Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali) - Arrêt de la Chambre

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9993
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Number (Press Release, Order, etc)
1986/18
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, 2517 KJ La Haye. Tél.92 44 41. Teiegr.Intercourt, La Haye.

Télex 32323.
Communiqué -
non officlel
pourpub11cet;oin mmédiate

No 86/18
Le 22 décembre 1986

Dif f érend frontalier (Burkina ~aso/~ali)

Arrêt de la Chambre

Le Greffe de la Cour internationale de Justice met à la disposition
de la presse les renseignement suivants :

Aujourd'hui 22 décembre 1986, la Chambre constituée par la Cour
internationale de Justice en l'affaire du Différend frontalier entre le

Burkina Faso et la République du Mali a rendu son arrêt. Elle a adopté à
l'unanimité le tracé de la ligne frontière dans la zone contestée entre
les deux Etats.

(Pour le tracé de cette ligne, voir annexe 2, carte 2.)

La composition de la Chambre était la suivante :
M. Mohammed Bedjaoui, président; MM. Manfred Lachs et José Maria Ruda,

juges; MM. François Luchaire et Georges Abi-Saab, juges ad hoc.

Dispositif de l'arrêt de la Chambre

"LA CHAMBRE,

à l'unanimité,

Décide

A. Que le tracé de 1.a frontFère entre le Burkina Faso et
la Ropublique du Mali d2ns la zone contestée telle qu'elle est
définje dans le compromis conclu le lt) s~ptembre 1983 entre ces
deux Mats est le si~ivant :

1.) Partant. .. 1) Partant d'un point de coordonnées géographiques
1" 59' 01" ouest et 14O 24' 40" nord (point A), la ligne prend
une direction nord en suivant la ligne en croisillons
discontinus qui figure sur la carte de l'llfrique de l'ouest
au 11200 000 éditée par l'Institut géographique national (IGN)
français
(ci-après dénommée "la ligne IGN") jusqu'au point de
coordonnées géographiques 1" 58' 49" ouest et 14" 28' 30" nord
(point BI.

2) Au point B, la ligne s'infléchit vers l'est et coupe la
piste reliant Dionouga et Digue1 à approximativement

7,5 kilomètres de Dionouga en un point de coordonnées
géographiques 1" 54' 24" ouest et 14" 29' 20" nord (point CI.

3) Du point C, la ligne passe à une distance approximative
de 2 kilomètres au sud des villages de Kounia et d'0ukoulourou

par le point de coordonnées géographiques 1" 46' 38" ouest et
14" 28' 54" nord (point D) et le point de coordonnées
1" 40' 40" ouest et 14" 30' 03" nord (point El.

4) Du point E, la ligne continue tout droit jusqu'à un

point de coordonnées géographiques 1" 19' 05" ouest et
14" 43' 45" nord (point F) situé à 2,6 kilomètres
approximativement au sud de la mare de Toussougou.

5) Du point F, la ligne continue tout droit jusqu'au point

de coordonnées géographiques 1" 05' 34" ouest et 14" 47' 04"
nord (point G) situé sur le rivage ouest de la mare de Soum,
qu'elle traverse en suivant une direction générale d'ouest en
est et en la divisant en parts égales entre les deux Etats;
elle remonte ensuite selon une direction générale nordlnord-est

pour rejoindre la ligne IGN au point de coordonnées
géographiques 0" 43' 29" ouest et 15" 05' 00" nord (point H).

6) Du point H, la ligne suit la ligne IGN jusqu'au point
de coordonnées géographiques 0" 26' 35" ouest et 15" 05' 00"
nord (point 1); de là, elle s'infléchit vers le sud-est et

continue tout droit jusqu'au point J défini ci-dessous.

7) Les points J et K, dont les coordonnées géographiques
seront déterminées par les Parties avec l'aide des experts
désignés conformément à l'article IV du compromis, répondent à

trois conditions : ils se situent sur le mêmeparallèle de
latitude; le point J se trouve sur le rivage ouest de la mare
d'In Abao et le point K sur le rivage est de cette mare; la
ligne tracGe entre eux aura pour effet de diviser l'étendue de
la mare en parts égales entre les Parties. 8) Au point K, la ligne s'infléchit vers le nord-est et

continue tout droit jusqu'au point de coordonnées géographiques
0" 14' 44" ouest et 15" 04' 42" nord (point L) et, de ce point,
elle continue tout droit jusqu'à un point de coordonnées
géographiques O0 14' 39" est et 14O 54' 48" nord (point M)
situé approximativc?ment à 3 kilomètres au nord du gué de

Kabia.

B. Que la Chambre désignera ultérieurement, par
ordonnance, trois experts conformément à l'article IV,
alinéa 3, du compromis du 16 septembre 1983."

Des opinions individuelles ont été jointes à l'arrêt par
MM. François Luchaire et Georges Abi-Saab, juges ad hoc.

Les juges intéressEs définissent et expliquent dans ces opinions la
position qu'ils prennent sur certains points traités dans l'arrêt. On en
trouvera un bref aperçu à l'annexe 1 au présent communiqué.

Le texte imprimé de l'arrêt sera disponible dans les prochaines
semaines (s'adresser à la Section de la distribution et des ventes,

Office des Nations Unies, 1211 Genève 10; à la Section des ventes,
Nations Unies, New York, N.Y. 10017; ou à toute librairie spécialisée).

On trouvera ci-après une analyse de l'arrêt, Cette analyse,
préparée par le Greffe pour faciliter le travail de la presse, n'engage
en aucune façon la Cour. Elle ne saurait être citée à l'encontre du

texte mêmede l'arrêt, dont elle ne constitue pas une interprétation.

Analvse... Analyse de l'arrêt

1. Qualités (par. 1 à 15)

La Chambre rappelle les phases successives de la procédure, depuis
la notification au Greffier du compromis conclu le 16 septembre 1983
entre la République de Haute-Vo'lta (devenue le Burkina Faso depuis le
4 aoQt 1984) et la République du Mali par lequel les deux Etats

convenaient de soumettre à une chambre de la Cour un différend concernant
la délimitation d'une partie de leur frontière commune.

II. Mission de la Chambre (par. 16 à 18)

La tâche de la Chambre consiste à indiquer le tracé de la frontière W
entre le Burkina Faso et la République du Mali dans la zone contestée qui
est définie par l'article 1 du compromis comme "une bande de territoire
qui s'étend du secteur de Koro (~ali) Djibo aute te-volta) jusques et y
compris la région du Béli". Les deux Etats ont indiqué, dans les

conclusions soumises à la Chambre, le tracé de la frontière que chacune
d'elles considère comme fondé en droit. Ces tracés sont figurés sur le
croquis no 1 de l'arrêt.

