Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) - La Cour conclut que le Nicaragua a violé la souveraineté territoriale et les droits de navigation du

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18846
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2015/32
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
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Communiqué de presse
Non officiel

N 2015/32
Le 16 décembre 2015

Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière
(Costa Rica c. Nicaragua)

La Cour conclut que le Nicaragua a violé la souveraineté territoriale et les droits de
navigation du Costa Rica ainsi que les dispositions de l’ordonnance en indication de
mesures conservatoires qu’elle a rendue le 8 mars 2011, mais que, en procédant
au dragage du fleuve San Juan, il n’a manqué à aucune obligation de nature

procédurale ou de fond lui incombant au titre du droit de l’environnement

*

Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan
(Nicaragua c. Costa Rica)

La Cour conclut que le Costa Rica a manqué à son obligation de procéder à une évaluation de
l’impact sur l’environnement concernant la construction de la route 1856, mais
qu’il n’a méconnu aucune obligation de fond lui incombant au titre
du droit de l’environnement

LA HAYE, le 16 décembre 2015. La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire
principal de l’Organisation des Nations Unies, a rendu ce jour son arrêt dans les affaires jointes
relatives à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica
c. Nicaragua) et à la Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua
c. Costa Rica).

Dans son arrêt, lequel est définitif, sans appel et obligatoire pour les Parties, la Cour

1) Dit, par quatorze voix contre deux, que le Costa Rica a souveraineté sur le «territoire litigieux»,
tel que défini par la Cour aux paragraphes 69-70 de l’arrêt ;

2) Dit, à l’unanimité, que, en creusant trois caños et en établissant une présence militaire sur le
territoire costa-ricien, le Nicaragua a violé la souveraineté territoriale du Costa Rica ;

3) Dit, à l’unanimité, que, en creusant deux caños en 2013 et en établissant une présence militaire
sur le territoire litigieux, le Nicaragua a violé les obligations auxquelles il était tenu en vertu de
l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour le 8 mars 2011 ; - 2 -

4) Dit, à l’unanimité, que, pour les motifs exposés aux paragraphes 135-136 de l’arrêt, le

Nicaragua a violé les droits de navigation sur le fleuve San Juan qui ont été conférés au
Costa Rica par le traité de limites de 1858 ;

5) a) Dit, à l’unanimité, que le Nicaragua a l’obligation d’indemniser le Costa Rica à raison des
dommages matériels qu’il lui a causés par les activités illicites auxquelles il s’est livré sur le
territoire costa-ricien ;

b)Décide, à l’unanimité, que, au cas où les Parties ne pourraient se mettre d’accord à ce sujet
dans un délai de 12 mois à compter de la date du présent arrêt, elle procédera, à la demande
de l’une des Parties, au règlement de la question de l’indemnisation due au Costa Rica, et
réserve à cet effet la suite de la procédure en l’affaire relative à Certaines activités menées
par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) ;

c) Rejette, par douze voix contre quatre, la demande du Costa Rica tendant à ce que le Nicaragua

soit condamné à payer certains frais de procédure ;

6) Dit, à l’unanimité, que le Costa Rica, en omettant d’effectuer une évaluation de l’impact sur
l’environnement en ce qui concerne la construction de la route 1856, a violé l’obligation qui lui
incombait au titre du droit international général ;

7) Rejette, par treize voix contre trois, le surplus des conclusions soumises par les Parties.

Historique de la procédure

La Cour rappelle que, par requête déposée au Greffe de la Cour le 18 novembre 2010, la
République du Costa Rica a introduit une instance contre la République du Nicaragua (ci-après
dénommée l’«affaire Costa Rica c. Nicaragua»), lui faisant grief d’avoir envahi et occupé un
territoire costa-ricien et d’y avoir construit un chenal, ainsi que d’avoir exécuté un certain nombre

de travaux (de dragage du fleuve San Juan, notamment) en violation de ses obligations
internationales. Le Costa Rica a également présenté, le même jour, une demande en indication de
mesures conservatoires. Par ordonnance du 8 mars 2011, la Cour a indiqué des mesures
conservatoires à l’intention de chacune des Parties. Par requête déposée au Greffe le
22 décembre 2011, le Nicaragua a introduit contre le Costa Rica une instance (ci-après dénommée
l’«affaire Nicaragua c. Costa Rica») à raison du manquement allégué, de la part du Costa Rica, aux

obligations de nature procédurale et de fond lui incombant en ce qui concerne la construction de la
route 1856 Juan Rafael Mora Porras (ci-après, la «route») le long du fleuve San Juan. Par deux
ordonnances distinctes datées du 17 avril 2013, la Cour a joint les instances dans les affaires
Costa Rica c. Nicaragua et Nicaragua c. Costa Rica. Par ordonnance du 22 novembre 2013 en
l’affaire Costa Rica c. Nicaragua, elle a réaffirmé les mesures conservatoires indiquées dans son
ordonnance du 8 mars 2011 et en a indiqué de nouvelles à l’intention des deux Parties.

