Résumé de l'arrêt du 27 juin 1986

Document Number
6505
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
1986/2
Date of the Document
Document File
Document

Résumés des arrêts, avis coDocument non officielnces de la Cour
internationale de Justice

AFFAIRE DESACTIVITÉSMILITAIRES]ETPARAMILITAIRESAU NICARAGUA

ET CONTRECELUI-CI(NICARAGUAC. É:TATS-UNIS D'AMÉRIQUE)[FOND]

Arrêt du 27 juin 1986

gation que leur impose ledroit international coutumier
Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicaragua et de ne pas intervenir dans les affaires d'un autre Etat;

ccontre les Etats-Unis d'Amérique,la composition deua :POUR : M. Nagendra Singh, présidertt; M. de La-
la Cour était la suivante:M. Nageiidra Singh, pré- charrière, vice-président; MM. Lachs, Ruda, Elias,
sident; M. GuyLadreit de Lacharrière, vice-président; Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui, Ni et Evensen,
MM. Manfred Lachs, José Maria Ruda, Taslim Ola- juges; M. Colliard,juge ad hoc;
wale Elias, Shigeru Oda, Roberto Ago, José Sette- CONTRE :MM. Oda, Schwebel et sir Robert Jen-
Camara, Stephen M. Schwebel, sir Robert Jennings, nirigs,juges.
MM.KébaMbaye, Mohammed Bedjaoui,Ni Zhengyu,
Jens Evensen, juges; M. Claude-Albert Colliard,juge 4) Par 12voix contre 3,
ad hoc. Décideque les Etats-Unis d'Amérique,par certai-
nes attaques effectuéesen territoire nicaraguayen en
1983-1984,contre Puerto Sandino les 13septembre et
14 octobre 1983, contre Corinto le 10 octobre 1983,
contre la base navale de Potosi les 4-5janvier 1984,
Disposit$de l'arrêt dela Cour contre San Juan del Sur le 7 mars 1984, contre des
navires de patrouillàPuerto Sandino les 28et 30mars
La Cour 1984et contre San Juan del Norte le 9 avril 1984,ainsi
quepar les actes d'intervention impliquantl'emploide
1) Par 11voix contre 4, la force visésau sous-paragraphe 3 ci-dessus, ont, à
Décide que, pour statuer sur le difftrend dont la I'encontre de la Républiquedu Nicaragua, violé l'obli-
Republique du Nicaragua l'a saisie par sa requête du gation que leurimpose ledroit international coutumier
9 avril 1984,la Cour est tenue d'appliquer la "réserve de ne pas recourirà la force contre un autre Etat;
relative aux traités multilatéraux" constituant lat-
serve c de la déclaration d'acceptation de juridiction ]?OUR :M. Nagendra Singh,président;M.de Lachar-
faite par le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique rière, vice-président;MM. Lachs, Ruda, Elias, Ago,
conformement àl'Article36,paragraphe 2,du Statut, et Secte-Camara,Mbaye, Bedjaoui, Niet Evensen,juges;
dtposée par lui le 26 août 1946; M. Colliard,juge ad hoc;
POUR :M. Nagendra Singh, président; M. de La- CONTRE :MM. Oda, Schwebel et sir Robert Jen-
charrière, vice-président; MM. Lachs, Oda, Ago, nings,juges.
Schwebel,sirRobert Jennings, MM. Mbaye, Bedjaoui
et Evensen, juges; M. Colliard,juge ad hoc; 5) Par 12voix contre 3,
DécidequelesEtats-Unisd'Amérique,enordonnant
CONTRE : MM. Ruda, Elias, Sette-Camara et Ni, ou en autorisant le survol du territoire nicaraguayen,
juges. ainsi que par les actes qui leur sont imputables et qui
2) Par 12voix contre 3, sont visésau sous-paragraphe 4 ci-dessus, ont,àI'en-
contre de la Républiquedu Nicaragua, violé l'obliga-
Rejette la justification de légitimedéfensecollective tioiiqueleurimposeledroit international coutumier de
avancéepar les Etats-Unis d'Amérique relativement nepasporter atteinteà la souverainetéd'unautre Etat;
auxactivitts militairesetparamilitaires auNicaragua et
contre celui-ci qui font l'objet de la présente instance; POUR : M. Nagendra Singh, président; M. de La-
POUR :M. Nagendra Singh, président; M. de La- charrière, vice-président; MM. Lachs, Ruda, Elias,
charrière, vice-président; MM. Lachs, Ruda, Elias, Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui, Ni et Evensen,
Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui, Ni et Evensen, juges; M. Colliard,juge ad hoc;
juges; M. Colliard,juge ad hoc; CONTRE: MM. Oda, Schwebel et sir Robert Jen-
CONTRE : MM. Oda, Schwebel et sir Robert Jen- nings,juges.
nings,juges.
6) Par 12voix contre 3,
3) Par 12voix contre 3, Décideque, en posant des mines dans les eaux inté-
Décide que les Etats-Unis d'Amérique,en entraî- rieiires ou territoriales de la Républiquedu Nicaragua
nant, armant, tquipant, finançant et approvisionnant au cours des premiers mois de 1984, les Etats-Unis
les forces contras, et en encouragealit, appuyant et d'Amériqueont, àI'encontre de la Républiquedu Ni-
assistant de touteautre manièredes activitts militaires caragua, violéles obligations que leur impose le droit
et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, ont, intt:rnational coutumier de ne pas recouriràla force
I'encontre de la Rtpublique du Nicaragua, violé l'obli- contre un autre Etat, de ne pas intervenir dans ses Ago, Sette-Camara,Mbaye, Bedjaoui, Ni et Evensen,
affaires, denepas porteratteinteàsasouverainetéetde
ne pas interrompre le cornmerce maritime pacifique; .juges; M. Colliard,juge ad hoc;
POUR :M. Nagendra !jingh, président; Ni. de La- CONTRE : MM. Oda, Schwebel et sir Robert Jen-
chai~ière, vice-président; MM. Lachs, Rucla, Elias, nings,juges.
Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui, Ni et Evensen, 11) Par 12voix contre 3,
juges; M. Colliard,juge ad hoc;
: MM. Oda, :jchwebel et sir Robert Jen- Décideque les Etats-Unis d'Amérique, par les atta-
nings,juges. cluescontre le territoire du Nicaragua viséesau sous-
paragraphe 4 ci-dessus et par l'embargo généraslur le
7) Par 14voix contre une, c:ommerceavec leNicaraguaqu'ilsont imposéle1"mai
Décideque,par les actes visés ausous-paragraphe 6 1985, ont violéleurs obligations découlant de l'arti-
ci-dessus,les Etats-Unis d'Amériqueont, à l'encontre cle XIXdu traité de et de naviga-
de la République duNicaragua, violéleurs obligations tionentrelesParties signéàManaguale 2ljanvier 1956;
découlant de l'articleXI)( du traité d'amitié.,decom- POUR :M. Nagendra président; M. de La-
merce et de navigation entre la Républiquedu Nica- c:harrière, vice-président; MM. Lachs, Ruda, Elias,
ragua et lesEtats-Unis d'Amérique signé àManaguale Ago, Sette-Camara, Mbaye, Bedjaoui, Ni et Evensen,
21janvier 1956; j!cges; M. Colliard,juge ad hoc;
CONTRE : MM. Oda, Schwebel et sir Robert Jen-
POUR M. Nagendra Siilgh,président;M.d,:Lachar- riing,juges.
rière, vice-président;MM. Lachs, Ruda, Elias, Oda,
Ago, Sette-Camara, sir Robert Jennings, MM. Mbaye, 12) Par 12voix contre 3,
Bedjaoui, Ni et Evensen, juges; M. Colliard,juge ad Décide queles Etats-Unis d'Amériqueont l'obliga-
hoc; tion de mettre immédiatementfin et de renoncer à tout
CONTRE : M. Schwebel,juge. sicteconstituant uneviolationdes obligationsjuridiques
s:usmentionntes;
8) Par 14voix contre une.
Décide que les Etats-Unis d'Amérique, enne signa- POUR :M. Nagendra Singh, président; M. de La-
lant pas l'existence etenlplacement des minesposées charrière, vice-président; MM. Lachs, Ruda, Elias,
pareux commeindiquéausous-paragraphe 6ci-dessus, Ago, Sette-Camara,Mbaye, Bedjaoui, Ni et Evensen,
ont violéles obligations que le droit international cou-juges; M. Colliard,juge ad hoc;
tumier leur impose à ce sujet; CONTRE : MM. Oda, Schwebel et sir Robert Jen-
POUR :M. Nagendra !jingh, président; Ni. de La- ~iings,juges.
chamière, vice-président ;MM. Lachs, Rucla, Elias,
Ago, Sette-Camara, Schwebel, sir Robert Jennings, 13) Par 12voix contre 3,
MM. Mbaye, Bedjaoui, Ni et Evensen, juges; M. Col- Décideque les Etats-Unis d'Amériquesont tenus
liard,juge ad hoc; envers la Républiquedu Nicaragua de l'obligation de
séparer tout préjudice causéà celle-ci par la violation
CONTRE :M. Oda,juge. des obligationsimposéespar le droit internationalcou-
9) Par 14voix contre une, tumier qui sont énumérées ci-dessus;
POUR :M. Nagendra Singh, président; M. de La-
Dit quelesEtats-Unis dl'Amériquee ,n procluisanten charrière, vice-président; MM. Lachs, Ruda, Elias,
1983un manuel intitulé"Operaciones sicoltjgicas en Ago, Sette-Camara,Mbaye, Bedjaoui, Ni et Evensen,
gueira deguerrillas" et en lerépandantparmi lesforces juges; M. Colliard,juge ad hoc;
con,tras,ont encouragécelles-cià commettredes actes
trouve pas d'élémentsquiilui permettent de conclurene CONTRE : MM. Oda, Schwebel et sir Robert Jen-
que les actes de cette nature qui ont puêtrecommis ~iings,juges.
seraient imputables auxEtats-Unis d'Amériq~eentant 14) Par 14voix contre une,
que faits de ces derniers;
Décide que les Etats-Unis d'Amériquesont tenus
PIDUR :M. Nagendra !<ingh,président; M. de La- envers la Républiquedu Nicaragua de l'obligation de
chairrière, vice-président; MM. Lachs, Rucla, Elias, réparer toutpréjudicecausé à celle-cipar les violations
Agci, Sette-Camara, Schwebel, sir Robert Jennings, les Parties signéà,Managua le 21janvier 1956;on entre
MM[.Mbaye, Bedjaoui, Ni et Evensen, juges; M. Col-
liard,juge ad hoc; POUR :M. Nagendra Singh, président; M. de La-
CONTRE :M. Oda,juge. chamère, vice-président; MM. Lachs, Ruda, Elias,
(Ida, Ago, Sette-Camara, sir Robert Jennings,
10) Par 12voix contre 3, IMM.Mbaye, Bedjaoui, Ni et Evensen, juges; M. Col-
Dlécideque les Etats-Unis d'Amérique, par les atta- liard,juge ad hoc;
ques contre le territoireluNicaragua visées.au sous- CONTRE : M. Schwebel,juge.
paragraphe 4 ci-dessuset par l'embargo gtnkral sur le
conimerceavec leNicaraguaqu'ilsont impostSle 1"mai 15) Par 14voix contre une,
19815 o,nt commisdesactes denature àpriver deson but Décideque lesformes et le montant decette rtpara-
et d.eson objet le traité (l'amitié,deomme:rceet de tion seront régléspar la Cour, au cas où les parties ne
navigation entre les Parties signàManagua le 21jan- pourraientsemettred'accord àce sujet, et réserveàcet
vier 1956; effet la suite de la proctdure;

