Volume IV (Annexes 25 à 26)

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174-20181227-WRI-01-03-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
15899
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
APPEL CONCERNANT LA COMPÉTENCE DU CONSEIL DE L’OACI EN VERTU
DE L’ARTICLE II, SECTION 2, DE L’ACCORD DE 1944 RELATIF
AU TRANSIT DES SERVICES AÉRIENS INTERNATIONAUX
(BAHREÏN, ÉGYPTE ET ÉMIRATS ARABES
UNIS c. QATAR)
MÉMOIRE DU ROYAUME DE BAHREÏN,
DE LA RÉPUBLIQUE ARABE D’ÉGYPTE
ET DES ÉMIRATS ARABES UNIS
VOLUME III
(Annexes 22 à 24)
VOLUME IV
(Annexes 25 à 26)
27 décembre 2018
[Traduction du Greffe]

TABLE DES MATIÈRES
Annexe Page
VOLUME III
Pièces de procédure devant l’OACI
22 Request for the Intervention of the ICAO Council in the Matter of the
Actions of the Arab Republic of Egypt, the Kingdom of Saudi Arabia, the
United Arab Emirates and the Kingdom of Bahrain to close their Airspace
to aircraft registered in the State of Qatar, attaching Application (1) of the
State of Qatar, Complaint Arising under the International Air Services Transit
Agreement done in Chicago on December 7, 1944, and Application (2) of the
State of Qatar, Disagreement Arising under the Convention on International
Civil Aviation done in Chicago on December 7, 1944 (8 juin 2017) [annexe
non traduite]
23 Requête B et mémoire de l’Etat du Qatar, «Désaccord à propos de
l’interprétation et de l’application de l’accord relatif au transit des services
aériens internationaux (Chicago, 1944)», 30 octobre 2017
1
24 Exceptions préliminaires de la République arabe d’Egypte, du Royaume de
Bahreïn et des Emirats arabes unis au sujet de la requête B de l’Etat du Qatar
relative au désaccord découlant de l’accord relatif au transit des services
aériens internationaux, signé à Chicago le 7 décembre 1944 (19 mars 2018)
9
VOLUME IV
25 Réponse de l’Etat du Qatar aux exceptions préliminaires des défendeurs au
sujet de la requête B de l’Etat du Qatar relative au désaccord à propos de
l’interprétation et de l’application de l’accord relatif au transit des services
aériens internationaux (Chicago, 1944)
44
26 Duplique de la République arabe d’Egypte, du Royaume de Bahreïn et des
Emirats arabes unis à la réponse de l’Etat du Qatar aux exceptions
préliminaires des défendeurs au sujet de la requête B de l’Etat du Qatar
relative au désaccord découlant de l’accord relatif au transit des services
aériens internationaux, signé à Chicago le 7 décembre 1944 (12 juin 2018)
108
ANNEXE 23
REQUÊTE B ET MÉMOIRE DE L’ETAT DU QATAR, «DÉSACCORD À PROPOS
DE L’INTERPRÉTATION ET DE L’APPLICATION DE L’ACCORD RELATIF
AU TRANSIT DES SERVICES AÉRIENS INTERNATIONAUX
(CHICAGO, 1944)», 30 OCTOBRE 2017
Présentée au nom de l’Etat du Qatar par son agent
Essa Abdulla Almalki,
autorité de l’aviation civile du Qatar,
représentant permanent auprès de l’OACI
[Traduction fournie par l’OACI et ajustée par le Greffe]
Requête B de l’Etat du Qatar
Par la présente, l’Etat du Qatar («le demandeur») introduit sa requête B en vertu de
l’article II, section 2, de l’accord relatif au transit des services aériens internationaux (Chicago,
1944) (l’«accord de transit»), de l’article 1 b) du Règlement pour la solution des différends
(doc. 7782/2) et du chapitre XVIII de la convention relative à l’aviation civile internationale
(Chicago, 1944).
Les défendeurs dans ce désaccord à propos de l’interprétation et de l’application de l’accord
de transit sont les Emirats arabes unis, la République arabe d’Egypte et le Royaume de Bahreïn.
Le 5 juin 2017, les Gouvernements des défendeurs ont annoncé, avec effet immédiat et sans
négociation ou avertissement préalable, qu’il était interdit aux aéronefs immatriculés au Qatar
d’atterrir aux aéroports situés sur leurs territoires ou d’en décoller et d’utiliser leur espace aérien
national respectif. Les mesures prises par les défendeurs constituent une agression économique
gratuite, sans précédent en temps de paix dans le monde civilisé. Il s’agit aussi d’un mépris éhonté
du droit international et des principes moraux.
De tels agissements injustifiés, jamais vus au cours des 70 années d’existence de
l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), représentent une lourde menace pour les
principes fondamentaux qui constituent le fondement de l’OACI. Ils bafouent la lettre et l’esprit de
l’accord de transit ainsi que d’autres principes du droit international général. Ils portent
cyniquement atteinte au caractère sacré des traités internationaux qui doivent être exécutés «de
bonne foi».
Les défendeurs violent plus particulièrement l’accord relatif au transit des services aériens
internationaux (Chicago, 1944) auquel eux-mêmes et le demandeur sont parties. Aux termes de cet
accord, chaque partie accorde à l’autre deux droits non commerciaux dans le cadre des services
aériens internationaux réguliers, à savoir :
 le droit de traverser son territoire sans atterrir ;
 le droit d’atterrir pour des raisons non commerciales.
Par leurs actes illicites, les défendeurs ont refusé aux aéronefs immatriculés au Qatar les
droits accordés expressément dans l’accord de transit et fermé leurs espaces aériens à ces aéronefs.
Les actes des défendeurs continuent d’avoir de graves incidences sur la sécurité, la sûreté, la
régularité et l’économie de l’aviation civile dans la région. Qatar Airways, la compagnie aérienne
nationale du demandeur, exploite quelque 800 vols par jour et transporte dans le monde entier des
milliers de passagers de nombreuses nationalités. Les plans de voyage et les réservations de
milliers de voyageurs de nationalités diverses ont été perturbés, des familles ont été contraintes de
se séparer et les réservations auprès de Qatar Airways et les billets émis par cette dernière n’ont pas
été honorés par les compagnies aériennes des défendeurs. Il a été interdit aux vols de Qatar
Airways d’emprunter des voies aériennes internationales établies, y compris celles au-dessus de la
haute mer. Le réacheminement des vols dans des corridors restreints accroît les temps de vol et la
consommation de carburant et entraîne d’importantes pertes économiques.
L’Etat du Qatar demande au Conseil de l’OACI :
 d’établir que, par les mesures prises à l’encontre de l’Etat du Qatar, les défendeurs ont
contrevenu à leurs obligations au titre de l’accord relatif au transit des services aériens
internationaux et d’autres règles de droit international ;
- 2 -
 de déplorer le non-respect par les défendeurs des principes fondamentaux de l’accord de
transit ;
 de prier instamment les défendeurs de lever, sans délai, toutes les restrictions imposées aux
aéronefs immatriculés au Qatar et de se conformer à leurs obligations au titre de l’accord de
transit ;
 de prier instamment les défendeurs de négocier de bonne foi en vue d’une coopération future
harmonieuse dans la région afin de préserver la sécurité, la sûreté, la régularité et l’économie
de l’aviation civile internationale.
J’ai l’honneur de soumettre à votre considération la présente requête.
L’agent de l’Etat du Qatar,
(Signé) Essa Abdulla Almalki
Le 30 octobre 2017.
- 3 -
MÉMOIRE
présenté par l’Etat du Qatar
joint à la requête B de l’Etat du Qatar
Désaccord à propos de l’interprétation et de l’application de l’accord relatif
au transit des services aériens internationaux (Chicago, 1944)
Demandeur : Etat du Qatar
Défendeurs : Emirats arabes unis
République arabe d’Egypte
Royaume de Bahreïn
- 4 -
a) Parties :
Demandeur : Etat du Qatar
Défendeurs : Emirats arabes unis
République arabe d’Egypte
Royaume de Bahreïn
b) Agent autorisé du demandeur :
M. Essa Abdulla Almalki
Adresse à Montréal :
Mission permanente de l’Etat du Qatar auprès de l’OACI
777, boulevard Robert-Bourassa
Tour EVO, bureau 2408
Montréal, ac, H3C 3Z7
Tél. portable : +1 514-667-0734
Courriel : [email protected]
c) Exposé des faits sur lesquels la requête est fondée
Le 5 juin 2017, les Gouvernements des trois défendeurs ont rompu les relations
diplomatiques avec l’Etat du Qatar et publié des NOTAM interdisant aux aéronefs immatriculés au
Qatar d’atterrir à leurs aéroports ou d’en décoller et les privant du droit de survoler leurs espaces
aériens. Le Royaume de Bahreïn a adressé une menace verbale indiquant que tout aéronef
immatriculé au Qatar qui survolerait la FIR Bahreïn ferait l’objet d’une interception militaire
immédiate.
Certaines restrictions s’appliquaient, selon les NOTAM des défendeurs, aux aéronefs
étrangers à destination ou au départ de l’Etat du Qatar via les FIR des défendeurs. Pour les aéronefs
étrangers (non immatriculés au Qatar), une approbation préalable des autorités de l’aviation civile
des défendeurs était exigée.
Ces restrictions rigoureuses ont été imposées sans avertissement préalable ni aucune
tentative de négociation avec le demandeur. Jamais, au cours des 70 années d’existence de
l’Organisation, de telles mesures impitoyables n’ont été prises à l’encontre d’un autre Etat membre
de l’OACI ; ces mesures mettent en péril les fondements mêmes de l’OACI et bafouent les attentes
légitimes de la communauté de ses Etats membres. Les aéronefs immatriculés au Qatar n’ont
jamais présenté de danger pour les défendeurs et il n’y a jamais eu de litige entre le demandeur et
les défendeurs relativement à des questions d’aviation internationale. L’aviation civile du Qatar a
été injustement ciblée et victimisée et a fait l’objet d’un traitement discriminatoire sans précédent
dans l’histoire de l’aviation.
- 5 -
Les restrictions imposées sans préavis par les défendeurs ont entraîné d’importantes
perturbations pour Qatar Airways  la compagnie aérienne nationale de l’Etat du Qatar  qui
exploite quelque 800 vols par jours et transporte des milliers de passagers de diverses nationalités
partout dans le monde. Des milliers de voyageurs bloqués ont vu leurs plans de voyage et leurs
réservations annulés, des familles ont été séparées et les compagnies aériennes des défendeurs ont
refusé d’accepter des réservations confirmées auprès de Qatar Airways et des billets émis par cette
dernière. Il y aura des incidences immédiates sur plus de 200 000 familles et expatriés égyptiens
résidant au Qatar ; de nombreux autres expatriés de quelque 130 nationalités résidant au Qatar
n’auront pas accès au réseau international de transport aérien.
Ne pouvant utiliser les espaces aériens dont elle est exclue, Qatar Airways doit emprunter
des voies aériennes limitées, ce qui se traduit par un danger de congestion. La sécurité, la sûreté, la
régularité et l’économie de l’aviation civile ont été gravement compromises.
d) Pièces à l’appui
L’appendice 1 au présent mémoire contient la liste des NOTAM pertinents publiés par les
défendeurs et qui ont mis en place les interdictions applicables aux aéronefs immatriculés au Qatar.
Le demandeur se réserve le droit de présenter des preuves documentaires supplémentaires à
l’appui de l’exposé des faits.
e) Exposé de droit
La requête B porte sur l’application et l’interprétation de l’accord relatif au transit des
services aériens internationaux, mais cet instrument est lui-même subordonné à des règles plus
générales de droit international. Toutes les règles de droit international sont établies par les Etats
afin de régir leurs relations mutuelles et les Etats sont dans l’obligation de se conformer de bonne
foi à ces règles.
1) La Charte des Nations Unies est la source suprême du droit international et les obligations en
vertu de celle-ci l’emportent sur toute autre obligation (article 103 de la Charte). Le Préambule
solennel de la Charte stipule ce qui suit : «créer les conditions nécessaires au maintien de la
justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international».
Il est généralement reconnu que le préambule d’un traité international est un élément clé pour
en interpréter la lettre et l’esprit.
Au nombre des buts des Nations Unies énoncés dans la Charte, le paragraphe 2 de l’article 2
indique ce qui suit : «2. Les Membres de l’Organisation, afin d’assurer à tous la jouissance des
droits et avantages résultant de leur qualité de Membre, doivent remplir de bonne foi les
obligations qu’ils ont assumées aux termes de la présente Charte.»
Les mesures prises par les défendeurs à l’encontre du demandeur sont contraires à la lettre et à
l’esprit de la Charte de Nations Unies.
2) La convention des Nations Unies sur le droit des traités (Vienne, 1969) confirme le caractère
sacré des traités internationaux («pacta sunt servanda»). Selon l’article 26 de la Convention :
«Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi.»
Selon l’article 27 de la convention de Vienne, «[u]ne partie ne peut invoquer les dispositions de
son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité».
- 6 -
Par conséquent, aucune législation, ordonnance administrative ou autre décision
gouvernementale de nature juridique adoptée par les défendeurs ne peut justifier légalement
leur violation des accords internationaux.
L’article 63 de la convention de Vienne stipule que la rupture des relations diplomatiques ne
frappe pas de nullité les obligations en vertu du traité.
3) L’accord relatif au transit des services aériens internationaux (Chicago, 1944) est le principal
point de désaccord entre le demandeur et les défendeurs. Il constitue la réalisation majeure de la
conférence de l’aviation civile internationale qui s’est tenue à Chicago du 1er novembre au
7 décembre 1944. Il a consacré une liberté de survol à des fins non commerciales dans le cadre
des services aériens internationaux réguliers en l’absence de droits commerciaux à cet égard
convenus par les Etats à la conférence.
Aujourd’hui, l’accord est en vigueur à l’égard de 130 Etats. A plusieurs reprises, l’Assemblée
de l’OACI a unanimement exhorté, dans des résolutions, tous les Etats membres de
l’Organisation à adhérer à cet accord qui créé un «droit de vol» fondamental dans le cadre des
services aériens internationaux réguliers.
Le demandeur et les défendeurs sont parties à cet accord.
Aux termes de cet accord, dans le cadre des services aériens internationaux réguliers, chaque
partie accorde à l’autre :
 le droit de traverser son territoire sans atterrir ;
 le droit d’atterrir pour des raisons non commerciales.
Conformément à l’article I, section 2 de l’accord, l’exercice de ces droits doit être conforme aux
dispositions de la convention relative à l’aviation civile internationale.
Par leurs actions qui durent depuis le 5 juin 2017, les défendeurs bafouent la lettre et l’esprit de
l’accord relatif au transit des services aériens internationaux. Ils refusent aux aéronefs
immatriculés au Qatar les droits prévus par l’accord de transit et les excluent de leurs espaces
aériens. Par leurs actions, les défendeurs continuent de mettre gravement en danger la sécurité,
la sûreté, la régularité et l’économie des aéronefs immatriculés au Qatar. Les routes aériennes
internationales établies sont bloquées, le réacheminement des vols accroît les temps de vol et la
consommation de carburant et met en danger l’ensemble des connexions aériennes.
Les défendeurs ne peuvent invoquer aucun fondement juridique pour refuser aux aéronefs
immatriculés au Qatar les droits reconnus par l’accord de transit. Ils manquent de manière
flagrante aux obligations qui leur incombent au titre de cet accord.
f) Remède sollicité par décision du Conseil
Le demandeur prie respectueusement le Conseil :
 d’établir que, par les mesures prises à l’encontre de l’Etat du Qatar, les défendeurs ont
contrevenu à leurs obligations au titre de l’accord relatif au transit des services aériens
internationaux et d’autres règles de droit international ;
 de déplorer le non-respect par les défendeurs des principes fondamentaux de l’accord relatif au
transit des services aériens internationaux ;
- 7 -
 de prier instamment les défendeurs de lever, sans délai, toutes les restrictions imposées aux
aéronefs immatriculés au Qatar et de se conformer à leurs obligations au titre de l’accord relatif
au transit des services aériens internationaux ;
 de prier instamment les défendeurs de négocier de bonne foi en vue d’une coopération
harmonieuse future dans la région afin de préserver la sécurité, la sûreté, la régularité et
l’économie de l’aviation civile internationale.
g) Déclaration relative aux tentatives de négociation
Les défendeurs n’ont donné aucune occasion d’entreprendre des négociations relativement
aux aspects aéronautiques des mesures hostiles qu’ils ont prises à l’encontre de l’Etat du Qatar. A
maintes reprises, ils ont lancé un ultimatum à l’Etat du Qatar sur des questions sans lien aucun avec
la navigation aérienne et le transport aérien. Les dernières communications ont été échangées au
cours de conférences téléphoniques avec des fonctionnaires des défendeurs les 5 et 6 juin 2017 qui
n’ont permis aucun rapprochement. En fait, la crise s’est envenimée graduellement lorsque les
défendeurs ont déclaré que tous les ressortissants et résidents d’origine qatarienne sur leurs
territoires étaient «indésirables» (persona non grata) et leur ont ordonné de quitter les territoires
des défendeurs dans un délai de 14 jours. La rupture des relations diplomatiques rend futile tout
effort de négociation.
[Appendice joint non reproduit]
___________
- 8 -
ANNEXE 24
EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES DE LA RÉPUBLIQUE ARABE D’EGYPTE, DU ROYAUME DE
BAHREÏN ET DES EMIRATS ARABES UNIS AU SUJET DE LA REQUÊTE B DE L’ETAT
DU QATAR RELATIVE AU DÉSACCORD DÉCOULANT DE L’ACCORD RELATIF AU
TRANSIT DES SERVICES AÉRIENS INTERNATIONAUX, SIGNÉ
À CHICAGO LE 7 DÉCEMBRE 1944 (19 MARS 2018)
Devant le Conseil de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), en vertu du
Règlement pour la solution des différends de l’OACI (Document 7782/2)
L’agent de la République arabe d’Egypte,
S. Exc. M. Sherif FATHI.
L’agent du Royaume de Bahreïn,
S. Exc. M. Kamal Bin Ahmed MOHAMED.
L’agent des Emirats arabes unis,
S. Exc. Sultan Bin Saeed AL MANSOORI.
[Traduction fournie par l’OACI et ajustée par le Greffe]
- 9 -
TABLE DES MATIÈRES
Résumé analytique ............................................................................................................................. ii
I. Introduction ..................................................................................................................................... 1
II. Contexte de la procédure ............................................................................................................... 4
III. Principes généraux concernant la juridiction ............................................................................... 5
IV. Principes généraux concernant la recevabilité ............................................................................. 9
V. Le Conseil n’a pas compétence pour se prononcer sur la légalité des mesures adoptées par
les défendeurs .............................................................................................................................. 10
A. Les contre-mesures sont autorisées par le droit international ................................................ 12
B. Les actions des défendeurs qui sont à l’origine de la plainte du Qatar sont une
réponse aux faits internationalement illicites antérieurs du Qatar ......................................... 14
C. Le Conseil n’a pas compétence pour résoudre les plaintes du Qatar car cela
supposerait que le Conseil statue sur la violation ou non par le Qatar de ses
obligations en vertu du droit international ............................................................................. 20
D. Conclusion ............................................................................................................................. 22
VI. Le Qatar n’a pas satisfait aux exigences de procédure en vertu de l’Accord de transit et
du Règlement .............................................................................................................................. 22
A. L’échec de négociations antérieures constitue une condition préalable de la
compétence du Conseil .......................................................................................................... 23
B. Le Qatar n’a pas rempli la condition préalable de négociations ............................................. 28
VII. Demandes de réparation ........................................................................................................... 31
- 10 -
ii
RÉSUMÉ ANALYTIQUE
En 2013, à la suite d’efforts diplomatiques déployés au cours de plusieurs années, plusieurs
États du Conseil de coopération du Golfe, y compris le Qatar, ont conclu un accord par lequel ils se
sont engagés à cesser de soutenir, de financer ou d’abriter des personnes ou des groupes présentant
un danger pour la sûreté nationale de chacun d’entre eux, en particulier des groupes terroristes;
deux accords complémentaires ont été conclus à la même fin en 2014 (les accords de 2013 et 2014
ci-après dénommés conjointement les «Accords de Riyad»). Lorsque, par la suite, le Qatar n’a pas
respecté les Accords de Riyad et ses autres obligations internationales pertinentes, et après des
appels répétés invitant le Qatar à honorer ses engagements, en vain, les défendeurs ont pris des
mesures le 5 juin 2017 pour inciter le Qatar à satisfaire à ses obligations internationales.
Les initiatives prises par les défendeurs, notamment des fermetures de l’espace aérien,
forment un train de mesures adoptées en réaction aux manquements multiples, graves et persistants
du Qatar à ses obligations internationales liées à des aspects essentiels de la sûreté des défendeurs
et constituent des contre-mesures légitimes autorisées par le droit international général. En vertu du
droit international, les manquements aux obligations internationales autorisent les États à adopter
des contre-mesures, pour autant qu’elles soient proportionnées et réversibles.
