COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
Site Internet : www.icj-cij.org
Communiqué de presse
Non officiel
o
N 2009/13
Le 19 février 2009
La Belgique introduit une instance contre le Sénégal et demande à la Cour
d’indiquer des mesures conservatoires
LA HAYE, le 19 février 2009. La Belgique a intr oduit ce jour en fin d’après-midi une
instance devant la Cour internationale de Justice (CIJ) contre le Sénégal au motif qu’un différend
«oppose le Royaume de Belgique et la République du Sénégal en ce qui concerne le respect par le
Sénégal de son obligation de poursuivre» l’anci en président du Tchad Hissène Habré «ou de
l’extrader vers la Belgique aux fins de poursuites pénales». Elle a également présenté une demande
en indication de mesures conservatoires tendant à protéger ses droits en attendant l’arrêt de la Cour
sur le fond.
Requête introductive d’instance
Dans sa requête la Belgique soutient que le Sénégal, où M.Habré vit en exil depuis 1990,
n’a pas donné suite à ses demandes répétées de voir l’ancien président tchadien poursuivi en justice
au Sénégal, à défaut d’être extradé vers la Belg ique, pour des faits qualifiés, notamment, de crimes
de torture et de crimes contre l’humanité. Le demandeur rappelle que, suite à une plainte déposée
le 25janvier2000 par sept personnes et une ONG (l’Association des victimes de crimes et de
répressions politiques), M.Habré avait été inculpé le 3février2000 à Dakar de complicité de
«crimes contre l’humanité, d’actes de torture et de barbarie» et avait été assigné à résidence. La
Belgique ajoute que cette inculpation avait été re jetée par la chambre d’accusation de la cour
d’appel de Dakar le 4 juillet 2000 au motif que «le «crime contre l’humanité» ne fai[sai]t pas partie
du droit pénal sénégalais».
Le demandeurindique encore qu’«[e]ntre le 30novembre2000 et le 11décembre2001, un
ressortissant belge d’origine tchadienne et des ressortissants tchadiens» ont déposé des plaintes
similaires auprès de la justice belge. La Belgique rappelle que ses instances judiciaires
compétentes ont, depuis fin 2001, adressé de nombreux devoirs d’instruction judiciaire au Sénégal
et décerné à l’encontre de M. Habré, en septemb re 2005, un mandat d’arrêt international auquel la
justice sénégalaise a estimé ne pas pouvoir donner suite. Selon le demandeur, fin 2005, le Sénégal
a transmis le dossier à l’Union africaine. La Belgique ajoute qu’en février 2007 le Sénégal a décidé
de modifier son code pénal et son code de procédur e pénale afin d’y intégrer «les incriminations de
génocide, de crime de guerre et de crime contre l’humanité»; elle souligne toutefois que le
défendeur a fait état de difficultés financièr es empêchant l’organisation d’un procès contre
M. Habré.
La Belgique fait valoir qu’au regard du droit international conventionnel, «l’abstention du
Sénégal de poursuivre M. H. Habré, à défaut de l’extrader vers la Belgique pour répondre des faits
de torture qui lui sont imputés, viole la Convention [des Nations Unies du 10décembre1984]
contre la torture», notamment, l’article5, paragra phe 2, l’article 7, paragraphe 1, l’article 8,
paragraphe2 et l’article9, para graphe1. Elle ajoute qu’au rega rd de la coutume internationale - 2 -
«l’abstention du Sénégal de poursuivre M.H.Ha bré ou de l’extrader vers la Belgique, pour
répondre des crimes contre l’humanité qui lui sont imputés, viole l’obligation générale de réprimer
les crimes de droit international humanitaire que l’on trouve dans de nombreux textes de droit
dérivé (actes institutionnels d’organisations internationales) et de droit conventionnel».
Pour fonder la compétence de la Cour, la Be lgique invoque tout d’abord les déclarations
unilatérales d’acceptation de la compétence obligatoire de la Cour faites par les Parties en vertu de
l’article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour, les 17 juin 1958 (Belgique) et 2décembre1985
(Sénégal).
En outre, le demandeur indique que «les deux Etats sont parties à la Convention des Nations
Unies du 10décembre1984 contre la torture» de puis le 21août1986 (Sénégal) et le 25juin1999
(Belgique). L’article30 de ce tte convention dispose que tout différend entre deux Etats parties
concernant son interprétation ou son application, qui n’a pu être réglé par voie de négociation ou
d’arbitrage, peut être soumis à la CIJ par l’un des Etats. La Belgique soutient que les négociations
entre les deux Etats «courent vainement depuis 2005» et que leur échec a été constaté par elle le
20juin2006. La Belgique dit par ailleurs avoi r proposé le recours à l’arbitrage au Sénégal le
20 juin 2006 et note que celui-ci «n’a pas donné su ite à cette demande … alors que la Belgique n’a
cessé de confirmer par notes verbales la persistance du différend».
Au terme de sa requête, la Belgique prie la Cour de dire et juger que,
«⎯ la Cour est compétente pour connaître du différend qui [l’oppose au Sénégal] en
ce qui concerne le respect par [celui -ci] de son obligation de poursuivre
M. H. Habré ou de l’extrader vers la Belgique aux fins de poursuites pénales ;
⎯ la demande belge est recevable ;
⎯ la République du Sénégal est obligée de pour suivre pénalement M. H. Habré pour
des faits qualifiés notamment de crimes de torture et de crimes contre l’humanité
qui lui sont imputés en tant qu’auteur, coauteur ou complice ;
⎯ à défaut de poursuivre M.H.Habré, la République du Sénégal est obligée de
l’extrader vers le Royaume de Belgique pour qu’il réponde de ces crimes devant la
justice belge».
Mesures conservatoires
La Belgique a également déposé ce jour une demande en indication de mesures
conservatoires. Elle y expose que si «M.H.Ha bré est [actuellement] en résidence surveillée à
Dakar,…il ressort d’un entretien donné par le président sénégalais, A.Wade, à Radio France
International, que le Sénégal pourrait mettre fin à cette mise en résidence surveillée s’il ne trouve
pas le budget qu’il estime nécessaire à l’organisatio n du procès de M.H.Habré». Le demandeur
souligne que «[d]ans cette hypothèse, il serait facile pour M. H. Habré de quitter le Sénégal et de se
soustraire à toute poursuite», ce qui «porterait un préjudice irréparable aux droits que le droit
international confère à la Belgique [et] violerait les obligations que le Sénégal doit remplir».
En conséquence, la Belgique prie la Cour «d’indiquer, en attendant qu’elle rende un arrêt
définitif sur le fond», des mesures conservatoires tendant à ce que le défendeur prenne «toutes les
mesures en son pouvoir pour que M. H. Habré reste sous le contrôle et la surveillance des autorités
judiciaires du Sénégal afin que les règles de droit international dont la Belgique demande le respect
puissent être correctement appliquées».
___________ - 3 -
Le texte intégral de la requête de la Belgique sera disponible sous peu sur le site Internet de
la Cour (www.icj-cij.org).
___________
Département de l’information :
MM. Boris Heim et Maxime Schouppe, attachés d’information (+31 (0)70 302 2337)
Mme Joanne Moore, attachée d’information adjointe (+31 (0)70 302 2394)
Mme Barbara Dalsbaek, assistante administrative (+31 (0)70 302 2396)
La Belgique introduit une instance contre le Sénégal et demande à la Cour d'indiquer des mesures conservatoires