Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua)   Construction d'une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica) - La Cour

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17770
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2013/35
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
Site Internet: www.icj-cij.org

Communiqué de presse
Non officiel

N 2013/35
Le 22 novembre2013

Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière

(Costa Rica c. Nicaragua)

Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan
(Nicaragua c. Costa Rica)

La Cour dit que le Nicaraguadoit s’abstenir de toute activité de dragage ou autre activité

dans le territoire litigieux, en particulier de tous travaux sur les deux nouveaux caños
et, dans un délai de deux semaines, combler la tranchée creusée sur
la plage au nord du caño oriental

LA HAYE, le 22 novembre 2013. La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire
principal de l’Organisation des Nations Unies, a rendu ce jour son ordonnance sur la demande en
indication de nouvelles mesures conservatoires présentée par le Costa Rica le 24 septembre 2013
(voir communiqué de presse n 2013/23) dans l’affaire relative à Certaines activités menées par le
Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), à laquelle a été jointe l’affaire
relative à la Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua

c. Costa Rica). Cette demande faisait suite à la construction, par le Nicaragua, de deux nouveaux
chenaux (caños) dans le «territoire litigieux» . Ce territoire avait été défini par la Cour, dan s son
ordonnance en indication de mesures conservatoires du 8 mars 2011 (voir communiqué de
presse n 2011/6), comme «la partie septentrionale de Isla Portillos, soit la zone humide d’environ
trois kilomètres carrés comprise entre la rive droite du caño litigieux [de 2011], la rive droite du
fleuve San Juan lui -même jusqu’à son embouchure dans la mer des Caraïbes et la lagune de
Harbor Head».

Aujourd’hui, après avoir réaffirmé, à l’unanimité, les mesures conservatoires indiquées dans
son ordonnance du 8 mars 2011, la Cour a indiqué les mesures conservatoires suivantes :

 elle a décidé, à l’unanimité, que le Nicaragua devra it s’abstenir de toute activité de dragage ou
autre activité dans le territoire litigieux, et, en particulier, de tous travaux sur les xeu
nouveaux caños ; - 2 -

 elle a également décidé, à l’unanimité, et nonobstant le point précédent ainsi que le point 1 du

paragraphe 86 de l’ordonnance du 8 mars 2011, que le Nicaragua devrait, dans un délai de
deux semaines à compter de la date de la présente ordonnance, combler la tranchée creusée sur
la plage au nord du caño oriental, informer immédiatement la Cour de l’achèvement des
travaux de comblement de cette tranchée et lui fournir, dans un délai d’une semaine à compter
de cet achèvement, un rapport contenant toutes les précisions nécess aires, photographies à
l’appui ;

 elle a en outre dit, à l’unanimité, que, sauf nécessité liée à la mise en Œuvre des obligations
énoncées au point précédent , le Nicaragua devrait i) assurer le retrait du territoire litigieux de
tous agents, qu’ils soient civils, de police ou de sécurité et ii) empêcher l’entrée de tels agents
dans ledit territoire ;

 elle a également dit, à l’unanimité, que le Nicaragua devrait assurer le retrait du territoire
litigieux de toutes personnes privées relevant de sa juridiction ou sous son contrôle et empêcher

leur entrée dans ledit territoire ;

 elle a, par ailleurs, déclaré, par quinze voix contre une, que, après avoir consulté le Secrétariat
de la convention de Ramsar et préalablement informé le Nicaragua, le Costa Rica pourrait
prendre des mesures appropriées au sujet des deux nouveaux caños , dès lors que de telles
mesures ser aient nécessaires pour empêcher qu’un préjudice irréparable soit causé à
l’environnement du territoire litigieux et que, ce faisant, le Costa Rica éviterait de porter

atteinte de quelque façon que ce soit au fleuve San Juan;

 la Cour a enfin décidé , à l’unanimité, que les Parties devraient l’informer, tous les trois mois,
de la manière dont elles assureraient la mise en Œuvre desdites mesures conservatoires.

Raisonnement de la Cour

1. Compétence prima facie(par. 21-23)

La Cour rappelle que le Costa Rica entend fonder la compétence de la Cour en l’espèce,
d’une part, sur l’article XXXI du traité américain de règlement pacifique signé à Bogotá

le 30 avril 1948 et, d’autre part, sur les déclarations d’acceptation de juridiction faites par les deux
Parties. Dans son ordonnance du 8 mars 2011, la Cour avait déjà conclu que les instruments
invoqués par le Costa Rica semblaient prima facie constituer une base sur laquelle elle pourrait
fonder sa compétence pour se prononcer sur le fond. Dans ces circonstances, elle estime qu’elle
peut connaître de la présente demande en indication de nouvelles mesures conservatoires.

