Opinion dissidente de M. le juge Bhandari

Document Number
172-20210204-JUD-01-03-EN
Parent Document Number
172-20210204-JUD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

133
66
OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE BHANDARI
[Traduction]
Objet du différend — Article 22 de la CIEDR et compétence ratione materiae
de la Cour — Interprétation de l’expression « origine nationale » figurant au
paragraphe 1 de l’article premier de la CIEDR selon les règles coutumières
d’interprétation des traités — Origine nationale au sens du paragraphe 1 de
l’article premier de la CIEDR incluant la nationalité actuelle — Dispositions
constituant le contexte du paragraphe 1 de l’article premier de la CIEDR à la
lumière de l’objet et du but de cet instrument — Travaux préparatoires de la
CIEDR et rejet d’amendements visant à exclure la nationalité de l’« origine
nationale » au paragraphe 1 de l’article premier de la CIEDR — Comité de la
CIEDR et sa recommandation générale XXX.
1. J’ai le regret d’être en désaccord avec l’arrêt en ce qu’il retient la
première exception préliminaire soulevée par les Emirats arabes unis et
conclut que la Cour n’a pas compétence pour connaître de la requête
déposée par l’Etat du Qatar (ci-
après le « Qatar »). Selon moi, les mesures
discriminatoires que le Qatar reproche aux Emirats arabes unis d’avoir
prises contre les nationaux qatariens et lui-
même sont susceptibles d’entrer
dans les prévisions de la convention internationale du 21 décembre
1965 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(ci‑après la « CIEDR » ou la « convention »). Je vais essayer d’expliquer
les raisons qui sous-tendent
ma décision de ne pas me rallier aux vues de
la majorité, pour lesquelles j’ai néanmoins le plus grand respect.
A. L’objet du différend entre le Qatar et les Émirats arabes unis
2. Le Qatar tire grief d’une série de mesures que les Emirats arabes unis
ont prises à son égard, ainsi qu’à l’égard de ses nationaux et des personnes
d’« origine nationale » qatarienne, le 5 juin 2017 et les jours suivants
1. Ces mesures, accompagnées de la rupture des relations
diplomatiques avec le Qatar, étaient de trois sortes :
a) Obligation pour tous les résidents et visiteurs qatariens de quitter les
Emirats arabes unis dans un délai de 14 jours, et interdiction aux nationaux
qatariens d’y entrer — par la suite modifiée en obligation, pour
les nationaux qatariens, d’obtenir l’autorisation d’entrer aux Emirats
arabes unis ;
1 Requête du Qatar, p. 7, par. 3.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 134
67
b) Fermeture des frontières terrestres, de l’espace aérien et des ports maritimes
à tous les nationaux qatariens ainsi qu’aux moyens de transport
qatariens ; et
c) Blocage des médias qatariens et censure de toute expression présumée
favorable au Qatar, et adoption de mesures « destinées à perpétuer,
cautionner et encourager la propagande haineuse contre les Qatariens
» 2.
3. Il est rappelé que la Cour doit définir objectivement ce sur quoi porte
le différend, en accordant une attention particulière à la manière dont
celui-
ci est présenté par le demandeur, en précisant l’objet des griefs formulés
par ce dernier, et en tenant compte des exposés écrits et oraux des
Parties 3. Il apparaît ainsi que le désaccord entre le Qatar et les Emirats
arabes unis, s’agissant du manquement présumé de ces derniers aux obligations
découlant de la CIEDR, concerne les trois chefs de demande suivants
qui forment l’objet du différend :
a) Le premier est le grief que le Qatar tire du fait que les « interdictions
d’entrée » et la « décision d’expulsion », en faisant expressément référence
aux nationaux qatariens et aux résidents et visiteurs qatariens,
constituent une discrimination à l’égard des Qatariens fondée sur leur
origine nationale ;
b) Le deuxième est le grief que le Qatar tire des restrictions visant les
médias qatariens ; et
c) Le troisième est le grief que le Qatar tire du fait que, par ces mesures,
les Emirats arabes unis exercent une « discrimination indirecte » contre
les personnes d’origine nationale qatarienne.
4. La compétence de la Cour dans la présente affaire est fondée sur
l’article 22 de la CIEDR. Conformément au critère requis pour établir sa
compétence ratione materiae, tel qu’elle l’a énoncé dans des affaires précédentes,
la Cour doit rechercher s’il peut être établi que « les violations
… alléguées … entrent ou non dans les prévisions [de la convention]
et si, par suite, le différend est de ceux dont [elle] est compétente pour
connaître » 4. Pour que l’article 22 de la CIEDR trouve à s’appliquer en
l’espèce, il faut que les mesures discriminatoires reprochées aux Emirats
arabes unis relèvent de l’une des formes prohibées de « discrimination
2 Mémoire du Qatar (MQ), vol. I, par. 1.7.
3 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception
préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 602, par. 26 ; Essais nucléaires (Australie
c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 263, par. 30 ; Essais nucléaires (Nouvelle‑Zélande
c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 467, par. 31 ; Compétence en matière de pêcheries
(Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 449, par. 31, et
p. 449‑450, par. 33.
4 Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (I), p. 308, par. 46, et p. 324, par. 106 ; Plates‑formes
pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats‑Unis d’Amérique), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 809‑810, par. 16.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 135
68
raciale », telle que définie au paragraphe 1 de l’article premier de la
CIEDR qui dispose ce qui suit :
« Dans la présente Convention, l’expression « discrimination
raciale » vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence
fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou
ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre
la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions
d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales
dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans
tout autre domaine de la vie publique. »
5. Le Qatar n’a cessé d’affirmer que les actes qu’il reproche aux Emirats
arabes unis équivalent à une « distinction, exclusion, restriction ou préférence
fondée sur … l’origine nationale » au sens du paragraphe 1 de l’article
premier de la CIEDR 5 et permettent donc de faire jouer la clause
compromissoire contenue à l’article 22 de la convention. Les Emirats
arabes unis affirment quant à eux qu’un vice fondamental entache ce
moyen de compétence car leurs mesures distinguent des individus en fonction
de leur nationalité actuelle, laquelle n’entre pas, selon eux, dans la
portée de l’expression « origine nationale » au sens du paragraphe 1 de
l’article premier 6. Par leur première exception d’incompétence de la Cour,
ils soutiennent que le différend échappe au champ d’application
ratione materiae de la CIEDR.
6. A ce stade préliminaire, la Cour était donc appelée à interpréter l’expression
« origine nationale » figurant au paragraphe 1 de l’article premier
de la CIEDR afin de déterminer si elle englobe la nationalité actuelle.
B. L’expression « origine nationale » au paragraphe 1
de l’article premier de la CIEDR lue dans son sens ordinaire
7. Les règles coutumières internationales d’interprétation des traités,
telles que codifiées par la convention de Vienne sur le droit des traités
(ci-
après la « convention de Vienne »), sont pertinentes pour interpréter les
termes de la CIEDR. Le paragraphe 1 de l’article 31 de la convention de
Vienne dispose qu’« [u]n traité doit être interprété de bonne foi suivant le
sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la
lumière de son objet et de son but » 7.
8. La majorité donne l’interprétation suivante, au paragraphe 81 de
l’arrêt, du sens ordinaire de l’expression « origine nationale » :
« la définition de la discrimination raciale figurant dans la convention
inclut l’« origine nationale ou ethnique ». Ces références à l’« origine »
5 CR 2020/7, p. 33, par. 36 (Klein) ; CR 2020/7, p. 40, par. 26 (Amirfar).
6 CR 2020/6, p. 52, par. 56 (Sheeran).
7 Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1155, p. 362.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 136
69
désignent, respectivement, le rattachement de la personne à un
groupe national ou ethnique à sa naissance, alors que la nationalité
est un attribut juridique qui relève du pouvoir discrétionnaire de
l’Etat et qui peut changer au cours de l’existence de la personne… La
Cour relève que les autres éléments de la définition de la discrimination
raciale, telle qu’énoncée au paragraphe 1 de l’article premier de
la convention, à savoir la race, la couleur et l’ascendance, sont également
des caractéristiques inhérentes à la personne à la naissance. »
9. Pour essayer de distinguer la « nationalité » et l’« origine nationale »,
la majorité insiste sur le caractère immuable de ce que désigne l’« origine
nationale », en l’opposant au caractère transitoire de ce que désigne la
« nationalité ». Ce faisant, la majorité veut donner à entendre que les deux
termes sont fondamentalement différents. Par cette approche, la Cour ne
définit pas suffisamment le sens ordinaire de l’expression « origine nationale
» et ne parvient pas à un véritable consensus sur sa signification, pour
les raisons que j’exposerai ci-
après.
10. L’expression « origine nationale » est un amalgame d’« origine » et
de « nationale ». Une lecture de ces deux termes pris ensemble et dans leur
sens ordinaire, comme le recommande le paragraphe 1 de l’article 31 de la
convention de Vienne, aurait permis de parvenir à une interprétation plus
consensuelle. Si l’on analyse le sens ordinaire des termes « origine » et
« nationale » pour déterminer ce que signifie l’« origine nationale », il
apparaît clairement que cette expression se prête aux deux interprétations
avancées par les Parties. Elle peut avoir le sens que lui attribue le Qatar,
pour qui elle désigne la nationalité et « a trait au pays ou à la nation d’où
une personne est originaire » 8, aussi bien que celui que lui donnent les
Emirats arabes unis, selon lesquels elle « dénote l’appartenance à une
nation de personnes et non à un Etat », ce qui est distinct de la nationalité
9. A mon avis, d’une manière générale, il ressort des deux définitions
que l’« origine nationale » fait référence à l’appartenance d’une personne à
un pays ou une nation. L’appartenance dans ce sens peut être ancienne ou
historique, et procéder des ancêtres ou ascendants, ou bien être confirmée
par le statut juridique de la nationalité ou le rattachement à une nation.
Ainsi, la nationalité actuelle, même considérée d’un point de vue purement
juridique comme relevant du pouvoir discrétionnaire de l’Etat et
susceptible de changer au cours de l’existence d’un individu, est de toute
façon incluse dans l’expression plus large d’« origine nationale ». Dès lors
que ces deux termes coïncident indubitablement, il est difficile de distinguer
simplement l’un de l’autre par le seul critère sur lequel se fonde la
Cour au paragraphe 81 de l’arrêt.
11. En outre, la distinction que l’arrêt tente d’établir entre la « nationalité
» et l’« origine nationale » sur la base de l’immuabilité devient plus
complexe et difficile dans le contexte de pays où la nationalité s’acquiert
8 MQ, vol. I, par. 3.30.
9 Exceptions préliminaires des Emirats arabes unis, par. 76.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 137
70
par le droit du sang. Lorsqu’elle suit la règle du jus sanguinis, comme c’est
le cas dans nombre de pays du Golfe, la nationalité coïncide avec l’origine
nationale. En vertu du droit du sang, au Qatar, « la nationalité … est
conférée par filiation — et les naturalisations sont rares … l’immense
majorité des ressortissants qatariens, y compris ceux qui subissent les
effets des mesures, sont nés qatariens et sont qatariens au sens de leur
héritage culturel — en d’autres termes, ils sont d’« origine nationale »
qatarienne » 10. La nationalité dans un tel contexte est aussi immuable que
l’« origine nationale » et est une caractéristique inhérente à la naissance,
contrairement à ce que dit la Cour au paragraphe 81. Lorsqu’ils ont
adopté des mesures visant les « résidents et visiteurs qatariens » et les
« nationaux qatariens », les Emirats arabes unis ont inévitablement touché
également les personnes d’origine nationale qatarienne puisque les nationaux
qatariens sont essentiellement qatariens par héritage.
C. Le contexte du paragraphe 1 de l’article premier de la CIEDR
12. Le sens ordinaire d’un terme dans un traité doit être établi à la
lumière de son contexte et non pas dans l’abstrait 11. Selon le paragraphe 2
de l’article 31 de la convention de Vienne, le contexte, aux fins de l’interprétation,
comprend le texte du traité, son préambule et ses annexes.
Dans sa lecture contextuelle de l’expression « origine nationale », à la
lumière de l’objet et du but de la CIEDR, la Cour, au paragraphe 83 de
l’arrêt, commence son raisonnement en reconnaissant que les dispositions
de la convention ne sauraient avoir d’incidence sur la législation des Etats
parties en matière de nationalité, citoyenneté ou naturalisation, pour
autant que cette législation ne soit pas discriminatoire à l’égard d’une
nationalité particulière (paragraphe 3 de l’article premier de la CIEDR).
Cependant, dans sa conclusion sur ce point, l’arrêt semble se fonder uniquement
sur le langage plus large du paragraphe 2 de l’article premier de
la convention, affirmant que celui-
ci soustrait expressément « du champ
de la CIEDR des différences de traitement entre ressortissants et non‑ressortissants
». Ainsi, au mépris de l’interdiction de toute forme de
discrimination « à l’égard d’une nationalité particulière » énoncée au
paragraphe
3 de l’article premier, l’arrêt conclut que
« pareille exclusion expresse du champ de la CIEDR des différences
de traitement entre ressortissants et non‑ressortissants indique que la
convention n’empêche pas les Etats parties d’adopter des mesures
qui restreignent les droits des non‑ressortissants d’entrer sur leur territoire
et d’y résider, au motif de leur nationalité actuelle, droits qui
sont en cause dans la présente affaire » (par. 83).