La résolution des plaintes déposées en l’espèce par le Qatar requerrait nécessairement que le
Conseil établisse les points faisant partie du différend plus large entre les parties. En particulier, le
Conseil devrait déterminer, entre autres choses, si le Qatar avait manqué à ses obligations
pertinentes de lutte contre le terrorisme en vertu du droit international et à ses obligations
contraignantes de ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures de ses voisins. Le différend
d’ampleur limitée soumis au Conseil par le Qatar, lié aux fermetures de l’espace aérien, ne peut
être séparé de ces questions plus larges, et la légalité des fermetures de l’espace aérien ne peut être
appréciée isolément.
En vertu de l’article II, section 2, de l’Accord relatif au transit des services aériens
internationaux (ci-après l’«Accord de transit») et, par référence, de l’article 84 de la Convention de
Chicago, la compétence du Conseil est limitée à tout «désaccord entre deux ou plusieurs États
contractants sur l’interprétation ou l’application» de l’Accord de transit et de la Convention de
Chicago et de ses Annexes. En conséquence, le Conseil n’a pas compétence pour statuer sur des
questions liées au manquement ou non par le Qatar à ses autres obligations internationales en vertu
du droit international. La compétence limitée du Conseil est conforme au rôle de l’OACI comme
institution spécialisée des Nations Unies. Bien que le Conseil dispose d’une expertise considérable
en ce qui concerne les aspects techniques de l’aviation consacrée dans la Convention de Chicago, il
n’est ni approprié ni qualifié pour gérer des différends de nature plus large tels que ceux décrits
ci-dessus, y compris des questions liées au terrorisme et à d’autres aspects y afférents.
En résumé, comme l’a reconnu le Conseil lors de sa session extraordinaire le 31 juillet 2017,
il existe des questions plus larges et vastes à la base de ce désaccord, qui doivent être abordées dans
un cadre approprié et non technique. Étant donné que le Conseil n’a pas compétence pour régler les
questions juridiques plus vastes sur lesquelles il devrait nécessairement statuer pour régler le
désaccord lié à l’Accord de transit soulevé dans la requête et le mémoire, le Conseil n’a pas
compétence pour statuer sur les plaintes du Qatar.
Le Qatar a également omis en l’espèce de satisfaire à l’exigence de l’article II, section 2, de
l’Accord de transit, selon lequel seul un désaccord qui «ne peut être réglé par voie de négociation»
peut être soumis au Conseil. Cette exigence est mise en évidence comme exigence de procédure à
l’article 2, alinéa g) du Règlement pour la solution des différends, et les propres décisions prises par
le Conseil antérieurement reconnaissent qu’une tentative d’engager des négociations est une
condition préalable à l’exercice de sa compétence.
- 11 -
iii
La requête et le mémoire du Qatar reconnaissent explicitement qu’aucune tentative de
négociation n’a été entreprise en ce qui concerne le désaccord présenté dans la requête avant d’être
soumis au Conseil. À la suite de l’omission par le Qatar de répondre à cette condition préalable et
de son omission de satisfaire à l’exigence de procédure à l’article 2, alinéa g), le Conseil n’a pas
compétence pour connaître de la requête du Qatar. En revanche, le Conseil devrait déclarer
irrecevable la requête du Qatar.
- 12 -
1
I. INTRODUCTION
1. En vertu de l’article 5, § 3 du Règlement pour la solution des différends
(Document 7782/2) (ci-après le «Règlement»), les présentes exceptions préliminaires sont déposées
conjointement par la République arabe d’Égypte, le Royaume de Bahreïn et les Émirats arabes unis
(ci-après dénommés collectivement les «défendeurs»), en réponse à la requête B et au mémoire qui
l’accompagne datés du 30 octobre 2017, soumis par l’État du Qatar (ci-après le «Qatar») au
Conseil de l’Organisation de l’aviation civile internationale (ci-après le «Conseil») au sujet d’un
désaccord découlant de l’Accord relatif au transit des services aériens internationaux signé à
Chicago le 7 décembre 1944.
2. Les agents autorisés à agir pour chacun des défendeurs et leurs adresses respectives au
siège de l’Organisation sont les suivants :
S.E. Sherif Fathi
Agent de la République arabe d’Égypte
Ministère de l’aviation civile
Délégation de la République arabe d’Égypte auprès de l’OACI
999, boulevard Robert-Bourassa
Montréal (Québec) H3C 5J9
S.E. Kamal Bin Ahmed Mohamed
Agent du Royaume de Bahreïn
Ministère des transports et des télécommunications
Délégation du Royaume d’Arabie saoudite auprès de l’OACI
999, boulevard Robert-Bourassa, Suite 15.05
Montréal (Québec) H3C 5J9
S.E. Sultan Bin Saeed Al Mansoori Agent des Émirats arabes unis Ministère de l’économie
Président de l’Autorité de l’aviation civile générale
Délégation des Émirats arabes unis auprès de l’OACI
999, boulevard Robert-Bourassa, Suite 14.20
Montréal (Québec) H3C 5J9
- 13 -
2
3. Les défendeurs reconnaissent pleinement le rôle de premier plan de l’OACI dans le
développement du transport aérien à l’échelle mondiale, ainsi que l’établissement du cadre
commun nécessaire permettant ce développement. Ils réaffirment leur adhésion déterminée aux
règles et principes de la Convention de Chicago, aux objectifs stratégiques et aux principes de
l’OACI, telle qu’elle a été réaffirmée lors de la récente 39e session de l’Assemblée et, comme
membres de l’OACI, leur engagement à réaliser l’objectif mutuel de garantir la sécurité de
l’aviation civile internationale à tout moment.
4. Les défendeurs soutiennent également pleinement le mandat de l’OACI, comme
institution spécialisée des Nations Unies, de veiller à la sécurité, à la sûreté et à la durabilité
environnementale de l’aviation civile.
5. Les défendeurs soutiennent, conformément à ce qui précède, que le Conseil n’a pas
compétence pour répondre aux plaintes soulevées dans la requête B et le mémoire du Qatar. En
revanche, les défendeurs soutiennent que le Conseil devrait refuser d’entendre les plaintes du Qatar
et les déclarer irrecevables. En résumé, la position des défendeurs est la suivante :
a) la résolution du désaccord entre le Qatar et les défendeurs requerrait nécessairement que le
Conseil statue sur des questions qui ne relèvent pas de sa compétence en vertu de l’article II,
section 2, de l’Accord de transit ;
b) en tout état de cause, le Qatar n’a pas respecté :
i) la condition préalable à l’existence de la compétence du Conseil, énoncée à l’article II,
section 2, de l’Accord de transit, de tenter d’abord de résoudre le désaccord avec les
défendeurs par voie de négociations avant de soumettre ses plaintes au Conseil ;
ii) l’exigence de procédure à l’article 2, alinéa g) du Règlement, en établissant dans le
mémoire que des négociations avaient été menées entre les parties en vue de régler le
désaccord mais qu’elles n’avaient pas abouti.
6. En ce qui concerne le paragraphe 5, alinéa a) ci-dessus, les défendeurs soutiennent que,
pour autant qu’elles requièrent une justification, les mesures qu’ils ont adoptées, qui forment
l’objet des plaintes du Qatar dans la requête B, constituent des contre-mesures légitimes en vertu du
droit international coutumier, prises en réponse à l’omission du Qatar de respecter ses obligations
internationales, non liées à l’aviation civile, à l’égard des défendeurs. La question de la légalité des
contre-mesures ne peut être tranchée sans qu’il ait été statué sur la légalité des actions du Qatar. La
véritable question en l’espèce ne relève pas de l’aviation civile internationale. La compétence du
Conseil en vertu de l’article II, section 2, de l’Accord de transit et, par référence, de l’article 84 de
la Convention de Chicago ne s’étend pas à de telles questions, qui se situent hors du champ
d’application de la Convention de Chicago.
7. En ce qui concerne le paragraphe 5, alinéa b) ci-dessus, les défendeurs soutiennent que,
conformément à l’exigence essentielle énoncée à l’article II, section 2, de l’Accord de transit et, par
référence, à l’article 84 de la Convention de Chicago, ainsi qu’à l’article 2, alinéa g) du Règlement,
il incombe au demandeur, avant de soumettre une affaire au Conseil, de montrer qu’il a tenté
d’entamer des négociations, ce qui constitue une condition préalable de la compétence du Conseil.
Il n’a pas été satisfait à cette exigence pour des raisons liées au fond du véritable problème entre les
parties, exposé aux paragraphes 45-64 ci-dessous. Si le Conseil devait établir que le Qatar a
satisfait à la condition préalable de mener des négociations, cela équivaudrait à reconnaître la
stratégie du Qatar consistant à éviter d’aborder ces questions d’une importance capitale.
- 14 -
3
8. Les présentes exceptions préliminaires sont naturellement soumises sans préjudice de la
position des défendeurs sur le fond des plaintes déposées par le Qatar, exposée dans la requête B et
le mémoire qui l’accompagne, en ce qui concerne le prétendu manquement des défendeurs à leurs
obligations internationales au titre de l’Accord de transit. Les défendeurs se réservent pleinement le
droit, dans le cas où les présentes exceptions préliminaires ne seraient pas retenues, en temps utile
et conformément au règlement, de déposer un contre-mémoire dans lequel ils répondront sur le
fond aux plaintes du Qatar.
9. Pour éviter tout doute, rien dans les présentes exceptions préliminaires ne doit être
considéré comme constituant une reconnaissance de toute question relevant du fond des plaintes du
Qatar. En particulier, les défendeurs considèrent que, en l’espèce, les mesures adoptées dont le
Qatar se plaint sont conformes à leurs obligations au titre de l’Accord de transit.
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4
II. CONTEXTE DE LA PROCÉDURE
10. Le 30 octobre 2017, le Qatar a soumis au Conseil deux requêtes et les mémoires qui les
accompagnent conformément au Règlement :
a) La première requête (ci-après la «requête A») a été déposée en vertu de l’article 84 de la
Convention de Chicago et prétend que les défendeurs ont violé plusieurs dispositions de la
Convention de Chicago. La requête A désigne la République arabe d’Égypte, le Royaume
d’Arabie saoudite, le Royaume de Bahreïn et les Émirats arabes unis comme défendeurs.
b) La seconde requête (ci-après la «requête B») a été déposée en vertu de l’article II, section 2, de
l’Accord de transit et prétend que les défendeurs ont violé plusieurs dispositions de cet
instrument. La requête B désigne la République arabe d’Égypte, le Royaume de Bahreïn et les
Émirats arabes unis comme défendeurs.
11. Les présentes exceptions préliminaires ne concernent que la requête B. Des exceptions
préliminaires sont déposées séparément pour ce qui concerne la requête A.
12. Les requêtes et les mémoires ont été notifiés par la Secrétaire générale, en vertu de
l’article 3, alinéa 1, du Règlement, le 3 novembre 2017. Dans une lettre datée du 17 novembre
2017, reçue par les défendeurs le 20 novembre 2017, le Conseil, en vertu de l’article 3, alinéa 1,
clause c) du Règlement, a fixé un délai de douze semaines à compter de la date de réception de la
lettre, soit le 12 février 2018 au dépôt d’un contre-mémoire de la part du défendeur.
13. Le 16 janvier 2018, dans une lettre adressée au Président du Conseil, les quatre États
défendeurs ont demandé une prolongation du délai de six semaines. Dans une lettre du 9 février
2018, les défendeurs ont été informés qu’il leur était accordé un délai de six semaines, jusqu’au
26 mars 2018.
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5
III. PRINCIPES GÉNÉRAUX CONCERNANT LA JURIDICTION
14. La compétence du Conseil de statuer sur les plaintes du Qatar dans la requête B est régie
par l’article II, section 2, de l’Accord de transit, qui dispose que :
«Si un désaccord entre deux ou plusieurs États contractants sur l’interprétation
ou l’application du présent accord ne peut être réglé par voie de négociation, les
dispositions du chapitre XVIII de la convention précitée [à savoir les articles 84 à 88
de la convention de Chicago] seront appliquées de la manière prévue audit chapitre
pour le cas de désaccord sur l’interprétation ou l’application de ladite convention.»
15. L’article 84 de la Convention de Chicago se lit comme suit :
«Si un désaccord entre deux ou plusieurs États contractants à propos de
l’interprétation ou de l’application de la présente Convention et de ses Annexes ne
peut être réglé par voie de négociation, le Conseil statue à la requête de tout État
impliqué dans ce désaccord».
16. L’article II, section 2, de l’Accord de transit incorporant l’article 84 dans son intégralité,
les questions soumises au Conseil sont identiques dans les deux procédures.
17. S’il rend des décisions sur des désaccords soumis en vertu de l’article II, section 2, de
l’Accord de transit, le Conseil exerce des fonctions judiciaires. Cela signifie que l’approche du
droit international général relative à la détermination de l’étendue de la juridiction des tribunaux
intervenant dans le règlement judiciaire des différends internationaux s’applique à la détermination
et à la délimitation de la compétence et de la juridiction du Conseil pour statuer sur un différend ou
un désaccord.
18. L’exercice des fonctions d’un organe judiciaire signifie que les décisions relatives à sa
propre juridiction sont essentiellement guidées par les règles et principes du droit international
régissant cette matière plutôt que par des considérations d’ordre politique ou d’opportunité du
résultat. En particulier, les principes établis par la Cour internationale de justice (ci-après la «CIJ»)
à ce sujet, ainsi que les propres décisions antérieures du Conseil, devraient être pris en
considération.
19. Le Conseil a lui-même reconnu que, lorsqu’il statue sur des requêtes déposées en vertu
de l’article 84 de la Convention de Chicago (et par extension, en vertu de l’article II, section 2, de
l’Accord de transit), il exerce les fonctions d’un organe judiciaire.
a) Lors de la réunion du Conseil du 16 novembre 2000, convoquée aux fins d’entendre les
arguments des parties en ce qui concerne les exceptions préliminaires soulevées par quinze
États européens en réponse à la requête déposée par les États-Unis, le Président du Conseil
affirmait que : [voir le Procès-verbal sommaire, pièce justificative 1]
«Le conseil siégeait comme organe judiciaire et seuls les membres qui n’étaient
pas parties au différend avaient le droit de délibérer.»1
1 Pièce justificative 1, Procès-verbal sommaire du Conseil, sixième réunion, 161e session, 16 novembre 2000,
Doc. OACI C MIN 161/6 (publique), paragraphe 26.
- 17 -
6
b) De même, lors de la réunion du Conseil du 21 juin 2017, convoquée aux fins d’entendre les
arguments des parties en ce qui concerne les exceptions préliminaires soulevées par le Brésil en
réponse à la requête déposée par les États- Unis, le Président du Conseil a rappelé dès le début
de la réunion que : [voir le Procès-verbal sommaire, pièce justificative 2]
«pour l’affaire qui lui avait été soumise, le Conseil siégeait comme organe judiciaire
en vertu de l’article 84 de la Convention de Chicago, rendant ses décisions sur la base
des documents écrits déposés par les parties, ainsi que sur la base d’arguments
oraux»2.
20. Les fonctions judiciaires du Conseil en vertu de l’article II, section 2, de l’Accord de
transit sont en outre confirmées par les considérations suivantes :
a) La formulation de l’article 84 de la Convention de Chicago et celle de l’article II, section 2, de
l’Accord de transit, qui portent toutes deux sur les désaccords entre États à propos de
« l’interprétation ou [de] l’application » desdits instruments, reproduisent les termes des clauses
juridictionnelles et compromissoires courantes dans les traités qui attribuent une compétence
aux cours et tribunaux internationaux, tels que la CIJ.
b) L’article 84 de la Convention de Chicago (et, en conséquence, l’article II, section 2, de l’Accord
de transit) confère à une partie le droit de former un recours contre une décision du Conseil
adoptée au sujet d’un désaccord soumis à un tribunal arbitral ou à la CIJ.
c) Le Règlement, adopté par le Conseil afin de régir les différends au titre de l’article 84 de la
Convention de Chicago et de l’article II, section 2, de l’Accord de transit établissent une
procédure qui va de pair avec celle des cours et tribunaux internationaux. En effet, le Règlement
a été «rédigé en étroite concordance avec le Règlement de la Cour internationale de justice»3. À
cet égard, le Règlement prévoit une procédure «judiciaire» distincte qui comprend notamment :
le dépôt d’une requête et d’un mémoire par le demandeur4 ; le droit du défendeur de soumettre
des exceptions préliminaires à la compétence du Conseil ainsi qu’une procédure pour
l’établissement de ces exceptions préliminaires5 ; la soumission d’un contre-mémoire par le
défendeur6 ; et le droit d’autres États contractants tiers concernés d’intervenir dans la
procédure7.
21. Le caractère essentiellement judiciaire du Conseil lorsqu’il statue sur des désaccords qui
lui sont soumis en vertu de l’article 84 de la Convention de Chicago et de l’article II, section 2, de
l’Accord de transit a également été largement reconnu par la CIJ8, et les commentateurs
universitaires9.
2 Pièce justificative 2, Procès-verbal sommaire du Conseil, neuvième réunion, 211e session, 21 juin 2017,
doc. OACI C-MIN 211/9 (huis-clos), paragraphe 8.
3 M. Milde, International Air Law and ICAO (3e éd.), (Eleven International Publishing, La Haye, 2016), p. 201.
4 Articles 2 et 4 du Règlement.
5 Article 5, alinéa a) du Règlement.
6 Article 4 du Règlement.
7 Article 19 du Règlement. Voir également M. Milde, International Air Law and ICAO (3e éd.), (Eleven
international Publishing, La Haye, 2016), pp.202-203. Dans ce contexte, Milde constate que le Règlement « prévoit une
procédure détaillée, formelle et d’ordre juridique, appropriée pour les tribunaux » (ibid., p. 202).
8 Voir Opinion dissidente du juge Nagendra Singh dans Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI
(Inde c. Pakistan), Recueil de la CIJ 1972, p. 164, pp. 164-165, paragraphes 2-4 ; p. 169, paragraphe 10 ; pp. 171-172,
paragraphes 15-16 ; et p. 178, paragraphe 17. Voir en particulier p. 165, paragraphe 4, point c), «Le Conseil est un
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7
22. Le fait qu’une cour ou un tribunal ne puisse connaître d’un différend entre États que dans
la mesure où les États ont consenti à l’exercice d’une telle juridiction constitue un principe
fondamental et bien établi du droit international10.
23. La juridiction du Conseil concernant la requête B du Qatar découle uniquement de la
clause juridictionnelle ou compromissoire à l’article II, section 2, de l’Accord de transit11.
24. Comme l’a souligné la CIJ, lorsque le consentement des parties à un différend :
«est exprimé dans une clause compromissoire insérée dans un accord international, les
conditions auxquelles il est éventuellement soumis doivent être considérées comme en
constituant les limites»12.
25. En outre, la Cour a souligné qu’une condition expresse de négociations préalables dans
une clause compromissoire :
organe fonctionnel, qui a le devoir de poursuivre les objectifs énoncés dans la Convention et de se charger de
régler les différends auxquels donne lieu son activité. Ce dernier aspect, celui du règlement des différends, est sans
conteste une fonction judiciaire. Dans l’exercice de cette fonction-là, le Conseil de 1’OACI doit agir comme un
tribunal judiciaire; il est donc nécessairement tenu de s’acquitter de ses obligations à la façon d’un juge. […]». Voir
également la déclaration du juge Lachs, Recueil de la CIJ, p. 72, pp. 74-75.
9 Par exemple, Bin Cheng, l’une des autorités les plus éminentes dans le droit aérien international, affirme
que « le Conseil doit se considérer lui-même comme un organe judiciaire international et agir conformément aux règles
de droit international régissant les procédures judiciaires. » Voir B. Cheng, The Law of International Air Transport,
(Stevens, Londres,1962), p. 101. De manière similaire, Ludwig Weber affirme que : « En vertu du chapitre XVIII de la
Convention, le Conseil est chargé de certaines fonctions judiciaires en ce qui concerne les différends entre États
contractants ; ces fonctions judiciaires sont également prévues dans certains accords bilatéraux et multilatéraux, en
particulier l’Accord relatif au transit des services aériens internationaux, qui charge le Conseil du règlement judiciaire
des différends entre États contractants ». L. Weber, International Civil Aviation Organization (ICAO), (3e éd.),
(Kluwer Law International BV, Pays-Bas, 2017), p. 52. Milde, qui est un peu plus sceptique quant au caractère
pleinement judiciaire du Conseil lorsqu’il agit en vertu de l’article 84 de la Convention de Chicago, considère
néanmoins que « la Convention [de Chicago] confère un pouvoir contraignant de statuer sur les différends au Conseil
de l’OACI. [...] Le Conseil de l’OACI est ainsi, à la différence des organes directeurs d’autres agences spécialisées,
également un organe quasi judiciaire [soulignement ajouté]. M. Milde, International Air Law and ICAO (3e éd.),
(Eleven International Publishing, La Haye, 2016), p. 199, 203-204.
10 Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête: 2002) (République démocratique du
Congo c. Rwanda), Compétence de la Cour et recevabilité de la requête, Recueil de la CIJ, 2006, p. 6, p. 32, paragraphe.
