CR 2001/9
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LA HAYE THE HAGUE
ANNÉE 2001
Audience publique
tenue le jeudi 18 octobre 2001, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Guillaume, président,
en l'affaire relative au Mandat d'arrêt du 11 avril 2000
(République démocratique du Congo c. Belgique)
____________
COMPTE RENDU
____________
YEAR 2001
Public sitting
held on Thursday 18 October 2001, at 10 a.m., at the Peace Palace,
President Guillaume presiding,
in the case concerning the Arrest Warrant of 11 April 2000
(Democratic Republic of the Congo v. Belgium)
_______________
VERBATIM RECORD
_______________
- 2 -
Présents : M. Guillaume, président
M. Shi, vice-président
MM. Oda
Ranjeva
Herczegh
Fleischhauer
Koroma
Vereshchetin
Mme Higgins
MM. Parra-Aranguren
Kooijmans
Rezek
Al-Khasawneh
Buergenthal, juges
M. Bula-Bula
Mme Van den Wyngaert, juges ad hoc
M. Couvreur, greffier
¾¾¾¾¾¾
- 3 -
Present: President Guillaume
Vice-President Shi
Judges Oda
Ranjeva
Herczegh
Fleischhauer
Koroma
Vereshchetin
Higgins
Parra-Aranguren
Kooijmans
Rezek
Al-Khasawneh
Buergenthal
Judges ad hoc Bula-Bula
Van den Wyngaert
Registrar Couvreur
¾¾¾¾¾¾
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Le Gouvernement de la République démocratique du Congo est représenté par :
S. Exc. M. Jacques Masangu-a-Mwanza, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la
République démocratique du Congo auprès du Royaume des Pays-Bas,
comme agent;
S. Exc. Me
Ngele Masudi, ministre de la justice et garde des sceaux,
M
e
Kosisaka Kombe, conseiller juridique à la présidence de la République,
M. François Rigaux, professeur émérite à l’Université catholique de Louvain,
Mme Monique Chemillier-Gendreau, professeur à l’Université de Paris VII (Denis Diderot),
M. Pierre d’Argent, chargé de cours à l’Université catholique de Louvain,
M. Moka N’Golo, bâtonnier,
M. Djeina Wembou, professeur à l’Université d’Abidjan,
comme conseils et avocats;
M. Mandjambo, conseiller juridique au ministère de la justice,
comme conseiller.
Le Gouvernement du Royaume de Belgique est représenté par :
M. Jan Devadder, directeur général des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères,
comme agent;
M. Eric David, professeur de droit international public à l’Université libre de Bruxelles,
M. Daniël Bethlehem, Barrister, membre du barreau d’Angleterre et du pays de Galles, Fellow of
Clare Hall et directeur adjoint du Lauterpacht Research Centre for International Law de
l’Université de Cambridge,
comme conseils et avocats;
S. Exc. le baron Olivier Gillès de Pélichy, représentant permanent du Royaume de Belgique auprès
de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, en charge des relations avec la Cour
internationale de Justice,
M. Claude Debrulle, directeur général de la législation pénale et des droits de l’homme du
ministère de la justice,
M. Pierre Morlet, avocat général auprès de la cour d’appel de Bruxelles,
M. Wouter Detavernier, conseiller adjoint à la direction générale des affaires juridiques du
ministère des affaires étrangères,
M. Rodney Neufeld, Research Associate au Lauterpacht Research Centre for International Law de
l’Université de Cambridge,
M. Tom Vanderhaeghe, assistant à l’Université libre de Bruxelles.
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The Government of the Democratic Republic of the Congo is represented by:
H.E. Mr. Jacques Masangu-a-Mwanza, Ambassador Extraordinary and Plenipotentiary of the
Democratic Republic of the Congo to the Kingdom of the Netherlands,
as Agent;
H.E. Maître Ngele Masudi, Minister of Justice and Keeper of the Seals,
Maître Kosisaka Kombe, Legal Adviser to the Presidency of the Republic,
Mr. François Rigaux, Professor Emeritus at the Catholic University of Louvain,
Ms Monique Chemillier-Gendreau, Professor at the University of Paris VII (Denis Diderot),
Mr. Pierre d’Argent, Chargé de cours, Catholic University of Louvain,
Mr. Moka N’Golo, Bâtonnier,
Mr. Djeina Wembou, Professor at the University of Abidjan,
as Counsel and Advocates;
Mr. Mandjambo, Legal Adviser to the Ministry of Justice,
as Counsellor.
The Government of the Kingdom of Belgium is represented by:
Mr. Jan Devadder, Director-General, Legal Matters, Ministry of Foreign Affairs,
as Agent;
Mr. Eric David, Professor of Public International Law, Université libre de Bruxelles,
Mr. Daniel Bethlehem, Barrister, Bar of England and Wales, Fellow of Clare Hall and
Deputy-Director of the Lauterpacht Research Centre for International Law, University of
Cambridge,
as Counsel and Advocates;
H.E. Baron Olivier Gillès de Pélichy, Permanent Representative of the Kingdom of Belgium to the
Organization for the Prohibition of Chemical Weapons, responsible for relations with the
International Court of Justice,
Mr. Claude Debrulle, Director-General, Criminal Legislation and Human Rights, Ministry of
Justice,
Mr. Pierre Morlet, Advocate-General, Brussels cour d'Appel,
Mr. Wouter Detavernier, Deputy-Counsellor, Directorate-General Legal Matters, Ministry of
Foreign Affairs,
Mr. Rodney Neufeld, Research Associate, Lauterpacht Research Centre for International Law,
University of Cambridge.
Mr. Tom Vanderhaeghe, Assistant at the Université libre de Bruxelles.
.
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Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. La séance est ouverte et je donne immédiatement
la parole au professeur Eric David pour poursuivre les plaidoiries du Royaume de Belgique dans
l’affaire opposant la République démocratique du Congo au Royaume de Belgique. Monsieur le
professeur vous avez la parole.
M. DAVID : Merci Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs
de la Cour.
1. C’est à nouveau un honneur de prendre la parole dans ce prétoire, un honneur auquel je
suis d’autant plus sensible qu’il me revient d’exposer des principes qui sont une des clés de voûte
de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à savoir l’élimination de
certaines entraves à la protection pénale de ces droits et ce, au nom même des exigences du droit
international.
2. J’en suis d’autant plus heureux qu’il semble y avoir, dans cette affaire, à la fois beaucoup
d’incompréhensions de la République démocratique du Congo sur la portée réelle des faits imputés
à la Belgique, mais presqu’autant d’incompréhension de la Belgique sur ce que la République
démocratique du Congo lui réclame exactement pour au moins une des deux parties de la requête
initiale, à savoir la question de la compétence universelle. «Les rayons et les ombres», aurait dit
Victor Hugo : pour l’instant il y a beaucoup plus d’ombres que de rayons et je crains qu’il y ait fort
à faire pour dissiper les premières.
3. Ce qui demeure en tout cas clair, c’est que les questions de fond devront être traitées sur
un mode nécessairement abstrait et théorique puisque, comme la Belgique l’a déjà montré, fût-ce
ad nauseam, comme le faisait remarquer le professeur François Rigaux1
, M. Yerodia n’est plus
membre du Gouvernement congolais et le différend aujourd’hui soumis à la Cour ¾ à savoir
l’émission en Belgique d’un mandat d’arrêt contre un ministre en exercice ¾ ce différend
s’apparente davantage à une demande d’avis consultatif sur une question juridique au sens de
l’article 96 de la Charte des Nations Unies plutôt qu’à un différend sur des droits précis et concrets.
1
CR 2001/5, 15 octobre 2001, F. Rigaux, p. 15.
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4. C’était cependant en étant consciente des limites que la Cour s’impose généralement dans
l’exercice de sa fonction judiciaire, c’était aussi par respect pour son adversaire et en tenant compte
du fait que les questions de compétence, de recevabilité et de fond devaient être traitées
simultanément que la Belgique avait analysé le fond de ces questions dans son contre-mémoire.
C’est dans cet esprit qu’elle continuera à les considérer bien que la Belgique ait le sentiment de
jouer moins le rôle d’un Etat au litige, que celui d’un délégué qui défend un point de vue dans une
conférence diplomatique ou dans un colloque de spécialistes du droit international. Si la Cour s’en
tient à sa jurisprudence, elle ne devrait pas entrer dans un débat qui risque fort de lui apparaître
comme essentiellement académique.
La Cour décidera, bien sûr, s’il lui appartient de trancher ces problèmes que, par ailleurs, la
Belgique ne craint nullement ¾ j’insiste sur ce point ¾ d’aborder quant au fond.
5. La présente plaidoirie comme la Cour le sait, portera sur les deux questions qui sont à
l’origine de la requête introduite par la République démocratique du Congo : l’exercice de la
compétence universelle par défaut et la prétendue atteinte à l’immunité de M. Yerodia à travers
l’émission du mandat d’arrêt du 11 avril 2000 pris sur la base de la loi belge relative à la répression
de violations graves du droit international humanitaire, loi du 16 juin 1993, amendée le
10 février 1999. Pour rappel, ces questions ne sont traitées qu’à titre subsidiaire, dans la mesure où
la Cour estimerait qu’elle est compétente et que la requête de la partie demanderesse est recevable.
