Minquiers et Ecréhous (France/Royaume-Uni) - Arrêt

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12219
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1953/40
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Communiqué no 53/40
(Non officiel)

Les renseignements suivants émanant du Greffe de la Cour inter-
nationale de Justiceont eté mis à la disposition de 1% presse :

La Cour internationale de Justice i La Haye a radu aujourd'hui
17 novembre 1953, sonarrêt en 1 faffairedos bznquiers et des Zcré-
hous qui lui a été soumiseen vsrtu dim cornpromis concluentre le
Royaume-Uni et la France le 29 décembre 1950, A L'unanimité, la ,
Cour dit que ln souverainet eur les îlots et rochers des groupes
,des Ecréhous et des Linquidrs, dans In mesure oG ces îlots et rochers
sont suçcept ibles dl appropriation, apprtiznt au Royaume-Uni,

Dans son arrêt, In Cour commencepar rappeler le tâche que les
Parties lui ont confi6e. Les deux groupes diflotsdont il sfagit
se trouvent entre Jersey, une des Zles britanniques de la Manche,
et la côte française. Les Ecréhous en sontdistants de 3,9 milles
drune part et de 6,6 drautrepah; les Enquiers de 9,8 milles diune
part et de 16,2 milles d'autrepart, 8 filles séparant ce dernier
groupe des îles Chausey qui appartiennent à la France. Aux termes
du compromis, la Cour est invitée à dire laquelle des Parties a
produit la preuve la plus convaincant eiun titre à ces groupes, et
statut de territoire -sans
toute possibilît6 de leur appliquerle
maître(terranullius) est écart&. Diautre part, le fardsau de la
preuve est réserve: il stsnsult donc que chacune des Parties doit
apporter la preuve des titres qulelleallègue et des fnits sur les-
. . quels elle se fonde. finfin, quand 15 compromis parle dlîlotset
rochers susceptibles dlappropriatian ,l faut consid~rer que ces
mots se réfgrentaux flots et rochers matériellement susceptibles
d'appropriation. La Cour n'a pas & déterminer le detail des fnits
pour chaque elgrnent des deux groupe S.

La Courexamine ensuiteles titresproduitspar les deuxParties.
Le Gouvernement du Roy,-&we-Uni faitdécouler le sien de la conqûete

de 11Angleterre par 1e duc de Kam-?ndie en 1066, L'union zinsi éta-
.blie entre l'Angleterre et le duché de Normndie, lequel englobait
les f les de la Fianche, dura jusqufà l20&, lorsque Philippe-Auguste
de France a conquis la Normandiecontinentale, M&s, ses tentati-
ves pour occuper Sgalementles fles ayant échoué, la Rog~aume-Llni
soutient que toutes les iles de 12 Imfançhe, y compris les Ecréhaus et
les 14inquiers, sontrestées unies à 1Unglsterre et que cette si-
tuation de fait a été consacr6e juridiqueritent par les traités conclus
par 1s suiteentre les :eux pays. Le Gouvernement français soutient
pour sa part qut après l2Q4 le roi de France tenait les thinquiers et
les Ecréhous de mêmequs certaines autres fles proches du continent
et invoque les memes traites du moyen 3ge pw le Royaume-Uni.

La Cour constate qu'aucun de cas trait 6s (tra~t é de Paris de
1259, traité de Calais de 1360, traité de Troyes de l.420) ne precise '
quelles îles étaient tenues par le roi dlAngl€$\e~fe%# pur le roi
de France, 11 y a cependantdiautresdocwnts/qui apportentquel-
ques Lndicationç sur la possession des îlots litigieux. Le Royaume-
Uni les invoque pour prouverque lesfles de la Iihnche étaient
considéroes corne une entité, et que par conséquent, puisque les
principales $les étaient tenues par 11 Angleterre, celle-ci pcsas4-
d2it &galement les groupes litigieux, Szlon la Cour, il paraît
sfen degager en effet une forteprésomption en ce sens, sans quiil
soit possible dten tirer me conclusion definitive quant .à la
souverainete sur las groupes, celle-ci devant, en d ernière malyse,

dépendre des preuvesse reférant directement à la pcssession.

