Exposé écrit de la République française

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COUR INTERNATIONALEDE JUSTICE

-REQUETEPOURAVIS CONSULTATIF-

CONSÉQUENCESJURIDIQUESDE L'ÉDIFICATIOND'UNMUR

DANS LE TERRITOIRE PALESTINIENOCCUPÉ

EXPOSÉÉCRITDE LA RÉPUBLIQUEFRANÇAISE

30 janvier 2004 COUR INTERNATIONALEDE JUSTICE

-REQUETEPOUR AVIS CONSULTATIF -

CONSÉQUENCESJURIDIQUESDE L'ÉDIFICATIOND'UNMUR
DANSLETERRITOIRE PALESTINIENOCCUPÉ

SOMMAIRE

INTRODUCTION ETRESUME

1. La question de la compatibilité de l'édification du mus relon le tracé
retenu avec diversesrèglesde droit international
a) La question des règlesau regard desquelles la licéité de l'édification
du mur selon le tracé retenu doit être examinée
1. L'applicabilitédes règles relativesà l'occupation de
guerre
..
il. L'applicabilitédes règles relativesà la protection
... internationaledes droits de l'homme
111. Les résolutions consacrée s la question par le Conseil de
sécurité et l'Assemblée générale
iv. Les accords particuliers par lesquels les parties
concernées sont liées

b) La question de la conformité à ces règles de l'édificationdu mur
selon letracé retenu
1. Lesproblèmesjuridiques posés par l'interdiction de
l'annexionet les questions connexes
il. Les manquements aux autres règlesdu droit international

humanitaireet aux principes protecteursdes droits de
l'homme applicables

II. La question de la proportionnalitéde l'édification du mur selonle tracé
retenu par rapport aux menacespesant sur Israël
a) Le droit d'Israël de riposter aux menaces pesantsur sa sécurité

b) L'évaluation du problème de la proportionnalité
.. L'exigence de proportionnalité
il. L'appréciation de la proportionnalité III. La question des conséquences juridiquesde l'édificationdu mur selonle

tracé retenu
a) L'obligation de mettre fin à la situation illicite et de réparer le
préjudicequ'elle a causé
1. L'obligationde mettre fin à la situation illicite
il. L'obligationde réparer lesdommages causéspar la
situation illicite

iii. La nécessité d'offrirdes assurances et des garantiesde
non-répétition appropriées

b) L'obligation de ne pas reconnaîtrela licéité de la situation

c) L'obligationde reprendre l'exécution des obligations violées

CONCLUSION INTRODUCTION ETRESUME

1. Par sa résolutionES-10114 du 8 décembre 2003, l'Assemblée générale des
Nations Unies a prié laCour de donner d'urgenceun avis consultatif surla question suivante:

((Quelles sont en droit les conséquencesde l'édificationdu mur qu'Israël,

puissance occupante, est en train de construire dans le Territoire palestinien
occupé, y compris à l'intérieuret sur le pourtour de Jérusalem-Est, selonce qui
est exposédans le rapport duSecrétaire général [Rapport du Secrétaire général
établi en application de la résolution ES1 -0113 de l'Assemblée générale,
document A/ES/10/248], compte tenu des règles et des principes du droit

international, notamment la quatrièmeconvention de Genève de 1949, et les
résolutions consacrées à la question par le Conseil de sécurité et l'Assemblée
générale? ».

2. Dans son ordonnance du 19décembre 2003,la Cour ajugé que l'Organisation

des Nations Unies et ses États Membres étaient, Kconformément au paragraphe 2de l'article
66 du Statut, susceptibles de fournir des renseignements sur l'ensembledes aspects soulevés
par la question soumise à la Courpour avis consultatif >).Ellea fixéau 30janvier 2004 la date
d'expiration du délaidans lequel ils pourraient soumettre à la Cour des exposés écrits sur la
question. Les présentes observations sontprésentées en applicationde cette décision.

3. Liminairement, la République française tient à rappeler que, lors de la

discussion préalable à l'adoption de la résolutionES-10114,elle s'est associée à la position
commune adoptée parles États membres de l'Union européenne exposée par le représentant
de l'Italie s'exprimant au nomde l'ensemble des quinzeÉtats membres, des dix pays qui le
deviendront le le'mai prochain et de six autresÉtats européens1I .l résultede cette déclaration
que les États aunom desquels elle a été faite :

-condamnent de la manièrela plus ferme lesattaques terroristes contre Israël ;

-sont gravementpréoccupés par lc aonstructiondu mur qu'Israël a entreprise enpartie
sur le territoire palestinien et qui ne constitue pas une réponseappropriée à ces attaques ;ils

partagent les inquiétudes exprimées àce sujetdans le rapportdu Secrétaire généra ;l

- mais considèrent que la demande d'avis consultatif formulée par l'Assemblée
générale n'est pasde nature à relancer le nécessairedialoguepolitique entre les deux parties.

4. En conséquence, la Francec ,omme les autres Membres de l'Union européenne
et les pays candidats, s'est abstenue lors du vote de la résolutionES-10114,qui a étéadoptée
par une majoritéde 90 voix contre huit, avec 74 abstentions.

1
Déclarationde S.E., M. Marcello Spatafora, Ambassadeur, Représentant permanenl'Italie auprès des
Nations Unies,8décembre 2003,AIES-10lPV.23,p.1618.

35. La République française persiste àcroire que l'avis que la Cour a étéappelée à
donner n'est pas de nature àfaciliter la reprise du dialogue, éminemment politique par nature,

entre Israël et la Palestine. Ainsi que le Conseil de sécuritéle leur a demandé dansla
résolution1515(2003), il appartient aux deux parties de « s'acquitter des obligations qui leur
incombent en vertu de la Feuille de route »2 qu'elles ont acceptée lorsde la réuniond'Aqaba
le 4 juin 2003. C'est au prix de ces efforts- soutenus par le «Quatuor » et la communauté
internationale dans son ensemble - que la vision d'une régiondans laquelle deux États,

Israël et la Palestine, vivent côàecôte,à l'intérieur de frontières reconnues et sûrs3 pourra
enfin être réalisée.

6. La République française tienten outre à souligner qu'une telle demande d'avis

pourrait constituer un dangereux précédenten incitant tout État à solliciter un vote de
l'Assemblée générale pou prorter un différend devant la Cour, alorsque celle-ci n'aurait pas
compétence pouren connaître par la voie contentieuse.

7. Comme la Cour l'arappelé à maintes reprises:

« Le pouvoir qu'a laCour de donner un avis consultatif procède de l'article65
du Statut. Le pouvoir ainsi attribuéa un caractère discrétionnai»4.

8. La France s'en remet à la sagesse de la Haute Juridiction pour déciders'il
convient, en l'espèce,de faire usage du pouvoir d'appréciation qui lui appartient pour ne pas
donner suite à la demande d'avis. Les observations ci-après sont présentées dans l'hypothèse
où la Cour estimerait devoir répondre surle fond à la question posée par l'Assemblée
générale.

9. Cette question porte exclusivement sur les conséquences juridiques de

l'édificationdu mur contesté en territoire palestinien occupé(le terme « mur »employédans
le cadre du présent exposé est celui qu'utilise l'Assemblée générale dal nasrésolutionES-
10114).Elle n'est pas relative à la conformité desa construction au droit international.
L'appréciation desa licéité constitue cependant un préalable nécessaire à la réponse à la

questionposée :

-en premier lieu, les conséquences de l'édification du mur selon le tracé retenu sont
évidemment fort différentesselon que 1,011considère que celle-ci est ou non conforme au
droit international;

-en second lieu, pour déterminer ces conséquences, il est indispensable de déterminer
précisément non seulement si la construction du mur selon le tracé retenu est licite, mais
aussi, dansla négative,quelles règlesprécisesdu droit international ontétéviolées.