65 ; et p. 39, paragraphe 88: « La juridiction [de la Cour] se fonde sur l’acceptation des parties et se limite à la
mesure dans laquelle elles l’ont acceptée [...] ». Voir aussi Application de la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie),Exceptions préliminaires,
Recueil de la CIJ 2011, p. 70, p. 125, paragraphe 131. Voir aussi l’accent mis par la Cour permanente de Justice
internationale (CPJI) dans Concessions Mavrommatis en Palestine, 1924, CPJI, Série A, nº. 2, p. 16 : « sa
juridiction est limitée, [...] se fonde toujours sur le consentement du défendeur et ne saurait subsister en dehors des
limites dans lesquelles ce consentement a été donné ». Voir aussi R. Jennings and R. Higgins, « General
Introduction », dans A. Zimmerman et al. (éds.), The Statute of the International Court of Justice (2e ed) (Oxford
University Press, Oxford, 2012), p. 3, p. 7.
11 Voir Opinion dissidente du juge Nagendra Singh dans Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI
(Inde c. Pakistan), Recueil de la CIJ 1972, p. 164, pp. 164-165, paragraphes 3-4, en particulier p. 165, paragraphe 4,
point c) : « bien que le Conseil soit un organe administratif, l’article 84 lui assigne une fonction judiciaire et à tout
organe quasi judiciaire ou même administratif chargé, comme en l’espèce, d’assumer une tâche judiciaire, la
nécessité s’impose non seulement de savoir respecter les procédures judiciaires prescrites, mais encore de respecter
autant que possible les normes d’une bonne administration de la justice. ».
12 Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête: 2002) (République démocratique du
Congo c. Rwanda), Compétence de la Cour et recevabilité de la requête, Recueil de la CIJ, 2006, p. 6, p. 39, paragraphe
88 ; voir aussi ibid., p. 32, paragraphe 65 ; Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), Exceptions préliminaires, Recueil de la CIJ 2011,
p. 70, p. 125, paragraphe 131.
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8
«exerce une fonction importante en indiquant la limite du consentement donné par les
États»13. [soulignement ajouté]
26. Ainsi, que le Conseil puisse en fait connaître du différend est une question juridique qui
se fonde sans ambages sur le cadre juridique établi par la CIJ. Quatre points revêtent une
importance particulière à cet égard :
a) Premièrement, comme l’article II, section 2, de l’Accord de transit mentionne explicitement les
seuls différends «sur l’interprétation et l’application» de cet instrument, la juridiction du
Conseil se limite par conséquent aux différends qui relèvent de la portée de ces mots. Comme
l’a déclaré la CIJ, lorsque la juridiction découle d’une clause compromissoire contenue dans un
traité,
«[...] cette compétence n’existe qu’à l’égard des parties au traité qui sont liées par
ladite clause, dans les limites stipulées par celle-ci»14.
En revanche, les différends ou désaccords qui ne portent pas sur l’interprétation et l’application
de l’Accord de transit et/ou dont la portée s’étend au-delà de ces matières, sortent par
conséquent du champ d’application de la juridiction du Conseil, et celui-ci n’a pas compétence
pour statuer en ce cas. En conséquence, comme il est examiné à la section V ci-dessous, le
Conseil n’a pas compétence pour statuer sur les plaintes du Qatar dans la mesure où elles visent
une déclaration selon laquelle les défendeurs ont violé leurs obligations en vertu d’autres
instruments, y compris la Charte des Nations Unies, la Convention des Nations Unies sur le
droit de la mer et des accords bilatéraux entre le Qatar et les États défendeurs15.
b) Deuxièmement, l’article II, section 2, de l’Accord de transit confère compétence au Conseil
pour ce qui concerne les désaccords liés à l’interprétation ou à l’application de l’accord
pertinent uniquement dans la mesure où ces désaccords «ne peuvent être réglés par voie de
négociation». En conséquence, comme il est examiné à la section VI ci-dessous, une tentative
appropriée de régler le différend par voie de négociation constitue une condition préalable à
l’existence de la juridiction du Conseil. Par conséquent, selon les termes explicites de
l’article II, section 2, le Conseil peut uniquement connaître de désaccords dans la mesure où il
peut être démontré que des négociations visant à régler le différend ont été tentées par le Qatar
en tant que partie initiatrice et que, en dépit d’efforts consentis de bonne foi, il s’est avéré
qu’elles n’ont pas pu déboucher sur le règlement du différend, avant le dépôt d’une requête et
d’un mémoire.
c) Troisièmement, dans la mesure où la juridiction du Conseil découle uniquement de l’article II,
section 2, de l’Accord de transit, c’est le Conseil lui-même qui doit, en première instance,
déterminer s’il a compétence pour statuer sur un désaccord soumis par un État contractant (bien
que, conformément à l’article 84, sa décision à cet égard peut ensuite faire l’objet d’un recours).
13 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), Exceptions préliminaires, Recueil de la CIJ 2011, p. 70, p. 125,
paragraphe 131.
14 Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête: 2002) (République démocratique du
Congo c. Rwanda), Compétence de la Cour et recevabilité de la requête, Recueil de la CIJ, 2006, p. 6, p. 32, paragraphe.
65; voir aussi p. 39, paragraphe 88.
15 Dans ses requêtes, et dans la déclaration de « remède sollicité » dans le mémoire, le Qatar demande au
Conseil d’établir que « les défendeurs, par leurs actions contre l’État du Qatar, ont violé leurs obligations en
vertu de [la Convention de Chicago/l’Accord de transit] et d’autres règles de droit international» [soulignement ajouté] :
La requête B déposée par l’État du Qatar au sujet du désaccord sur l’interprétation et l’application de l’Accord relatif au
transit des services aériens internationaux (Chicago, 1944), datée du 30 octobre 2017, p. 2: mémoire présenté par l’État
du Qatar à la requête B déposée par l’État du Qatar au sujet du désaccord sur l’interprétation et l’application de l’Accord
relatif au transit des services aériens internationaux (Chicago, 1944), datée du 30 octobre 2017, p. 5.
- 20 -
9
Ce pouvoir du Conseil est ressortit essentiellement à sa fonction judiciaire conformément au
principe selon lequel toute cour ou tout tribunal international a compétence pour déterminer sa
propre juridiction (le principe de Kompetenz-Kompetenz/compétence de la compétence)16.
d) Quatrièmement, l’article II, section 2, de l’Accord de transit doit être interprété à la lumière de
son contexte particulier, c’est-à-dire dans le cadre de l’Accord de transit, lequel est administré
par l’OACI, une agence spécialisée des Nations Unies. En tant que tel, il doit être interprété par
rapport au «principe de spécialité», compte tenu par ailleurs de la logique du système global
envisagé par la Charte des Nations Unies, afin de veiller à ce que l’OACI n’empiète pas sur les
responsabilités d’autres organes au sein du système des Nations Unies17. La fonction judiciaire
du Conseil est nécessairement limitée par la spécialisation particulière et technique de l’OACI :
l’aviation civile.
27. Enfin, les défendeurs rappellent que, en principe, il doit être répondu aux questions ayant
une incidence sur la juridiction au moment de la requête. Il s’agit là, aussi, d’une règle générale de
droit procédural international18.
IV. PRINCIPES GÉNÉRAUX CONCERNANT LA RECEVABILITÉ
28. À la lumière des fonctions judiciaires exercées par le Conseil, l’approche générale des
cours et tribunaux internationaux en ce qui concerne la recevabilité des plaintes s’applique
également lorsque le Conseil examine des requêtes au titre de l’article II, section 2, de l’Accord de
transit.
29. À cet égard, il est bien établi dans le droit international qu’une cour ou tout autre organe
judiciaire de droit international peut être tenu d’examiner la recevabilité d’une plainte, et peut être
tenu de renoncer à exercer sa juridiction, car il peut devoir statuer sur un différend sur la base d’un
motif juridique qui, «bien qu’il n’exclue pas son autorité en principe, affecte la possibilité ou le
bien-fondé de sa décision dans le cas particulier au moment particulier»19. Comme l’a expliqué la
CIJ dans Plates-formes pétrolières :
16 Voir par ex. : Les affaires Walfish Bay Boundary (Allemagne/Grande-Bretagne), sentence du 23 mai 1911,
RIAA, vol. XI, p. 263, p. 307 ; Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), Exception préliminaire, Recueil de la CIJ 1953,
p. 111, pp. 119-120 ; cité en partie dans Sentence arbitrale du 31 juillet 1989 (Guinée-Bissau c. Sénégal), Recueil de la
CIJ 1991, p. 53, pp. 68-69, paragraphe 46 ; L’arbitrage Abyei (Soudan/Mouvement populaire de libération du Soudan),
sentence finale du 22 juillet 2009, RIAA, vol. XXX, p. 145, pp. 329-331, paragraphes 498-502.
17 Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, Avis consultatif, Recueil de la
CIJ 1996,p. 66, pp. 78-79, paragraphes 25-26 ; voir aussi Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine
c. Uruguay), Recueil de la CIJ 2010, p. 14, p. 53, paragraphe 89.
18 Voir par ex. Concessions Mavrommatis en Palestine, 1924, CPJI, Série A, nº 2, p. 16: « la Cour constatera,
avant de statuer sur le fond, que le différend qui lui est soumis, tel qu’il se présente actuellement et sur la base des faits
établis en ce moment, tombe sous l’application [des dispositions du Mandat] » ; Application de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie),
Exceptions préliminaires, Recueil de la CIJ 2011, p. 70, p. 85, paragraphe 30 : « le différend doit en principe exister au
moment où la requête est soumise à la Cour ».
19 J. Crawford, Brownlie’s Principles of Public International Law (8e éd.) (Oxford University Press, Oxford,
2012), p. 693 ; voir aussi G. Fitzmaurice, "The Law and Procedure of the International Court of Justice: General
Principles and Substantive Law" (1950) 27 British Yearbook of International Law 1, p. 13; Y. Shany, «Chapter 36:
Jurisdiction and Admissibility», dans C. Romano et al (éds), The Oxford Handbook of International Adjudication
(Oxford University Press, Oxford, 2012) 779, p. 787 ; R. Jennings and R. Higgins, «General Introduction», dans
A. Zimmerman et al (éds.), The Statute of the International Court of Justice (2e éd.) (Oxford University Press, Oxford,
2012), p. 3, pp. 12-13.
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10
«Normalement, une exception à la recevabilité consiste à affirmer que, quand
bien même la Cour serait compétente et les faits exposés par l’État demandeur seraient
tenus pour exacts, il n’en existe pas moins des raisons pour lesquelles il n’y a pas lieu
pour la Cour de statuer au fond»20.
30. De même, dans son arrêt sur les exceptions préliminaires dans l’affaire du Génocide
croate, la Cour a relevé que :
«Une telle objection consiste essentiellement en une allégation qu’il existe un
motif juridique, même s’il y a juridiction, pour lequel la Cour devrait renoncer à
statuer sur l’affaire [...]»21.
31. Le Conseil a lui-même traité précédemment, dans une procédure en vertu de l’article 84
de la Convention de Chicago, une exception à la recevabilité d’une plainte fondée au motif que les
recours n’avaient pas été épuisés comme exception préliminaire22. En l’espèce, le fait que le
véritable centre de gravité du différend est distinct et s’étend au-delà de l’aviation civile
internationale est l’une des causes principales de l’omission du Qatar de satisfaire aux exigences de
procédure de l’article 2, alinéa g) du Règlement. Il s’agit en soi d’une raison juridique suffisante
pour rejeter les plaintes du Qatar au motif qu’elles sont irrecevables.
V. LE CONSEIL N’A PAS COMPÉTENCE POUR SE PRONONCER SUR LA LÉGALITÉ
DES MESURES ADOPTÉES PAR LES DÉFENDEURS
32. Les défendeurs considèrent que leurs actions  notamment, mais pas exclusivement, des
fermetures de l’espace aérien  forment un train de mesures adoptées en réaction aux
manquements multiples, graves et persistants du Qatar à ses obligations internationales essentielles
à la sûreté des défendeurs. Elles doivent donc être considérées comme des contre-mesures
légitimes, autorisées par le droit international général. En tant que telle, l’illicéité du non-respect
par le défendeur de l’Accord de transit serait exclue par définition. Les défendeurs rejettent
l’allégation selon laquelle ils n’ont pas satisfait à leurs obligations en vertu de l’Accord de transit.
Mais l’élément essentiel dans le présent contexte est qu’il existe un corps de règles en dehors de
l’Accord de transit  et par conséquent en dehors de la juridiction du Conseil  qui donne aux
défendeurs un dispositif de défense juridiquement antérieur à la question de la conformité à
l’Accord de transit.
33. Comme il est indiqué précédemment, en vertu de l’article II, section 2, de l’Accord de
transit, la compétence du Conseil est limitée à tout «désaccord entre deux ou plusieurs États
contractants sur l’interprétation ou l’application» de l’Accord de transit. Lorsqu’il est confronté à
un différend qui dépasse ces limites, y compris un différend dans lequel des contre-mesures sont
invoquées comme circonstance excluant l’illicéité, le Conseil a le devoir «de circonscrire le
véritable problème en cause et de préciser l’objet de la demande»23; il «doit s’assurer de l’objet
20 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. États-Unis d’Amérique), Fond, Recueil de la CIJ
2003, p. 161, p. 177, paragraphe 29.
21 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
Exceptions préliminaires, Recueil de la CIJ 2008, p. 412, p. 456, paragraphe 120.
22 Décision du Conseil de l’OACI sur les exceptions préliminaires dans l’instance «États-Unis et 15 États
européens (2000)», 16 novembre 2000.
23 Essais nucléaires (Australie c. France), Recueil de la CIJ 1974, p. 253, p. 262, paragraphe 29 ;
(Nouvelle-Zélande c. France), Recueil de la CIJ 1974, p. 457, p. 466, paragraphe 30.
- 22 -
11
véritable du différend, de l’objet et du but de la demande»24. «Une relation accessoire entre le
différend et une question réglementée par la Convention [de Chicago] est insuffisante pour porter le
différend, dans son ensemble, dans le champ de réglementation» du droit de juridiction25. Ainsi, la
question appropriée que doit se poser le Conseil est de savoir si le «véritable problème», qui doit
être considéré comme le centre de gravité du différend, tombe en dehors du champ de compétence
du Conseil de l’OACI. Le Conseil devrait uniquement connaître du différend s’il peut exercer sa
compétence tout en s’abstenant d’examiner des questions qui ne relèvent ni de l’Accord de transit
ni de la Convention de Chicago et, par conséquent, de sa compétence26.
34. Il n’est pas contesté que le Conseil pourrait exercer sa juridiction pour ce qui concerne
une invocation réciproque de contre-mesures comprenant la suspension par un État partie de
l’exécution de ses obligations en vertu de l’Accord de transit en réponse au manquement présumé
d’un autre État membre de ses propres obligations en vertu de cet instrument. Les défendeurs
n’affirment pas que l’invocation de contre-mesures exclue elle-même la juridiction du Conseil27. Il
s’agit plutôt de déterminer dans chaque cas particulier si la portée de la clause compromissoire,
correctement interprétée dans son contexte institutionnel, est suffisamment étendue pour permettre
une évaluation du caractère justifié des contre-mesures. Dans le cas d’espèce de l’article II,
section 2, de l’Accord de transit, tel n’est pas le cas, comme il est démontré ci-dessous.
35. La juridiction du Conseil est limitée aux différends et aux désaccords relatifs à
l’interprétation ou à l’application de la Convention de Chicago et de ses Annexes, ou de l’Accord
de transit. Le Conseil n’est dès lors pas compétent pour statuer sur le différend plus large entre les
parties qui n’est pas lié à l’aviation civile internationale, en particulier le non-respect par le Qatar
des accords de Riyad, d’autres instruments relatifs au contre-terrorisme et de ses obligations liées à
la non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres États (voir paragraphes 46-54), qui
constituent le centre de gravité du «véritable problème» du différend. Il n’a pas non plus
compétence pour statuer sur la légalité des mesures prises par les défendeurs comme
contre-mesures en réponse à la violation par le Qatar de ses obligations. Conformément aux règles
de droit international relatives aux contre-mesures, l’établissement de la légalité des contre-mesures
imposerait nécessairement au Conseil de statuer sur les actions du Qatar, notamment de déterminer
si le Qatar a manqué à ses obligations internationales visées aux paragraphes 46-54 ci-dessous.
36. Étant donné que les contre-mesures agissent comme circonstance excluant l’illicéité, le
Conseil ne pourrait pas déterminer s’il y a eu manquement des défendeurs à l’Accord de transit
sans nécessairement déterminer par ailleurs si l’illicéité de la conduite des défendeurs (le cas
échéant) était exclue par une invocation valide des contre-mesures. En conséquence, le Conseil est
dépourvu de juridiction pour statuer sur le désaccord entre les parties.
24 Id., p. 263, paragraphe 30 et p. 467, paragraphe 31, citant Interhandel, C.I.J. Recueil 1959, p. 19 et Droit de
passage sur territoire indien, fond, C.I.J. Recueil 1960, p. 6, pp. 33-34 ; Compétence en matière de pêcheries
(Espagne c. Canada), CIJ Recueil 1998, p. 432, p. 449, paragraphe 31.
25 Dans l’affaire de l’Aire marine protégée des Chagos, Sentence arbitrale du 8 mars 2015 dans le différend
opposant Maurice au Royaume-Uni, CPA, Affaire nº 2011-03, paragraphe 220.
26 Dans l’affaire d’arbitrage devant un tribunal arbitral constitué en vertu de l’Annexe VII de la Convention
des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 (République des Philippines c. République populaire de Chine),
CPA, Affaire nº 2013-19, Sentence sur la juridiction et la recevabilité du 29 octobre 2015, paragraphe 150.
27 Cf. Commission de droit international, Articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement
illicite (2001), Rapport de la Commission à l’Assemblée générale sur les travaux de sa cinquante-troisième session
(2001), document des Nations Unies, A/56/10, chapitre IV, reproduit dans Annuaire de la CDI 2001, vol. II(2), p. 31 et
suivantes, article 50(2)(a).
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37. L’exception préliminaire des défendeurs fondée sur l’absence de juridiction du Conseil
pour statuer sur la question de savoir si les mesures peuvent être justifiées comme contre-mesures
est examinée de manière plus détaillée ci-dessous. Les observations qui suivent se limitent aux
aspects de la défense des contre-mesures des défendeurs sur lesquels se fonde son objection selon
laquelle le Conseil n’est pas compétent pour statuer sur les plaintes soumises par le Qatar. Comme
indiqué au paragraphe 9 ci-dessus, rien dans les présentes exceptions préliminaires ne doit être
considéré comme constituant une reconnaissance de toute question relevant du fond des plaintes du
Qatar et, en particulier, les défendeurs rejettent les allégations selon lesquelles les mesures qu’ils
ont adoptées, dont se plaint le Qatar, sont, de quelque manière que ce soit, incompatibles avec les
obligations qui découlent de l’Accord de transit.
A. Les contre-mesures sont autorisées par le droit international
38. Le droit international contemporain permet à un État de répondre au manquement d’un
autre État à ses obligations en vertu du droit international via l’adoption de contre-mesures,
c’est-à-dire des mesures d’initiative personnelle n’appelant pas l’utilisation de la force et consistant
dans la suspension temporaire de l’exécution d’une ou plusieurs obligations, adoptées en vue
d’inciter l’État fautif à satisfaire à ses obligations internationales. Dans la mesure où ces mesures
adoptées en réponse au manquement d’un État membre à satisfaire à ses obligations internationales
respectent les conditions de procédure et de fond pertinentes, prévues par le droit international
coutumier, l’illicéité de ces mesures est exclue.
39. Le droit des États d’adopter des contre-mesures en réponse au manquement d’un autre
État en vertu du droit international a été affirmé constamment par la CIJ et d’autres tribunaux
internationaux.
a) L’arbitrage du tribunal arbitral dans l’Accord relatif aux services aériens a reconnu la légalité
des contre-mesures, expliquant que :
«En vertu des règles actuelles du droit international, et à moins que le contraire
ne résulte d’obligations spéciales découlant de traités particuliers, notamment de
mécanismes créés dans le cadre des organisations internationales, chaque État établit
pour lui-même sa situation juridique vis-à-vis des autres États. Si une situation se
produit qui, selon le point de vue d’un État, entraîne la violation d’une obligation
internationale par un autre État, le premier État a le droit, dans les limites établies par
les règles générales du droit international relevant de l’utilisation de la force armée,
d’affirmer ses droits par l’intermédiaire de contre-mesures»28.
b) Dans Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, la CIJ relevait que
les actes illicites dont était accusé le Nicaragua  à supposer qu’ils aient été établis et qu’ils lui
soient attribuables  auraient pu «justifier des contre-mesures proportionnées de la part de
l’État qui en aurait été victime [...]»29.
c) De manière similaire, dans Projet Gabčíkovo-Nagymaros, après avoir constaté que la
Tchécoslovaquie avait commis un acte illicite (manquement à ses obligations internationales),
la Cour a décidé qu’il lui fallait rechercher :
28 Accord relatif aux services aériens du 27 mars 1946 entre les États-Unis d’Amérique et la France, Sentence du
9 décembre 1978, RIAA, vol. XVIII, p. 417, p. 443, paragraphe 81.
