Résumé de l'arrêt du 24 mai 2007

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13857
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Number (Press Release, Order, etc)
2007/3
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
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Résumé

Document non officiel

Résumé 2007/3
Le 24 mai 2007

Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo)

Exceptions préliminaires

Résumé de l’arrêt du 24 mai 2007

Historique de la procédure et conclusions des Parties (par. 1-12)

La Cour commence par rappeler les différentes étapes de la procédure (l’historique figure
dans le communiqué de presse n o2006/36 du 9novembre2006). Elle rappelle également les

conclusionsofinales préseerées par les Parties au cours de la procédure orale (voir le communiqué
de presse n 2006/41 du 1 décembre 2006).

Contexte factuel de l’affairepar. 13-25)

La Cour indique que les Parties se sont accord ées dans leurs écritures sur les faits suivants.

M.Ahmadou Sadio Diallo, citoyen guinéen, s’est installé en RDC (dénommée «Congo» de1960
à1971, puis «Zaïre» de1971 à1997) en 1964. En1974, il y a créé la société d’import/export
Africom-Zaïre, une société privée à responsabilité limitée (S.P.R.L.) de droit zaïrois, enregistrée au
registre du commerce de la ville de Kinshasa, et dont il devint le gérant. En1979, M.Diallo
étendit ses activités en participant, en tant que gérant de la société Africom-Zaïre et avec l’appui de

deux partenaires privés, à la création d’une nouve lle S.P.R.L. de droit za ïrois spécialisée dans le
transport de marchandises par conteneurs. Le capital de cette nouvelle société, dénommée
Africontainers-Zaïre, était détenu à hauteur de 40 % par M. Zala, de nationa lité zaïroise, à hauteur
de 30% par MmeDewast, de nationalité françai se, et à hauteur de 30% par la société
Africom-Zaïre. Elle fut également enregistrée au registre du commerce de la ville de Kinshasa.
En1980, les deux associés de la société Africo m-Zaïre dans la société Africontainers-Zaïre se

retirèrent de cette dernière. Les parts sociales de la société Africontainers-Zaïre furent dès lors
réparties comme suit : 60 % à la société Africom-Zaïre et 40 % à M. Diallo. M. Diallo devint à la
même époque le gérant de la société Africontainers-Z aïre. Vers la fin des années quatre-vingt, les
relations des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre avec leurs partenaires commerciaux
commencèrent à se dégrader. Les deux sociétés entreprirent dès ce moment, par l’intermédiaire de

leur gérant, M. Diallo, divers recours, y compris judiciaires, pour tenter de recouvrer des créances
alléguées. Les différents litiges opposant Africom-Za ïre et Africontainers-Zaïre à leurs partenaires
commerciaux se sont poursuivis tout au long des années quatre-vingt-dix et restent pour l’essentiel
non résolus à ce jour. La société Africom-Zaïre réclame ainsi à la RDC l’apurement d’une dette
(reconnue par la RDC) issue du non-paiement de livraisons de papier-listing à l’Etat zaïrois

entre1983 et 1986. Un autre conflit, relatif à des arriérés ou trop-perçus de loyer, oppose
Africom-Zaïre à la société Plantation Lever au Zaïre («PLZ»). Quant à la société
Africontainers-Zaïre, elle est en litige avec les soci étés Zaïre Fina, Zaïre Shell et Zaïre Mobil Oil,
ainsi qu’avec l’Office national des transports (« ONATRA») et la Générale des carrières et des - 2 -

mines («Gécamines»); ces litiges ont trait, pour l’ essentiel, à des violations alléguées de clauses
contractuelles d’exclusivité, ainsi qu’au chômage, à l’usage abusif et à la destruction ou la perte de
conteneurs.

La Cour estime que les faits suivants sont également établis. Le 31 octobre 1995, le premier
ministre zaïrois prit un décret d’expulsion à l’encontre de M.Diallo. Aux termes dudit décret,

l’expulsion était motivée par le fait que «la prés ence et la conduite [de M.Diallo] avaient
compromis et continu[ai]ent de compromettre l’ordre public zaïrois, spécialement en matière
économique, financière et monétaire». Le 31ja nvier1996, M.Diallo, qui avait fait l’objet d’une
arrestation préalable, fut renvoyé du territoire zaïrois et reconduit en Guinée par la voie aérienne.
Cet éloignement du territoire zaïrois fut acté et notifié à M. Diallo sous la forme d’un procès-verbal

de refoulement pour «séjour irrégulier», établi à l’aéroport de Kinshasa le même jour.

En revanche, la Guinée et la RDC ont maintenu, tout au long de la procédure, des points de
vue divergents sur un certain nombre d’autres fait s, notamment les circonsta nces particulières de
l’arrestation, de la détention et de l’expulsion de M.Diallo, ains i que les raisons de celles-ci.
LaGuinée a soutenu que l’arrestation, la détent ion et l’expulsion de M.Diallo constituaient

l’aboutissement d’une politique de la RDC visant à empêcher M.Diallo de recouvrer les créances
dues à ses sociétés. Quant à la RDC, elle a reje té ces allégations, expli quant que l’expulsion de
M.Diallo se justifiait par le fait que sa présence et sa condu ite compromettaient l’ordre public
zaïrois.