POUR :M. Nagendra Singh, président; M. de La- POUR :M. Nagendra Singh, président; M. de La-
cha:rrière, vice-président.;MM. Lachs, Rucla, Elias, charrière, vice-président; MM. Lachs, Ruda, Elias,Oda, Ago, Sette-Camara, sir Robert Jennings, IV. - La justiciabilité du différend(paragraphes 32
MM.Mbaye, Bedjaoui, Ni et Evensen, juges; M.Col- à 35)
liard,juge ad hoc;
CONTRE : M. Schwebel,juge. La Cour croit utile de s'arrêter sur une question
16) A l'unanimité. préliminaire.On a affirméque les problèmes d'emploi
de:laforce et de la légitimedéfensecollective soulevés
Rappelle aux deux parties l'obligation qui leur in- erul'espèce ne font pas partie des matières dont un
combe de rechercher une solution de leurs différends tribunal puisse connaître, autrement dit qu'ils ne sont
par des moyens pacifiques conformément au droit testent pas le caractère "juridique" du présent dif-on-
international.'' férend ausens de l'Article 36, paragraphe 2, du Statut
Desopinionsindividuellesont été jointesàl'arrêt par et, d'autre part, la Cour estime qu'en l'espèce elle
M. Nagendra Singh,président; et MM.Lachs, Ruda, n'aura pas à se lancer nécessairementdans des appré-
Elias, Ago, Sette-Camaraet Ni, juges. ciations d'ordre politique et militaire, ce qui sortirait
Des opinionsdissidentesont été jointes àl'arrêt par des limites d'une activitéjudiciaire normale. Elle est
MM. Oda, Schwebel et sir Robert Jennings, juges. pa.rconséquent en mesure de réglerces problèmes.

