Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie) - Fin des audiences publiques - La Cour prête à entamer son délibéré

Document Number
18258
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
2014/15
Date of the Document
Document File
Document

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
Site Internet : www.icj-cij.org

Communiqué de presse
Non officiel

o
N 20er/15
Le 1 avril 2014

Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Croatie c. Serbie)

Fin des audiences publiques

La Cour prête à entamer son délibéré

LA HAYE, le 1 avril 2014. Les audiences publiques relatives à l’Application de la

convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie) se sont
achevées aujourd’hui. La Cour est prête à entamer son délibéré.

Durant les audiences, qui se sont ouvertes le lundi 3 mars 2014 au Palais de la Paix, siège de
la Cour, la délégation de la République de Croatie était conduite par Mme Vesna Crnić-Grotić,
professeur de droit international à l’Université de Rijeka, comme agent ; la délégation de la Serbie
était conduite par M. Saša Obradović, premier conseiller à l’ambassade de la République de Serbie
au Royaume des Pays-Bas, ancien conseiller juridique au ministère des affaires étrangères, comme

agent.

L’arrêt de la Cour sera rendu au cours d’une séance publique dont la date sera annoncée
ultérieurement.

* *

Conclusions finales des Parties

A l’issue des audiences, les Parties ont présenté les conclusions finales suivantes à la Cour :

Pour la Croatie (le 21 mars 2014, sur la demande principale) :

«Le demandeur, se fondant sur les faits et les moyens de droit qu’il a présentés, prie

respectueusement la Cour internationale de Justice de dire et juger :

1. Qu’elle a compétence sur toutes les demandes formulées par lui et qu’il n’existe aucun obstacle
à la recevabilité de l’une ou l’autre d’entre elles.

2. Que le défendeur est responsable de violations de la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide : - 2 -

a) en ce que des personnes de la conduite desquelles il est responsable ont commis un
génocide sur le territoire de la République de Croatie contre des membres du groupe

national ou ethnique croate, en se livrant aux actes suivants :

meurtre de membres du groupe ;

atteinte intentionnelle à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;

soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence visant à entraîner sa

destruction physique totale ou partielle ;

imposition de mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe,

dans l’intention de détruire ledit groupe, en tout ou en partie, en violation de l’article II de
la Convention ;

b) en ce que des personnes de la conduite desquelles il est responsable ont participé à une
entente en vue de commettre les actes de génocide visés à l’alinéa a), se sont rendues
complices de ces actes, ont tenté de commettre d’autres actes de génocide de même nature
et ont incité des tiers à commettre de tels actes, en violation de l’article III de la
Convention ;

c) en ce que, conscient de ce que les actes de génocide visés à l’alinéa a) étaient ou allaient
être commis, il n’a pas pris de mesures pour les prévenir, en violation de l’article premier

de la Convention ;

d) en ce qu’il n’a pas traduit en justice les personnes relevant de sa juridiction sur lesquelles
pèse une très forte présomption d’avoir participé aux actes de génocide visés à l’alinéa a)
ou aux autres actes visés à l’alinéa b), et continue ainsi de violer les articles premier et IV
de la Convention ;

e) en ce qu’il n’a pas enquêté efficacement sur ce qu’il était advenu des citoyens croates

portés disparus en conséquence des actes de génocide visés aux alinéas a) et b), et continue
ainsi de violer les articles premier et IV de la Convention.

