Exposé écrit de Nauru

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186-20230725-WRI-34-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18860
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DU GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DE NAURU
24 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
INTRODUCTION
1. Le 30 décembre 2022, à la 56e séance de sa soixante-dix-septième session, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution 77/247 par laquelle elle a décidé, en vertu de l’article 65 du Statut de la Cour internationale de Justice, de demander à celle-ci de donner un avis consultatif sur les questions ci-après, compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme, et l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet 2004 :
i) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?
ii) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées à l’alinéa i) ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ?
2. Les observations ci-dessous sont formulées par le Gouvernement de la République de Nauru à la suite de l’ordonnance du 3 février 2023 par laquelle la Cour a fixé le délai dans lequel des exposés écrits sur les questions pourraient lui être présentés par l’Organisation des Nations Unies et ses États Membres, ainsi que l’État observateur de Palestine.
3. Nauru considère qu’il existe un cadre juridique établi pour le règlement du conflit israélo-palestinien. Il serait par conséquent malvenu que la Cour, organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, approuve qu’Israël ou la Palestine s’écartent de ce cadre juridique, violant de ce fait leurs accords bilatéraux contraignants, ou facilite un tel écart, ou soit perçue comme l’approuvant ou le facilitant.
4. Pour les raisons exposées ci-après, Nauru fait valoir qu’un certain nombre de considérations conduisent inévitablement à conclure que la Cour devrait réaffirmer le cadre juridique établi pour le règlement du conflit israélo-palestinien. Si la Cour, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, juge approprié de rendre un avis consultatif, celui-ci devrait encourager et aider les deux parties à respecter les engagements juridiques qu’elles ont pris au titre des accords bilatéraux, y compris en réengageant ou en poursuivant des négociations crédibles et constructives.
CADRE JURIDIQUE ÉTABLI
5. Comme il a été mentionné plus haut, il existe un cadre juridique établi pour le règlement du conflit israélo-palestinien. Ce cadre figure dans un certain nombre de résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, ainsi que dans des déclarations internationales. Il est également défini dans des accords contraignants conclus entre Israël et la Palestine.
6. Le cadre juridique établi a également été reconnu par la communauté internationale.
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A. Principes du cadre juridique établi
7. Deux principes fondamentaux sous-tendent le cadre juridique établi.
8. Selon le premier principe, le statut permanent du territoire en question devra être réglé par voie de négociations de bonne foi entre les deux parties. C’est au cours de ces négociations que les parties discuteront de leurs revendications concurrentes (voir la déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie, en date du 13 septembre 1993, article V, paragraphe 3 : « Il est entendu que ces négociations porteront sur les questions en suspens, notamment : Jérusalem, les réfugiés, les implantations, les arrangements en matière de sécurité, les frontières, les relations et la coopération avec d’autres voisins, et d’autres questions d’intérêt commun. » ; et l’accord intérimaire israélo-palestinien sur la rive occidentale et la bande de Gaza, en date du 28 septembre 1995, article XXXI, paragraphe 5 : « Il est entendu que ces négociations traiteront des questions encore en suspens, se rapportant notamment à Jérusalem, aux réfugiés, aux implantations, aux dispositions de sécurité, aux limites territoriales, aux relations et à la coopération avec les pays voisins, ainsi que d’autres questions d’intérêt commun. »).
9. Selon le second principe, pendant la période de transition précédant l’aboutissement des négociations, le territoire continue d’être administré conformément au droit de l’occupation belligérante et aux termes des accords contraignants conclus entre Israël et la Palestine. Les dispositions de ces accords répartissent la compétence, l’autorité et les responsabilités entre les autorités militaires israéliennes et l’Autorité palestinienne. Ce régime juridique reconnaît à Israël le droit de maintenir sa présence sur le territoire, notamment afin d’assumer ses obligations en matière de sécurité (voir l’accord intérimaire israélo-palestinien sur la rive occidentale et la bande de Gaza, en date du 28 septembre 1995, article XIII, paragraphe 2 a)).
B. Résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale des Nations Unies
10. Le cadre juridique établi figure dans des résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale. On le trouve déjà dans les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) par lesquelles le Conseil de sécurité a décidé, entre autres, de « favoriser un accord et de seconder les efforts tendant à aboutir à un règlement pacifique et accepté, conformément aux dispositions et aux principes de la présente résolution », et décidé également que, « immédiatement et en même temps que le cessez-le-feu, des négociations commencer[aie]nt entre les parties en cause sous des auspices appropriés en vue d’instaurer une paix juste et durable au Moyen-Orient ». En outre, au paragraphe 162 de son avis consultatif sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour a confirmé la validité permanente du cadre juridique établi, relevant que
« [d]es actions illicites ont été menées et des décisions unilatérales ont été prises par les uns et par les autres alors que, de l’avis de la Cour, seule la mise en oeuvre de bonne foi de toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, en particulier les résolutions 242 (1967) et 338 (1973), est susceptible de mettre un terme à cette situation tragique ».
11. Même dans sa résolution 77/247, qui est à l’origine de la présente procédure consultative, l’Assemblée générale a
« soulign[é] que les accords israélo-palestiniens conclus dans le cadre du processus de paix au Moyen-Orient, y compris les accords de Charm el-Cheikh, doivent être pleinement respectés et que la feuille de route du Quatuor en vue d’un règlement
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permanent du conflit israélo-palestinien prévoyant deux États doit être mise en oeuvre » (22e alinéa du préambule).
C. Accords israélo-palestiniens contraignants
12. Les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité ont été intégrées dans les accords israélo-palestiniens comme cadre de référence devant être appliqué pour le règlement du conflit israélo-palestinien (voir la déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie, en date du 13 septembre 1993, article premier : « Il est entendu que les arrangements intérimaires font partie intégrante de l’ensemble du processus de paix et que les négociations sur le statut permanent aboutiront à l’application des résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité. »). Ces accords définissent également les grandes lignes des pouvoirs et responsabilités d’Israël dans le territoire en matière de sécurité et dans d’autres domaines, jusqu’à ce que les négociations aboutissent (voir la déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie, en date du 13 septembre 1993, article VIII :
« Afin de garantir l’ordre public et la sécurité interne des Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, le Conseil établira une puissante force de police tandis qu’Israël conservera la responsabilité de la défense contre les menaces de l’extérieur ainsi que la responsabilité de la sécurité globale des Israéliens de manière à sauvegarder leur sécurité interne et l’ordre public. » ;
et l’accord intérimaire israélo-palestinien sur la rive occidentale et la bande de Gaza, en date du 28 septembre 1995, article X, paragraphe 4 : « Israël continuera d’assumer la responsabilité de la sécurité extérieure, ainsi que la responsabilité de la sécurité générale des Israéliens en vue de préserver leur sécurité intérieure et l’ordre public. », ainsi que ses articles XII et XIII, paragraphe 2 a)).
13. Les accords énoncent en outre l’engagement des parties de ne pas modifier le statut du territoire par des mesures unilatérales prises par l’une ou par l’autre (voir l’accord intérimaire israélo-palestinien sur la rive occidentale et la bande de Gaza, en date du 28 septembre 1995, article XXXI, paragraphe 7 : « Aucune des deux [p]arties n’entreprend ni ne prend de mesure à même de modifier le statut de la Cisjordanie et de la bande de Gaza avant que les négociations sur le statut permanent n’aboutissent. »).
14. Israël et la Palestine ont tous les deux pris l’engagement de régler le conflit et leurs revendications concurrentes en menant des négociations de bonne foi. Ils ont également accepté la présence et les responsabilités d’Israël dans le territoire jusqu’à ce que les négociations aboutissent.