er
Des audiences publiques ont été tenues du 14 avril 2015 au 1 mai 2015 dans les instances
jointes.

Raisonnement de la Cour

1. Compétence de la Cour

La Cour relève que, dans chacune des deux affaires, le demandeur invoque, comme bases de
compétence, l’article XXXI du pacte de Bogotá et les déclarations par lesquelles les Parties ont
reconnu sa compétence obligatoire conformément aux paragraphes 2 et 5 de l’article 36 du Statut,
compétence qui n’a été contestée par le défendeur ni dans l’une ni dans l’autre de ces deux affaires.
Elle considère qu’elle a compétence pour connaître des deux différends. - 3 -

2. Contexte géographique et historique et genèse des différends

La Cour présente ensuite un bref aperçu du contexte géographique et historique et de la
genèse des différends. Elle explique que le fleuve San Juan, qui coule depuis le lac Nicaragua
jusqu’à la mer des Caraïbes, bifurque en un point appelé «Delta Colorado» pour donner naissance,
d’une part, au San Juan inférieur et, d’autre part, au fleuve Colorado (voir croquis n 1 annexé au
présent communiqué de presse). Le territoire situé entre le fleuve Colorado et le cours inférieur du
San Juan est communément désigné Isla Calero et englobe une région plus petite appelée

Isla Portillos. Dans la partie septentrionale de celle-ci se trouve la lagune de Harbor Head. Il
existe deux zones humides d’importance internationale dans cette région : la Humedal Caribe
Noreste au Costa Rica et le Refugio de Vida Silvestre Río San Juan au Nicaragua.

La Cour rappelle que les Parties ont, en 1858, conclu un traité de limites (ci-après, le «traité
de 1858») fixant le tracé de la frontière. Elle fait ensuite brièvement état de la sentence arbitrale
rendue en 1888 par le président des Etats-Unis d’Amérique, Grover Cleveland, qui a confirmé la

validité du traité de 1858 et réglé d’autres «points d’interprétation douteuse», ainsi que
l’établissement en 1896 de commissions de démarcation nationales et les sentences rendues par le
général Edward Porter Alexander pendant le processus de démarcation. Elle indique que certaines
divergences de vues opposant les Parties concernant les droits de navigation conférés par le traité
de 1858 au Costa Rica ont été réglées dans l’arrêt qu’elle a rendu en 2009 en l’affaire du Différend
relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua).

La Cour relève que, le 18 octobre 2010, le Nicaragua a entrepris le dragage du fleuve
San Juan, afin d’en améliorer la navigabilité, et effectué des travaux dans la partie septentrionale
d’Isla Portillos. A cet égard, le Costa Rica soutient que le Nicaragua a artificiellement percé un
chenal (ou «caño») sur le territoire costa-ricien, à Isla Portillos entre le fleuve San Juan et la lagune
de Harbor Head ; le Nicaragua affirme s’être borné à dégager un caño existant sur son territoire.
Le Nicaragua a par ailleurs déployé certaines formations militaires et d’autres agents dans cette

même zone. En décembre 2010, le Costa Rica a amorcé des travaux en vue de la construction sur
son territoire de la route, qui longe une partieode sa frontière avec le Nicaragua et suit le cours du
fleuve San Juan sur 108,2 km (voir croquis n 2 annexé au présent communiqué de presse). Le
21 février 2011, le Costa Rica a pris un décret par lequel était déclaré l’état d’urgence dans la
région frontalière, ce qui, soutient-il, le dispensait de l’obligation de mener une évaluation de
l’impact sur l’environnement avant de construire la route.