10 MQ, vol. I, par. 1.25.
11 Convention de Vienne, art. 31, par. 1 ; Annuaire de la Commission du droit international,
1966, vol. II, p. 221.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 138
71
13. J’éprouve quelque difficulté à souscrire à une lecture contextuelle
qui autorise une différence de traitement entre ressortissants et non‑ressortissants,
ou à l’égard de certains groupes donnés de non-ressortissants,
sur la base de leur nationalité actuelle. Une lecture
attentive des paragraphes 2 et 3 de l’article premier de la CIEDR — qui
constituent le contexte du paragraphe 1 — révèle que ces dispositions
n’envisagent pas l’hypothèse de distinctions larges et imprécises entre
ressortissants et non‑ressortissants.
14. Le paragraphe 1 de l’article premier de la CIEDR donne une large
définition de la discrimination raciale, dans laquelle est incluse la discrimination
fondée sur l’« origine nationale ». Le texte même de la convention
indique sans équivoque qu’il s’agit de protéger contre « toutes les
formes » de discrimination raciale. Le paragraphe 2 prévoit, en termes
pratiques, une exception au principe plus large énoncé au paragraphe 1,
en autorisant une distinction entre ressortissants et non‑ressortissants.
Cependant, cette exception est limitée par le but et l’objet de la convention,
tel qu’il ressort clairement du préambule et des dispositions opérationnelles,
et qui est d’éliminer la discrimination raciale dans toutes ses
formes et manifestations. Ce but et cet objet ne pourraient être poursuivis
si les Etats étaient autorisés à établir des distinctions larges et imprécises
comme l’ont fait les Emirats arabes unis avec leurs mesures visant les
Qatariens, les nationaux qatariens, et les résidents et visiteurs qatariens.
De plus, le paragraphe 3 de l’article premier prévoit une autre exception
au paragraphe 1 du même article. Il envisage un traitement réservé aux
non-ressortissants,
en indiquant qu’un Etat peut décider comment,
notamment, ces derniers acquièrent ou perdent sa nationalité ; mais il
ajoute une condition explicite qui vient confirmer l’interprétation susmentionnée
de la convention, à savoir que pareilles décisions ne peuvent être
« discriminatoires à l’égard d’une nationalité particulière ».
15. Ainsi, il ressort clairement du contexte que même si des distinctions
fondées sur la nationalité sont explicitement permises par les paragraphes
2 et 3 de l’article premier, qui autorisent une différenciation entre
ressortissants et non-ressortissants,
les dispositions établissant ces distinctions
autorisées ne doivent pas être « discriminatoires à l’égard d’une
nationalité particulière » parmi les non-ressortissants
eux-mêmes. A mon
sens, seule cette interprétation serait cohérente avec le but et l’objet de la
CIEDR qui sont « d’éliminer … toutes les formes et toutes les manifestations
de discrimination raciale dans toutes les parties du monde ». A l’inverse,
comprendre l’expression « origine nationale » comme excluant toute
discrimination fondée sur la nationalité conduirait à un résultat absurde.
D. Les travaux préparatoires de la CIEDR
16. Lorsqu’une interprétation effectuée selon les préceptes de l’article 31
de la convention de Vienne laisse le sens ambigu ou obscur, ou conduit à
un résultat manifestement absurde ou déraisonnable, il est possible,
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 139
72
comme le prévoit l’article 32, de faire « appel à des moyens complémentaires
d’interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux
circonstances dans lesquelles le traité a été conclu ». Se référant à un
amendement qui avait été proposé par la France et les Etats-Unis d’Amérique
lors des travaux préparatoires puis retiré, la Cour, au paragraphe 96
de l’arrêt, explique que la proposition visait à
« parvenir à une formule de compromis qui permettrait de finaliser le
texte de la convention, par l’ajout des paragraphes 2 et 3 à l’article
premier… Ainsi que la Cour l’a relevé [ces deux paragraphes] disposent
que la convention ne s’appliquera pas à la différenciation
entre ressortissants et non‑ressortissants et qu’elle n’affectera pas la
législation des Etats en matière de nationalité, répondant ainsi pleinement
aux préoccupations exprimées par certaines délégations, y
compris les Etats‑Unis d’Amérique et la France, quant à la portée de
l’expression « origine nationale » ».
17. Les travaux préparatoires confirment clairement que l’expression
« origine nationale » devrait avoir une application plus large que celle que
lui attribue la majorité au paragraphe 96. L’arrêt omet de préciser que la
formule de compromis proposée par neuf Etats à laquelle il est fait référence
faisait suite au rejet délibéré de certains amendements visant à
exclure la nationalité de l’« origine nationale ». Le débat qu’a suscité cette
expression à la Troisième Commission de l’Assemblée générale montre
que les rédacteurs de la CIEDR étaient plutôt opposés à l’approche
consistant à exclure du champ d’application du paragraphe 1 de l’article
premier les différences de traitement fondées sur la nationalité. La représentante
des Etats-Unis d’Amérique a déclaré par exemple que l’« origine
nationale se distingue de la nationalité en ce sens qu’elle est un héritage
du passé : elle indique la nationalité antérieure de l’individu ou de ses
ancêtres, ou la région géographique dont ils venaient, alors que la nationalité
a trait à la situation actuelle » 12. Le représentant de la France a
précisé la signification particulière de la « nationalité » dans la terminologie
juridique française, expliquant que ce terme s’entend strictement
comme « tout ce qui se rapporte aux règles d’acquisition ou de perte de
nationalité et aux droits qui en découlent » 13. Conjointement avec la délégation
américaine, il a proposé un amendement visant à exclure la « nationalité
» de la portée de l’expression « origine nationale ». Si cet amendement
avait été adopté, le paragraphe 2 de l’article premier de la CIEDR se lirait
comme suit :
« [d]ans la présente Convention, l’expression « origine nationale »
ne désigne ni la « nationalité » ni la « citoyenneté » ; la Convention
12 Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, vingtième session,
Troisième Commission, compte rendu analytique de la 1304e séance (14 octobre 1965),
doc. A/C.3/SR.1304, p. 91, par. 23.
13 Ibid., compte rendu analytique de la 1299e séance (11 octobre 1965), doc. A/C.3/
SR.1299, p. 62, par. 37.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 140
73
ne s’applique donc pas aux distinctions, exclusions, restrictions ou
préférences fondées sur des différences de nationalité ou de citoyenneté
» 14.
Par la suite, les amendements proposés furent tous retirés au profit d’une
formule de compromis qui devint le texte final des paragraphes 1, 2, et 3
de l’article premier.
18. Certains arguments avancés au cours des débats de la Commission
des droits de l’homme montrent que le sens de l’« origine nationale » est
bien le fruit d’un compromis. La représentante du Liban avait fait valoir
que « [l]a convention devrait s’appliquer aux ressortissants, aux non‑ressortissants
et à tous les groupes ethniques, mais … ne devrait pas obliger
les Etats parties à accorder aux non-ressortissants
des droits politiques
identiques à ceux qu’ils accordent normalement à leurs ressortissants » 15.
Le représentant de l’Inde avait proposé de supprimer les termes « le droit
de chacun » à l’article V plutôt que de modifier la définition de l’« origine
nationale », afin de laisser les Etats libres de décider eux-mêmes s’il
convient d’accorder les mêmes garanties aux étrangers et aux ressortissants
16.
19. Si les rédacteurs ont rejeté l’approche visant à exclure du paragraphe
1 de l’article premier la discrimination fondée sur la nationalité,
cela signifie qu’en incluant l’« origine nationale » dans la CIEDR ils entendaient
offrir une protection contre la discrimination fondée sur la nationalité
actuelle. Le rejet de l’amendement proposé par la France et les
Etats-Unis d’Amérique, qui restreignait la définition de la discrimination
raciale donnée au paragraphe 1 de l’article premier, révèle que l’intention
des rédacteurs était de garantir les mêmes droits aux citoyens et aux non-citoyens,
nonobstant certaines exceptions prévues aux paragraphes 2 et 3.
Il est particulièrement révélateur que ce compromis ait emporté l’adhésion
de la France et des Etats-Unis d’Amérique comme étant « entièrement
acceptable ». Cette acceptation, conjuguée aux travaux préparatoires
pris dans leur ensemble, montre clairement que le compromis ne traduit
pas une volonté de soustraire la nationalité à la portée de l’« origine nationale
» ; en réalité, il semble viser seulement à permettre aux Etats de réserver
certains droits à leurs ressortissants.
20. Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que le sens ordinaire
de l’expression « origine nationale » englobe la nationalité, en ce compris
la nationalité actuelle. Le sens ordinaire de cette expression dans son
14 Op. cit. supra note 12, annexes, rapport de la Troisième Commission, projet de
convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
doc. A/6181, 18 décembre 1965, p. 12, par. 32.
15 Nations Unies, Conseil économique et social, Commission des droits de l’homme,
vingtième session, compte rendu analytique de la 809e séance (13 mars 1964), doc. E/CN.4/
SR.809, 14 mai 1964, p. 5.
16 Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, vingtième session,
Troisième Commission, compte rendu analytique de la 1299e séance (11 octobre 1965),
doc. A/C.3/SR.1299, p. 62, par. 30.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 141
74
contexte, à la lumière de l’objet et du but de la CIEDR qui sont d’éliminer
« toutes les formes » de discrimination raciale, milite en faveur de l’inclusion
de la nationalité actuelle dans l’« origine nationale ». Une interprétation
l’excluant catégoriquement irait à l’encontre de cet objet et de ce but.
Sachant que l’approche suivie par la majorité pour déterminer le sens
ordinaire de l’expression génère une ambiguïté fondamentale, les travaux
préparatoires corroborent l’idée qu’il convient de donner une large application
à la définition de la discrimination raciale contenue dans la CIEDR.
Ces travaux préparatoires viennent donc confirmer que le sens ordinaire
de l’expression « origine nationale » englobe la nationalité actuelle.
E. Le comité de la CIEDR et le paragraphe 4
de sa recommandation générale XXX
21. Au sujet du paragraphe 4 de la recommandation générale XXX du
Comité de la CIEDR, la majorité rappelle l’observation faite en l’affaire
Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du
Congo) (ci-
après l’affaire « Diallo »), à savoir que la Cour n’est « aucunement
tenue, dans l’exercice de ses fonctions judiciaires, de conformer sa propre interprétation
du Pacte à celle du Comité » (fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (II),
p. 664, par. 66), mais omet de tenir compte d’une autre observation de la
Cour quant à la nécessité d’« accorder une grande considération » à l’interprétation
que donne l’organe indépendant chargé de superviser la mise en
oeuvre du traité concerné. La Cour ne donne dans le présent arrêt aucune
raison impérieuse justifiant qu’elle ait choisi en l’espèce de s’écarter du raisonnement
suivi en l’affaire Diallo, alors qu’elle rappelle que le Comité de la
CIEDR demeure le « gardien de la convention » — comme semblent en
convenir les deux Parties. Les fonctions dévolues au Comité et la manière
dont elles sont exercées, ainsi que la composition de cet organe, sont autant
d’éléments qui expliquent pourquoi la majorité aurait dû tenir compte du
paragraphe 4 de la recommandation générale XXX.
22. La fonction première du Comité de la CIEDR est d’examiner et de
commenter les rapports soumis par les Etats parties en application du
paragraphe 1 de l’article 9 de la convention. Conformément à cette disposition,
chaque Etat partie s’engage à rendre compte des mesures d’ordre
législatif, judiciaire, administratif ou autre qu’il prend pour s’acquitter de
ses obligations au titre de la convention. Après chaque dialogue avec un
Etat partie, le Comité publie un ensemble d’observations finales dans
lequel il exprime ses préoccupations et ses recommandations sur la suite à
donner. Il dispose ainsi d’un cadre pour dialoguer avec les Etats parties,
constitué notamment par l’ensemble de règles énoncées dans le règlement
intérieur, et pour transposer les principes généraux et les droits consacrés
dans la convention en règles applicables aux problèmes rencontrés dans la
mise en oeuvre de celle-
ci. En vertu de l’article 14 de la CIEDR, tout Etat
qui déclare reconnaître la compétence du Comité autorise ce dernier à
recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou de
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 142
75
groupes de particuliers relevant de la juridiction dudit Etat qui s’estiment
victimes de violation, par cet Etat, des droits protégés par la convention.
L’Etat concerné sera alors tenu de revoir sa législation ou sa pratique à la
lumière des conclusions du Comité. A travers ce dialogue régulier avec les
Etats, le Comité de la CIEDR contribue au développement d’interprétations
homogènes de la convention. En outre, depuis sa toute première
session en 1970, il a cherché à agir judiciairement dans l’exercice de ses
fonctions 17. De plus, conformément au paragraphe 1 de l’article 8 de la
CIEDR, il se compose de 18 experts « connus pour leur haute moralité et
leur impartialité » qui « siègent à titre individuel ». Ces experts entrent
dans la catégorie des « publicistes les plus qualifiés » dans leur domaine.
Par conséquent, le paragraphe 4 de la recommandation générale XXX
reflète une interprétation cohérente de la convention donnée par les publicistes
les plus qualifiés, et la Cour aurait dû, pour cette raison, lui accorder
une grande considération dans son arrêt.