6. Conformément à l’article 60 du Règlement de la Cour, l’exposé se bornera aux points qui
continuent à diviser les Parties et s’efforcera, autant que possible, de ne pas répéter tout ce qui a
déjà été dit et écrit sur le sujet, soit lors de la phase relative aux mesures conservatoires, soit dans le
contre-mémoire de la Belgique. Pour ne pas lasser la Cour et s’en tenir à l’essentiel, la Belgique se
bornera donc à ne présenter que la synthèse d’une argumentation dont le détail se trouve dans le
contre-mémoire. La Belgique voudrait souligner qu’elle maintient ce qui a été dit dans ses
écritures, même si elle devra préciser certains points en réponse aux plaidoiries des conseils de la
République démocratique du Congo. Je voudrais d’ailleurs signaler que les plaidoiries prononcées
par ces derniers sur le fond sont singulièrement différentes du mémoire, que cela a contraint le
présent orateur à revoir de fond en comble son exposé et à regretter qu’une journée ne comporte
- 8 -
que vingt-quatre heures. Que la Cour veuille bien me pardonner les hésitations qui pourraient
émailler mon discours.
7. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, vous ne serez sans doute pas
surpris que je commence par aborder la question de la compétence universelle (I), avant
d’examiner, beaucoup plus longuement ensuite, celle de l’immunité des gouvernants étrangers (II).
I. EN EXERÇANT LA COMPÉTENCE UNIVERSELLE POUR DES CRIMES DE GUERRE ET DES CRIMES
CONTRE L’HUMANITÉ, LA BELGIQUE, À TRAVERS LE MANDAT D’ARRÊT DU 11 AVRIL 2000,
NE VIOLE AUCUN DROIT SOUVERAIN DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges,
8. Pour rappel, la requête introductive d’instance de la République démocratique du Congo
affirmait que le mandat d’arrêt du 11 avril 2000 violait le droit international en ce que, d’une part,
la Belgique prétendait exercer une compétence universelle à l’égard de personnes ne se trouvant
pas sur le territoire belge, d’autre part, le mandat ne tenait pas compte de l’immunité pénale du
destinataire du mandat d’arrêt puisqu’il s’agissait d’un ministre en exercice. La requête de la
République démocratique du Congo comportait donc deux demandes distinctes : contestation de la
compétence universelle in abstentia exercée par la Belgique et contestation du refus, par la
Belgique, de reconnaître l’immunité des ministres des affaires étrangères.
9. Dans son mémoire déposé le 15 mai 2001, la République démocratique du Congo abordait
bien les deux questions, mais elle s’abstenait de déposer la moindre conclusion sur la compétence
universelle. La Belgique en avait pris acte dans son contre-mémoire2
, mais voilà qu’en plaidoirie,
les conseils de la République démocratique du Congo sont revenus sur la question et ont critiqué
l’étendue de la compétence universelle prévue par la loi belge3
. La Belgique ne sait donc pas très
exactement, à ce stade de la procédure, si la République démocratique du Congo compte déposer
des conclusions formelles sur cette question, ou non.
10. Quoi qu’il en soit, la Belgique peut néanmoins constater les sept points suivants :
1) Dans son mémoire, la République démocratique du Congo consacrait certains développements
à la question du génocide4
alors que le mandat d’arrêt émis contre M. Yerodia ne l’accuse que
2
Contre-mémoire de la Belgique, par. 3.2.36/37.
3
CR 2001/6, 16 octobre 2001, Mme Chemillier-Gendreau, p. 32 et suiv.
4
Mémoire de la République démocratique du Congo, par. 78.
- 9 -
d’incitations à commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité et non des
crimes de génocide5
. Les conseils de la République démocratique du Congo ont, avec raison,
constaté que cette question n’avait aucun rapport avec le présent différend et ils se sont
abstenus, cette fois, d’y revenir; la Belgique en prend acte6
.
2) Dans son mémoire7
, la République démocratique du Congo avait consenti beaucoup d’efforts à
démontrer un point que la Belgique ne contestait en aucune manière, à savoir, que les Etats ne
sont pas obligés d’exercer la compétence universelle par défaut pour de tels crimes8
. La
République démocratique du Congo n’est pas revenue sur ce point au cours de la phase orale.
La Belgique en prend également acte.
3) Dans son mémoire, la République démocratique du Congo avait admis que les conventions de
Genève du 12 août 1949 obligeaient tout Etat partie à poursuivre les auteurs des crimes prévus
par ces conventions indépendamment de leur nationalité et du lieu de l’infraction pourvu
qu’ils se trouvassent sur le territoire de l’Etat du for9
. Cette obligation de poursuite est en effet
exprimée à l’article commun 49/50/129/146 des quatre conventions de Genève de 1949. La
République démocratique du Congo n’a pas remis ce point en cause. La Belgique continue à
en prendre acte.
4) Dans son contre-mémoire, la Belgique montrait qu’il existait aussi, à charge de tout Etat, une
obligation de poursuivre les auteurs de crimes contre l’humanité qui se trouvaient sur son
territoire10. Pour la Belgique, cette obligation résultait de la coutume telle qu’elle ressort,
notamment, de résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies11, du Conseil
économique et social12, du Conseil de sécurité13, ainsi que du projet de code des crimes contre
5
Contre-mémoire de la Belgique (ci-après «CMB»), annexe 3 (sauf indication contraire, les annexes citées sont
celles du CMB).
6
CR 2001/6, 16 octobre 2001, P. d’Argent, p. 16.
7
Ibid.
8
CMB, par. 3.3.5 suiv.
9
Mémoire de la République démocratique du Congo, par. 76.
10 CMB, par. 3.3.10–3.3.22.
11 A/Rés. 2840 (XXVI), 18 déc. 1971, par. 4; 3074 (XXVIII), 3 décembre 1973, par. 1 (annexe 93).
12 E/Rés. 1986/65, 29 mai 1989, principe 18 (annexe 93).
13 S/Rés. 978, 27 février 1995, par. 1; 1234, 9 avril 1999, par. 7; 1291, 24 février 2000, par. 14; 1304,
16 juin 2000, par. 13 (annexes 84-86); 1366, 30 août 2001, préambule, 17e
consid.
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la paix et la sécurité de l’humanité de la Commission du droit international (version 1996,
art. 9)
14. Au plan conventionnel, la règle apparaît aussi dans le statut de la Cour pénale
internationale, notamment dans son préambule15. Le fait que le statut de la Cour pénale
internationale n’est pas encore en vigueur n’est certes pas de nature à affaiblir l’argument tiré
du préambule compte tenu du fait que celui-ci, le préambule, se réfère à des normes
existantes16 et que le caractère coutumier du droit matériel du statut a déjà été reconnu par la
jurisprudence internationale17. De son côté, la République démocratique du Congo avait
considéré dans son mémoire qu’il n’existait pas de norme conventionnelle obligeant les Etats à
poursuivre l’auteur d’un crime contre l’humanité se trouvant sur leur territoire18. Elle a
maintenu cette position au cours de la présente phase, mais elle a aussi déclaré ne pas vouloir
s’opposer à une coutume en formation19. La Cour jugera si le statut de la Cour pénale
internationale n’est pas une norme conventionnelle, même si ce statut n’est pas encore en
vigueur, mais il suffit pour l’instant à la Belgique de constater que la République
démocratique du Congo ne souhaite pas «entraver la formation de cette coutume». La
Belgique y voit une acceptation de sa propre position et elle en prend également acte.
5) De toute façon, le mandat d’arrêt du 11 avril 2000 portait aussi sur des provocations à
commettre des crimes de guerre20 et, de ce seul point de vue, le mandat était juridiquement
fondé au regard de règles également acceptées par la République démocratique du Congo. La
Belgique ne peut qu’en prendre acte.
6) Dans son contre-mémoire, la Belgique a longuement expliqué pourquoi l’exercice de la
compétence universelle in abstentia ou par défaut ne violait aucune norme de droit
international. Elle s’est notamment référée à l’affaire du Lotus, à l’historique de la rédaction
de l’article 3, paragraphe 3, de la convention de Tokyo du 14 septembre 1963, au maintien de
14 Annexe 96.
15 Annexe 92.
16 CMB, par. 3.3.12/18.
17 Tributnal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, affaire IT-95-17/1-T, Furundzia, 10 décembre 1998,
par. 227; ibid., app., aff. IT-94-1-A, Tadic, 15 juillet 1999, par. 223.
18 Mémoire de la République démocratique du Congo, par. 79.
19 CR 2001/6, 16 octobre 2001, M. Chemillier-Gendreau, p. 30.
20 CMB, annexe 3, p. 17-18.
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ce type de disposition dans la plupart des conventions de droit pénal international ultérieures, à
la pratique des poursuites par défaut dans les Etats de tradition romano-civiliste ou
romano-germanique, à un certain nombre de législations analogues à la législation belge21. Le
demandeur République démocratique du Congo n’a contesté aucune de ces sources en la
présente phase. La Belgique, encore une fois, en prend encore acte.
7) Enfin, tant lors de la phase sur les mesures conservatoires que dans son mémoire, la
République démocratique du Congo avait critiqué la loi belge de 1993/1999 pour les multiples
conflits de compétence que l’application de cette loi risquait d’entraîner. Dans son
contre-mémoire, la Belgique avait montré que ce risque était inhérent à la structure de la
société internationale, mais qu’il était très faible22, comme le prouve d’ailleurs la présente
espèce. Ce point n’a plus été abordé par la République démocratique du Congo en plaidoirie.
La Belgique en prend acte.