Droits dont la Guinée invoque la violation et à l’égard desquels elle en tend exercer sa protection
diplomatique (par. 26-31)

La Cour constate que la Guinée, outre le fa it de réclamer le remboursement des créances
dues à M. Diallo et à ses sociétés, entend exercer sa protection diplomatique en faveur de M. Diallo

à raison de la violation de tr ois catégories de droits qui aurait accompagné son arrestation, sa
détention et son expulsion, ou en découlerait : ses droits individuels en tant que personne, ses droits
propres d’associé des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre, et les droits desdites sociétés,
par «substitution».

Compétence de la Cour (par. 32)

Pour établir la compétence de la Cour, la Guinée invoque les décl arations faites par les
Parties en vertu du paragraphe2 de l’article36 du Statut. La RDC reconnaît que ces déclarations
sont suffisantes pour fonder la compétence de la Cour en l’instance. La RDC conteste néanmoins
la recevabilité de la requ ête guinéenne et soulève à cette fin de ux exceptions préliminaires. Selon
la RDC, la Guinée n’aurait tout d’abord pas qualit é pour agir en l’espèce dans la mesure où les

droits dont elle cherche à assurer la protection seraient des droits appartenant aux sociétés
Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre, de nationalité congolaise, et non à M. Diallo. La Guinée ne
pourrait, ensuite, pas non plus exercer sa protectio n diplomatique au motif que ni M.Diallo, ni
lesdites sociétés n’auraient épuisé les voies de recours ouvertes dans l’ordre juridique interne
congolais afin d’obtenir réparation des préjudices dont la Guinée fait état devant la Cour.

Question de la recevabilité de la requête en ce qu’elle a trait à la protection des droits de M. Diallo
en tant qu’individu (par. 33-48)

La Cour rappelle que selon la RDC, les demandes de la Guinée relatives aux droits de
M.Diallo en tant qu’individu ne sont pas receva bles car celui-ci «n’[a pas] épuisé les voies de

recours internes disponibles et efficaces qui existaient au Zaïre, puis en République démocratique
du Congo». La Cour note que la RDC n’a toutefois développé qu’un seul aspect de cette exception
au cours de la procédure, à savoir celui de l’ex pulsion du territoire congolais de M.Diallo.
Elle indique qu’à cet égard, la RDC soutient qu’il y avait dans son ordre juridique interne des voies - 3 -

de recours disponibles et efficaces que M. Diallo aurait dû épuiser, et que l’expulsion de M. Diallo
du territoire a été régulière. LaRDC reconnaît qu e le procès-verbal signé par le fonctionnaire du
service d’immigration utilise «malencontreusement» le terme «refoulement» au lieu d’«expulsion».
Elle ne conteste pas l’affirmation de la Guin ée selon laquelle le droit congolais prévoit que les
mesures de refoulement ne sont pas susceptibles de recours. La RDC souligne cependant qu’«en

dépit de cette erreur, il est incontestable…qu’i l s’agi[ssait] bien d’une expulsion et non de
refoulement». Cette qualificati on de refoulement n’aurait dès lors pas été destinée à priver
M. Diallo de recours.

La Guinée rétorque que, s’agissant de l’expul sion du territoire congolais de M.Diallo,
iln’existait de voies de recours efficaces ni au Zaïre, ni, plus tard, en RDC, à l’encontre de cette

mesure. Elle rappelle que le dé cret d’expulsion qui frappait M. Diallo a été exécuté par le biais
d’une mesure qualifiée de refoulement, ce qui excluait toute possibilité de recours. En outre, selon
la Guinée, «[l]es recours administratifs ou autres qui ne sont ni judiciaires ni quasi judiciaires et ont
un caractère discrétionnaire ne sont … pas pris en compte par la règle de l’épuisement des recours
internes». La Guinée soutient encore que, quand bien même certaines voies de recours auraient en

théorie été ouvertes à M.Diallo dans l’ordre juridi que congolais, celles-ci ne lui auraient en tout
état de cause offert, à l’époque des faits, aucu ne possibilité raisonnable de protection car son
expulsion avait précisément eu pour but de l’empêcher d’exercer des recours en justice.

La Cour rappelle que, selon le droit intern ational coutumier, la protection diplomatique
«consiste en l’invocation par un Etat, par une action diplomatique ou d’autres moyens de règlement

pacifique, de la responsabilité d’un autre Etat pour un préjudice causé par un fait
internationalement illicite dudit Etat à une person ne physique ou morale ayant la nationalité du
premier Etat en vue de la mise en Œ uvre de cette responsabilité» (article 1 erdu projet d’articles sur
la protection diplomatique adopté par la Co mmission du droit international (CDI) à sa
cinquante-huitième session (2006)). En l’espèce, il appartient à la Cour d’examiner si la Guinée

satisfait aux conditions de l’exercice de la protec tion diplomatique, à savoir si M.Diallo a la
nationalité de la Guinée et s’il a épuisé les voies de recours internes disponibles en RDC.

Sur le premier point, la Cour relève qu’il n’ est pas contesté par la RDC que M.Diallo a
seulement la nationalité guinéenne et qu’il a possédé celle-ci de manière con tinue de la date du
préjudice allégué jusqu’à la date d’introduction de l’instance.

Sur le deuxième point, la Cour observe que, comme elle l’a indiqué dans l’affaire de
l’Interhandel (Suisse c.Etats-Unis d’Amérique) , «[l]a règle selon laque lle les recours internes
doivent être épuisés avant qu’une procédure internationale puisse être engagée est une règle bien
établie du droit international coutumier» qui «a été généralement observée dans les cas où un Etat
prend fait et cause pour son ressortissant dont les droits auraient été lésés dans un autre Etat en

violation du droit international.»