3. Que, à raison de sa responsabilité pour ces violations de la Convention, le défendeur est tenu
aux obligations ci-après :

a) prendre sans délai des mesures efficaces pour traduire devant les autorités judiciaires
compétentes ses citoyens ou les autres personnes se trouvant sous sa juridiction, y compris

les dirigeants de la JNA à l’époque des faits, sur lesquels pèse une très forte présomption
d’avoir commis des actes de génocide visés à l’alinéa 2 a), ou l’un quelconque des autres
actes visés à l’alinéa 2 b), et veiller à ce qu’ils soient dûment punis à raison de leurs crimes
s’ils sont déclarés coupables ;

b) communiquer sans délai au demandeur toutes les informations en sa possession ou à sa
disposition sur le sort des ressortissants croates portés disparus en conséquence des actes

de génocide dont il s’est rendu responsable, faire lui-même enquête et, de façon générale,
coopérer avec les autorités de l’Etat demandeur en vue de déterminer conjointement ce
qu’il est advenu de ces personnes ou de leur dépouille ;

c) restituer sans délai au demandeur tous les biens culturels se trouvant toujours sous sa
juridiction ou à sa disposition après avoir été saisis dans le cadre des actes de génocide
dont il porte la responsabilité ; et - 3 -

d) verser au demandeur, au titre de ses droits propres et, en tant que parens patriae, au nom de
ses citoyens, des réparations dont il appartiendra à la Cour de fixer le montant lors d’une

phase ultérieure de la procédure, pour tous dommages, pertes ou préjudices causés aux
personnes ou aux biens ainsi qu’à l’économie de la Croatie du fait des violations
susmentionnées du droit international. Le demandeur se réserve le droit de soumettre à la
Cour une évaluation précise des dommages causés par les actes dont le défendeur porte la
responsabilité.»

* *

Pour la Serbie (le 28 mars 2014, sur la demande principale et la demande
reconventionnelle) :

«Sur la base des faits et moyens de droit présentés dans ses pièces de procédure écrite et dans
ses plaidoiries, la République de Serbie prie respectueusement la Cour internationale de Justice de

dire et juger :

I

1. Qu’elle n’a pas compétence pour connaître des demandes exposées aux alinéas a), b), c), d)
et e) du paragraphe 2 et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 3 des conclusions de la
République de Croatie, en ce qu’elles se rapportent à des actes et des omissions, quelle qu’en
soit la qualification juridique, qui sont antérieurs au 27 avril 1992, date à laquelle la Serbie a vu

le jour en tant qu’Etat et est devenue partie à la Convention sur le génocide.

2. A titre subsidiaire, que les demandes exposées aux alinéas a), b), c), d) et e) du paragraphe 2 et
aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 3 des conclusions de la République de Croatie sont
irrecevables en ce qu’elles se rapportent à des actes et des omissions, quelle qu’en soit la
qualification juridique, qui sont antérieurs au 27 avril 1992, date à laquelle la Serbie a vu le jour
en tant qu’Etat et est devenue partie à la Convention sur le génocide.

3. Que les demandes exposées aux alinéas a), b), c), d) et e) du paragraphe 2 et aux alinéas a), b),
c) et d) du paragraphe 3 des conclusions de la République de Croatie concernant la prétendue
violation, après le 27 avril 1992, d’obligations imposés par la convention sur la prévention et la
répression du crime de génocide sont rejetées au motif qu’elles sont dépourvues de tout
fondement, en droit comme en fait.

4. A titre plus subsidiaire, que les demandes exposées aux alinéas a), b), c), d) et e) du

paragraphe 2 et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 3 des conclusions de la République de
Croatie sont irrecevables en ce qu’elles se rapportent à des actes et des omissions, quelle qu’en
soit la qualification juridique, qui sont antérieurs au 8 octobre 1991, date à laquelle la Croatie a
vu le jour en tant qu’Etat et est devenue partie à la Convention sur le génocide.