3. Questions en litige en l’affaire Costa Rica c. Nicaragua

A. Souveraineté sur le territoire litigieux et violations alléguées de celle-ci

La Cour rappelle que, dans son ordonnance du 8 mars 2011 portant indication de mesures
conservatoires, elle a défini le «territoire litigieux» comme «la partie septentrionale

[d’]Isla Portillos, soit la zone humide d’environ trois kilomètres carrés comprise entre la rive droite
du caño litigieux [dragué par le Nicaragua en 2010], la rive droite du fleuve San Juan lui-même
jusqu’à son embouchure dans la mer des Caraïbes et la lagune de Harbor Head». Elle précise que
cette définition ne traite pas spécifiquement du segment de la côte caraïbe qui s’étend entre la
lagune de Harbor Head et l’embouchure du San Juan. Les Parties ne lui ayant ni l’une ni l’autre
demandé de préciser le tracé de la frontière par rapport à cette côte, elle s’abstient de le faire. La

Cour conclut, à la lumière de son analyse du traité de 1858 et des sentences rendues par le
président Cleveland et le général Alexander, que la souveraineté sur le territoire litigieux appartient
au Costa Rica.

En parvenant à cette conclusion, la Cour souligne que, au regard du traité de 1858, la
souveraineté du Costa Rica s’étend à la rive droite du cours inférieur du San Juan jusqu’à
l’embouchure de celui-ci dans la mer des Caraïbes. Elle examine puis rejette l’affirmation du - 4 -

Nicaragua selon laquelle le caño litigieux correspond au «premier chenal rencontré» auquel il est
fait référence dans la première sentence Alexander et, par conséquent, à la frontière entre les deux

Etats. Elle considère à cet égard que les images aériennes et satellite fournies par le Nicaragua sont
insuffisantes pour établir qu’un chenal naturel reliait le fleuve San Juan à la lagune de Harbor Head
suivant le même cours que celui du caño en question et que les déclarations établies par des agents
de l’Etat nicaraguayen ne sont que de peu de poids pour étayer sa revendication de souveraineté.
Elle estime par ailleurs que les cartes présentées par les Parties n’ont qu’une valeur limitée.
S’agissant des effectivités invoquées  qui, en tout état de cause, sont également d’une portée

limitée , elles ne sauraient affecter le titre de souveraineté découlant du traité de 1858 et des
sentences Cleveland et Alexander.

La Cour estime en conséquence que les activités menées par le Nicaragua sur le territoire
litigieux depuis 2010, notamment le creusement de trois caños et l’établissement d’une présence
militaire par endroits, constituaient des violations de la souveraineté territoriale du Costa Rica et
que le Nicaragua est, dès lors, tenu de réparer les dommages causés par les activités illicites qu’il a

exercées en territoire costa-ricien. Elle considère toutefois qu’il n’a été commis aucun «acte
d’hostilité» emportant violation de l’article IX du traité de 1858. Ayant conclu au caractère illicite
des activités du Nicaragua, elle ne recherche pas si celles-ci peuvent être considérées comme ayant
violé l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force, ni si la conduite du Nicaragua a donné
lieu à une occupation militaire.

B. Allégations de violation du droit international de l’environnement

1. Obligations de nature procédurale

La Cour examine l’allégation de violation de l’obligation d’effectuer une évaluation de
l’impact sur l’environnement, faisant observer que le risque principal évoqué par le Costa Rica
tenait à l’impact préjudiciable éventuel des activités de dragage du Nicaragua sur le débit du fleuve
Colorado, lesquelles auraient également pu porter préjudice à sa zone humide. Elle est d’avis que,
de portée limitée, le programme de dragage n’était pas de nature à créer un risque de dommage

transfrontière important, que ce soit à l’égard du débit du fleuve Colorado ou de la zone humide du
Costa Rica. En l’absence de risque de dommage transfrontière important, le Nicaragua n’avait pas
l’obligation d’effectuer une évaluation de l’impact sur l’environnement.

Abordant ensuite l’allégation de violation d’une obligation de notification et de consultation,
la Cour en vient à la conclusion que, puisqu’il n’avait aucune obligation d’effectuer une évaluation
de l’impact sur l’environnement en l’absence de risque de dommage transfrontière important, le
Nicaragua n’était pas tenu, à ce titre, d’informer ou de consulter le Costa Rica. Par ailleurs, elle

n’est pas convaincue que le Nicaragua ait manqué à quelque obligation à cet égard au titre de la
convention de Ramsar (convention relative aux zones humides d’importance internationale,
particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau, signée à Ramsar (Iran) le 2 février 1971) ou de
la convention concernant la conservation de la biodiversité et la protection des zones prioritaires de
faune et de flore sauvages d’Amérique centrale.