La Cour fait remarquer que le s Parties ne remettent pas en ca use cette règle, mais qu’elles
sont en désaccord sur la question de savoir s’il ex istait effectivement des recours internes, dans le
système juridique congolais, que M.Diallo aurait dû épuiser avant que sa cause ne puisse être

endossée par la Guinée devant la Cour. Elle précise qu’en matière de protection diplomatique,
c’est au demandeur qu’il incombe de prouver que les voies de recours internes ont bien été épuisées
ou d’établir que les circonstances dispensaient la personne prétendument lésée et dont il entend
assurer la protection diplomatique d’épuiser les rec ours internes disponibles. Quant au défendeur,
il lui appartient de convaincre la Cour qu’il exis tait dans son ordre juridique interne des recours
efficaces qui n’ont pas été épuisés.

Compte tenu des arguments présentés par les Parties, la Cour limite son examen de la
question des voies de recours internes à l’expulsion de M. Diallo. Elle rappelle que, comme cela a
été reconnu par les deux Parties et comme le confirme le procès-verbal établi le 31 janvier 1996 par
l’agence nationale d’immigration du Zaïre, cette expulsion, au moment de son exécution, a été - 4 -

qualifiée de mesure de «refoulement». Or, il appa raît que les mesures de refoulement ne soot pas
susceptibles de recours en droit congolais . L’article13 de l’ordonnance-loi n 83-033 du
12 septembre 1983, relative à la police des étrangers, spécifie en effet expressément que la «mesure
[de refoulement] est sans recours». La Cour estime que la RDC ne saurait aujourd’hui se prévaloir
du fait qu’une erreur aurait été commise par se s services administratifs au moment du

«refoulement» de M.Diallo pour prétendre que celui-ci aurait dû traiter cette mesure comme une
expulsion. M. Diallo, en tant que destinataire de la mesure de refoulement, était autorisé à tirer les
conséquences de la qualification juridique ainsi donnée par les autorités zaïroises, et ce y compris
au regard de la règle de l’épuisement des voies de recours internes.

La Cour observe en outre que, quand bien même il se serait agi en l’occurrence d’une

expulsion et non d’un refoulement, la RDC n’a pa s davantage démontré l’existence dans son droit
interne de voies de recours ouvertes contre les mesures d’expulsions. La RDC a bien invoqué la
possibilité d’une demande de reconsidération aupr ès de l’autorité administrative compétente.
LaCour rappelle néanmoins que si les recours inte rnes qui doivent être épuisés comprennent tous
les recours de nature juridique, aussi bien les recours judiciaires que les recours devant des

instances administratives, les recours administratifs ne peuvent être pris en considération aux fins
de la règle de l’épuisement des voies de recours internes que dans la mesure où ils visent à faire
valoir un droit et non à obtenir une faveur, à mo ins qu’ils ne soient une condition préalable
essentielle à la recevabilité de la procédure contentieuse ultérieure. En l’espèce, la possibilité pour
M.Diallo d’introduire une demande de reconsidération de la mesure d’expulsion auprès de

l’autorité administrative qui l’avait prise ⎯c’est-à-dire le premier ministre ⎯ dans l’espoir que
celui-ci revienne sur sa décision à titre gracieux, ne saurait donc être considérée comme constituant
une voie de recours interne à épuiser.

Ayant établi que la RDC n’a pas démontré qu’il existait dans son ordre juridique interne des
voies de recours disponibles et efficaces qui au raient permis à M.Diallo de contester son

expulsion, la Cour conclut que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la RDC à raison du
non-épuisement des voies de recours internes ne sa urait être accueillie en ce qui concerne cette
expulsion.

Question de la recevabilité de la requête en ce qu ’elle a trait à la protec tion des droits propres de
M. Diallo en tant qu’associé des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre (par. 49-75)

La Cour indique que la RDC soulève deux excep tions d’irrecevabilité au regard de ce volet
de la requête : la RDC conteste la qualité pour agir de la Guinée, et elle avance que M.Diallo n’a
pas épuisé les voies de recours internes qui lui étaient ouvertes en RDC pour faire valoir ces droits.
La Cour traite de ces exceptions tour à tour.

⎯ Qualité de la Guinée pour agir (par. 50-67)

La RDC reconnaît l’existence, en droit inte rnational, d’un droit de l’Etat national des
associés ou des actionnaires d’une société d’exercer, en leur faveur, une action en protection
diplomatique lorsqu’il y a une atteinte à leurs droits propres en tant que tels. Elle soutient

néanmoins que «le droit international n’admet [ cette] protection… que dans des conditions très
restrictives qui ne sont pas rencontrées dans l’es pèce». La RDC affirme d’abord que la Guinée ne
cherche pas, en l’instance, à protéger les droits propres de M.Diallo en tant qu’associé, mais
qu’elle assimile une violation des droits des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre à une
violation des droits de M. Diallo. La RDC fait aussi valoir que l’action en protection des droits

propres des actionnaires en tant que tels ne vise que des hypothèses très limitées et, s’appuyant sur
l’arrêt de la Cour en l’affa ire de la Barcelona Traction , affirme que les seuls actes susceptibles de
violer ces droits seraient «des actes d’ingérence dans les relations entre la société et ses
actionnaires». Pour la RDC, l’arrestation, la détention et l’expulsion de M.Diallo n’ont pu
constituer des actes d’ingérence de sa part dans les relations entre l’associé Diallo et les sociétés - 5 -

Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre. Elles n’ont pu, en conséquence, porter atteinte aux droits
propres de M. Diallo. La RDC explique ainsi que M. Diallo aurait très bien pu exercer ses droits à
partir d’un territoire étranger et qu’il aurait pu déléguer ses tâches à des administrateurs locaux.