19novembre2003, par. 2.
4Résolution1397(2002), 12 mars2002.
Avis coiisultatif du 20 juillet 1962, Certaines dépenses des NationsUnies, Rec. 1962, p. 155;v. aussi, par
exemple, lesavis consultatifs des 30 mars 1950,Interprétationdes trainter haseRec. 1950,p. 72;
21juin 1971, Conséquencesjuridiquespour les États de la présence continue de1'Afriquedu sud en Namibie
(Sud-Ouest Africain) nonobstantla résolzition70)ciuConseil desécurit, ec. 1971,p. 27, par.41; 16
octobre 1975,lzaraoccidental,Rec. 1975,p.21,par. 23 ou 8juillet 1996,de la menace ou del'emploi
d'urinesnucléaires,Rec. 1996,p. 235.10. Il convient également de rappeler d'emblée que la question posé àela Cour

porte expressémentsur les conséquences juridiques de l'édification du «mur qu'Israël,
puissance occupante, est en train de construiredans le Territoire palestinienoccupé,y compris
à l'intérieur etsur le pourtour de Jérusalem-Est ». Il semble que certaines parties de ce mur
soient construites en territoire israélien,en limite de la« ligne verte », définiepar l'accord
d'armistice du 3 avril 1949.Au demeurant, selon le rapport du Secrétaire général, ces portions

semblent très restreintes: « [l]a partie de la barrièrequi coïncide approximativement avec la
Ligne verte est situéeà l'extrémité nord dle a Cisjordanie.A l'ouest de Tulkarem,elle semble
suivre un tracésitué ducôté israélien de la Ligne verte sur une distance de 1 à 2 kilomètres ))
(NES-101248,p. 4, par. 7). Il paraît dès lors inutile de s'interrogersur la question de savoir si

un État peut construireà ses frontièresun murde ce genre.

11. L'édificationdu mur selon le tracé retenu paraît,prima facie, incompatible
avec certaines règles bien établiesdu droit international (1).Toutefois, de l'avis de la France,
cette constatation ne saurait dispenserla Cour de s'interroger sur l'existencede circonstances

qui pourraient êtrede nature à exclure l'illicéitde la construction du mur ; en particulier, s'il
n'est pas douteux qu'Israël est en droitde prendre les mesures nécessaires pour assurersa
sécurité,il convient de vérifier si cette construction, compte tenudu tracé retenu, est
proportionnée aux menaces auxquelles elle entend répondre (II). Danlsa mesure où tel ne
serait pas le cas, l'illicéitéde la construction du mur selon le tracé retenu pourrait être

constatée en droit.

12. Dans les nombreuses occasions où ellea eu à connaître de la commission d'un
fait internationalement illicite, la Cour a préciséla nature et la portéedes conséquences

juridiques qu'emporte l'existence d'untel fait (III). Les premières d'entre elles résident dans
l'ensemble des obligations que le comportement contraire au droitmet à la charge de son
auteur. Ainsi, il incombe d'abord à celui-ci de <cmettre fin à une situation irrégulière »',
lorsque, comme dans le cas présent, cette situation persiste.De faqontout aussi «évidente »6,
l'État responsable est tenu de réparer intégralement le préjudice causé par le fait illicite. En

l'occurrence, Israël doit donc notamment, ainsi que l'Assemblée générale le a luiignifié,

« arrête[r]la construction du mur dans le territoire palestinien occupé,y
compris Jérusalem-Estet ses alentours, etrev[enir] sur ce projet »7.

En outre, compte tenu des circonstances et, en particulier, du tracé retenu, il importe
égalementqu'Israël offre des assurances et garanties appropriées de non-répétitiod nu fait
illicite.

13. Dès lors qu'ilest internationalement illicite, le fait constituépar l'édification
du mur en territoire palestinien occupé emporte également des conséquences juridiques pour
les États tiers et les organisations internationales. Ceux-ci sont notamment tenusde ne pas
reconnaîtrela licéité de la situationcréé per le tracé qu'empruntecet ouvrage.

14. Il importe enfin de relever que la restauration de la relation juridique qu'a
profondément affectée la constructiondumurdans le territoire occupé ne pourra être effective
et complète tant que l'exécution des obligations violées n'aup ras été reprisede bonne foi.

5
6 C.I.J., arrêt du13juin 1951,Haya de la Torre,Rec. 1951,p. 82.
7 C.I.J., Personneldiplorizatiqueet conszllairedes ÙtTéhérana,rrêtdu 24 mai 1980,p. 42, par. 90.
RésolutionES-10/13,1 octobre2003,51.S'il le concerne au premier chef, ce devoir n'incombe pas exclusivement à l'auteur du fait
illicite. Dans les circonstances qui ont conduit à la présente demande d'avis, il paraît
particulièrementnécessairede rappeler l'ensemble desparties concernées à leurs obligations

internationales.

1.La question de la compatibilitéde l'édificationdu mur selon le tracé retenu
avec diverses règles de droitinternational

15. Par la voix de sa présidence,'Unioneuropéenne a contesté à plusieurs reprises
la licéitde l'édificationdu mur selon le tracéretenu8.L'Assemblée générale a exprim un
point de vue identique en déclarant,dans la résolutionES-10113du 21 octobre 2003, que la
construction du mur dans le territoire palestinien occupéétait« contraire aux dispositions
pertinentes du droit international». La Républiquefrançaise a déjàeu l'occasion d'indiquer

qu'elle partageait pleinement ceconstat9.Elle se bornera donc ici à exposer les raisons de
droit quienjustifient le bien-fondé.À cette fin, elleestime qu'ellene serait pas dans son rôle
en complétant ouen contestant les éléments figurant danlse rap ort du Secrétaire généelt le
résumédes positions juridiques d'Israël et de la Palestine FO qui y est annexé. Elle se
contentera donc d'exposer les considérations juridiques qui lui paraissent découledre ces

données.

a)Ln qirestiondes règlesau regard desquellesla licéité del'éd~jhtiorzdu mur selon
le tracé retenu doit êtrennzinée

16. Confonnément auxtermes de la résolutionES-10114,la Cour est appelée à se
prononcer sur les conséquences juridiques de l'édificationdu mur « compte tenu [...]
notamment [de] la quatrième Conventionde Genève, et [des] résolutions consacrées à la
question par le Conseil de sécurité et l'Assemblég eénérale». Cette formulation implique
d'une part que ces instrumentsjuridiques sont applicables pourrépondre à la question posée

et, d'autre part, que des règles d'autre origine pourraient l'être.Il convient dès lors de
s'interroger sur l'ensemble des principes au regard desquels la Cour doit répondre à la
questionqui lui estposée.

iL 'applicabilitdes rèdes relativesà1'occzlpationdeguerre

17. Il résulte du texte mêmdee la question que la Cour est appeléà privilégierla
quatrième convention de Genève de 1949. L'utilisation par la résolution des formules
« puissance occupante » et« territoire palestinienoccup»confirme cette constatation.

18. Comme la Courl'a reconnu, les conventionsde Genève«constituent à certains
égards le développement [des principes géiiérauxde base du droit humanitaire ...]qu'à

8 V. lesdéclarationsdu Représentantpermanentde l'Italieau Conseile 14octobre 2003 (SlPV.4841,
p. 46) àtl'Assemblée générae8 décembre2003 (AIES-101PV.23,p. 17).
9 V. la déclaration du Représentant permanentde la France au Conseil de sécurité le14 octobre 2003
(SlPV.4841,pp. 19-20).
1Le terme de «Palestine»est celuiqui est employédepuis 1988au sein dusystèmedes Nations Unies.d'autres égards elles nefont qu'exprimer »". Dès lors, «[cles règles fondamentales

s'imposent (...) àtous les États, qu'ils aientou non ratifiéles instruments conventionnels qui
les expriment, parce qu'elles constituent desprincipes intransgressibles du droit international
coutumier »12. Il en résulte également que, conformément au principede base énoncé par la
clause de Martens, énoncée pour la première foisdans la convention II de La Haye de 1899

concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et dont la Cour a rappelél'applicabilité
continue dans sa version contemporaine résultant del'article le',paragraphe 2, du protocole
additionnel1de 197713, «les personnes civileset les combattants restent sousla sauvegarde et
sous l'empire des principes du droit des gens, tels qu'ils résultentdes usages établis,des

principes de l'humanitéet des exigences de la conscience publique ».