Les juges intéressésdéfinissentet expliquent dans V. - La signi3cation de la réserve relativeaux traités
ces opinions la position qu'ils prennent sur certains multilatéraux (paragraphes 36 à 56)
pointtraitésdans l'arrêt. nen trouvera un brefaperçu
dans l'annexe au présentcommuniqué. On sait que lesEtats-Unis avaient assorti la déclara-
tion d'acceptation de la juridiction obligatoire de la
Cour qu'ils avaient déposéeen vertu de l'Article 36,
paragraphe 2, du Statut, d'une réserve relative aux
Le texte impriméde l'arrêtsera disponible dans traités multilatéraux.Celle-ci excluait dujeu de la dé-
les prochaines semaines (s'adresser à.la Section de la claration les
distribution et des ventes, Office des Nations Unies,
121 1Genève10;àla Sectiondesventes,Nations Unies, "différendsrésultantd'untraitémultilatéral,à moins
New York,N.Y. 10017;ou à toute librairiespécialisée). que :1) toutes les parties au traité que la décision
On trouvera ci-après une analyse de l'arrêt. Cette concernesoient égalementparties à l'affairesoumise
analyse, préparée parle Greffe pour faciliter le travail à la Cour; ou que 2) les Etats-Unis d'Amérique
de lapresse, n'engageen aucunefaçon la Cour. Elle ne acceptent expressémentla compétencede la Cour".
saurait êtrecitéeàl'encontre du texte mêmede l'arrêt, .Dansson arrêtdu 26 novembre 1984,la Cour a dé-
dont elle ne constitue pas une interprétation. claré, surla base de l'article 79, paragraphe 7, de son
Règlement, que l'exception d'incompétence tiréede
cette réserve soulevait "une question qui touche des
points de substance relevant du fond de l'affaire" et
que cette exception "n'a pas dans les circonstances
Résurné de l'arrêt de l'espèceun caractère exclusivement préliminaire".
Dèslors qu'elle comporte àla fois des aspects prélimi-
1.- Qualités(paragraphes 1 à 17) naires et des aspects de fond, elle doit êtreréglée au
stade du fond.
II.- Genèse et évolution dudifférend(paragraphes
18 à 25) l'effetdelaréserveen question, laCourdoitdéterminerr
si llesEtats tiers, parties aux quatre conventions mul-
III.-La non-comparution du défendeur et 1'Arti- tilatérales que le Nicaragua invoque, seraient "affec-
cle 53 du Statut (paragraphes 26 à 31) tés" par l'arrêt sanêtreparties àla procédure.Parmi
ces conventions, la Cour croit suffisantd'examiner la
La Cour rappelle qu'après le prononcéde son arret situationpar rapportà laChartedes NationsUnies et à
du 26novembre 1984sur lacompétencede laCour et la la charte de l'organisation des Etats américains.
recevabilitéde la requêtedu Nicaragua les Etats-Unis
ont décidéde ne pas participer à la présente phase de La Cour étudie l'effet de la réserve sur lesgriefs du
l'instance. Celane l'empêchepas cependant destatuer Nicaragua suivant lesquels les Etats-Unis auraient eu
en l'affaire mais elle doit le faire en respectant les recours àlaforceen violation deces deuxinstruments.
exigences de l'Article 53 du Statut qui prévoitle cas La Courenvisagesurtout lecas d'El Salvador,auprofit
où l'une des parties ne se présentepas devant elle. Sa de qui essentiellementles Etats-Unis prétendent exer-
compétenceétantétablie,elle doit aux termes decette cer un droit de légitimedéfense collectivedans lequel
comparaît sont "fondéesen fait et en droit". Elle rap- ilsvoientlajustification deleurcomportement àl'égard
pelleà cet égardcertains principes directeurs dégagés du Nicaragua, ce droitétant consacréparla Chartedes
dans plusieurs affaires précédentes dont l'un exclut Na.tionsUnies (art. 51)et la charte de I'OEA (art. 21).
nettement qu'elle se prononceautomatiquementen fa- Le différendest dans cette mesure un différendrésul-
veur de la partie comparante. Elle considère en outre tant detraités multilatérauxauxquelslesEtats-Unis, le
qu'elle a avantage à connaître les vues de la partie Nicaragua et ElSalvadorsontparties. Ilparaît clairàla
absente, mêmesi ces vues s'expriment par des voies Cour qu'El Salvador serait "affecté" par la décision
ignorées du Règlement. Le principe de l'égalitédes que prendrait laCour surlalicéitédu recoursdesEtats-
parties reste néanmoinsfondamental et la Cour doit Unis à la légitimedéfense collective.
veilleràce que la partie absente ne tire pas profit de sa Quant au grief du Nicaragua selon lequel les Etats-
non-comparution. Unis seraient intervenus dans ses affaires contraire-qu'ilest impossiblede direqu'une dtcision sur.laviola- la.Cour dans les formes prtvues par le Statut et le à
tion de lachartepar lesEtats-Unis sur ce point n'affec- Règlement. La Cour considère que, compte tenu des
terait pas El Salvador. rkalitéstrès particulières de l'espèce, elle peut faire
usage, dans certaines limites,des tltments d'informa-
Ayantainsi contesté qu']ElSalvadorserait affect6par
la décisionqu'elle devra p:rendreau sujet des griefs du timocontenues dans cette publication.
Nicaragua fondéssur la violation des deux ch;3rtespar VII.- Les faits imputables aux Etats-Unis (paragra-
les Etats-Unis, la Cour estime que la compttence que phes 75 à 125)
lui confèrela déclarationclesEtats-Unis ne lui permet
pas cleconnaîtrede ces griefs. Elle tientpréciser que 1. La Cour examine les allégationsdu Nicaragua
l'effet de la réserveest uriiquement d'exclure l'appli- selon lesquelles lapose de mines dans des ports oudes
cabilitéde ces deux traités multilatérauxen tant que eaux du Nicaragua est le fait de militaires des Etats-
droitconventionnelmultilatéralet n'a pas d'autre inci- Unis ou de ressortissants de pays latino-amtricains
dence sur les sources du droit internationalque1'Arti- rtitributs parlesEtats-Unis. Après examen desfaits, la
cle 38 du Statut prescrità la Cour d'applique:r,parmi Cour tient pour ttabli qu'à une date se situanà la fin
lesquelles figure la coutunie internationale. de 1983ou audtbut de 1984lePrésidentdesEtats-Unis
a autoriséun organisme gouvernemental américain à
VI. -- L'établissementdesfaits :moyens et ntéthodes poser des mines dans des ports nicaraguayens;qu'au
utiliséspar la Cour (paragraphes 57 à 74) disbutde 1984des minesont été mouilltes danslesports
d"E1Bluff, de Corintoet de Puerto Sandino ou à proxi-
La.Cour a dû dtterminer lesfaitsdevant êtri:retenus miitt de ces ports, dans les eaux intérieures du Nica-
comine se rapportant au différend.La difficultéde sa ragua ou dans sa mer territoriale, par des personnes
tâchetenait au net désaccordentre lesparties,à la non- rdtribuéespar cet organisme et agissantsurses instmc-
comparution de 1'Etat dtfendeur, au secret qui envi- tilons, sous la supervision et avec l'appui logistique
ronne certains comportements et au fait que le conflit d''agentsdes Etats-Unis; que ni avant, ni après le mi-
dure encore. Sur ce dernier point, elle estime, confor- nage, le Gouvernement des Etats-Unis n'a averti de
mémentaux principes gtnitraux de la procédurejudi- fa.çonpublique et officiellela navigation internationale
ciaire, que les faitsà retenir sont ceux qui se sont delaprésencedemines;etque l'explosiondeces mines
produits entre la genèsedu différendet la clôture de la a caust des dommages personnels et matérielset crté
procédure orale sur le fond (fin septembre 1985). des risques ayant entraînt la hausse des taux d'as-
Eni ce qui concerne la production des preuves, la surance maritime.
Cour indique comment les exigences de son Statut
- notamment de l'Article 53 - et de son Rkglement 2. Le Nicaragua attribue à l'action directe du per-
peuvent être satisfaites t:n l'espèce, ttant entendu sonnel des Etats-Unis ou d'un personnel rétribut par
qu'elle dispose d'une certaine latitude pour apprécier eiix d'autresopérations lancées contredes installa-
librement la valeur des divers moyens de preuve. Elle tions pétrolières,une base navale, etc., qui sont énu-
n'a pas cru bon d'ordonner une enquêteen vertu de ~iértesau paragraphe 81 de l'arrêt.A l'exception de
l'Article 50 de son Statut. S'agissant de certains élé- trois d'entre elles, elle tient cesrations pour tta-
ments documentaires (articles de presse ou ouvrages bllies.S'iln'est pasprouvt quedes militairesdesEtats-
divers), la Courles a accueillis avecmdence, Elle les Unis aient joué un rôle direct d'exécutants dans ces
considèrenon pas comme preuvedesfaits maiscomme olptrations, il reste que des agents des Etats-Unis ont
desélémentspouvantcontribuer à corroborerleur exis- p;3rticipà la préparation, au commandement et au
tenct: et qui peuvent êtrepris en considératiori comme soutien des opérations.Il apparaît donc àla Cour que
mont.rantla notoriétépubl.iquede certains faits. En ce l':imputabilitéde ces attaques aux Etats-Unis est
quiconcerneles déclarationsdes représentantsd7Etat, &:ablie.
parfois du rang leplus éleva$la Courconsidèrequ'elles 3. Le Nicaragua seplaint des survolsde son espace
posskdent une valeur probante particulière1or:squ'elles a~o'riepar des atronefs militaires des Etats-Unis.
recoilnaissent des faits oii des comportemerits défa- Après avoir indiquéles preuves dont elle dispose, la
voraiblesà 1'Etat qu'ils représentent. A propos de té- Cour dit queles seules violations de l'espace atrien du
moignages présentés par leNicaragua - ily oeu cinq Nicaragua imputablesauxEtats-Unisdans l'ttat actuel
témalignagesoraux et un témoignageécrit -- la non- di1dossier sont celles qui résultent d'une part desvols
comparution de 1'Etatdéfendeura eu entre autrespour de reconnaissance à haute altitude et d'autre part des
résultat que les ttmoins n'ont pas ttt s0umi.spar lui volsà basse altitude qui auraient caust des "bangs"
à un contre-interrogatoire. La Cour n'a pas r,rtenu ce supersoniques du 7 au 11novembre 1984.
qui, ;dansles témoignages,correspondait à de simples
opinions sur le caractère vraisemblable ou non de En ce qui concerne les manŒuvres militaireseffec-
l'existence de faits dont les témoinsn'avaieni:aucune ttiéesavecle Honduraspar les Etats-Unis en territoire
connaissance directe. S'agissant plus spécialementde hondurien àproximitt de lafrontièreentre leHonduras
dépositionset déclarations sous sermentfaitespar des et.le Nicaragua, la Cour estime qu'elles peuvent être
membres d'un gouvernement, la Cour estimt: qu'elle considértes comme de notorittt publique et donc suf-
peutcertainementretenir 11:séléments quipeuvent être fi:sammentétablies.
contraires aux intérêtsou.aux thèses de 1'Etat dont
dépend letémoin;pour lesautres éléments,ilconvient 4. La Cour examine ensuite le genèse, le dtvelop-
de les traiter avecbeaucoiip de réserve. pement et les activités de laforce contra ainsi que le
riiledes Etats-Unis d cet égard.Le Nicaragua soutient
La Cour a eu tgalement connaissanced'une publica- qiie les Etats-Unis auraient "conçu, crtt et organist
tion du Département d'Etat des Etats-Unis intitulte une armte mercenaire, la force contra". Compte tenu
"Re~rolution beyond Our Borders, Sandinista Inter- des renseignementsdisponibles, la Cour est dans I'im- possiblitéde conclureque 1'Etatdéfendeura "créé"la VIII.- Le comportement du Nicaragua (paragra-
force contra au Nicaragua mais elle tient pour établi phes 126 à 171)
qu'il a largement financéet organisél'une de ses com-
posantes, la FDN. IdaCour doit vérifierdans toute la mesure possible
Le Nicaragua affirme que le Gouvernement des si les activités reprochées aux Etats-Unis et qui re-
Etats-Unis a mis au point la stratégieet dirigéla tac- lèvent seloneux de la légitimedéfense collectivepeu-
tique de la force contra et lui a apportéun appui de vent trouver, comme ilsleprétendent, unejustification
direct dans ses opérationsmilitaires, Auvudes daris certains faits attribuables au Nicaragua.
élémentsd'informationdontelle dispose, la Cour n'est 1. Les Etats-Unis ont fait valoir que le Nicaragua
pas convaincueque l'ensemble des opérationslancées apportait unsoutien actif aux groupes armés opérant
par laforce contraà chaque stade du conflit,obéissait dans certains des pays voisins, surtout au Salvador,
àune stratégieetà destactiques quiauraienttoutes été souis forme en particulier de fournitures d'armes,
élaborées par les Etats-Unis. Elle ne peut donc faire accusationque le Nicaragua s'est attachéàréfuter. La
sienne la thèse du Nicaragua sur ce point. Il paraît Coiirexamineenpremier lieulesactivitésdu Nicaragua
cependantclairqu'un certain nombre d'opérations ont en relation avec El Salvador.
été décidéeset planifiéessi,non par desconseillersdes Ayant examinédivers élémentsde preuve et
Etats-Unis, aumoinsenliaisonétroiteaveceuxet sur la certain nombre concordants dont
base de l'assistance en matièrede renseignement et de beaucoup ont étéfournis par le Nicaragua lui-même et
logistiquequelesEtats-Unisétaienten mesure d'offrir. elle peut raisonnablement inférerla matérialite
Il est égalementétabli, del'avisde la Cour, que l'appui certaine aide arrivant du territoire du Nicara-
.des autorités des Etats-Unis aux activités descontras gua, laCour quele soutienà l~oppositionarmée
a pris diverses formes au fil des années (soutien lo- au Salvador à partir du territoire nicaraguayen a
gistique, fourniture de renseignementssur les mouve- effectivement existéjusqu3aux premiers moisde 1981.
ments des troupes sandinistes, emploi de moyens de En$;uite,les preuves aide militaire venant du
communication perfectionnés, etc.). Rien ne permet Nicaragua ou transitant par son territoire demeurent
toutefois de conclure que les Etats-Unis ont fourni un fort minceset ce malgrélamiseenoruvrepar les Etats-
appui direct sur le terrain, si l'on entend par là une Unis dans la régionde moyens techniques considéra-
interventiondirectedesunitéscombattantesdesEtats- bles de La Cour ne peut conclure pour autant
Unis. à l'inexistence de tout trafic transfrontalier d'armes.
La Cour doit déterminer si, en raison des liens entre Elle se borneà constater que les accusations de trafic
lescontras et leGouvernementdesEtats-Unis, ilserait d'ai-mesne sont pas solidement établieset ne lui ont
juridiquement fondéd'assimilerles contras àunorgane pas permis en tout casde parvenià laconviction qu'un
du Gouvernementdes Etats-Unis ou de les considérer fluxpermanent et d'une certaineampleur ait pu exister
comme agissant au nom de ce gouvernement. La Cour après les tout premiers mois de l'année1981.
estime que les éléments dontelle dispose nesufisent
pas à démontrerla totale dépendancedes contras par A.supposer mêmeque soit établie l'aide militaire à
rapport à l'aide des E~~~~-u~~ u~.e dépendancepar- l'opposition arméeau Salvadoren provenance du ter-
tielle, dont la Cour ne établirle degréexact, ritoire du Nicaragua, il faudrait encore prouver que
peut se déduiredu phénombnede sélectiondes diri- cette aide est imputable aux autorités nicaraguayen-
geants par les Etats-Unis mais aussi d'autres éléments nes" lesquelles concbdent que des armes ont pu tran-
tels quel~organisation, l'équipementde siterpar leurterritoire mais nient quece soit le résultat
la force, la planification des opérations, le choix des d'une politique délibéréede leur part. Eu égardaux
objectifs et le soutien fourni. 11n'est donc circonstances qui caractérisent cette partie de 1'Amé-
pas ,-lairementétablque lesE~~~~-u~ exe~rcent en fait rique centrale, la Cour considère qu'il est malaiséde
sur les co,ztras une autorité telle qu'on con- tenir le Nicaragua Pour automatiquement responsable
sidérer queces derniers agissent en leur nom. IIluisembleplus conformeeàélavraisemblance d'admet-e.
5. ~a cour ayant abouti à la constatation qui pré-
cède,elle estime que les contras demeurent responsa- soit d'une activitlimitée,peut parfaitement se dérou-le
bles de leurs actes, notamment des violations du droit ler àl'insu du gouvernement territorial. En tout cas, la
humanitairequ'ils auraient commises. I'ou~que la reS- cour ne dispose pas d'élémentsuffisants pour pouvoir
ponsabilitéjuridique des Etats-Unis soit engagée, il conclure avec certitude que le Gouvernement du Nica-
devrait êtreétabliqu'ils avaient le contrôle effectif desraglia soit, pour l'une ou l'autre des périodes envi-
0pération~durant lesquelles les violations en question sagCes,responsable des envois d'armes.
se seraierit produites.
2. Les Etats-Unis ont aussi accusé le Nicaragua
6. Le Nicaragua "est plaint de certaines mesures d'êtreresponsable d'attaques militaires transfrontières
Unis et qui constitueraient selon lui une forme d'in- dirig!éescontre le Honduras et le costa Rica. Bien
terventiondans ses affairesintérieures. C'est ainsi que ne soit pas aussi parfaitement informée à ce
l'assistance économique, suspendueenjanvier 1981.a sujet pourrait le désirer, la Cour considère
étésupprimée en avril 1981, que les Etats-Unis ont établique certaines incursions transfrontières
cherché à s'opposer à l'octroi de prêtsau Nicaragua sont,en fait imputables au Nicaragua.
par des institutionsfinancièresinternationales,que les 3. L'arrêt rappelle certains faits survenus aumo-
importations de sucre provenant du Nicaragua ont été ment de la chute du président Somoza car ils ont été
réduites de90% en septembre 1983et qu'un embargo invoquéspar les Etats-Unis pour démontrer que l'ac-
total sur lecommerceavec leNicaragua aété proclamé tuel Gouvernementdu Nicaragua viole certaines assu-
par une ordonnance du Président des Etats-Unis le .rances données par son prédécesseurimmédiat. Il
1"mai 1985. évoqueenparticulierle "plan pour lapaix" adressépar