III. Règles applicables. Source des droits que les Parties revendiquent

(par. 19 à 30)

1. Le principe de l'intangibilité des frontières héritées de
la colonisation (~ar. 19)

L'arrêt examine les règles applicables aux fins de l'affaire, en
s'efforçant de dégager la source des droits que les Parties
revendiquent. Il note tout d'abord que la détermination de la frontière
à laquelle la Chambre doit procéder s'inscrit dans un contexte juridique
marqué par le fait que les Etats en litige sont tous deux issus du

processus de décolonisation qui s'est déroulé en Afrique pendant les
trente dernières années : on peut dire que le Burkina Faso correspond à
la colonie de la Haute-Volta et la République du Mali à celle du Soudan
(anciennement Soudan français). Les deux Parties ont indiqué dans le
préambule de leur compromis que le règlement du différend qui les oppose
doit être "fondé notamment sur le respect du principe de l'intangibilité

des frontières héritées de la colonisation", ce qui rappelle le principe
proclamé dans la résolution AG~/~es.16(1) adoptée au Caire en
juillet 1964 à la première conférence au sommet qui a suivi la création
de l'OUA selon lequel "tous les Etats membres s'engagent à respecter les
frontières existant au moment où ils ont accédé à l'indépendance".

2. Le principe de l'uti possidetis juris (~ar. 20 à 26)

Cela étant la Chambre ne saurait écarter le principe de l'ut-
possidetis juris dont l'application a précisément pour conséquence le
respect des frontières héritées. Elle souligne la portée générale du

principe ...principe en matière de décolonisation ainsi que l'importance qu'il revêt
pour le continent africain, y compris ifs deux Parties à l'affaire. Bien
que ce principe ait été invoqué pour la première fois en Amérique
hispanique, il n'a pas pour autant le czractère d'une r6gl.e inhérente à
un système déterminé de droit international. C'est un principe de portée

générale, logiquement lié au phénomène de l'accession à l'indépendance où
qu'il se manifeste. Son but évident est S'éviter que l'indépendance et
la stabilité des nouveaux Etats ne soient mrs en danger par des luttes
nées de la contestation des frontières à la suite du retrait de la
puissance administrante. Il faut donc voir dans le respect par les

nouveaux Etats africains du statu quo tel:ritorial au moment de
l'accession à l'indépendance non pas une sjmple pratique mais bien
l'application en Afrique d'une r6gi.s dont il ne semble d'ailleurs pas
nécessaire à la Chambre de démontrer aux fins de l'affaire qu'il s'agit
d'un principe de portée générale bien établi en matière de décolonisation.

Le principe de l'uti possidetis juris accorde au titre juridique la
prééminence sur la pos~ession effective comme base de souveraineté. 11
vise avant tout à assurer le respect des limites territoriales au moment
Lorsque ces limites n'étaient que des
de l'accession à l'indépendance.
délimitations entre divisions administratives ou colonies relevant toutes
de la mêmesouveraineté, l'application du principe les transformait en
frontières internationales et c'est ce qui s'est produit pour les deux
Etats Parties à l'affaire qui se sont constitués sur les territoires de
l'Afrique occidentale française. Lorsque ces limites étaient déjà au

moment de la décolonisation des frontières internationales, l'obligation
de respecter les frontières internationales préexistantes découle d'une
règle générale de droit international relative au cas de succession
d'Etats. Les nombreuses affirmations solennelles relatives à
l'intangibilité des frontjères émanant d'hommes dfEtats africains ou

d'organes de l'OUA doivent donc être comprises corne des réE6rences à un
principe déjà existant et non pas comme des affirmations visant la
formation d'un principe nouveau ou l'extension 2 l'Afrique d'une règle
seulement ;ipplieatile josque-li dans i~riautre continent.

Ce principe de l'u.ti possidetis heurte de frotlr en apparence celui

du drcait des peuples à-?iisposer d'exx-mêmes. Mais eri r6alité le maintien
du s-atu quo territorial en Airlque ap?araft souvent comme une solution
de sagesse. C'est le besoin vital de stabilité pour surv1vrt, se
developper et consolider progressivement leur indGpendanre dans taus les
domaines qui a amené les Etacs nfricains à consenciî- au respect des

limites ou frontières coloniales et à en tenir compte dans
l'interprétation du prlncipe de l'autodérermination des peliples. Si le
principe de l'uti possideLis s%st naintenu au ranE des principes
jtirldiques lesT~us importants, c' -st que les Etats africafns l'ont
retenu par un choix délibéré.

3. Le rôle de l'é~iuité (ynr. 27-26)

La Chambre examl~it! ensultf-. I.a qursti n.1 de çûvoir s'l L est poss thle
dans la présente espèce d' ~iivi>ci,rie1'ér;tii te à l'égard de laquelle let,

deux Parties ont avance des vues cppos6cs. Elle ne peut - cela est
clair - statuer ex aequo-- et bovi3-- puis.qufelle n'en pas été chargée parles Parties. Mais elle prendrean considératioln'équitétellequ'elle
s'exprimedans sonaspect infralegem,c'est-à-dire cette formed'équité
qui constitue une méthode d'interprétatid ondroitet qui reposesur le
droit. La priseen considération concrètede cetteéquité ressortird ae
l'application que la Chambre ferades principeset règlesqu'elleaura
jugésapplicables.

4. Le droit françaisd'outre-mer(par.29-30)

Les Partiess'accordent à reconnaîtreque ladétermination du tracé
de la frontièredoit s'apprécier aussià la lumière dudroitfrançais
d'outre-mer. La ligne quela Chambredoit déterminer comme étantcelle
qui existait en 1959-1960n'étai~à l'origine qu'unl eimite
administrative séparantdeux anciensterritoires françaisd'outre-meret,
comme telle, elle étaitalors nécessairement défininon pas par le droit
international maisd'aprèsla législation français applicableà ces
territoires. La Chambre précise d'ailleursà ce sujetque le droit
international - et donc le principe dl'utipossidetis- s'appliqueà
1'Etatnouveaudès son accessionà l'indépendance et non pas avec effet
rétroactif. 11 gèle le titre territorial. Le droit internationalne
Si celui-ciintervient,
renvoiepas au droitde 1'Etatcolonisateur.
c'est comme unélémentde faftparmid'autresou comme moyen de preuve du
"legscolonial"à la date critique.