19. Par ailleurs, quand bien mêmela convention IV ne serait pas applicable en tant
que telle du fait qu'elle n'apas été ratifiép ear l'autrepartie au conflit armé,la Palestine, ses

dispositions n'en seraient pas moins applicables, non pas en tant que telles, mais du fait que,
et dans la mesure où, elles exprimentles principesgénéraux du droit humanitaire.

20. En outre, et plus précisément dans le cas présent,

- le conflit arméde 1967 qui est à l'origine de l'occupation des territoires de la rive
Ouest et de Gaza a opposé Israël à l'Égypte, la Syrie et à la Jordanie, trois États parties aux
Conventionsde 1949 ;

- la Palestine, qui a demandé, à plusieurs reprises,à devenir partie aux Conventionsde
Genèves'est engagée à appliquer unilatéralementces instruments et le Gouvernement suisse
dépositaire, sans « trancher la question de savoir si [la dernière en date de ces

communications,du 21 juin 1989devait] être considéré cemme un instrument d'adhésion au
sens des dispositions pertinentes des Conventions et de leurs Protocoles additionnels », a
estiméque « la déclarationunilatéraled'applicationdes quatre Conventions de Genèveet du
Protocole additionnel 1faite le 7juin 1982par l'O.L.P.demeure valable»14 ;

- Israël a, dans un premier temps, reconnu l'applicabilitéde la Convention IV: aux
termes de l'article 35 de l'ordre no 1 édicté par les autorités d'occupation le 7 juin 1967,
«[tlhe Military Court (...) nzust apply the provisions of the Geneva Convention dated 12

August, 1949, Relative to the Protection of Civilians inTinzeof War,with respect tojudicial
procedures. In case of conflict betweenthis Orderand said Convention, the Conventionshall
prevail »15; par ailleurs,il convient de relever que laCour suprêmed'Israël, saisie du cas de
civils palestiniens expulséssur ordre du commandantmilitaire de Judéeet de Samariehors de

ces territoires à destination de Gaza, a, dans unjugement en date du 3 septembre 200216,fait
explicitement applicationde certaines dispositions dela Convention IV, ce qu'elle évitaitde
faire auparavant, même si elles les appliquaitdefacto".

1IC.I.J., arrêt,27juin 1996,Activitésnzilitairesetparcunilitairesau Nicaragua oz1contre celui-ci,Rec. 1996,p.
113, par. 218; v. aussi l'avis consultatifdu 8 juillet 1996, Licéiténzenace ou de l'enzploid'arnzes
nucléaires,Rec. 1996,p.256, par.75.
lIbid., p. 257, par. 79.
13V. l'avispréc.de 1996,Rec. 1996,p. 257, par. 78, et p. 260, par. 87.
14R.I.CR.,1990,pp. 69-70.
15Texte inProclamation, OrdersandAppointnzentsof the lsraeli Defence Forcesin the WestBank Area, Il août
1967.
16Cf. HCJ 7015102et 7019102,AjurY.IDF Commander,[2002]IsrLR,par.13.
17
Cf. HCJ 1361191Mesalenz Y.IDF Conzilzanderin GazaStrip IsrSC 36(4) 444, p.4;HSJ 554181Beransav.
Central Commander IsrSC36(4)247, p.250 - enfin, 17applicabilitde la Convention IV a été affirmé àe maintes reprises par les
organescompétentsdesNations uniesI8.

21. Quant au règlementde La Haye de 1907,ses dispositions ont acquis une valeur
coutumièrequi les rend opposables à tout État,partie ou non.

ii/L 'applicabilitédes règles relativàsla protection internationale des droils de l'homme

22. Contrairement à la convention IV de 1949, les traités relatifsà la protection
internationale des droits de l'homme auxquelsIsraël est partie ne sont pas expressément
mentionnéscomme étantdes instruments pertinentspar la résolutionES-10114saisissant la

Courde la question en examen. A cet égard,il apparaît que la Cour devrait être guidép ear les
deux directivessuivantes.

23. En premier lieu, conformément à l'article 2 du pacte relatif aux droits civils et
politiques, les États parties((s'engagent à respecter et à garantir à tous les individus se

trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence» les droits qui y sont reconnus.
Bien qu'ilne comporte pas de dispositionsimilairedu fait de la nature des droits qu'il énonce,
le pacte relatif aux droits économiques,sociaux et culturels doit êtreinterprété dans le même
esprit. Il en résulteque les pactes sonten principeapplicables dans les territoires occupésdans
la mesure où les individus qui s'y trouvent « relèvent de la compétence » de la puissance

occupante.

24. En second lieu cependant, il convientde tenir dûment compte de l'article 4 du
pacte relatifaux droits civils et politiquesqui,

- d'une part, autorise les États partàe((prendre, dans la strictemesure où la situation
l'exige, desmesures dérogeant auxobligations » qui y sont prévues «sous réserveque ces
mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit
international.. » (paragraphe 1) ;

- d'autre part, exclut toute dérogation à certaines dispositions (paragraphe 2) ;
toutefois, aucunede ces exclusionsne paraît pertinenteen l'espèce.

iii/Les résolutionsconsacrées à la question

par le Conseil de sécurité et'Assernbltieénérale

25. Dans sa demande d'avis, l'Assembléegénérale a souligné l'utilitd ée prendre
en considération les résolutions consacrées à la question par le Conseil de sécurité et
l'Assembléegénérale. La France croit utile d'apporterles précisions suivantàsce sujet.

18
V. not. les résolutionsde l'Assembléegén2851 (XXVI)du 20 décembre1971, 3092A (XXVIII) du 7
décembre1973, 3240 B (XXlV), du 29 novembre 1974, 3525B (XXX) du 15décembre1975ou encore 58/97
du 17 décembre2003. Sur ce point, v. égalementles résolutions du Conseilde sécurité271 (1969) du 15
septembre 1969,446 (1979) du 22 mars 1979,465 (1980) du le'mars 1980, 672 (1990)du 12octobre 1990et,
plus récemment,1322(2000) du 7 octobre2000 et 1435(2002)du 24 septembre2002.26. Il convient probablement de ne pas interpréterde manière étroite l'expression
« résolutions consacrées à la question ». On peut releveràcet égard que le Conseilde sécurité

n'a adopté aucune résolution portant directemen stur la question de la licéitéde l'édification
du mur ou sur ses conséquences. Quant à l'Assemblée générale, outlra erésolutionES-10114,
elle a, par sa résolutionES-10113du 21 octobre 2003, adoptéepar 144voix contre 4 avec 12
abstentions, exigé « qu'Israël arrêtela construction du mur dans le territoire palestinien
occupé,y compris Jérusalem-Est etses alentours, et revienne sur ce projet, qui s'écartede la

ligne d'armistice de 1949 et qui est contraire aux dispositions pertinentes du droit
international». Dans ses résolutions 58/98 et58199du 9décembre 2003, elle s'est à nouveau
déclarée préoccupée pa lr construction du mur et son tracéet, dans la première elle a de
nouveau exigél'arrêtde son édification.

27. Ces quelques résolutions ne sontpas les seules à êtrepertinentes aux fins de la
demande d'avis :de nombreux éléments figurant dans les résolutions du Conseilde sécurité et
de l'Assembléegénérale devraiene tn outre être prisen considération parla Cour, notamment
ceux concernant le droit applicable19,l'inadmissibilitéde l'acquisition de territoires par la

force et la condamnation des tentatives d'annexion de certains territoires occupéspar Israël,
ainsi que de la politique de colonisation qui y est menée2'.Tel est aussi le cas d'autres
résolutions, plusgénérales,comme les résolutions1368 (2001) et 1373 (2001) relatives à la
lutte contre le terrorisme2'.

ivL/es accords particuliers par lesquels les parties concernées sontliées

28. Bien que la résolution ES-10114 ne mentionne spécifiquement aucun

instrumentjuridique particulier autre que la quatrièmeconvention de Genève, sa rédaction
non limitative invite à s'interroger sur l'existencede règles qui pourraient lier les parties
concernées, soit entre elles,soit même dansleurs relations avec des tiers, et qui seraient
pertinentes pour permettre à la Cour de répondre à la question que lui a posée l'Assemblée
générale.