5. A titre plus subsidiaire encore, si elle devait conclure, selon le cas, qu’elle a compétence pour
connaître des demandes relatives aux actes et omissions antérieurs au 27 avril 1992 et qu’elles

sont recevables, ou qu’elles sont recevables en ce qu’elles se rapportent à des actes et omissions
antérieurs au 8 octobre 1991, que les demandes exposées aux alinéas a), b), c), d) et e) du
paragraphe 2 et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 3 des conclusions de la République de
Croatie sont rejetées dans leur intégralité au motif qu’elles sont dépourvues de tout fondement,
en droit comme en fait. - 4 -

II

6. Que la République de Croatie a violé les obligations que lui impose l’article II de la Convention
sur la prévention et la répression du crime de génocide en commettant, pendant et après
l’opération Tempête de 1995, les actes ci-après, dans l’intention de détruire le groupe national
et ethnique serbe vivant en Croatie, principalement dans la région de la Krajina, comme tel :

meurtre de membres du groupe ;

atteintes graves à l’intégrité physique et mentale de membres du groupe ; et

soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa
destruction physique partielle.

7. A titre subsidiaire, que la République de Croatie a violé les obligations que lui imposent les
alinéas b), c), d) et e) de l’article III de la Convention sur la prévention et la répression du crime
de génocide en se rendant coupable d’entente en vue de commettre le génocide, d’incitation

directe et publique à commettre le génocide, de tentative de génocide et de complicité dans le
génocide contre le groupe national et ethnique serbe vivant en Croatie, principalement dans la
région de la Krajina, comme tel.

8. A titre complémentaire, que la République de Croatie a violé les obligations que lui impose la
Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide en ce qu’elle a manqué et
continue de manquer à son obligation de punir les actes de génocide commis à l’encontre du

groupe national et ethnique serbe vivant en Croatie, principalement dans la région de la Krajina,
comme tel.

9. Que les violations du droit international mentionnées aux paragraphes 6, 7 et 8 des présentes
conclusions constituent des faits illicites imputables à la République de Croatie et engageant sa
responsabilité internationale et que, en conséquence, il lui incombe :

1) de prendre immédiatement des mesures effectives pour se conformer pleinement à

l’obligation de punir les actes de génocide visés à l’article II de la Convention ainsi que
tous autres actes énumérés à l’article III de la convention et commis sur son territoire
pendant et après l’opération Tempête ;

2) de modifier sa législation sur les jours fériés, les jours de commémoration et les jours
chômés en retirant de la liste de ses jours fériés officiels le «Jour de la victoire et de la
gratitude envers la nation» et le «Jour des défenseurs croates», célébrés le 5 août pour

marquer le triomphe de l’opération génocidaire Tempête ; et

3) de réparer les conséquences des faits internationalement illicites qui lui sont imputables,
notamment :

a) d’indemniser pleinement les membres du groupe national et ethnique serbe sur son
territoire de l’ensemble des dommages et pertes causés par les actes de génocide,
selon le montant et les modalités à déterminer par la Cour lors d’une phase ultérieure

de la procédure ; et - 5 -

b) de mettre en place toutes les conditions juridiques nécessaires ainsi qu’un

environnement sûr pour permettre aux membres du groupe national et ethnique serbe
de revenir librement et en toute sécurité dans leurs foyers en République de Croatie et
leur assurer des conditions d’existence normales et paisibles, et notamment le plein
respect de leurs droits en tant que citoyens et en tant qu’êtres humains.»

* *

er
Pour la Croatie (le 1 avril 2014, sur la demande reconventionnelle) :

«Le demandeur, se fondant sur les faits et les moyens de droit qu’il a présentés, prie
respectueusement la Cour internationale de Justice de dire et juger :

Que, s’agissant des demandes reconventionnelles exposées dans le

contre-mémoire, dans la duplique et au cours de la procédure orale, les sixième,
septième, huitième et neuvième chefs de conclusions du défendeur sont rejetés dans
leur intégralité au motif qu’ils sont dépourvus de tout fondement, en droit comme en
fait.»