29 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique),
Fond, Arrêt, Recueil de la CIJ 1986, p. 14, p. 127, paragraphe 249.
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«si cette illicéité peut être excusée au motif que la mesure ainsi adoptée l’aurait été en
réaction au défaut préalable de la Hongrie de s’acquitter de ses obligations en vertu du
droit international»30.
À cet égard, la CIJ a jugé que «pour pouvoir être justifiée, une contre-mesure doit satisfaire à
certaines conditions [...]»31. Bien qu’elle ait en définitive conclu, au regard des faits qui lui étaient
exposés, que les conditions pertinentes n’avaient pas été remplies, la Cour a reconnu que l’illicéité
de la conduite, qui sans cela aurait constitué un manquement de l’État à ses obligations
internationales, serait en principe exclue dans la mesure où elle répondait aux critères d’une
contre-mesure légitime.
40. Sur la base de ces précédents et d’autres, la Commission du droit international (CDI) des
Nations Unies, un organe établi par l’Assemblée générale pour promouvoir la codification et le
développement progressif du droit international, a également reconnu l’existence de
contre-mesures comme un concept juridique excluant l’illicéité dans ses Articles sur la
responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite (ci-après les «Articles») L’article 22
des Articles dispose que :
«L’illicéité du fait d’un État non conforme à l’une de ses obligations
internationales à l’égard d’un autre État est exclue si, et dans la mesure où, ce fait
constitue une contre-mesure prise à l’encontre de cet autre État [...]»32.
41. Comme la CDI l’a reconnu dans son commentaire aux Articles sur la responsabilité de
l’État pour fait internationalement illicite, en tant que question relevant du droit international
coutumier, il n’existe aucune exigence selon laquelle les contre-mesures devraient comprendre la
suspension de la même obligation ou d’une obligation étroitement liée, ou d’une obligation
découlant du même traité que celui dont l’obligation a été violée (les «contre-mesures
réciproques»)33.
42. Ni l’Accord de transit ni la Convention de Chicago n’interdisent aux États contractants
de recourir à des contre-mesures comprenant la suspension de l’exécution de leurs obligations en
réponse à un manquement d’une autre partie contractante à ses obligations internationales. En tant
que telles, les parties à l’Accord de transit conservent leurs droits souverains en vertu du droit
international coutumier d’adopter des mesures comprenant la suspension de l’exécution de leurs
obligations envers une autre partie au moyen de contre-mesures en réponse à un manquement
antérieur de cet État à ses obligations internationales.
43. Bien que l’Accord de transit et la Convention de Chicago ne limitent pas le droit des
États contractants sur le fond d’adopter des contre-mesures, le Conseil n’a pas compétence pour
statuer sur la validité d’initiatives prises sous la forme de contre-mesures lorsque les actes illicites
30 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), Arrêt, Recueil de la CIJ 1997, p. 7, p. 55, paragraphe 82.
31 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), Arrêt, Recueil de la CIJ 1997, p. 7, p. 55, paragraphe 83.
32 Commission de droit international, Articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite
(2001), Rapport de la Commission à l’Assemblée générale sur les travaux de sa cinquante-troisième session, document
des Nations Unies, A/56/10, chapitre IV, reproduit dans Annuaire de la CDI 2001, vol. II(2), p. 31,
paragraphes 75-76, Article 22.
33 Voir Articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, commentaire introductif à la
troisième partie, Chapitre II, paragraphe 5 : le terme «contre-mesures réciproques» désigne «des contre-mesures qui
supposent la suspension d’obligations envers l’État responsable “si lesdites obligations correspondent ou sont directement
liées à l’obligation qui a été violée”«. (ibid. [Référence interne omise]).
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auxquels répondent ces contre-mesures ne sont pas liés à l’aviation civile internationale et ne
relèvent donc pas du champ d’application de l’Accord de transit ou de la Convention34. C’est le cas
en l’espèce, car les contre-mesures ont été adoptées en réponse aux manquements du Qatar à ses
obligations internationales relatives au contre-terrorisme et à la non-ingérence dans les affaires
intérieures des défendeurs.
B. Les actions des défendeurs qui sont à l’origine de la plainte du Qatar sont
une réponse aux faits internationalement illicites antérieurs du Qatar
44. Dans ses requêtes et ses mémoires, le Qatar dirige ses plaintes contre certains «NOTAM
publiés interdisant aux aéronefs immatriculés au Qatar d’atterrir aux aéroports [des défendeurs] ou
d’en décoller et les privant du droit de survoler leurs espaces aériens»35. Comme le reconnaît le
Qatar, ces NOTAM ont été émis le 5 juin 2017, le jour même où les défendeurs ont rompu les
relations diplomatiques avec le Qatar36.
45. Le Qatar omet néanmoins le fait que ces relations diplomatiques ont été rompues et que
de nombreuses autres mesures ont été adoptées par les défendeurs en raison du fait que le Qatar, en
dépit d’appels répétés des défendeurs à cesser et à s’abstenir, a continué de manquer à de multiples
obligations multilatérales lui incombant (y compris à l’échelle régionale), de prévenir, d’éliminer et
de pénaliser le soutien et le financement de groupes terroristes et de respecter le principe de
non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État. Le Qatar y fait allusion dans sa requête,
reconnaissant que «[les défendeurs] ont lancé un ultimatum à l’État du Qatar sur des questions sans
lien aucun avec la navigation aérienne et le transport aérien»37.
46. Les défendeurs ont à de nombreuses reprises, au cours de plusieurs années avant 2013,
évoqué leurs très graves préoccupations quant au soutien apporté par le Qatar à l’extrémisme et à
des organisations terroristes ainsi qu’à son ingérence dans les affaires intérieures de ses voisins, y
compris les défendeurs. Cette situation a débouché sur la tenue de négociations multilatérales dans
le cadre du Conseil de coopération du Golfe, aboutissant à la signature et à la ratification de
l’Accord de Riyad de 2013 et à ses accords complémentaires de 2014, par lesquels le Qatar
s’engageait à mettre un terme aux activités illicites en cause. [Voir Accord de Riyad de 2013,
pièce justificative 3 ; Mécanisme de mise en oeuvre de l’Accord de Riyad, pièce justificative
4 ; Accord complémentaire l’Accord de Riyad, pièce justificative 5] Malgré ces engagements et
affirmations réitérés à cesser et à s’abstenir de sa conduite illicite, le Qatar a continué de soutenir le
terrorisme et de semer le trouble à l’échelle régionale, y compris dans les États défendeurs. Le
Qatar a financé des groupes terroristes tels qu’Al-Qaida, le Front Al-Nosra, l’EIIL/Daech, les
Frères musulmans, le Hezbollah et le Hamas, et soutenu des groupes extrémistes dans des pays
ravagés par la guerre tels que la Libye, la Syrie, la Somalie et le Yémen, attisant les troubles dans la
région. En outre, le Qatar continue d’abriter des terroristes connus et s’est abstenu d’arrêter, de
poursuivre ou d’extrader des personnes recherchées. Le Qatar a également omis de prendre des
mesures d’exécution contre d’importants bailleurs de fonds du terrorisme depuis l’intérieur de ses
34 Cf. Aire marine protégée des Chagos, Sentence arbitrale du 8 mars 2015 dans le différend opposant Maurice
au Royaume-Uni, CPA, Affaire nº 2011-03, paragraphe 220.
35 Mémoire déposé par l’État du Qatar à la requête B de l’État du Qatar au sujet du désaccord sur l’interprétation
et l’application de l’Accord relatif au transit des services aériens internationaux (Chicago, 1944), datée du 30 octobre
2017, paragraphe c.
36 Requête B de l’État du Qatar au sujet du désaccord sur l’interprétation et l’application de l’Accord relatif au
transit des services aériens internationaux (Chicago, 1944), datée du 30 octobre 2017, paragraphe c.
37 Requête B de l’État du Qatar au sujet du désaccord sur l’interprétation et l’application de l’Accord relatif au
transit des services aériens internationaux (Chicago, 1944), datée du 30 octobre 2017, paragraphe g.
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frontières. Ces actions et omissions du Qatar sont des violations de ses obligations juridiques à
l’égard des défendeurs et constituent des actes internationaux illicites.
47. Les Accords de Riyad, adoptés dans le cadre du Conseil de coopération du Golfe38,
contiennent une série d’engagements importants pris par le Qatar, le Royaume de Bahreïn, le
Royaume d’Arabie saoudite, l’État du Koweït, le Sultanat d’Oman et les Émirats arabes unis liés à
la sûreté et à la stabilité régionale.
48. L’Accord de Riyad de 201339 contient des engagements comprenant notamment des
initiatives prises par chaque État en ce qui concerne la cessation du soutien à des groupes qui
menacent la sûreté et la stabilité des États du Conseil de coopération du Golfe, en refusant d’abriter
des groupes menaçant les États du Conseil de coopération du Golfe ou leurs gouvernements et de
leur donner refuge, ainsi que la non-ingérence dans les affaires des autres États du Conseil de
coopération du Golfe, que ce soit directement ou indirectement. [Voir Accord de Riyad de 2013,
pièce justificative 3] Il a été signé par le Royaume d’Arabie saoudite, l’État du Koweït, le Qatar, le
Sultanat d’Oman, les Émirats arabes unis et le Royaume de Bahreïn.
49. L’Accord de Riyad de 2013 a été complété par un Mécanisme de mise en oeuvre au
printemps 2014 et par l’Accord complémentaire à l’Accord de Riyad, conclu en novembre 2014
par le Royaume d’Arabie saoudite, l’État du Koweït, le Royaume de Bahreïn, le Qatar et les
Émirats arabes unis. [Voir Mécanisme de mise en oeuvre de l’Accord de Riyad, pièce
justificative 4 ; Accord complémentaire l’Accord de Riyad, pièce justificative 5] Les
obligations en vertu de l’Accord de Riyad et du Mécanisme de mise en oeuvre de l’Accord40 ont été
intégrées à l’Accord complémentaire à l’Accord de Riyad en vertu de l’article premier de ce
dernier accord, qui dispose que «le non-respect de tout article de l’Accord de Riyad et des mesures
exécutoires constitue une violation de l’intégralité de l’Accord».
50. L’Accord relatif au mécanisme de mise en oeuvre précise une série de mesures
spécifiques à adopter par les États parties à la mise en oeuvre des engagements contenus dans les
Accords de Riyad. Ces engagements, qui illustrent dans une large mesure les obligations exposées
dans l’Accord de Riyad originel de 2013, comprennent une obligation imposant à chaque État de
prendre toutes les précautions nécessaires pour garantir la non-ingérence dans les affaires
intérieures des autres États du Conseil de coopération du Golfe et de ne pas soutenir des entités qui
présentent un risque pour le Conseil de coopération du Golfe41. L’Accord complémentaire à
l’Accord de Riyad42 réitère également et intègre expressément les obligations prises précédemment
dans l’Accord de Riyad originel de 2013 et dans l’Accord relatif au Mécanisme de mise en oeuvre.
Ensemble, ces traités sont dénommés «les Accords de Riyad» et imposent des obligations
juridiquement contraignantes à tous les États parties dans le cadre du droit international.
51. Le Qatar est également lié par d’autres obligations internationales multilatérales dans le
domaine du contre-terrorisme, y compris des obligations découlant du cadre des Nations Unies.
38 Pièce justificative 3, premier Accord de Riyad, Riyad, 23 novembre 2013 ; pièce justificative 4, Mécanisme de
mise en oeuvre de l’Accord de Riyad, Riyad, 2014 ; pièce justificative 5, Accord supplémentaire à l’Accord de Riyad,
Riyad, 16 novembre 2014.
39 Pièce justificative 3, premier Accord de Riyad, Riyad, 23 novembre 2013.
40 Pièce justificative 4, Mécanisme de mise en oeuvre de l’Accord de Riyad, Riyad, 2014.
41 Pièce justificative 4, Mécanisme de mise en oeuvre de l’Accord de Riyad, Riyad, 2014.
42 Pièce justificative 5, Accord complémentaire à l’Accord de Riyad, Riyad, 16 novembre 2014.
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16
52. Le Qatar est partie à la Convention internationale pour la répression du financement du
terrorisme (ci-après la «Convention contre le financement du terrorisme»)43, en vertu de laquelle
les États parties assument des obligations absolues d’élimination du financement de groupes
terroristes, y compris des obligations imposant l’adoption et l’application d’une législation
pénalisant la fourniture d’un soutien financier à ces groupes, ainsi que l’adoption de mécanismes
appropriés pour poursuivre, extrader, sanctionner les terroristes et saisir leurs biens44.
53. En outre, le Qatar est également lié par les obligations découlant des résolutions du
Conseil de sécurité, y compris les résolutions adoptées au titre du Chapitre VII de la Charte des
Nations Unies, imposant des obligations spécifiques en matière de contre-terrorisme. En vertu de
l’article 25 de la Charte des Nations Unies, les obligations contenues dans ces résolutions sont
contraignantes pour tous les membres des Nations Unies. Parmi les résolutions pertinentes adoptées
par le Conseil de sécurité figurent la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité45 et, plus
récemment, la résolution 2309 (2016)  «Menaces posées à la paix et à la sûreté internationales
par les actes terroristes : sûreté de l’aviation»46.
54. La résolution 1373 (2001), adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité, a été la
première résolution importante en matière de contre-terrorisme, à la suite des attaques terroristes du
11 septembre 2001 aux États-Unis. Elle a été adoptée au titre du Chapitre VII de la Charte des
Nations-Unies et impose des obligations à tous les États membres de prévenir et d’éliminer le
financement d’actes terroristes, de s’abstenir d’apporter tout type de soutien (actif ou passif) aux
entités ou personnes impliquées dans des actes terroristes, de refuser d’abriter les personnes qui
financent, planifient, soutiennent ou commettent des actes terroristes, de veiller à ce que toute
personne participant au financement, à la planification ou à la perpétration d’actes terroristes soit
portée devant la justice, et de prévenir le mouvement de terroristes ou de groupes terroristes par la
mise en oeuvre de contrôles efficaces aux frontières47.
55. Après la rupture des relations diplomatiques avec le Qatar et l’adoption des autres
mesures (y compris les fermetures de l’espace aérien mises en cause par le Qatar), les défendeurs
ont clairement indiqué qu’ils prenaient ces mesures à la suite des manquements du Qatar à ses
obligations internationales, en particulier à ses obligations de cesser de soutenir et de financer des
organisations terroristes et de s’ingérer dans les affaires intérieures de ses voisins, y compris les
obligations liées à ces questions en application des Accords de Riyad. Les défendeurs ont
également indiqué clairement que les mesures en question avaient été adoptées dans le but d’inciter
le Qatar à mettre un terme à sa conduite illicite.
56. La République arabe d’Égypte [voir Déclaration de la République arabe d’Égypte,
pièce justificative 6] a déclaré :
«Le gouvernement égyptien a décidé de cesser toute relation diplomatique avec
l’État du Qatar. Cette décision a été prise en raison de l’insistance du régime qatari à
43 Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, New York, 9 décembre 1999, 2178
RTNU 197 ; Statut de ratification de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme,
New York, 9 décembre 1999, disponible à l’adresse : https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=IND&mtdsg_no
=XVIII-11&chapter=18&lang=fr. Les États défendeurs sont tous parties à la Convention contre le financement du
terrorisme. Id.
44 Convention contre le financement du terrorisme, articles 4, 5, 6, 8 et 18.
45 Résolution 1373 (2001), 28 septembre 2001, UN doc. S/RES/1373 (2001).
46 Résolution 2309 (2016), 22 septembre 2006, UN doc. S/RES/2309 (2016).
47 Résolution 1373 (2001), 28 septembre 2001, UN doc. S/RES/1373 (2001), paragraphes 1 a)-d), 2 a)-g).
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adopter une attitude hostile à l’égard de l’Égypte et à l’échec de toutes les tentatives
de prévenir son soutien à des organisations terroristes, au sommet desquelles les
Frères musulmans. Le régime qatari a abrité ses responsables, qui ont été condamnés
pour des opérations terroristes visant la sûreté et la sécurité de l’Égypte, outre leur
promotion de la doctrine d’Al-Qaida et de l’EIIL/Daech ainsi que leur soutien à des
opérations terroristes au Sinaï. Le Qatar a continué de s’ingérer dans les affaires
intérieures de l’Égypte et des pays de la région, d’une façon qui menace la sûreté
nationale des pays arabes et renforce le sentiment de schisme et de fission au sein des
communautés arabes, conformément à des mécanismes bien planifiés ciblant l’unité
de la nation arabe et ses intérêts.»48
57. La déclaration du Royaume de Bahreïn [voir Déclaration du Royaume de Bahreïn,
pièce justificative 7] explique :
«Étant donné l’insistance du Qatar à continuer de porter atteinte à la sûreté et à
la stabilité du Royaume de Bahreïn et de s’ingérer dans ses affaires intérieures, le
contexte d’escalade, l’incitation de ses médias, son soutien à des actes terroristes et le
financement de groupes armés associés à l’Iran en vue de réaliser des attaques
subversives et de répandre le chaos dans le Royaume, en violation flagrante de tous les
accords, pactes et principes de droit international, sans égard aux valeurs, aux lois, à la
morale, aux principes de bon voisinage, aux fondements des relations du Golfe, et le
refus de respecter ses engagements antérieurs, le Royaume de Bahreïn annonce la
rupture de ses relations diplomatiques avec l’État du Qatar afin de protéger sa sûreté
nationale. [...] Le Bahreïn ferme également son espace aérien [...] au trafic aérien [...]
en provenance et à destination du Qatar dans les 24 heures suivant l’annonce de cette
déclaration.»49
58. Le Ministère des affaires étrangères des Émirats arabes unis a publié une déclaration
annonçant que des mesures, y compris la fermeture de l’espace aérien, sont prises «étant donné
l’insistance de l’État du Qatar à continuer de porter atteinte à la sûreté et à la stabilité de la région
et son omission d’honorer ses engagements et accords internationaux». [Voir Déclaration des
Émirats arabes unis, pièce justificative 9.]50 La déclaration précise :
«Les [Émirats arabes unis] prennent des mesures décisives à la suite de
l’omission par le Qatar de respecter l’Accord de Riyad et ses Accords
complémentaires de 2014 en renvoyant ses diplomates du Conseil de coopération du
Golfe à Doha, en raison de la poursuite par le Qatar du soutien, du financement et de
l’accueil de groupes terroristes, essentiellement les Frères musulmans, et de ses efforts
continus pour promouvoir les idéologies de l’EIIL/Daech et d’Al-Qaida par
l’intermédiaire de ses médias, directement et indirectement, outre la violation par le
Qatar de la déclaration publiée lors du Sommet Islamique-États-Unis tenu à Riyad le
21 mai 2017 sur la lutte contre le terrorisme dans la région et compte tenu du rôle de
l’Iran dans le financement du terrorisme. Les mesures des Émirats arabes unis sont
prises également en raison de l’accueil par les autorités qataries d’éléments terroristes
et de son ingérence dans les affaires intérieures d’autres pays, ainsi que pour son
48 Pièce justificative 6, Déclaration de la République arabe d’Égypte, disponible à l’adresse :
https://www.facebook.com/MFAEgypt/posts/1521555834583024.
49 Pièce justificative 7, Déclaration du Royaume de Bahreïn ; voir aussi «le Bahreïn rompt ses relations
diplomatiques avec le Qatar, 5 juin 2017, disponible à l’adresse : http://www.bna.bh/portal/en/news/788935.
50 Pièce justificative 9, Déclaration du ministère des Affaires étrangères des Émirats arabes unis annonçant des
mesures contre le Qatar, 5 juin 2017, disponible à l’adresse : https://www.mofaic.gov.ae/MediaHub/News/2017/6/5/05-
06-2017-UAE-Qatar.
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soutien des groupes et politiques terroristes qui sont susceptibles de pousser la région
dans une situation aux conséquences imprévisibles.»51
59. Les États défendeurs ont pris ces mesures à la suite d’un long processus de délibération
mené dans le cadre des Accords de Riyad. Ces mesures font suite à des demandes réitérées des
États défendeurs au Qatar entre 2014 et juin 2017, notamment par l’intermédiaire du comité établi
aux fins de la mise en oeuvre des Accords de Riyad, afin qu’il renonce à son soutien de longue date
à l’extrémisme et au terrorisme et à son ingérence continue dans les affaires intérieures de ses
voisins. Le Qatar a omis de répondre sérieusement à ces demandes et maintenu sa conduite en
violation des Accords de Riyad et de ses autres obligations internationales. Par exemple, il a été
largement affirmé en avril 2017 que le Qatar avait versé un milliard de dollars US comme «rançon»
à des entités affiliées à des organisations terroristes bien connues telles qu’Al-Qaida, une affaire
que la République arabe d’Égypte a portée à la connaissance du Conseil de sécurité52.