11. En conclusion de cette première partie, la Belgique constate, si elle a bien suivi les
argumentations des conseils de la Partie demanderesse, que cette dernière ne conteste donc plus, au
plan juridique, le mandat d’arrêt du 11 avril 2000 en ce qu’il implique l’exercice d’une compétence
universelle par défaut, dans les termes prévus par la loi belge de 1993/1999. Il lui paraît d’ailleurs
significatif que la République démocratique du Congo semble faire sienne la position doctrinale
prise par le ministère public belge en matière de compétence universelle et qui correspond très
exactement à ce qui se passe en la présente espèce. Le professeur François Rigaux s’était félicité,
lundi matin, du point de vue exprimé par l’avocat général belge, A. Winants, lorsque ce dernier
avait suggéré, il y a quelques semaines, lors du discours de rentrée de la cour d’appel de Bruxelles,
un ordre de priorité dans l’exercice des compétences relatives à des crimes de droit international
humanitaire : cet ordre était le suivant : il fallait mettre en premier lieu les compétences des
juridictions pénales internationales, puis celles des tribunaux du lieu du crime, puis celles des
21 CMB, par. 3.3.28/74.
22 CMB, par. 3.3.77/80; le cas de la cybercriminalité en est un bel exemple; or, le projet de convention du Conseil
de l’Europe n’essaie nullement de résoudre ces conflits de compétences; voire l’article 22, paragraphe 4 du projet, in
conventions.coe.int/treaty/fr/projets/FinalCybercrime.htm.
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tribunaux de la nationalité de l’auteur, et enfin, la compétence universelle de tout Etat apte à
l’exercer23
.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, ceci reflète parfaitement ce qui
s’est passé dans l’affaire Yerodia : il n’y avait pas de juridiction internationale pour connaître des
faits qui se sont déroulés en août 1998 sur le territoire de la République démocratique du Congo;
l’Etat du lieu des faits et l’Etat de la nationalité de l’inculpé ne faisaient qu’un, c’était la
République démocratique du Congo, et elle n’a rien fait pour exercer sa compétence. Il ne restait
donc, en quatrième position, que l’Etat qui accepte d’exercer la compétence universelle. C’est dans
ces conditions que le juge d’instruction belge a agi.
12. Certes, la République démocratique du Congo maintient certaines réserves à propos de
cette compétence, mais ces réserves sont, soit, plus politiques que juridiques, soit étrangères à la
question de la compétence universelle considérée en soi.
Ainsi, sur le plan politique, le professeur Mme Monique Chemillier-Gendreau s’est demandé
comment la Belgique ou la France auraient réagi
«si un juge de la République démocratique du Congo avait inculpé et poursuivi le chef
de l’Etat en exercice ou le ministre des affaires étrangères en exercice de la Belgique
ou de la France pour des crimes supposés commis par eux ou sous leurs ordres ou par
leur omission au Rwanda»24
.
Excellente question ! Et, dans le cas du Rwanda, la Belgique peut y répondre par des faits
précis : à la suite de certaines erreurs qui auraient pu jouer un rôle dans le massacre des
dix para-commandos belges à Kigali, le matin du 7 avril 1994, un colonel de l’armée belge a été
dûment poursuivi devant les juridictions militaires belges25. Mieux, sur la base des dispositions du
code pénal belge concernant la non-assistance à personne en danger, mais aussi sur la base de la loi
de 1993, si décriée par le demandeur, les ministres belges des affaires étrangères et de la défense
nationale de l’époque ont fait l’objet de plaintes de la part de victimes du génocide pour leur
abandon des populations rwandaises. Ces plaintes, déposées en 1995 et 1997 par des victimes
belges, rwandaises et zaïroises, ont été évoquées devant la commission parlementaire d’enquête du
23 CR 2001/5, 15 octobre 2001, F. Rigaux, p. 22.
24 CR 2001/6, 16 octobre 2001, per Mme Chemillier-Gendreau, p. 28.
25 Cour mil. Bruxelles, 4 juillet 1996, RDPC., 1997, p. 115.
- 13 -
Sénat de Belgique26 et elles sont actuellement à l’information judiciaire, conformément à l’article 3
de la loi du 17 novembre 1996 sur la responsabilité des ministres. Si ces plaintes n’ont toujours pas
eu de suite à ce jour, la Belgique, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ne
craint pas de dire qu’elle trouverait parfaitement légitime qu’un Etat tiers s’en inquiète. La
Belgique tient seulement à préciser qu’il y a crimes et crimes et qu’une non-assistance à personne
en danger n’est pas une provocation à commettre des crimes de droit international humanitaire.
14. Par ailleurs, sur un plan juridique, le professeur Mme Chemillier-Gendreau, si la
Belgique a bien compris le sens de sa plaidoirie, a critiqué une compétence universelle qui ne
respecterait pas certaines règles de droit international, en particulier l’immunité de juridiction des
chefs d’Etat et ministres des affaires étrangères en exercice27. Ceci ne concerne cependant plus la
compétence universelle par défaut, en soi; ce qui est contesté, c’est l’atteinte à l’immunité des
gouvernants étrangers, qui sera abordée dans un instant.
15. Sauf erreur, la Belgique se permet donc de considérer que la question de la compétence
universelle par défaut n’est plus contestée par la partie demanderesse, et que, de ce point de vue, la
légalité internationale du mandat d’arrêt du 11 avril 2000 est acceptée. Si nous ne sommes plus
«au cœur des ténèbres» (comme aurait dit Joseph Conrad), sur ce point, par contre, nous allons y
revenir, provisoirement du moins, pour la deuxième partie de cet exposé.
II. L’IMMUNITÉ PÉNALE DE M. YERODIA NE S’APPLIQUE PASEN CAS DE
CRIMES DE GUERRE OU DE CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les Membres de la Cour.
16. Une manière extrêmement classique de commencer une plaidoirie ¾ vous en avez été
souvent les témoins ¾ consiste à dire : «Monsieur le président, la question qui vous est soumise
aujourd’hui est extrêmement simple.» Une manière, pour l’auteur de cette phrase, de dire que la
partie adverse n’y connaît absolument rien, qu’elle complique à souhait l’affaire, mais que lui, en
bon avocat, va vous expliquer tout cela en termes clairs, et que comme ce qui se conçoit bien
s’énonce clairement, le juge devrait nécessairement lui donner raison.
26 Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 1/611/7.
27 CR 2001/6, 16 octobre 2001, per Mme Chemillier-Gendreau, p. 34.
- 14 -
Avec cette entrée en matière, vous aurez bien sûr deviné, honorables membres de la Cour,
que je ne vais certainement pas prétendre que la présente affaire est simple et que nos adversaires
n’ont rien compris. La Belgique croit, en effet, comme le disait Léon-Paul Fargue, «qu’il n’y a pas
de simplicité véritable, qu’il n’y a que des simplifications».
17. La question de l’immunité pénale de M. Yerodia au regard du mandat d’arrêt du
11 avril 2001 est une question difficile, mais si elle est difficile, c’est moins en raison du droit qui
s’y applique que des aspects politiques qu’elle revêt. Il faut donc pouvoir faire abstraction de ces
derniers pour ne se concentrer que sur le droit. C’est ce que je vais tenter de faire.
18. La République démocratique du Congo a présenté des plaidoiries où beaucoup de points
ont été abordés. La Belgique va s’efforcer de répondre aux principaux d’entre eux.
En substance, on peut rassembler les arguments de la Partie adverse autour de quatre
idées-forces :
¾ les statuts des juridictions pénales internationales ne justifieraient pas l’exclusion, par les
tribunaux nationaux, de l’immunité des auteurs de crimes graves de droit international
humanitaire (A);
¾ la Belgique aurait mal interprété les sources qu’elle cite pour justifier le mandat d’arrêt du
11 avril 2000 (B);
¾ certaines sources ne mériteraient pas d’être discutées (C);
¾ de toute façon, il n’existerait pas de pratique justifiant l’exclusion de l’immunité de dirigeants
en fonction (D).
Ces quatre points, Monsieur le président, vont constituer l’ossature de cette partie de
l’exposé.
A. Les statuts des juridictions pénales internationales ne fonderaient pas l’exclusion, par des
tribunaux nationaux, de l’immunité des auteurs de crimes graves de droit international
humanitaire
19. Si le contre-mémoire belge a pu causer quelques problèmes de digestion aux conseils de
la partie adverse (supra par. 3), et la Belgique s’en excuse, certaines de leurs plaidoiries ont produit
le même effet dans le camp belge. Il y a des modes, Monsieur le président, et la tendance
automne-hiver de cette année est la notion de «confusion conceptuelle». La République
- 15 -
démocratique du Congo a, en effet, dit et répété ad nauseam, plus d’une demi-douzaine de fois que
le contre-mémoire belge opérait une confusion conceptuelle entre le moyen de défense au fond que
constituerait le fait d’agir au nom d’un Etat et l’exception de procédure que constitue l’immunité
du gouvernant étranger28. Selon le demandeur, la Belgique invoque à tort les statuts des
juridictions pénales internationales (Tribunal militaire international de Nuremberg, art. 7; Tribunal
militaire international de Tokyo, art. 6; statut du Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie, art. 7, par. 2; statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda, art. 6, par. 2;
statut de la Cour pénale internationale, art. 2729, on pourrait ajouter le statut du tribunal spécial pour
la Sierra Leone, art. 6, par. 230). Selon la République démocratique du Congo, la Belgique
invoquerait donc à tort les statuts des juridictions pénales internationales qui n’écartent que le
moyen de défense au fond ¾ la question de la responsabilité pénale ¾ et non l’exception de
procédure ¾ l’immunité.
20. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, si l’on s’en tient à la lettre du
texte de ces statuts, les conseils de la République démocratique du Congo semblent avoir raison :
ces textes (à l’exception de l’article 27, paragraphe 2, du statut de la Cour pénale internationale)
écartent moins l’immunité pénale du gouvernant ¾ exception de procédure ¾ que l’idée d’une
absence de responsabilité pénale en raison du fait que l’accusé a agi pour le compte d’un
Etat ¾ moyen de défense au fond.
Il est vrai que l’immunité se fonde d’abord sur la règle par in parem et que celle-ci n’a de
sens que devant une juridiction interne, non devant une juridiction internationale. La Belgique est
d’accord sur ce point avec la République démocratique du Congo.
21. Il n’en demeure pas moins que de l’exception de fond basée sur la souveraineté de l’Etat
à l’exception de procédure tirée de l’immunité, le chemin n’est pas très long, car le fondement
commun aux deux exceptions, c’est la souveraineté de l’Etat. C’est, sans doute, la raison pour
laquelle, dans l’extrait cité par la Belgique et rappelé par le professeur Pierre d’Argent31
,
28 CR 2001/5, 15 octobre 2001, P. d’Argent, p. 4; CR 2001/6, 16 octobre 2001, p. 9, 11-13, 16-17; voir aussi
mémoire de la République démocratique du Congo, par. 42 et 67.
29 CMB, par. 3.5.21/33.
30 Nations Unies, doc. S/2000/915 et 1234, 4 octobre et 22 décembre 2000; S/2001/40 et 95, 12 et 31 janvier
2001.
31 CR 2001/6, 16 octobre 2001, p. 13.
- 16 -
Justice Jackson utilisait simultanément les deux notions. Il serait d’ailleurs surprenant qu’un juriste
de cette stature eût pu tomber dans la confusion dénoncée par nos aimables contradicteurs. En
réalité, et contrairement à ce que suggère la République démocratique du Congo, Justice Jackson
connaissait certainement le sens des mots qu’il utilisait lorsqu’il parlait à la fois d’immunité et de
responsabilité. Il faut en effet se souvenir que quelque vingt-cinq ans plus tôt, et le professeur
François Rigaux, y a fait allusion dans sa première intervention32, lors de la conférence de la paix à
Versailles, les Etats-Unis n’avaient pas cessé de s’opposer à l’organisation d’un procès contre
Guillaume II. Selon eux, un tel procès violerait, précisément, l’immunité de l’Empereur
d’Allemagne. En l’occurrence, c’était bien d’«immunité» dont on parlait et nullement de cause
d’exonération de responsabilité33. Ce n’est donc pas par hasard que le futur procureur du Tribunal
militaire international de Nuremberg faisait son rapport au président des Etats-Unis (le rapport que
la Belgique cite) en utilisant les concepts à la fois d’«immunité» et de «responsabilité».
22. Mais, il y a autre chose, et contrairement à ce que soutiennent nos adversaires, la
Belgique considère que l’interprétation qu’elle donne aux dispositions citées des juridictions
pénales internationales confirme totalement leur applicabilité à l’exception de procédure.
Revenons, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, sur l’obiter dictum du
jugement de Nuremberg que, selon la République démocratique du Congo, la Belgique «sollicite
abusivement»34
.
23. Le Tribunal de Nuremberg a dit ceci :
«Le principe de droit international, qui dans certaines circonstances protège les
représentants d’un Etat, ne peut pas s’appliquer aux actes condamnés comme
criminels par le droit international. Les auteurs de ces actes ne peuvent invoquer leur
qualité officielle pour se soustraire à la procédure normale ou se mettre à l’abri du
châtiment.»
35
24. Pour la République démocratique du Congo, ce texte ne pouvait concerner que le seul
Tribunal de Nuremberg et que les faits dont il était saisi. Ce texte n’aurait nullement eu la portée
générale que la Belgique lui attribue.
32 CR 2001/5, 15 octobre 2001, p. 21.
33 CMB, annexe 33.
34 CR 2001/6, 16 octobre 2001, Pierre d’Argent, p. 17.
35 Jugement des 30 septembre-1er octobre 1946, doc. off., I, p. 235, annexe n° 88.
- 17 -
Deux remarques :
1) la République démocratique du Congo n’a pas nié que ce texte visait l’immunité, ni n’a pas
prétendu qu’il se serait limité à la cause de justification visée à l’article 7 du statut du Tribunal
de Nuremberg telle qu’on la lit textuellement;
2) «une interprétation raisonnable et tout à fait utile de cet extrait», pour reprendre les termes de
mon collègue et ami, le professeur Pierre d’Argent, ne permet pas d’écarter le caractère
éminemment général de cet extrait; d’une part, le Tribunal de Nuremberg ne fait aucune
allusion à sa situation particulière de tribunal international, contrairement à d’autres passages
du jugement, d’autre part, il n’insiste que sur la criminalité internationale du fait; relisons, si
vous le voulez bien, le texte ensemble; le Tribunal dit : «Le principe de droit international, qui
dans certaines circonstances protège les représentants d’un Etat, ne peut pas s’appliquer aux
actes condamnés comme criminels par le droit international.»
C’est la gravité du crime qui importe, non le caractère interne ou international de la
juridiction chargée d’en connaître.
25. De même, lorsque le Tribunal militaire international de Tokyo rejette l’exception de
l’immunité diplomatique invoquée par l’accusé Oshima, le Tribunal dit (je traduis en français le
texte original) :
«Comme moyen de défense, Oshima fait valoir que, pour ses activités en
Allemagne, il était protégé par l’immunité diplomatique et ne pouvait être poursuivi.
Les privilèges diplomatiques impliquent, non l’exclusion de toute responsabilité, mais
seulement l’immunité de juridiction dans l’Etat où l’ambassadeur est accrédité. En
toute hypothèse, cette immunité n’a aucun rapport avec des crimes de droit
international portés devant un tribunal compétent. Le présent Tribunal rejette le
moyen.»
36
26. Pour le professeur Pierre d’Argent, la fin de cet extrait veut dire que l’immunité n’est
écartée que «devant les tribunaux ayant compétence en l’espèce», sous-entendu le seul Tribunal
militaire international de Tokyo. Cette interprétation est discutable car elle ajoute des éléments au
36 in The Tokyo Judgement, ed. by Röling and Ruter, Amsterdam Univ. Pr., 1977, vol. I, p. 456; annexe n° …
Texte original :
«Oshima’s special defence is that in connection with his activities in Germany he is protected by
diplomatic immunity and is exempt from prosecution. Diplomatic privilege does not import immunity
from legal liability, but only exemption from trial by the Courts of the State to which an Ambassador is
accredited. In any event, this immunity has no relation to crimes against international law charged before
a tribunal having jurisdiction. The Tribunal rejects this special defence.»
- 18 -
texte. Il paraît, à la Belgique, plus cohérent de dire que ce texte vise tout tribunal, interne ou
international, apte à connaître de crimes de droit international. Le Tribunal de Tokyo dit en effet :
«En toute hypothèse, cette immunité n’a aucun rapport avec des crimes de droit international portés
devant un tribunal compétent.» [“In any event, this immunity has no relation to crimes against
international law charged before a tribunal having jurisdiction.”]; le Tribunal ne dit pas (je cite en
changeant ce qui doit être changé) : «En toute hypothèse, cette immunité n’a aucun rapport avec les
crimes de droit international portés devant ce tribunal.» [“In any event, this immunity has no
relation to the crimes against international law charged before this tribunal.”] !
Il s’agit donc bien, dans le cas du Tribunal de Nuremberg comme dans le cas du Tribunal de
Tokyo, de déclarations générales de principes nullement limitées au cas de personnes
comparaissant devant des juridictions pénales internationales. Elles peuvent s’appliquer à des
procédures internes comme à des procédures internationales et constituent donc autant de
précédents invocables par les tribunaux internes.
27. Il n’y a pas que cela, Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, regardons
les travaux de la Commission du droit international sur la formulation des principes de
Nuremberg37 sur lesquels les conseils de la République démocratique du Congo sont restés très
discrets. Le principe III adopté en 1950 était très similaire à l’article 7 du statut du Tribunal de
Nuremberg. Il ne parlait cependant plus, comme ce dernier, d’«excuse absolutoire» ou de «motif à
diminution de peine» résultant de la «situation officielle des accusés»; il disait, de manière plus
générale que le fait d’agir en qualité de gouvernant ne dégage pas l’auteur «de sa responsabilité en
droit international»38. Or, lors des travaux préparatoires à cette disposition, un des membres de la
Commission de droit international, rien moins que Georges Scelle, avait proposé le texte suivant
que je cite dans une traduction française officieuse, malheureusement je ne disposais pas du texte
français original : «La situation de chef d’Etat, de dirigeant ou d’agent public ne confère aucune
immunité en matière pénale ni n’atténue la responsabilité.» [«The office of head of state, ruler or
civil servant, does not confer any immunity in penal matters nor mitigate responsibility.»]39
37 CMB, par. 3.5.107/110.
38 CMB, par. 3.5.105.
39 CMB, par. 3.5.109.
- 19 -
28. Pardonnez-moi de répéter ici ce que la Belgique écrivait dans son contre-mémoire, à
savoir que ce texte avait le mérite de couvrir plus clairement les deux aspects de l’exception fondée
sur la qualité officielle de l’accusé : la question de l’«immunité» stricto sensu de l’agent et celle de
sa responsabilité quant au fond. L’amendement fut pourtant repoussé au nom du fait que le texte
de G. Scelle correspondait à celui sur lequel travaillait la Commission. On lit en effet dans le
rapport de la Commission — et je traduis à nouveau librement le texte anglais :
«Le président dit que ce paragraphe [celui proposé par Georges Scelle]
correspond au paragraphe 3 provisoirement adopté par la Commission et selon lequel
la position officielle d’un chef d’Etat ou d’agent public ne lui vaut ni immunité en
matière pénale, ni atténuation de responsabilité.» (Les italiques sont de nous.) [«The
Chairman said that that paragraph corresponded to paragraph 3 provisionally adopted
by the Commission, according to which the official position of a Head of State or
responsible civil servant did not confer any immunity in penal matters nor mitigate
responsibility.»]