IV. Evolution del'organisation administrati( vear.31 à 33)

Après avoirbrièvementrappelél'organisation administrative
territoriale del'Afrique occidental française dont les deux Parties
faisaient partie, avesca pyramidede circonscriptions (colonies,
cercles,subdivisions, cantons ,illages), l'arrêretrace l'historique
des deux coloniesdont il s'agitdepuis1919,afin dedéterminerce
qu'étaitpour chacune des Partiesle legs colonial auquel devait
Le Mali a accédéà l'indépendanceen 1960
s'appliquer l'uti possidetis.
sous le nom de Fédération duMali, celle-ci succédant la République
soudanaise,elle-même née en 1959d'un territoired'outre-mer -énommé
Soudanfrançais. Quanà la Haute-Voltadont l'histoire esptlus
compliquée, ellea été crééeen 1919,supprimée en1932,puis
reconstituéepar la loi du 4 septembre1947 selonlaquelleles limitesdu
"territoirede la Haute-Voltarétabli" seraient "cellesde l'ancienne
coloniede la Haute-Voltaà la date du 5 septembre1932". C'estcette
Haute-Volta reconstitué qui a accédéà l'indépendanceen 1960et a pris
le nom de BurkinaFaso en 1984. Il s'agitdonc en l'espèce de rechercher
quelleest la frontière héritéede l'administrationfrançaise, et plus
précisémentquelleétaitdans la zonelitigieusela frontière entre les
territoiresd'outre-merdu Soudanet la Haute-Volta tellq eu'elle
existait en1959-1960. Les deux Partiess'accordent pour dire qu'au

momentde l'indépendanci el y avaitune frontièrebien définie etpour
admettrequ'aucunemodification n'est survenuedans lazone contestée
entre janvier 1959et août 1960 ou depuislors.

V. Le...V. Le différend entre les Parties et la question préalable de

l'acauiescement éventuel du Mali (par. 34 à 43)

Le Burkina Faso so,utient que le Mali a accepté conme obligatoire la
solution du différend e;squissée par la Commission de médiation de l'OUA
qui a siégé en 1975. Si cet argument basé sur l'acquiescement était bien
fondé, il aurait pour e:ffet de rendre Inutile toute recherche destinée à

établir la frontière hé.ritée de la période coloniale.

La Chambre examine donc si le Mali avait, coume l'affirme le
Burkina Faso, acquiescé à la solution esquissée dans le cadre de la
commission bien que celle-ci n'ait jamais réellement terminé ses

travaux. Elle traite en premier lieu de l'élément d'acquiescement que
serait, selon le Burkina Faso, la déclaration faite par le chef de 1'Etat
malien le 11 avril 1975 par lequel le Mali se serait déclaré d'avance lié
par le rapport que la c~ommission de médiation devait rédiger sur la base
des propositions concrètes de sa sous-commission juridique. Ce rapport
n'a pas vu le jour mais les propositions de la sous-commission sont

connues. Après examen let compte tenu de la jurisprudence de la Cour, la
Chambre estime qu'il n'.y a pas lieu d'interpréter cette déclaration comme
un acte unilatéral comportant des effets juridiques au regard du
différend. L'arrêt traite en second lieu des principes de délimitation
retenus par la sous-commission juridique dont, d'après le Burkina Faso,
le Mali aurait accepté qu'ils soient pris en considération aux fins de la

délimitation litigieuse. Après avoir pesé les arguments des Parties, la
Chambre conclut que, puisqu'elle aura à fixer le tracé de la frontière
sur la base du droit international, peu importe que l'attitude du Mali
puisse ou non s'interpriéter comme une prise de position déterminée, voire
un acquiescement, quant aux principes jugés applicables à la solution du
différend par la sous-commission juridique. S'ils sont applicables en

tant qu'éléments de droit, ils le sont qiielle qu'ajt été l'attitiide du
Mali. Il n'en irait autrement que si les deux Parties lui avaient
demandé d'en tenir compte ou leur avaient réservé une place spéciale dans
le compromis en tant qüe "règles expressement reconnues par les Etats en
litige" (art. 38, par. 1 a), du statut), ce qui n'est pas le cas.

VI. Question préaleble : fixac;io.- ..---oint triple [par. 44 à SU)

La Chambre regle une autre question préalable, celle de savoir de
quels pouvoirs elle dispose au regard de ia fixation du point triple qui

constitue le point terminal oriental de iù frontière entre les Parties.
Celles-ci ont des vues opposhes ii ce sujet : le Mali soütienc que la
détermination du point Niger-Mali-Burkina Faso ne peut être opérée par
les Parties sans l'accord du Niger et que la Chambra ne peut pas y
procéder non plus; le Burkina Faso considiore que la Chambre doit, en
vertu du compromis, se prononcer sur la situation du potnt triple. Pour

ce qui est de sa compétence, la Chambre considère que, selon les termes
clairs du compromis, l'intention commune des Parties était qu'elle
indique le tracé de la frontiCre dias twSe la zone contestGe. Elle
estime en ciutre que sa compétence n,.se trouve pas limitée du seul lait
que Le point terminal de la frontigïe se situe sur la frontière d'un Etat
tiers non partie à l'instance. :,es droits de I'Etat volsin, Le Niger,

sont sauvegardés en tout état de cause par le jeii de l'article 59 du
Statut de la Cour. QusnE à savolr di des considirations liees 2 la

sauvegarde.. .sauvegarde des intérêts de lqEtat tiers concerné devraient l'amener à
s'abstenir d'exercer sa compétence pour identifier le tracé de la ligne
jusqu'au bout, cela supposerait d'après elle que les intérêts juridiques

de cet Etat seraient non seulement touchés par sa décision mais
constitueraient lqobjet mêmede la décision. Tel n'est pas le cas en
l'espèce. Il incombe par suite à la Chambre de constater jusqu'où
s'étend la frontière héritée de i'Etat colonisateur. 11 s'agit moins
pour elle d'indiquer un point triple que l'emplacement du point terminal

de la frontière à l'est, point oc cette frontière cesse de séparer le
Burkina Faso de la République du Mali.

VII. Moyens de preuve invoqués par les Parties (par. 51 à 65)

Pour étayer leurs thèses, les Parties ont invoqué divers moyens de
preuve.

