Exposé écrit du Gouvernement du Royaume d'Espagne [traduction]

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EXPOSE ECRIT DU G OUVERNEMENT DU R OYAUME D ’E SPAGNE

[Traduction]

Au nom du Gouvernement espagnol, j’ai l’honne ur de répondre à l’invitation que la Cour

internationale de Justice a formulée dans son ordonnance du 19décembre2003 et qui a été
transmise par la lettre du greffier datée du même jour aux Etats Membres de l’Organisation des
Nations Unies lesquels sont priés de communiquer des renseignements sur les divers aspects de la
requête de l’Assembléegénérale des Nati onsUnies pour avis consultatif sur les Conséquences

juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé . La présente lettre
complète l’exposé écrit de l’Irlande, qui exerce la présidence de l’Union européenne.

La position de l’Espagne sur cette question est conforme à la position qu’elle a prise au

moment de l’adoption de la résolution ES-10/14 pa r laquelle l’Assemblée gé nérale a décidé de
demander ledit avis consultatif. En fait, de même que les autres Etats membres de l’Union
européenne, l’Espagne a décidé de s’abstenir lors que la résolution a été mise aux voix et adoptée
par quatre-vingt-dix voix contre huit avec soixante -quatorzeabstentions. Le représentant de

l’Italie, au nom de l’Union européenne et aussi des Etats candidats à l’adhésion et des Etats
associés, a expliqué cette abstention de la manière suivante :

«L’Union européenne estime que la proposition visant à demander un avis

consultatif à la Cour internationale de Jus tice ne contribuera pas aux efforts consentis
par les deux parties en vue de relancer le dialogue politique et qu’elle est donc
inappropriée. C’est pour cette raison que l’Union européenne s’abstiendra de voter

lorsqu’on mettra aux voix le projet de r ésolution qui a été présenté à la session
extraordinaire d’urgence [de l’Assemblée générale].»

L’Union européenne a également fait état des préoccupations légitimes d’Israël concernant la
persistance de la violence terroriste, surtout quand elle est dirigée contre des civils innocents, ainsi

que des conséquences négatives subies par la population palestinienne et elle s’est exprimée en ces
termes :

«Tout en reconnaissant le droit d’Israël à protéger ses citoyens contre les

attentats terroristes, l’Union européenne exhorte le Gouvernement israélien, dans
l’exercice de ce droit, à respecter pleinement le droit international et notamment les
droits de l’homme et le droit interna tional humanitaire, y compris la quatrième

convention de Genève; à prendre un maximu m de précautions pour éviter les victimes
civiles; et à n’adopter aucune mesure susceptible d’aggraver la situation humanitaire
et économique difficile du peuple palestinien.»

A l’instar de ses partenaires de l’Union européenne, l’Espagne est depuis toujours d’avis que
la construction unilatérale par Israël dans le Territoire pales tinien occupé d’une barrière (ou d’une
clôture de sécurité, ou d’un mur de séparati on), étant donné les circonstances qui entourent
l’édification, cause des souffrances inutiles auxpopulations concernées et constitue un obstacle

supplémentaire à la reprise des négociations de paix sous l’égide de la communauté internationale
aux fins de parvenir à un règlement permanent et juste du conflit israélo-palestinien, conformément
aux résolutions du Conseil de sécurité et de l’A ssemblée générale. L’Espagne a également déclaré
que le tracé prévu de la construction du mur ainsi que ses incidences négatives pour les populations

locales vivant sous occupation sont contraires aux ob ligations prescrites par le droit international,
en particulier celles qui résultent de l’accord d’ar mistice de 1949 et de la quatrième convention de
Genève de 1949. - 2 -

C’est pourquoi, lors de la réunion du C onseil européen de Copenhague tenue les12
et13décembre2002, les chefs d’Etat et de gouve rnement de l’Union européenne ont déclaré que

«Le Conseil européen engage[ait] le Gouvern ement israélien à abandonner sa politique de
colonisation… et … demand[ait] l’arrêt de la conf iscation de terres pour cons truire la «clôture de
sécurité».» A Thessalonique, les 19 et 20juin2003, le Conseil européen a encore une fois invité
Israël

«à abandonner sa politique et ses activit és de colonisation et à mettre fin aux
confiscations de terres ainsi qu’à la constr uction de la «clôture de sécurité», autant
d'éléments qui menacent de rendre matérielle ment impossible la mise en Œuvre de la

solution fondée sur la coexistence de deux Etats».