2. Les droits dont la protection est recherchée et les mesures demandées (par. 243 -3)

La Cour rappelle que le pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires qu’elle tient de
l’article 41 de son Statut a pour objet de sauvegarder, dans l’attente de sa décision sur le fond de
l’affaire, les droits revendiqués par chacune des parties. Dès lors, elle ne peut exercer ce pouvoir
que si les droits allégués par la partie qui demande des mesures apparaissent au moins plausibles.
Par ailleurs, un lien doit exister entre les droits qui font l’objet de l’instance pendante devant la
Cour sur le fond de l’affaire et les mesures conservatoires sollicitées.

La Cour fait observer que les droits que le Costa Rica cherche à protéger sont ses droits
allégués à la souveraineté sur Isla Portillos, à l’int égrité territoriale et son droit de protéger
l’environnement sur les espaces sur lesquels il est souverain. Elle conclut que les droits dont le
Costa Rica recherche la protection sont plausibles. - 3 -

La Cour examine ensuite le lien entre les droits dont la protection est recherchée et les
mesures conservatoires demandées. Elle est d’avis que ce lien est bien réel en ce qui concerne les

trois premières demandes du Costa Rica, la première tendant à assurer en particulier la cessation
dans le territoire litigieux de tous travaux sur les deux nouveaux caños, la deuxième consistant à
ordonner au Nicaragua de retirer immédiatement du territoire litigieux tous agents, installations et
matériel qui y ont été introduits par lui -même ou par toute personne relevant de sa juridiction ou
provenant de son territoire , et la troisième visant à permettre au Costa Rica d’effectuer dans le
territoire litigieux, sur les deux nouveaux caños et les zones attenantes, tous travaux de remise en
état qui se rév éleraient nécessaires pour empêcher qu’un préjudice irréparable soit causé audit

territoire. En revanche, l a Cour n’estime pas nécessaire d’établir l’existence d’un lien entre les
droits revendiqués par le Costa Rica et la quatrième mesure conservatoire demandée, qui tend à ce
que chacune des Parties informe la Cour de la manière dont elle assure la mise en Œuvre de toute
mesure conservatoire que celle-ci indiquerait. Selon elle, cette demande ne vise pas à protéger les
droits du Costa Rica mais tend à assurer le respect des mesures conservatoires éventuellement
indiquées par la Cour.

3. Risque de préjudice irréparable et urgence (par. 34- 50)

La Cour rappelle qu’elle tient de l’article 41 de son Statut le pouvoir d’indiquer des mesures
conservatoires lorsqu’un préjudice irréparable risque d’être causé aux droits en litige dans une
procédure judiciaire. Ce pouvoir ne sera exercé que s’il y a urgence, c’est -à-dire s’il existe un
risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en liitge avant que la Cour
n’ait rendu sa décision définitive.

La Cour recherche si la situation du territoire litigieux et, notamment, les deux nouveaux
caños et la tranchée située près du caño oriental, en leur état actuel, présentent un risque de
préjudice irréparable pour les droits revendiqués par le Costa Rica . Elle estime disposer de
suffisamment d’éléments pour conclure que, vu la longueur, la largeur et la position de cette
tranchée, il existe un risque réel de voir celle-ci atteindre la mer des Caraïbes, soit par l’action de la
nature, soit par celle de l’homme, voire par leur action conjointe . Une modification du cours du
fleuve San Juan pourrait alors s’ensuivre, avec de sérieuses conséquences pour les droits

revendiqués par le Costa Rica. La Cour est donc d’avis que la situation du territoire litigieux révèle
l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable pour les droits revendiqués par le demandeur
en l’espèce.

La Cour estime en outre qu’il y a urgence pour les raisons suivantes : i) pendant la saison des
pluies, le débit accru des eaux coulant dans le San Juan, et donc dans le caño oriental, pourrait
avoir pour effet de prolonger la tranchée et de la relier à la mer, au risque d’amener ainsi le fleuve à

suivre un nouveau cours ; ii) la tranchée pourrait également être reliée à la mer sans grande
difficulté par des personnes entrées dans cette zone depuis le sol nicaraguayen; iii) un campement
militaire nicaraguayen est établi à seulement quelques mètres de la tranchée ; et iv) le Nicaragua a
indiqué à la Cour où se trouvaient les dragues, sans toutefois exclure que puissent se trouver dans le
territoire litigieux d’autres équipements susceptibles d’être utili sés pour prolonger la tranchée.
A cet égard, la Cour n’est pas convaincue que l es instructions par lesquelles le président du
Nicaragua a signifié au président exécutif de l’autorité nationale portuaire que les travaux de