206la junte gouvernementale de reconstruction riationale pond, pour l'essentiel,à celui qui se retrouve dans le
du Nicaragua, le 12juillet 1979,au secrétairegknéralde droit internationalcoutumier. Elles acceptentpar con-
I'OEA, annonçant notamment la "ferme intention" de séquentune obligation conventionnelle de s'abstenir
la junte "de faire pleinement respecter les droits de "dans leurs relations internationales de recourirà la
l'hornme" dans le pays et d'"organiser les premières nienace ou àl'emploide la force, soit contre l'intégrité
élect.ionslibres dans notre:pays depuis le début dece territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat,
siècle". Les Etats-Unis e:stimentavoir une rasponsa- soit de toute autre manière incompatibleavec les buts
bilitiiparticulière en ce qui concerne le respect de ces des Nations Unies" (Art. 2, par. 4, de la Charte des
engagements. Nations Unies). La Courdoit néanmoinss'assurer qu'il
existe aussi, dans le droit coutumier, une opiniojuris
IX. .- Le droit applicable :le droit international cou- relativeà la valeur obligatoire d'une telle abstention.
tumier (paragraphes 172 à 182) Elle est d'avisque cette opiniojirris existe et qu'elleest
confirmée,entreautres,par l'attitude des Parties etdes
Lii Cour a conclu (point V, infine) qu'elle devait E:tatsà l'égardde certaines résolutions de l'Assem-
appliquer la réserve relative aux traitésmultilatéraux bléegénérale, notammentde la résolution2625(XXV)
qui .figuredans la déclaration des Etats-Unis et que intitulée "Déclaration relativeaux principes du droit
l'exclusion qui en résultstitétait sans préjuclice,soit international touchant les relations amicales et la
d'autres traités,soit des autres sources dedroit men- coopérationentre les Etats conformément à la Charte
tionilées à l'Article 38 LIStatut. Afin de préciserle desNations Unies". Leconsentement à ces résolutions
droit effectivement applicable au différend,elle doit apparaît comme une des formes d'expression d'une
déterminer lesconséquencesqui découlentde l'inap- opiniojuris àl'égarddu principe du non-emploi de la
plicabilitédes conventioiis multilatérales quant à la force, considéré commeun principede droit coutumier
définitiondu contenu du droit international coutumier indépendantdes dispositions, notamment institution-
qui est l'une de sessource:set qui demeure applicable. nelles, auxquelles ilest soumis sur le plan convention-
nel de la Charte.
La Cour, qui s'est déjiibrièvement exprimée à ce
sujetdans laphasejuridictionnelle (C.I.J. Reciïeil1984, Si la règlegénérale d'interdictionde la force est éta-
p. 424 et 425, par. 73), développeses preniières re- blieen droit coutumier, ellecomporte certaines excep-
marques. Elle ne considère pas qu'il soit possiblede tions. Celle que constitue le droit de légitimedéfense
soutenir comme le font les Etats-Unis que toutes les iiidividuelle ou collective est également, selon les
règlescoutumières susceptibles d'être invocluéesont Eltats, établiepar le droit coutumier, ainsi que cela
un contenu exactement identique à celui des règles rlrssort par exemple des termes mêmesde l'Article 51
figurant dans les conventions dont lejeu de 1.aréserve de la Charte des Nations Unies qui se réfèreau "droit
américaine interdit l'applicabilité.Quand bien même naturel" et de ladéclarationfigurant dans larésolution
une norme conventionnelle et une norme coutumière 2625(XXV).Les Parties, qui tiennent l'existence de ce
inté1:essantle présent litige auraient exackment le droit comme établiesur le plan coutumier, admettent
mêmecontenu, la Cour ne:verrait pas pourquoi ledroit toutes deux que la licéitéde la riposte dépend du res-
international coutumier ne conserverait pas une exis- pect des critèresde nécessitéet deproportionnalitédes
tence et une applicabilitk autonomes par ra.pport au mesures prises au nom de la légitimedéfense.
droit international conve:ntionnel. En conséquence, Que la légitimedéfense soitindividuelle ou collec-
rien n'obligera la Cour à n'appliquer que des règles tive, elle ne peut s'exercer qu'à la suite d'une "agres-
cout.umièresdifférentes lies règles conventionnelles sion armée". Il faut entendrepar là selon la Cour non
que la réserveaméricainel'empêched'appliquer. seulement l'action des forces armées régulières à tra-
Répondant àune autre thèse des Etats-Unis, laCour vers une frontière internationale mais encore l'envoi
estirneque lesdivergences entre lecontenu des normes par unEtat debandes arméessurleterritoire d'un autre
coul.umièreset celui des normes conventionnelles ne Etat dès lors que cette opérationest telle, par ses di-
sont.pas telles qu'un arrêtlimité au domained : u droit mensions et ses effets, qu'elle aurait étéqualifiee
coutumier se révélerait insusceptible d'applicationpar dl'agressionarmée si elle avait étéle fait de forces
les I?arties. a.rméesrégulières.La Cour cite comme expression du
droit coutumierà cet égard la définitiode l'agressiori
X. -- La substance du droit applicable (paragra- a.nnexée à la résolution3314(XXIX) de l'Assemblée
phes 183 à 225) générale.
La Cour ne pense pas que la notion d'"agression
1. Introduction - Généralités(paragraphes 183 a.rméeH puisse recouvrir une assistanceà des rebelles
à 186) prenant laforme de fournitured'armements ou d'assis-
tance logistique ou autre. En outre la Cour note qu'en
La Cour doit maintenant identifier les règlesdu droit clroitinternationalcoutumier, qu'ilsoitgénéral oupar-
international coutumier applicables au présent diffé- ticulier au système juridique interaméricain, aucune
rend. Elle doit, à cet effet, rechercher si ilne règle règlene permet la mise en jeu de la légitimedéfense
couitumièreexiste bien damsI'opiniojurisdeisEtats et c:ollectivesans lademande de 1'Etatsejugeant victime
s'assurer qu'elleest confirméepar la pratique. cl'uneagression armée,cette exigencevenant s'ajouter
à.celle que 1'Etat en question ait proclamé lui-même
2. Luprohibition de l'ernploide laforce et le droit qu'il a étéagressé.
de légitime défense (paragraphes 187 ii201)
3. Le principe de non-intervention (paragra-
La Cour constate que les Parties sont d'accord pour phes 202 à 209)
considérerque le principe relatifàl'emploide la force Le principe de non-intervention met en jeu le droit
qui figure dans la Charte des Nations Unies corres- de tout Etat souverain dc conduire ses affaires sansingérenceextérieure.On peut trouver de nombreuses 6. Le droit humanitaire (paragraphes 215 à220)
expressionsd'une opiniojliris des Etats surl'existence
de ce principe. La Cour note que ce principe, affirmé La Cour relève que la pose des mines dans les eaux
dans sa jurisprudence, a étérepris dans bien des dé- d'un Etat étranger sans avertissement ni notification
clarations et des résolutions adoptées par des orga- constitue non seulement un acte illicite mais en outre
nisations ou conférences internationales auxquelles une violation des principes du droit humanitaire qui
participaient les Etats-Unis et le Nicaragua. On peut sont à la base de la convention noVI11de La Haye
considérerqueleurtexte témoignedel'acceptation par de 1907.Cette observation amène la Cour à aborder
lesEtats-Unis et le Nicaragua d'un principe coutumier l'examen du droit international humanitaire applicable
universellement applicable. ail différend.Le Nicaragua n'a pas invoquéexpres-
Sur le contenu du principe en droit coutumier, la seimentles dispositions du droit international huma-
Cour définitles éléments constitutifsqui paraissent nitaire en tant que telles mais s'est plaint d'actes com-
pertinents en l'espèce : l'intervention interdite doit mis sur son territoire qui sembleraient le violer. A cet
porter sur des matièresà propos desquelles le principe égard,ilaaccusédansunede sesconclusionslesEtats-
de souverainetédesEtats permet à chacund'eux de se Unis d'avoir tué,blesséet enlevédescitoyensdu Nica-
décider librement (choix du système politique, éco- ragua. Comme les éléments de preuve dont la Cour
nomique, social et culturel et formulation des relations dispose ne lui permettent pas d'attribuer aux Etats-
extérieures, par exemple). L'intervention est illicite Unis les agissementsdes contras, elle rejette cete con-
lorsqu'à propos de choix qui doivent demeurer libres clusion.
elle utilise des moyens de contrainte, notamment la Reste cependant la question du droit applicable aux
force, soit sous la forme directe (action militaire) soitactes des Etats-Unis en relation avec les activités des
sous une forme indirecte (soutien à des activités sub- contras. Bien que le Nicaragua se soitabstenu de faire
versives à l'intérieur d'un autreEtat). état des quatre conventionsde Genève du 12août 1949
aiixquelles lui-mêmeet les Etats-Unis sont parties, la
Sur la pratiquedes Etats, la Cournote qu'un certain Cour considère que les règles énoncées à l'article 3
nombre d'exemples d'interventions étrangèresdansun communaux quatre conventions qui visent des conflits
Etat au bénéficede forces d'opposition au gouverne- armésne présentantpas un caractère international doi-
ment de celui-ci ont pu êtrerelevésau cours des der- vent s'appliquer. Les Etats-Unis ont l'obligation de
nièresannées.Elle constate finalement que la pratique "respecter" et mêmede "faire respecter" ces conven-
des Etats n'autorise pas à conclure que le droit inter- tionset doncde nepasencouragerdespersonnes ou des
national contemporain prévoit un droit général d'in- groupes prenant part au conflit àagir en violation des
tervention en faveur de l'opposition existant dans un dispositions decet article. Cette obligationdécouledes
autre Etat, ce que les Etats-Unis et le Nicaragua ne principes générauxde base du droit humanitaire dont
soutiennent d'ailleurs pas. les conventions en question ne sont que l'expression
concrète.
4. Contre-mesures collectives prises en réponse à
uncomportement ne constituant pas ulie agres- 7. Le traitéde 1956(paragraphes 221 à 225)
sion armée (paragraphes 210 et 211)
LaCouraconcludans sonarrêtdu26novembre 1984
La Cour examine ensuite si, au cas où un Etat man- qu'elleavaitcompétencepour connaîtredesdemandes
queauprincipe denon-intervention àl'égard d'unautre relatives à l'existence d'un différendentre les Etats-
Etat, ilest licite qu'un troisièmeEtat prenne envers le Unis et le Nicaragua sur l'interprétation oul'applica-
premier des contre-mesures qui constitueraient nor- tion de plusieurs articles du traité d'amitié,de com-
malement une intervention dans ses affaires intérieu- merce et de navigation signé à Managua le 21janvier
res. Il s'agirait d'un droit d'agir analogue au droit de 1956.Elle doitprendrepositionsurle sensdesdiverses
légitimedéfense collective en cas d'agression armée dispositions pertinentes et notamment déterminer la
mais l'acte déclenchantla réaction se situerait à un portéedel'article XXI,paragraphe 1,alinéascet d, par
niveau inférieur de gravité, en deçà de l'agression lequel les Parties se sont réservéla facultéde déroger
armée. La Cour est d'avis que, dans le droit inter- aux autres dispositions.
national actuel, les Etats n'ont aucun droit de riposte
armée"collective" àdes actes ne constituantpas une XI. -L'application du droit aux faits (paragra-
"agression armée". phes 226 à 282)