23. L’arrêt ne s’intéresse pas non plus suffisamment à la jurisprudence
de la Cour, qui témoigne pourtant de la volonté de cette dernière d’être
attentive aux travaux des organes de suivi des traités relatifs aux droits de
l’homme de l’Organisation des Nations Unies, ainsi que le montrent des
décisions passées. Bien que la Cour n’ait guère coutume de se référer à des
précédents autres que les siens, un changement à cet égard est manifeste 18.
C’est dans son arrêt de 2010 sur le fond en l’affaire Diallo qu’elle exprime
le plus clairement son adhésion aux travaux d’un tel organe de suivi.
Dans cette instance, où elle a conclu que la République démocratique du
Congo avait violé des dispositions du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques de 1966 (ci-
après le « Pacte ») et de la Charte africaine
des droits de l’homme et des peuples de 1981 (voir fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 692, par. 165, points 2) et 3) du dispositif), la
Cour a précisé que son interprétation de ces deux textes était « pleinement
corroborée par la jurisprudence du Comité des droits de l’homme institué
par le Pacte en vue de veiller au respect de cet instrument par les Etats
parties » 19. Et d’ajouter :
« Bien que la Cour ne soit aucunement tenue, dans l’exercice de ses
fonctions judiciaires, de conformer sa propre interprétation du Pacte
à celle du Comité, elle estime devoir accorder une grande considéra-
17 M. Banton, « Decision-taking
in the Committee on the Elimination of Racial Discrimination
», The Future of UN Human Rights Treaty Monitoring, P. Alston, J. Crawford
(dir. publ.), Cambridge University Press, 2000, p. 55‑57.
18 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 43 ;
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 179, par. 109 ; Activités armées sur le territoire du
Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 244,
par. 219 ; Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du
Congo), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 663, par. 66.
19 Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 663, par. 66.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 143
76
tion à l’interprétation adoptée par cet organe indépendant, spécialement
établi en vue de superviser l’application de ce traité. » 20
24. Force m’est donc de conclure que, si la Cour a accordé une grande
considération aux interprétations du Pacte par le Comité des droits de
l’homme, qui est l’organe formé d’experts indépendants chargé de veiller
au respect de cet instrument par les Etats parties, aucune raison impérieuse
ne justifie qu’elle n’ait pas accordé de même « une grande considération
» au paragraphe 4 de la recommandation générale XXX du Comité
de la CIEDR, qui est l’organe indépendant établi spécialement pour
superviser la mise en oeuvre de la convention. La nécessité de faire cas du
paragraphe 4 de la recommandation générale XXX est confirmée également
par une autre observation de la Cour en l’affaire Diallo, à savoir
qu’« [i]l en va de la nécessaire clarté et de l’indispensable cohérence du
droit international ; il en va aussi de la sécurité juridique, qui est un droit
pour les personnes privées bénéficiaires des droits garantis comme pour
les Etats tenus au respect des obligations conventionnelles » 21.
25. En outre, dans l’avis consultatif sur les Conséquences juridiques de
l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 179‑180, par. 109‑112, ci-
après l’« Avis consultatif sur
le mur »), la Cour, citant le paragraphe 14 de l’observation générale no 27
du Comité des droits de l’homme, a déclaré que les restrictions à la liberté
de circulation envisagées au paragraphe 2 de l’article 12 du Pacte devaient,
« [p]our reprendre la formulation retenue par le Comité », « être conformes
au principe de la proportionnalité » et « constituer le moyen le moins perturbateur
parmi ceux qui pourraient permettre d’obtenir le résultat recherché
» 22. La Cour reconnaissait ainsi que la mesure dérogatoire en cause
devait être proportionnelle à l’objectif légitime poursuivi. Le principe de
proportionnalité se retrouve dans tous les instruments régionaux et universels
de protection des droits de l’homme 23. Il est également consacré dans
la constitution de nombreux Etats. En général, il se traduit par une obligation
pour les Etats de justifier toute dérogation à un droit fondamental ou
à une liberté fondamentale de la personne humaine. Pareille dérogation
doit servir un objectif légitime et être proportionnée à la réalisation dudit
objectif. Le paragraphe 4 de la recommandation générale XXX reflète ce
principe largement accepté. Dès lors que ce principe est amplement
reconnu, y compris par la Cour dans sa propre jurisprudence, dans l’Avis
consultatif sur le mur, il ne semble y avoir aucune raison de ne pas l’appliquer
en l’espèce.
20 Voir supra note 19.
21 Ibid.
22 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé,
avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 193, par. 136.
23 Convention européenne des droits de l’homme, art. 8 (par. 2) et 15 ; Pacte
international
relatif aux droits civils et politiques, art. 12, 19 (par. 2 b)), 21 et 22 ; Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, art. 8 (par. 1 a) et c)) ;
Convention américaine relative aux droits de l’homme, art. 13 (par. 2 b)), 15, 16 et 22 ;
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, art. 11, 12 (par. 2) et 29.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 144
77
26. Je ferai à présent quelques observations sur la pertinence du paragraphe
4 de la recommandation générale XXX au regard des demandes
du Qatar et de la compétence ratione materiae de la Cour au titre de l’article
22 de la CIEDR.
27. Le Comité de la CIEDR a adopté la recommandation générale
XXX le 1er octobre 2002. Il y indique, au paragraphe 4, qu’un traitement
différent « constitue une discrimination si les critères de
différenciation, jugés à la lumière des objectifs et des buts de la Convention,
ne visent pas un but légitime et ne sont pas proportionnés à l’atteinte
de ce but ». Par conséquent, même si l’on assimile la discrimination fondée
sur la nationalité à celle qui est motivée par l’« origine nationale », le
traitement préférentiel réservé par un Etat à certaines catégories de non-ressortissants
n’est pas nécessairement contraire au paragraphe 1 de l’article
premier de la CIEDR, dès lors que ces droits préférentiels sont
accordés à certaines nationalités dans la poursuite d’un but légitime d’intégration
régionale ou de relations amicales intrarégionales et sont proportionnés
à la réalisation de ce but. Il est peu probable qu’une telle
différence de traitement soit incompatible avec l’interdiction de la discrimination
fondée sur la nationalité. Interpréter l’expression « origine
nationale » comme excluant entièrement la discrimination fondée sur la
nationalité conduirait, à l’inverse, à un résultat absurde.
28. Les Emirats arabes unis ont annoncé qu’ils prenaient une série de
mesures s’appliquant spécifiquement aux Qatariens sur la base de leur
nationalité, dans le but précis de « convaincre le Qatar de se conformer à
ses obligations de droit international ». Il s’ensuit que, si l’on considère la
nationalité comme un motif de discrimination interdit par le paragraphe 1
de l’article premier de la CIEDR, les distinctions opérées sur ce fondement
peuvent entrer dans les prévisions de la convention dès lors qu’elles ne
visent pas « un but légitime et ne sont pas proportionné[e]s à l’atteinte de
ce but ». L’objectif déclaré des mesures en question, qui était de rappeler le
Qatar à des obligations conventionnelles sans rapport avec la CIEDR, ne
semble pas légitime ni proportionné au regard des droits fondamentaux de
la personne humaine qui s’en sont trouvés bafoués selon le Qatar. Les
actes reprochés aux Emirats arabes unis ont donc une incidence disproportionnée
sur les nationaux qatariens et justifient que la Cour exerce sa compétence
ratione materiae au titre de l’article 22 de la CIEDR.
29. Au vu de ce qui précède, je suis d’avis, après mûre réflexion, que la
CIEDR s’applique aussi à toute discrimination qui viserait une catégorie
donnée de non-ressortissants
en raison de leur nationalité actuelle, en tant
que forme de discrimination fondée sur l’« origine nationale » interdite par
le paragraphe 1 de l’article premier. Dès lors, les mesures des Emirats
arabes unis qui frappent de manière disproportionnée les personnes de
nationalité qatarienne en étant explicitement discriminatoires à l’égard des
« nationaux qatariens » et des « résidents et visiteurs qatariens », en particulier
la « décision d’expulsion » et les « interdictions d’entrée » qui constituent
le premier grief du Qatar, sont susceptibles d’entrer dans les prévisions de
la convention. De plus, la majorité omet de relever que la déclaration du
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 145
78
5 juin 2017 vise les Qatariens se trouvant aux Emirats arabes unis « en qualité
de résident ou de visiteur ». Abstraction faite du terme « visiteur », celui
de « résident » est suffisamment large pour inclure non seulement les nationaux
qatariens mais également les personnes d’origine nationale qatarienne.
Si les mesures ne devaient viser que les nationaux qatariens, elles le diraient
explicitement. Or, on ne trouve rien de tel dans leur libellé. Ainsi, même de
ce point de vue, les mesures sont susceptibles de relever du champ d’application
de la protection prévue par la CIEDR.
30. Le paragraphe 1 de l’article premier de la CIEDR définit la « discrimination
raciale » comme toute distinction ayant « pour but ou pour
effet » de compromettre la jouissance des droits de l’homme. Il a été expliqué
que la majorité des nationaux qatariens étaient définis par leur héritage
qatarien — leurs ancêtres ou ascendants qatariens. Les Qatariens, au
sens de communauté historico‑culturelle, partagent sans aucun doute
l’« origine nationale » prévue au paragraphe 1 de l’article premier. Le sens
ordinaire de cette expression, lue dans son contexte et à la lumière de
l’objet et du but de la convention, ainsi que de ses travaux préparatoires,
confirme également cette conclusion. Ainsi, par leur effet discriminatoire,
les mesures qui motivent le troisième grief de discrimination indirecte du
Qatar sont susceptibles de relever de la CIEDR. Il en va ainsi en particulier
de la couverture médiatique contemptrice et de la propagande contre
les Qatariens que dénonce le Qatar. L’effet produit par ces discours hostiles
aux nationaux qatariens empêche les personnes d’« origine nationale
» qatarienne de jouir de leurs droits. Il est impossible de prétendre
que les mesures qui en sont la cause sont fondées sur la seule nationalité.
31. Les griefs du Qatar requièrent certes un examen approfondi au
stade du fond de la procédure, mais au stade de l’établissement de la compétence,
il existe un fondement suffisant pour rejeter la première exception
préliminaire des Emirats arabes unis.
Conclusion
32. A mon sens, le Qatar soutient à raison que l’expression « origine
nationale » s’applique également aux différences de traitement fondées sur
la nationalité actuelle, et le présent différend concerne donc l’interprétation
ou l’application de la CIEDR ; la thèse des Emirats arabes unis, qui
contestent la compétence ratione materiae de la Cour au motif que les
mesures en cause n’entrent pas dans le champ d’application de la convention,
ne saurait donc prospérer. Il s’ensuit que la Cour est compétente pour
connaître de la requête dont le Qatar l’a saisie le 11 juin 2018 en vertu de la
clause compromissoire contenue à l’article 22 de la CIEDR. La majorité
aurait dû rejeter la première exception préliminaire des Emirats arabes unis.
(Signé) Dalveer Bhandari.

Bilingual Content

133
66
DISSENTING OPINION OF JUDGE BHANDARI
The subject-matter
of the dispute — Article 22 of CERD and the Court’s
jurisdiction ratione materiae — Interpreting the term “national origin” contained
in Article 1, paragraph 1, of CERD pursuant to the customary rules on treaty
interpretation — The term “national origin” under Article 1, paragraph 1, of
CERD encompasses current nationality — The provisions which form the context
of Article 1, paragraph 1, of CERD in light of the object and purpose of CERD —
The travaux préparatoires of CERD and the exclusion of amendments which had
the effect of excluding nationality from the purview of “national origin” in
Article 1, paragraph 1, of CERD — The CERD Committee and its General
Recommendation XXX.
1. Regrettably I disagree with the finding in the Judgment which
upholds the first preliminary objection raised by the United Arab Emirates
(hereinafter “UAE”) and finds that the Court has no jurisdiction to
entertain the Application filed by the State of Qatar (hereinafter “Qatar”).
In my view, the discriminatory measures allegedly promulgated by the
UAE against Qatar and Qatari nationals are capable of falling within the
scope of the International Convention on the Elimination of All Forms of
Racial Discrimination of 21 December 1965 (hereinafter “CERD” or the
“Convention”). With great respect to the views expressed in the Judgment,
I endeavour to explain the reasoning behind my decision not to
concur with the majority.
A. Subject-Matter
of the Dispute between Qatar and the UAE
2. The case of Qatar is based on a series of measures taken by the UAE
against Qatar, Qatari nationals and individuals of Qatari national origin
on 5 June 2017 and the days that followed 1. These measures, which were
accompanied by the severing of diplomatic relations with Qatar, fell
within the following categories:
(a) requirement that all Qatari residents and visitors leave the UAE in
14 days, as well as a ban on Qatari nationals from entering the UAE.
This was subsequently modified to a requirement of permission for
entry of Qatari nationals into the UAE;
1 Application of Qatar, p. 6, para. 3.
133
66
OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE BHANDARI
[Traduction]
Objet du différend — Article 22 de la CIEDR et compétence ratione materiae
de la Cour — Interprétation de l’expression « origine nationale » figurant au
paragraphe 1 de l’article premier de la CIEDR selon les règles coutumières
d’interprétation des traités — Origine nationale au sens du paragraphe 1 de
l’article premier de la CIEDR incluant la nationalité actuelle — Dispositions
constituant le contexte du paragraphe 1 de l’article premier de la CIEDR à la
lumière de l’objet et du but de cet instrument — Travaux préparatoires de la
CIEDR et rejet d’amendements visant à exclure la nationalité de l’« origine
nationale » au paragraphe 1 de l’article premier de la CIEDR — Comité de la
CIEDR et sa recommandation générale XXX.