29. L'accord intérimaireisraélo-palestiniende Taba relatif à la Cisjordanie età la
bande de Gaza du 28 septembre 1995, qui se substitue aux accords de Washington du 13
septembre 1993 et du Caire du 4 mai 1994, et en reprend et en complète les dispositions

pertinentes,pourrait présenterune certainepertinence à cet égard22A. ux termes de l'articleXI
de cet accord :

« Les deux Parties considèrentla Cisjordanie et la bande de Gaza comme une
seule entité territoriale, dont l'intégrité eltatut serontpréservés au cours de

la périodeintérimaire».

20V. ci-dessus, par.21.
V.not., en ce qui concerne l'annexionde Jérusalem-Est,lesrésolutions duConseil :298 (1971) du
25 septembre 1971,476(1980) du 30juin 1980,478 (1980) du 20 août 1980,et celles de l'Assemblé:générale
361120E du 10 décembre1981, 56/31du 3 décembre2001 et 58/22 du 3 décembre2003. Pour ce qui est des
colonies de peuplement,. les résolutions446 (1979) du 22 mars 1979, 452 (1979) du 20 juillet 1979, 465
(1980)du le'mars 1980du Conseil, ou2253 (ES-V) du 4juillet 1967,361226A du 17décembre1981,38158C
du 13décembre1983,44140A du 4 décembre1989,571126du 11décembre2002, ES-1016du 9 février1999,
21-10113 du 21 octobre2003 ou 59198du 9 décembre2003 de l'Assemblée.
22Cf. irfra par. 49.
DocumentA/51/889 et Sl19971357.En outre, lesarticles XXIX et XXX, et VI11et IX de l'annexe 1garantissent et organisent le

libre passageentre la Cisjordanie et la bande de Gaza, et les mouvements dans, depuis et vers
ces territoires.

30. La question se pose en outre du statut juridique de la « feuille de route »,

établie parle «quatuar » constituépar des représentantsdes États-unis d'Amérique, de la
Fédérationde Russie, de l'Union européenne etde l'Organisation des Nations Unies, et
approuvée parla résol~ition1515 (2003) du Conseil de sécurité du19 novembre 2003~~.Le
texte de ce document a été présenté au Gouvernement israélien et à l'Autorité palestiniennele

30 avril 2003 et, bien qu'Israël eût fait des réserves concernant le détail du textel,es deux
parties en ont approuvé le principelors de la conférence d'Aqaba, le4juin 2003.

31. Il n'est pas exclu que ces engagements croiséspuissent êtreconsidérés comme

un accord liant leurs auteurs24 ;on peut aussi les considérer commedes actes juridiques
unilatérauxobligatoires à ce titre2j. En tout cas, il convient de remarquer que l« feuille de
route » est rédigéeen termes d'obligationspesant sur les parties26et que par sa déclaration du
22 juin 2003, le « quatuor » a pris acte des «engagements » pris à l'occasion du sommet

d'~~aba~~.De plus, dans sa résolution1515 (2003) du 19 novembre 2003, le Conseil de
sécuritéa demandé « aux parties de s'acquitterdes obligations qui leur incombent en vertu de
la Feuille de route, en coopérationavec le Quatuor, et de concrétiserla vision de deux États
vivant côte àcôte dans la paix et la sécurit».

32. Sur le fond, la « feuille de route» comporte des éléments qui présententdes
lienstrès directsavec la question posée àla Cour. En particulier:

- dès la phase 1 (en principe avant mai 2003), « les Palestiniens entreprennent
immédiatementde mettre fin à la violence sans condition » et « Israël prend toutes les
dispositions nécessairespour aider à normaliser la vie des Palestiniens » et« gèle toutes les
activitésd'implantation decolonies » ;

-« [l]e Gouvernement israélienne prend aucunedisposition susceptible de nuire à la
confiance, notamment les expulsions, les attaques dirigéescontre des civils, la saisie ou la
destruction de biens palestiniens comme mesure punitive ou destinée à faciliter des activités

de construction par Israël, la destruction d'institutions et d'infrastructures palestiniennes et
autres mesuresénoncéesdans le plan de travail Tenet»;

- en outre, «Israël prend des mesures pour améliorerla situation humanitaire »,

notamment « en assoiiplissantlesrestrictionsàla circulationdes personnes etdes biens » ;

-s'agissant de la phase II (qui devaitdurer dejuin àdécembre2003)'il est prévu que,
dans le cadre du processus de négociation israélo-palestinien visant à la créationd'un État

23Document Sl20031529.
24 La Cour a eu l'occasion de préciserqu'un accord n'étaitsoumàsaucune forme particulière en droit
international (cf.lesarrêtsduécembre1978,Plateau continental dela merÉgée,Re1978,p.39,par.96et
du 1"juille1994, Délimitationmarititneet questions territoriales entreQatar et Bah1994,pp.120-
121par.23.
25V.szipra,par20.
26
Cf. la partie introductive, i:«À chaque pliase, les parties doivent s'acquitter de leurs obligations
27rallèlement,sauf indication contr(Sl20031529annexe,p.2.
V. l'annexeà la lettre datée25juin2003, adresséeau Présidentdu Conseil de sécuritépar le Secrétaire
général(Sl20031672).palestinien indépendant dotéde frontières provisoires, « les accords antérieurs visant à
maximiser la continuité territoriale serontmis en Œuvre».

b)Ln questioizde Inconforinité àces r2gles
de I'éd~Ifrcntiodiznzurseloizle tracéretenu

33. Après avoirexaminéla nature des règlespertinentes, la République française
abordera la question de la conformité à celles-ci de la construction du mur selon le tracé
retenu. Par commodité,il semble opportunde distinguerlesproblèmes posés par l'interdiction
de l'annexion (i), d'une part, et les manquements auxautres règles du droit humanitaire etles

atteintes aux règles protectricesdes droits de l'homme applicables(ii), d'autre part.

i/Lesproblèr~es juridiques poséA -sar
l'interdictionde l'annexionet les questionsconnexes

34. Il ne saurait faire de doute que, si l'édification du mur devait s'analen une
annexion d'une partie du territoire palestinien occupé,celle-ci serait contraiàel'idée même
d'occupation militaire, qui correspond à un pouvoir de fait (cf. l'article 42 du Règlementde

La Haye) n'ayant vocation à s'exercer que de manière temporaire. Il en résulte qu'une
annexion, defacto ou dejure, ne saurait priver les personnes protégées qui se trouvent sur le
territoire occupédu bénéfice de la quatrième conventionde 1949(article 47).

35. Cette règle est renforcée parle principede l'interdictionde l'acquisitionde tout

territoire par la force. Découlantde l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies,
ce principe est exprimé avec netteté dansla déclarationrelative aux principes du droit
internationaltouchant les relations amicaleset la coopération entre les États conformément à
la ChartedesNations unies2'.

36. Le Conseil de sécurité afait application de ce principe au cas des territoires
arabes occupésdèssa résolution 242(1967) du22 novembre 1967dans laquelle il souligne
« l'inadmissibilitéde l'acquisition de territoire par laguerr» et affirme que «l'instauration
d'une paix juste et durable » doit comprendre le principe du ((retrait des forces armées

israéliennesdes territoires occupéslors du récent conflit». Le Conseil a réaffirmé cprincipe
à maintes reprises depuislors29.