5. La souveraineté des Etats (paragraphes 212 Ayant exposélesfaitsdelacause et lesrèglesdu droit
à 214) internationalque ces faits paraissent mettre enjeu, la
Courdoitmaintenantapprécierlesditsfaits à lalumière
Passant au principe du respect de la souverainetédes des règlesjuridiques applicables et déterminer si cer-
Etats, la Cour rappelleque le concept de souveraineté tainescirconstances pourraientexclureleuréventuelle
s'applique aux eaux intérieures età la mer territoriale illicéité.
de tout Etat ainsi qu'à l'espace aérien situé au-dessus
de son territoire. Il en est ainsi aussi bien d'après le 1. La prohibition de l'emploi de laforce et le droit
droitinternationalcoutumierqued'après ledroitinter- de légitime défense (paragraphes 227 à 238)
national conventionnel. Elle note quela pose de mines
attente nécessairement àla souverainetéde 1'Etatcô- Apprécianttoutd'abord lesfaitssous l'angleduprin-
cipe du non-emploi de la force, elle considère que la
tier et que, si le droit d'accès aux ports est entravé par
des mines mouilléespar un autre Etat, il est porté pose de mines au début de 1984et certaines attaques
atteinteà la liberté des communications et du com- contre lesports, lesinstallationspétrolières et unebase
merce maritime. navale au Nicaragua, imputables aux Etats-Unis,constituent des manquemlents à ce principe,à moins ser le gouvernement d'un autre Etat, cela tquivaut à
qu'ellesne soientjustifiéespar descirconstances quien intervenir dans ses affaires intérieures, quel que soit
excluent l'illicéit. lle co,nsidèreaussi que las Etats- l'objectif politiquede 1'Etatqui fournitce soutien. Elle
Unis ont primafacie commis une violation de ce prin- conclut en conséquence que l'appui fourni par les
cipeenarmant et enentraînant les contras, àmoinsque Etats-Unisauxactivités militaireset paramilitairesdes
ce comportement nepuisse:sejustifierparl'exercice du contras au Nicaragua sous forme de soutienfinancier,
droit de légitimedéfense. d'entraînement, de fournitures d'armes, de renseigne-
ments et de moyens logistiques constitue une violation
En revanche elle ne considère pas que des manŒu- indubitable duprincipede non-intervention.En revan-
vres effectuées aux frontières du Nicaragua. par les clle une aide humanitaire ne saurait êtreconsidérée
Etats-Unis et le simple envoi de fonds aux contras comme une intervention illicite. Le Congrèsdes Etats-
reprksentent un emploi de la force. Unis a dtcidé qu'à compter du 1" octobre 1984des
La.Courdoitdéterminersilesactes qu'elletientpour créditsne seraient ouverts que pour une "assistance
des manquements au principepeuvent trouver unejus- hiumanitaire" aux contras. La Cour rappelle que, pour
tifica.tiondansl'exercice di1droitcoutumier delégitime ni:pas avoir lecaractère d'une interventioncondamna-
défensecollective et pour celaétablirsilescirconstan- bliedans les affaires intérieures d'un autre Etat, une
ces nécessaires àl'exercice de ce droit sontréunies. A "assistance humanitaire" doit selimiterauxfinsrecon-
cet effet, elle devrait en premier lieu constater que le nues par la pratique de la Croix-Rouge et, surtout,être
Nicaragua s'est livréà un<:agression armte contre El pirodigute sans discrimination.
Salvador, le Honduras et le Costa Rica car swle une
telle,agressionpourraitjustifier l'invocationdecedroit. En ce qui concernelaformed'intervention indirecte
S'agissant d'El Salvador, la Cour estime qu'en droit que constituerait selon le Nicaragua l'adoption de cer-
coutiimierlafourniture d'armes àl'opposition dans un tainesmesures decaractèretconomique àsonencontre
autre:Etat,à la supposer établie, ne saurait constituer piu les Etats-Unis, la Cour dit ne pas pouvoir, en l'es-
uneagressionarméecontre:celui-ci. En ce quiconcerne pkce, considérerces mesures comme des violations du
le Honduras et leCostaRica, laCour indiqueque, faute pirincipecoutumier de non-intervention.
d'infi~rmationssuffisantessurlesincursionstransfron-
tière:à l'intérieur du territoirede cesdeux Etats effec- 3. Contre-mesures collectives prises en réponse à
tuées à partir du Nicaragua, elle peut difficilement les uncomportement ne constituantpas uneagres-
consiidérer,soit ensemble soit isolément,comme une sion armée (paragraphes 246 à249)
agression armée du Nicaragua. Elle conclut dioncque Ayant établi qu'une intervention dans les affaires
lesfclurnituresd'armes etlesincursionsdont ils'agitne inittrieures d'un autre Etat ne légitimeraitpas des con-
peuvent servir dejustificaition l'exercice du droit de tre-mesurescollectives impliquant l'usage de la force,
légitimedéfense collective. la.Courconsidèrequelesfaitsreprochés au Nicaragua,
à supposer qu'ils aient étéétablis et qu'ils lui soient
En second lieu, pour apprécier si les Etats-Unis imputables, ne sauraientjustifier des contre-mesures
étaientjustifiéà exercercette légitimedéfense,laCour pirisespar un Etattiers, lesEtats-Unis, et en particulier
est fondée à se demander siles conditionspropres àla une intervention comportant l'usage de la force.
mise en Œuvrede la légitimedéfensecollectiveétaient
bien réunies en l'espèce, et recherche doncsi lesEtats 4. La Souveraineté des Etats (paragraphes 250
en question croyaient êtrevictimes d'une a.gression à 253)
armé:ede la part du Nicaragua et avaient fail:appel à
l'aide des Etats-Unis dans l'exercice de la 1tg:itimedé- La Cour relève que les mesures d'assistance aux
fense collective. La Cour n'a pas la preuve que le contras, les attaques directes contre les ports, les
comportement de ces Etats ait correspondu. à cette inistallationspétrolières,etc., les opérationsdeminage
situation. deportsnicaraguayens et lesactes d'intervention impli-
Evaluant enfin les activités des Etats-Unis par rap- quant l'emploide laforce visésdans l'arrêt,qui enfrei-
port aux critères de nécessiteet de proportionnalité,la gnent déjàle principe du non-recoursà la force enfrei-
Courestime ne pas pouvoir considtrer qu'elles ont été gnent aussi le principe du respect de la souveraineté
entreprises sous l'empire de la nécessité ouqu'elles te:rritoriale. Ce dernier principe est directement violé
rtpondent toutes au critère de proportionnalité. piules survolsnon autorisésduterritoire duNicaragua.
L'exercice du droit de légitimedéfense collective Des faits semblables ne peuvent êtrejustifiés par des
avancéparlesEtats-Unis n'étantpasjustifié,ils'ensuit activités attribuéesau Nicaragua qui se dérouleraient
que liesEtats-Unis ont violéle principe interdisant de ail Salvador. Ces activités, pour autant qu'elles aient
recourir àla menace ou à l'emploide laforceen raison bien eu lieu, ne créent aucun droit au bénéficedes
des actes indiques au premier alinta de la prtsente Etats-Unis. Les faits en cause constituent donc bien
section. des violations de la souverainetédu Nicaragua selon
le droit international coutumier. La Cour conclut en
2. Le principe de non-intervention (paragra- outre, dans le contexte de la présente instance, que la
phes 239 à 245) pose de mines dans les ports du Nicaragua ou à proxi-
mitéconstitue, au détrimentdu Nicaragua, uneatteinte
LELCour tient pour clairement ttabli que le Gou- àla libertt des communications et du commerce mari-
vernement des Etats-Unis par son soutien aux contras time.
entendait exercer une pression sur le Nicaragua dans
des domaines oùchaque Etatjouit d'une entièreliberté 5. Le droit humanitaire (paragraphes 254 à 256)
de decision et que le dessein des contras eu:(-mêmes
ttait de renverser le gouvernement actuel au Nica- La Cour a juge les Etats-Unis responsables de
ragua. Or elle considère que, si un Etat apporte son n'lavoirpas émisde mise en garde à l'occasion du mi-
appui à des bandes arméesdont l'actiontend iirenver- nage des ports nicaraguayens. Elle a estimé que, d'après lesprincipes générauxdu sent l'esprit mêmede l'accord. Ce sont le minage des
droit humanitaire, ils avaient l'obligation de ne pas ports nicaraguayens, les attaques directes contre les
encouragerdes personnes ou des groupesprenant part ports, les installationsétroli6res. etc., et l'embargo
au conflità violer l'article 3 commun aux quatre con- commercial.
ventions de Genèvedu 12août 1949.Or le manuel sur L,aCour accepte en outre la th6se selon laquelle le
les "Opérations psychologiques dans la lutte de gué- miriagedesports est encontradiction manifeste avec la
rilla", de la publication et de la diffusion duquel les 1ibe:rtde navigation et de commercegarantie à l'arti-
Etats-Unis sont responsables, conseille précisément cle XIX du traité. Elle conclut aussi que l'embargo
certains actes qui ne peuvent êtreque contraires à cet conlmercialdécrété le 1"mai 1985constitue une mesure
article. con.traireàcet article.