1. J’ai le regret d’être en désaccord avec l’arrêt en ce qu’il retient la
première exception préliminaire soulevée par les Emirats arabes unis et
conclut que la Cour n’a pas compétence pour connaître de la requête
déposée par l’Etat du Qatar (ci-
après le « Qatar »). Selon moi, les mesures
discriminatoires que le Qatar reproche aux Emirats arabes unis d’avoir
prises contre les nationaux qatariens et lui-
même sont susceptibles d’entrer
dans les prévisions de la convention internationale du 21 décembre
1965 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(ci‑après la « CIEDR » ou la « convention »). Je vais essayer d’expliquer
les raisons qui sous-tendent
ma décision de ne pas me rallier aux vues de
la majorité, pour lesquelles j’ai néanmoins le plus grand respect.
A. L’objet du différend entre le Qatar et les Émirats arabes unis
2. Le Qatar tire grief d’une série de mesures que les Emirats arabes unis
ont prises à son égard, ainsi qu’à l’égard de ses nationaux et des personnes
d’« origine nationale » qatarienne, le 5 juin 2017 et les jours suivants
1. Ces mesures, accompagnées de la rupture des relations
diplomatiques avec le Qatar, étaient de trois sortes :
a) Obligation pour tous les résidents et visiteurs qatariens de quitter les
Emirats arabes unis dans un délai de 14 jours, et interdiction aux nationaux
qatariens d’y entrer — par la suite modifiée en obligation, pour
les nationaux qatariens, d’obtenir l’autorisation d’entrer aux Emirats
arabes unis ;
1 Requête du Qatar, p. 7, par. 3.
134 application of the cerd (diss. op. bhandari)
67
(b) closure of land borders, airspace and seaports of the UAE to all Qatari
nationals and Qatari means of transportation; and
(c) suppression of Qatari media outlets and speech deemed to support
Qatar, and the enactment of measures “perpetuating, condoning, and
encouraging anti-Qatari
hate propaganda” 2.
3. It is recalled that the Court is to objectively determine the subjectmatter
of the dispute while giving particular attention to the formulation
of the dispute chosen by the Applicant, identifying the object of those
claims, and taking into consideration the written and oral pleadings of
the Parties 3. Accordingly, the disagreement between Qatar and the UAE,
with respect to the UAE’s alleged violation of obligations under CERD
fall under three heads of claims which form the subject‑matter of the
dispute as follows:
(a) the first is the claim by Qatar that the “travel bans” and “expulsion
order” by their express reference to Qatari nationals and Qatari residents
and visitors discriminate against Qataris on the basis of their
national origin;
(b) the second is the claim by Qatar arising out of the restrictions on
Qatari media corporations; and
(c) the third is the claim by Qatar that, through these measures, the UAE
has engaged in “indirect discrimination” against persons of Qatari
national origin.
4. The jurisdiction of the Court in the present case is based on Article
22 of CERD. As per the test for jurisdiction ratione materiae laid
down by the Court in its previous cases, the Court needs to determine
whether it can be established that the “alleged violations . . . are capable
of falling within the provisions of the [CERD] and whether, as a consequence
. . . the dispute is one which the Court has jurisdiction to
entertain” 4. In order to invoke the Court’s jurisdiction under Article 22
of CERD, the discriminatory measures allegedly promulgated by the
UAE must fall within one of the prohibited categories of “racial discrim-
2 Memorial of Qatar (MQ), Vol. I, para. 1.7.
3 Obligation to Negotiate Access to the Pacific Ocean (Bolivia v. Chile), Preliminary
Objection, Judgment, I.C.J. Reports 2015 (II), p. 602, para. 26; Nuclear Tests (Australia v.
France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 263, para. 30; Nuclear Tests (New Zealand v.
France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 467, para. 31; Fisheries Jurisdiction (Spain v.
Canada), Jurisdiction of the Court, Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 449, para. 31, and
pp. 449‑450, para. 33.
4 Immunities and Criminal Proceedings (Equatorial Guinea v. France), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2018 (I), p. 308, para. 46, and p. 324, para. 106; Oil
Platforms (Islamic Republic of Iran v. United States of America), Preliminary Objection,
Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II), pp. 809-810, para. 16.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 134
67
b) Fermeture des frontières terrestres, de l’espace aérien et des ports maritimes
à tous les nationaux qatariens ainsi qu’aux moyens de transport
qatariens ; et
c) Blocage des médias qatariens et censure de toute expression présumée
favorable au Qatar, et adoption de mesures « destinées à perpétuer,
cautionner et encourager la propagande haineuse contre les Qatariens
» 2.
3. Il est rappelé que la Cour doit définir objectivement ce sur quoi porte
le différend, en accordant une attention particulière à la manière dont
celui-
ci est présenté par le demandeur, en précisant l’objet des griefs formulés
par ce dernier, et en tenant compte des exposés écrits et oraux des
Parties 3. Il apparaît ainsi que le désaccord entre le Qatar et les Emirats
arabes unis, s’agissant du manquement présumé de ces derniers aux obligations
découlant de la CIEDR, concerne les trois chefs de demande suivants
qui forment l’objet du différend :
a) Le premier est le grief que le Qatar tire du fait que les « interdictions
d’entrée » et la « décision d’expulsion », en faisant expressément référence
aux nationaux qatariens et aux résidents et visiteurs qatariens,
constituent une discrimination à l’égard des Qatariens fondée sur leur
origine nationale ;
b) Le deuxième est le grief que le Qatar tire des restrictions visant les
médias qatariens ; et
c) Le troisième est le grief que le Qatar tire du fait que, par ces mesures,
les Emirats arabes unis exercent une « discrimination indirecte » contre
les personnes d’origine nationale qatarienne.
4. La compétence de la Cour dans la présente affaire est fondée sur
l’article 22 de la CIEDR. Conformément au critère requis pour établir sa
compétence ratione materiae, tel qu’elle l’a énoncé dans des affaires précédentes,
la Cour doit rechercher s’il peut être établi que « les violations
… alléguées … entrent ou non dans les prévisions [de la convention]
et si, par suite, le différend est de ceux dont [elle] est compétente pour
connaître » 4. Pour que l’article 22 de la CIEDR trouve à s’appliquer en
l’espèce, il faut que les mesures discriminatoires reprochées aux Emirats
arabes unis relèvent de l’une des formes prohibées de « discrimination
2 Mémoire du Qatar (MQ), vol. I, par. 1.7.
3 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception
préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 602, par. 26 ; Essais nucléaires (Australie
c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 263, par. 30 ; Essais nucléaires (Nouvelle‑Zélande
c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 467, par. 31 ; Compétence en matière de pêcheries
(Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 449, par. 31, et
p. 449‑450, par. 33.
4 Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (I), p. 308, par. 46, et p. 324, par. 106 ; Plates‑formes
pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats‑Unis d’Amérique), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 809‑810, par. 16.
135 application of the cerd (diss. op. bhandari)
68
ination”, as defined under Article 1, paragraph 1, of CERD, which provides:
“In this Convention, the term ‘racial discrimination’ shall mean any
distinction, exclusion, restriction or preference based on race, colour,
descent, or national or ethnic origin which has the purpose or effect
of nullifying or impairing the recognition, enjoyment or exercise, on
an equal footing, of human rights and fundamental freedoms in the
political, economic, social, cultural or any other field of public life.”
5. Qatar has consistently claimed that the alleged acts of the UAE
amount to a “distinction, exclusion, restriction or preference based on . . .
national . . . origin” within the meaning of Article 1, paragraph 1, of
CERD 5 and thus within the compromissory clause contained in Article
22 of CERD. The UAE, on the other hand, argues there is a crucial
jurisdictional flaw in the case, that these measures differentiate between
individuals on the basis of their current nationality, which is not included
within the scope of the term “national origin” in Article 1, paragraph 1,
of CERD 6. In its first preliminary objection to the jurisdiction of the
Court, the UAE argues that the dispute falls outside of the scope ratione
materiae of CERD.
6. Accordingly, at this preliminary stage, the Court is called upon to
interpret whether the term “national origin”, as contained in Article 1,
paragraph 1, of CERD, encompasses current nationality.
B. The Term “National Origin” under Article 1, Paragraph 1,
of CERD in Accordance with Its Ordinary Meaning
7. The customary international law on the rules of treaty interpretation
as codified in the Vienna Convention on the Law of Treaties (hereinafter
the “VCLT”) is applicable to the interpretation of the terms of CERD.
Article 31, paragraph 1, of the VCLT stipulates that “[a] treaty shall be
interpreted in good faith in accordance with the ordinary meaning to be
given to the terms of the treaty in their context and in the light of its
object and purpose” 7.
8. The majority takes the following position regarding the ordinary
meaning of the term “national origin” in paragraph 81 of the Judgment:
“the definition of racial discrimination in the Convention includes
‘national or ethnic origin’. These references to ‘origin’ denote, respec-
5 CR 2020/7, p. 33, para. 36 (Klein); CR 2020/7, p. 40, para. 26 (Amirfar).
6 CR 2020/6, p. 52, para. 56 (Sheeran).
7 United Nations, Treaty Series, Vol. 1155, p. 340.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 135
68
raciale », telle que définie au paragraphe 1 de l’article premier de la
CIEDR qui dispose ce qui suit :
« Dans la présente Convention, l’expression « discrimination
raciale » vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence
fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou
ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre
la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions
d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales
dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans
tout autre domaine de la vie publique. »
5. Le Qatar n’a cessé d’affirmer que les actes qu’il reproche aux Emirats
arabes unis équivalent à une « distinction, exclusion, restriction ou préférence
fondée sur … l’origine nationale » au sens du paragraphe 1 de l’article
premier de la CIEDR 5 et permettent donc de faire jouer la clause
compromissoire contenue à l’article 22 de la convention. Les Emirats
arabes unis affirment quant à eux qu’un vice fondamental entache ce
moyen de compétence car leurs mesures distinguent des individus en fonction
de leur nationalité actuelle, laquelle n’entre pas, selon eux, dans la
portée de l’expression « origine nationale » au sens du paragraphe 1 de
l’article premier 6. Par leur première exception d’incompétence de la Cour,
ils soutiennent que le différend échappe au champ d’application
ratione materiae de la CIEDR.
6. A ce stade préliminaire, la Cour était donc appelée à interpréter l’expression
« origine nationale » figurant au paragraphe 1 de l’article premier
de la CIEDR afin de déterminer si elle englobe la nationalité actuelle.
B. L’expression « origine nationale » au paragraphe 1
de l’article premier de la CIEDR lue dans son sens ordinaire
7. Les règles coutumières internationales d’interprétation des traités,
telles que codifiées par la convention de Vienne sur le droit des traités
(ci-
après la « convention de Vienne »), sont pertinentes pour interpréter les
termes de la CIEDR. Le paragraphe 1 de l’article 31 de la convention de
Vienne dispose qu’« [u]n traité doit être interprété de bonne foi suivant le
sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la
lumière de son objet et de son but » 7.
8. La majorité donne l’interprétation suivante, au paragraphe 81 de
l’arrêt, du sens ordinaire de l’expression « origine nationale » :
« la définition de la discrimination raciale figurant dans la convention
inclut l’« origine nationale ou ethnique ». Ces références à l’« origine »
5 CR 2020/7, p. 33, par. 36 (Klein) ; CR 2020/7, p. 40, par. 26 (Amirfar).
6 CR 2020/6, p. 52, par. 56 (Sheeran).
7 Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1155, p. 362.
136 application of the cerd (diss. op. bhandari)
69
tively, a person’s bond to a national or ethnic group at birth, whereas
nationality is a legal attribute which is within the discretionary power
of the State and can change during a person’s lifetime. . . The Court
notes that the other elements of the definition of racial discrimination,
as set out in Article 1, paragraph 1, of the Convention, namely race,
colour and descent, are also characteristics that are inherent at birth.”
9. In its attempt to distinguish between “nationality” and “national origin”,
the majority highlights the immutable nature of the meaning of
“national origin” and frames it in opposition to the transient nature of
the meaning of “nationality”. In doing so, the majority attempts to allude
that the two terms are fundamentally disparate. As a result of this
approach, the Judgment insufficiently delineates the ordinary meaning of
the term “national origin” and thereby reaches no real consensus on its
meaning for the reasons set out below.
10. The term “national origin” presents an amalgamation of the words
“national” and “origin”. The ordinary meaning attributable to these two
words, read conjunctively, would have led to a more harmonious interpretation
of its meaning as Article 31, paragraph 1, of the VCLT stipulates.