40
29. En d’autres termes, plutôt que d’entrer dans le détail de la question, la Commission du
droit international a préféré conserver une formulation générale, mais étant entendu qu’elle
couvrait et le moyen de défense au fond relatif à la responsabilité et l’exception de procédure tirée
de l’immunité. Cette position n’a jamais varié et on la retrouve notamment dans le commentaire
adopté en 1996 par la Commission du droit international, commentaire sur le texte final du projet
de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité. Les extraits pertinents ont été
reproduits et analysés dans le contre-mémoire belge41, et s’il le fallait, je pourrais très facilement
refaire le même exercice d’analyse interprétative que celui auquel je viens de me livrer avec les
travaux préparatoires des principes de Nuremberg.
30. Que la Cour se rassure, je lui épargnerai ce pensum. Il suffit simplement de constater ici
que ces travaux n’ont pas été discutés par la République démocratique du Congo. Ils sont pourtant
essentiels car la fameuse confusion conceptuelle qui est reprochée à la Belgique trouve, en réalité,
sa source dans des textes qui étaient destinés à couvrir, par un raccourci terminologique commode
mais peut-être regrettable pour le profane, les deux volets du moyen de défense fondé sur la
capacité officielle de l’agent.
40 CMB, par. 3.5.110.
41 CMB, par. 3.5.111/114.
- 20 -
31. Encore un mot sur la prétendue confusion conceptuelle reprochée à la Belgique. Il n’y a
pas qu’elle qui en serait victime; cinq des membres de la Chambre des Lords qui ont rejeté
l’immunité invoquée par Pinochet, dans l’arrêt du 25 mars 1999, se sont référés, entre autres
sources, aux statuts des juridictions pénales internationales42 et n’ont donc pas tenu compte du fait
que la lettre de ces textes ne visait que le moyen de défense au fond.
32. La Belgique se sent donc plutôt en bonne compagnie pour conclure que les statuts des
juridictions pénales internationales peuvent, à bon droit, être considérés comme un des fondements
de l’exclusion de l’immunité d’un gouvernant étranger devant les juridictions internes. Qu’on le
veuille ou non, ces statuts sont des éléments de la pratique, et comme ils se trouvent dans des textes
préparés et acceptés par l’ensemble de la communauté internationale des Etats, ils apparaissent
clairement comme l’expression de leur opinio juris. Les Etats, en ce compris leurs tribunaux
internes, sont évidemment fondés à en tenir compte. Les juges de la Chambre des Lords en
l’affaire Pinochet, on vient de le rappeler, ne s’en sont pas privés.
B. La Belgique aurait mal interprété les sources qu’elle cite pour justifier la légalité du
mandat d’arrêt du 11 avril 2000
33. Sur plusieurs points, la Belgique aurait mal interprété les sources qu’elle cite à l’appui de
l’exclusion de l’immunité. Cela concernerait le traité de Versailles, l’article IV de la convention
de 1948 sur le crime de génocide, la complémentarité dans le statut de la Cour pénale
internationale, les décisions Pinochet et Khadafi.
Le programme est copieux, mais il reflète les nombreux points abordés par nos estimés
contradicteurs.
1. Le Traité de Versailles
34. Pour la République démocratique du Congo, la position de la Belgique à l’égard du traité
de Versailles est faible car Guillaume II n’a pas été mis en accusation et que de toute façon, il
n’était plus en fonction43. La Belgique maintient, pourtant, que le précédent du traité de Versailles
est pertinent car le principe d’une mise en accusation de Guillaume II a donné lieu, comme je l’ai
42 ILM, 1999, pp. 594 (Browne-Wilkinson), 599 (Goff of Chieveley), 624 (Craighead), 634-635 (Hutton), 647-
650 (Millett), 660 (Philips of Worth Matravers).
43 CR 2001/6, 16 oct. 2001, P. d’Argent, p. 12.
- 21 -
déjà signalé (supra, par. 21), à une fameuse controverse entre Etats partisans du procès de
Guillaume II ¾ principalement la France et la Grande-Bretagne ¾ et les Etats-Unis qui y étaient
farouchement opposés, précisément pour des raisons d’immunités ! Or, la thèse américaine est
restée isolée et c’est la thèse franco-britannique qui l’a emporté. Même si la solution finalement
retenue a été celle d’un tribunal international (traité de Versailles, art. 227), il s’agissait d’une
solution de compromis qui avait été proposée par N. Politis44. La volonté exprimée par les Etats
membres de la conférence, à l’exception des Etats-Unis, n’en était pas moins d’exclure toute
exception tirée de l’immunité et, à ce titre, la Belgique prétend que la vocation de ce précédent est
pleinement justifiée.
2. La convention de 1948 sur le crime de génocide
35. Le débat est théorique ¾ nos adversaires l’ont signalé et nous partageons leur
avis ¾ puisque aucune accusation de génocide n’est formulée dans le mandat d’arrêt. La
convention de 1948 n’en est pas moins intéressante et son analyse pertinente si l’on veut établir
l’existence d’exceptions à la règle de l’immunité des gouvernants étrangers. Si la Cour prend la
peine de relire l’article IV d’une convention qu’elle connaît bien, elle constatera que cet article
exclut toute immunité quoi qu’en pense la République démocratique du Congo45. Il est vrai que
l’exclusion de cette immunité ne concerne que l’Etat du lieu de l’infraction (art. VI). Cette
limitation de la compétence pénale des Etats parties prévue par le texte de la convention n’a
cependant plus beaucoup de sens aujourd’hui puisqu’il est admis que la répression du génocide est
une obligation de caractère erga omnes
46. C’est donc, à juste titre encore une fois, que la Belgique
peut invoquer cette convention comme étant un exemple et un précédent pour l’exclusion de
l’immunité devant des juridictions internes étrangères.
3. Le Statut de la Cour pénale internationale et le principe de complémentarité
36. La Belgique a considéré que le principe de complémentarité prévu par le statut de la
Cour pénale internationale (préambule, articles 1er et 17) impliquait que, si les tribunaux nationaux
44 CMB, annexe 33.
45 CR 2001/6, 16 octobre 2001, P. d’Argent, p. 16.
46 C.I.J. Recueil 1996, p. 616, par. 31.
- 22 -
voulaient réellement assurer la poursuite des crimes prévus par le statut, ils ne devaient pas tenir
compte de l’immunité des auteurs présumés des crimes, sinon, en pratique, ce principe de
complémentarité deviendrait un principe d’exclusivité de compétence au profit de la Cour pénale
internationale, avec pour celle-ci l’obligation de recourir systématiquement à l’article 17,
paragraphe 1 sur l’incapacité d’un Etat ayant compétence en l’espèce «de mener véritablement à
bien l’enquête ou les poursuites». Or, comme telle n’était pas l’intention des auteurs du statut, et
comme l’ampleur des crimes visés par le statut implique presque toujours des autorités étatiques, il
faut en déduire que la complémentarité exclut nécessairement toute immunité de ces dernières47
.
Nos adversaires doutent qu’il faille s’attarder à pareil argument car il se fonderait sur une
«notion «quantifiable» qui n’aurait de sens que statistiquement»48
.
37. La Belgique ne voit pas en quoi la quantification invoquée par nos adversaires rencontre
l’argument qu’elle défend. Outre les développements à ce sujet dans le contre-mémoire ¾ on n’y
reviendra pas ¾, je voudrais observer que le statut de la Cour pénale internationale prévoit bel et
bien un critère de massivité pour l’exercice des compétences, même s’il n’est pas quantifiable avec
précision. Faut-il rappeler, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, que le statut
de la Cour pénale internationale limite la compétence de cette dernière aux crimes les plus graves
parmi les plus graves : les crimes d’agression (art. 5), les crimes de génocide (art. 6), les crimes
contre l’humanité (art. 7) et les crimes de guerre, mais pas n’importe quels crimes de guerre,
uniquement ceux qui «s’inscrivent dans un plan ou une politique ou lorsqu’ils font partie d’une
série de crimes analogues commis sur une grande échelle» (art. 8, par. 1).
38. Il est donc clair que le statut réserve la compétence de la Cour à des faits de grande
ampleur, des faits d’une telle importance qu’on imagine mal qu’ils puissent être commis sans
l’intervention d’autorités étatiques. Si l’immunité devait alors faire obstacle à des poursuites, le
statut perdrait toute utilité. Ce n’est probablement pas ce que les Etats ont voulu. La doctrine
confirme d’ailleurs cette analyse49
.
47 CMB, par. 3.5.31/38.
48 CR 2001/6, 16 octobre 2001, P. d’Argent, p. 15.
49 Triffterer, O., in Commentary on the Rome Statute of the International Criminal Court, ed. by O. Triffterer,
Baden Baden, Nomos, 1999, p. 502, 509, 512-513.