37. Il reste que, de son côté,Israël a déclaréà plusieurs reprises que l'édification
de la barrière est une mesure temporaire »30.Ainsi, le représentant permanentd'Israël a

affirmédans une déclarationdu 8 décembre 2003devant l'Assemblée générad les Nations
unies que «the securityfence is a tenzporary (...measzlre...As soon as the terror ends,the
jince will no longer be necessary La décision2077 du Conseil des Ministres israélien

29Résolution2625 (XXV) du 24 octobre 1970.
V. not. les résolutions, 252 (1968) du21 inai 1968,267 (1969) du 3juillet 1969),298 (1971) du 25 septembre
1971,476 (1980) du 30 juin 1980,478 (1980) du 20 août 1980 et 681 (1990)du 20 décembre 1990).V. aussi,
not. les résolutions2799 (XXVI) du 13 décembre 1971,2949 (XXVII) du 8 décembre 1972,31161 du 9
décembre197632120du 25 novembre 1977, 371123 A du 20 décembre 1982,44/40 A du 4 décembre 1989,
52152du 9 décembre1997, 55/55 du 10décembre 2000, 56/36du 3 décembre2001 ou 571110 du 3 décembre
3002 de l'Assemblée générale.
31Rapportdu Secrétairegénéra, IES-10!248,par. 29.
Texte disponible surle site www.Israel-UIV.org.approuvant la première phasede construction de la «barrièrede sécurité » confirme du reste
qu7«elle ne constituepas une frontière politique ou autre»32.

38. De l'avis de la République française,de telles déclarationsont une incidence
juridique. Elles conduisent la Républiquefrançaise à estimer que l'on ne saurait imputer à
Israël, du seul faitde la construction du mur, une violation du principe fondamental du droit
international, qui s'applique aux territoires occupés,de l'interdiction de toute acquisition

territoriale par la force, dans la mesure où cette construction est déclarée temporairet sans
incidence sur le tracédes frontières définitives entreIsraël et la Palestine. Le Gouvernement
françaisrappelletoutefois que l'Assembléegénérale a indiqué,dans la résolutionES-1011 3 du
21 octobre 2003, que :

« le tracé prévu dumur que construit Israël, la puissance occupante, dans le
territoire palestinien occupé,y compris Jérusalem-Estet ses alentours, risque
de préjugerdes négociations futures etde rendre la solution à [sic]deux États
physiquement impossible à appliquer et d'entraîner une situation humanitaire

encoreplus difficilepour les Palestiniens».

ii/Les rnanquenzentsaux autres règles du droit international humanitaire
et aux principesprotecteurs des droitsde l'homme applicables

39. La construction du mur paraît contraire àd'autres règlesdu droit international
humanitaire ou protectrices des droits de l'homme par lesquellesIsraël est lié.Ainsi que la
France l'a indiquéci-dessus (sections a).i/ et iil), les deux corps de règles sont applicablesen

l'espèce et se complètent mutuellement. II y a donc lieu d'examiner conjointement les
violations que l'édification mur pourrait constituerdes unes et des autres.

40. Sousréservedes aspects examinésci-dessus (i),l'un desmanquements les plus
graves aux règlesdu droit international humanitaire résultantde la construction du mur selon

le tracé retenuconcerne sans doute, prinzafacie, la destruction de biens ou de propriétés
qu'elle entraîne, et qui est mentionnéedans le rapportdu Secrétairegénéral33.

41. A cet égard,le droit internationalinviteàtenir compte de deux considérations.

D'une part, il impose une indemnisationqui compenseeffectivement l'intégralité du préjudice
subi par les propriétaires des biensconcernés.D'autre part, il permet laprise en compte des
«nécessités de la guerre ».

42. En effet, aux termes de l'article 23.g)du règlementde La Haye de 1907,il est

interdit«de détruire oude saisir des propriétés ennemiess,auf le cas où ces destructions ou
ces saisies seraient impérieusement commandéep sar les nécessitéde la guerre».Et l'article
53 de la conventionIV de 1949dispose :

«Il est interdità la Puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou
immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement à des personnes
privées, àl'État ouà des collectivitéspubliques,à des organisations sociales ou
coopératives,sauf dans les cas où ces destructions seraientrendues absolument
nécessaires par lesopérationsmilitaires ».

32
33V. le rapport du Secrégénéral,ar. 5.
AIES-101248,par. 2V. aussibid .ars. 17,18et25.

12En outre, l'article 147 de la convention considère comme des « infractions graves» «la

destructionet l'appropriation de biens nonjustifiéespar des nécessités militaires et exécutées
surune grandeéchellede façon illiciteet arbitraire ».

43. Il résulte de leur énoncéque ces interdictions ne sont pas absolues et
s'entendent sous réservedes nécessités militaire^ Il i.porte cependant de noter qu'elles

sont énoncéesd ,ans ces trois dispositions,de façon particulièrement strict:elles doivent être
((impérieuses »ou «absolument nécessaires».Il appartiendra à la Cour de porter sur ce point
sapropre appréciation.

44. Il est un deuxième domainedans lequel la construction du mur paraît,prima

facie, tenir en échec sinonles règles dudroit international humanitaire du moins celles qui
sont relatives à la protection des droits de l'homme. Cette édification porteen effet une
atteinte sérieuseà la libertéde circulation despersonnes garantie par l'article 12 du pacte
internationalrelatif aux droits civils et politiques de 1966. Ici encore, il résultede la rédaction
mêmede cette disposition qu'il ne s'agitpas d'une liberté absolue puisque le paragraphe3 de

l'article admet la possibilitéde «restrictions ... prévuespar la loi, nécessaires pour protéger
la sécurité nationale, l'ordre public..». De l'avis de la République française,il ne faut pas
interpréterde manière trop restreinte cette possibilitédans le cadre d'une occupation de
guerre. D'un autre côté,il convient de tenir compte de la durée extrêmement longue de
l'occupation en question, qui rend difficilement acceptables des restrictions qui seraient

justifiables si elles étaientprovisoires et limitéesà la période suivant immédiatementdes
opérationsmilitaires.

II. La question de la proportionnalitéde l'édificationdu mur selon le tracéretenu

par rapportaux menaces pesant sur Israël

45. Si, selon l'article 1" du projet d'articles de la Commission du Droit
international sur la responsabilitéde l'État pour fait internationalement illicite, en principe,
([tlout fait internationalement illicite de l'État engage sa responsabilité internationale»,

l'illicéité etxclue dans un certain nombrede circonstances énumérées aux article 2s0à 25
de ce projet. Il convient donc de s'interroger sur la question de savoir si, bien qu'elle soit,
prima facie, contraire à plusieurs obligations internationalesd'Israël, l'édificationdu mur sur
le territoire palestinien occupéne peut être justifiée par certaines de ces circonstances. Il
convient notamment de se demander si cette édification constitueune réponse proportionnée

(b)aux menaces auxquelles elle entend riposter (a).

a) Le droit d'Israël deriposter aux menacespesant sur sa skcuriti

46. Comme l'indique le rapport du Secrétaire générall,a construction du mur
s'inscrit dans le cadre des mesures étudiéepsar le Gouvernement israélienen vue d'« enrayer
les infiltrations en Israàpartir du centreet du nord de la Cisjordanie »et a étédécidée « [a]
la suite d'une forte augmentation du nombre des attentats terroristes perpétréspar des
Palestiniensau printemps 2002 »35.

34L'impact juridiquede telles néceseraexaininéci-après(p53).
35AIES-101248,par4.47. Il est incontestable qu'Israël doit fairefacàdes menaces graves pesant sur sa

sécurité auxquelles il doit être misfin. Telle est du reste l'une des préoccupations constantes
reflétées parla « feuille de route » qui rappelle qu'« [u]n règlement du conflit israélo-
palestinien prévoyantdeux États ne verra le jour que lorsque la violence et le terrorisme

aurontpris fin ))et ay6elle avec insistance les dirigeantspalestinieàs«agir de façon décisive
contre leterrorisme )) .

48. Ces préoccupationsont été exprimées avec fermeté le, 14 octobre 2003, par le

représentantpermanent de la France lors du débat duConseilde sécurité :

« La France reconnaît le droit imprescriptible d'Israëà la sécuritéet son
droit à se défendre et à lutter contre les attentats terroristes, qui sont

absolument condamnables, moralement répugnants et qu'aucunecause ne
sauraitjustifierD~'.