When the ordinary meaning of the words “national” and “origin”
are analysed to determine the meaning of the term “national origin”, it is
evident that the term is capable of being construed in both of the ways
argued by the Parties. It can either carry the meaning attributed to it by
Qatar, that is of nationality and of “relat[ing] to the country or nation
where a person is from” 8, or that argued by the UAE, that is of an “association
with a nation of people, not a State”, which is distinct from
nationality 9. As a general proposition, in my view, the definitions of the
two words indicate that “national origin” refers to a person’s belonging
to a country or nation. Belonging in this sense may be long standing or
historical, and defined by ancestry or descent, or it may be confirmed by
the legal status of nationality or national affiliation. Thus, current nationality,
even if considered in a purely legal sense to be within the discretion
of the State and subject to change over a person’s lifetime, is in any event
encompassed within the broader term “national origin”. Since there is no
doubt that these terms coincide, it is difficult to simply distinguish one
from the other solely on the basis relied upon in paragraph 81 of the
Judgment.
11. Furthermore, the Judgment’s attempt to distinguish between
“nationality” and “national origin” becomes more complex and difficult
to differentiate on the basis of immutability in the context of countries
8 MQ, Vol. I, para. 3.30.
9 Preliminary Objections of the United Arab Emirates, para. 76.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 136
69
désignent, respectivement, le rattachement de la personne à un
groupe national ou ethnique à sa naissance, alors que la nationalité
est un attribut juridique qui relève du pouvoir discrétionnaire de
l’Etat et qui peut changer au cours de l’existence de la personne… La
Cour relève que les autres éléments de la définition de la discrimination
raciale, telle qu’énoncée au paragraphe 1 de l’article premier de
la convention, à savoir la race, la couleur et l’ascendance, sont également
des caractéristiques inhérentes à la personne à la naissance. »
9. Pour essayer de distinguer la « nationalité » et l’« origine nationale »,
la majorité insiste sur le caractère immuable de ce que désigne l’« origine
nationale », en l’opposant au caractère transitoire de ce que désigne la
« nationalité ». Ce faisant, la majorité veut donner à entendre que les deux
termes sont fondamentalement différents. Par cette approche, la Cour ne
définit pas suffisamment le sens ordinaire de l’expression « origine nationale
» et ne parvient pas à un véritable consensus sur sa signification, pour
les raisons que j’exposerai ci-
après.
10. L’expression « origine nationale » est un amalgame d’« origine » et
de « nationale ». Une lecture de ces deux termes pris ensemble et dans leur
sens ordinaire, comme le recommande le paragraphe 1 de l’article 31 de la
convention de Vienne, aurait permis de parvenir à une interprétation plus
consensuelle. Si l’on analyse le sens ordinaire des termes « origine » et
« nationale » pour déterminer ce que signifie l’« origine nationale », il
apparaît clairement que cette expression se prête aux deux interprétations
avancées par les Parties. Elle peut avoir le sens que lui attribue le Qatar,
pour qui elle désigne la nationalité et « a trait au pays ou à la nation d’où
une personne est originaire » 8, aussi bien que celui que lui donnent les
Emirats arabes unis, selon lesquels elle « dénote l’appartenance à une
nation de personnes et non à un Etat », ce qui est distinct de la nationalité
9. A mon avis, d’une manière générale, il ressort des deux définitions
que l’« origine nationale » fait référence à l’appartenance d’une personne à
un pays ou une nation. L’appartenance dans ce sens peut être ancienne ou
historique, et procéder des ancêtres ou ascendants, ou bien être confirmée
par le statut juridique de la nationalité ou le rattachement à une nation.
Ainsi, la nationalité actuelle, même considérée d’un point de vue purement
juridique comme relevant du pouvoir discrétionnaire de l’Etat et
susceptible de changer au cours de l’existence d’un individu, est de toute
façon incluse dans l’expression plus large d’« origine nationale ». Dès lors
que ces deux termes coïncident indubitablement, il est difficile de distinguer
simplement l’un de l’autre par le seul critère sur lequel se fonde la
Cour au paragraphe 81 de l’arrêt.
11. En outre, la distinction que l’arrêt tente d’établir entre la « nationalité
» et l’« origine nationale » sur la base de l’immuabilité devient plus
complexe et difficile dans le contexte de pays où la nationalité s’acquiert
8 MQ, vol. I, par. 3.30.
9 Exceptions préliminaires des Emirats arabes unis, par. 76.
137 application of the cerd (diss. op. bhandari)
70
where nationality is based on jus sanguinis. Where nationality follows a
jus sanguinis model, as is the case in many Gulf States, nationality
coincides
with national origin. Under the jus sanguinis model, in Qatar,
“nationality is conferred by parentage — and naturalization is rare . . .
the vast majority of Qatari nationals, including those affected by the measures,
were born Qatari nationals and are Qatari in the sense of heritage
— in other words, of Qatari ‘national origin’” 10. Nationality in this
context is as immutable as “national origin” and is a characteristic that is
inherent at birth contrary to the Court’s assertion in paragraph 81. When
the UAE adopted measures targeting “Qatari residents and visitors” and
“Qatari nationals”, they inevitably also affected persons of Qatari national
origin since Qatari nationals are primarily persons of Qatari heritage.
C. The Context of Article 1, Paragraph 1, of CERD
12. The ordinary meaning of a term in a treaty is to be determined in
light of its context and not in the abstract 11. Under Article 31, paragraph
2, of the VCLT, the context for interpretation purposes includes,
the text of the treaty, its preamble and annexes. In its contextual reading
of the term “national origin”, in light of the object and purpose of CERD,
in paragraph 83 of the Judgment, the Court begins its reasoning by
acknowledging that any legislation concerning nationality, citizenship or
naturalization by States parties would not be affected by the provisions of
CERD provided that they do not discriminate against any particular
nationality (Article 1, paragraph 3, of CERD). However, in its conclusion
on this point, the Judgment seems to rely solely on the broader terminology
found in Article 1, paragraph 2, of CERD which expressly excludes
“from the scope of the Convention . . . differentiation between citizens
and non‑citizens”. Consequently, to the exclusion of the prohibition of
discrimination “against any particular nationality” in Article 1, paragraph
3, of CERD, the Judgment concludes that
“such express exclusion from the scope of the Convention of differentiation
between citizens and non‑citizens indicates that the Convention
does not prevent States parties from adopting measures that
restrict the right of non-citizens
to enter a State and their right to
reside there — rights that are in dispute in this case — on the basis
of their current nationality” (para. 83).
10 MQ, Vol. I, para. 1.25.
11 VCLT, Art. 31, para. 1, Yearbook of the International Law Commission, 1966, Vol. II,
p. 221.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 137
70
par le droit du sang. Lorsqu’elle suit la règle du jus sanguinis, comme c’est
le cas dans nombre de pays du Golfe, la nationalité coïncide avec l’origine
nationale. En vertu du droit du sang, au Qatar, « la nationalité … est
conférée par filiation — et les naturalisations sont rares … l’immense
majorité des ressortissants qatariens, y compris ceux qui subissent les
effets des mesures, sont nés qatariens et sont qatariens au sens de leur
héritage culturel — en d’autres termes, ils sont d’« origine nationale »
qatarienne » 10. La nationalité dans un tel contexte est aussi immuable que
l’« origine nationale » et est une caractéristique inhérente à la naissance,
contrairement à ce que dit la Cour au paragraphe 81. Lorsqu’ils ont
adopté des mesures visant les « résidents et visiteurs qatariens » et les
« nationaux qatariens », les Emirats arabes unis ont inévitablement touché
également les personnes d’origine nationale qatarienne puisque les nationaux
qatariens sont essentiellement qatariens par héritage.
C. Le contexte du paragraphe 1 de l’article premier de la CIEDR
12. Le sens ordinaire d’un terme dans un traité doit être établi à la
lumière de son contexte et non pas dans l’abstrait 11. Selon le paragraphe 2
de l’article 31 de la convention de Vienne, le contexte, aux fins de l’interprétation,
comprend le texte du traité, son préambule et ses annexes.
Dans sa lecture contextuelle de l’expression « origine nationale », à la
lumière de l’objet et du but de la CIEDR, la Cour, au paragraphe 83 de
l’arrêt, commence son raisonnement en reconnaissant que les dispositions
de la convention ne sauraient avoir d’incidence sur la législation des Etats
parties en matière de nationalité, citoyenneté ou naturalisation, pour
autant que cette législation ne soit pas discriminatoire à l’égard d’une
nationalité particulière (paragraphe 3 de l’article premier de la CIEDR).
Cependant, dans sa conclusion sur ce point, l’arrêt semble se fonder uniquement
sur le langage plus large du paragraphe 2 de l’article premier de
la convention, affirmant que celui-
ci soustrait expressément « du champ
de la CIEDR des différences de traitement entre ressortissants et non‑ressortissants
». Ainsi, au mépris de l’interdiction de toute forme de
discrimination « à l’égard d’une nationalité particulière » énoncée au
paragraphe
3 de l’article premier, l’arrêt conclut que
« pareille exclusion expresse du champ de la CIEDR des différences
de traitement entre ressortissants et non‑ressortissants indique que la
convention n’empêche pas les Etats parties d’adopter des mesures
qui restreignent les droits des non‑ressortissants d’entrer sur leur territoire
et d’y résider, au motif de leur nationalité actuelle, droits qui
sont en cause dans la présente affaire » (par. 83).
10 MQ, vol. I, par. 1.25.
11 Convention de Vienne, art. 31, par. 1 ; Annuaire de la Commission du droit international,
1966, vol. II, p. 221.
138 application of the cerd (diss. op. bhandari)
71
13. I find it difficult to concur with a contextual reading that allows differentiation
between citizens and non-citizens,
as well as particular groups
of non-citizens
on the basis of their current nationality. If one is to pay
close attention to Article 1, paragraphs 2 and 3, of CERD — the provisions
which form the context of Article 1, paragraph 1, of CERD — they
do not seem to envisage broad and unqualified distinctions to be drawn
between citizens and non-citizens.
14. Article 1, paragraph 1, of CERD provides a broad definition of
racial discrimination which includes discrimination based on “national
origin”. The plain text of CERD makes it clear that this definition is to
protect against “all forms” of racial discrimination. Article 1, paragraph
2, in functional terms, establishes an exception to the broader principle
contained in Article 1, paragraph 1, of CERD, by permitting a
distinction to be drawn between citizens and non-citizens.
However, this
exception is limited by the object and purpose of the Convention, as made
clear in its preamble and operative provisions, to eliminate racial discrimination
in all its forms and manifestations. This object and purpose cannot
be furthered if States are permitted to draw broad and unqualified
distinctions as have been drawn by the UAE through its measures vis‑à‑vis
Qataris, Qatari nationals, residents and visitors. Second, Article 1, paragraph
3, establishes a further exception to Article 1, paragraph 1. Article
1, paragraph 3, while implicating the treatment of non‑citizens,
clarifies that a State can dictate how, in particular, non-citizens
acquire or
lose its nationality; however, it reinforces the aforesaid reading of the
Convention through the explicit indication in its proviso that “such provisions
[should] not discriminate against any particular nationality”.
15. Therefore, the context makes it clear that — even though nationalitybased
distinctions are specifically permitted by paragraphs 2 and 3 of
Article 1 which permit distinctions between citizens and non-citizens
— it
cautions that even in making such permitted distinctions, “such provisions
[should] not discriminate against any particular nationality” when
considering non‑citizens inter se. In my view, only such an interpretation
would be consistent with the object and purpose of CERD to “eliminat[e]
racial discrimination throughout the world in all its forms and manifestations”.
To interpret “national origin” as entirely excluding nationalitybased
discrimination would, on the other hand, lead to absurd results.
D. The Travaux Préparatoires of CERD
16. When interpretation under Article 31 of the VCLT leaves the meaning
ambiguous or obscure, or leads to manifestly absurd or unreasonable
results, Article 32 of the VCLT provides that “[r]ecourse may be had to
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 138
71
13. J’éprouve quelque difficulté à souscrire à une lecture contextuelle
qui autorise une différence de traitement entre ressortissants et non‑ressortissants,
ou à l’égard de certains groupes donnés de non-ressortissants,
sur la base de leur nationalité actuelle. Une lecture
attentive des paragraphes 2 et 3 de l’article premier de la CIEDR — qui
constituent le contexte du paragraphe 1 — révèle que ces dispositions
n’envisagent pas l’hypothèse de distinctions larges et imprécises entre
ressortissants et non‑ressortissants.
14. Le paragraphe 1 de l’article premier de la CIEDR donne une large
définition de la discrimination raciale, dans laquelle est incluse la discrimination
fondée sur l’« origine nationale ». Le texte même de la convention
indique sans équivoque qu’il s’agit de protéger contre « toutes les
formes » de discrimination raciale. Le paragraphe 2 prévoit, en termes
pratiques, une exception au principe plus large énoncé au paragraphe 1,
en autorisant une distinction entre ressortissants et non‑ressortissants.
Cependant, cette exception est limitée par le but et l’objet de la convention,
tel qu’il ressort clairement du préambule et des dispositions opérationnelles,
et qui est d’éliminer la discrimination raciale dans toutes ses
formes et manifestations. Ce but et cet objet ne pourraient être poursuivis
si les Etats étaient autorisés à établir des distinctions larges et imprécises
comme l’ont fait les Emirats arabes unis avec leurs mesures visant les
Qatariens, les nationaux qatariens, et les résidents et visiteurs qatariens.
