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Agent du Gouvernement de la République du Sénégal
·· Professeur Cheikh Tidiane Thiam
Ambassadeur
Dakar, le 15 avril 2009
..
;.
Objet: Affaire relative à des Questions concernant l'obügation de
poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal)
Monsieur le Greffier,
Nous avons l'honneur de vous communiquer la réponse de la
République du Sénégaldonnée à la question posée par Monsieur le
Juge Cançado Trindade, le 8 avril 2009. Elle se lit comme suit:·
« Le Sénégal ~ l'honneur de répondre à la question que Monsieur
le juge Cançado Trindade lui a posée peu avant la fin de l'audience
publique tenue le 8 avril2009, au Palais de la Paix, dans l'affaire relative
à des Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader
(Belgique c. Sénégal).
La question poséeest ra suivante: 'For the purposes of a proper
understanding of the rights to be preseNed (under Article 41 of the
Statute of the Court), are there rights corresponding to the obligations
set forth in Article 7, paragraph 1, in combination with Article 5,
paragraph 2, of the 1984 United Nations Convention Against Torture
and, if so, what are their legal nature, content and effects? Who are the
subjects of those rights, States having nationafs affected, or ali States
Parties to the aforementioned Convention? ·Whom are such rights
opposable ta, on/y the States concerned in a concrete case, or any State
Party to the aforementioned Convention?'Avr 2009 15:59 M.A.E/ BUREAU DU CHIFFRE 00221338235496 p.3
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Le Sénégalrappelle respectueusement qu'il est le défendeur dans
la présente affaire ainsi que dans cette procédure incidente de demande
en indication de ·mesures conservatoires dans laquelle le fond de
l'affaire ne devrait pas êtreabordé au-delà de ce qui est strictement
néç~ssai arxe fins de cette demande. Sous réseNe que la Cour
reconnaisse aux indications qui vont suivre un caractère strictement
informatif qui ne saurait, par conséquent, affecter la latitude par laquelle
le Sénégalpourra librement soutenir ultérieurement ses positions quant
au fond de l'affaire, le Gouvernement sénégalais, par souci de
déférence et de respect vis-à-vis des membres de la Co.u ..r, voudrait
apporter les réponses ci-après:
1. Les articles 5, alinéa 2 et 7, alinéa 1, de la Convention des Nations
Unies contre la torture établissent plus d'obligations qu'ils ne
reconnaissent de droits au profit d'un Etat Partie. Il s'agit pour l'Etat
Partie, d'une part, de l'obligation de prendre les mesures appropriées
pour établir sa compétence aux fins de juger les personnes qui se sont
rendues coupables d'actes de torture et, d'autre part, de l'obligation
d'extrader à défaut de juger les auteurs desdits actes qui se trouveraient
sur son territoire.
2. La nature de l'obligation internationale d'interdiction de la torture a
connu une mutation importante. D'une nature conventionnelle à effet
relatif, l'obligation s'est vu attacher un effet erga omnes.
3. La C.I.J. a, en effet, à plusieurs reprises, réaffirméqu"une distinction
essentielle doit êtreétablie entre les obligations des États envers la
Communauté internationale dans son ensemble et celles qui naissent
vis-à-vis d'un autre État [...] les premières concernent tousles États. Vu
l'importance des droits en cause, tous les États peuvent êtreconsidérés
comme ayant un intérêjturidique à ce que ces droits soient protégés;les
obligations dont il s'agit sont des obligations erga omnes [... ]" (Voir
C.I.J., Barce/ona Traction, Light and Power Company, Limited,
Belgique/Espagne, arrêtdu 5 février 1970, in C./.J. Rec., 1970, p. 32,§
33.
4. L'existence d'obligations indivisibles erga omnes a, ensuite, été
réaffirmée à plusieurs reprises, dès 1971, par la C.I.J. (Voir C.I.J.,
Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de
l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)nonobstant la
Résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité,avis consultatif du 21 juin
1971, in C./.J. Rec., 1971, pp. 56 s.,§ 126 s.; C.I.J., Essais nucléaires,Avr 2009 15:59 M.R.E/ BUREAU DU CHIFFRE 00221338235496 p.4
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Australie/France, arrêtdu 20 décembre 1974. in C./.J. Rec., 1974, p.
269 § 50; C.I.J., Licéité de la menace ou de l'emploi des armes
nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, in C./.J. Rec., 1996, p. 258;
C.I.J., Convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide, demandes reconventionnelles, ordonnance du 17 décembre
1997, Bosnie Herzégovine/Yougoslavie, in C./.J. Rec., 1997, p. 258 §
35.)
5. S'il y a un droit qu'un Etat Partie pourrait prétendre exercer en vertu
de la Convention de 1984 contre la torture, ce serait celui de faire
respecter l'obligation, pour un autre Etat, de juger l'auteur cfun acte de
torture qui se trouverait sur son territoire ou, à défaut, de demander son
extradition.
6. Dès lors, si l'on considère que ·la Convention contre la torture, dans
ses articles 5, alinéa 2 et 7, alinéa 1, crée un droit au profit d'un Etat
Partie,il ne peut s'agir que du droit de revendiquer l'extradition. Mais ce
droit s'incline face à un Etat qui assume son obligation de juger ».
L'original de cette correspondance vous parviendra dans les plus
brefs délais par les voies appropriées.
Nous vous prions de croirè, Monsieur le Greffier, à l'assurance
de notre parfaite considération.
Monsieur Philippe COUVREUR
Greffier de la Cour,
Cour internationale de Justice
Palais de la Paix, 2517 KJ La Haye
Fax 0031703649928
PAYS-BAS
Réponse du Sénégal à la question posée par M. le juge Cançado Trindade au terme de l'audience du 8 avril 2009