Le délégué de l'Italie s'est exprimé dansle même sensau nom de l'ensemble des États

membres de l'Union européenneet a réitéré leur ferme condamnatiod ne l'intensification des
attaques-suicides et des autres actes de violence au cours des débatsde la dixième session
extraordinaire d'urgence de l'Assembléegénérale le 20 octobre 2003~'puis, à nouveau, le 8

décembre 2003 durantle débatsur le projet de résolution~~-10/14~~e ,n mêmetemps qu'il
reconnaissait, toujours au nom de l'Union européenne, «le droit d'Israël de protéger ses
citoyensdes attentats terroristesD.

49. De même, l'Assemblée générale a condamné à maintes reprises « tout recours
à la violence, au terrorisme et à la destruction» et, en particulier, les attentats-suicides4',et
demandé à l'Autoritépalestinienne « d'arrêter edte désorganiser les individus et les groupes
qui exécutentet organisent des attentats violents et de les empêcl-idr'agir D~'.Pour sa part, le

Conseil de sécurités'est déclaré « attaché à la vision d'une régiondans laquelle deux États,
Israël et la Palestine, vivent côàecôte,à l'intérieurde frontièresreconnues et sûres »,dans la
droite ligne de ses résolutions 242(1967) et 338 (1973), et a exi é« la cessation immédiate
de tous les actes de violence, y compristous les actesde terreur Par ailleurs, le Conseil de

sécuritéa, par sa résolution1269 dont la portéeest générale, «[condamné] catégoriquement
tous les actes ainsi que toutes les méthodes etpratiques deterrorisme, qu'il juge criminels et
injustifiables, quels qu'en soient les motifs, sous toutes leurs formes et manifestations, où

qu'ils soient commis et quels qu'en soient lesauteurs, en articulier ceux qui risquent de
porter atteinte à la paix et à la sécurité internationale »4! Il a, par sa résolution 1435,
«[demandé] à l'Autoritépalestinienne d'honorer l'engagement qu'elle a priset de faire
traduire enjustice les auteursd'attentatsterroristes»14.

3DocumentS12003i529,annexe.
3V. SlPV.4841,p. 19.
3V. AIES-1OlPV.21,p22-23.
39V.AIES-lOIPV.23,p.17.
40RésolutionES-IO113 du 21octobre 200;v. aussi les résolutionsES-1012du 25 avril 1997, ES-IO18du 20
décembre2001, 571110 du 3 décembre2002, 571127du Il décembre2002, ES-10112du 19 septembre 2003 et
58/98 et 58199d9décembre2003.
4RésolutionES-10113.
42Résolution1397 (2002)du 12mars 200;v. aussi les résolutions1402 (2002)du 30 mars 2002, 1435(2002),

43 24 septembre2002 et 1515(2003) du 19novembre2003.
44ésolution1269(1999) du 19octobre 1999,par.1. V. aussi lesrésolutions1368(2001) et 1373(2001).
Résolution1435(2002) du24 septembre2002, par.4.50. Ces actes ont sans aucun doute créé une situation qui autorise Israël à prendre

des mesures de nature à assurer sa sécurité,que l'on qualifie cette situation de légitime
défense,de détresse ou d'étad te nécessité.

b) L'évnluation du problèmede Inproportionrznlité

i/ L'exigencedeproportionnalité

51. Indépendamment des conditions particulières auxquelles chacune de ces
circonstances excluant l'illicéité peuê t tresubordonnée, toutes exigent queles mesures en
question soient proportionnelles au danger auquel elles répondent. Ainsi,en ce qui concerne

la légitime défense,qu'Israël invoque expressément45,son exercice est subordonné,par
l'article 51 de la Charte et par le droit international coutumier,à des conditions strictes, dont
l'une est précisément le principe de proportionnalité ;((les conditions de proportionnalité et
de nécessité [sont] inhérentesau concept de légitime défense »46.

52. La condition de proportionnalité trouve également à s'appliquer si l'on
considèrela construction du mur comme une contre-mesure adoptéeet mise en Œuvre en
riposte aux menaces, sans aucun doute illicites4', pesant sur Israël. Outre qu'elles (csont

limitées à l'inexécution temporaire d'obligations internationaled se l'État prenant les mesures
envers l'État responsable )> et «doivent, autant que possible, être prisesd'une manière qui
permette la reprise de l'exécution des obligations en question »48et ne porter atteinte ni« aux

obligations concernant la protection des droits fondamentaux de l'homme », ni « aux
obligationsde caractère humanitaireexcluantles représailles »49,

« Les contre-mesures doivent être proportionnellesau préjudice subi, compte

tenu de la gravitédu fait internationalement illiciteet des droits en cause»50.

53. Le fait que le mur soit construitdans le cadre d'une occupation armée estsans
incidence sur l'exigence fondamentalede proportionnalité.L'ensemble du droit desconflits

armés internationauxest dominépar la recherche d'un équilibre entreles nécessitésde la
guerre et son humanisation, ce qui constitue en soi une illustration du principe de
proportionnalité.Il se trouve plus précisément énoncd éans les dispositions spécifiquesqui

trouvent application en la présenteespèce,qu'il s'agissede l'article 23.g) du règlementde La
Haye de 1907 ou des articles 53 ou 147de la quatrième conventionde Genèvede 1949, qui
restreignent de manière particulièrement stricte la possibilité d'invoquer les « nécessités
militaires » (v. supra, pars. 42-43).

4Annexe 1au rapport du Secrétairegéné, IES-101248,par. 6.
46 Rapport de la C.D.I., 53""'session,2001, Assemblée géne,cuments officiels, 56session, supplément
no 10 (Al56110), p. 192, commentaire de l'article 21, par. 6). V. not. C.I.J., arrêt,27 juin 1986, Activités
militaires etparamilitaires auragziaoz1contre celui-ci,Rec. 1986,p. 94, par. 176 ou p. 103,par. 194, avis
consultatif, 8juillet 1996,té dlea menace ozide l'en~ploid'armesnzlclé, ec. 1996-1,p. 245, par. 41 et
arrêt, 6novembre2003,Plates-forrnespétrolièpars.43, 51,74 et 76.
47V. a), supra.
4Article 49, pars. 2 et 3, du projet pra C.D.I.e
4Ibid., article 50, par. 1.b)et c).
5Ibid., article 51.V. C.I.J.dua25 Septembre 1997,Projet deGabc'ikovo-Nagvmaros, ec. 1997,p. 56, par.

85.54. Il en va de mêmeen ce qui concernela lutte contre le terrorisme. Ainsi, touten
reconnaissant ((le droit imprescriptible d'Israël à la sécurité et son droit à se défendre et à
lutter contre les attentats terroristes ))(v. supra, par. 48), le représentant permanent dela

France a, lors de son intervention du 14 octobre 2003 devant le Conseil de sécurité, précisé
que, (<[clependant, la lutte contre le terrorisme ne saurait tout justifier et doit se faire dans le
respect du droit D~'.

ii/ L'appréciationde lnproportionnalilé

55. Si la Cour décidede donner suite à la demande d'avis, il lui revient d'établir si
les conditions nécessaires à la mise en oeuvred'une circonstance excluant l'illicéité résultant
de la construction du mur sont remplies et, en particulier, si l'exigence fondamentale de
proportionnalitéa été respectée.

56. A cette fin, la Haute Juridiction sera conduite à prendre en considérationnon
seulement les circonstances immédiates de l'édification du mur, mais aussi le contexte plus

général dans lequel celle-ci intervient.

57. Dans l'affaire des Plates-formes pétrolières,la Cour a préciséqu'elle ((ne
saurait apprécier isolément la proortionnalitéentre [l'action contre les plates-formes] et
52P
l'attaque censéel'avoir motivée )) . De même ici,il lui faudra tenir pleinement compte à la
fois de la gravitédes menaces pesant sur la sécurité d'Israël, de l'ensemble des mesures prises
par le Gouvernement israélien pour y faire face, dont la construction du mur n'est qu'un

épisode, ainsi quedes atteintes que la constructiondu mur porte aux droitsdes Palestiniens.