La Guinée se réfère également à l’arrêt rendu en l’affaire de la Barcelona Traction , dans
lequel la Cour, après avoir statué que «des actes qui ne visent et n’atteignent que les droits de la

société n’impliquent aucune resp onsabilité à l’égard des actionnaires même si leurs intérêts en
souffrent», a ajouté que «[l]a situ ation est différente si les actes in criminés sont dirigés contre les
droits propres des actionnaires en tant que tels». Elle souligne que cette position de la Cour a été
reprise à l’article 12 du projet d’ar ticles de la CDI sur la protection diplomatique. La Guinée fait
remarquer que, dans les S.P.R.L., les parts sociales «ne sont pas librement transmissibles», ce qui

«accentue considérablement le caractère intuitu personae de ces sociétés», et souligne que ce
caractère aurait été encore plus marqué pour les sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre
dans la mesure où M.Diallo se serait retrouvé être «[l’]uniqu e gérant et [le] seul associé
(directement et indirectement)» de celles-ci. Se lon la Guinée, «en fait comme en droit, il était à
peu près impossible de distinguer M.Diallo de se s sociétés», et l’arrestation, la détention et

l’expulsion de M.Diallo ont non seulement eu pour effet «de l’empêcher de continuer à
administrer, à gérer et à contrôler toutes les opérations» de ses sociétés, mais ont précisément été
motivées par la volonté de l’empêcher d’exercer ces droits, de poursuivre les actions en justice
initiées pour lesdites sociétés et de récupérer, ce faisant, leurs créances. La Guinée soutient enfin
que, contrairement à ce que prétend la RDC, M. Diallo ne pouvait exercer ses droits propres
d’actionnaire associé valablement depuis son pays d’origine.

Constatant que les Parties se sont réfé rées à l’affaire de la Barcelona Traction , la Cour
rappelle qu’il s’agissait là d’une société anonyme do nt le capital était représenté par des actions,
mais qu’en l’espèce, il est question de S.P.R.L. dont le capital est composé de parts sociales.
LaCour, s’appuyant sur le droit interne congolais, s’attache ensuite à préciser la nature juridique

des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre. Elle dit que le droit congolais attribue à la
S.P.R.L. une personnalité juridique indépendante et distincte de celle des associés, notamment en
ce que le patrimoine des associés est complètement séparé de celui de la société, et que ceux-ci ne
sont responsables des dettes de la société qu’à hauteu r de leur apport à celle-ci. Il en découle que
les créances et les dettes de la société à l’égard des tiers relèvent respectiv ement des droits et des
obligations de celle-ci.

La Cour rappelle que l’exercice par un Etat de la protection diplomatique d’une personne
physique ou morale de sa nationalité, qui est as socié ou actionnaire, vise à mettre en cause la
responsabilité d’un autre Etat pour un préjudice causé à cette personne par un acte
internationalement illicite dudit Etat. Dans le cas de l’associé ou de l’actionnaire, cet acte revient à

la violation par l’Etat défendeur des droits propre s de celui-ci dans sa relation avec la personne
morale, droits propres qui sont définis par le droit interne de cet Etat. Ainsi entendue, la protection
diplomatique des droits propres des associés d’ une S.P.R.L. ou des actionnaires d’une société
anonyme ne doit pas être considérée comme une exception au régime juridique général de la
protection diplomatique des personnes physiques ou morales, tel qu’il découle du droit
international coutumier.

Ayant examiné les arguments des Parties, la Co ur constate qu’en l’espèce, la Guinée a bien
qualité pour agir dans la mesure où son actio n concerne une personne ayant sa nationalité,
M. Diallo, et qu’elle est dirigée contre des actes prétendument illicites de la RDC qui auraient porté
atteinte aux droits de cette personne, en particulier ses droits propres en tant qu’associé des sociétés

Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre. La Cour relève que M. Diallo, qui avait la qualité d’associé
des deux sociétés, exerçait également les fonctions de gérant pour chacune d’entre elles. L’associé
d’une S.P.R.L. est le détenteur de parts sociales da ns le capital de celle-ci; le gérant est, quant à
lui, un organe de la société, qui agit en son nom. - 6 -

La Cour conclut de ce qui précède que l’ex ception d’irrecevabilité soulevée par la RDC à
raison de l’absence de qualité de la Guinée pour ag ir en protection de M. Diallo ne saurait être
accueillie en ce qu’elle a tra it aux droits propres de celui-ci en tant qu’associé des sociétés
Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre.