1. Elles ont cité des textes législatifs et réglementaires ou

documents administratifs parmi lesquels le document fondamental est la
loi française du 4 septembre 1947 "tendant au rétablissement du
territoire de la Haute-Volta" qui disposait que les limites du territoire
rétabli seraient "celles de l'ancienne colonie de la Haute-Volta à la
date du 5 septembre 1932". Ces limites étaient toujours, au moment de

l'accession à l'indépendance en 1960, celles qui existaient à la date du
5 septembre 1932. Les textes et documents produits ne contiennent aucune
description complète du tracé de la limite entre le Soudan français et la
Haute-Volta pendant les deux périodes où ces colonies ont coexisté
(1919-1932 et 1947-1960). Ils sont d'une portée limitée et leur valeur

juridique ou leur interprétation font l'objet de controverses entre les
Parties.

2. Les deux Etats ont produit aussi un matériau cartographique

volumineux et diversifié. Elles ont consacré des développ- -nts
approfondis à la question de la force probante de la cartographie et à la W
valeur juridique comparée des divers éléments de preuve présentés. La
Chambre note que, en matière de délimitation de frontières, les cartes ne
sont que de simples indications et ne constituent jamais à elles seules

un titre territorial. Elles ne sont que des éléments de preuve
extrinsèques auxquels il peut être fait appel, parmi d'autres éléments de
preuve, pour établir la matérialité des faits. Leur valeur dépend de
leur fiabilité technique et de leur neutralité par rapport au différend
et aux Parties au différend et elles ne peuvent avoir pour effet de

renverser le fardeau de la preuve.

Examinant les cartes produites en l'espèce, la Chambre note qu'elle
n'a à sa disposition aucune carte qui illustrerait d'une manière
officielle et directe le libellé des quatre textes essentiels (voir la
section VI11 ci-après) alors mêmeque deux d'entre eux devaient, selon

leurs termes mêmes, être accompagnés de cartes. S'il est vrai qu'elle a
devant elle une masse considérable de cartes, croquis et dessins pour une
région réputée en partie inconnue, aucun tracé frontalier indiscutable ne
peut en être dégagé. Une vigilance particulière s'impose donc dans
l'examen du dossier cartographique. Deux des cartes produites présentent une importance toute

particulière. Il s'agit: de la carte des colonies de l'Afrique
occidentale française au 1/500 OOOe, édition de 1925 dite carte Blondel
la Rougery et de la carte de l'Afrique de l'ouest au 1/200 OOOe, publiée
par l'Institut géographique national français (IGN) et originairement
éditée entre 1958 et 1960. La Chambre estime, en ce qui concerne la

première, que les limites administratives qui y figurent ne jouissent
d'aucune autorité particulière en elles-mêmes. Pour ce qui est de la
seconde, la Chambre considère que, ayant été établie par un organisme
neutre par rapport aux Parties, et sans avoir valeur de titre juridique,
elle constitue une représentation visuelle des textes disponibles et des
renseignements recueillis sur le terrain. Si toutes les autres preuves

font défaut ou ne suffisent pas pour faire apparaître un tracé précis, la
valeur probante de la carte de 1'IGN devient déterminante.

3. Parmi les élémerits de preuve à prendre en considération, les
Parties invoquent les "effectivités coloniales" autrement dit le

comportement des autorii:és administratives en tant que preuve de
l'exercice effectif de c:ompétences territoriales dans la région pendant
la péri-ode coloniale. Le rôle joué par ces effectivités est complexe et
ia Cliambre devra peser soigneusement leur valeur juridique dans chaque
cas d'espèce.

Chambre relève Xe caractère très particulier de l'affaire en ce
Bien que
qul :oncerne les faits â démontrer ou les preuves à produire.
les Parties aient fourni un dossier aussi complet que possible, la
Chambre ne peut pas pour autant avoir la certitude de statuer en pleine
coiinaissance de cause. Le dossier présente des incohérences et des
lacti~~s. L'application systématique de la règle relative à la charge de
ln prF1ilJe ne siurait apporter toujours la sol.ution et le rejet d'iin
areum;l,lt faute de preuw3 ne suffit pas pour que la thèse contraire puisse

6 trp re tcriüe .

VI LI. T;t~*r<; 1i;gislatiE:; et réglementaires et documents admi n~atratifs
---invoques p?r les Parti-s : leur applicabilité à la détermi2ation de la
liqne frontière (par. b6 5 105) et leur mise en oeuvre (par. 106 à 111)
Pm-- ---

L-5 Chambre examine de plus près les titres LG~islatifs et
rée;lementajres et les documents admtnistratifs invoques par les Parties
afin il'nppr6cier la valeur de cli,icun d'eux aux fins dli trac6 de la ligne
Erc~nt i èr~ dms le sccteiur auquel ils se rapportent . L'arrêt presente ces

teut~c; (!<-ns l'ordre chronolop,ique :

- 4--êt6 du 71 --cemb-e 1922 -ortant réorganisation dc la région de
J'o.nl~ou(.it?:i. Les Parties s,,nt rj'accord pour r.c?c»nriaîlre :;a vnlidit.6 et

- Arrêté. ..- Arrêté en date du 31 aoQt 1927 pris par le gouvern.eur général par
intérim de 1'AOF et relatif aux limites des colonies du Niger et de la
Haute-Volta; cet arrêté a été modifié par un erratum du

5 octobre 1927. Les Parties le tiennent toutes deux pour pertinent en
tant qu'il se réfère au point triple dont il a été question plus haut
(section VI). Mais elles ont des avis opposés sur sa validité, le Mali
soutenant que l'arrêté et son erratum sont viciés par une erreur de
fait relative à l'eniplacement des hauteurs de N'Gouma de sorte que le

Burkina Faso ne serait pas fondé à s'en prévaloir. La Chambre souligne
qu'en l'espèce l'arrêté et son erratum n'ont d'autre valeur que celle
d'un élément de preuve quant à l'emplacement du point terminal de la
limite entre le Soudan français et la Haute-Volta et elle estime
inutile de chercher à établir la validité juridique du texte, dont sa

valeur probante - admise d'ailleurs par le Mali - est indépendante.

- Décret du 5 septembre 1932 portant suppression de la colonie de la
Haute-Volta et rattachement des cercles qui l'avaient composée soit au
Soudan français soit au Niger (voir le croquis no 2 de l'arrêt).