- 23 -
39. Il est toutefois un point sur lequel la Belgique est prête à rejoindre la République
démocratique du Congo : il s’agit de son interprétation des travaux de la commission de Venise50 :
il est exact que ces travaux se situent dans le cadre de la compatibilité des immunités
constitutionnelles internes avec le statut de la Cour pénale internationale. Il n’en demeure pas
moins que la citation faite par la Belgique dans son contre-mémoire permet une interprétation
beaucoup plus large51 et que cette citation, contrairement à ce qu’affirme la République
démocratique du Congo, est rigoureusement exacte puisque la Belgique a simplement cité le texte
français authentique qui se trouve d’ailleurs dans ses annexes52. La Belgique reconnaît néanmoins
que, eu égard au contexte des travaux de cette commission, l’extrait cité pourrait aussi recevoir un
sens plus étroit que celui qu’on pourrait en tirer.
4. Les décisions Pinochet et Khadafi
40. La République démocratique du Congo semble surprise de voir la Belgique citer de longs
extraits de la décision Pinochet53. La Belgique est parfaitement consciente du fait que la Chambre
des lords n’a traité que du cas d’un ancien chef d’Etat et qu’il ne faut évidemment pas faire dire à
cette décision ce qu’elle ne dit pas. Il n’en demeure pas moins que, comme la République
démocratique du Congo doit bien le reconnaître, les extraits cités montrent que le raisonnement des
Law Lords, pris au pied de la lettre, pourraient parfaitement conduire à exclure l’immunité d’un
chef d’Etat en exercice. Permettez-moi de lire un de ces extraits en traduction française, officieuse,
bien sûr :
«D’après la convention, le crime international de torture ne peut être commis
que par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre
officiel. Si tous étaient fondés à bénéficier de l’immunité, il en résulterait que jamais,
en dehors du Chili des poursuites ne pourraient être engagées pour des faits de torture
à moins que le Chili ne fût prêt à lever l’immunité de l’intéressé. C’est pourquoi, tout
le système de la compétence universelle pour des faits de torture commis par des
agents de la fonction publique échouerait, et on manquerait un des principaux objectifs
de la convention ¾ veiller à ce qu’il n’y ait jamais d’asile sûr pour les tortionnaires.
A mon avis, tous ces facteurs montrent que la notion d’immunité continue pour
d’anciens chefs d’Etat serait incompatible avec les dispositions de la convention
contre la torture.»
50 CR 2001/6, 16 octobre 2001, P. d’Argent, p. 15.
51 CMB, par. 3.5.32 (4).
52 CMB, annexe 34, version française.
53 CR 2001/6, 16 octobre 2001, P. d’Argent, p. 18.
- 24 -
[“Under the Convention the international crime of torture can only be
committed by an official or someone in an official capacity. They would all be entitled
to immunity. It would follow that there can be no case outside Chile in which a
successful prosecution for torture can be brought unless the State of Chile is prepared
to waive its right to its official immunity. Therefore the whole elaborate structure of
universal jurisdiction over torture committed by officials is rendered abortive and one
of the main objectives of the Torture Convention ¾ to provide a system under which
there is no safe haven for torturers ¾ will have been frustrated. In my judgment all
these factors together demonstrate that the notion of continued immunity for ex-heads
of state is inconsistent with the provisions of the Torture Convention.”]
Ce que la Belgique veut simplement montrer, Monsieur le président, c’est qu’avec de telles
prémisses, parfaitement exactes, lord Browne-Wilkinson, l’auteur de cet extrait, aurait tout aussi
bien pu conclure que l’immunité ne pouvait s’appliquer, pour de tels faits, à un chef d’Etat en
exercice. C’est la logique même de son raisonnement qui conduit à cette conclusion qu’il n’a
cependant pas tirée, je m’empresse de le reconnaître.
41. En ce qui concerne l’arrêt Khadafi, la Belgique avait tiré de cette affaire la conclusion
que la Cour de cassation française reconnaissait l’existence d’exceptions au principe de l’immunité
pénale des gouvernants étrangers54, puisque la haute juridiction française excluait le terrorisme
«des exceptions au principe de l’immunité de juridiction des chefs d’Etat étrangers en exercice»55
.
La Belgique constate avec plaisir que le demandeur reconnaît que «l’exception visée par la Cour de
cassation vise sans doute les statuts de la Cour pénale internationale et des juridictions des
tribunaux pénaux internationaux»56. Or on a vu que ces statuts étaient des éléments de pratique
applicables aux juridictions nationales. En outre, et à nouveau de manière significative, la Cour de
cassation, pas plus d’ailleurs que le procureur général dans son pourvoi visant à obtenir la
cassation57, n’ont prétendu écarter l’immunité au nom du fait que le chef d’Etat libyen était en
exercice et/ou que la juridiction saisie était une juridiction interne.
42. On notera, en passant, que la République démocratique du Congo semble reprocher à la
Belgique de manquer de cohérence en ne prétendant pas étendre l’exclusion de l’immunité à tous
les crimes de droit international dès lors que l’exclusion de l’immunité répondrait à une obligation
54 CMB, par. 3.5.91/97.
55 CMB, par. 3.5.92.
56 CR 2001/6, 16 octobre 2001, P. d’Argent, p. 20.
57 Contre-mémoire de la Belgique, annexe 50.
- 25 -
de jus cogens58. La Belgique ne voit pas très bien la portée de l’objection. S’il est vrai que le
Tribunal de Nuremberg parlait d’exclure l’immunité pour tous les crimes de droit international59, il
n’en demeure pas moins que les sources citées par la Belgique se limitent à exclure de l’immunité
la triade des crimes contre la paix, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
Tantôt les conseils adverses reprochent à la Belgique de faire du zèle, tantôt ils lui
reprochent de ne pas en faire assez. Ce n’est peut-être pas la Belgique qui, tous comptes faits,
manque de cohérence !
C. Selon la République démocratique du Congo, certaines sources citées par la Belgique ne
mériteraient pas discussion
43. D’une part, la République démocratique du Congo semble contester la valeur de
certaines sources invoquées par la Belgique, d’autre part, elle passe à peu près complètement sous
silence d’autres sources.
Parmi les sources invoquées par la Belgique, celle-ci s’est notamment référée à des
résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies et du Conseil économique et social ainsi
qu’à une déclaration du président du Conseil de sécurité60. La République démocratique du Congo
se demande s’il est «sérieux de s’appuyer sur des résolutions d’organes de l’Organisation des
Nations Unies dont la portée juridique n’est pas autrement précisée»61. Ces textes ont été invoqués
par la Belgique. Si la République démocratique du Congo conteste leur valeur juridique, il lui
appartient de montrer que ces textes n’ont pas de valeur juridique, si c’est cela qu’elle sous-entend;
il ne suffit pas de le dire.
La Belgique, quant à elle, sait que la Cour n’exclut pas à priori la valeur juridique d’une
résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies62
.
44. La Belgique a également cité des sources nationales63 auxquelles la République
démocratique du Congo refuse toute portée64. La République démocratique du Congo ne peut
58 CR 2001/6, 16 octobre 2001, P. d’Argent, p. 20.
59 Contre-mémoire de la Belgique, par. 3.5.61.
60 Contre-mémoire de la Belgique, par. 3.5.46/55.
61 CR 2001/6, 16 octobre 2001, P. d’Argent, p. 17.
62 Par exemple, C.I.J. Recueil 1986, arrêt du 27 juin 1986, p. 106, par. 203; Namibie, C.I.J. Recueil 1971, avis
consultatif du 21 juin 1971, p. 50.
63 Contre-mémoire de la Belgique, par. 3.5.56/60.
- 26 -
toutefois nier que ces sources sont des éléments de la pratique, et que comme tels, ils doivent être
pris en considération.
45. En ce qui concerne la jurisprudence américaine citée par la Belgique et concernant
l’Alien Tort Claims Act et la doctrine de l’Act of State65, nos adversaires l’écarte simplement parce
qu’elle lui paraît «conceptuellement fort éloignée du sujet en débat»66. Affirmer, Monsieur le
président, n’est pas démontrer : la Cour appréciera si ces sources sont tellement éloignées de la
question en cause.
46. Enfin la doctrine : dans leur mémoire, nos contradicteurs citent neuf auteurs qui, selon
eux, affirmeraient le principe de l’immunité pénale absolue du chef d’Etat étranger. Ils en ont
ajouté un dixième dans leur plaidoirie orale et ont aussi mentionné l’Institut de droit international67
.
Indépendamment du fait qu’il est question, dans la présente espèce, non du chef de l’Etat,
mais d’un ministre, on observera que sur ces dix auteurs, cinq n’évoquent pas la question de
l’immunité en cas de crimes graves de droit international humanitaire, et ne sont donc pas
significatifs; trois, en revanche, abordent la question des crimes de droit international, et
contrairement à ce qu’affirme la République démocratique du Congo, ces trois auteurs
reconnaissent explicitement que l’immunité peut ne pas jouer lorsque de tels crimes sont commis;
un auteur ne prend pas position dans un sens ou dans l’autre68. Quant au dixième auteur, cité en
plaidoirie, il est en effet favorable à la thèse congolaise, mais la Belgique observera que l’extrait
qui a été cité en plaidoirie ne concerne que les chefs d’Etat, et non les membres d’un
gouvernement ¾ ce qui était le cas de M. Yerodia.