⎯ Non-épuisement des recours internes (par. 68-75)

La RDC prétend en outre que la Guinée ne pe ut exercer sa protection diplomatique pour la
violation des droits propres de M.Diallo en tant qu’associé des sociétés Africom-Zaïre et
Africontainers-Zaïre dans la mesure où celui-ci n’a pas tenté d’épuiser les voies de recours internes
disponibles en droit congolais contre la violation alléguée de ces droits spécifiques. Elle soutient à

cet égard que «l’absence de M. Diallo du territoire congolais ne constituait pas un obstacle [en droit
congolais] à la poursuite des procédures déjà entamées quand il était…au Congo», ou au
déclenchement de nouvelles procédures, et que M. Diallo aurait pu mandater des représentants à
cette fin. La RDC soutient encore que les voie s de recours existantes dans l’ordre juridique
congolais sont efficaces.

La Guinée allègue, pour sa part, que «l’Etat congolais a délibérément choisi de refuser
l’accès à son territoire à M. Diallo en raison des actions en justice qu’il y avait engagées au nom de
ses sociétés». Elle maintient que, «[d]ans ce contexte, reprocher à M. Diallo de ne pas avoir épuisé
les recours serait non seulement manifestement «déraisonnable» et «injuste», mais aussi un
détournement de la règle de l’épuisement des recours internes». Selon la Guinée, les conditions de

l’expulsion de M.Diallo ont en outre empêché ce dernier d’exercer des recours internes pour son
compte ou pour ses sociétés. La Guinée insiste enfin sur le fait que les recours existants dans
l’ordre juridique congolais sont inefficaces, notammen t en raison de délais abusifs, de «pratiques
administratives illicites» et du fa it que «l’exécution des décisions de justice dépendait [à l’époque
des faits] exclusivement du bon vouloir du gouvernement».

La Cour note que la violation alléguée des dro its propres de M. Diallo en tant qu’associé a
été traitée par la Guinée comme une conséquence di recte de son expulsion. Or, la Cour a déjà
constaté que la RDC n’a pas démontré qu’il existait, en droit congolais, des voies de recours
efficaces contre cette mesure d’expulsion. La Cour relève par ailleurs que, à aucun moment, la
RDC n’a indiqué qu’il existait dans l’ordre juridi que congolais des voies de recours contre les

violations alléguées des droits propres de M. Diallo en tant qu’associé, qui auraient été distinctes de
celles relatives à son expulsion, et qu’il aurait dû épuiser. Selon la Cour, les Parties ont bien
consacré certains développements à la question de l’efficacité des recours internes en RDC, mais
elles se sont limitées, ce faisant, à l’examen de s recours ouverts aux sociétés Africom-Zaïre et
Africontainers-Zaïre, sans aborder ceux éventuellement ouverts à M. Diallo en tant qu’associé de

ces sociétés. Dans la mesure où il n’a pas été avancé qu’il existait des vo ies recours internes que
M. Diallo aurait dû épuiser en ce qui concerne ses droits propres en tant qu’associé, la question de
l’efficacité de ces voies de recours, en tout état de cause, ne se pose pas.

La Cour en conclut donc que l’exception d’ irrecevabilité soulevée par la RDC à raison du
non-épuisement des recours internes contre les atte intes alléguées aux droits propres de M.Diallo

en tant qu’associé des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre ne saurait être accueillie.

Question de la recevabilité de la requête en ce qu’e lle vise l’exercice de la protection diplomatique
en faveur de M. Diallo «par substitution» aux sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre
(par. 76-95)

relère que la RDC soulève à nouveau deux exceptions à la recevabilité de la requête
de la Guinée, tirées respectivement de l’absenc e de qualité pour agir du demandeur et du
non-épuisement des voies de recours internes. La Cour traite de ces questions l’une après l’autre. - 7 -

⎯ Qualité de la Guinée pour agir (par. 77-94)

La RDC soutient que la Guinée ne peut invoquer «des «considérations d’équité» pour
justifier «le droit d’exercer sa protection diplomat ique [au profit de M.Diallo, et par substitution
aux sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre,] indépendamment de la violation des droits

propres [de M. Diallo]»», au motif que l’Etat don t la responsabilité est en cause serait l’Etat
national desdites sociétés. Une telle protection diplomatique «par substitution» irait, selon la RDC,
«bien au-delà de ce que prévoit le droit internationa l positif» ; ni la jurisprudence de la Cour, ni la
pratique des Etats ne consacrent cette hypothèse. La RDC va même jusqu’à affirmer que la Guinée
demanderait en réalité à la Cour de l’autoriser à exercer sa protection diplomatique de manière
contraire au droit international. Elle indique à ce sujet que la Co ur devrait écarter tout recours à

l’équité contra legem . La RDC fait encore valoir que la Guinée n’a pas démontré qu’une
protection de l’actionnaire «par substitution» à la société qui possède la nationalité de l’Etat
défendeur se justifierait en l’espèce. Selon la RDC, une telle protection mènerait à un régime de
protection discriminatoire car elle aboutirait à une inégalité de traitement des actionnaires. La
RDC soutient enfin que l’application d’une protection «par substitution» au cas de M. Diallo serait

«fondamentalement inéquitable», compte tenu de la personnalité et du comportement de ce dernier,
qui sont «loin d’être irréprochables».