58. Dans ce contexte, la Cour pourrait souhaiter prendre notammenten compte le
fait que le mur, s'il est achevé, constitueraune barrière continue, entrecoupée d'un petit

nombre de points de passage, de 720 kilomètres de long53,créant au surplus de multiples
enclaves touchant plus d'un demi million de palestinienss4 et amputant defacto le territoire
palestinien occupé, dont une portion se trouvera coupée de tout contact direct avec un État

tiers.

III. La question des conséquences juridiques

de l'édificationdu mur selon le tracé retenu

a)L'obligationde nzettre fin lla situation illicite

et derkparerleprGudice qu'elle n causé

59. Ainsi que la Commission du Droit international l'indique dansle commentaire
des articles qu'elle a adoptés en 2001 sur la responsabilité de l'État pour fait

internationalement illicite, « [I]a question de la cessation est souvent étroitement liée à celle
de la réparation et en particulier dela restitution »". Un État ne saurait en effet s'acquitter

51V. SiPV.4841,p.19. V. égalementles interventions préci(sotes 73, 74 et 75) du représentant de l'Italieau
nom de l'Unioneuropéennedes 14et 20octobre2003 et du 8 octobre2003.
52Arrêtdu 6 novembre 2003, par. 7;v. aussi le par. 68.

54Rapport du Secrétairegénéral, IES-101248,par.6.
55Ibid.par. 8.
Rapport de la Commissio~zdu droit intemutional53e"'esessio- Assemblée générale, Documents officiels,
56"""session,Suppl. no 10(Al56110)[ci-aprèRapportC.D.I.20011,p. 235, commentairede l'art.30, par. 7.pleinement du devoir qui lui incombe, autitre dela réparation,d'éliminerles conséquencesde
son comportement illicitetant qu'il nese conformepas à l'obligationd'y mettre fin56.

i) L'obligation 61%inettrefin à la situation illicite

60. Deux conditions doivent être réunies pouq ru'un État responsable d'un fait
internationalement illicite soit tenu de mettre un terme à celui-ci. Selon les termes employés

par le Tribunal arbitraldans l'affaire du Rainbow Wnrrior, la naissance de l'obligation de
cessation exige à la fois<(que l'acte illicite ait un caractère continu etque la règlevioléesoit
toujours en vigueur »57au moment oh les conséq~iencejsuridiques de cet acte doivent être

établies.A l'aunede ces deux conditions, il ne faitpas de doute qu'Israël ait, consécutivement
à la coiistructiondu mur dans le territoire occupé,pour premièreobligation de mettre fin à son
comportementillicite.

61. En effet, laconstruction du mur, selon le tracé retenu par Israël, doit avant tout
êtrecomprise comme le fait générateur d'une « situation illégale)>j8.C'est cette situation,
prise dam la globalitédes violations qu'elle comporte,qui perdure a~ijourd'huien contrariété

de certaines des règles les mieux établiesdu droit internationalet qui doit prendre fin. Dans
cette perspective, lapremière mesurequ'Israël doit prendre pourremédier à l'illégalitéde son
comportement consiste à arrêter les travaux qu'il a entrepris dans les territoires palestiniens
depuisplus de dix-huit mois,ainsi que l'Assembléegénérale le lua i demandé59.

62. Bien qu'il ne se soit pasprononcé surle problème dumur construit par Israël
ou sur les conséquencesqu'il entraîne, le Conseil desécurité a, en de nombreuses occasions,
adoptéun langage similaire au sujet d'autres actes accomplis par Israël dans les territoires

palestiniens occ~ipésA . insi, dans la résolution452 (1979)'il « demande au gouvernement et
au peuple israéliende cesser d'urgence d'établir,édifier et planifier des colonies de
peuplement dans les territoires occupés depuis 1967, y compris Jérusalem De même, et

alors qu'était déjà connue la décisionprise par Israël d'édifier un «système de clôtures, de
murs, de fosséset de barrières enCisjordanie D~',le Conseil a exigédu gouvernement de ce
pays qu'il « mette fin aux mesures de destruction des infrastructures civiles » dans certaines

parties des territoires occupés62.

ii)L'ohli,~ation de riparer les donzmngescazuks par la situalion illicite

63. Comme la Cour permanente de Justice internationale l'a rappelédans une
formule célèbre :

j6 Dans I'Aflaii-erelative au Personnel diplonlalique et consz~lairedes EtaLiTghkr~znpar exemple, la
Cour a décidéclLiela premièredes mesures que l'lrnn devait prendre pour reméàila situation corisiàtait
<faire cesser immédiatementla détention illicite» des otages américains (u4 mai 1980, p. 44, par. 95,
point 3), a)).
57Seritencedu 30 avril 1990,Nations UniReczreilciessentences arbitravol. XX (1990), p. 270, par. ;14
voir aussiRapport C.D.I.2001,p.234, commentaire de l'art. 30,par. 3.
58V.Cor7séqz~encjz~ri~iiqzeosr les Élats de 10présencecorîtitîl~ede 1'Ajriqzreùz~Szld en ~Vamibie(Sz1~1-0~1est
ajiicairavis consultatif du 21juin 19Rec.1971,p. 54, par. 118.
59Voir lesrésolutionsES-10113 du 21octobre 2003 et 58/98du 9 déceinbre2003.
60
61Résolutiondi120juillet 1979.
Rapport du Secrétairegénér, IES-101248,par. 2.
Résolution 1435(2002), 24 septembre2002, par. 2. « Le principe essentiel, qui découle dela notion même d'acte illicite [...], est

que la réparation doit, autant que possible, effacer toutesles conséquences de
l'acte illicite et rétablirl'étatqui aurait vraisemblablement existé si ledit acte
n'avaitpas été commis >)63.

64. La restitution constitue la modalité première de la réparation64A . ux termes de
l'article 35 du projet de la C.D.I. sur la responsabilité de l'État pour fait internationalement

illicite, qui codifie ici une règle inspirée par la simple logiqueet soutenue par une
jurisprudence constante6', l'État responsable est tenud'y procéder « dès lors et pour autant
[qu'elle] n'est pas matériellement impossible». Or, mêmesi, à la lecture du rapport du

Secrétaire générall,e mur apparaît comme une structure imposante, appelée à creuser une
marque tangible dans le territoire palestinien occupé66l,a destruction de la partie situéesur ce

territoire et la remise des choses en l'étatne semblent pas impossibles.

65. D'une part en effet, alors quela restitution s'avère souvent impossible dansles

hypothèses où le préjudice procède de la destruction d'un bien, elle paraît toujours pouvoir
être effectuée lorsque, comme danlse cas présent, ils'agit à l'inverse de mettre à bas une
structure existante. L'opération peut parfois présented res difficultés pratiques importantes ;

en tant que telles, celles-ci ne suffisent cependant pas à rendre la restitution matériellement
impossible67.D'autre part, et surtout, Israël a souligné en plusieurs occasions le caractère

temporaire de l'ouvrage qu'ilconstruit6',en insistant d'ailleurs pourqu'il soitdésigné comme
une <(clôture de sécurité ))et non comme « un mur de séparation ))à vocation permanente69.

66. Dans le même temps, Israëla clairement exprimésa volonté de subordonnerun
éventuel démantèlementdu mur, ou une modification de son tracé, à l'évolution des
négociations relatives au statut final des territoires palestiniens Une telle

affirmation n'est pas compatible avec l'esprit même du processus de réparation, tel qu le
Cour permanente de Justice internationalel'a défini dansun dicturncélèbre7'.