nettoyage menés dans la zone du delta devaient cesser immédiatement et qu’il devait être
procédé au retrait du pe rsonnel et du matériel présents dans le territoire litigieux , et que les
assurances par lesquelles l’agent du Nicaragua a indiqué que son gouvernement s’estimait tenu de
ne pas entreprendre d’activités tendant à relier l’un ou l’autre de ces deux caños à la mer, et
d’empêcher toutes personnes ou tous groupes de personnes d’entreprendre de telles activités, soient
suffisantes pour écarter tout risque imminent de préjudice irréparable.

* - 4 -

La Cour conclut de ce qui précède qu’ il y a lieu pour elle d’indiquer des mesures

conservatoires afin de répondre à la nouvelle situation prévalant dans le territoire litigieuet que
ces mesures viendront s’ajouter à celles s’imposant déjà aux Parties en vertu de l’ordonnance du
8 mars 2011.

*

Composition de la Cour

La Co ur était composée comme suit : M. Tomka, président; M. Sepúlveda-Amor,

vice-président ; MM. Owada, Keith, Bennouna, Skotnikov, Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood,
Mmes Xue, Donoghue, M. Gaja, Mme Sebutinde, M. Bhandari, juges ; MM. Guillaume, Dugard,
juges ad hoc ; M. Couvreur, greffier.

*

M. le juge Cançado Trindade joint à l’ordonnance l’exposé de son opinion individuelle ;
MM. les jugesad hoc Guillaume et Dugard joignent des déclarations à l’ordonnance.

___________

Un résumé de l’ordonnance figure dans le document intitulé «Résumé n 2013/3», auquel
sont annexés des résumés de l’opinion et des déclarations . Le présent communiqué de presse, le
résumé de l’ordonnance, ainsi que le texte intégral de celle-ci figurent égalementsur le site Internet

de la Cour (www.icj-cij.org) sous la rubrique «Affaires».

___________

Note : Les communiqués de presse de la Cour ne constituent pas des documents officiels.

___________

La Cour internationale de Justice (CIJ)est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des
Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies et a entamé
ses activités en avril 1946. La Cour a son siège au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas). C’est
le seul des six organes principaux de l’ONU dont le siège ne soit pas à New York. La Cour a une
double mission, consistant, d’une part, à régler conformément au droit international les différends
d’ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats (par des arrêts qui ont force obligatoire et sont
sans appel pour les parties concernées) et, d’autre part, à donner des avis consultatifs sur les

questions juridiques qui peuvent lui être soumises par les organes de l’ONU et les institutions du - 5 -

système dûment autorisées à le faire. La Cour est composée de quinze juges, élus pour un mandat
de neuf ans par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Indépendante du

Secrétariat des Nations Unies, elle est assistée par un Greffe, son propre secrétariat international,
dont l’activité revêt un aspect judiciaire et diplomatique, et un aspect administratif. Les langues
officielles de la Cour sont le français et l’anglais. Aussi appelée «Cour mondiale», elle est la seule
juridiction universelle à compétence générale.

Il convient de ne pas confondre la CIJ, juridiction uniquement ouverte aux Etats (pour la
procédure contentieuse) et à certains organes et institutions du système des Nations Unies (pour la

procédure consultative), avec les autres institutions judiciaires, pénales pour la plupart, établies à
La Haye et dans sa proche banlieue, comme par exemple le Tribuna l pénal international pour
l’ex-Yougoslavie (ou TPIY, juridiction ad hoc créée par le Conseil de sécurité), la Cour pénale
internationale (CPI, la première juridiction péna le internationale permanente, créée par traité, qui
n’appartient pas au système des Nations Unies), le Tribunal spécial pour le Liban (ou TSL, organe
judiciaire indépendant composé de juges libanais et internationaux), ou encore la Cour permanente
d’arbitrage (CPA, institution indépendante permettant de constituer des tribunaux arbitraux et

facilitant leur fonctionnement, conformément à la Convention de La Haye de 1899).

___________

Département de l’information:
M. Andreï Poskakoukhine, premier secréta ire de la Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)
M. Boris Heim, attaché d’information (+31 (0)70 302 2337)

MmeJoanne Moore, attachée d’information adjointe (+31 (0)70 302 2394)
Mme Genoveva Madurga, assistante administrative (+31 (0)70 302 2396)

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