La Guinée fait observer de son côté qu’elle ne demande pas à la Cour de recourir à l’équité
contra legem , mais qu’elle soutient plutôt que, dans l’affaire de la Barcelona Traction , la Cour a
évoqué dans un dictum la possibilité d’une exception, fondée sur des raisons d’équité, à la règle

générale de la protection d’une société par l’Etat national de celle-ci, «lorsque l’Etat dont la
responsabilité est en cause est l’Etat national de la société». La Guinée fa it valoir que l’existence
de la règle de la protection par substitution et son caractère coutumier sont confirmés par de
nombreuses sentences arbitrales. En outre, selon elle, la «pratique ultérieure [à l’arrêt de la
Barcelona Traction ], conventionnelle ou jurisprudentielle … [aurait] dissipé toute incertitude … sur

la positivité de l’«exception»». La Guinée prét end enfin que l’application de la protection par
substitution s’imposerait tout spécialement dans le cas d’espèce car les sociétés Africom-Zaïre et
Africontainers-Zaïre sont des S.P.R.L. qu i présentent un caractère intuitupersonae marqué et qui
sont, pour le surplus, statutairement contrôlées et dirigées par une seule et unique personne. Elle
relève par ailleurs et surtout que M.Diallo était tenu, en vertu de la législation zaïroise, de

constituer les sociétés au Zaïre.

La Cour rappelle qu’en matière de protecti on diplomatique, le principe, tel qu’il a été
souligné dans l’affaire de la Barcelona Traction , est que: «La responsabilité n’est pas engagée si
un simple intérêt est touché; elle ne l’est que si un droit est violé, de sorte que des actes qui ne
visent et n’atteignent que les dro its de la société n’impliquent au cune responsabilité à l’égard des

actionnaires même si leurs intérêts en souffrent.» (C.I.J. Recueil 1970, p. 36, par. 46). Depuis son
dictum dans l’affaire susmentionnée, la Cour indique qu’elle n’a pas eu l’occasion de se prononcer
sur la question de savoir s’il existe bien, en droit international, une exception à la règle générale
«selon laquelle le droit de protection diplomatiq ue d’une société revient à son Etat national»,
exception qui autoriserait une protection des acti onnaires par leur propre Etat national «par

substitution», et quelle en serait la portée. Elle fait remarquer que dans l’affaire de l’Elettronica
Sicula S.p.A. (ELSI) (Etats-Unis d’Amérique c.Italie ), la Chambre de la Cour a certes admis un
recours des Etats-Unis en faveur de deux sociét és américaines détenant 100% des actions d’une
société italienne, relativement à des actes attribués aux autorités italiennes et dont il était prétendu
qu’ils avaient porté atteinte aux droits de ladite société. La Cour rappelle cependant que la
Chambre s’est fondée à cet effet, non sur le droi t international coutumier, mais sur un traité

d’amitié, de commerce et de navigation entre le s deux pays, qui octroyait directement à leurs
ressortissants, sociétés et associations certains droits relatifs à la participation de ceux-ci dans des
sociétés et associations de la nationalité de l’autre Etat. - 8 -

La Cour vérifie si l’exception invoquée par la Guinée est consacrée en droit coutumier. Elle
constate que le rôle de la protection diplom atique en droit international contemporain s’est
estompé, celle-ci n’étant en pratique appelée à intervenir que dans les rares cas où les régimes
conventionnels n’existent pas ou se sont révélés inopérants. La théorie de la protection par
substitution vise en effet, sel on la Cour, à offrir une protecti on aux actionnaires étrangers d’une

société qui ne pourraient pas invoquer le bénéfice d’un accord international, et auxquels aucun
autre recours ne serait ouvert, da ns la mesure où les actes prétendument illicites auraient été
commis à l’encontre de la société par l’Etat de la nationalité de celle-ci. La protection par
«substitution» constituerait donc le tout dernier recours pour la protection des investissements
étrangers. Ayant examiné la pratique des Etats et les décisions des cours et tribunaux

internationaux, elle dit qu’elles ne révèlent pas ⎯du moins à l’heure actuelle ⎯ l’existence en
droit international coutumier d’une exception pe rmettant une protection par substitution telle
qu’invoquée par la Guinée. La Cour ajoute que le fait, dont se prévaut la Guinée, que différents
accords internationaux aient institué des régime s juridiques spécifiques en matière de protection
des investissements, ou encore qu’il soit courant d’inclure des dispositions à cet effet dans les
contrats conclus directement entre Etats et investisseurs étrangers, ne suffit pas à démontrer que les

règles coutumières de protection diplomatique au raient changé; il pourrait tout aussi bien se
comprendre dans le sens contraire.

La Cour se penche encore sur la question de savoir s’il existe en droit international
coutumier une règle de protection par substitution de portée plus limitée, telle que celle formulée

par la CDI dans son projet d’articles sur la prot ection diplomatique, qui ne trouverait à s’appliquer
que lorsque la constitution d’une société dans l’ Etat auteur de la violation alléguée du droit
international «était une condition exigée par ce dernier pour qu’elle puisse exercer ses activités
dans le même Etat» (art. 11, par. b) ). Ce cas de figure bien particulier ne semble pas, de l’avis de la
Cour, correspondre à celui auquel elle a affaire dans le cas d’espèce. La Cour note qu’il apparaît
que les sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre ont été créées naturellement au Zaïre et

inscrites au registre du commerce de la ville de Ki nshasa par M. Diallo, qui s’était installé dans le
pays en 1964. De surcroît et surtout, il n’a pas été établi à suffisance que leur constitution dans ce
pays, en tant que personnes morales de nationalité congolaise, aurait été exigée de leurs fondateurs
pour que ceux-ci puissent opérer dans les secteurs économiques concernés. La Cour en conclut que
les deux sociétés n’ont pas été constituées de ma nière telle qu’elles rentreraient dans le champ

d’application d’une protection par substitution au sens de l’article11, paragrapheb) , du projet
d’articles de la CDI sur la protection diplomati que. Dès lors, la question de savoir si ce
paragraphe de l’article 11 reflète ou non le droit international coutumier ne se pose pas en l’espèce.