- Echange de lettres intervenu en 1935 : Il s'agit de la lettre 191 CM2
du 19 février 1935 adressée aux lieutenants-gouver-eurs du Nige- et du
Soudan français par le gouverneur général de l'Afrique occidentale
française et de la réponse du lieutenant-gouverneur du Soudan français
en date du 3 juin 1935. Le gouverneur général proposait une

description de la limite entre le Niger et le Soudan français à
laquelle le lieutenant-gouverneur du Soudan n'a proposé qu'une
modification. Cette description correspondrait au tracé figurant sur
la carte Blondel La Rougery (voir le croquis no 3 de l'arrêt). Le
projet n'a pas eu de suite mais son interprétation fait l'objet de
controverses entre les Parties, la question étant de savoir si la

limite proposée se bornait à décrire une limite de fait existante
(thèse déclaratoire du Burkina Faso) ou si la lettre traduisait
l'intention de définir de novo la limite de droit (thèse modificatrice
du Mali). La Chambre conclut que la définition de la limite telle
qu'elle figure dans la lettre 191 CM2 correspondait, dans l'esprit du

gouverneur général comme de tous les administrateurs consultés, à la
situation existante.

- Arrêté 2728 AP pris le 27 novembre 1935 par le gouverneur général par
intérim de l'Afrique occidentale française portant délimitation des

cercles de ~afoulabé, Bamako et Mopti (Soudan français). Celui-ci
était limitrophe du cercle de Ouahigouya, soudanais à l'époque qui est
redevenu voltaïque à partir de 1947. Cette limite devait constituer de
nouveau la limite entre les territoires de la Haute-Volta et du Soudan
jusqu'à l'indépendance, d'où son intérêt. Le texte décrit la limite
orientale du cercle soudanais de Mopti, à savoir "une ligne

sensiblement nord-est laissant au ccrcle de Mopti les villages de Yoro,
Dioulouna, OukouLou, Agoulourou, Koubo..." . Les Parties ne s'entendent
pas sur l'effet juridique qu'il faut reconnaître à cette disposition.
Elles s'opposent sur le point de savoir si la ligne indiquée par le
texte, en "laissant" au cercle de Mopti les villages en question, a eu

pour effet d'attribuer à ce cercle des villages qui faisaient partie
auparavant d'un autre cercle (thèse du Burkina Faso) ou si au contraire
la définition de cette ligne impliquait que ces villages appartenaient
déjà au cercle de Mopti (tlièse du Mali). La Chambre recherche si elle peut tirer du texte mêmede

l'arrêté 2728 AP et du contexte administratif dans lequel il s'inscrit
des indications quant à la portée que le gouverneur général par intérim
avait voulu lui donner. Elle déduit de son examen qu'il existe au
moins une présomption que l'arrêté 2728 AP n'a pas eu pour fin ni pour
effet de modifier les limites existant en 1935 entre les cercles

soudanais de Mopti et de Ouahigouya (aucune modification n'étant
intervenue entre 1932 et 1935). La Chambre recherche ensuite si le
contenu de l'arrêté 2728 AP a pour effet d'infirmer ou de confirmer
cette présomption et conclut d'une étude approfondie des éléments
documentaires et cartographiques permettant de localiser les villages

qu'ils ne sont pas de nature à renverser la présomption selon laquelle
l'arrêté 2728 AP avait un caractère déclaratoire.

Dans le courant de sa démonstration, la Chambre précise que la partie
de la frontière pour la détermination de laquelle il faut dégager la
portée de l'arrêté 2728 AP a été dénomméedans l'arret "le secteur des

quatre villages", les termes "quatre villages" désignant les villages
de Dioulouna (qui peut être identifié au village connu actuellement
sous le nom de ~ionoug,a), Oukoulou, Agoulourou et Koubo (le village de
Yoro cité aussi dans l'arrêté appartenant sans aucun doute déjà au
cercle de Mopti et n'étant d'ailleurs pas en litige).

S'agissant
de la mise en oeuvre des documents, la Chambre examine
les relations qui peuvent être établies entre les éléments d'information
fournis par les divers t:extes qu'elle doit appliquer et fait diverses
constatations. Elle note que sur certains points ils sont en harmonie et
se renforcent mutuellement mais qu'à certains égards, w les défaillances
cartographiques à llépoq,ue, ils paraissent parfois contradictoires (voir

le croquis no 4 de l'arrêt).

IX. Détermination de la frontiere dans la zone contestée (par. 112 à 174)
--

1. Le point terminal ouest (par. 112-113)

La Chambre fixe tout d'abord le point terminal de la frontière déjà
établie entre elles d'un commun accord, autrement dit l'extrémité ouest

de la zone contestée. Les Parties n'ont pas clairement indiqué ce point
mais la Chambre croit pouvoir conclure qu'elles reconnaissent toutes deux
le tracé frontalier indiqué sur la carte de l'Afrique de l'ouest au
1/200 OOOe éditée par 1'IGN au sud du point de coordonnées géographiques
1' 59' 01" O et 14" 24' 40" N (point A de la carte jointe à l'arrêt).
C'est à partir de ce poi.nt que les Parties lui demandent d'indiquer le

tracé de la frontière commune vers l'est.

2. Villages... 2. Villages et hameaux de culture (par. 114 à 117)

La Chambre estime devoir examiner le sens à donner au mot "village"

car les textes réglementaires fixant les limites des circonscriptions se
contentent en général de mentionner les villages qui les constituent sans
fournir d'autre précision géographique. Or il se trouve que les
habitants d'un village cultivent souvent des terrains qui en sont assez
éloignés en s'installant dans des "hameaux de culture" dépendant de ce

village. La Chambre doit décider si, au regard de la délimitation à
laquelle elle est priée de procéder, les hameaux de culture font partie
des villages dont ils dépendent. Elle n'est pas convaincue que,
lorsqu'un village constituait un élément servant à définir la composition
d'une entité administrative plus large, on ait toujours pris en

considération ces hameaux de culture pour tracer la limite de cette
entité. C'est seulement après avoir examiné tous les éléments
d'information disponibles quant à l'extension d'un village donné qu'elle
sera à mêmede juger si un terrain déterminé doit être traité comme
partie de ce village, en dépit de la discontinuité, ou au contraire comme 1

hameau satellite non-inclus dans les limites du village.

3. Le secteur des quatre villages (par. 118 à 126)

L'arrêté 2728 AP définissant la limite entre les cercles de Mopti et
dlOuahigouya par référence aux villages "laissés" au cercle de Mopti, la
Chambre identifie les villages en question et détermine leur extension
territoriale. Elle constate que le Burkina Faso ne met pas en cause le
caractère malien du village de Yoro et qu'il n'y a pas de contestation

quant à la première partie de la frontière qui prend une direction nord à
partir du point A jusqu'au point de coordonnées 1" 58' 49" O et
14" 28' 30" N (point BI.

