peu
qu’on l’interprète «de bonne foi suivant le sens ordina ire à attribuer aux termes du traité dans leur

contexte», avait—et a toujours—clairement pour objet et pour but d’obliger les parties
contractantes à la CIEDR à tenter de régler tout différend concernant l’interprétation ou
l’application de la convention par voie de négociation ou au m oyen des procédures expressément

prévues dans celle-ci avant de pouvoir s’en remettre à la Cour en cas d’échec.

1
Voir, en particulier, les deux derniers paragraphes de la réponse de la Géorgie. - 2 -

Telle est la seule interprétation possible pour donner effet à l’expression en question.

Cette interprétation est d’aille urs confirmée par l’histoire ré dactionnelle de ce membre de
phrase. Comme la Russie l’a démontré dans ses exceptions préliminaires et à l’audience , la partie
de la phrase visant les «procédures expressément prévues» fut délibérément introduite dans le

projet de convention à un stade tardif comme solution de compromis parce que plusieurs
représentants n’étaient pas prêts à accepter la compétence obligatoire de la Cour.

A cet égard, la Fédération de Russie constate une fois encore que la Géorgie invoque les

travaux préparatoires de la convention à l’appui de ses thèses mais, si elle cite quelques extraits de
comptes rendus analytiques pour démontrer l’objet et le but de la conven tion dans son ensemble,
elle ne cite aucun texte — et son silence en dit lo ng — lorsqu’il s’agit de définir l’objet et le but de

l’expression examinée.

B. Observations sur la réponse de la Géorgie à la question posée par

M. le juge Cançado Trindade

Ainsi qu’exposé plus avant dans sa propre réponse à la question posée par le
juge Cançado Trindade, la Fédération de Russie reconnaît pleinement le caractère erga omnes des

droits protégés par les traités relatifs aux droits de l’homme, dont la CIEDR fait partie.

S’agissant de l’interprétation des clauses comp romissoires contenues dans ces traités, la

Fédération de Russie reconnaît de même que celles-ci revêtent un caractère spécial, en ce sens que
n’importe quel Etat partie peut traduire un autre Etat partie devant la Cour pour violation des
obligations énoncées dans un tel in strument. Cela ne signifie pas pour autant que les conditions
préalables à la compétence qui sont spécifique ment établies dans la clause compromissoire

concernée puissent être contournées ou que, pour interpréter cette clause, il faille l’isoler
complètement du contexte pertinent, qui peut (comme ici) lui associer certains mécanismes de
règlement des différends prévus au sein du traité lui-même.

Comme la Cour a déjà eu l’occasion de le souligner :

««l’opposabilité erga omnes d’une norme et la règle du consentement à la juridiction

sont deuchoses différentes» ( Timor oriental (Portugal A c.ustralie),
C.I.J. Recueil 1995, p.102, par.29), et…le seul fait que des droits et obligations
erga omnes seraient en cause dans un diffé rend ne saurait donner compétence à la

Cour pour connaître de ce différend.

Il en va de même quant aux rapports entre les normes impératives du droit
international général (jus cogens) et l’établissement de la compétence de la Cour: le

fait qu’un différend porte sur le respect d’une norme possédant un tel caractère, ce qui
est assurément le cas de l’interdiction du gé nocide, ne saurait en lui-même fonder la
compétence de la Cour pour en connaître. En vertu du Statut de la Cour, cette

compétence est toujours fondée sur le consentement des parties.

2
Exceptions préliminaires de la Fédération de Russie, vol. I, p. 125-126.
3
CR 2010/8, p. 56-57 (Pellet). - 3 -

65. Comme elle l’a rappelé dans son or donnance du 10 juillet 2002, la Cour n’a

de juridiction à l’égard des Etats que da ns la mesure où ceux-ci y ont consenti
(Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République
démocratique du Congo c. Rwanda), mesures conservatoires, ordonnance du
10 juillet 2002, C.I.J. Recueil 2002, p.241, par.57). Lorsque sa compétence est

prévue dans une clause compromissoire contenue dans un traité, cette compétence
n’existe qu’à l’égard des parties au traité qui sont liées par ladite clause, dans les
limites stipulées par celle-ci (ibid., p. 245, par. 71).»

Cela vaut également dans le cas de la CIEDR. Violer ce principe fondamental ne servirait ni
la sauvegarde des droits protégés par la CIEDR ni, plus généralement, les in térêts de la justice
internationale.

Dans la présente affaire, l’article 22 de la CI EDR assure le juste équilibre recherché entre la
compétence (obligatoire) de la Cour d’une part et, de l’autre, le mécanisme (préliminaire) de

conciliation obligatoire entre Etats, via le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale
créé par la convention. Cela re flète aussi l’équilibre à atteindr e entre le grand nombre d’Etats
susceptibles de saisir la Cour en vertu de l’article22 (étant donné le caractère erga omnes des
obligations prévues dans la convention) et l’in térêt des Etats défendeurs à n’ester devant elle

qu’une fois que le différend s’est cristallisé et que les tentatives de règlement requises ont échoué.

C’est au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale qu’il incombe au premier
chef de mettre en Œuvre les dispositions de la CI EDR et d’en surveiller l’exécution, notamment en

réglant les différends éventuels en tre les Etats parties. Le fa it que la convention ménage une
possibilité de saisir la Cour ne doit pas être interp rété d’une manière portant atteinte aux fonctions
essentielles du Comité.

Réduire le rôle du Comité pour l’élimina tion de la discrimination raciale ne serait
certainement pas conforme aux intentions des réd acteurs de la CIEDR, et ne contribuerait pas
davantage à préserver la spécificité des traités rela tifs aux droits de l’homme en général et de la

CIEDR en particulier.

___________

4 Activités armées sur le territoire du Congo (nouverequête2002) (République démocratique du Congo

c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 32, par. 64-65.

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Observations de la Fédération de Russie sur la réponse écrite de la Géorgie aux questions posées par MM. les juges Koroma et Cançado Trindade à la fin de l'audience publique tenue le vendredi 17 septembre 2010 (traduction)

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