2. Obligations de fond

S’agissant des obligations de fond, la Cour estime que le Costa Rica n’a pas établi que le
programme de dragage aurait porté préjudice à sa zone humide ou entraîné une diminution
importante du débit du fleuve Colorado. Elle conclut que les éléments de preuve disponibles ne
montrent pas que, en s’engageant dans des activités de dragage sur le cours inférieur du fleuve
San Juan, le Nicaragua a manqué à ses obligations en matière de prévention des dommages
transfrontières. - 5 -

C. Respect des mesures conservatoires

La Cour rappelle que, dans son ordonnance du 8 mars 2011, elle indiquait que chaque Partie
devait «s’abst[enir] d’envoyer ou de maintenir sur le territoire litigieux, y compris le caño, des
agents, qu’ils soient civils, de police ou de sécurité», et par ailleurs «s’abst[enir] de tout acte qui
risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont [elle était] saisie ou d’en rendre la solution plus
difficile». Sur la base des faits qui sont désormais incontestés, elle conclut que, en creusant deux
nouveaux caños et en établissant une présence militaire sur le territoire litigieux en 2013, le
Nicaragua a manqué aux obligations qui lui incombaient au titre de cette ordonnance. Elle estime

en revanche qu’il n’a commis aucun manquement aux obligations énoncées dans l’ordonnance du
22 novembre 2013.

D. Droits de navigation

La Cour considère comme recevable la conclusion avancée par le Costa Rica relativement à
ses droits de navigation sur le fleuve San Juan. Elle observe que le Costa Rica invoque, au nombre
des atteintes qui auraient été portées à ces droits, cinq incidents ainsi que la prise d’un décret par le

Nicaragua en 2009. Elle relève qu’aucun des incidents spécifiquement allégués par le Costa Rica
au titre de l’entrave à ses droits de navigation n’a trait à l’application de ce décret, qui, par
conséquent, n’est pas examiné plus avant. Estimant que le Nicaragua n’a pas apporté de
justification convaincante de la conduite de ses agents lors de deux incidents concernant la
navigation sur le fleuve San Juan par des personnes habitant la rive costa-ricienne de celui-ci, elle
conclut que, en raison des deux incidents en cause, le Nicaragua a violé les droits de navigation sur
le fleuve San Juan que le Costa Rica tient du traité de 1858 et qu’il n’est pas nécessaire d’examiner

les autres incidents invoqués.

E. Réparations

Abordant les mesures de réparation demandées par le Costa Rica, la Cour conclut que la
constatation de ce que le Nicaragua a violé la souveraineté territoriale costa-ricienne en creusant
trois caños et en établissant une présence militaire sur le territoire litigieux constitue une

satisfaction appropriée au préjudice immatériel subi à ce titre. Il en va de même de la constatation
de la violation des obligations découlant de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires
rendue par elle le 8 mars 2011. Enfin, la constatation de la violation des droits de navigation
conférés au Costa Rica constitue également une satisfaction appropriée à cet égard.

La Cour estime que le Costa Rica est fondé à recevoir indemnisation pour les dommages
matériels découlant des violations commises par le Nicaragua. Elle déclare que les Parties

devraient mener des négociations afin de s’entendre sur ces questions. Toutefois, si elles ne
parviennent pas à un accord dans un délai de 12 mois à partir de la date du présent arrêt, la Cour
déterminera, à la demande de l’une d’entre elles, le montant de l’indemnité sur la base de pièces
écrites additionnelles limitées à cet objet.

La Cour rejette toutes les autres demandes de réparation formulées par le Costa Rica, ainsi
que sa demande tendant à ce que le Nicaragua soit condamné à payer certains frais de procédure.

4. Questions en litige en l’affaire Nicaragua c. Costa Rica

A. Obligations de nature procédurale

S’agissant de l’allégation de violation de l’obligation d’effectuer une évaluation de l’impact
sur l’environnement, la Cour conclut que le projet de construction routière entrepris par le
Costa Rica comportait un risque de dommage transfrontière important et que, en conséquence, le - 6 -

seuil d’application de l’obligation d’évaluer l’impact de ce projet sur l’environnement était atteint.
Elle estime en outre que, dans les circonstances de l’espèce, le Costa Rica n’a pas démontré

l’existence d’une urgence qui pourrait éventuellement justifier de construire la route sans
entreprendre d’évaluation de l’impact sur l’environnement. Abordant la question de savoir si le
Costa Rica s’est conformé à son obligation d’effectuer une évaluation de l’impact sur
l’environnement, la Cour constate que cette obligation requiert que le risque de dommage
transfrontière important soit évalué ex ante. Or les études effectuées par le Costa Rica ont consisté
dans une évaluation post hoc de l’impact environnemental des tronçons de route déjà construits et
ne comportaient pas d’évaluation des risques de dommage à venir. La Cour conclut que le