Pour ce qui est de Dionouga, les Parties s'accordent à l'assimiler
au village de Dioulouna mentionné dans l'arrêté. La Chambre estime

pouvoir conclure des éléments d'information à sa disposition, notamment
de ceux qui ont trait aux travaux de piste entrepris sur l'ordre des
administrateurs concernés et qui sont un élément significatif des
"effectivités", que la limite administrative existant au moment considéré
de l'époque coloniale coupait la piste reliant ce village au village

proche de Digue1 à une distance approximative de 7,5 km au sud de
Dionouga. Le tracé de la frontière fait donc de mêmeau point de
coordonnées 1" 54' 24" O et 14" 29' 20" N (point Cl.

Quant aux villages d'0ukoulou et d'Agoulourou mentionnés dans
l'arrêté 2728 AP, la Chambre souligne qu'il est sans importance que ces

villages existent ou non aujourd'hui. Leur disparition éventuelle est
sans effet sur la limite définie à l'époque. On peut noter toutefois que
la situation des villages de Kounia et d'0ukoulourou correspond à celle
des deux villages cités dans l'arrêté.

En ce qui concerne Koubo, à propos duquel il existe une certaine
confusion de toponymes, les informations dont dispose la Chambre ne
suffisent pas à établir avec certitude si c'est le village de Kobou ou le
hameau de Kobo qui correspond au village de Koubo mentionné dans
l'arrêté. Mais comme le hameau n'est qu'à 4 km du village, elle estime

qu'il y a lieu de les considérer comme un tout et de tracer la frontière
de façon à les laisser tous deux au Mali. La Chambre estime dès lors qu'une ligne tracée à une distance

approximative de 2 km au sud des villages actuels de Kounia et
d'0koulourou correspond à la limite décrite par l'arrêté 2728 AP. Elle
passe par le point de coordonnées 1" 46' 38" O et 14" 28' 54" N (point Dl
et par le point de coord.onnées 1" 40' 40" O et 14" 30' 03" N (point E).

4. La mare de Toussougou, la mare de Kétiouaire et la mare de Soum
(par. 127 à 150)

La ligne décrite dans l'arrêté 2728 AP de 1935 se prolonge dans une
direction "sensiblement au nord-est", en "passant au sud de la mare de
Toussougou pour aboutir en un point situé à l'est de la mare de

Kétiouaire". L'emplacerrient de ces mares pose un problème car aucune des
cartes contemporaines de l'arrêté que les Parties ont présentées à la
Chambre n'indique de mares portant ces noms. Les deux Parties admettent
cependant qu'il existe aLumoins une mare dans la région du village de
Toussougou mais elles n'ont offert que des cartes contradictoires comme
éléments de preuve. La question qui se pose est de savoir si la mare de

Féto Maraboulé, située au sud-ouest du village et portée sur les cartes
assez récemment, en fait: ou non partie intégrante. La Chambre est d'avis
que les deux mares resteint distinctes, mêmependant la saison des pluies
et que la mare de Féto 1Iaraboulé ne doit pas être assimilée à la mare de
Toussougou visée par l'arrêté, qui est plus petite et se situe près du

village du même nom. En outre, une telle assimilation aurait des effets
sur le tracé de la ligne. La Chambre qui doit interpréter la mention de
la mare de Toussougou dans l'arrêté 2728 AP croit devoir retenir
l'interprétation ayant pour effet de minimiser la marge d'erreur que
comporterait la définition du point triple marquant la rencontre des
cercles de Mopti, Ouahigouya et Dori donnée par la lettre 191 CM2. Avant

de définir le tracé de la ligne par rapport à la mare de Toussougou, la
Chambre cherche à localiser la mare de Kétiouaire près de l.aquelle la
limite dgcrite dans l'arrêté 2728 AP passait également.

La mare de Kétiouaire constitue dam l'arrêté 2428 AP un élément
important de la limite qu'il définit. 11 importe donc de savoir s'il

existait en 1935 une mare se trouvant dans :nie direction "sensiblement
nord-est" par rapport à un pcint situé "au sud de la mare de Toussougou"
et à proximité du point triple marquant la rencontre des cercles de
Mopti, Gourma-Rharous et. Dori el 2 l'ouest de celui-ci. Connpte %nu de
tous les éléments d'information !ont elle dispose, la Chambre n'est pas
en mesure de localiser 1-a marc de Kétiouaire.
Elle n'estime pas non plus
pouvoir conclure à l'identite de la mare de Kétiouaire avec La mare de
Soum, située à quelques kilomètres à lqest/nord-est de la mare de
Toussougou et à proximite du point de rtncontïo, non pss des troj-s
cercles susvisés, mais des cercles de Mopti, Ouahigouya et Dori.

Elle n'en est pas moins convaincue par les pièces du dossier que la

mare de Soum est une mare frontalière mais ne voit aucun indPce datant de
la période colcrnizlc qiii permettrait d'affirmer que la ligne doit passer
au nord ou au sud de ta mare au la diviser. Cela étant, la Chambre note
que, si elle n'a reçu 9ilcuiln;,-ridatdes Parti~ç pc~ut choisir en toute
liberté une frontière approprie^, ellc n'en a pris moins mi~sion de traccr

une ligne précise et qu''elle peut à cet effet Caire appel R l'équité
--fra legem dont les Part-Le.; i>nt d 'ail leurs reconnu l'appl lcabil iti! en

1'espèce. ..l'espèce. Pour parvenir à une solution équitable de ce genre, reposant
sur le droit applicable, la Chambre croit devoir notamment tenir compte
des circonstances dans lesquelles les commandants de deux cercles
limitrophes, l'un au Mali et l'autre en Haute-Volta, ont reconnu dans un

accord de 1965, non entériné par les autorités compétentes, que la mare
devait être partagée. Elle conclut que la mare de Soum doit être divisée
en deux, de façon équitable. La ligne devrait donc traverser la mare de
façon à diviser en parts égales, entre les deux Etats, l'étendue maximale
de la mare pendant la saison des pluies.

Elle note que cette ligne ne passe pas par les coordonnées
mentionnées dans la lettre 191 CM2 et l'examen des données topographiques
l'amène à conclure que le point triple devait se trouver au sud-est du
point indiqué par ces coordonnées. Cette lettre n'étant pas devenu texte
réglementaire, elle ne vaut que comme preuve de la limite qui avait

"valeur de fait" à l'époque. Il apparaît à présent que les cartes alors
disponibles n'étaient pas d'une fidélité justifiant une définition aussi
précise. Par conséquent, que ces coordonnées se soient révélées moins
exactes que prévu n'a pas pour effet de remettre en cause les intentions
du gouverneur général ou d'ôter toute valeur probante à la lettre.