60. Indépendamment de la sensibilité des informations à la base de leur décision, le 9 juin
2017, les États défendeurs ont publié une liste conjointe de terroristes désignés et fait part de leurs
préoccupations quant à «la violation continue par les autorités de Doha de leurs engagements et
accords conclus qui comprennent un engagement à ne pas soutenir ou abriter des éléments ou
organisations qui menacent la sûreté des États53. Cette liste comprend 59 personnes et 12 entités qui
entretiennent des relations avec le Qatar54. Le 22 novembre 2017, les États défendeurs ont publié
une liste supplémentaire de terroristes désignés comprenant 11 personnes et deux entités55. Les
défendeurs, confirmant «que les autorités qataries continuent de soutenir et de financer le
terrorisme, d’encourager l’extrémisme et de répandre un discours de haine», ont réitéré leur
«engagement à consolider les efforts visant à lutter contre le terrorisme et à renforcer les
fondements de la sûreté et de la stabilité dans la région»56.
61. Parmi les personnes sanctionnées à l’échelle internationale qui continuent de résider au
Qatar figurent des individus tels que M. Khalifa Muhammad Turki Al-Subaiy, considéré par le
51 Pièce justificative 9, Déclaration du ministère des Affaires étrangères des Émirats arabes unis annonçant des
mesures contre le Qatar, 5 juin 2017, disponible à l’adresse : https://www.mofaic.gov.ae/MediaHub/News/2017/6/5/05-
06-2017-UAE-Qatar.
52 Voir pièce justificative 10, Menaces posées à la paix et à la sûreté internationales par les actes terroristes,
Conseil de sécurité des Nations Unies, 7962e réunion, S/PV.7932, 8 juin 2017, disponible à l’adresse :
https://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/PV.7962&Lang=F. Voir aussi Erika Solomon, The $1bn
hostage deal with enraged Qatar’s Gulf rivals, Financial Times, 5 juin 2017, https://www.ft.com/content/dd033082-49e9-
11e7-a3f4-c742b9791d43 ; Michelle Nichols, Egypt calls for U.N. inquiry into accusation of Qatar ransom payment,
Reuters, 9 juin 2017, https://www.reuters.com/article/us-gulf-qatar-un/egypt-calls-for-u-n-in…-
ransom-payment-idUSKBN18Z26W ; Alex Lockie, Qatar may have paid $1 billion in ransom for release of royal
family members captured while hunting with falcons, Business Insider, 5 juin 2017, https://www.businessinsider
.com/qatar-ransom-al-qaeda-iran-falconry-2017-6 ; Egypt calls for UN probe on Qatar giving terrorists $1 bln in Iraq, AL
Arabiya English, 8 juin 2017, https://english.alarabiya.net/en/News/middle-east/2017/06/08/Egypt-call…-
Qatar-giving-terrorist-groups-in-Iraq-1-billion.html.
53 Voir pièce justificative 11, Arab states release list of Qatar-supported terror financiers, Saudi Gazette, 9 juin
2017, http://saudigazette.com.sa/article/180172/Arab-states-release-list-of-Q… ; pièce
justificative 12, ‘Saudi Arabia, Egypt, UAE and Bahrain issue terror list’, 9 juin 2017.
54 Voir pièce justificative 13, Lettre du Royaume d’Arabie saoudite, de la République arabe d’Égypte, des
Émirats arabes unis et du Royaume de Bahreïn au Secrétaire général des Nations Unies, UN/SG/Qatar/257, 16 juin 2017.
55 Voir pièce justificative 14, Émirats arabes unis, ministère des Affaires étrangères et de la Coopération
internationale, «Anti-terror quartet adds two entities, 11 individuals to terrorism lists», 23 novembre 2017. Voir aussi,
Arab states blacklist Islamist groups, individuals in Qatar boycott, Reuters, 22 novembre 2017,
https://www.reuters.com/article/us-gulf-qatar-security/arab-states-blac….
56 Id.
- 30 -
19
Comité des sanctions contre Daech et Al-Qaida, créé par le Conseil de sécurité des Nations Unies,
comme un «bailleur de fonds et un facilitateur du terrorisme qui a soutenu financièrement les
dirigeants d’Al-Qaida et agi en leur nom». Le Qatar l’a libéré de prison après six mois seulement, à
la suite de quoi il a immédiatement repris ses activités, y compris l’organisation du financement
d’Al-Qaida ; il figure aujourd’hui encore sur la liste des sanctions des Nations Unies contre les
terroristes57. De même, selon le Comité des sanctions contre Daech et Al-Qaida, Abd Al-Rahman
al-Nuaimi, un citoyen et résident qatari, «a facilité un soutien financier considérable à Al-Qaida en
Irak (AQI) (QDe.115), et a servi d’interlocuteur entre les dirigeants d’AQI et les bailleurs de fonds
situés au Qatar»58. Un conseiller de premier plan du gouvernement du Qatar, Al-Nuaimi, a
conseillé la famille royale du Qatar au sujet d’un don de bienfaisance, alors qu’il était
publiquement dénoncé comme une personne ayant financé secrètement Al-Qaida59.
62 Les États défendeurs ne sont pas les seuls à reconnaître le risque que représente le Qatar
dans la région. Le précédent Secrétaire adjoint au Trésor chargé du financement du terrorisme et de
la criminalité financière (États-Unis), par exemple, a qualifié le Qatar de «juridiction permissive»
pour le financement du terrorisme60 [voir Département du Trésor des États-Unis, pièce
justificative 19], et un certain nombre d’individus figurant sur la liste conjointe des États
défendeurs de terroristes interdits sont ou ont été désignés comme terroristes par l’Australie61, le
Canada62, la Nouvelle-Zélande63, le Royaume-Uni64 et les États-Unis65. En outre, la majorité de ces
57 Pièce justificative 15, Compte rendu sommaire : QDi.253 Khalifa Muhammad Turki Al-Subaiy, Liste relative
aux sanctions publiée par le Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999), 1989 (2011) et 2253
(2015) concernant l’EIIL (Daech), Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés,
dernière mise à jour le 3 février 2016, https://www.un.org/securitycouncil/fr/sanctions/1267/aq_sanctions_
list/summaries/individual/khalifa-muhammad-turki-al-subaiy.
58 Pièce justificative 16, Compte rendu sommaire : QDi.334 Abd al-Rahman bin ‘Umayr al-Nu’aymi, Liste
relative aux sanctions publiée par le Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999), 1989 (2011)
et 2253 (2015) concernant l’EIIL (Daech), Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont
associés, dernière mise à jour le 13 mai 2016, https://www.un.org/securitycouncil/fr/sanctions/1267/aq_sanctions
_list/summaries/individual/%27abd-al-rahman-bin-%27umayr-al-nu%27aymi.
59 Pièce justificative 17, Joby Wanick & Tik Root, Islamic Charity Officials Gave Millions to Al-Qaeda, U.S.
Says, Washington Post, 22 décembre 2013, https://www.washingtonpost.com/world/national-security/islamic-charityo…-
gave-millions-to-al-qaeda-us-says/2013/12/22/e0c53ad6-69b8-11e3-a0b9-249bbb34602c_story.html. Selon le
Secrétaire adjoint au Trésor chargé du financement du terrorisme et de la criminalité financière (États-Unis), David
Cohen, tant Al-Subaiy que Al-Nuaimi ont vécu librement au Qatar jusqu’en 2014. Pièce justificative 18, Joyce Karam,
Terror designation lists highlight Qatar’s failure to tackle extremist funding, The National, 13 juillet 2017,
https://www.thenational.ae/world/the-americas/terror-designation-lists-…-
1.582320 ; Robert Mendick, Terror financiers are living freely in Qatar, US discloses, The Telegraph, 16
novembre 2014, https://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/islamic-state/11233407/Terro…-
in-Qatar-US-discloses.html.
60 Pièce justificative 19, remarques du Secrétaire adjoint au Trésor chargé du financement du terrorisme et de la
criminalité financière (États-Unis), David Cohen, au Center for a New American Security - «Confronting New Threats in
Terrorist Financing» [Faire face aux nouvelles menaces dans le financement du terrorisme, 3 avril 2014,
https://www.treasury.gov/press-center/press-releases/Pages/jl2308.aspx.
61 Gouvernement australien, ministère des Affaires étrangères et du Commerce, https://dfat.gov.au/internationalrelations/
security/sanctions/pages/consolidated-list.aspx.
62 Canada, Bureau du surintendant des institutions financières, Financement de la lutte contre le terrorisme,
http://www.osfi-bsif.gc.ca/eng/fi-if/amlc-clrpc/atf-fat/Pages/default.a….
63 Police néo-zélandaise, Listes associées aux résolutions 1267/1989/2253 et 1988,
https://www.police.govt.nz/advice/personal-community/counterterrorism/d…-
1267-1989-2253-1988.
64 Royaume-Uni, Bureau pour la mise en oeuvre des sanctions financières, cibles des sanctions financières : liste
de toutes les cibles de gel des avoirs, https://www.gov.uk/government/publications/financial-sanctions-consolid…-
targets/consolidated-list-of-targets.
- 31 -
20
individus désignés par les États défendeurs, l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le
Royaume-Uni et les États-Unis figurent également sur la liste du Comité des sanctions du Conseil
de sécurité des Nations-Unies contre Daech et Al-Qaida66.
63. Les défendeurs ont systématiquement déclaré que les mesures prises contre le Qatar, y
compris la fermeture de leurs espaces aériens aux aéronefs immatriculés au Qatar, avaient été
prises à la suite de la violation par le Qatar de ses obligations internationales et afin de l’inciter à
mettre un terme à sa conduite illicite.
64. Lors de la réunion du Conseil du 31 juillet 2017 [voir Procès-verbal sommaire, pièce
justificative 22], les défendeurs ont clairement indiqué collectivement que la fermeture de leurs
espaces aériens respectifs aux aéronefs immatriculés au Qatar étaient des mesures légitimes,
autorisées par le droit international. Le représentant des Émirats arabes unis, parlant au nom de la
République arabe d’Égypte, le Royaume de Bahreïn et le Royaume d’Arabie saoudite, a déclaré :
«Nos quatre États maintiennent que ces fermetures de l’espace aérien
constituent une réponse légitime, justifiée et proportionnée aux actions du Qatar et
qu’elles sont autorisées par le droit international.»67
C. Le Conseil n’a pas compétence pour résoudre les plaintes du Qatar car cela supposerait
que le Conseil statue sur la violation ou non par le Qatar de ses obligations
en vertu du droit international
65. Étant donné que les mesures des défendeurs dont le Qatar se plaint devraient être
évaluées comme des contre-mesures en vertu du droit international coutumier, s’agissant d’une
détermination qui s’étend au-delà des limites de «l’interprétation et [de] l’application [de l’]Accord
[de transit]», au sens de l’article II, section 2, le Conseil n’a pas compétence pour statuer sur les
plaintes soumises par le Qatar.
66. La résolution des plaintes déposées par le Qatar requerrait nécessairement que le Conseil
établisse les points faisant parties du différend plus large entre les parties. En particulier, la réponse
à la question de savoir si tout manquement des défendeurs à leurs obligations en vertu de l’Accord
de transit résultant des mesures adoptées par les défendeurs était justifié comme des contre-mesures
légitimes, de sorte que l’illicéité était par définition exclue, exigerait du Conseil qu’il détermine
notamment si le Qatar avait manqué à ses obligations pertinentes en matière de contre-terrorisme et
à ses engagements de ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures de ses voisins.
67. Comme il a été noté précédemment, le Qatar admet qu’il existe des questions plus larges
au coeur du présent différend, indiquant dans sa requête que les défendeurs «ont lancé un ultimatum
65 Pièce justificative 20, Bureau de contrôle des avoirs étrangers du Département du Trésor, Liste des
ressortissants spécialement désignés et des personnes interdites, 20 février 2018, https://www.treasury.gov/
ofac/downloads/sdnlist.pdf.
66 Pièce justificative 21, Liste établie et maintenue en vertu de la résolution1267/1989/2253 du Conseil de
sécurité, 22 février 2018, https://scsanctions.un.org/fop/fop?xml=htdocs/resources/xml/en/consolid…
htdocs/resources/xsl/fr/al-qaida.xsl.
67 Voir pièce justificative 22, Procès-verbal sommaire de la session extraordinaire du Conseil, 31 juillet 2017
Doc. OACI C WP/14640 (Restreint), paragraphe 32.
- 32 -
21
à l’État du Qatar sur des questions sans lien aucun avec la navigation aérienne et le transport
aérien»68.
68. Étant donné sa juridiction limitée et spécialisée en vertu de l’Accord de transit, le Conseil
n’a pas compétence pour statuer sur ces questions plus larges entre les parties.
69. L’extension du rôle du Conseil afin de lui permettre d’examiner la validité des
contre-mesures adoptées pour un tout autre différend, relatif à la subversion et au terrorisme,
impliquerait de passer outre à l’attribution soigneuse des responsabilités au sein du système des
Nations Unies, en ce qui concerne notamment ses agences spécialisées. Manifestement, le différend
entre les parties, dont le centre de gravité réside en dehors du contexte de l’aviation civile, n’est pas
une question qui puisse être tranchée par une agence spécialisée dans l’aviation civile seulement, et
le différend sort largement du champ d’application de l’article II, section 2, de l’Accord de transit.
70. Comme indiqué ci-dessus, la compétence du Conseil est limitée, en vertu de l’article II,
section 2, de l’Accord de transit, aux différends concernant «l’application ou l’interprétation» dudit
accord. La raison en est simple. Le Conseil, constitué de spécialistes de l’aviation, dispose d’une
expertise considérable dans les aspects techniques de l’aviation consacrés par la Convention de
Chicago et l’Accord de transit, mais n’est ni approprié ni qualifié pour traiter des différends
concernant l’ingérence, la violation de la souveraineté, la subversion et le terrorisme. Cela
s’applique a fortiori en l’espèce, où le «véritable problème» dans le différend entre les parties
requiert un examen juridique d’une situation de vaste portée totalement indépendante de l’aviation
civile.
71. En outre, le rôle de l’OACI comme institution spécialisée confirme s’il en était besoin
que la procédure au titre de l’article II, section 2, de l’Accord de transit doit être limitée aux
questions relatives à l’aviation civile69. Si une institution spécialisée pouvait connaître d’un large
différend dont les principaux ressorts dépassent manifestement les limites de son mandat, elle ne
rendrait pas service aux parties en statuant sur le différend en dehors de ses propres critères. C’est
là en effet ce que la doctrine du «véritable problème» reconnaît, à savoir que la qualification
correcte doit faire l’objet d’une évaluation objective, afin de ne pas morceler artificiellement le
différend pour répondre aux intérêts tactiques de la partie plaignante.
72. En conséquence, le Conseil n’a pas compétence pour statuer sur des questions liées au
manquement ou non par le Qatar à ses autres obligations internationales en vertu du droit
international, en particulier à ses obligations en vertu de la Convention contre le financement du
terrorisme, des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité relatives au contre-terrorisme et des
Accords de Riyad.
73. Le Conseil n’est par conséquent pas en mesure de statuer sur la question centrale qui
sépare les parties sur le fond du différend. En conséquence, il ne peut connaître de la requête du
Qatar.
68 Requête B de l’État du Qatar au sujet du désaccord sur l’interprétation et l’application de l’Accord relatif au
transit des services aériens internationaux (Chicago, 1944), datée du 30 octobre 2017, paragraphe g.
69 Voir D. Akande, ‘The Competence of International Organizations and the Advisory Jurisdiction of the ICJ’
(1998) 9 European Journal of International Law p. 437, p. 451 : «La [Cour internationale de justice] semblait affirmer
que les actions spécialisées devraient limiter leur attention aux aspects techniques et fonctionnels».
- 33 -
22
D. Conclusion
74. Comme l’a reconnu le Conseil lors de sa session extraordinaire le 31 juillet 2017, il
existe des questions plus larges et vastes à la base de ce désaccord, qui doivent être abordées dans
un cadre approprié et non technique. En effet, le «véritable problème» entre les parties implique
nécessairement ces questions plus larges, qui constituent le fond même du différend entre elles.
Étant donné que le Conseil n’a pas compétence pour régler les questions juridiques plus vastes sur
lesquelles il devrait nécessairement statuer afin de régler le désaccord lié à l’Accord de transit
soulevé dans la requête et le mémoire, le Conseil n’a pas compétence pour statuer sur les plaintes
du Qatar. En revanche, il devrait renoncer à examiner les plaintes du Qatar au motif qu’elles sont
irrecevables.
VI. LE QATAR N’A PAS SATISFAIT AUX EXIGENCES DE PROCÉDURE EN VERTU
DE L’ACCORD DE TRANSIT ET DU RÈGLEMENT
75. L’article II, section 2, de l’Accord de transit dispose que seul un désaccord qui «ne peut
être réglé par voie de négociation» peut être soumis au Conseil. Il est par conséquent indispensable
que le demandeur montre qu’il a tenté de mener des négociations avant de soumettre l’affaire au
Conseil, ce qui constitue par conséquent une condition préalable de la juridiction du Conseil.
76. Cette exigence est mise en évidence à l’article 2, alinéa g) du Règlement, qui dispose
qu’une requête et un mémoire doivent comprendre «[une] déclaration attestant que des
négociations ont eu lieu entre les parties pour régler le désaccord, mais qu’elles n’ont pas abouti».
L’objet du règlement consiste à établir les exigences de procédure qui doivent être satisfaites afin
d’engager une procédure au titre de l’article II, section 2, de l’Accord de transit devant le Conseil.
77. La requête B et le mémoire du Qatar ne répondent pas à ces exigences. La requête et le
mémoire reconnaissent explicitement qu’aucune tentative de négociation n’a été entreprise en ce
qui concerne les désaccords ou différends présentés dans la requête avant sa soumission au
Conseil70. À la suite de l’omission par le Qatar de répondre à cette condition préalable et de son
omission de satisfaire à l’exigence de procédure à l’article 2, alinéa g), le Conseil n’a pas
compétence pour connaître de la requête du Qatar.
78. En revanche, le Conseil devrait déclarer irrecevable la requête du Qatar. Comme il a été
examiné dans la section IV ci-dessus, le Conseil peut renoncer à exercer sa juridiction sur la base
de motifs qui affectent la possibilité ou le bien-fondé de sa décision sur les plaintes qui lui sont
soumises à un moment particulier.
79. L’allégation intéressée du Qatar quant à la prétendue «futilité» des négociations est
dénuée de toute substance. Comme partie établissant la compétence, il incombe au Qatar de
montrer qu’il a satisfait aux conditions juridictionnelles préalables, notamment en démontrant qu’il
a (à tout le moins) sincèrement tenté d’engager des négociations. Comme l’a jugé le tribunal
arbitral dans son arrêt Murphy c. Équateur «pour déterminer si les négociations aboutiraient ou
non, les parties doivent d’abord les entamer» ; et, conformément à cet arrêt, il n’appartient pas à
une partie d’évoquer unilatéralement la futilité sans avoir d’abord cherché à entamer des
négociations71. Comme le Qatar le reconnaît lui-même, il a omis d’engager ces négociations. Le
70 Voir paragraphes 104-105 ci-dessous.
71 Murphy Exploration and Production Company International c. République d’Équateur, ICSID Affaire
nº ARB/08/4, Sentence concernant la juridiction, du 15 décembre 2010, paragraphe 135.
- 34 -
23
Qatar n’a pas tenté d’engager des négociations afin d’éviter de devoir aborder les véritables
questions au coeur du différend avec les défendeurs. Il est évident que, le Qatar n’ayant pris aucune
initiative en ce sens à ce jour, la question de l’issue de ces négociations reste complètement
hypothétique.
80. Même si le Qatar proposait aujourd’hui des négociations, il serait trop tard pour remédier
aux défauts de sa requête, car la condition préalable des négociations doit être satisfaite avant la
soumission du désaccord au Conseil72.
A. L’échec de négociations antérieures constitue une condition préalable
de la compétence du Conseil
81. Comme il a été indiqué précédemment, l’article II, section 2, de l’Accord de transit
énonce à cet égard :
«Si un désaccord entre deux ou plusieurs États contractants sur l’interprétation
ou l’application du présent Accord ne peut être réglé par voie de négociation, les
dispositions du chapitre XVIII de la convention précitée [à savoir les articles 84 à 88
de la convention de Chicago] seront appliquées de la manière prévue audit chapitre
pour le cas de désaccord sur l’interprétation ou l’application de ladite convention.»
[soulignement ajouté]
82. Selon les termes explicites de la disposition juridictionnelle, un désaccord entre deux ou
plusieurs États contractants sur l’interprétation ou l’application de l’Accord de transit ne peut être
soumis au Conseil que si le désaccord «ne peut être réglé par voie de négociation». Ainsi,
l’existence de négociations avant la soumission par les parties de l’objet du désaccord au conseil
constitue une condition préalable essentielle de la juridiction, qui doit être satisfaite avant que le
Conseil n’ait compétence pour statuer sur l’affaire.