Costa Rica ne s’est pas acquitté de l’obligation qu’il avait, en vertu du droit international général,
d’effectuer une évaluation de l’impact environnemental de la construction de la route.

La Cour se penche ensuite sur l’allégation de violation d’une obligation de notification et de
consultation, rappelant que, si l’évaluation de l’impact sur l’environnement confirme l’existence
d’un risque de dommage transfrontière important, l’Etat d’origine est tenu d’informer et de
consulter l’Etat susceptible d’être affecté, lorsque cela est nécessaire aux fins de définir les mesures

propres à prévenir ou réduire ce risque. En l’espèce, puisque le Costa Rica ne s’est pas acquitté de
son obligation d’effectuer une évaluation de l’impact sur l’environnement avant d’entreprendre la
construction de la route, la Cour ne saurait se prononcer sur la question de savoir s’il était tenu, au
titre du droit international général, d’informer et de consulter le Nicaragua. Elle constate par
ailleurs qu’il n’est pas établi que le Costa Rica a manqué à quelque obligation de notification ou de
consultation découlant du traité de 1858 ou de la convention de Ramsar.

B. Obligations de fond

La Cour examine ensuite les allégations concernant la violation d’obligations de fond, à
commencer par celle de faire preuve de la diligence requise en vue de prévenir les dommages
transfrontières importants. Elle constate que la quantité de sédiments provenant de la construction
de la route et déversée dans le fleuve représente tout au plus 2 % de la charge sédimentaire totale
de celui-ci. Elle considère qu’une telle proportion ne permet pas de conclure à un dommage
important, surtout s’il est tenu compte de la forte variabilité naturelle des charges sédimentaires du

San Juan. Elle estime par ailleurs que le Nicaragua n’a pas démontré que l’apport sédimentaire
attribuable à la construction de la route a porté une atteinte grave à la morphologie et à la
navigabilité du fleuve San Juan et de son cours inférieur, ou alourdi de manière importante la tâche
du Nicaragua en matière de dragage, ni que la construction de la route a porté une atteinte
importante à l’écosystème du fleuve et à la qualité de ses eaux ou causé quelque autre dommage.
Elle conclut que le Nicaragua n’a pas prouvé que la construction de la route lui ait causé des
dommages transfrontières importants.

La Cour aborde ensuite les allégations du Nicaragua concernant le manquement par le
Costa Rica à des obligations de fond énoncées par divers traités. Elle relève que le Nicaragua se
contente d’alléguer la violation de ceux-ci par le Costa Rica, sans expliquer en quoi consisteraient
les manquements, surtout en l’absence de preuve de dommage important à l’environnement. Elle
rejette en conséquence ces allégations.

S’agissant de la thèse du Nicaragua selon laquelle le rejet de sédiments et la formation de

deltas sédimentaires porteraient atteinte à son intégrité territoriale et à sa souveraineté sur le fleuve
San Juan, la Cour estime qu’elle n’est pas convaincante, faisant observer que le Costa Rica n’a
exercé aucune autorité sur le territoire nicaraguayen et n’y a mené aucune activité. Elle rejette par
conséquent la demande du Nicaragua sur ce point. - 7 -

C. Réparations

Passant ensuite aux réparations demandées par le Nicaragua, la Cour conclut que la
constatation par elle d’un fait illicite consistant dans le manquement du Costa Rica à son obligation
d’effectuer une évaluation de l’impact sur l’environnement constitue une mesure de satisfaction

appropriée. Elle rejette toutes les autres demandes de réparation formulées par le Nicaragua.

Composition de la Cour

La Cour était composée comme suit : M. Abraham, président ; M. Yusuf, vice-président ;

MM. Owada, Tomka, Bennouna, Cançado Trindade, Greenwood, Mmes Xue, Donoghue, M. Gaja,
Mme Sebutinde, MM. Bhandari, Robinson, Gevorgian, juges ; MM. Guillaume, Dugard,
juges ad hoc ; M. Couvreur, greffier.