De son ... . Be son cBté, le Gouvernement français voit une présomption en
faveur de sa souverainetd 6ans le Ifen féodal entre le roi de France,
suzerain de 1'ensemble de La Normandie, et le roi dtAngleterre, son .
vassal pour ces territoires. Il invoque cet ,égard unarret de la
cour de France de 1202 condamnant Jean sans Terre à It?cormaise de
toutes les terres qu5ltennit en fief du roi de France, y compris
1'ensemble da la Normandie . Mais Lo Gouvernemen tu Royaume-Uni
soutient quele titre féodal des rois de Francesurla Nomendie
était purement nominal,
Il conteste que lesfles de la Manche
aient étéreçues en fiefdu roi de France par le duc de Normandie
et conteste la validité, voirel'existence d,e llarret de 1202.
'Sans résodre ces controverses historiques, La Cour cansidére qukil
suffit de dire que les conséquences juridiques qu'onprétend atta-
cher au démembrement du duché de Nomndie en 1204, lorsque la Nor-
mandie fut occupée par les Franqais, ont été dSpassées par les nom- '
breux événements qui se sont produits au coursdes siècles suivants.
Mais, ce qui, de liavis de In Cour, a une importance décisive, ce
ne sont pas des présomptions indirecte sondées sur dea donnkes re-
montant au moyen &ge, mis les preuves se rapportant directement A
la possession des groupes.

Avant de considérer ces preuves, la Cour examine tout diabord'
certaines questi uns communes aux deuxgroupe S. Le Gouvernemed
français a fait valoir qu'uneconvention relative aux pêcherieta
conclueen 1839,sans avoir régléla questionde l;r souverairiete,
affecte cependant cette question: les groupes litigieux seraient
Unclusdansla. zone de peche cornune instituée par cette convention.
Ilresulterait aussi de la conclusicn de cette convention quQuctme

des deuxParties ne saurait invoquer des actes postérieurs, impli-
quant manifestation de souveraineté. La Cour ne retient'pn ses
thèses car In convention a trait aux eaux seulement et non à llusage
du territoire des îlots. Dans les circonstances spéciales de Za
présente affaire, es-prenant en considération la date à faquelle
est véritablement né un différend entre las deux gowernenents au
sujet des groupes, la Cour prendra en consideration tous actes des
P3rtie3, excepté ceux gul auraient été dict 6s par 11intention
diaméliorer la position en droit de l'une ou de 11 autre.

Passant A l'examen de la situation de cha& des groupes, et
pour ce quiest du groupe des Ecréhousen particulier, la Courconstate,
,en se fondant sur divers documents du moyen âge, que le roi d'An- . . a
gleterre y exerçait la justice et y percevait ses droits, Ces
documents montrent en outre qui il existait à Ir&poque des liens
6troits entre les Ecréhous et Jersey.

Au début du XIXme siècle, ces liensdevinrent à nouveau plus
étroits raison de l~inpustance grandissante de la pgche des
huftres. La Courattacheune valeur probante iidivers actes se
rapportant à 11exercice par Jerseyde la juridiction et de l'ad-
ministration locale, ainsi qulà la légiahtion, telles que des

procédures criminelles se rapportant aux Ecréhous, la perception
dllmp6ts sur las maisons ou cabanes habitable5 construites surles
flots depuis 1889, 18enregistrement Jersey de contrats ,se rap-
portant A des i~meubles situEs aux Ecréhous.

Le Gouvernenient frariçais alléigue 1interdiction faite par
les Etnts de Jeraey en 1646de p&cher auxEcréhous st aux Chausey
et la IIrmtation apportee par eux aux visites aux Ecréhous en
1692. 11 mentionne aussi des Qchanges diplornabiques entre les deux
'gouvernement su début du XIhe siécle et auxquels étaient annexés
des cartes sur lesquelles. les Ecr4hous sont portés, au moins en par-
tie, en dehors des eaux de Jersey et traités corn res nulllus. Dans
une note au Foreign Office du 15 décembre 1886,le Gouvernemnt fian-
çais revendiquait pour la premièrefois la souveraineté surlea
Ecréhous ,
En appréciant ..., En appréciant à la lumière de ces faits Icivdleur reiative(les '
pretentions des deux Parties, la Cour conclut que La souvsaim té
sur leç Ecréhous appartient nu i3oyaume-Uni.