La Cour ne saurait accepter la prétention de la Guinée à exercer une protection diplomatique
par substitution. C’est donc la règle normale de la nationalité des réclamations qui régit la question

de la protection diplomatique à l’égard des sociét és Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre. Or ces
sociétés possèdent la nationalité congolaise.

L’exception d’irrecevabilité soulevée par la RDC à raison de l’absence de qualité de la
Guinée pour agir en protection diplomatique de M. Diallo pour les prétendus actes illicites de la

RDC dirigés contre les droits des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre est par conséquent
fondée et doit être retenue.

⎯ Non-épuisement des recours internes (par. 95)

Ayant conclu que la Guinée n’avait pas qualité pour agir en protection diplomatique de

M.Diallo pour les prétendus actes illicites de la RDC dirigés contre les droits des sociétés
Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre, la Cour n’a pas à examiner plus avant l’exception soulevée
par la RDC à raison de l’absence d’épuisement des voies de recours internes. - 9 -

Conclusions de la Cour (par. 96)

La Cour conclut de ce qui précède que la requête de la Guinée est recevable en ce qu’elle a
trait à la protection des droits de M.Diallo en ta nt qu’individu et de ses droits propres en tant
qu’associé des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre.

Suite de la procédure (par. 97)

La Cour précise que, conformément au paragra phe 7 de l’article 79 du Règlement dans sa
version adoptée le 14 avril 1978, elle fixera ultérieurement par voie d’ordonnance les délais pour la

suite de la procédure.

Dispositif(par. 98)

«Par ces motifs,

L A C OUR ,

1) Quant à l’exception préliminaire d’ irrecevabilité soulevée par le République
démocratique du Congo à raison de l’absence de qualité de la République de Guinée
pour agir en protection diplomatique en l’espèce :

a) àl’unanimité,

Rejette ladite exception en ce qu’elle a trait à la protection des droits propres de
M. Diallo en tant qu’associé des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre ;

b) parquatorzevoixcontreune,

Retient ladite exception en ce qu’elle a trait à la protection de M. Diallo pour les
atteintes alléguées aux droits des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre ;

POUR : Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président; MM.Ranjeva, Shi,

Koroma, Buergenthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov,
juges; M. Mampuya, juge ad hoc ;

CONTRE : M. Mahiou, juge ad hoc ;

2) Quant à l’exception préliminaire d’ irrecevabilité soulevée par la République
démocratique du Congo à raison du non-épuisement par M.Diallo des voies de
recours internes :

a) àl’unanimité,

Rejette ladite exception en ce qu’elle a tr ait à la protection des droits de
M. Diallo en tant qu’individu ;

b) parquatorzevoixcontreune,

Rejette ladite exception en ce qu’elle a trait à la protection des droits propres de

M. Diallo en tant qu’associé des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre ;

POUR : Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président; MM.Ranjeva, Shi,
Koroma, Buergenthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov,
juges ; M. Mahiou, juge ad hoc ; - 10 -

CONTRE : M. Mampuya, juge ad hoc ;

conséquence,

a) àl’unanimité,

Déclare la requête de la République de Guinée recevable en ce qu’elle a trait à la protection
des droits de M. Diallo en tant qu’individu ;

b) par quatorze voix contre une,

Déclare la requête de la République de Guinée recevable en ce qu’elle a trait à la protection
des droits propres de M. iallo en tant qu’associé des sociétés Africom-Zaïre et
Africontainers-Zaïre ;

POUR : Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président; MM.Ranjeva, Shi,
Koroma, Buergenthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov,
juges ; M. Mahiou, juge ad hoc ;

CONTRE : M. Mampuya, juge ad hoc ;

c) par quatorze voix contre une,

Déclare la requête de la République de Guinée irrecevable en ce qu’elle a trait à la protection
de MD. iallo pour les atteintes alléguées aux droits des sociétés Africom-Zaïre et

Africontainers-Zaïre.

POUR : Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président; MM.Ranjeva, Shi,
Koroma, Buergenthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov,
juges ; M. Mampuya, juge ad hoc ;

CONTRE : M. Mahiou, juge ad hoc.»

*

M. le juge ad hocM AHIOU joint une déclaration à l’arrêt ; M. le juge ad hAMPUYA joint
à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle.

___________ o
Annexe au résumé n 2007/3

Déclaration de M. le juge ad hoc Mahiou

Après avoir déclaré recevable la requête de la Guinée dans la mesure où elle tend à protéger,

d’une part, les droits de M.Diallo en tant qu’indi vidu et, d’autre part, ses droits propres en tant
qu’associé des sociétés Africom-Zaïre et Africont ainers-Zaïre, la Cour déclare irrecevable la
requête tendant à la protection de M. Diallo pour les atteintes alléguées aux droits desdites sociétés.
Pour rejeter cette dernière requête, la Cour se fonde sur l’approche formulée par la Commission du
droit international (CDI) dans son projet d’artic les relatif à la protection diplomatique qu’elle
reprend dans les paragraphes 88 et 91 de l’arrêt. Toutefois, après avoir ainsi exposé et, semble-t-il,

admis cette approche de la protection diplomatique, la Cour considère qu’elle ne s’applique pas en
l’espèce. En effet, après avoir constaté que la première condition est satisfaite ⎯ puisque les deux
sociétés en cause ont bien la nationalité de l’Etat congolais, auteur des actes illicites ⎯ elle estime
que la seconde cond ition n’est pas satisfaite, puisque cette nationalité résulte d’un libre choix de

leur propriétaire et non d’une exigence du droit local pour que la protection diplomatique puisse
être invoquée.