63
Usine de Chorzbw,arrêtno 13, 13septembre 1928,sérieA, no 17,p. 47 ;voir aussi C.I.J., Affairerelative au
maildutd'arrêtdu 1I avril 2000, arrêtdu 14février2002, Rec.2002, pp.3 1-32,par. 76.
64Dans l'arrêt relatàfl'Usine de Chorzdw, la C.P.J.I. souligne d'ailleurs, dans la suite immédiatedu passage
précité, lprimautéde la restitution sur les autres formes de réparation (sérieno 17, pp. 47-48; v.aussi la

sentence rendue par l'arbitre uniqueupuy dans l'affaire Texaco-Calusiatic (19 janvier 1977, texte in JD.1,
6577,p. 350).
Voir notamment l'arrêrtendu parla C.P.J.I. dans l'affairede l'Usinede Chorzbw(13 septembre 1928,sérieA,
no 17,p. 48) et les affaires citéespar la C.D.I. dans lecommentairede l'article 35 (Rapport C.D.I. 2001, p. 257,
n. 526).
66AIES-101248,notainmentpars. 9-14.
67Dans une perspective similaire, il convient de rappeler que le Conseil de sécurité, apsvoir constaté que

(les pratiques d'Israël consistaàinstallerdes éléments desa population etde nouveaux immigrants ))dans les
territoires palestiniens occupésconstituaient uneviolation flagrant)) de la 4""" Convention de Genève, a
demandé au gouvernementisraéliende (démanteler les coloniesde peuplement existantes ))(résolution465
(1980), 1" mars 1980,pars. 5 et 6).
68Voir supra par. 37.
69Voir le rapport du Secrétaire général,IES-101248,par. 2 (astérisque).
70Voir en particulier la déclaration faiàel'Assembléegénérale parle Représentant permanentd'Israël aux

Nations Unies, lors du débatconsacréa l'adoptionde la résolutionES-10114(texte disponible sur le site internet
71w.Israel-UN.org ;cJ:aussi lecommuniqué depresseAG11463du 8 décembre2003).
((C'est un principe de droit international que laviolation d'un engagement entraînel'obligation de réparer
dans une forme adéquate. Laréparationest donc le complément indispensable d'un manquement à l'application
d'une convention, sans qu'il soit nécessaire quecela soit inscrit dans la conventionm))(Usine de Chorzbw
(conipétence),26juillet 1927,sérieA, no9, p. 21).67. Pour que le rétablissement dustatu quo ante soit aussi complet que possible,il

importe enfin que le démantèlementdu mur dans le territoire palestinien occu P2 soit
accompagnéde mesures de retrait des actesjuridiques qui ont permis sa construction et, si
besoin est, du versement d'une indemnisation appropriée.

iii)La nécessitéd'offiir des assurances etdesgaranties de non-répétition appropriées

68. La nécessité d'offrir des assurances ou des garanties de non-répétitiondu fait
illicite ne résulte pasautomatiquement de la commissiond'un tel fait mais doit être envisagée

à raison des circonstances particulièresde la situation ons sidéré Dan^s^.ne large mesure,
elle procède donc avanttout d'une appréciation enopportunité, essentiellement fondée sur un
examen de l'ampleur des manquements au droit constatés etde la probabilitédu risque que
ceux-ci se reproduisent. De ce double point de vue, l'octroi de telles assurances et garanties

semblerait,dans les circonstances qui font l'objetde la présentedemande d'avis, approprié.

b)L'obligationde nepas reconrznîtrelnlicéité de lnsitrintiorz

69. L'obligation de ne pas reconnaîtreune situation illicite est souvent associéà la
violation d'obligations qui présentent une importance fondamentalepour la communauté
internationale dansson ensemble74.

70. En l'espèce, lorsdes débatsrelatifs à la construction du mur qui se sont tenus
au Conseil de sécuritéet à l'Assembléegénéraleles 14 et 20 octobre, puis le 8 décembre
2003, les représentants permanentsde la France et de l'Italie auprèsdes Nations Unies - ce
dernier s'exprimant au nom des membres de l'Union européenne - ont exprimé des

préoccupationsquant aux conséquences quepourrait avoir lapoursuite des travaux75.Comme
cela a été précédemment indiquié l ,convient cependant de prêter foiaux engagements
qu'Israël a pris sur ce point et, plus particulièrement, surle fait que le mur ne constituait pas
une frontièrepolitique76.

71. En tout étatde cause, il n'est pas nécessairede déterminersi ces manquements
au droit constitueraient des violations graves d'obligations intransgressibles du droit
international pourjustifier la portéede l'obligation de non-reconnaissance dans la présente

situation. Une telle détermination s'avèreindispensable lorsquel'État responsable cherche à
obtenir du sujet lésélui-mêmela reconnaissance du fait illicite accompagnée d'une
renonciation à contester ses conséquences77.Elle paraît en revanche dénuéede véritable
pertinencepour ce qui a trait au comportement destiers : soit, en effet, ceux-ci n'ont paà se

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Le Conseil de sécurité a formalmaintes reprises des demandes similairesa propos de mesures aisant
modifier le statut de Jérusalem oua favoriser l'implantation de coloniesde peuplement (voir notammentles
73solutions4461979),465 (1980) et 476 (1980)des 22 mars 1979, le*marset 30juin 1980respectivement).
Dans l'article 33b), de son projet sur la responsabilité del'État pour fait internationalement illicite, la
74D.I. envisage l'obligationd'offrir de telles assurances et garantiesstances l'exigent».
Dansson projet sur la responsabilitéde l'Étatpour fait internationalementillicite, la C.D.I. évoque l'obligation
de non-reconnaissance etde non-assistancedans le cas deion gravepar l'État d'une obligation découlant
75une norme impératidu droit international général.40, 2, et art.S42).
V. SlPV.4841, p.19, pour l'intervention française au Conseil de Sle 14 octobre 2003;v. AIES-
101PV.21,p. 23, pour l'interventiondu Représentantitalien au nom des membres de l'Union européennele 20
76tobre2003 devantl'Assembléegénérale.
77upra,pars. 37-38.
Voir leRapportC.D.I. 2001,commentairede l'article41,11,par.9.prononcer sur l'étatd'une relation juridique intersubjectivequi leur est purement étrangère,
soit,à l'inverse, il existeune situation d'illégalité objective susceptee déployerdes effets
ergn onznes, àlaquelle ils ne peuvent, par définition, resteindifférent C^^e^.ce second cas

de figure, analogue àmaints égardsau problème dontla Cour a eu à connaître en 1971,qui se
présente ici.

c) L'obligation dereprendre 1'exL;cutiondes obligations violées

72. Il n'existe aucun motif juridique permettant de penser que les obligations qui
ont été invoquées dans le présent exposé sont devenues inapplicab desfait de l'édification
du mur construit par Israël dans le territoire palestinien occupé.Qu'elles procèdentdu droit
international général, du droit humanitaired,es principes de la protection internationale des
droits de l'homme oudes accords particuliers liant Israël et la Palestine, ces obligations sont

toujours en vigueur et doivent être exécutées de bonne fp oair les parties. Du strict point de
vue de la question soumise à la Cour, le devoir de reprendre l'exécution desobligations qui
ont été violées ne figure dons cans doute pas au nombre des conséquences juridiquesde la
construction du muren territoire palestinien occupé.

73. La République française considère toutefoisque la Cour pourrait utilement
envisager d'évoquer, pour surplus de droit, les conséquences juridiqueq sue l'édification du
mur ne saurait avoir, en rappelant notamment les parties concernées, mais aussila
communauté internationale dans son ensemble, au respect de leurs obligations internationales
et, notamment, au devoir de négocieren vuedu règlement pacifiquedes différend^^^.

CONCLUSION

74. La République française priela Cour, dans le cas où elle estimerait devoir

répondre à la demande d'avis consultatif contenue dans la résolutionES-10114 de
l'Assemblée générale, de le faireà la lumière des observations qui précèdent.

A Paris, le 30janvier 2004

Ronny ABRAHAM

de la République française

78Surcette «situation illégale»,voirsupra par. 61.
79La Cour a procédéde la soràplusieurs repri;voir not.Personnel ùiplotlzatiqueet consulaire desEtuts-
Unisà Téhérana,rrêtdu 24 mai 1980,Rec. 1980,pp. 42-43, p;Projet Gabfikovo-Nagynzaros,arrêtdu 25
septembre 1997,Rec. 1997, p. 81, par. ;Incident aériendu 10 août 1999 (compétence),arrêt du21 juin
2000, Rec. 2000, p. 34,par. 55 (concernant l'obligationde régler pacifiquementlesdifférends internationaux).

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Exposé écrit de la République française

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