De plus, le paragraphe 3 de l’article premier prévoit une autre exception
au paragraphe 1 du même article. Il envisage un traitement réservé aux
non-ressortissants,
en indiquant qu’un Etat peut décider comment,
notamment, ces derniers acquièrent ou perdent sa nationalité ; mais il
ajoute une condition explicite qui vient confirmer l’interprétation susmentionnée
de la convention, à savoir que pareilles décisions ne peuvent être
« discriminatoires à l’égard d’une nationalité particulière ».
15. Ainsi, il ressort clairement du contexte que même si des distinctions
fondées sur la nationalité sont explicitement permises par les paragraphes
2 et 3 de l’article premier, qui autorisent une différenciation entre
ressortissants et non-ressortissants,
les dispositions établissant ces distinctions
autorisées ne doivent pas être « discriminatoires à l’égard d’une
nationalité particulière » parmi les non-ressortissants
eux-mêmes. A mon
sens, seule cette interprétation serait cohérente avec le but et l’objet de la
CIEDR qui sont « d’éliminer … toutes les formes et toutes les manifestations
de discrimination raciale dans toutes les parties du monde ». A l’inverse,
comprendre l’expression « origine nationale » comme excluant toute
discrimination fondée sur la nationalité conduirait à un résultat absurde.
D. Les travaux préparatoires de la CIEDR
16. Lorsqu’une interprétation effectuée selon les préceptes de l’article 31
de la convention de Vienne laisse le sens ambigu ou obscur, ou conduit à
un résultat manifestement absurde ou déraisonnable, il est possible,
139 application of the cerd (diss. op. bhandari)
72
supplementary means of interpretation, including the preparatory work
of the treaty and the circumstances of its conclusion”. The Judgment, in
paragraph 96, in reference to the amendment submitted by France and
the United States of America and the subsequent withdrawal of the
amendment, states that this
“was done in order to arrive at a compromise formula that would
enable the text of the Convention to be finalized, by adding paragraphs
2 and 3 to Article 1 . . . As the Court has noted . . . paragraphs
2 and 3 of Article 1 provide that the Convention will not apply
to differentiation between citizens and non-citizens
and will not affect
States’ legislation on nationality, thus fully addressing the concerns
expressed by certain delegations, including those of the United States
of America and France, regarding the scope of the term ‘national
origin’”.
17. The travaux préparatoires makes it clear that the term “national
origin” should have a wider application than that envisaged by the majority
in paragraph 96. The Judgment does not touch upon the fact that the
nine-power compromise proposal, highlighted in this paragraph, was the
result of the deliberate exclusion of certain proposed amendments which
had the effect of excluding nationality from the purview of “national origin”.
The debate on the term “national origin” indicates that the drafters
of the Convention leaned towards rejecting the approach of excluding
differential treatment on the basis of nationality from the purview of Article
1, paragraph 1, of CERD. The delegate of the United States of America
for instance stated that “[n]ational origin differed from nationality in
that national origin related to the past — the previous nationality or geographical
region of the individual or his ancestors — while nationality
related to the present status” 12. The delegate of France explained the specific
meaning attributed to the word “nationality” in French legal terminology;
that it was strictly understood to “cover all that concerned the
rules governing the acquisition or loss of nationality and the rights derived
therefrom” 13. In the Third Committee of the United Nations General
Assembly, the delegate of France, along with the United States of
America, suggested an amendment which excluded the word nationality
from the purview of the term “national origin”. If that joint amendment
had been adopted, Article 1, paragraph 2, would have read as follows:
“[i]n this Convention the expression ‘national origin’ does not mean,
‘nationality’ or ‘citizenship’, and the Convention shall therefore not
12 United Nations, Official Records of the General Assembly, Twentieth Session, Third
Committee, Summary Record of the 1304th session (14 October 1965), doc. A/C.3/SR.1304,
p. 85, para. 23.
13 Ibid., Summary Record of the 1299th session (11 October 1965), doc. A/C.3/SR.1299,
p. 60, para. 37.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 139
72
comme le prévoit l’article 32, de faire « appel à des moyens complémentaires
d’interprétation, et notamment aux travaux préparatoires et aux
circonstances dans lesquelles le traité a été conclu ». Se référant à un
amendement qui avait été proposé par la France et les Etats-Unis d’Amérique
lors des travaux préparatoires puis retiré, la Cour, au paragraphe 96
de l’arrêt, explique que la proposition visait à
« parvenir à une formule de compromis qui permettrait de finaliser le
texte de la convention, par l’ajout des paragraphes 2 et 3 à l’article
premier… Ainsi que la Cour l’a relevé [ces deux paragraphes] disposent
que la convention ne s’appliquera pas à la différenciation
entre ressortissants et non‑ressortissants et qu’elle n’affectera pas la
législation des Etats en matière de nationalité, répondant ainsi pleinement
aux préoccupations exprimées par certaines délégations, y
compris les Etats‑Unis d’Amérique et la France, quant à la portée de
l’expression « origine nationale » ».
17. Les travaux préparatoires confirment clairement que l’expression
« origine nationale » devrait avoir une application plus large que celle que
lui attribue la majorité au paragraphe 96. L’arrêt omet de préciser que la
formule de compromis proposée par neuf Etats à laquelle il est fait référence
faisait suite au rejet délibéré de certains amendements visant à
exclure la nationalité de l’« origine nationale ». Le débat qu’a suscité cette
expression à la Troisième Commission de l’Assemblée générale montre
que les rédacteurs de la CIEDR étaient plutôt opposés à l’approche
consistant à exclure du champ d’application du paragraphe 1 de l’article
premier les différences de traitement fondées sur la nationalité. La représentante
des Etats-Unis d’Amérique a déclaré par exemple que l’« origine
nationale se distingue de la nationalité en ce sens qu’elle est un héritage
du passé : elle indique la nationalité antérieure de l’individu ou de ses
ancêtres, ou la région géographique dont ils venaient, alors que la nationalité
a trait à la situation actuelle » 12. Le représentant de la France a
précisé la signification particulière de la « nationalité » dans la terminologie
juridique française, expliquant que ce terme s’entend strictement
comme « tout ce qui se rapporte aux règles d’acquisition ou de perte de
nationalité et aux droits qui en découlent » 13. Conjointement avec la délégation
américaine, il a proposé un amendement visant à exclure la « nationalité
» de la portée de l’expression « origine nationale ». Si cet amendement
avait été adopté, le paragraphe 2 de l’article premier de la CIEDR se lirait
comme suit :
« [d]ans la présente Convention, l’expression « origine nationale »
ne désigne ni la « nationalité » ni la « citoyenneté » ; la Convention
12 Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, vingtième session,
Troisième Commission, compte rendu analytique de la 1304e séance (14 octobre 1965),
doc. A/C.3/SR.1304, p. 91, par. 23.
13 Ibid., compte rendu analytique de la 1299e séance (11 octobre 1965), doc. A/C.3/
SR.1299, p. 62, par. 37.
140 application of the cerd (diss. op. bhandari)
73
be applicable to distinctions, exclusions, restrictions, or preferences
based on differences of nationality of citizenship” 14.
The amendments proposed were all withdrawn subsequently in favour of
a compromise which formed the final text of paragraphs 1, 2, and 3 of
Article 1 of CERD.
18. Certain arguments during the debates of the Commission on
Human Rights highlights the compromise that the meaning of “national
origin” represents. The delegate of Lebanon argued that “[t]he convention
should apply to nationals, non-nationals,
and all ethnic groups, but
it should not bind States parties to afford the same political rights to non-nationals
as they normally granted to nationals” 15. The delegate of India
proposed the deletion of the words “the right of everyone” in Article V,
instead of altering the definition of “national origin”. This was for the
purpose of leaving it for the States to decide for themselves whether the
same guarantees were to be afforded to aliens and nationals 16.
19. The drafter’s rejection of the approach that excluded nationalitybased
discrimination in Article 1, paragraph 1, indicates that CERD’s
inclusion of “national origin” protects against discrimination on the basis
of current nationality. The rejection of the amendment proposed by
France and the United States of America, which narrowed the definition
of racial discrimination in Article 1, paragraph 1, indicates that the drafters
adopted an approach whereby citizens and non‑citizens were to be
guaranteed the same rights, notwithstanding certain exceptions outlined
in Article 1, paragraph 2, and Article 1, paragraph 3. It is particularly
telling that this compromise was accepted by France and the United States
of America as “entirely acceptable”. Such acceptance coupled with a
reading of the travaux préparatoires as a whole makes it clear that the
compromise does not indicate that nationality was to be left out of the
scope of “national origin”; in fact, it only seems to allow States to reserve
certain rights to their citizens.
20. In light of the foregoing, in my view, the ordinary meaning of the
term “national origin” encompasses one’s nationality, including current
nationality. The ordinary meaning in its context in light of CERD’s object
14 Op. cit. note 12 supra, Annexes, Report of the Third Committee — Draft International
Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination, doc. A/6181,
18 December 1965, p. 12, para. 32.
15 United Nations, Official Records of the Economic and Social Council, Commission on
Human Rights, Twentieth Session, Summary Record of the 809th Session (13 March 1964),
doc. E/CN.4/SR.809, 14 May 1964, p. 5.
16 United Nations, Official Records of the General Assembly, Twentieth Session, Third
Committee, Summary Record of the 1299th Session (11 October 1965), doc. A/C.3/SR.1299,
p. 59, para. 30.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 140
73
ne s’applique donc pas aux distinctions, exclusions, restrictions ou
préférences fondées sur des différences de nationalité ou de citoyenneté
» 14.
Par la suite, les amendements proposés furent tous retirés au profit d’une
formule de compromis qui devint le texte final des paragraphes 1, 2, et 3
de l’article premier.
18. Certains arguments avancés au cours des débats de la Commission
des droits de l’homme montrent que le sens de l’« origine nationale » est
bien le fruit d’un compromis. La représentante du Liban avait fait valoir
que « [l]a convention devrait s’appliquer aux ressortissants, aux non‑ressortissants
et à tous les groupes ethniques, mais … ne devrait pas obliger
les Etats parties à accorder aux non-ressortissants
des droits politiques
identiques à ceux qu’ils accordent normalement à leurs ressortissants » 15.
Le représentant de l’Inde avait proposé de supprimer les termes « le droit
de chacun » à l’article V plutôt que de modifier la définition de l’« origine
nationale », afin de laisser les Etats libres de décider eux-mêmes s’il
convient d’accorder les mêmes garanties aux étrangers et aux ressortissants
16.
19. Si les rédacteurs ont rejeté l’approche visant à exclure du paragraphe
1 de l’article premier la discrimination fondée sur la nationalité,
cela signifie qu’en incluant l’« origine nationale » dans la CIEDR ils entendaient
offrir une protection contre la discrimination fondée sur la nationalité
actuelle. Le rejet de l’amendement proposé par la France et les
Etats-Unis d’Amérique, qui restreignait la définition de la discrimination
raciale donnée au paragraphe 1 de l’article premier, révèle que l’intention
des rédacteurs était de garantir les mêmes droits aux citoyens et aux non-citoyens,
nonobstant certaines exceptions prévues aux paragraphes 2 et 3.
Il est particulièrement révélateur que ce compromis ait emporté l’adhésion
de la France et des Etats-Unis d’Amérique comme étant « entièrement
acceptable ». Cette acceptation, conjuguée aux travaux préparatoires
pris dans leur ensemble, montre clairement que le compromis ne traduit
pas une volonté de soustraire la nationalité à la portée de l’« origine nationale
» ; en réalité, il semble viser seulement à permettre aux Etats de réserver
certains droits à leurs ressortissants.
20. Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que le sens ordinaire
de l’expression « origine nationale » englobe la nationalité, en ce compris
la nationalité actuelle. Le sens ordinaire de cette expression dans son
14 Op. cit. supra note 12, annexes, rapport de la Troisième Commission, projet de
convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
doc. A/6181, 18 décembre 1965, p. 12, par. 32.
15 Nations Unies, Conseil économique et social, Commission des droits de l’homme,
vingtième session, compte rendu analytique de la 809e séance (13 mars 1964), doc. E/CN.4/
SR.809, 14 mai 1964, p. 5.
16 Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, vingtième session,
Troisième Commission, compte rendu analytique de la 1299e séance (11 octobre 1965),
doc. A/C.3/SR.1299, p. 62, par. 30.
141 application of the cerd (diss. op. bhandari)
74
and purpose to eliminate “all forms” of racial discrimination converges to
confirm that the term “national origin” encompasses current nationality.
An interpretation that categorically excludes current nationality would
undermine this object and purpose. Considering the fundamental ambiguity
resulting from the approach adopted by the majority to determine
the ordinary meaning, the travaux préparatoires reinforces the conclusion
that CERD’s definition of racial discrimination should have a wide application.
The travaux préparatoires thus confirms the ordinary meaning of
“national origin” as encompassing current nationality.
E. The CERD Committee and Its
General Recommendation XXX, Paragraph 4
21. In relation to the CERD Committee and its General Recommendation
XXX, paragraph 4, the majority cites the Court’s observation in
Ahmadou Sadio Diallo (Republic of Guinea v. Democratic Republic of the
Congo), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 2010 (II), p. 664, para. 66
(hereinafter “Diallo”) that it is “in no way obliged, in the exercise of its
judicial functions, to model its own interpretation of the Covenant on
that of the Committee” and does not take into account the observation
that it “should ascribe great weight” to interpretations by the independent
body established for the purpose of supervising the application of
the treaty concerned. The Judgment provides no compelling reason as to
why it has chosen to depart from the reasoning in Diallo in this dispute,
despite the fact that the CERD Committee remains “the guardian of the
Convention” — an assertion that both Parties appear to agree on. The
functions carried out by the CERD Committee and the manner in which
they are carried, as well as the composition of the Committee and its
members offer insights as to why the majority should have taken account
of General Recommendation XXX, paragraph 4.