*

* *

Pratique interne de la Cour en matière de délibéré

Le délibéré se déroule à huis clos selon la procédure suivante : la Cour tient d’abord un débat
préliminaire sur une liste des points devant être discutés et tranchés par la Cour, telle qu’établie par
le président. Chaque juge prépare ensuite une note dans laquelle il exprime en détail son opinion
sur l’affaire. Celle-ci est distribuée aux autres juges. Une délibération approfondie est alors
organisée à l’issue de laquelle, sur la base des vues exprimées, un comité de rédaction est désigné
au scrutin secret. Ce comité se compose en principe de deux juges partageant l’opinion de la

majorité de la Cour et du président, à moins qu’il apparaisse que celui-ci est dans la minorité. Ce
comité prépare d’abord un avant-projet de texte qui fait l’objet d’amendements écrits, puis deux
projets, qui font l’objet de deux lectures successives. Entre-temps, les juges qui le souhaitent
peuvent préparer une déclaration, une opinion individuelle ou une opinion dissidente, dont la
première version doit être définie après la première lecture du projet. Le scrutin final intervient
après l’adoption du texte définitif de l’arrêt en seconde lecture.

___________

Note : Les communiqués de presse de la Cour sont rédigés par le Greffe uniquement à titre
d’information et ne constituent pas des documents officiels.

___________ - 6 -

Les conclusions finales présentées par les Parties les 21 mars, 28 mars et 1 avril 2014 sont

disponibles, sous forme de fichiers vidéos dans la langue originale (anglais) dans laquelle elles ont
été présentées. Ces fichiers vidéos (proposés en trois formats : flash, SD/mpeg2 et HD/mpeg4)
peuvent être téléchargés sur le site Internet de la Cour, à la rubrique «Galerie multimédia».

___________

La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des
Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies et a entamé
ses activités en avril 1946. La Cour a son siège au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas). C’est
le seul des six organes principaux de l’ONU dont le siège ne soit pas à New York. La Cour a une
double mission, consistant, d’une part, à régler conformément au droit international les différends
d’ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats (par des arrêts qui ont force obligatoire et sont

sans appel pour les parties concernées) et, d’autre part, à donner des avis consultatifs sur les
questions juridiques qui peuvent lui être soumises par les organes de l’ONU et les institutions du
système dûment autorisées à le faire. La Cour est composée de quinze juges, élus pour un mandat
de neuf ans par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Indépendante du
Secrétariat des Nations Unies, elle est assistée par un Greffe, son propre secrétariat international,
dont l’activité revêt un aspect judiciaire et diplomatique et un aspect administratif. Les langues

officielles de la Cour sont le français et l’anglais. Aussi appelée «Cour mondiale», elle est la seule
juridiction universelle à compétence générale.

Il convient de ne pas confondre la CIJ, juridiction uniquement ouverte aux Etats (pour la
procédure contentieuse) et à certains organes et institutions du système des Nations Unies (pour la
procédure consultative), avec les autres institutions judiciaires, pénales pour la plupart, établies à
La Haye et dans sa proche banlieue, comme le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

(ou TPIY, juridiction ad hoc créée par le Conseil de sécurité), la Cour pénale internationale (ou
CPI, la première juridiction pénale internationale permanente, créée par traité, qui n’appartient pas
au système des Nations Unies), le Tribunal spécial pour le Liban (ou TSL, organe judiciaire
indépendant composé de juges libanais et internationaux qui ne relève pas des Nations Unies ni du
système judiciaire libanais), ou encore la Cour permanente d’arbitrage (ou CPA, institution
indépendante permettant de constituer des tribunaux arbitraux dont elle facilite le fonctionnement,

conformément à la Convention de La Haye de 1899).

___________

Département de l’information :

M. Andreï Poskakoukhine, premier secrétaire de la Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)
M. Boris Heim, attaché d’information (+31 (0)70 302 2337)
Mme Joanne Moore, attachée d’information adjointe (+31 (0)70 302 2394)
Mme Genoveva Madurga, assistante administrative (+31 (0)70 302 2396)

ICJ document subtitle

- Fin des audiences publiques - La Cour prête à entamer son délibéré

Document file FR
Document
Document Long Title

Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie) - Fin des audiences publiques - La Cour prête à entamer son délibéré

Links