15. Israël et la Palestine se sont également efforcés à de multiples reprises, au fil des ans, de régler sur la base du cadre juridique établi le conflit qui les oppose et de définir par la négociation le statut permanent du territoire en question. Le 19 mars 2023, dans une déclaration conjointe faite à l’issue d’une réunion avec des responsables égyptiens, jordaniens et américains, Israël et la Palestine ont réaffirmé « leur engagement de respecter tous les accords précédemment conclus entre eux, et leur volonté de traiter toutes les questions en suspens par un dialogue direct ». Les parties ont en outre
« réaffirmé leur engagement de faire progresser la sécurité, la stabilité et la paix pour les Israéliens comme pour les Palestiniens, et reconnu qu’il était nécessaire de parvenir à une désescalade sur le terrain et de prévenir de nouvelles violences, ainsi que de continuer à mettre en oeuvre des mesures de confiance, de renforcer la confiance
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mutuelle, de créer des perspectives politiques et de traiter les questions en suspens par un dialogue direct ».
D. Reconnaissance par la communauté internationale du cadre juridique établi
16. La communauté internationale a également reconnu dans le cadre juridique établi le seul moyen de parvenir à la paix (voir Conseil de sécurité, 22 mars 2023, « La situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne » ; observations du Secrétaire général rapportées par le coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient (UNSCO) :
« [R]ien ne peut remplacer un processus politique légitime qui permettra de régler les problèmes fondamentaux qui sont à l’origine du conflit … J’exhorte les Israéliens, les Palestiniens, les États de la région et la communauté internationale dans son ensemble à prendre des mesures pour aider les parties à s’engager de nouveau sur la voie des négociations constructives qui aboutissent, à terme, à l’instauration de la paix » ;
Conseil de l’Union européenne, « Israël/Palestine : déclaration du haut représentant, au nom de l’Union européenne, sur l’évolution récente de la situation » — Consilium (europa.eu) : « Seul un accord négocié offre la possibilité d’assurer la sécurité et la paix pour tous » ; Assemblée générale des Nations Unies, résolution 77/25 sur le règlement pacifique de la question de Palestine, 6 décembre 2022, paragraphe 5 :
« Demande aux deux parties d’agir de façon responsable dans le respect du droit international et de leurs précédents accords et obligations, tant dans leurs politiques que dans leur action, afin d’inverser d’urgence, avec l’appui du Quatuor et d’autres parties intéressées, les tendances négatives, y compris toutes les mesures prises sur le terrain qui contreviennent au droit international, et de mettre en place les conditions nécessaires à la création d’un horizon politique crédible et à la promotion des efforts de paix ».
E. Nécessité de préserver et d’appliquer le cadre juridique établi
17. Nauru réitère son soutien au cadre juridique établi et réaffirme que celui-ci doit être préservé et appliqué aussi bien par Israël que par la Palestine.
18. Nauru réitère également son soutien aux efforts visant à faire progresser le processus conformément au cadre juridique établi, et appelle instamment de ses voeux un règlement négocié du conflit qui réponde aux besoins et aspirations légitimes d’Israël et de la Palestine. Si elle donne un avis consultatif qui aille de fait à l’encontre du cadre juridique établi, la Cour risque d’être perçue comme faisant obstacle aux efforts que déploient actuellement Israël et la Palestine, ainsi qu’aux récents efforts de la Jordanie, de l’Égypte et des États-Unis d’Amérique visant à consolider, préserver, et faire progresser la mise en oeuvre de ce cadre juridique.
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19. Compte tenu de ces observations, Nauru fait finalement valoir que la Cour pourrait considérer à bon droit qu’il existe un accord bilatéral encadrant les relations entre Israël et la Palestine, et que les accords bilatéraux entre eux doivent être préservés et maintenus en vue du règlement de tout problème entre les deux parties. La Cour pourrait aussi considérer que toute violation alléguée du cadre juridique établi doit être traitée par une négociation entre les parties et non par son intervention.
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