22. The CERD Committee’s primary function is to analyse and comment
on reports submitted to it by States parties pursuant to Article 9,
paragraph 1, of CERD. In reporting under Article 9, paragraph 1, of
CERD, each State party undertakes to submit a report on the legislative,
judicial, administrative or other measures which it has adopted in relation
to its obligations under CERD. Each dialogue with a State party is followed
by a set of concluding observations by the Committee which may
contain statements of concern and recommendations for further action.
This framework allows the CERD Committee to establish certain rules in
dialogue, which include the establishment of the CERD’s rules of procedure,
and the translation of general principles and rights enshrined in the
Convention into rules applicable to problems faced in implementation.
Under Article 14 of CERD, once a State declares that it recognizes the
competence of the CERD Committee, it may receive and consider communications
from individuals or groups of individuals within the jurisdic-
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 141
74
contexte, à la lumière de l’objet et du but de la CIEDR qui sont d’éliminer
« toutes les formes » de discrimination raciale, milite en faveur de l’inclusion
de la nationalité actuelle dans l’« origine nationale ». Une interprétation
l’excluant catégoriquement irait à l’encontre de cet objet et de ce but.
Sachant que l’approche suivie par la majorité pour déterminer le sens
ordinaire de l’expression génère une ambiguïté fondamentale, les travaux
préparatoires corroborent l’idée qu’il convient de donner une large application
à la définition de la discrimination raciale contenue dans la CIEDR.
Ces travaux préparatoires viennent donc confirmer que le sens ordinaire
de l’expression « origine nationale » englobe la nationalité actuelle.
E. Le comité de la CIEDR et le paragraphe 4
de sa recommandation générale XXX
21. Au sujet du paragraphe 4 de la recommandation générale XXX du
Comité de la CIEDR, la majorité rappelle l’observation faite en l’affaire
Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du
Congo) (ci-
après l’affaire « Diallo »), à savoir que la Cour n’est « aucunement
tenue, dans l’exercice de ses fonctions judiciaires, de conformer sa propre interprétation
du Pacte à celle du Comité » (fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (II),
p. 664, par. 66), mais omet de tenir compte d’une autre observation de la
Cour quant à la nécessité d’« accorder une grande considération » à l’interprétation
que donne l’organe indépendant chargé de superviser la mise en
oeuvre du traité concerné. La Cour ne donne dans le présent arrêt aucune
raison impérieuse justifiant qu’elle ait choisi en l’espèce de s’écarter du raisonnement
suivi en l’affaire Diallo, alors qu’elle rappelle que le Comité de la
CIEDR demeure le « gardien de la convention » — comme semblent en
convenir les deux Parties. Les fonctions dévolues au Comité et la manière
dont elles sont exercées, ainsi que la composition de cet organe, sont autant
d’éléments qui expliquent pourquoi la majorité aurait dû tenir compte du
paragraphe 4 de la recommandation générale XXX.
22. La fonction première du Comité de la CIEDR est d’examiner et de
commenter les rapports soumis par les Etats parties en application du
paragraphe 1 de l’article 9 de la convention. Conformément à cette disposition,
chaque Etat partie s’engage à rendre compte des mesures d’ordre
législatif, judiciaire, administratif ou autre qu’il prend pour s’acquitter de
ses obligations au titre de la convention. Après chaque dialogue avec un
Etat partie, le Comité publie un ensemble d’observations finales dans
lequel il exprime ses préoccupations et ses recommandations sur la suite à
donner. Il dispose ainsi d’un cadre pour dialoguer avec les Etats parties,
constitué notamment par l’ensemble de règles énoncées dans le règlement
intérieur, et pour transposer les principes généraux et les droits consacrés
dans la convention en règles applicables aux problèmes rencontrés dans la
mise en oeuvre de celle-
ci. En vertu de l’article 14 de la CIEDR, tout Etat
qui déclare reconnaître la compétence du Comité autorise ce dernier à
recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou de
142 application of the cerd (diss. op. bhandari)
75
tion of that State claiming to be victims of a violation by that State of
rights set forth in the Convention. The State is thereby obliged to revise
its law or practice in light of the Committee’s findings. Through this
framework of consistent dialogue with States, the CERD Committee is
engaged in the development of consistent interpretations of CERD.
Moreover, in the performance of its tasks, the CERD Committee has
sought to act judicially since its very first meeting in 1970 17. Furthermore,
as per Article 8, paragraph 1, of CERD, the CERD Committee comprises
of 18 experts, who are individuals of “high moral standing and acknowledged
impartiality” and “who shall serve in their personal capacity”.
These individuals fall into the category of the “most highly qualified publicists”
in this field. General Recommendation XXX, paragraph 4, of the
CERD Committee therefore offers a consistent interpretation of CERD
by the most highly qualified publicists because of which it should have
been ascribed great weight in the Court’s Judgment.
23. The Judgment further insufficiently addresses the jurisprudence of
the Court which indicates the Court’s willingness to take into account the
work of United Nations supervisory bodies of human rights treaties in its
judgments in the past. While reference to external precedents is not a
common feature of the Court’s case law, there is evidence of a change 18.
The clearest endorsement of such a supervisory body in the jurisprudence
of the Court is contained in its 2010 merits Judgment in Diallo, p. 692,
para. 165, subparas. 2 and 3. In Diallo, while finding that the Democratic
Republic of the Congo had violated provisions of the International
Covenant on Civil and Political Rights, 1966 (hereinafter the “ICCPR”)
and the African Charter on Human and Peoples’ Rights, 1981 (hereinafter
the “ACHPR”), the Court specifically pointed out that its interpretation
of the provisions of the ICCPR and the ACHPR was “fully
corroborated by the jurisprudence of the Human Rights Committee
established by the [ICCPR] to ensure compliance with that instrument by
the States parties” 19. Subsequently, in the same Judgment, the Court
noted that,
“[a]lthough the Court is in no way obliged, in the exercise of its judicial
functions, to model its own interpretation of the Covenant on
that of the Committee, it believes that it should ascribe great weight
17 M. Banton, “Decision-taking
in the Committee on the Elimination of Racial
Discrimination”, The Future of UN Human Rights Treaty Monitoring, P. Alston, J. Crawford
(eds.), Cambridge University Press, 2000, pp. 55‑57.
18 Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of
Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), Judgment, I.C.J. Reports
2007 (I), p. 43; Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied
Palestinian
Territory, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 2004 (I), p. 179, para. 109; Armed
Activities on the Territory of the Congo (Democratic Republic of the Congo v. Uganda),
Judgment, I.C.J. Reports 2005, p. 244, para. 219; Ahmadou Sadio Diallo (Republic of
Guinea v. Democratic Republic of the Congo), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 2010 (II),
p. 663, para. 66.
19 Ahmadou Sadio Diallo (Republic of Guinea v. Democratic Republic of the Congo),
Merits, Judgment, I.C.J. Reports 2010 (II), p. 663, para. 66.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 142
75
groupes de particuliers relevant de la juridiction dudit Etat qui s’estiment
victimes de violation, par cet Etat, des droits protégés par la convention.
L’Etat concerné sera alors tenu de revoir sa législation ou sa pratique à la
lumière des conclusions du Comité. A travers ce dialogue régulier avec les
Etats, le Comité de la CIEDR contribue au développement d’interprétations
homogènes de la convention. En outre, depuis sa toute première
session en 1970, il a cherché à agir judiciairement dans l’exercice de ses
fonctions 17. De plus, conformément au paragraphe 1 de l’article 8 de la
CIEDR, il se compose de 18 experts « connus pour leur haute moralité et
leur impartialité » qui « siègent à titre individuel ». Ces experts entrent
dans la catégorie des « publicistes les plus qualifiés » dans leur domaine.
Par conséquent, le paragraphe 4 de la recommandation générale XXX
reflète une interprétation cohérente de la convention donnée par les publicistes
les plus qualifiés, et la Cour aurait dû, pour cette raison, lui accorder
une grande considération dans son arrêt.
23. L’arrêt ne s’intéresse pas non plus suffisamment à la jurisprudence
de la Cour, qui témoigne pourtant de la volonté de cette dernière d’être
attentive aux travaux des organes de suivi des traités relatifs aux droits de
l’homme de l’Organisation des Nations Unies, ainsi que le montrent des
décisions passées. Bien que la Cour n’ait guère coutume de se référer à des
précédents autres que les siens, un changement à cet égard est manifeste 18.
C’est dans son arrêt de 2010 sur le fond en l’affaire Diallo qu’elle exprime
le plus clairement son adhésion aux travaux d’un tel organe de suivi.
Dans cette instance, où elle a conclu que la République démocratique du
Congo avait violé des dispositions du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques de 1966 (ci-
après le « Pacte ») et de la Charte africaine
des droits de l’homme et des peuples de 1981 (voir fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 692, par. 165, points 2) et 3) du dispositif), la
Cour a précisé que son interprétation de ces deux textes était « pleinement
corroborée par la jurisprudence du Comité des droits de l’homme institué
par le Pacte en vue de veiller au respect de cet instrument par les Etats
parties » 19. Et d’ajouter :
« Bien que la Cour ne soit aucunement tenue, dans l’exercice de ses
fonctions judiciaires, de conformer sa propre interprétation du Pacte
à celle du Comité, elle estime devoir accorder une grande considéra-
17 M. Banton, « Decision-taking
in the Committee on the Elimination of Racial Discrimination
», The Future of UN Human Rights Treaty Monitoring, P. Alston, J. Crawford
(dir. publ.), Cambridge University Press, 2000, p. 55‑57.
18 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 43 ;
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 179, par. 109 ; Activités armées sur le territoire du
Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 244,
par. 219 ; Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du
Congo), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 663, par. 66.
19 Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 663, par. 66.
143 application of the cerd (diss. op. bhandari)
76
to the interpretation adopted by this independent body that was
established specifically to supervise the application of that treaty” 20.
24. I am therefore obliged to conclude that, since the Court ascribed
great weight to the interpretations of the ICCPR by the Human Rights
Committee, the body of independent experts that monitors the implementation
of the ICCPR by its States parties; there is no compelling reason
for the Court not to have attached “great weight” to General Recommendation
XXX, paragraph 4, of the CERD Committee, the independent
body of experts established specifically to supervise the application of
CERD. The necessity to consider General Recommendation XXX, paragraph
4, of the CERD Committee is reinforced by the observation in
Diallo that “[t]he point here is to achieve the necessary clarity and the
essential consistency of international law, as well as legal security, to
which both the individuals with guaranteed rights and the States obliged
to comply with treaty obligations are entitled” 21.
25. Furthermore, in Legal Consequences of the Construction of a Wall
in the Occupied Palestinian Territory, Advisory Opinion, I.C.J. Reports
2004 (I), pp. 179‑180, paras. 109‑112 — (hereinafter “Construction of a
Wall”) — while quoting from Human Rights Committee General Comment
27, paragraph 14, the Court stated that, the restrictions to the freedom
of movement in Article 12, paragraph 3, of the ICCPR, “[a]s the
Human Rights Committee put it”, “must conform to the principle of proportionality”
and “must be the least intrusive instrument amongst those
which might achieve the desired result” 22. The Court thereby acknowledged
that the derogatory measure in question had to be proportionate to
the achievement of a legitimate aim. The principle of proportionality is
found in all global and regional human rights instruments 23. It is also
enshrined in the national constitutions of numerous States. It is generally
couched in terms of requiring a justification from States for derogation
from a fundamental human right or freedom. Such derogation ought to
serve a legitimate aim and should be proportional to the achievement of
that aim. General Recommendation XXX, paragraph 4, reflects this
widely accepted principle. Considering its widespread acceptance, including
in the Court’s own jurisprudence in Construction of a Wall, there
appears to be no reason to disregard its application in the present case.
20 See note 19 supra.
21 Ibid.
22 Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory,
Advisory Opinion, I.C.J. Reports 2004 (I), p. 193, para. 136.
23 European Convention on Human Rights, Arts. 8 (2) and 15; ICCPR, Arts. 12,
19 (2) (b), 21 and 22; International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights,
Article 8 (1) (a) and (c); Inter-American
Convention on Human Rights, Arts. 13 (2) (b),
15, 16, 22; African Charter on Human and Peoples’ Rights, Arts. 11, 12 (2) and 29.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 143
76
tion à l’interprétation adoptée par cet organe indépendant, spécialement
établi en vue de superviser l’application de ce traité. » 20
24. Force m’est donc de conclure que, si la Cour a accordé une grande
considération aux interprétations du Pacte par le Comité des droits de
l’homme, qui est l’organe formé d’experts indépendants chargé de veiller
au respect de cet instrument par les Etats parties, aucune raison impérieuse
ne justifie qu’elle n’ait pas accordé de même « une grande considération
» au paragraphe 4 de la recommandation générale XXX du Comité
de la CIEDR, qui est l’organe indépendant établi spécialement pour
superviser la mise en oeuvre de la convention. La nécessité de faire cas du
paragraphe 4 de la recommandation générale XXX est confirmée également
par une autre observation de la Cour en l’affaire Diallo, à savoir
qu’« [i]l en va de la nécessaire clarté et de l’indispensable cohérence du
droit international ; il en va aussi de la sécurité juridique, qui est un droit
pour les personnes privées bénéficiaires des droits garantis comme pour
les Etats tenus au respect des obligations conventionnelles » 21.