83. Les exigences similaires dans les clauses juridictionnelles ou compromissoires énoncées
dans les traités, imposant à un État partie de tenter de mener des négociations avant de soumettre le
règlement d’un différend à un organe judiciaire, sont très répandues dans la pratique. Ces clauses
reflètent des principes fondamentaux et des objectifs politiques importants, notamment que
(comme le reconnaît l’article 33 de la Charte des Nations Unies) la négociation constitue la
principale forme de règlement des différends entre États. Comme l’a souligné la CIJ dans une
affaire concernant une clause ayant un effet équivalent à l’article II, section 2, de l’Accord de
transit :
«Il n’est pas inhabituel dans les clauses compromissoires conférant la
juridiction à la Cour et à d’autres juridictions internationales d’évoquer le recours aux
négociations. Ce recours remplit trois fonctions différentes.
Premièrement, il indique à l’État défendeur qu’un différend existe et délimite la
portée et l’objet du différend. [...]
Deuxièmement, il encourage les parties à tenter de régler leur différend par
accord mutuel, évitant ainsi le recours à la décision contraignante d’un tiers.
72 Voir paragraphe 27 ci-dessus.
- 35 -
24
Troisièmement, le recours préalable aux négociations ou à d’autres méthodes de
règlement pacifique des différends exerce une fonction importante en indiquant la
limite du consentement donné par les États.»73
84. Comme il ressort clairement de la troisième considération soulignée par la Cour, et déjà
notée précédemment, l’exigence dans une clause relative au règlement des différends dans un traité
selon laquelle seul peut être soumis un différend qui «ne peut être réglé par voie de négociation»,
ou une autre formulation similaire, constitue une limite au consentement des États parties. En tant
que telle, la satisfaction de cette condition constitue une condition préalable à l’existence de la
juridiction, plutôt que de concerner simplement la recevabilité d’une plainte74.
85. À cet égard, la CIJ a systématiquement interprété les dispositions juridictionnelles ou les
clauses compromissoires selon lesquelles un différend «ne peut être réglé que par voie de
négociation» ou «n’est pas réglé par voie de négociation», comme établissant une limite au
consentement des États parties, de sorte que la satisfaction à cette condition constitue une condition
préalable à l’existence de la juridiction.
86. Dans l’affaire Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination raciale, la clause juridictionnelle en cause était celle de l’article 22 de la
Convention (CERD), qui dispose ce qui suit :
«Tout différend entre deux ou plusieurs États parties touchant l’interprétation
ou l’application de la présente Convention qui n’aura pas été réglé par voie de
négociation ou au moyen des procédures expressément prévues par ladite Convention
sera porté, à la requête de toute partie au différend, devant la Cour internationale de
Justice pour qu’elle statue à son sujet, à moins que les parties au différend ne
conviennent d’un autre mode de règlement». [soulignement ajouté]
87. Après examen de sa jurisprudence relative aux clauses juridictionnelles contenant une
formulation similaire, la Cour a conclu que :
«dans leur sens ordinaire, les termes de l’article 22 de la Convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale [...] établissent des
conditions préalables qui doivent être remplies avant la saisine de la Cour»75.
88. De manière similaire, dans Obligation d’extrader ou de poursuivre, la question relative à
la disposition juridictionnelle était contenue dans l’article 30, paragraphe 1, de la Convention des
Nations Unies contre la torture. Cette disposition, comme l’article II, section 2, de l’Accord de
transit, exige que, pour que la Cour puisse connaître d’un différend, celui-ci doit être un différend
qui «ne peut pas être réglé par voie de négociation». L’article 30, paragraphe 1, de la Convention
contre la torture dispose que :
73 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), Exceptions préliminaires, Recueil de la CIJ 2011, p. 70, pp. 124-125, paragraphe 131.
74 Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du
Congo c. Rwanda), Compétence de la Cour et recevabilité de la requête 65.
75 Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), Exceptions préliminaires, Recueil de la CIJ 2011, p. 70, p. 128, paragraphe 141.
- 36 -
25
«Tout différend entre deux ou plus des États parties concernant l’interprétation
ou l’application de la présente Convention qui ne peut pas être réglé par voie de
négociation est soumis à l’arbitrage à la demande de l’un d’entre eux. Si, dans les six
mois qui suivent la date de la demande d’arbitrage, les parties ne parviennent pas à se
mettre d’accord sur l’organisation de l’arbitrage, l’une quelconque d’entre elles peut
soumettre le différend à la Cour internationale de Justice en déposant une requête
conformément au Statut de la Cour».
89. Comme dans Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination raciale, dans Obligation d’extrader ou de poursuivre, la Cour a estimé
que l’exigence de l’article 30, paragraphe 1, selon laquelle le différend «ne peut pas être réglé par
voie de négociation» constituait une condition préalable de sa juridiction. Après avoir conclu qu’il
existait un «différend» entre les parties, la Cour a décidé qu’il lui fallait rechercher :
«les autres conditions qui doivent être réunies pour qu’elle ait compétence au titre du
paragraphe 1 de l’article 30 de la Convention contre la torture [...]. Il s’agit de
l’impossibilité de régler le différend par voie de négociation et de l’impossibilité pour
les parties, après que l’une d’entre elles a formulé une demande d’arbitrage, de se
mettre d’accord sur l’organisation d’une telle procédure dans les six mois qui suivent
la date de ladite demande.»76 [soulignement ajouté]
90. En conséquence, l’exigence de l’article II, section 2, de l’Accord de transit selon laquelle
le différend est tel qu’il «ne peut être réglé par voie de négociation» établit également une
condition préalable à l’exercice de la compétence du Conseil (et par ailleurs à la propre saisine du
Conseil par le demandeur).
91. En outre, tant en ce qui concerne le sens ordinaire des mots que la question de l’autorité
préalable, l’exigence selon laquelle un désaccord ou un différend «ne peut être réglé par voie de
négociation» implique nécessairement qu’il devait y avoir eu une «tentative sincère» de régler le
désaccord ou le différend par voie de négociation avant de le soumettre au Conseil77.
92. Ainsi, dans son arrêt dans l’affaire Application de la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale sur les exceptions préliminaires
soulevées par la Fédération de Russie, la Cour a relevé que :
«Manifestement, dès lors qu’aucun élément ne démontre qu’une véritable
tentative de négocier a eu lieu, il ne saurait être satisfait à la condition préalable de
négociation. Néanmoins, lorsqu’il y a tentative ou début de négociations, la
jurisprudence de la présente Cour et celle de la Cour permanente de Justice
internationale indiquent clairement qu’il n’est satisfait à la condition préalable de tenir
76 Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), recueil de la CIJ 20I2,
p. 422, p. 445, paragraphe 56.
77 Cf. Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), Mesures conservatoires, Ordonnance du 15 octobre 2008, Recueil de la CIJ 2008,
p. 353, p. 388, paragraphe 114.
- 37 -
26
des négociations que lorsque celles-ci ont échoué, sont devenues inutiles ou ont abouti
à une impasse»78. [soulignement ajouté]
93. L’exigence selon laquelle il devrait exister une «véritable tentative de négocier» requiert
également, nécessairement, que des tentatives de négociation aient en fait été réalisées. Par
exemple, dans Obligation d’extrader ou de poursuivre, après avoir cité des extraits de sa décision
de l’arrêt rendu dans l’affaire Application de la Convention internationale sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination raciale, reproduits aux paragraphes 92 ci-dessus et 95
ci-dessous, la Cour notait que :
«L’exigence selon laquelle le différend “ne peut être réglé par voie de
négociation” ne pouvait pas être interprété comme faisant référence à une
impossibilité théorique d’aboutir à un règlement. Cela implique plutôt que, comme la
Cour le faisait observer pour une disposition formulée de manière similaire, «qu’il
n’existe pas de probabilité raisonnable que d’autres négociations déboucheraient sur
un règlement», Affaires du Sud-ouest africain (Éthiopie c. Afrique du Sud ; Libéria
c. Afrique du Sud), Exceptions préliminaires, Arrêt, Recueil 1962 de la CIJ, p. 345)»79
[soulignement ajouté].
94. En outre, l’article II, section 2, de l’Accord de transit exige que des négociations soient
tentées en vue de «régler» le désaccord. Ainsi, selon des termes clairs, cette disposition impose à la
partie plaignante une obligation concrète de tenter de mener des négociations en vue de régler le
différend avant de le soumettre au Conseil.
95. Dans l’affaire Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination raciale, la CIJ a également fourni des orientations quant aux
caractéristiques des négociations aux fins de la «condition préalable de négociation» prévue à
l’article 22 de la CERD. Elle expliquait :
«En déterminant en quoi constituent les négociations, la Cour relève que les
négociations se distinguent des simples protestations ou contestations. Les
négociations impliquent davantage que la simple opposition de points de vue
juridiques ou d’intérêts entre deux parties ou l’existence d’une série d’accusations et
de réfutations, voire l’échange de revendications et de contre- revendications. En tant
que tel, le concept de «négociations» diffère du concept de «différend» et requiert,
tout au moins, une tentative sincère par l’une des parties au différend de participer à
78 Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), Exceptions préliminaires, Recueil de la CIJ 2011, p. 70, p. 133, paragraphe 159 ; voir
aussi Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), recueil de la CIJ 20I2,
p. 422, p. 445-446, paragraphe 57 ; Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), Mesures conservatoires, Ordonnance du 19 avril 2017,
paragraphe 43.
79 Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), recueil de la CIJ 20I2,
p. 422, p. 446, paragraphe 57.
- 38 -
27
des discussions avec l’autre partie au différend, en vue de résoudre celui-ci»80.
[soulignement ajouté]
96. Comme l’a également indiqué clairement la CIJ, afin de satisfaire à la «condition
préalable de négociation», les négociations doivent au moins avoir été tentées, doivent concerner
directement le désaccord entre les deux États soumis à l’arbitrage et doivent en particulier avoir
examiné (ou à tout le moins avoir tenté d’examiner) la question spécifique de l’interprétation ou de
l’application du traité qui suscite le différend entre les parties. Comme l’a expliqué la CIJ dans
l’affaire Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale, en ce qui concerne l’article 22 de la CERD :
«[…] pour que soit remplie la condition préalable de négociation prévue par cette
clause, ladite négociation doit porter sur l’objet de l’instrument qui la renferme. En
d’autres termes, elle doit concerner l’objet du différend, qui doit lui-même se rapporter
aux obligations de fond prévues par l’instrument en question»81.
97. Dans cette affaire, des négociations préalables s’étaient tenues entre les parties, mais pas
sur la question visée par la CERD. La Cour a jugé que ces négociations ne suffisaient pas pour
constituer des négociations aux fins de la convention. A fortiori, une omission complète de même
tenter d’engager des négociations ne saurait satisfaire à la condition préalable prévue par la
Convention de Chicago.
98. Les propres décisions antérieures du Conseil reconnaissent qu’une tentative d’entamer
des négociations constitue une condition préalable à l’existence de sa juridiction et que toute
omission de satisfaire à cette condition préalable est une question qui peut à juste titre être soulevée
au moyen d’une exception préliminaire et qui aura une incidence sur sa compétence. Par exemple,
dans États-Unis c. 15 États européens, le Conseil, en rejetant l’exception préliminaire des États
défendeurs au motif d’une inadéquation présumée des négociations, a jugé que :
«les négociations entre les parties, qui se sont tenues sur une période de trois ans à
différents niveaux, ont été adéquates et suffisantes pour satisfaire aux exigences de
l’article 84 de la Convention relative à l’aviation civile internationale»82.
99. En outre, les exigences de l’article II, section 2, de l’Accord de transit sont indiquées
comme une exigence de procédure à l’article 2, alinéa g) du Règlement. Conformément à l’article
2, alinéa g), une requête et un mémoire doivent comprendre «une déclaration attestant que des
négociations ont eu lieu entre les parties pour régler le désaccord, mais qu’elles n’ont pas abouti».
80 Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), Exceptions préliminaires, Recueil de la CIJ 2011, p. 70, p. 132, paragraphe 57 ; voir
aussi Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), recueil de la CIJ 20I2, p.422,
p. 446, paragraphe 57 ; Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), Mesures conservatoires, Ordonnance du 19 avril 2017,
paragraphe 43.
81 Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), Exceptions préliminaires, Recueil de la CIJ 2011, p. 70, p. 133, paragraphe 161 ;
Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie
c. Fédération de Russie), Mesures conservatoires, Ordonnance du 19 avril 2017, paragraphe 43.
82 Décision du Conseil de l’OACI sur l’exception préliminaire dans l’affaire «États-Unis et 15 États européens
(2000)», 16 novembre 2000.
- 39 -
28
100. L’article 2, alinéa g) exige du demandeur qu’il affirme que des négociations ont eu lieu.
Une déclaration reconnaissant que des négociations n’ont simplement pas été tentées ne peut
satisfaire à l’exigence de procédure de l’article 2, alinéa g), car une telle reconnaissance ne
constitue tout simplement pas «[une] déclaration attestant que des négociations ont eu lieu entre les
parties pour régler le désaccord, mais qu’elles n’ont pas abouti». Une telle déclaration constitue
plutôt une reconnaissance de la situation contraire, à savoir que des négociations en vue de régler le
désaccord n’ont pas eu lieu entre les parties.
B. Le Qatar n’a pas rempli la condition préalable de négociations
101. Comme il a été mentionné dans la section précédente, l’article II, section 2, de l’Accord
de transit impose au demandeur de tenter sincèrement de résoudre le désaccord par l’intermédiaire
de négociations comme condition préalable à l’existence de la juridiction du Conseil.
102. Le Conseil lui-même a demandé la tenue de négociations entre les parties lors de sa
session extraordinaire du 31 juillet 2017. En dépit de la décision du Conseil, le demandeur n’a pas
engagé ces négociations.
103. Le Qatar n’a pas tenté d’entamer des négociations au sujet de la question visée par les
désaccords qu’il était censé soumettre au Conseil. En conséquence, il n’a pas satisfait à la condition
nécessaire de négociations préalables prévue à l’article II, section 2, de l’Accord de transit, avec
pour conséquence que le Conseil se trouve dépourvu de compétence. Pour des raisons similaires, le
Qatar n’a pas non plus satisfait à l’exigence de procédure de l’article 2, alinéa g) du Règlement
d’inclure, dans sa requête B et son mémoire, une déclaration selon laquelle des négociations visant
à régler le désaccord avaient eu lieu entre les parties mais n’avaient pas abouti.
104. Étant donné que le Qatar n’a même pas tenté d’entamer des négociations, la question de
savoir si ces négociations auraient pu ou non régler le désaccord ne se pose pas en l’espèce.
105. Dans son mémoire accompagnant la requête B, le Qatar affirme les éléments suivants
sous le titre «Une déclaration de tentative de négociations» :
«Les défendeurs n’ont donné aucune occasion d’entreprendre des négociations
relativement aux aspects aéronautiques des mesures hostiles qu’ils ont prises à
l’encontre de l’État du Qatar. À maintes reprises, ils ont lancé un ultimatum à l’État du
Qatar sur des questions sans lien aucun avec la navigation aérienne et le transport
aérien. Les dernières communications ont été échangées au cours de conférences
téléphoniques avec des fonctionnaires des défendeurs les 5 et 6 juin 2017 qui n’ont
permis aucun rapprochement. En fait, la crise s’est envenimée graduellement lorsque
les défendeurs ont déclaré que tous les ressortissants et résidents d’origine qatarienne
sur leurs territoires étaient «indésirables» (persona non grata) et leur ont ordonné de
quitter les territoires des défendeurs dans un délai de 14 jours. La rupture des relations
diplomatiques rend futile tout effort de négociation»83.
106. Par sa déclaration claire et sincère, le Qatar n’a pas satisfait à la condition
juridictionnelle de négociations préalables en vertu l’article II, section 2, de l’Accord de transit. Le
83 Mémoire déposé par l’État du Qatar à la requête B de l’État du Qatar au sujet du désaccord sur l’interprétation
et l’application de l’Accord relatif au transit des services aériens internationaux (Chicago, 1944), datée du 30 octobre
2017, paragraphe g.
- 40 -
29
Qatar ajoute en outre que des négociations auraient été futiles. Il s’agit là d’une déclaration
intéressée. Une telle allégation du Qatar ne peut être examinée sans qu’il ait à tout le moins tenté
d’entamer des négociations.
107. Toutefois, le Qatar ne mentionne aucune tentative de sa part de demander la tenue de
négociations conformément à l’article II, section 2, de l’Accord de transit et n’a fourni aucune
preuve d’aucune sorte qu’il avait tenté d’engager de telles négociations.
108. La mention par le Qatar dans son mémoire selon laquelle «des communications ont été
échangées au cours de conférences téléphoniques avec des fonctionnaires des défendeurs les 5 et
6 juin 2017 qui n’ont permis aucun rapprochement» ne satisfait pas à la condition préalable de
négociations pour les motifs suivants :
a) Comme indiqué au paragraphe 94 ci-dessus, l’article II, section 2, de l’Accord de transit
requiert que les négociations portent sur les questions juridiques de l’interprétation et de
l’application séparant les parties. Le Qatar évoque une conférence téléphonique avec des
fonctionnaires des défendeurs les 5 et 6 juin 2017, mais ne désigne pas les fonctionnaires
concernés ou l’objet ou le contenu de la prétendue conférence téléphonique. Il incombe au
Qatar de montrer que la conférence téléphonique a constitué des négociations et examiné les
questions qui fondent les plaintes du Qatar liées au désaccord entre les États contractants
soulevées par le Qatar dans sa requête et son mémoire. Le Qatar n’a pas satisfait à cette charge.
Les défendeurs n’ont pas connaissance de conférences téléphoniques entre les défendeurs et le
Qatar les 5 ou 6 juin 2017. Les défendeurs ont connaissance d’un appel d’ordre technique
réalisé le 13 juin 2017, dans lequel des précisions ont été apportées par l’ATC des Émirats
arabes unis à l’ATC du Qatar sur l’étendue territoriale des NOTAM émis par les Émirats arabes
unis. [Voir Transcription des conversations téléphoniques, pièce justificative 23] L’appel
téléphonique d’ordre technique réalisé le 13 juin 2017 ne répond pas aux critères d’une
tentative de «négociation» et, par conséquent, ne satisfait pas à l’exigence de l’article II,
section 2.
b) En outre, la «conférence téléphonique avec des fonctionnaires les 5 et 6 juin 2017» que le Qatar
évoque84 ne serait ni «adéquate» ni «suffisante» aux fins de la condition de négociations
préalables en vertu de l’Accord de transit. Un tel appel, à supposer qu’il ait même existé,
contrasterait fortement avec les discussions et négociations extrêmement longues, s’étendant sur
une période de trois ans, qui se sont tenues dans le cadre du différend entre les États-Unis et les
quinze États européens. Si, dans cette affaire, le Conseil a constaté que «les négociations entre
les parties, qui se sont tenues sur une période de trois ans à différents niveaux, ont été adéquates
et suffisantes pour satisfaire aux exigences de l’article 84 de la Convention relative à l’aviation
civile internationale»85, l’appel décrit par le Qatar, même s’il a eu lieu, ne concernerait que deux
jours, et le Qatar n’affirme pas que cet appel portait sur des négociations.
109. Le Conseil devrait également rejeter la tentative du Qatar d’éviter l’exigence de
négociations préalables lorsqu’il affirme que ces négociations auraient été futiles. Cet argument
devrait être rejeté pour les motifs suivants :
a) Premièrement, la déclaration du Qatar selon laquelle «[…] la rupture des relations
diplomatiques rend futile tout nouvel effort de négociation» [soulignement ajouté] est
trompeuse. Le Qatar n’a consenti aucun effort pour entamer des négociations.
84 Voir id.
85 Décision du Conseil de l’OACI sur les exceptions préliminaires dans l’instance «États-Unis et 15 États
européens (2000)», 16 novembre 2000.
- 41 -
30
b) Deuxièmement, la tentative du Qatar de justifier son omission d’engager des négociations au
motif de la rupture des relations diplomatiques n’est pas convaincant. La rupture de
négociations diplomatiques n’empêche pas d’engager des négociations et ne constitue pas en
elle-même une excuse valable pour justifier l’omission d’engager des négociations. Au
contraire, l’article 63 de la Convention de Vienne sur le droit des traités dispose que «[…] la
rupture des relations diplomatiques ou consulaires entre parties à un traité est sans effet sur les
relations juridiques établies entre elles par le traité». En conséquence, le Qatar demeurait lié par
l’exigence de réaliser un effort sincère en vue de tenter de régler le désaccord par voie de
négociation avant de le soumettre au Conseil.
c) Troisièmement, l’objet de la condition de négociations préalables énoncée à l’article II,
section 2, de l’Accord de transit deviendrait inexécutable si un demandeur était autorisé à
déclarer unilatéralement que les négociations seraient futiles avant même d’avoir tenté de les
entamer. Au contraire, une affirmation selon laquelle des négociations seraient futiles devrait, à
tout le moins, se fonder sur des éléments indiquant clairement qu’une «véritable tentative de
négocier» a été réalisée pour engager des négociations. S’il en était autrement, l’exigence
d’entamer des négociations serait aisément contournée.
d) Quatrièmement, l’affirmation du Qatar selon laquelle des négociations seraient futiles ne peut
se fonder sur tout rejet ou refus explicite ou implicite de négocier de la part des défendeurs.