Plus récemment, réuni à Bruxelles le 12 décembre 2003, le Conseil européen a souligné que

«Cette politique [de colonisation], ainsi que le fait que le tracé de la «clôture de
sécurité» en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est s’écarte de celui de la «Ligne
verte», pourraient préjuger les négociati ons à venir et rendre matériellement
impossible à mettre en Œuvre la solution fond ée sur la coexistence de deux Etats. A

cet égard, l’UE s’inquiète de la création d’ une zone fermée entre cette «clôture» et la
«Ligne verte».»

Cette préoccupation constante explique la position de principe adoptée par l’Union

européenne à l’Assemblée générale des Nations Unies lors de la reprise de la dixième session
extraordinaire d’urgence, tenue à New York à l’automne2003. Les Etat s membres de l’Union
européenne de concert avec les Etats candidats à l’adhésion ont établi et présenté, à cette occasion,
le projet de résolution (documentA/ES-10/L.15 ) qui allait devenir la résolutionES-10/13 du

21 octobre 2003 sous le titre «Mesures illégales prises par Israël à Jérusalem-Est occupée et dans le
reste du Territoire palestinien occupé». Dans cet te résolution, l’Assemblée générale a notamment
réaffirmé «le principe de l’inadmissibilité de l’acq uisition de territoire par la force» (troisième
alinéa du préambule), a une fois de plus demandé «à Israël, puissance occupante, de respecter

pleinement et dans les faits la convention de Ge nève relative à la protection des personnes civiles
en temps de guerre, du 12 août 1949» (onzième alin éa du préambule) et a exigé «qu’Israël arrête la
construction du mur dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et ses alentours
et revienne sur ce projet, qui s’écarte de la li gne d’armistice de 1949 et qui est contraire aux

dispositions pertinentes du droit international» (par. 1 du dispositif).

Après la présentation à l’Assemblée générale du rapport établi par le Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies en application de la résolution ES-10/13 (document A/ES-10/248

du 24 novembre 2003), l’Union européenne s’est décl arée de nouveau préoccupée par la poursuite
de l’édification de la barrière par Israël et a développé sa position dans la déclaration prononcée par
le représentant de l’Italie, le 8 décembre 2003, au nom des Etats membres de l’Union européenne,
des Etats candidats à l’adhésion, des Etats associés et d’autres Etats européens. Le représentant de

l’Italie a dit notamment :

«L’Union européenne est particulièreme nt préoccupée par le tracé prévu pour
cette barrière en Cisjordanie occupée. Le tracé envisagé s’écarte de la Ligne verte, ce

qui pourrait préjuger de négociations futur es et rendre physiquement impossible la
mise en Œuvre de la solution à deux Etats. La barrière aurait de nouvelles incidences
humanitaires et socio-économiques pour les Pal estiniens. Des milliers de Palestiniens

vivant à l’ouest de la clôture sont privés des services de base en Cisjordanie. Les
Palestiniens vivant à l’est de cette clôture perdront l’accès à la terre et aux ressources
en eau. C’est dans ce contexte que l’Union européenne est alarmée par la désignation
de la terre entre la barrière et la Ligne ve rte comme zone militaire fermée. Il s’agit là

d’une modification de facto du statut juridique des Palestiniens vivant dans cette zone,
ce qui leur rend la vie encore plus difficile.» - 3 -

En conséquence, dans sa déclaration, l’Union européenne regrettait «qu’Israël, en conformité
avec le rapport du Secrétaire général présenté en application de la résolution ES-10/13 de

l’Assemblée générale, ne se conforme pas à l’exigence formulée par l’Assemblée générale d’arrêter
la construction du mur dans le Territoire palestinien occupé et de revenir sur ce projet».

En conclusion, l’Espagne adopte depuis toujours la position suivante :

1. Israël a le droit de protéger ses citoyens contre les attaques terroristes;

2. toutefois, en exerçant ce droit, le G ouvernement israélien doit agir conformément aux

dispositions pertinentes du droit international;

3. le tracé de la barrière (ou de la clôture de sécurité ou du mur de séparation) à l’intérieur des
territoires palestiniens occupés, y compris à l’ intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est,
s’écarte de la ligne d’armistice de 1949 et ce tte construction est cont raire aux dispositions

pertinentes du droit international;

4. en outre, la construction de la barrière aggrave les difficultés d’ordre humanitaire et
économique dont souffrent les Palestiniens;

5. le fait de prévoir un écart entre la barrière et la «Ligne verte» risque de préjuger des
négociations futures entre les parties et de rendr e la solution fondée sur la coexistence de deux
Etats impossible à appliquer;

6. enfin, la requête pour avis consultatif soumise à la Cour internationale de Justice est
inopportune.

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