Le tracé de la limite est le suivant dans cette région : à partir du
point E, la ligne continue tout droit jusqu'à un point de coordonnées
1" 19' 05" O et 14" 43' 45" N situé à 2,6 km environ au sud de la mare de
Toussougou (point F) puis gagne la mare de Soum au point de coordonnées

1' 05' 34" O et 14" 47' 04" N (point G); elle traverse la mare d'ouest en
est en la divisant en parts égales.

5. Secteur mare de Soum - mont Tabakarech (par. 151 à 156)

Pour déterminer le tracé de la frontière à l'est de la mare de Soum,
la Chambre doit se reporter aux termes de la lettre 191 CM2 de 1935 dont
elle a constaté la valeur probante. Selon le Burkina Faso, la ligne suit
les indications de cette lettre et de la carte Blondel La Rougery de 1925
à partir du point de coordonnées 0" 50' 47" O et 15' 00' 03" N et jusqu'à
*
la mare d'In Abao. Il paraît hors de doute que la lettre 191 CM2 tendait
à définir par un texte une limite qui figurait sur cette carte et les
Parties en conviennent. Le Mali a souligné son inexactitude et ses
faiblesses quant à la toponymie et à l'orographie. La Chambre considère
qu'aucun problème de choix de carte ne se pose dans le secteur mare de

Soum - Tabakarech. En l'absence d'autres indications tendant à
l'infirmer, l'interprétation de la lettre qui s'impose est que celle-ci
visait une ligne droite reliant le mont Tabakarech au point triple où
convergeaient les limites des cercles de Mopti, Ouahigouya et Dori.

La Chambre en conclut qu'à partir du point G la frontière remonte

selon une direction nordlnord-est jusqu'au point mentionné par le
Burkina Faso puis de ce point jusqu'au mont Tabakarech. Ce mont
s'identifie à celui qui figure sur la carte de 1'IGN au 1/200 OOOeSous
le nom de Tin Tabakat et dont les coordonnées ont 0' 43' 29" O et
15" 05' 00" N (point Hl.

6. La... 6. La mare d'In Abao (par. 157 à 163)

Pour tracer la suite de la ligne, la Chambre doit se reporter à
l'arrêté du 31 décembre 1922 pris par le gouverneur général de 1'AOF
selon lequel, à partir de la mare d'In Abao, la limite occidentale du
cercle de Gao suit "la limite septentrionale de la Haute-Volta". La

ligne que la Chambre do:it établir passe par cette mare. Il s'agit dès
lors de l'identifier pour déterminer le tracé de la frontière par rapport
à elle. Les diverses cartes contiennent des indications contradictoires
sur la situation et l'extension de la mare (voir le croquis no 5 de
l'arrêt). Il semble à la Chambre que, vu les éléments dont elle dispose,
se situe au confluent de deux marigots, l'un
cette mare est celle qui
dont le cours va d'ouest en est, le Béli, et l'autre dont le cours va du
nord au sud. En l'abseince d'indications plus précises et plus fiables
que celles qui lui ont été soumises sur la relation entre la ligne
frontière et la mare d'In Abao, la Chambre doit conclure que la frontière
traverse la mare de façon à la diviser en parts égales entre les deux

Parties.

La frontière doit suivre la ligne IGN à partir du point H jusqu'au
point de coordonnées 0" 26' 35" O et 15" 05' 00" N (point 1) où elle
s'infléchit vers le sud-est pour atteindre le Béli et continue tout droit

jusqu'au point J situé ,sur le bord ouest de la mare d'In Abao et au
point K situé sur le bord est de cette mare. Du point K la ligne remonte
vers le nord-est et rejoint la ligne IGN au point où celle-ci, après
avoir quitté le Béli en direction nord-est, repart en direction sud-est
en tant que limite orographique (point L - 0" 14' 44" O et
15" 04' 42" NI. Les points J et K seront déterminés avec l'aide des

experts désignés conformément à l'article IV du compromis.

7. Région du Béli (par. 164)

Pour toute la région, le Mali rejetant la lettre 191 CM2 de 1935 a
plaidé en faveur d'une frontière suivant le cours du marigot et les deux
Parties ont. longuement débattu du choix qui s'offrait à la puir.,.hance
administrante entre une frontière hydrographique suivant le Béli et une
frontière orographique suivant la ligne de faîte des élévations qui se
dressent au nord du marigot. La lettre 191 CM2constitue, de l'avis de

la Chambre, la preuve que c'est la limite orographique qui a étS
adoptée. S'agissant du tracé de la ligne dGcrite dans cette lettre, la
Chambre note que la carte de 1'IGN compte avec l'approbation des deux
Parties, du moins pour ce qui est de la représentation de la
topographie. Elle ne voit pas de raison de s'écarter de la ligne en

croisillons discontinus qui y figure et lui semble représenter fidèlement
la limite décrite par la lettre 191 CM2, sauf en ce qui concerne la
partie la plus orientale de la ligne à propos de laquelle se pose le
problème de la situatioln du mont NVGouma.

8. Les hauteurs -e: N'Gouma (par. 1.65 à 174)

Pour ce qui est du dernier segrneni de la ligne frontière, le
problêmc essentiel que ia Chambre doit résoudre est celui de
l'emplacement des "hauteurs de N'Gouma" mentionnées dans l'erratum àl'arrêté de 1927 relatif aux limites entre la Haute-Volta et le Niger
(voir le croquis no 6 de l'arrêt). Il fixait comme limite "une ligne

partant des hauteurs de N'Gouma, passant au gué de Kabia..." Le Mali a
argué que ce texte était vicié par une erreur de fait en ce qu'il plaçait
le mont N'Gouma au nord du gué, alors qu'il se trouvait au sud-est, comme
l'indique la carte IGN de 1960, seule représentation exacte de la réalité
selon lui. La Chambre a déjà dit qu'il ne convenait pas d'écarter
d'emblée le texte de l'arrêté et de son erratum mais qu'il fallait en

apprécier la valeur probante aux fins de la détermination du point
terminal de la frontière. Elle souligne que les cartes de l'époque,
comme la carte Blondel La Rougery de 1925, situaient le mont N'Gouma au
nord du gué de Kabia, ce que confirme aussi une carte au 111 000 OOOe où
elle voit un élément de preuve non négligeable bien qu'on ignore

l'autorité qui l'a approuvée. Si la carte au 11200 OOOe de 1'IGN de 1960
attribue à une hauteur située au sud-est du gué le nom de N'Gouma, elle
porte aussi des indications altimétriques qui permettent de supposer que
des hauteurs en quart de cercle, commençant au nord du gué et se
terminant à l'estlsud-est, constituent un seul ensemble que l'on pourrait w

dénommer N'Gouma. L'existence d'élévations au nord du gué est d'ailleurs
confirmée par des constatations faites sur le terrain en 1975.