6. Autres justifications invoquéespour les actes L,aCour juge donc que les Etats-Unis ont enfreint
des Etats-Unis (paragraphes 257 à 269) primafacie l'obligationdenepaspriver letraitéde 1956
de sionbutet de sonobjet (pactasuntservanda)e. qu-ils
Les Etats-Unis établissent un lien entre leur soutien ont commis des actes-encontradiction avec les termes
aux contras et le fait que le Gouvernement du Nica- de ce traité. La Cour doit cependant se demander si
ragua aurait manqué à certains engagements solennels les exceptions de l'article XXI concernant les "mesu-
pris envers le peuple nicaraguayen, les Etats-Unis et res nécessaires à la protection des intérêtsvitaux"
I'OEA. La Cour recherche s'il existe dans le compor- d'une partie "en ce qui concerne sa sécurité"peuvent
tement du Nicaragua un élémentautorisantendroitles êtrei:nvoquées pour justifier les actes incriminés.La
Etats-Unis à prendredescontre-mesures enriposteaux Cotir, après examen des éléments d'appréciation dis-
manquements ainsi allégués.Se référantau "plan de ponibles, notamment la conclusion du président Rea-
paix" de lajunte du gouvernement de reconstruction gan du lCrmai 1985,considère que le minagedes ports
nationale (12juillet 1979)elle ne trouve rien dans les' nicaraguayens, les attaques directes contre les ports,
documents et communications transmettant ce plan qui les installationspétrolières, etc., et l'embargo général
permette de conclure à l'intention de faire naître un sur le commerce imposéle 1"mai 1985ne sauraienten
engagementjuridique. La Cour ne sauraitconcevoirla aucun cas êtrejustifiéspar la nécessitéde protéger les
création d'unerèglenouvelle autorisant l'intervention intérêtsvitaux de sécurité des Etats-Unis.
d'unEtat contre Ünautre Etat pour le motifque celui-ci
aurait opté pour une idéologie,un système politique XII. - La demande en réparation(paragraphes 283
particulier ou une politique extérieure déterminéeA. u à 285)
reste 1'Etat défendeur n'a nullement fait valoir un
moyen de droit tiré d'un prétenduprincipe nouveau L.aCour est priéede dire et juger qu'une indemnité
d" 'intervention idéologique". est due auNicaragua,son mandat exactdevant êtrefixé
plus tard, et illuiest demandéd'accorder d'ores et déjà
S'agissant plus particulièrement des violations des la sommede 370,2millionsdedollarsdesEtats-Unis au
droits de l'homme invoquées par les Etats-Unis, la Nicaragua. Après s'être assurée qu'elleb aien la com-
Cour considère que l'emploi de la force par les Etats- pétence nécessaire pour accorder réparation,la Cour
Unis ne saurait êtrelaméthodeappropriéepour assurer juge appropriéelarequêtenicaraguayenne tendant à ce
le respect de ces droits, qui est normalement prévue que la nature et le montant de la réparationqui lui est
danslesinstrumentsapplicablesdansce domaine. Pour due soient déterminés dansune phase ultérieurede la
ce qui est de la militarisation du Nicaragua invoquée procédure.Ellejuge en outre que rien dans le Statut ne
aussi par les Etats-Unis pourjustifier leurs activitéà l'autorise expressément ni ne lui interdit d'adopter la
son égard,la Cour fait observer qu'il n'existe pas en décisionprovisionnelle qui luiest demandée.Dansune
droit international de règles imposant la limitation du affaire où une Partie ne comparaît pas, la Cour doit
niveaud'armement d'unEtat souverain, saufcelles que s'abstenir de tout acte superflu qui puisse risquer de
1'Etatintéressé peut accepter par traitéou autrement, faire obstacleà un règlement négociéL . a Cour con-
et ce principe est valable pour tous les Etats sans dis- sidkre donc qu'elle peut accéder à ce stade à cette
tinction. requêtedu Nicaragua.

