Réponse écrite de l'Allemagne aux questions qui lui ont été posées par MM. les juges Bennouna et Cançado Trindade et par le juge ad hoc Gaja au terme de l'audience publique du 16 septembre 2011

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17610
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I. Question posée à l’Allemagne par M. le juge Bennouna au terme de l’audience publique

du 16 septembre 2011

Est-ce que, dans certaines circonstances part iculières, les tribunaux du for ont servi ou
pourraient servir d’unique recours disponible pour les personnes victimes de graves

violations des droits de l’homme ou des crimes de masse sur leur territoire, de la part d’un
Etat étranger, sans que celui-ci ne soit recevable à opposer au Tribunal son immunité de
juridiction jure imperii ?

[Réponse fournie en français par l’Allemagne] - 3 -

II. Questions posées aux deux Parties par M. le juge Cançado Trindade au terme
de

l’audience publique du 16 septembre 2011

[Traduction du Greffe]

1. A la lumière des arguments que vous avez développés pendant ces audiences publiques et
au vu des accords de règlement conclus en 1961 entre l’Allemagne et l’Italie, quelle est la
portée exacte des clauses de renonciation co ntenues dans ceux-ci et de la clause de
renonciation figurant au paragraphe4 de l’ article77 du traité de paix de 1947? La

question des réparations peut-elle être considérée comme totalement close aujourd’hui, ou
certains de ses aspects demeurent-ils en suspens ?

L’ordonnance que la Cour a rendue le 6 juillet 2010 détermine la pertinence du traité de paix

de 1947 et des deux accords de 1961 conclus entre l’Alle magne et l’Italie aux fins de l’instance en
cours (se reporter en particulier aux paragraph es 27 et 28). L’Allemagne a toujours maintenu que
la question de savoir si les réparations à raison d’actes commis pendant la seconde guerre mondiale
étaient toujours dues ne constituait pas l’objet du présent différend porté devant la Cour.

2. L’exception délictuelle (applicable aux actes préjudiciables commis sur le territoire de
l’Etat du for) est-elle limitée aux actes jure gestionis? Peut-elle l’être? Les actes jure

imperii connaissent-ils également une telle exception? Comment les crimes de guerre
peuvent-ils être considérés comme des actes jure ⎯ je répète jure ⎯ imperii ?

Les affaires ici en cause concernent des actes commis par des forces armées en temps de

guerre. L’exception délictuelle (a pplicable aux actes préjudiciables commis sur le territoire de
l’Etat du for) ne s’applique pas aux activités militaires.

Le fait qu’un acte de l’Etat puisse être qualifié d’acte jure imperii dépend de la nature de cet

acte, accompli par l’Etat dans l’exercice de se s pouvoirs souverains, et est sans rapport avec la
licéité de l’acte en question. Les violations grav es du droit international peuvent aussi entrer dans
la catégorie des actes souverains. Le droit intern ational énonce des règles substantielles en matière
de responsabilité de l’Etat et de responsabilité internationale péna le qui ne remettent pas en cause

l’immunité de juridiction ni ne dérogent à ce principe.

3.Les victimes italiennes auxquelles le défendeur se réfère spécifiquement ont-elles

effectivement été indemnisées ? Si tel n’est pas le cas, ont-elles droit à une telle réparation
et comment peuvent-elles être effectivement in demnisées, si ce n’est par une procédure de
droit interne ? Peut-on encore considérer que, lo rsque des violations graves des droits de
l’homme et du droit international humanitaire sont en cause, le régime des réparations

s’épuise au niveau interétatique? Le droit à réparation est-il lié au droit à l’accès à la
justice lato sensu? Et quelle est la relation entre ce droit à l’accès à la justice et le jus
cogens ?

Conformément à l’ordonnance rendue par la C our le 6juillet2010, l’Allemagne a toujours
maintenu que la question de savoir si les répa rations à raison d’actes commis pendant la seconde
guerre mondiale étaient toujours dues ne constituait pas l’objet du présent différend porté devant la
Cour. - 4 -

Le régime de réparation mis en place après la seconde guerre mondiale était un régime de
réparation interétatique classique et global.

Les victimes qui s’estiment fondées à le faire peuvent intenter une action contre l’Allemagne
devant les tribunaux allemands. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a confirmé, à
cet égard, que l’application du droit interne et du dr oit international par la justice allemande n’était

pas arbitraire ni contraire au paragraphe 1 de l’ article 6 de la convention de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit à l’accès à la justice. La
jurisprudence applicable est dûment citée par l’Allemagne dans ses plaidoiries. - 5 -

III. Question posée à l’Allemagne par M. le juge ad hoc Gaja au terme de l’audience publique

du 16 septembre 2011

[Traduction du Greffe]

Une renonciation formulée par l’Etat A, également au nom de ses nationaux, relativement
à une catégorie de réclamations à l’encontre de l’Etat B, implique-t-elle que l’Etat B jouit
de l’immunité de juridiction si un national de l’Etat A saisit les tribunaux de celui-ci d’une
réclamation entrant dans cette catégorie ?

La question de la renonciation et celle de l’immunité juridictionnelle ne sont pas
interdépendantes et touchent à des aspects diffé rents. La renonciation a trait à l’existence
éventuelle d’un droit spécifique et constitue donc une question qui sera examinée au stade du fond.

L’immunité juridictionnelle porte sur la question de savoir si un Etat est soumis à la juridiction
d’un autre Etat, indépendamment de l’existence d’un droit spécifique. Pour y répondre, la plupart
des systèmes de procédure se prononceront, avant d’ examiner toute autre question, sur l’existence
d’une compétence juridictionnelle. Pour reprendr e l’exemple cité dans la question ci-dessus, ce

n’est pas la renonciation formulée par l’EtatA qui confère l’immunité juridictionnelle à l’EtatB
mais la nature de l’acte commis par l’Etat B, indépendamment d’une éventuelle renonciation
formulée par l’Etat A.

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Réponse écrite de l'Allemagne aux questions qui lui ont été posées par MM. les juges Bennouna et Cançado Trindade et par le juge ad hoc Gaja au terme de l'audience publique du 16 septembre 2011

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