En ce qui est du groupe des Tmrinquiers, la Cour constate quien
1615, 1616, 1617 et 1692 1s comp6tencejudiciaire de la Cour seigneu-
riale du fief de Noirmont à Jersev sretait exercée à lioccasion
di@paves trouvées aux ICLnqu-Lvrs, en raison du caractère territorial

de cette camp6tence.

D'autres 2reuves se rapportant & la fin du XVZIZme siècle au XIXme
et au XXmesiècles ont 5th produites concernant des enquêtes prati-
quEes à Jerse:? 5 proposde cadavres trouvés aux Enquiers, l'édifica-
tion sur les flots de misons ou cabaneshabitables par des personnes
de Jersey qui ont pcye à CB titre 11hpÔt foncier, lienregistrement
A Jersey de contratsde venie se rapportant à des irm~bles aux IJrin-
quiers. Ces divers faits montrent que les autorit& de Jerseyont,
de plusieurs maiilèrea, exercéime administratioln ac ale ordira ire
aux 14inquisrs pendant une phriode prolongEe et que, pendant une grande

partie du XIXme et au Wtmesiécle, les autositbs britanniquey s ant
exercé des fonctions htatiques.

Le Gouvernement français a faitvaloir certains faits. il sou-
tient que les biinquiers ont et6une dependance des flirsChausey, don-
nées par le duc de Normandie à 11abbaye du Mont-St-EGchel en 1022..
En 1784,une correspondance fut échang6e entre des autorités frm-
çaises à lioccasiondfunedemandede concession se rapportant aux
Minquiers pr&sent ée par un ressortissant français, La Courconstate
que cette correspondance ne contient rien qui vienneà 11appui de la
prstention fran~rise actuelle à 1s souveraineté mis qu'eue r6vèle

une certzine crainte de cr4er des difficultes avec la Couronne dthgle-
terre, Le Gouvernement français soutient que, depuis 1851 il a assumé
seul la charge du balisageet de li6clairage des fifinquierssans ren-
contrer diobjection du Bayame-Uni, niaisla Cour constate que les
bouées lnstnllées par le Gouvernement fras.çais aux Piinquiers ont été
placées hors de3 récifs du groupe,dans Le but diaider la navigation
à l'entréeet A la sortie des ports français et de protéger les
bateauxcontre les dangereux r6c ifs des 1-iinquiers. Le Gouvernement
français faitCtst également de diverses visites officielles aux
lilinquiers et de lfédificatio nn 1939 d'une maisonsur liun des
flots avec un subside du maire de Granville, en Normandie ciintinen-
tale .

La Courniestirne pas que les fzits invoqués pr le Gouvernerilent
français soient suffisants à démontrer qu* l$ Frnw aAt.un..f;ib.re:ip
valable zux i.~inguiers, En particulier les div~irs actes du XIXme et
du XXme siècles ne sauraient êtreconsidérés commepreuve suffisante
' del'intentloncle ceGouvernemntde se comporber er! souverain sur
les flots et ne présentent pas un caractère permettant de les consi-
dérer coaime une manifestation de llautoritéétatique sur ces SlatS.

Dans ces circonstances, et eu égardri l'opinionexprirnee plus'
haut sur les sreuves poduites par le Gouvernement du Royaume-Uni, la
Cour est dfavisque la souveraineté sur les 1"sinquiersappartient à
ce dernier.

Se prévalant du droitque leur confère Ifarticle 57 du Statut,
IJILIBasdevznt et Carneiro, juge, tout en s lsssociant à le diibsion
de la Cour, ont joint & liar&t les exposCsde leur opinion indbvî-
duelle. W. Alvarez, juge, tout en siseisocl2n lui aussi $ 1i.déci-
sion de la Gour, a faitune déclaration exprimant le regret que les
Parties aient donné une importance excesslve aux preuves remontant
au moyen Sge et niont pas tenu un compte suffisant de LI état du droit
,' internationa et de ses tendancesactuelles en matière de souveraire tk
territoriale.
La Haye, le 17 novembre 1953..

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