M. le juge YUSUF, vice-président, joint une déclaration à l’arrêt ; M. le WADA Ojoint à

l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle ; MM. les juges T OMKA et G REENWOOD ,
Mme la juge S EBUTINDE et M. le juge ad hoc D UGARD joignent à l’arrêt une déclaration
commune ; M. le juge C ANÇADO T RINDADE joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle ;
Mme la juge D ONOGHUE joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle ; M. leHANDARI
joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle ; M. leOBINSON joint à l’arrêt l’exposé de

son opinion individuelle ; M. le juge GEVORGIAN joint une déclaration à l’arrêt ; M. le juge
ad hoc GUILLAUME joint une déclaration à l’arrêt ; M. le juge ad hoc UGARD joint à l’arrêt
l’exposé de son opinion individuelle.

*

Un résumé de l’arrêt figure dans le document intitulé «Résumé n 2015/3». Le présent
communiqué de presse, le résumé de l’arrêt ainsi que le texte intégral de celui-ci sont disponibles

sur le site Internet de la Cour (www.icj-cij.org), sous la rubrique «Affaires».

___________

Note : Les communiqués de presse de la Cour ne constituent pas des documents officiels.

___________

La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des
Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies et a entamé
ses activités en avril 1946. La Cour a son siège au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas). C’est
le seul des six organes principaux de l’ONU dont le siège ne soit pas à New York. La Cour a une

double mission, consistant, d’une part, à régler conformément au droit international les différends
d’ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats (par des arrêts qui ont force obligatoire et sont
sans appel pour les parties concernées) et, d’autre part, à donner des avis consultatifs sur les
questions juridiques qui peuvent lui être soumises par les organes de l’ONU et les institutions du
système dûment autorisées à le faire. La Cour est composée de quinze juges, élus pour un mandat

de neuf ans par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Indépendante du
Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies, elle est assistée par un Greffe, son propre - 8 -

secrétariat international, dont l’activité revêt un aspect judiciaire et diplomatique et un aspect
administratif. Les langues officielles de la Cour sont le français et l’anglais. Aussi appelée «Cour

mondiale», elle est la seule juridiction universelle à compétence générale.

Il convient de ne pas confondre la CIJ, juridiction uniquement ouverte aux Etats (pour la
procédure contentieuse) et à certains organes et institutions du système des Nations Unies (pour la
procédure consultative), avec les autres institutions judiciaires, pénales pour la plupart, établies à
La Haye et dans sa proche banlieue, comme par exemple le Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie (ou TPIY, juridiction ad hoc créée par le Conseil de sécurité), la Cour pénale

internationale (ou CPI, première juridiction pénale internationale permanente, créée par traité, qui
n’appartient pas au système des Nations Unies), le Tribunal spécial pour le Liban (ou TSL, organe
judiciaire international doté d’une personnalité juridique indépendante, établi par le Conseil de
sécurité de l’Organisation des Nations Unies à la demande du Gouvernement libanais et composé
de juges libanais et internationaux), ou encore la Cour permanente d’arbitrage (ou CPA, institution
indépendante permettant de constituer des tribunaux arbitraux et facilitant leur fonctionnement,
conformément à la Convention de La Haye de 1899).

___________

Département de l’information :

M. Andreï Poskakoukhine, premier secrétaire de la Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)

M Boris Heim, attaché d’information (+31 (0)70 302 2337)
Mme Joanne Moore, attachée d’information adjointe (+31 (0)70 302 2394)
Mme Genoveva Madurga, assistante administrative (+31 (0)70 302 2396) Croquis n° 1:

Contexte géographique

84°45’W 84°30′W 84°15′W 84°0′W 83°45′W 83°30′W

11° 15’N MER DES

CARAÏBES

NICARAGUA Lagunede
Harbor
lac Head

Nicara- NICARAGUA
gua Castillo Viejo Cañodragué
en 2010 San Juan Punta de Castilla
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11° 0’N n
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Route 1856 Juan Rafael Mora Porras

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- La Cour conclut que le Nicaragua a violé la souveraineté territoriale et les droits de navigation du Costa Rica ainsi que les dispositions de l'ordonnance en indication de mesures conservatoires qu'elle a rendue le 8 mars 2011, mais que, en procédant au dragage du fleuve San Juan, il n'a manqué à aucune obligation de nature procédurale ou de fond lui incombant au titre du droit de l'environnement

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