47. Reste la résolution adoptée par l’Institut de droit international en août 2001, et bien
connue de la Cour. La Belgique prie simplement la Cour de bien vouloir relire le contre-mémoire
belge69 afin de vérifier si, comme l’affirme son aimable adversaire, le professeur Pierre d’Argent, la
Belgique se serait livrée à d’«étranges contorsions mentales … pour tout à la fois démontrer la
64 CR 2001/6, 16 octobre 2001, P. d’Argent, p. 17.
65 Contre-mémoire de la Belgique, par. 3.5.72/80.
66 CR 2001/6, 16 octobre 2001, P. d’Argent, p. 18.
67 CR 2001/5, 15 octobre 2001, P. d’Argent, p. 49.
68 Contre-mémoire de la Belgique, par. 3.5.119.
69 Contre-mémoire de la Belgique, par. 3.5.116/117.
- 27 -
prétendue compatibilité de cette résolution avec sa position, et en même temps en écarter en vain la
pertinence dans le cas d’espèce»70. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, dénigrer
n’est pas démontrer, et donc la Belgique ne s’étendra pas davantage sur ce point.
48. Plus fondamentalement, il demeure une réalité doctrinale simple, prouvée par des extraits
qui se trouvent tous dans les annexes du contre-mémoire belge, et où l’on constate que plus d’une
trentaine d’auteurs considèrent que l’immunité ne met pas à l’abri de poursuites pénales l’auteur
d’un crime grave de droit international humanitaire. Si l’on y ajoute les membres de la
Commission du droit international qui étaient quinze en 1950, et trente-quatre en 1996, et bien sûr
ce n’étaient plus les mêmes, et tous ceux qui se sont succédé au cours des travaux sur le projet de
code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, on constate que c’est plus de
quatre-vingts auteurs, dont certains comptent parmi les plus éminents du siècle, qui vont dans le
sens de la thèse défendue par mon pays.
D. Il n’existerait pas de pratique justifiant l’exclusion de l’immunité de dirigeants en fonction
49. Monsieur le président, honorables membres de la Cour, nous voici presque au terme de
cet exposé certainement trop long avec deux arguments qu’il me faut encore rencontrer : d’une
part, selon la République démocratique du Congo, la plupart des sources citées par la Belgique
concernent des personnes qui ne sont pas ou n’étaient plus en fonction, d’autre part, il n’existerait
pas de pratique des tribunaux nationaux à l’égard des gouvernants étrangers en fonction.
1. Les sources citées par la Belgique seraient sans portée car les gouvernants concernés
n’étaient plus en fonction
50. A plusieurs reprises, la Partie demanderesse a insisté sur le fait que les sources citées par
la Belgique (traité de Versailles, statuts de juridictions pénales internationales passées, loi n° 10)
concernaient des gouvernants qui n’étaient plus en fonction, et que dès lors, ces sources n’étaient
pas pertinentes71. C’est plutôt l’argument qui manque de pertinence et pour les raisons suivantes :
1) La plupart des sources citées par la Belgique ne font aucune mention de la circonstance que le
gouvernant concerné n’est plus en fonction. S’il est vrai qu’au moment des procès de
Nuremberg et de Tokyo, les accusés n’agissaient plus ès qualités, rien, ni dans le statut de ces
70 CIJ, CR 2001/5, 15 octobre 2001, per P. d’Argent, p. 49.
71 CR 2001/5, 15 octobre 2001, per F. Rigaux, p. 19; CR 2001/6, 16 octobre 2001, P. d’Argent, p. 16.
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tribunaux, ni dans leur jugement n’évoque ce point pour justifier les poursuites entreprises
contre des personnes qui étaient aux commandes de l’Etat.
2) Si la cessation des fonctions justifiait à elle seule l’ignorance de la qualité officielle, il était
inutile de le préciser dans les statuts de ces juridictions. Dès lors que ces statuts portaient des
dispositions spécifiques écartant la qualité officielle de l’accusé comme obstacle aux
poursuites et dès lors que ces dispositions recouvraient, comme on l’a vu, toute immunité
éventuelle, on se trouvait en présence d’une règle générale indifférente à la question
contingente de savoir si, oui on non, le destinataire de la règle était encore en fonction ou ne
l’était plus. Encore une fois, les longues discussions tenues en 1919 à propos de l’immunité
de Guillaume II dans le traité de Versailles, à un moment où il n’était déjà plus en fonction,
prouvent que la question de fait Guillaume II n’ était plus en fonction était indifférente à
la question de droit la question de l’immunit é.
3) Dans le cas de la Cour pénale internationale, il va sans dire que l’argument tiré du fait que
l’inculpé n’est plus en fonction officielle n’a évidemment aucune portée puisque la Cour est
destinée à être permanente.
2. L’absence de pratique
51. Il est incontestable, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, que les
exemples de poursuites intentées par un Etat contre un ministre en exercice ne sont pas légion. Il
est vrai qu’aucun juge n’a tenté de poursuivre pénalement Guillaume II pendant la première guerre
mondiale ou Hitler pendant la seconde72. L’observation, pour exacte, n’est cependant pas
convaincante : quel intérêt, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, quel intérêt,
quel avantage aurait-on pu tirer d’une action pénale dirigée contre des hommes auxquels, à
l’époque, toute la communauté internationale faisait la guerre ? Même si comme le disait
Napoléon, «en politique, une absurdité n’est pas un obstacle», en droit, tout magistrat sensé avait
suffisamment le sens de l’absurde, sinon du ridicule, pour ne pas tenter d’opposer la justice à des
hommes que les armées les plus puissantes ne réussissaient pas à arrêter.
72 CR 2001/5, 15 octobre 2001, F. Rigaux, p. 19.
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Pourtant, l’idée de faire justice, et sans tenir compte des immunités des futurs accusés, était
déjà présente dans la pensée juridique de l’époque. Les auteurs cités par la Belgique dans son
contre-mémoire, comme Gardner ou Merignhac en témoignent73. Je me permets,
respectueusement, d’y renvoyer la Cour.
52. Mais, il n’y a pas que cela. En réalité, il y a de la pratique. Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les juges, quand la Belgique se réfère aux extraits précités de la
jurisprudence des Tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, qu’est-ce que c’est sinon de la pratique.
C’est la pratique de juridictions pénales internationales, mais c’est de la pratique, et aucun texte de
droit ne dit que cette pratique est un monopole réservé à ces juridictions. Bien au contraire, nous
avons vu que les extraits cités ont un champ d’application qui n’est nullement limité à l’horizon de
ces seuls tribunaux.
53. Si l’on y ajoute la doctrine de la Commission du droit international et les conséquences
de l’entrée en vigueur très prochaine de la Cour pénale internationale, nous n’avons peut-être pas
encore de vrai précédent, mais nous avons une pensée et un système qui conduisent, à exclure
l’immunité d’hommes auxquels on reproche les crimes les pus graves parmi les plus graves.
54. Le fait que la règle n’ait jamais été appliquée à ce jour par un tribunal national, à
l’exception du précédent Markovic cité par le demandeur74 n’est pas probant. Il y a toujours une
première fois. Le tribunal qui devait juger le Kaizer devait être le premier du genre. Il resta un
tribunal de papier, mais il eut une descendance, une postérité que l’on peut qualifier de glorieuse.
Prétendrait-on que Nuremberg n’est pas un événement exceptionnel dans l’histoire de l’humanité et
des relations internationales ?
55. Aujourd’hui, l’Histoire s’accélère. Il y a d’ailleurs un exemple d’inculpation d’un chef
d’Etat en fonction lorsque Slobodan Milosevic a été mis en accusation par la procureur du Tribunal
pénal pour l’ex-Yougoslavie, le 24 mai 1999, alors qu’il était toujours président en exercice de la
République fédérale de Yougoslavie. Certes, il s’agissait d’une mise en accusation par un organe
des Nations Unies et non par une autorité judiciaire nationale. Qu’importe, c’est un élément qui
s’ajoute à un dossier qui ne cesse d’évoluer. Selon certains, le statut de la Cour pénale
73 CMB, par. 3.5.121/125.
74 CR 2001/5, 15 octobre 2001, P. d’Argent, p. 47.
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internationale pourrait entrer en vigueur dans moins d’un an, et la République démocratique du
Congo, elle-même, contribue à écrire l’Histoire lorsqu’elle affirme dans son mémoire : «une norme
de droit international commandant l’exercice de la compétence dite «universelle» pourrait
contrebalancer et même primer la norme protectrice des immunités»75
.
Or, comme la République démocratique du Congo reconnaît que les crimes de guerre
autorisent une compétence universelle76, la Belgique ne peut, évidemment, que partager cette
conclusion. Si on la compare aux termes du mandat d’arrêt du 11 avril 2000 qui inculpait
M. Yerodia, notamment, pour provocation à commettre des crimes de guerre, on constate que la
boucle est bouclée. Au moins sur la question des crimes de guerre, il y a accord entre le
demandeur et le défendeur pour dire que l’immunité ne peut faire obstacle à leur répression.
Comme, en outre, il y a aussi accord sur la compétence universelle, on peut se demander,
honorables membres de la Cour, s’il reste encore un différend sur le fond entre la République
démocratique du Congo et la Belgique.
*
* *
Nous pouvons conclure à présent, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour,
que «l’obscure clarté qui tombe des étoiles» commence à faire place à l’aurore, et le géant Atlas,
n’est plus seul à supporter, sinon le poids du monde, du moins, «l’insoutenable légèreté» de la
justice pénale internationale.
Je vous remercie de votre patiente attention, Mesdames et Messieurs de la Cour, et vous
prie, M. le président, de bien vouloir donner la parole à Me Bethlehem.
Le PRESIDENT : Je vous remercie Monsieur le professeur. And now I give the floor to
M
e Danïel Bethlehem.