Certes, le choix de la nationalité congolaise a été fait par M.Diallo, mais il apparaît
contestable de conclure que c’est un libre choix co mme le fait la Cour dans le paragraphe92 de
l’arrêt. La liberté de choix est plus une appa rence qu’une réalité lorsque l’on analyse le droit

congolais qui impose d’avoir à la fois le siège admi nistratif et social au Congo dès lors que le
principal siège d’exploitation est situé dans ce pays, faute de quoi les deux sociétés seraient rayées
d’office du registre du commerce, ce qui les em pêcherait d’exister ou d’avoir des activités au
Congo. Par conséquent, en raison de cette situation de fait et de droit, cette affaire se situe dans la
perspective de l’article11b) du projet de la CDI correspondant à la situation où il serait légitime

que le droit à la protection diplomatique de l’Etat de nationalité des actionnaires puisse jouer si des
mesures préjudiciables sont prises par l’Etat contre la société ayant sa nationalité.

Par ailleurs, il convient de noter que l’une des deux sociétés, la société Africom-Zaïre, aurait
disparu du fait des agissements des autorités congo laises. Si cela devait se confirmer, il en
résulterait une situation nouvelle où il n’y aurait plus de possibilité pour cette société de faire valoir

directement ses droits et cela pourrait priver son actionnaire unique, M. Diallo, de tout recours si on
lui refusait le bénéfice de la protection diplom atique. Je pense donc que la Cour aurait dû se
préoccuper davantage de cette situation afin de sa uvegarder les droits et intérêts de l’actionnaire
unique de cette société.

Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Mampuya

Dans cette affaire opposant la Guinée à la République démocratique du Congo, tout en
adhérant globalement aux conclu sions de la Cour concernant la recevabilité de la requête
guinéenne, j’exprime des réserves sur certains aspe cts de la démarche suivie dans l’arrêt ainsi que

sur des questions annexes à la recevabilité de la requête sur la protection des droits propres du
ressortissant guinéen en tant qu’associé des deux sociétés congolaises.

Je partage le dispositif principal de l’arrêt lorsqu’il déclare recevable la requête de la Guinée
en ce qu’elle vise les droits propres de son ressortissant comme individu et la déclare irrecevable en
ce qu’elle visait aussi les droits des sociétés non guinéennes.

Cependant, il m’a semblé en fait, qu’alors que l’ examen de la jurisprudence de la Cour rend
compte de l’exigence que l’objet de sa demande doit être présenté «dans les conditions de précision
et de clarté correspondant aux exigences d’une bonne administration de la justice» , la requête
guinéenne n’était pas libellée en des termes suffis amment clairs pour en circonscrire l’objet, les - 2 -

circonstances de son dépôt expliquant pourquoi la Guinée a, du début à la fin de la procédure,
oscillé entre, d’une part, la protection des deux so ciétés contrôlées par son ressortissant M.Diallo
mais qui sont de nationalité congolaise, dont les créances apparaissent clairement comme étant
l’objet réel de la requête, et, d’autre part, la protection de M. Diallo dans ses droits propres comme
individu et comme associé. Je crois que, pour obscuri libelli , sinon pour défaut de qualité, la

recevabilité de la requête guinée nne est pour le moins problématique. Par ailleurs, en retenant
comme objet de la requête les droits propres de M. Diallo, choisissant ce différend artificiel au lieu
du réel, la Cour reçoit des réclamations privées toutes nouvelles, jusque là inconnues des autorités
congolaises et non constitutives par elles-mêmes d’un différend né directement dans les rapports
entre la Guinée et la République démocratique du Congo, sans vérifier, contrairement à toute sa
jurisprudence antérieure, si le litige privé de M. Diallo avait donné naissance à un différend

international entre les deux Etats qui pourrait être so umis à la Cour, celle-ci ne connaissant que de
différends internationaux et non de simples fa its même s’ils peuvent être internationalement
illicites. Enfin, si le droit d’agir de la Guinée c oncernant les droits propres de son ressortissant en
tant qu’associé est incontestable, je n’ai pas adhé ré à la conclusion selon laquelle, la RDC n’ayant
pas démontré qu’il existait des voies de recours co ntre la mesure d’expulsion, il n’y en aurait pas

non plus contre les violations alléguées de ces droits propres d’associé, traitées comme une
conséquence directe de cette expulsion. C’est la raison pour laquelle, après avoir admis la qualité
pour agir de la Guinée, notamment pour violation alléguée des droits de l’homme, je ne me suis pas
joint à la majorité sur la partie du dispositif qui rejette, pour le raisonnement exposé ici, l’exception
préliminaire congolaise de non-épuisement des voies de recours internes concernant les droits

propres d’associé.

___________

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Résumé de l'arrêt du 24 mai 2007

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