7. Le traitéde 1956(paragraphes 270 à 282) XII[. - Les mesures conservatoires(paragraphes 286
à289)
La Cour aborde les demandes du Nicaragua qui re-
posent surletraitéd'amitié,de commerce et de naviga- Après avoir rappelé certains passages de son ordon-
tion de 1956et parlesquelles ilreproche aux Etats-Unis nancedu 10mai 1984,la Cour conclut qu'il incombe à
d'avoir privéce traitéde son objet et de son but et de chaquePartiede ne pasfonder sa conduite uniquement
l'avoir vidéde sa substance même.La Cour ne saurait sur ce qu'elle croit êtreses droits. Il en va particu-
toutefois accueillir ces griefs que si le comportement li6rement ainsi dans une situation de conflit arméoù
incriminéne consiste pas en "mesures nécessaires àla aucune réparation ne peut effacer les conséquences
protection des intérêtsvitaux des Etats-Unis en ce qui d'un comportementque la Courjugerait avoir étécon-
concerne la sécurité" puisque l'article XXI du traité traire au droit international.
stipuleque le traiténe fera pas obstacleà l'application
de telles mesures. XIV. - Le règlement paciJigue des différends.Le
processus de Contadora (paragraphes 290
Quant à savoir quelles activités des Etats-Unis
eussent étéde nature à priver le traitéde son but et de et 291)
son objet, la Cour fait une distinction. Elle ne saurait
considérer que tous les actes incriminésavaient un tel En la présente affaire la Cour a déjà pris acte des
effet mais n'en estimepas moins quecertains contredi- négociationsde Contadora et du fait qu'elles ont étéappuyées par le Conseil de sécurité etl'Assemblée cette considérationpèse de tout le poids qui s'attache
généraledes NationsUnies ainsi que par le Nicaragua ail droit dans une affairejudiciaire.
et les Etats-Unis. Elle tieàtrappeler aux deux parties
à la présente instancela nécessitéde coopéreravecles La décisionde la Cour est le résultat d'un travail
effortsentrepris pour rechmercherune paix définitiveet collégial.C'est le résultat auquel sont parvenus non
durable en Amériquecentrale, conformément au prin- mioinsdequinzejuges,après delonguesdélibérations et
cipe de droit international coutumier qui prescrit le unéchangedevues complet.Seconformant au Statut et
règlement pacifique des différendsinternationaux et ailRèglementdelaCour,ces juges ontétudiélesthèses
queconsacre aussi l'Article33de laChartedes Nations des Parties et tous leurs moyens de preuve. Dans la
Unies. pi-ésenteaffaire, comme dans toutes les autres, grand
soin a étépris d'observer strictement les règles de
pi-océdureprescrites, et la décisiona étéacquise àune
Aperçu des opinionsjointes nette majorité.Quiplusest, lecaractèreobligatoireque
à l'arrêtde la Cour revêtl'arrêtconformémentau Statut (Art. 59)prend un
citractèresacro-saint àla lumièred'une disposition de
Opiniorzindividuelle de M. Nagendra Singh,président la Charte des Nations Unies (Art. 94) :tous les Mem-
bres des Nations Unies ont contractél'obligationde se
dispositif,contient un sous-paragraphe 16que 'laCoura conformer aux décisions de la Cour qui s'adressent à
adopté à l'unanimité etoil elle enjoint aux Parties de eux et de respecter ses arrêts.
rechizrcher une solution pacifique de leurs d:ifférends Opinion individuellede M. Lachs, juge
confi~rmémena tu droit intizrnational.Ce sous-paragra-
phe repose en fait sur le respect dû à deux principes Dans son opinion individuelle, M. Lachs commence
fondamentaux :celuidunon-emploidelaforce:dansles par mettrel'accent surlesconditionsque pose le Statut
relations entre les Etats et celui de la non-intervention eiice quiconcernelesméritespersonnelset ladiversitt
dans les affaires des Etats. Telle est, de l'avis du Pré- d',originedes membres de la Cour puis ils'élève contre
siderit,l'essence decet arrêt,que la Cour a reiidu avec tout propos calomnieux porté sur leur indépendance.
le désirtrèssincèrede servir au mieuxlesintérêtsde la Pour ce qui est du fond de l'arrêt,il aurait souhaité
corninunautéinternationale. qiuela Courprêteplus d'attention à l'assistance étran-
gkre fournie aux forces d'opposition au Salvador. Il
Erifait, le principecapital du non-emploi de:la force ailrait aussi préféré qu'elleutilise dans certains pas-
dans les relations interna1:ionalesest au centre de la sages des formulationsdifférentes.
doctrineconsacréeparle temps quis'est développée au
cours dece siècle, en particulieraprès lesdeux guerres M. Lachs revient sur quelques aspects de la com-
montliales. Les dispositioris de la Charteainsique cel- plotence.Selon lui, on n'a pas accordé précédemment
les du système interaméricainont non seulement pré- assez de poids au fait que quarante années se sont
cisé cettenotion mais 1'on.trenforcéeau point qu'elle tcoulées avant que la validitéde l'acceptation de la
est valable en soi quand bien mêmela Charte et les jciridiction de la Cour par le Nicaragua soit publi-
traités interaméricainsontété jugés inapplicatilesen la quement contestte. L'Organisation des Nations Unies
présente espèce.Il ya une explication tvidente à cela : ailrait dû prendre des mesures lorsque cette validitéa
l'élément coutumierdu débuta suivile dévelol-pement 6f.émiseendouteversle milieudes années50,enprivé,
du droit conventionnel; il est devenu et restera une à l'occasion d'une affaire: le Nicaragua aurait dû être
noticln moderne de droit international, qui peut être irivittàs'acquitter de toutes formalitésrequises et, au
coutumièrepar ses origines ou consacrer un des prin- cils où il ne l'aurait pas fait, son nom aurait étérayé
cipes générauxde droit "rc:connus par lesnations civi- de la liste des Etats soumisà lajuridiction obligatoire
lisées". Ceque la Cour a fait en plus a étt tie souli- dl: la Cour. L'Organisation des Nations Unies n'ayant
gner que le principe du noix-emploide la force relevait pirisaucunemesure, ilest lkgitimede considérerqu'un
du jus cogens et qu'il étaitdonc au cŒur des efforts acquiescement prolongésur une aussi longue période
déployésparl'humanitépour promouvoir la paix dans remédieau vice. La compétencede la Cour sur la base
un monde déchirépar lesguerres.La forceengendre la di1traité d'amitié,de commerce et de navigation de
force:et exacerbe les conflits; elle envenime les rela- 1956ne fait aucun doute.
tionset metenvérillasolutionvacifiquedesdifférends.
L'importante doctrine tle la non-intervention dans M. Lachs traite égalementde la question de lajus-
les affaires des Etats est tout aussi essentiellepour la ticiabilitéde l'affaire,et plus précisémentdelarelation
paix et le progrès de l'humanitépuisqu'elle est indis- étroiteexistant entre les differends d'ordrejuridique et
pensable aubien-êtredelacommunautéinternationale. les différendsd'ordre politique, à l'instar de celle qui
Le principe de la non-intei-ventiondoit êtreconsidtré existe entre le droit et la politique. Le droit interna-
comme une règlede droit absolue et sacrte. tional contemporain couvre de si vastes aspects des
LesEtats doiventobserver ces deuxprincipes, celui relations internationalesque seul un trèspetit nombre
du non-emploi de la force et celui de la non-interven- de domaines - par exemple, le problème du dtsar-
tion, afin de servir au mieux la paix et l'ordre public mement, ou d'autres domaines exclus expressément
dans la communautt interiiationale.C'est àjiiste titre piu les Etats- ne sont pasjusticiables. M. Lachs cite
que :laCour les a considtiréstous deux conime des comme exemple l'affaire relative au Personnel diplo-
principes du droit international coutumier, consacrés matique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran.
cepeindantpar le droit conventionnel, mais applicables Au sujet du refus de la Courd'entendre El Salvador
en l'espèce en tant qu'expression du droit coiltumier, ailstade delacompttence, M.Lachsditen êtrearrivé à
telsqu'ils ont étrevigoréspar le consentementexprès le considérer commeune erreurjudiciaire, dont ilfau-
des Elats, enparticulier celuiqu'ont exprimelesParties drait toutefois se garder de tirer des conclusions exa-
au prtsent différend.Il est vraiment indispensable que gértes. M. Lachs pense que c'est dans le cadre du plan de de droit par la Cour. Il relève aussi dans quelques
Contadora, et en coopération avec tous les Etats de la passages de l'arrêtun certain défaut d'argumentation
région,que lesPartiesdevraient réglerlevaste litigequi juridique à l'appui des positions prises quant à l'im-
les oppose. Comme cette régionest déchirée par des putabilitédecertainsfaits à1'Etatdéfendeurentant que
conflits et souffre du sous-développementdepuis long- faits générateurs d'une responsabilité internationale,
temps, ilfaut partir sur des bases nouvelles et prendre question à propos de laquelle il aurait souhaité une
équitablement en considération les intérêts detous, coafirmation plus explicite de lajurisprudence précé-
dans un esprit de bon voisinage. deate de la Cour.
Opinion individuelle de M. Ruda, juge Opinion individuelle de M. Sette-Carnarn,juge
L'opinion individuelle de M. Ruda. se rapporte à M. Sette-Camaraapprouveentièrementl'arrêtcar il
quatre sujets. En premier lieuM. Rudan'accepte pas la est convaincu que "le non-emploide laforce, ainsi que
réserve faite par les Etats-Unis d'Amériquedans la le principe de non-intervention - ce dernier étantle
lettre endate du 18janvier 1985"àpropos detoutesuite corollaire del'égalitédesEtats et dudroitàl'autodéter-
que la Cour déciderait de donner aux demandes du mination - non seulement sont des principes cardi-
Nicaragua". Pour M. Ruda, conformément à 1'Arti- naux du droitinternationalcoutumier maisencore peu-
cle94,paragraphe 1,de la Chartedel'organisation des veat être considérécsomme des règlesimpérativesdu
Nations Unies, les Etats Membres de l'organisation droit internationalcoutumier qui imposent des obliga-
ont solennellementaccepté l'obligation de se confor- tiorisà tous les Etats". Son opinion individuelle ne
mer,aux décisionsde la Cour. porte que sur le sous-paragraphe 1 du dispositif de
l'arrêt, sous-paragraphe contre lequel il a voté.
La deuxième partie de l'opinion se réfère à l'amen- M. Sette-Camara soutient que la réserve relative aux
dement Vandenberg. M. Ruda a voté contre l'applica- traités multilatéraux, dont est assortie la déclaration
tion de l'amendement pour les raisons exposées dans d'acceptation de lajuridiction de la Courfaiteen 1946
l'opinion individuelle qu'ilavait présentée en1984. par les Etats-Unis conformément à l'Article 36, para-
Dans latroisièmepartie, M.Rudatraitede lalégitime graphe 2, du Statut, ne peut pas être appliquée enla
défense.Ilexpliquequ'ilarrive aux mêmesconclusions présente affaire, puisqu'aucune des décisions prises
que la Cour mais pense qu'iln'est pas nécessaired'en- dans le dispositif de l'arrêtne peut en rien "affecter"
trer danstous les détailsde fait parce queper se l'assis- des Etats tiers. et en particulier El Salvador. Le dif-
tanceauxrebellesn'est pas une excusepour lalégitime férendopposeleNicaragua et lesEtats-Unis,et laforce
défense dupoint de vue juridique. obligatoire de la décisionde la Cour ne s'impose qu'à
La quatrième partie est consacréeaux raisons pour cesdeux Parties. M.Sette-Camarareconnaît àtout Etat
lesquelles, bien qu'ayant voté en 1984contre le traité quiprésenteune déclarationd'acceptationde lajuridic-
d'amitié,de commerce et de navigation comme fon- tiori de la Cour le droit d'assortir sa déclaration des
dement de lajuridiction de la Cour, M. Ruda se croit réservesqu'il juge nécessaires. Mais il affirme que la
obligéde voter sur les questions de fond soumises à la Cour peut, et mêmequ'elle doit, interpréter ces réser-
Cour à ce sujet. ves. Il regrette que l'application par la Cour de la
réserve relative aux traités multilatéraux l'ait empê-
Opinion individuelle de M. Elias, juge chée de fonder l'arrêt sur les dispositionsde la Charte
M. Eliasconsidère que, vu l'arrêtrendu par la Cour desNations Unies et de la charte de l'organisation des