Aucune tentative n’a été réalisée par le Qatar pour engager des négociations; il ne peut dès lors
être affirmé qu’elles auraient été futiles.
e) Cinquièmement, le recours du Qatar au présumé «ultimatum à l’État du Qatar sur des questions
sans lien aucun avec la navigation aérienne et le transport aérien» n’appuie pas non plus son
affirmation selon laquelle il aurait satisfait, ou n’aurait pas à satisfaire, à l’exigence de
négociations préalables prévue à l’article II, section 2, de l’Accord de transit. Il est malaisé de
déterminer si le terme «ultimatum» est utilisé par rapport aux exigences légitimes formulées par
les défendeurs, avant de recourir aux contre-mesures, en vue que le Qatar réponde à ses
obligations de cesser de soutenir le terrorisme et de s’ingérer dans les affaires intérieures de ses
voisins, ou pour d’autres circonstances. Toutefois, le fait que les défendeurs se soient efforcés
d’obtenir du Qatar qu’il satisfasse à ses obligations internationales n’exonère en rien le Qatar de
l’exigence claire, au titre de l’Accord de transit, de tenter d’entamer des négociations avant de
soumettre un différend au Conseil. Tandis que le Qatar ne fait rien pour défendre sa position
selon laquelle il a satisfait à la condition préalable de négociations en vertu de l’article II,
section 2, de l’Accord de transit, il souligne simplement la position des défendeurs, comme
expliquée à la section V.C ci-dessus, que le véritable objet du différend entre les parties ne
relève pas de la compétence du Conseil.
f) Enfin, les allégations non fondées du Qatar au sujet des mesures prises en ce qui concerne les
citoyens qataris sont également vaines. Elles n’appuient en rien la position du Qatar selon
laquelle des négociations concernant le prétendu désaccord relatif à l’Accord de transit étaient
impossibles ou auraient nécessairement été futiles.
110. En bref, le Qatar reconnaît explicitement qu’il n’a pas tenté d’entamer de négociations
avec les défendeurs avant de soumettre sa requête au Conseil.
111. En résumé, le Qatar n’a pas réussi à établir qu’il avait tenté de négocier avec les
défendeurs avant de soumettre le désaccord au Conseil. En outre, en l’absence de toute tentative de
négociation, il ne peut être établi que des négociations n’auraient pas abouti au règlement du
différend.
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31
112. En l’espèce, le Conseil doit conclure que le Qatar n’a pas satisfait à la condition
préalable de négociations prévue par l’article II, section 2, de l’Accord de transit et n’a pas satisfait
à l’article 2, alinéa g) du Règlement et doit décider qu’il n’a pas compétence pour statuer sur les
plaintes du Qatar. En revanche, dans le cas où le Conseil ne parviendrait pas à cette conclusion, il
est demandé au Conseil de conclure à l’irrecevabilité des plaintes du Qatar.
VII. DEMANDES DE RÉPARATION
113. Pour les motifs qui précèdent, les défendeurs prient le Conseil d’accepter leurs
exceptions préliminaires et décident par conséquent :
a) qu’il n’a pas compétence pour statuer sur les plaintes soulevées par le Qatar dans sa
requête B ; ou
b) que les plaintes du Qatar sont irrecevables.
114. Les défendeurs se réservent le droit de déposer un mémoire en réponse à toute
déclaration écrite du Qatar en réponse aux présentes exceptions préliminaires.
[Pièces jointes non reproduites]
___________
- 43 -
ANNEXE 25
RÉPONSE DE L’ETAT DU QATAR AUX EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES DES DÉFENDEURS AU SUJET
DE LA REQUÊTE B DE L’ETAT DU QATAR RELATIVE AU DÉSACCORD À PROPOS DE
L’INTERPRÉTATION ET DE L’APPLICATION DE L’ACCORD RELATIF AU TRANSIT
DES SERVICES AÉRIENS INTERNATIONAUX (CHICAGO, 1944)
- 44 -
Devant le Conseil de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)
En vertu du Règlement pour la solution des différends (Document 7782/2) de l’OACI
RÉPONSE DE L’ÉTAT DU QATAR
AUX EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES
DES DÉFENDEURS
Au sujet de la requête (B) de l’État du Qatar relative au
désaccord à propos de l’interprétation et de l’application de
l’Accord relatif au transit des services aériens internationaux (Chicago, 1944)
Montréal
30 avril 2018
Essa Abdulla Al-Malki
Agent de l’État du Qatar
- 45 -
TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ ANALYTIQUE .................................................................................................................................... iii
INTRODUCTION ....................................................................................................................................................1
OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LA SOUVERAINETÉ…..........................................................................1
JURIDICTION ET AFFAIRES SIMILAIRES PORTÉES DEVANT LE CONSEIL.............................................2
LE CONSEIL EXERCE-T-IL UNE COMPÉTENCE JUDICIAIRE OU QUASI JUDICIAIRE ?.........................3
COMPÉTENCE, RECEVABILITÉ ET FOND........................................................................................................4
LE CONSEIL NE DEVRAIT PAS STATUER SUR LA RECEVABILITÉ AU STADE DE
L’EXCEPTION PRÉLIMINAIRE ..........................................................................................................................6
L’EXAMEN DES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES NE DEVRAIT PAS ABORDER LE FOND.................... 7
ALLÉGATION SELON LAQUELLE DES « QUESTIONS PLUS LARGES » SUPPRIMENT LA
COMPÉTENCE DU CONSEIL OU ENTRAÎNENT L’IRRECEVABILITÉ DE L’AFFAIRE............................ 8
« PRINCIPE DE SPÉCIALITÉ »…........................................................................................................................13
APPEL RELATIF À LA JURIDICTION DU CONSEIL DE L’OACI (Inde c. Pakistan, 1972)......................... 19
CONTRE-MESURES............................................................................................................................................ 21
NÉGOCIATIONS …………………………………………………………………….….....................................23
a) Article 2, alinéa g) du Règlement ………………………………………….................................................24
b) Contenu de l’obligation de négocier...…………………………...................................................................25
c) Date à laquelle la condition de négociation doit être remplie...................................................................... 26
d) Durée des négociations................................................................................................................................ 29
e) Autres aspects relatifs aux négociations...................................................................................................... 30
f) Examen et négociations dans le cadre de l’OACI....................................................................................... 31
g) Demande de consultations dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce................................. 34
h) Autres négociations ou tentatives de négociation....................................................................................... 35
i) Résumé des négociations............................................................................................................................ 51
Observations finales sur les négociations.............................................................................................................. 53
CONCLUSIONS DE L’ÉTAT DU QATAR........................................................................................................ 54
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- 47 -
- 48 -
RÉSUMÉ ANALYTIQUE
Dans l’exercice de leur souveraineté, les États sont devenus parties à l’Accord relatif au transit
des services aériens internationaux (ATSAI) et sont liés par ses dispositions. L’une de ces dispositions
est l’article premier, section 1, par lequel chaque État contractant convient que tous les aéronefs des
autres États contractants qui n’assurent pas de services aériens internationaux réguliers ont le droit de
traverser son territoire sans escale et d’y faire des escales non commerciales. L’article II, section 2, est
une autre de ces dispositions. En vertu de cet article, le Conseil peut se déclarer compétent pour statuer
sur un désaccord dès lors que celui-ci porte sur l’interprétation ou l’application de l’ATSAI. Ce
désaccord ne peut être réglé par voie de négociation ; il n’existe pas d’autres restrictions,
contrairement à ce que soutiennent les défendeurs.
Il existe une distinction claire en droit entre la juridiction, la recevabilité et le fond d’une
affaire. Le Règlement pour la solution des différends de l’OACI ne confère pas au Conseil l’autorité
d’examiner des questions de recevabilité au stade des exceptions préliminaires. Tous les arguments
des défendeurs relatifs à la recevabilité devraient être rejetés à ce stade.
L’examen des exceptions préliminaires, en droit, ne doit pas porter sur le fond de l’affaire ; il
s’agit là d’une règle qui s’impose au Conseil ainsi qu’aux défendeurs. Malheureusement, les
défendeurs n’ont pas tenu compte de cette obligation, ils soulèvent des questions et présentent des
annexes extrêmement préjudiciables qui portent sur le fond de l’affaire et ne devraient pas être
examinées au stade des exceptions préliminaires.
L’allégation selon laquelle le Conseil n’est pas compétent et la plainte du Qatar est irrecevable
parce qu’il existe des questions ou un différend de portée plus large est manifestement erronée en
droit. La Cour internationale de justice (CIJ) a systématiquement rejeté les allégations similaires qui
lui ont été présentées. Le différend porté devant le Conseil porte sur les violations de l’ATSAI par les
défendeurs.
Les arguments relatifs au « principe de spécialité » soulevés par les défendeurs ne relèvent pas
de la compétence du conseil et ne devraient pas être examinés au stade des exceptions préliminaires.
Par ailleurs, le Conseil, en indiquant lors de sa session extraordinaire du 31 juillet 2017 qu’il existait
des questions plus larges, ne déclarait ni ne pouvait déclarer qu’il ne serait pas compétent au titre de
l’article II, section 2, de l’ATSAI, au motif qu’il existe d’autres instances dans lesquelles d’autres
aspects pourraient être éventuellement examinés. Enfin, ce « principe » ne peut s’appliquer pour
empêcher le Conseil de connaître de la présente affaire. La CIJ ne s’est jamais abstenue d’examiner
une question lorsque les aspects juridiques s’inscrivent dans le cadre de différends politiques plus
larges entre États ni lorsque certaines questions font, ou pourraient faire l’objet d’un examen simultané
dans d’autres instances. La déclaration de la CIJ citée par les défendeurs à l’appui de leur allégation a
été faite de manière incidente, c’est-à-dire qu’elle ne présentait pas d’intérêt pour répondre à la
question soumise à la Cour et que son poids juridique en est par conséquent amoindri. Elle a par
ailleurs été critiquée de façon très convaincante par un juge dans l’affaire et par les milieux
universitaires et ne prend pas en considération les chevauchements des matières traitées par les
agences spécialisées dans leurs actes constitutifs et leur pratique. Il n’existe pas de « principe de
- 49 -
spécialité » qui empêcherait le Conseil de se déclarer compétent ou entraînerait l’irrecevabilité des
plaintes du Qatar au moment opportun pour cette décision. La conclusion logique découlant de
l’argument des défendeurs est qu’il serait impossible pour quelque instance que ce soit de connaître
des griefs du Qatar.
Tous les arguments avancés par les défendeurs ont déjà été rejetés dans une précédente affaire
(Inde c. Pakistan, 1972), abstraction faite de la question des négociations. La CIJ a déclaré que le
Conseil ne pouvait être privé de compétence « du seul fait que des données extérieures aux Traités
pourraient être invoquées, dès lors que, de toute façon, des questions relatives à l’interprétation ou à
l’application de ceux-ci entrent en jeu » et que « le fait qu’une défense au fond se présente d’une
certaine manière ne peut porter atteinte à la compétence du tribunal ou de tout autre organe en cause ;
sinon les parties seraient en mesure de déterminer elles-mêmes cette compétence, ce qui serait
inadmissible ». La CIJ a ajouté que la « compétence [du Conseil] dépend nécessairement du caractère
du litige soumis au Conseil et des points soulevés, mais non pas des moyens de défense au fond ou
d’autres considérations qui ne deviendraient pertinentes qu’une fois tranchés les problèmes
juridictionnels ».
Les questions relatives aux contre-mesures et à leur validité ou autres relèvent du fond d’une
affaire. Les arguments soulevés et les annexes soumises par les défendeurs à cet égard relèvent du
fond et ne devraient pas être pris en considération par le Conseil à ce stade. Le Qatar ne les aborde pas
maintenant mais le fera au stade approprié. Il présentera une défense solide en droit et en fait, qui
démontrera que les actions des défendeurs ne sont pas légitimes à titre de contre-mesures ni à tous
autres égards en droit international.
En résumé, abstraction faite de la question des négociations, toute l’argumentation des
défendeurs repose sur un échafaudage qui n’existe ni en droit ni en fait.
Quant aux négociations, les plaidoiries n’étant pas closes, le Qatar fournit la déclaration
formelle requise par l’article 2, alinéa g) du Règlement pour la solution des différends. Il soumet par
ailleurs un certain nombre d’annexes et d’arguments supplémentaires.
Lors des négociations ou tentatives de négociation entre les parties, qui ont eu lieu au sein de
l’OACI, le Qatar a expressément mentionné les violations de l’ATSAI. Le Qatar a demandé la tenue
de consultations au sein de l’OMC avec deux défendeurs en ce qui concerne notamment le fait que les
aéronefs immatriculés au Qatar ne sont pas autorisés à survoler leur espace aérien ou à atterrir sur leur
territoire.
Outre ces tentatives, le Qatar a demandé à de nombreuses reprises la tenue de négociations
avec les défendeurs. L’Émir du Koweït a dès le départ tenté de jouer un rôle de médiateur, mais ses
initiatives n’ont pas permis de déboucher sur une solution ; les États-Unis ont déployé des efforts
importants pour parvenir à une solution acceptable, mais sans succès. Les défendeurs ont dressé une
liste de 13 exigences non négociables, à laquelle ils ont ensuite ajouté six principes. Tous ces efforts
ont échoué : les défendeurs ont continué de violer l’ATSAI pendant près de cinq mois avant que le
Qatar ne dépose sa requête auprès de l’OACI et pendant onze mois avant le dépôt de la présente
réponse.
- 50 -
Les négociations sont manifestement futiles ou les parties se trouvent dans une impasse. Le
désaccord ne peut par conséquent pas être réglé par voie de négociation, et le Conseil est compétent en
vertu de l’article II, section 2, de l’ATSAI.
- 51 -
INTRODUCTION
1. Dans une lettre datée du 21 octobre 2017 et reçue le 30 octobre 2017, l’État du Qatar a
présenté à l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) la requête B et le mémoire relatif à
un désaccord à propos de l’interprétation et de l’application de l’Accord relatif au transit des services
aériens internationaux (Chicago, 1944) (ATSAI). Les défendeurs sont : la République arabe d’Égypte,
le Royaume de Bahreïn et les Émirats arabes unis.
2. En vertu de l’article premier, section 1, de l’ATSAI, chaque État contractant accorde aux
autres États contractants, en ce qui concerne les services aériens internationaux réguliers :
1) le droit de traverser leur territoire sans atterrir ;
2) le droit d’atterrir pour des raisons non commerciales.
En vertu de l’article II, section 2, de l’ATSAI, si un désaccord entre deux ou plusieurs États
contractants sur l’interprétation ou l’application de l’Accord ne peut être réglé par voie de négociation,
les dispositions du Chapitre XVIII de la Convention de Chicago s’appliquent. Le Chapitre XVIII de la
Convention de Chicago porte sur le règlement des différends et inclut l’article 84. L’article 66 de la
Convention de Chicago charge l’OACI d’exercer les fonctions que lui confère l’ATSAI.
3. Dans une lettre datée du 19 mars 2018, les défendeurs ont présenté à l’OACI des exceptions
préliminaires. Lesdites exceptions préliminaires ont été reçues par l’État du Qatar le 21 mars 2018.
L’État du Qatar a disposé de six semaines pour présenter ses observations.
OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LA SOUVERAINETÉ
4. L’une des caractéristiques essentielles de la souveraineté est que les États peuvent librement
convenir de limiter celle-ci ; cela peut se faire, par exemple, sous la forme du consentement à être lié
par des traités bilatéraux ou multilatéraux. Les parties au présent désaccord ont, dans l’exercice de leur
souveraineté, accepté des droits et obligations au titre de l’ATSAI, y compris son article premier,
section 1 et son article II, section 2.
5. Ces droits et obligations comprennent des clauses, que les défendeurs ont violées, comme
indiqué dans la requête et le mémoire de l’État du Qatar. Bien que l’article premier de la Convention
de Chicago reconnaisse le principe général de la souveraineté d’un État sur son espace aérien, chaque
État contractant a volontairement convenu, par exemple, en vertu de l’article premier, section 1, de
l’ATSAI, que les aéronefs des autres États contractants ont le droit de survoler son territoire sans
atterrir ou d’y atterrir à des fins non commerciales.
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JURIDICTION ET AFFAIRES SIMILAIRES PORTÉES DEVANT LE CONSEIL
6. Comme indiqué ci-dessus, l’une des dispositions que les États contractants à l’ATSAI ont
acceptées est l’article II, section 2, lu en combinaison avec l’article 84 de la Convention de Chicago,
selon lequel il appartient au Conseil de statuer si un désaccord entre deux ou plusieurs États
contractants à propos de l’interprétation ou de l’application de l’ATSAI ne peut être réglé par voie de
négociation. C’est là tout ce qui est requis pour que le Conseil se déclare compétent, qu’il existe
un désaccord entre deux ou plusieurs États contractants à propos de l’interprétation ou de
l’application de l’ATSAI qui ne peut être réglé par voie de négociation. Le simple énoncé de
cette clause compromissoire n’est limité par aucune autre considération, contrairement à ce que
prétendent les défendeurs. Ce que l’État du Qatar demande est que le Conseil statue précisément sur
ce que l’ATSAI et l’article 66 de la Convention de Chicago lui imposent, rien de plus et rien de moins.
7. Il s’agit ici de la septième affaire portée devant le Conseil pour le règlement des différends et
le quatrième à concerner un refus des droits de survol et/ou d’atterrissage contraire à l’ATSAI.
8. Dans la première de ces affaires, Inde c. Pakistan (1972), l’Inde a allégué que le Pakistan avait
violé les articles 5 et 9 de la Convention de Chicago et l’ATSAI. Comme le fait observer le Dr M.
Milde, « Il doit avoir été clair pour le Conseil qu’il n’était pas placé devant un simple problème
aéronautique, mais devant une question résultant de relations politiques tendues entre l’Inde et le
Pakistan »1. À cette époque, le Conseil ne disposait pas d’un règlement pour la solution des différends
et, lorsque ce règlement a été établi, le désaccord avait été réglé.
9. Dans l’Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI, le Pakistan a fait appel en vertu
de l’article 84 de la Convention de Chicago et de l’article II, section 2 de l’ATSAI après la suspension
par l’Inde des survols de son territoire par des aéronefs pakistanais le 4 février 1971. Le Pakistan a
allégué une violation de l’article 5 de la Convention de Chicago et de l’article 1, section 1 de l’ATSAI.
L’Inde a contesté la juridiction du Conseil. Le Conseil s’étant déclaré compétent, l’Inde a fait appel
auprès de la Cour internationale de justice (CIJ), qui a confirmé la juridiction du Conseil (Appel
concernant la compétence du Conseil de l’OACI, arrêt, Recueil CIJ, 1972, point 46).
10. Cuba c. États-Unis (1996) est la troisième affaire portant sur un refus des droits de survol.
Cuba a allégué des violations, entre autres, de l’article 5 de la Convention de Chicago et de l’article 1,
section 1 de l’ATSAI. Aucune exception préliminaire n’a été déposée, et le Conseil s’est déclaré
compétent.
1 M. Milde, International Air Law and ICAO (3e éd.), Eleven International Publishing, (2016), p. 205.
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11. Comme l’illustrent les éléments ci-dessus, dans chacune des affaires précédentes portant sur
des violations alléguées de la Convention de Chicago, le Conseil s’est déclaré compétent. En fait, le
Conseil n’a jamais refusé d’exercer sa compétence dans une affaire portée devant lui.
LE CONSEIL EXERCE-T-IL UNE COMPÉTENCE JUDICIAIRE OU QUASI JUDICIAIRE ?
12. Les défendeurs ont consacré une énergie considérable pour défendre la thèse selon laquelle le
Conseil, lorsqu’il agit en vertu de l’article II, section 2, de l’ATSAI et de l’article 84 de la Convention
de Chicago, exerce les fonctions d’un organe judiciaire et devrait s’inspirer des règles et principes du
droit international et qu’en « particulier, les principes établis par la Cour internationale de justice à ce
sujet, ainsi que les propres décisions antérieures du Conseil, devraient être pris en considération. »
(paragraphe 18 des exceptions préliminaires). En effet, les défendeurs ont largement recours à la
jurisprudence de la CIJ et des tribunaux.
13. Des points de vue opposés existent également quant à la qualité en laquelle le Conseil agit.
14. Dans l’affaire États-Unis et 15 États européens (2000), les 15 États européens, dans leurs
exceptions préliminaires, ont qualifié le Conseil d’organe exerçant un rôle d’« arbitrage quasi
judiciaire ».2 Le juge Lachs de la CIJ a également décrit le Conseil comme assumant « des fonctions
quasi judiciaires » (Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI, arrêt, Recueil CIJ, 1972,
point 46 à la page 74)3
2 Annexe au mémoire SG/1670/00 du 17 août 2000, paragraphe 11.
3 Le Dr Milde fait observer :
« Que le Règlement pour la solution des différends soit ou non le plus approprié pour le Conseil de l’OACI est
une question d’opinion. Ce règlement a été élaboré en étroite concordance avec le Règlement [de la CIJ], ce qui
peut poser un problème. Le Règlement de la CIJ est un ensemble de règles établies à l’intention d’un organe
véritablement judiciaire composé de juges indépendants et (dans un certain sens) impartiaux, liés par leur
serment professionnel et tenus de respecter le droit international et de suivre leur conscience. Telle n’est pas
la situation du Conseil [...] Les « membres » du Conseil sont des États souverains [...] ; leurs représentants ne
sont pas des individus indépendants agissant à titre personnel, mais des agents diplomatiques de leurs États
respectifs qui sont tenus de suivre les instructions reçues de leurs États. Il n’y a pas de « détachement
judiciaire », [...] et le Conseil ne peut être comparé à la [CIJ].