25. En outre, dans l’avis consultatif sur les Conséquences juridiques de
l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 179‑180, par. 109‑112, ci-
après l’« Avis consultatif sur
le mur »), la Cour, citant le paragraphe 14 de l’observation générale no 27
du Comité des droits de l’homme, a déclaré que les restrictions à la liberté
de circulation envisagées au paragraphe 2 de l’article 12 du Pacte devaient,
« [p]our reprendre la formulation retenue par le Comité », « être conformes
au principe de la proportionnalité » et « constituer le moyen le moins perturbateur
parmi ceux qui pourraient permettre d’obtenir le résultat recherché
» 22. La Cour reconnaissait ainsi que la mesure dérogatoire en cause
devait être proportionnelle à l’objectif légitime poursuivi. Le principe de
proportionnalité se retrouve dans tous les instruments régionaux et universels
de protection des droits de l’homme 23. Il est également consacré dans
la constitution de nombreux Etats. En général, il se traduit par une obligation
pour les Etats de justifier toute dérogation à un droit fondamental ou
à une liberté fondamentale de la personne humaine. Pareille dérogation
doit servir un objectif légitime et être proportionnée à la réalisation dudit
objectif. Le paragraphe 4 de la recommandation générale XXX reflète ce
principe largement accepté. Dès lors que ce principe est amplement
reconnu, y compris par la Cour dans sa propre jurisprudence, dans l’Avis
consultatif sur le mur, il ne semble y avoir aucune raison de ne pas l’appliquer
en l’espèce.
20 Voir supra note 19.
21 Ibid.
22 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé,
avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 193, par. 136.
23 Convention européenne des droits de l’homme, art. 8 (par. 2) et 15 ; Pacte
international
relatif aux droits civils et politiques, art. 12, 19 (par. 2 b)), 21 et 22 ; Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, art. 8 (par. 1 a) et c)) ;
Convention américaine relative aux droits de l’homme, art. 13 (par. 2 b)), 15, 16 et 22 ;
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, art. 11, 12 (par. 2) et 29.
144 application of the cerd (diss. op. bhandari)
77
26. I will proceed to make some observations on the relevance of General
Recommendation XXX, paragraph 4, to the claims made by Qatar
and the Court’s jurisdiction ratione materiae under Article 22 of CERD.
27. The CERD Committee adopted General Recommendation XXX
on 1 October 2002. General Recommendation XXX, paragraph 4, provides
that differential treatment will “constitute discrimination if the criteria
for such differentiation, judged in the light of the objectives and
purposes of the Convention, are not applied pursuant to a legitimate aim,
and are not proportional to the achievement of this aim”. Therefore, even
if nationality-based discrimination were to be interpreted as falling within
the meaning of “national origin”, the beneficial treatment of some categories
of non‑nationals by a State would not necessarily violate Article 1,
paragraph 1, of CERD, provided these beneficial rights were granted to
some nationalities pursuant to the legitimate aim of regional integration
or friendly relations and were proportionate to the achievement of that
aim. Such differential treatment would be unlikely to fall afoul of the
restriction against nationality-based discrimination. To interpret “national
origin” so that it entirely excludes nationality-based discrimination would,
on the other hand, lead to incongruent results.
28. The UAE announced a series of measures with specific application
to Qataris on the basis of their nationality and with the specific purpose
of using such measures to “induc[e] Qatar to comply with its obligations
under international law”. Accordingly, if nationality is determined to be
a prohibited basis of discrimination under Article 1, paragraph 1, of
CERD, distinctions on this basis are capable of falling within the provisions
of CERD, when they do not fulfil “a legitimate aim, and are not
proportional to the achievement of this aim”. The stated purpose of using
such measures to induce compliance with unrelated treaty obligations
appears neither legitimate nor proportionate, given the fundamental
human rights claimed to have been affected. The alleged acts by the UAE
thus disproportionately affect Qatari nationals and satisfy the conditions
for exercise of the Court’s jurisdiction ratione materiae under Article 22
of CERD.
29. In light of the foregoing, in my considered opinion, CERD encompasses
discrimination against a particular group of non‑nationals on the
basis of their current nationality, within the prohibition on discrimination
based on “national origin” in Article 1, paragraph 1. As such, the measures
adopted by the UAE which disproportionately affected individuals
of Qatari nationality by explicitly discriminating against “Qatari nationals”
and “Qatari residents and visitors” — in particular through the
“expulsion order” and the “travel bans”, which form the first claim of
Qatar, are capable of falling within the scope of CERD. Furthermore, the
majority fails to identify that the 5 June 2017 statement affects “all Qatari
residents and visitors”. Leaving aside “visitors”, “residents” is broad
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 144
77
26. Je ferai à présent quelques observations sur la pertinence du paragraphe
4 de la recommandation générale XXX au regard des demandes
du Qatar et de la compétence ratione materiae de la Cour au titre de l’article
22 de la CIEDR.
27. Le Comité de la CIEDR a adopté la recommandation générale
XXX le 1er octobre 2002. Il y indique, au paragraphe 4, qu’un traitement
différent « constitue une discrimination si les critères de
différenciation, jugés à la lumière des objectifs et des buts de la Convention,
ne visent pas un but légitime et ne sont pas proportionnés à l’atteinte
de ce but ». Par conséquent, même si l’on assimile la discrimination fondée
sur la nationalité à celle qui est motivée par l’« origine nationale », le
traitement préférentiel réservé par un Etat à certaines catégories de non-ressortissants
n’est pas nécessairement contraire au paragraphe 1 de l’article
premier de la CIEDR, dès lors que ces droits préférentiels sont
accordés à certaines nationalités dans la poursuite d’un but légitime d’intégration
régionale ou de relations amicales intrarégionales et sont proportionnés
à la réalisation de ce but. Il est peu probable qu’une telle
différence de traitement soit incompatible avec l’interdiction de la discrimination
fondée sur la nationalité. Interpréter l’expression « origine
nationale » comme excluant entièrement la discrimination fondée sur la
nationalité conduirait, à l’inverse, à un résultat absurde.
28. Les Emirats arabes unis ont annoncé qu’ils prenaient une série de
mesures s’appliquant spécifiquement aux Qatariens sur la base de leur
nationalité, dans le but précis de « convaincre le Qatar de se conformer à
ses obligations de droit international ». Il s’ensuit que, si l’on considère la
nationalité comme un motif de discrimination interdit par le paragraphe 1
de l’article premier de la CIEDR, les distinctions opérées sur ce fondement
peuvent entrer dans les prévisions de la convention dès lors qu’elles ne
visent pas « un but légitime et ne sont pas proportionné[e]s à l’atteinte de
ce but ». L’objectif déclaré des mesures en question, qui était de rappeler le
Qatar à des obligations conventionnelles sans rapport avec la CIEDR, ne
semble pas légitime ni proportionné au regard des droits fondamentaux de
la personne humaine qui s’en sont trouvés bafoués selon le Qatar. Les
actes reprochés aux Emirats arabes unis ont donc une incidence disproportionnée
sur les nationaux qatariens et justifient que la Cour exerce sa compétence
ratione materiae au titre de l’article 22 de la CIEDR.
29. Au vu de ce qui précède, je suis d’avis, après mûre réflexion, que la
CIEDR s’applique aussi à toute discrimination qui viserait une catégorie
donnée de non-ressortissants
en raison de leur nationalité actuelle, en tant
que forme de discrimination fondée sur l’« origine nationale » interdite par
le paragraphe 1 de l’article premier. Dès lors, les mesures des Emirats
arabes unis qui frappent de manière disproportionnée les personnes de
nationalité qatarienne en étant explicitement discriminatoires à l’égard des
« nationaux qatariens » et des « résidents et visiteurs qatariens », en particulier
la « décision d’expulsion » et les « interdictions d’entrée » qui constituent
le premier grief du Qatar, sont susceptibles d’entrer dans les prévisions de
la convention. De plus, la majorité omet de relever que la déclaration du
145 application of the cerd (diss. op. bhandari)
78
enough to include not only Qatari nationals but also people of Qatari
national origin. If the measures were to only affect Qatari nationals, the
measures would have mentioned so explicitly. However, such terminology
is not to be found. Thus, even from this perspective the measures are
capable of falling within the protective scope of CERD.
30. Article 1, paragraph 1, of CERD defines “racial discrimination” as
distinctions with either the “purpose or effect” of impairing the enjoyment
of human rights. It is noted that the majority of Qatari nationals are
defined by their Qatari heritage, ancestry or descent. The Qataris, in the
sense of constituting a historical-cultural
community undoubtedly fall
within the scope of “national origin” as contained in Article 1, paragraph
1, of CERD. The ordinary meaning, in its context and in light of
the object and purpose of CERD, and the travaux préparatoires of CERD
also support this finding. As such, the discriminatory effect of the measures
which forms the third claim of indirect discrimination, are capable
of falling within the provisions of CERD. This is particularly so in relation
to the adverse media coverage and the anti‑Qatari propaganda that
Qatar alleges. The effect of such broadcasts against Qatari nationals
impair the enjoyment of rights by individuals of Qatari national origin.
The attempt to limit these measures to nationality alone is untenable.
31. While a full assessment of these claims would appear more appropriate
at the merits stage of the proceedings, at the jurisdictional stage,
there is a sufficient basis to reject the first preliminary objection of the
UAE.
Conclusion
32. In my view, Qatar’s submission that the term “national origin”
encompasses differential treatment on the basis of current nationality is
correct and, as a consequence, the dispute concerns the interpretation or
application of CERD; the UAE’s case, which is grounded on its objections
to the jurisdiction ratione materiae of the Court, on the basis that
the contested measures do not fall within the scope of application of
CERD, should therefore fail. Consequently, the Court has jurisdiction to
entertain the Application filed by Qatar, on 11 June 2018, pursuant to the
compromissory clause contained in Article 22 of CERD. The majority
ought to have rejected the first preliminary objection of the UAE.
(Signed) Dalveer Bhandari.
application de la ciedr (op. diss. bhandari) 145
78
5 juin 2017 vise les Qatariens se trouvant aux Emirats arabes unis « en qualité
de résident ou de visiteur ». Abstraction faite du terme « visiteur », celui
de « résident » est suffisamment large pour inclure non seulement les nationaux
qatariens mais également les personnes d’origine nationale qatarienne.
Si les mesures ne devaient viser que les nationaux qatariens, elles le diraient
explicitement. Or, on ne trouve rien de tel dans leur libellé. Ainsi, même de
ce point de vue, les mesures sont susceptibles de relever du champ d’application
de la protection prévue par la CIEDR.
30. Le paragraphe 1 de l’article premier de la CIEDR définit la « discrimination
raciale » comme toute distinction ayant « pour but ou pour
effet » de compromettre la jouissance des droits de l’homme. Il a été expliqué
que la majorité des nationaux qatariens étaient définis par leur héritage
qatarien — leurs ancêtres ou ascendants qatariens. Les Qatariens, au
sens de communauté historico‑culturelle, partagent sans aucun doute
l’« origine nationale » prévue au paragraphe 1 de l’article premier. Le sens
ordinaire de cette expression, lue dans son contexte et à la lumière de
l’objet et du but de la convention, ainsi que de ses travaux préparatoires,
confirme également cette conclusion. Ainsi, par leur effet discriminatoire,
les mesures qui motivent le troisième grief de discrimination indirecte du
Qatar sont susceptibles de relever de la CIEDR. Il en va ainsi en particulier
de la couverture médiatique contemptrice et de la propagande contre
les Qatariens que dénonce le Qatar. L’effet produit par ces discours hostiles
aux nationaux qatariens empêche les personnes d’« origine nationale
» qatarienne de jouir de leurs droits. Il est impossible de prétendre
que les mesures qui en sont la cause sont fondées sur la seule nationalité.
31. Les griefs du Qatar requièrent certes un examen approfondi au
stade du fond de la procédure, mais au stade de l’établissement de la compétence,
il existe un fondement suffisant pour rejeter la première exception
préliminaire des Emirats arabes unis.
Conclusion
32. A mon sens, le Qatar soutient à raison que l’expression « origine
nationale » s’applique également aux différences de traitement fondées sur
la nationalité actuelle, et le présent différend concerne donc l’interprétation
ou l’application de la CIEDR ; la thèse des Emirats arabes unis, qui
contestent la compétence ratione materiae de la Cour au motif que les
mesures en cause n’entrent pas dans le champ d’application de la convention,
ne saurait donc prospérer. Il s’ensuit que la Cour est compétente pour
connaître de la requête dont le Qatar l’a saisie le 11 juin 2018 en vertu de la
clause compromissoire contenue à l’article 22 de la CIEDR. La majorité
aurait dû rejeter la première exception préliminaire des Emirats arabes unis.
(Signé) Dalveer Bhandari.

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. le juge Bhandari

Links