Dès lors que l'on n'a pas constaté l'existence d'une tradition orale
remontant au moins à 1927 qui aurait contredit les indications fournies
par les cartes et les documents de l'époque, la Chambre conclut que le

gouverneur général, dans l'arrêté de 1927 et son erratum et dans sa
lettre 191 MC2 de 1935, a décrit une limite existante qui passait par des
hauteurs au nord du gué de Kabia et que les administrateurs
considéraient, à tort ou à raison, que ces hauteurs étaient appelées par
les populations locales "hauteurs de N'Gouma". La Chambre n'a donc qu'à

rechercher dans l'ensemble des hauteurs qui entourent le gué le point
terminal de la limite définie par les textes cités. Elle conclut qu'il y
a lieu de le fixer à 3 km au nord du gué, à l'endroit défini par les
coordonnées 0" 14' 39" E et 14" 54' 48" N (point Ml.

X. Tracé de la frontière (par. 175)

La Chambre fixe le tracé de la frontière entre les Parties dans la
zone contestée. Il est reproduit à titre illustratif sur une carte qui
consiste en un assemblage de cinq feuilles de la
carte de 1'IGN au
11200 OOOe et est joint en annexe à l'arrêt.

XI. Démarcation (par. 176)

La Chambre est prête à accepter la mission que les Parties lui ont
confiée de désigner trois experts qui les assisteront dans l'opération de
démarcation, laquelle doit avoir lieu dans l'année suivant le prononcé de
l'arrêt. Elle considère toutefois qu'il n'y a pas lieu de procéder dans
l'arrêt même à la désignation sollicitée par les Parties mais que cela

sera fait ultérieurement par voie d'ordonnance.

XII. Mesures...XII. Mesures conservatoires (par. 177-1781

L'arrêt précise que l'ordonnance du 10 janvier 1986 indiquant des
mesures conservatoires cesse de produire ses effets dès le prononcé de
l'arrêt. La Chambre tient à noter avec satisfaction que les chefs d'Etat
du Burkina Faso et de la République du Mali ont accepté "de retirer
toutes leurs forces armées de part et d'autre de la zone contestée et de

leur faire regagner leur territoire respectif".

XIII. Force obligatoire de l'arrêt (par. 178)

La Chambre constate aussi que les Parties, déjà tenues par
l'article 94, paragraphe 1, de la Charte des Nations Unies, ont
expressément déclaré à l'article IV, paragraphe 1, du compromis qu'elles
"acceptent, comme définitif et obligatoire pour elles-mêmes, l'arrêt de
la Chambre". La Chambre se plaît à reconnaître l'attachement des deux
Parties à la justice internationale et au règlement pacifique des

di£ férends.

XIV. Dispositif (par. 3.79). Le texte complet figure aux pages 1 à 3 du
présent communiqué. Annexe 1 au communiqué de presse 86/18

Aperçu des opinions jointes à l'arrêt

O~inion individuelle de M. Francois Luchaire. iune ad hoc

L'auteur a voté pour le dispositif de l'arrêt parce qu'il repose sur
un raisonnement dont la logique est incontestable mais il n'en approuve
pas totalement certains éléments ou certaines conséquences. Aussi lui

a-t-il apparu nécessaire de présenter des observations sur les points
suivants :

1. Principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes; libre choix du
statut, conséquences du référendum du 28 septembre 1958 pour les
territoires d'outre-mer français.

II. Acquiescement - estoppel - interprétation du communiqué de Conakry.
r,
III. Renvoi aux frontières de 1932 tracées par l'administration française
sur les cartes de l'époque. Inutilité des documents postérieurs.

IV. Acquiescement résultant de la participation de Dioulouna à la vie

démocratique soudanaise.

V. Possibilité d'une ligne passant par Kobo - Fayando - Toussougou.
Difficultés concernant Dourumgara et In Abao - Tim Kacham.

O~inion individuelle de M. Abi-Saab. iune ad hoc

Bien qu'il ait voté en faveur du dispositif de l'arrêt, M. Abi-Saab
ne peut s'associer à certains aspects du raisonnement de la Chambre et de
ses conclusions.

En particulier il se sépare de l'arrêt sur la question du droit

colonial français - dont à son avis une analyse trop détaillée a été -
présentée. Il s'en sépare aussi sur le rôle de la lettre 191 CM2 de 1935
dont le caractère déclaratoire des limites territoriales preexistantes
est pour lui seulement une possibilité qu'aucune preuve n'a transformée
en certitude.

Selon M. Abi-Saab fonder la ligne dans la région du Béli sur cette

lettre qui ne fait que transposer la carte Blondel La Rougery revient à
ériger cette carte en titre juridique alors que, d'après l'arrêt
lui-même, les cartes ne constituent jamais en soi un titre juridique.

Après avoir souligné les difficultés qu'il y a parfois à appliquer
le principe de l'uti possidetis, l'auteur note que la Chambre a adopté
une solution juridique possible dans les limites de la marge de liberté

existant en l'espèce. Il la considère comme juridiquement acceptable
mais il en aurait préféré une autre qui fasse davantage appel à des
considérations d'équité infra legem dans l'interprétation et
l'application du droit, s'agissant d'une zone de nomadisation qui souffre
de la sécheresse et où l'accès à l'eau est d'une importance vitale. MAL I

t-

BURKINA FASO

6OUNDARY SUBMiSSIONS MALI- -- - CONCLUSIONS DU MALI
WUIIOARY SUBYISSIOMSSU)~K*A FASO------- --NCLUSIONS DUBURKINA FASO

Annexe 2 au Communiquéde Presse No. 86/18

Croquis 1 MAL l
Croquis illustratifdu tracé de la ligne adoptée Voir par. 163 de iF2rret
par la Chambre (par. 175de l'arrêt)
H I
\ IN ASA,'

\-- + 1P
+ JK

GUE de KABlA

TOUSSOUGOU

DOUNb

DbOMOUGA

C + +
D

BURKINA FASO Sketch-mapillustratingthe line adopted by
the Chamber (para. 175 of the Judgment)

LOFOU

Annexe 2 au Communiquéde presseNo. 86/18
Croquis 2

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- Arrêt de la Chambre

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Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali) - Arrêt de la Chambre

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