75 Mémoire de la République démocratique du Congo, par. 15.
76 Mémoire de la République démocratique du Congo, par. 76.
- 31 -
Mr. BETHLEHEM:
Merits
1. Mr. President, Members of the Court, I return to the Bar very briefly this morning to
conclude Belgium’s submissions on the merits of the case. As I mentioned yesterday when
introducing this element of our pleadings, Belgium’s submissions on the merits come in a number
of parts ¾ the character and effect of the arrest warrant; universal jurisdiction and the issue of
immunity ¾ on which you have heard argument this morning; and now this final, and very brief
section. In the alternative, in the event that you consider, first, that the Court has jurisdiction in this
case and that the Application is admissible and, second, that the issuing and transmittal of the arrest
warrant did indeed violate the immunity of the DRC Minister for Foreign Affairs, then the question
of remedies arises. As I touched upon yesterday, the DRC has asked the Court to declare:
(1) that, by issuing and transmitting the arrest warrant, Belgium violated the immunity of its
Minister for Foreign Affairs in office;
(2) that a declaration to this effect constitutes an appropriate form of reparation;
(3) that Belgium, and other States, are precluded from executing the arrest warrant; and
(4) that Belgium must recall and annul the arrest warrant.
2. In my submissions on jurisdiction and admissibility yesterday, I drew attention to the fact
that the third and fourth requests addressed to the Court in practice concern the legal effects of the
arrest warrant as regards a private citizen of the DRC and, as such, have no place in the present
proceedings. This follows from the appreciation that the warrant was not in any way predicated ¾
either in substance or in procedure ¾ on the status of Mr. Yerodia Ndombasi as Minister for
Foreign Affairs of the DRC. There is no necessary link therefore between the first two requests
addressed to the Court, which concern the allegation that the issuing and transmittal of the warrant
violated the immunity of the DRC Foreign Minister, and the third and fourth requests, which now,
in circumstances in which everyone is agreed that Mr. Yerodia Ndombasi does not have immunity,
seeks the annulment of the warrant and an order of restraint as regards its execution.
3. In view of these considerations, Belgium has already contended that these requests to the
Court are inadmissible. The issue that I turn now to address in respect of these requests is different.
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It is whether, if the Court concludes that they are admissible and do indeed have a place in these
proceedings on the merits, it is whether they are requests that the Court should properly entertain.
Put more directly, the question is whether requests to the Court to order the withdrawal and
annulment of a national arrest warrant, and measures of restraint as regards its execution, fall
properly within the accepted judicial function. Belgium contends that they do not and that
accordingly they should not be the subject of any judgment of the Court.
4. Counsel for the DRC addressed this issue briefly on Tuesday77. In essence, he contended
that, by these requests, the DRC was not, in fact, asking the Court to direct Belgium as to the
manner in which it would have to give effect to a judgment declaring that the issuing and
transmitting of the arrest warrant had violated the immunity of the DRC Foreign Minister. The
choice of means, he said, would remain with Belgium. But, he argued, the natural consequence of
a finding that the immunity of a Foreign Minister had been infringed ¾ the natural consequence ¾
would be that the arrest warrant should be annulled and that Belgium and all other States should be
restrained from enforcing it.
5. Well, in Belgium’s submission, it would not follow at all from a putative finding of a
violation of the immunity of the Foreign Minister that the arrest warrant should be annulled. The
arrest warrant is operative today. There is no suggestion that it infringes the immunity of the
DRC’s Foreign Minister now. In Belgium’s contention, therefore, the analysis advanced by
counsel to the DRC is erroneous. In reality, what the DRC is asking of the Court by its third and
fourth requests is that the Court should direct Belgium as to the method by which it should give
effect to a judgment of the Court finding that the warrant had infringed the immunity of its Foreign
Minister.
6. Mr. President, Members of the Court, questions of compliance with judgments of the
Court are addressed by the Charter of the United Nations. Article 94, paragraph 1, of the Charter
reflects an undertaking by all Members of the United Nations to comply with decisions of the Court
in cases to which they are a party. Article 94, paragraph 2, provides that a State’s failure to
perform the obligations incumbent upon it under a judgment rendered by the Court may be raised
77CR 2001/6, at pp. 38–39.
- 33 -
in the Security Council. As a matter of principle, however, compliance with decisions of the Court
must be presumed. As the Permanent Court observed in the Factory at Chorzów case, a Court, in
the exercise of its judicial function, “neither can nor should contemplate the contingency of [a]
judgment not being complied with”78. This appreciation was echoed by the present Court in its
Judgment on jurisdiction and admissibility in the Nicaragua case79
.
7. As Belgium has observed in its Counter-Memorial, the adjudication of disputes by
international courts and tribunals rests on a commonly accepted division of function between the
court or tribunal in question and the States whose interests are in contention. It is the function of
the court to declare the law. It is for the State concerned to apply that law as declared.
8. This division of function reflects both the principle expressed by the Permanent Court in
the Factory at Chorzów case ¾ that a court should not presume that its decisions will not be
complied with ¾ and the appreciation that there may be a number of ways in which a State could
comply with a decision of a court directed to it. It also reflects a balance between the role of the
court to declare the law, the responsibility of States to comply with the law, and the sovereignty of
States to organize their affairs as they choose subject only to the obligation to comply with the law.
9. So well accepted is this division of competence and the balance on which it is predicated
that questions going to these issues, in fact, have arisen only rarely in proceedings before the Court.
They have arisen, however, and the Court has in turn clearly affirmed the distinction between its
declaratory role and the responsibility of States to act in implementation of its decisions.
10. Thus, for example, in the Haya de la Torre case, which is mentioned in our written
pleadings, the Court was asked to determine the manner in which its Judgment in the earlier
Asylum case was to be given effect. The Court declined this request, stating as follows:
“Having . . . defined in accordance with the Havana Convention the legal
relations between the Parties with regard to the matters referred to it [in the Asylum
case], the Court has completed its task. It is unable to give any practical advice as to
the various courses which might be followed with a view to terminating the asylum,
since, by doing so [and this is the operative part], the Court would depart from its
judicial function.”80
78Factory at Chorzów, P.C.I.J., Series A, No. 17, p. 63.
79Military and Paramilitary Activities in and Against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America),
Jurisdiction and Admissibility, I.C.J. Reports 1984, p. 437, at para. 101.
80Haya de la Torre (Colombia v. Peru), I.C.J. Reports 1951, p. 71, at p. 82.
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11. In reaching this conclusion, the Court also noted that it was not any part of the judicial
function to make choices between possible avenues of compliance that may be open to a State.
12. The reasoning of the Court in the Haya de la Torre case was subsequently endorsed by
the Court in the Northern Cameroons case.
13. Mr. President, Members of the Court, in Belgium’s contention, there is no great
controversy in the principle stated in these cases. The division of function which it acknowledges
is a commonly accepted feature of international adjudication. The question for the Court in the
present case is simply whether, as Belgium contends is clearly the case, the third and fourth
requests addressed to the Court by the DRC are directed towards the issue of compliance with a
putative declaratory judgment that the arrest warrant violated the immunity of the Foreign Minister.
If so, in our contention, it would follow necessarily that these requests fall outside the accepted
judicial function and that they should not therefore be the subject of any judgment by the Court.
14. An order of the Court, or a declaration to similar effect, requiring the annulment of the
arrest warrant and measures of restraint as regards its execution could be characterized in two
ways. Either it would amount to a direction by the Court to Belgium as regards compliance with a
judgment that the arrest warrant violated the immunity of the DRC Foreign Minister or it would in
effect be a decision on the merits of a question that is not before the Court in this case, namely,
whether an arrest warrant charging a private person with serious violations of international
humanitarian law committed elsewhere was lawful. In either case, an order or declaration to this
effect would fall outside the accepted judicial function and in our contention has no place in the
present proceedings. Belgium accordingly contends that the third and fourth requests of the DRC
should not be the subject of any judgment of the Court on the merits of the case.
15. Mr. President, Members of the Court, this brings to an end Belgium’s submissions on the
merits of the case. Belgium’s concluding observations on both jurisdiction and admissibility and
on the merits, as well as a formal statement of its final submissions, will be given in the course of
its reply tomorrow afternoon.
Le PRESIDENT : Je vous remercie beaucoup. Je donne maintenant la parole au
juge Fleischhauer qui voudrait poser une question.
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Judge FLEISCHHAUER: Thank you, Mr. President. My question is addressed to the
representatives of Belgium in this case and it is the following. In his presentation yesterday on the
effect which was given to the arrest warrant, Mr. Bethlehem has mentioned that until a short while
ago there had been no reaction by any State to the arrest warrant. He added that now, however,
there was a request to Interpol for issuance of a Red Notice and that no decision had as yet been
taken on this request. Could I ask the representatives of Belgium to elaborate on this matter.
Thank you.
Le PRESIDENT : Je vous remercie et je rappelle aux représentants de la Belgique que cette
réponse peut être donnée soit au cours de la procédure orale demain, de préférence, soit par écrit à
l’issue de la procédure orale. Ceci met un terme à l’audience de ce matin et au premier tour de
plaidoiries du Royaume de Belgique. La Cour se réunira demain, vendredi 19 octobre à 9 h 30
pour entendre le deuxième tour de plaidoiries de la République démocratique du Congo et à
16 h 30 pour entendre le deuxième tour de plaidoiries du Royaume de Belgique. Je vous remercie.
La séance est levée.
L’audience est levée à 11 h 35.
___________
Audience publique tenue le jeudi 18 octobre 2001, à 15 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Guillaume, président