dans la phase juridictionnelle, la réserve relative aux Eta.tsaméricainset qu'elle l'ait contrainàene recourir
traitésmultilatérauxdont est assortie ladéclarationdes qu'aux principesdu droitinternationalcoutumieret au
Etats-Unis acceptant lajuridiction de la Couren vertu traitébilatérald'amitié,de commerceet de navigation
de la clause facultative était mise de côtéet perdait de 1956. Il est d'avis que le droit appliquédans l'arrêt
toute pertinence àmoins qu'El Salvador, le Honduras aurait étéplusclairetplusprécissilaCouravaitcitédes
et le Costa Rica n'interviennent dans la phase concer- dispositionsspécifiquesdesconventions multilatérales
nant le fond et la réparation. Le fait que la Cour ait pertinentes.
donnésuite àcette réserveest par conséquenterronéet Opinion individuelle de M. Ni, juge
équivaut à invoquer le pouvoir de réviserla décision
relativeà la compétence et à la recevabilitéau nom C:equi préoccupe surtoutM. Ni, comme ill'explique
d'Etats qui ne sont pas partiesà l'affaire. darissonopinion individuelle,c'est la "réserve relative
Opinion individuelle de M. Ago, juge auxtraitésmultilatéraux" invoquéepar lesEtats-Unis.
A son avis, admettre l'application de cette réserve a
Toutensouscrivant àl'arrêt danssonensemble,et en pour conséquence : 1)que la Cour ne peut exercer sa
approuvant en particulier la position prise par la Cour juridiction dans la mesure où les griefs du Nicaragua
en ce qui concerne la réserve des Etats-Unis relative soat fondéssurlestraitésmultilatérauxen question; et
aux traités multilatéraux,M. Ago éprouve des hésita- 2) que si la Cour reste saisie de l'affaire sur d'autres
tions sur certains points. Il lui semble par exempleque bases et doit se prononcer sur le fond, l'application de
la Cour a conclu un peu trop facilement à la quasi- ces traitésmultilatérauxest écartée. Or,en l'espèce,
identitéde contenu du droit internationalcoutumieret tout en invoquant la réserve relative aux traitésmul-
du droit consignédans certains grands traités multi- tilatérauxpour contester la compétencede la Cour, les
latérauxdecaractère universel, et qu'ellea attribuéun Etats-Unis ont soutenu de façon persistante que les
peu trop facilement à l'adoption de certains principes traités multilatéraux, lesquels sont la base mêmede
dansdesrésolutionsde l'ONU ou de I'OEAune valeur leur réserve, doivent seuls êtreappliquésà l'affaireen
probante quant à l'existence de principes semblables litige. Cela revient en faitierleur propre réserve et.
dans l'opinio jitris des membres de la communauté comptetenu de toutes les circonstances pertinentes, il
internationale. M. Ago estime devoir appeler l'atten- aurait falluy voir une renonciationàla réserve relative
tion sur certains aspects, selon lui partiellement con- aux traités multilatéraux. Dansces conditions, M. Ni
tradictoires,dansl'appréciationdelasituation defaitet n'a pas pu s'associer à la majoritéde la Cour dans lamesure où il a estimé que les règlesfigurant dans les en exerçant, tant directement que par le biais de leur
traitésmultilatérauxainsi que celles du droit interna- soutien aux contras, des pressionsarmées sur le Nica-
tional coutumier auraient!,le cas échéant,dû gtre appli- ragua,l'appuidurablequecepaysaapportéauparavant
quées à l'affaire. iil'insurrection armée au Salvador équivalant à une
;igression armée contreEl Salvador, et les Etats-Unis
Opiniondissidente de M. Oda,juge pouvant dès lors riposter contre cette agressionarmée
Ni. Oda approuve la Clourd'avoir reconnu l'appli- dans l'exercice de la légitimedéfensecollectiveau pro-
cabilitéde la clause relative aux traités multilatéraux lit d'El Salvador.
figurant dans la déclarationparlaquelle lesE.tats-Unis
ont accepté en 1946la compétencede la Coiir, mais il M. Schwebelestime que, depuis 1979,leNicaragua a
estime qu'ayant ainsi jugé que le différendrésultait iipportéde manière constante aux insurgés d'El Sal-
d'un traitémultilatéral ellen'aurait pas dû continuerà vador une aide étendue et essentielle pour eux. Les
connaître de la requête(lu Nicaragua sur 1;ibase de iictesdélictueuxdu Nicaragua ne se sont paslimitésà la
cette déclaration.La Cour a eu tort d'interpréter cette fourniture aux rebelles salvadoriens de grandes quan-
clauise qui excluait le dif'férendcomme se bornant à tités d'armes, de munitions et autres approvisionne-
énoncerdes restrictions quant aux sources de:droitsur inents,ce quien soipourraitéventuellementnepas être
lesquelles elle pouvait se fonder. considéré commeéquivalant à une agressionarmée.Le
NI. Oda estime en outre que, dans la mesiire où les IVicaraguaa en outre participéaux côtés des rebelles
derriandesduNicaragua présupposaientla co:mpétence :raivadoriensàl'organisationetà lapréparationdeleurs
de la Cour en vertu des déclarations faites c.onformé- actes d'insurrection ainsi qu'à leur entraînement; il a
merit à l'Article 36, paragraphe 2, du Statut, qui vise inisà leurdisppositiondes moyens de commandement
"les différends d'ordrejiiridique", elle aurait dû dire et decontrôle,desbases et des moyens detransmission
que ces demandesn'étaientpasjusticiables, puisquele et leur a offert un refuge, permettant ainsi aux diri-
diffkrend n'était pas "d'ordrejuridique" selon la let- geantsde larébellionsalvadorienned'opérer à partir du
tre et l'esprit de cette disposition ou que,mêmes'il territoire nicaraguayen. Aux yeuxdeM. Schwebel, une
étaitd'ordrejuridique, c'eitaitun différenddont laCour iissistance de cette ampleur équivaut en droit à une
n'était pas fondée à connaître; en tant que différend ;igression armée. Non seulement El Salvador est en
d'ordre politique, ilseprêtaitmieux àun règlementpar tlroit de se défendrelui-mêmecontre cette agression
d'autres organes et d'autres procédures. De plus, les arméemaisilademandéaux Etats-Unis de l'aider dans
faits que la Coura pu étatdirpar l'examen des moyens le cadre de la légitimedéfense collective. Les Etats-
depreuveenl'absence dudéfendeurontété bien loinde Unis étaient fondés à aider El Salvador en prenant
ce qu'il aurait fallu établir pour se faire une image ouvertement ou secrètementdesmesures.Cesmesures
comiplètede la situation. pouvaient êtremises en Œuvre non seulement au Sal-
vador mais aussi contre le Nicaragua, sur son propre
Enconséquence,M. Oda estimeque, dans lamesure t.emtoire.
où la Cour pouvait valablementconnaître de l'affaire, Pour M. Schwebel, la conclusion de la Cour selon
c'était surla base de l'Article36,paragraphe 1,du Sta- laquelleleNicaragua n'est pas "responsable desenvois
tut, où les termes "tous les cas spécialemeiltprévus (l'armes" aux insurgés salvadoriens n'est étayée par
dans ...les traités.. en vigueur " ne seprêtaientpasà aucune considération "judiciaire ou judicieuse". La
une contestation concernant la nature "juridique" du Cour a "exclu ou écartédes éléments de preuve irré-
diffrirend. La Cour pouvzritdonc légitimementexami- futables, ou elle s'est dispenste de les étudier alors
ner la question des violiitions des clauses du traité qu'ilsétablissentl'existence d'une interventionimpor-
d'amitié,de commerceet de navigation de 1956.Selon 1:anteet continue du Nicaragua dans l'insurrection sal-
M. Oda, le minage des ports nicaraguayensconstituait vadorienne". L'intervention du Nicaragua au Salva-
une telle violation, et les Etats-Unis en portent la res- tlor au profit des insurgés salvadoriens est, selon
ponsabilité. ]M.Schwebel,reconnue par le Présidentdu Nicaragua,
Mi.Oda tient à souligner que, s'il a voté contre de certifiéepar le principal témoindu Nicaragua en l'af-
nombreux points du dispositif de l'arrêt, celane doit faire et confirméepar d'abondantes corroborations.
pas être interprétcommevoulant dire qu'ilest opposé
aux règlesde droit relativesà l'emploide la force ouà M. Schwebel conclut que, même sil'on considère
l'intervention, que les Et.ats-Unis ont tté accusés de que les activitésde soutien du Nicaragua à l'insurrec-
violer :sonvote est simplementla cons6quenc:elogique tion salvadorienne n'équivalentpas à une agression
de ses convictionssur la cluestionde la compiltence en armée - contrairement à ce qu'il pense - ces acti-
vertu de l'Article 36, paragraphe 2, du Statut. vités n'en constituent pas moins, indéniablement,une
En conclusion, M. Oda.regrette que la Cour se soit intervention illicite. Il est "assez étonnant" cependant
hâté:e,sans nécessité,de se prononcer sur la question que la Cour, tout en tenant lesEtats-Unispourrespon-
de la légitimedéfense collectivedans le prernier arrêt sables d'une intervention au Nicaragua, n'ait pas re-
qu'elle ait euà rendre en la matière. connu que le Nicaragua était intervenu auparavant de
façon continue au Salvador.
Opi,rziondissidente de M. Schwebel,juge Pour que les mesures prises par les Etats-Unis au
NI. Schwebel se dissocie de l'arrêt dela Cour pour titre de lalégitimedéfensecollectivesoientlicites, elles
des motifs touchant aux fiiitset au droit. IIsuitla Cour devaient rtpondre aux critères de nécessitéet de pro-
dans certaines des conclusions qu'elle énonce contre portionnalité.De l'avis de M. Schwebel, ilest douteux
les Etats-Unis, quand elle leurreproche de n'avoir pas que la question de la nécessité soitjusticiableen l'es-
signalél'existence et l'erriplacementdes minlssposées pècecarlesfaitssont trèsincertains; ilsdépendentdela
par eux et d'avoir laissépublier un manuelpr~bconisant question de savoir si des mesures ne comportant pas
des actes contraires au droit de la guerre. Miiisil con- l'emploi de la force peuvent permettre de mettre finà
clutqu'au fond lesEtats-Unis ont agid'une fa.çonlicite l'intervention du Nicaragua au Salvador. Mais on peutraisonnablementsoutenirque lefaitque "le Nicaragua n'était, en produisant devant la Cour de faux témoi-
a continué àne pas mettre finà la subversionarméedu gnagesdans lesoucidélibéré dedissimulerla vérité.En
Salvador" prouve la nécessitéde ces mesures. conséquence, sous ces deux aspects, le Nicaragua ne
s'est pas présenté devantla Cour avec les mains pro-
M. Schwebel affirme que "les actes des Etats-Unis pres. Un arrêtensa faveur ne sejustifie donc pas et ne
sontremarquablementproportionnés. Demême queles serait mêmepas justifié s'il fallaitconclure - ce qui
rebelles salvadoriens, forts de l'appui essentiel du Ni- n'estpasle cas - quelesmesures de ripostedesEtats-
caragua, conduisent une rébellion au Salvador, les Unis étaient inutiles ou disproportionnées".
Etats-Unis, agissant au titre de la légitimedéfensecol- . .
lective, appuient les rebelles qui conduisent une rébel- Opiniondissidente de sir Robert Jennings,juge
sansdistinctiond'importants objectifséconomiques aut Sir Robert Jennings est d'accord avec la Cour pour
Salvador; les Etats-Unis attaquent sélectivement des considérer que la réserve des Etats-Unis relative aux
objectifs d'importance militaire" au Nicaragua. triiitésmultilatérauxest valableet doitêtrerespectée.11
dit ne pas pouvoir souscrire à la décisionde la Cour
M. ~chwebel soutient qu'en droit internationalcon- selon laquelle elle peut malgrécela exercer sa juridic-
temporain 1'Etatquilepremier intervientdans unautre tionen l'espèce enappliquantledroitcoutumier au lieu
Etat en recourant àl'emploide laforce - par exemple de:straitésmultilatérauxpertinents. En conséquence,
en participant de façon appréciable àl'envoi de forces s'il a pu voter pour certaines des constatations fai-
irrégulièresdans son territoire - est de prime abord tes par la Cour, il s'est vu contraint de voter contre
l'agresseur. L'examen des faits ne peut que confirmer des décisions concernant l'emploi de la force, l'inter-
que le Nicaragua est de prime abord l'agresseur. "En vention et la question de la légitimedéfense,la Cour
outre", conclut M.Schwebel, "le Nicaragua aprésenté n'ayant pas selon lui la compétencevoulue pour tran-
soncomportementdélictueuxcomme moinsgrave qu'il cher de ces points.

Document file FR
Document
Document Long Title

Résumé de l'arrêt du 27 juin 1986

Links