Certains commentateurs ont affirmé que le Conseil de l’OACI dispose d’un pouvoir véritablement judiciaire [...].
[Ce point de vue] ne peut être partagé, car il néglige non seulement le libellé de la Convention, mais aussi les
réalités du fonctionnement des organisations internationales, y compris celles qui sont propres à l’OACI [...].
[...] Étant donné que le Conseil est un organe décisionnel composé d’États, la procédure de règlement des
différends [...] n’est pas et ne peut être une juridiction internationale fondée sur le droit international, mais
constitue plutôt une sorte d’« arbitrage international qualifié » [...], d’« arbitrage diplomatique » mené par des
États souverains. Leur décision peut se fonder sur des considérations politiques ou d’équité, plutôt que sur des
règles juridiques strictes.
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15. Néanmoins, l’État du Qatar ne pense pas qu’il soit nécessaire de déterminer si le Conseil,
lorsqu’il exerce des fonctions au titre de l’article II, section 2, agit dans l’exercice de pouvoirs
judiciaires ou quasi judiciaires, ou d’examiner quelle différence cela impliquerait dans la pratique.
COMPÉTENCE, RECEVABILITÉ ET FOND
16. Les défendeurs soutiennent que le Conseil n’est pas compétent pour examiner l’affaire, ou
bien que les plaintes sont irrecevables. La juridiction et la recevabilité sont deux concepts
différents en droit. Les défendeurs amalgament ces deux aspects. Au stade de l’exception
préliminaire, ce qui incombe au Conseil, comme mentionné ci-dessus, est de déterminer s’il existe un
désaccord à propos de l’interprétation ou de l’application de l’ATSAI qui ne peut être réglé par voie de
négociation. Le Règlement pour la solution des différends dispose à l’article 5, paragraphe 1 que le
défendeur qui excipe de l’incompétence du Conseil à connaître de l’affaire soumise doit soulever
une exception préliminaire. Cette disposition prévoit que les exceptions préliminaires ne portent
que sur la compétence. Elle n’autorise pas d’exceptions préliminaires quant à la recevabilité. À
cet égard, le Règlement pour la solution des différends diffère du Règlement de la Cour (CIJ), qui
dispose à la section D, sous-section 2 : Exceptions préliminaires, article 79 :
« 1. Toute exception à la compétence de la Cour ou à la recevabilité de la requête ou toute
autre exception sur laquelle le défendeur demande une décision avant que la procédure sur le
fond se poursuive doit être présentée par écrit dès que possible.
2. [...] Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, la Cour peut décider qu’il est statué
séparément sur toute question de compétence et de recevabilité.
9. La Cour, après avoir entendu les parties, statue dans un arrêt par lequel elle retient
l’exception, la rejette ou déclare que cette exception n’a pas dans les circonstances de l’espèce
un caractère exclusivement préliminaire. Si la Cour rejette l’exception ou déclare qu’elle n’a
pas un caractère exclusivement préliminaire, elle fixe les délais pour la suite de la procédure.
Si la Cour rejette l’exception ou déclare qu’elle n’a pas un caractère exclusivement
préliminaire, elle fixe les délais pour la suite de la procédure ».
17. La compétence se ramène à la question de savoir si le Conseil a l’autorité juridique (en
l’espèce, en vertu de l’article II, section 2 de l’ATSAI), de statuer sur l’affaire ; la recevabilité
concernerait d’autres motifs pour lesquels le Conseil ne devrait pas examiner la question sur le fond.
18. La CIJ a déclaré dans l’Application de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide que :
« Une distinction entre ces deux types d’exceptions est bien reconnue dans la pratique de la
Cour. Dans un cas comme dans l’autre, une exception préliminaire à une plainte particulière, si
elle est retenue, a pour effet de mettre un terme à la procédure concernant cette plainte, de
Le Dr Milde cite ensuite le premier président du Conseil, E. Warner, qui a déclaré que « l’on ne peut guère
attendre du Conseil qu’il agisse judiciairement. » (M. Milde, International Air Law and ICAO (3e éd.), Eleven
International Publishing, 2016, pp. 201-202; 203-204).
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sorte que la Cour ne procédera pas à l’examen du fond de l’affaire. Si l’exception est
juridictionnelle, étant donné que la juridiction de la Cour découle du consentement des parties,
cela signifiera généralement que l’État auteur de l’exception n’a pas consenti au règlement par
la Cour de ce différend particulier. Une exception préliminaire à la recevabilité s’applique à un
éventail de possibilités bien distinctes. Dans l’affaire concernant les Plates-formes pétrolières
(République islamique d’Iran c. États-Unis d’Amérique), la Cour a indiqué que :
« Normalement, une exception à la recevabilité consiste à affirmer que, quand bien
même la Cour serait compétente et les faits exposés par l’État demandeur seraient
tenus pour exacts, il n’en existe pas moins des raisons pour lesquelles il n’y a pas lieu
pour la Cour de statuer au fond » (Arrêt, recueil CIJ, 2003, p. 177, point 29).
Cette exception consiste essentiellement dans l’affirmation qu’il existe un motif juridique,
même lorsqu’il y a compétence, pour lequel la Cour devrait refuser de connaître de l’affaire
ou, plus généralement, d’une réclamation spécifique y afférente. Ce motif est souvent de telle
nature que la question devrait être tranchée au début du procès, par exemple si, sans examen
au fond, il peut être établi que les règles relatives à la nationalité des réclamations n’ont pas
été respectées, que les voies de recours nationales n’ont pas été épuisées, en cas d’accord des
parties à recourir à une autre méthode de règlement à l’amiable ou lorsque la plainte revêt un
caractère théorique. Si la cour constate qu’une exception « n’a pas dans les circonstances de
l’espèce un caractère exclusivement préliminaire » (article 79, point 7 du Règlement de la
Cour adopté le 14 avril 1978), elle sera examinée au stade de l’examen du fond. La
compétence ou la recevabilité sont parfois remises en question parallèlement à des arguments
sur le fond et invoquées et déterminées à ce stade (cf. Timor oriental [Portugal c. Australie],
arrêt, Recueil CIJ, 1995, p. 92, point 4 ; Avena et autres ressortissants mexicains [Mexique c.
États-Unis d’Amérique] arrêt, Recueil CIJ, 2004 (1), pp.28-29, point 24) ; (Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide [Croatie c. Serbie],
Exceptions préliminaires, Arrêt, recueil CIJ, 2008, p. 412 au point 120).
19. Le fond, en revanche, est la substance du désaccord soumis par le demandeur en vue d’être
examiné. Il a ainsi été expliqué que :
« [...] [L] e fond d’un différend comprend les points de fait et de droit qui donnent lieu à une
cause d’action et qu’un État demandeur doit établir pour avoir droit à la réparation demandée »
(Opinion dissidente du juge Read dans l’affaire Anglo-Iranian Oil Co. [compétence], arrêt du
22 juillet 1952, Recueil CIJ, 1952, p. 93 au point 148).
20. Dans de multiples affaires portées devant la CIJ, les parties établissent une distinction claire
dans leurs plaidoiries et leurs arguments oraux entre la compétence et la recevabilité. Par exemple,
dans l’affaire concernant les Activités armées sur le territoire du Congo, les concepts de compétence
et de recevabilité sont clairement différenciés et font l’objet de plaidoiries distinctes des parties selon
des critères différents (Activités armées sur le territoire du Congo [nouvelle requête : 2002]
[République démocratique du Congo c. Rwanda], Compétence et recevabilité, arrêt, Recueil CIJ,
2006, p. 6 aux points 12-13). La Cour a rappelé que :
« […] sa compétence repose sur le consentement des parties, dans la seule mesure reconnue
par celles-ci [...] et que, lorsque ce consentement est exprimé dans une clause compromissoire
insérée dans un accord international, les conditions auxquelles il est éventuellement soumis
doivent être considérées comme en constituant les limites. De l’avis de la Cour, l’examen de
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telles conditions relève en conséquence de celui de sa compétence et non de celui de la
recevabilité de la requête » (soulignement ajouté) (ibid. au point 88).
21. Si une exception préliminaire à la compétence au sens propre est retenue, la requête est rejetée,
et le Conseil ou la CIJ ne seront pas en mesure d’examiner d’autres arguments tels que la recevabilité
ou le fond de l’affaire.
22. Le juge Read, dans son opinion dissidente dans l’affaire Anglo-Iranian Oil, a déclaré :
« Je n’ai pu trouver aucune affaire dans laquelle l’une ou l’autre de ces juridictions [la Cour
permanente de Justice internationale (le prédécesseur de la CIJ) ou la CIJ] ait appliqué une
interprétation restrictive à une clause attributive de compétence pour fonder sa décision [...]. À
vrai dire, les deux Cours ont [...] donné des interprétations libérales aux clauses de juridiction,
de manière à faire sortir tous leurs effets aux intentions des parties intéressées », (affaire
Anglo-Iranian Oil Co. [compétence], arrêt du 22 juillet 1952, Recueil CIJ, 1952, p. 93 au
point 143).
LE CONSEIL NE DEVRAIT PAS STATUER SUR LA RECEVABILITÉ AU STADE DE
L’EXCEPTION PRÉLIMINAIRE
23. Comme indiqué ci-dessus, c’est l’État du Qatar qui affirme que le Règlement pour la solution
des différends de l’OACI ne confère pas au Conseil l’autorité d’examiner des questions de
recevabilité au stade des exceptions préliminaires. Les défendeurs ne sont, bien entendu, pas
empêchés de soumettre des observations concernant la recevabilité dans leurs contre-mémoires à
l’examen du Conseil avant l’examen au fond proprement dit.
24. À l’appui de leur proposition selon laquelle le Conseil « a traité une exception à la recevabilité
d’une plainte fondée au motif que les recours n’avaient pas été épuisés comme exception
préliminaire », les défendeurs font référence à la décision du Conseil du 16 novembre 2000 (C-DEC
161/6). Le Qatar fait respectueusement valoir que, sur la base de ce qui précède, il s’agissait d’une
erreur en droit. De la même manière que pour la CIJ, le Conseil n’est pas lié par ses précédentes
décisions et, à la lumière des arguments ci-dessus, le Conseil ne devrait pas suivre ce précédent. De
fait, dans sa dernière décision pertinente, il ne l’a pas fait. Dans l’affaire Brésil c. États-Unis
(2017), dans leur exception préliminaire, les États-Unis ont soutenu que les requêtes du Brésil devaient
être rejetées comme étant « prescrites en vertu du principe communément admis dans le droit
international de la prescription extinctive. » Aux pages 25 et 26 de leur exception préliminaire, les
États-Unis ont soutenu que les requêtes du Brésil étaient irrecevables. En outre, à la note de bas de
page 18, les États-Unis ont déclaré :
« [...] Si le Règlement pour la solution des différends de l’OACI ne mentionne pas
explicitement la recevabilité, le Conseil de l’OACI a considéré, et devrait le faire
actuellement, les questions de recevabilité comme des bases admissibles pour soulever une
exception préliminaire en vertu de l’article 5 du Règlement pour la résolution des différends.
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25. Le Conseil, revenant à la propre application de l’article 5 du Règlement pour la solution des
différends, n’a pas examiné le fond des arguments sur la base de prescription extinctive, n’a pas
accepté l’exception préliminaire et a décidé que :
« Les déclarations et les arguments présentés par les deux parties en ce qui concerne
l’exception préliminaire ne possédant pas, dans les circonstances de l’affaire, un caractère
exclusivement préliminaire, peuvent être joints à la question de fond et inclus dans le contremémoire
et toute autre plaidoirie. » (C-MIN 211/10, Annexe).
L’EXAMEN DES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES NE DEVRAIT PAS ABORDER LE FOND
26. Dans l’affaire de l’Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI en 1972, la CIJ a
présenté différents arguments juridiques des parties et ajouté :
« II faut toutefois indiquer des maintenant que la Cour n’a pas à s’occuper de ces différentes
questions, pas plus qu’elle n’a à s’occuper du fond du différend tel qu’il a été soumis au
Conseil, des faits qui s’y rattachent ou des thèses des Parties à ce sujet, si ce n’est dans la
mesure où ces éléments peuvent concerner la question purement juridictionnelle qui seule a
été portée devant la Cour, à savoir celle de la compétence du Conseil pour statuer sur l’affaire
dont le Pakistan l’a saisi. Sous cette réserve indispensable, la Cour doit non seulement éviter
d’exprimer une opinion quelconque sur ces points de fond mais encore se garder de tout
prononcé qui pourrait préjuger de la décision finale, quelle qu’elle soit, que le Conseil rendra
sur le fond même de l’affaire, à supposer qu’il soit décidé qu’il est compétent pour en
connaître (voir aussi l’affaire concernant l’interprétation de l’article 3, paragraphe 2, du traité
de Lausanne, avis consultatif, 1925, C.P.J.I. série B, nº 12, p. 18) » (au point 11).
27. De manière similaire, le juge Read a déclaré que :
« [...] en arrivant à cette conclusion, je n’entends pas préjuger le fond de la question. Je ne
saurais examiner dans une procédure préliminaire si l’objet du différend rentre dans la sphère
d’application de ces dispositions, cette question [...] appartenant essentiellement au fond du
différend » (affaire Anglo-Iranian Oil Co. [compétence], arrêt du 22 juillet 1952, Recueil de
la CIJ, p. 93 au point 147).
28. Dans son arrêt Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci sur les
questions de compétence et de recevabilité, la Cour a indiqué qu’elle :
« [...] s’abstiendra non seulement d’exprimer une opinion sur des points de fond, mais aussi de
se prononcer d’une manière qui pourrait préjuger ou paraître préjuger toute décision qu’elle
pourrait rendre sur le fond » (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci [Nicaragua c. États-Unis d’Amérique], Compétence et recevabilité, arrêt, Recueil
CIJ, 1984, p. 392 au point 11).
29. Une déclaration similaire a été faite par la Cour dans l’affaire Essais nucléaires, qui a cité avec
approbation les affaires Compétence en matière de pêcheries (Recueil CIJ, 1973, pp. 7 et 54) (Essais
nucléaires [Australie c. France], arrêt, Recueil CIJ, 1974, p. 253 au point 16). En outre, la Cour a
souligné que l’obligation de s’abstenir d’aborder le fond n’incombe pas seulement à la Cour,
mais aussi aux parties (au point 22) ; il est regrettable que les défendeurs n’aient prêté aucune
attention à ce principe fondamental dans la présentation de leurs prétendues exceptions
- 58 -
préliminaires, qui en fait approfondissent des questions qui auraient dû être présentées au stade de
l’examen sur le fond.
30. Lorsque le Conseil a examiné le désaccord entre les États-Unis et 15 États européens, la
distinction a été établie par le représentant d’Arabie Saoudite, qui a déclaré que :
« Il semblait toutefois que le Conseil entrait dans les détails de la question avant d’aborder les
problèmes relatifs à la compétence du Conseil et la question de savoir s’il pouvait ou non
connaître de cette affaire. »
Le président a rappelé que « [...] il avait mentionné que le Conseil examinait des exceptions
préliminaires et non pas le fond de l’affaire ». « Le président avait cité l’article 5 [...],
paragraphe 4 du Règlement [...] qui disposait que « Si une exception préliminaire est soulevée,
le Conseil, après avoir entendu les parties, rend une décision sur cette question préjudicielle
avant toute autre mesure à prendre en vertu du présent Règlement. » Le Conseil devrait
continuer d’examiner cette question en vertu de l’article 5, paragraphe 4 et ne devrait pas
aborder le fond des requêtes (C-MIN 161/5, point 31).
31. Cela reflète une position systématique de la CIJ lors de l’examen des arguments au stade de
l’exception préliminaire, et non seulement en ce qui concerne les appels des décisions de l’OACI,
c’est-à-dire que la Cour évite d’aborder le fond à ce stade.
32. L’État du Qatar demande respectueusement au Conseil de tenir compte également de cette
distinction et de cette mise en garde à la lumière de la nature préjudicielle de certains des arguments
des défendeurs et des annexes qu’ils ont présentés.
33. L’allégation des défendeurs selon laquelle le Conseil n’a pas compétence pour examiner
le cas d’espèce parce que l’État du Qatar a prétendument violé certaines obligations
internationales, violations qui ont autorisé les défendeurs à adopter des « contre-mesures »,
concerne précisément le fond de la présente affaire. Il ne s’agit pas là d’une question de
compétence ou de recevabilité, mais d’un examen au fond.
ALLÉGATION SELON LAQUELLE DES « QUESTIONS PLUS LARGES » SUPPRIMENT LA
COMPÉTENCE DU CONSEIL OU RENDENT L’AFFAIRE IRRECEVABLE
34. Certaines observations peuvent toutefois être formulées sur les questions soulevées par les
défendeurs, selon lesquelles il existe des questions plus larges ou globales en jeu qui empêcheraient le
Conseil de se déclarer compétent ou rendraient la requête irrecevable.
35. Il est dans la nature des cours et des tribunaux de statuer sur des questions juridiques, même si
celles-ci interviennent dans le cadre de différends politiques plus larges entre les parties. Le fait qu’un
différend juridique s’inscrive dans un contexte sous-jacent plus large ne signifie pas que ce différend
ne relève pas de la compétence du Conseil ou soit irrecevable. Ce que l’État du Qatar demande est le
règlement d’un désaccord à propos de l’interprétation et de l’application de l’ATSAI. Les rédacteurs
- 59 -
de cette convention et les parties actuelles ont confié cette fonction au Conseil, ce que les parties à la
Convention de Chicago ont accepté. Il appartient au Conseil d’assumer ces fonctions. Le fait que
l’OACI soit une agence spécialisée ne signifie pas que le Conseil doive renoncer à ces fonctions
constitutives essentielles parce que des questions plus larges pourraient entrer en jeu ou parce que
d’autres organismes seraient susceptibles d’examiner la présente question.
36. De nombreuses affaires en vertu de l’ATSAI et de l’article 84 de la Convention de Chicago
ont été portées précédemment devant le Conseil et, en tout cas, les trois affaires soulignées ci-dessus,
relatives à des violations de l’ATSAI, s’inscrivaient dans un contexte politique sous-jacent ou étaient
liées à des problèmes sans rapport avec l’aviation. En aucun cas le Conseil n’a refusé d’assumer sa
compétence.
37. La CIJ a eu de nombreuses occasions d’examiner des requêtes similaires.
38. Dans l’affaire concernant le Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran,
l’Iran a soutenu que la Cour ne pouvait pas et ne devrait pas se déclarer compétente parce que l’affaire
soumise par les États-Unis était « limitée à la soi-disant question des “otages de l’ambassade
américaine à Téhéran” ». L’Iran a ajouté dans sa déclaration que :
« [...] cette question ne représente qu’un élément marginal et secondaire d’un problème
d’ensemble dont elle ne saurait être étudiée séparément et qui englobe entre autres plus de
vingt-cinq ans d’ingérences continuelles par les États-Unis dans les affaires intérieures de
l’Iran [...].
Le problème en cause dans le conflit existant entre l’Iran et les États-Unis ne tient donc pas de
l’interprétation et de l’application des traités sur lesquels se base la requête américaine, mais
découle d’une situation d’ensemble comprenant des éléments beaucoup plus fondamentaux et
plus complexes. En conséquence, la Cour ne peut examiner la requête américaine en dehors de
son vrai contexte, à savoir l’ensemble du dossier politique des relations entre l’Iran et les
États-Unis au cours de ces vingt-cinq années. (Personnel diplomatique et consulaire des États-
Unis à Téhéran, arrêt, Recueil CIJ, 1980, p. 3 au point. 35).
La Cour a souligné qu’elle avait clairement indiqué dans une ordonnance du 15 décembre 1979 que :
« […] l’invasion de l’ambassade et des consulats des États-Unis et la prise en otages de
personnes internationalement protégées ne sauraient, en raison de l’importance des principes
juridiques en cause, être considérées comme ayant un caractère « secondaire » ou « marginal »
[...]. La Cour a souligné en outre qu’aucune disposition du Statut ou du Règlement ne lui
interdit de se saisir d’un aspect d’un différend pour la simple raison que ce différend
comporterait d’autres aspects, si importants soient-ils [...]. [S] i le Gouvernement de l’Iran
estimait que les activités alléguées des États-Unis en Iran sont en rapport juridique étroit avec
l’objet de la requête des États-Unis, il lui était loisible de développer à ce sujet sa propre
argumentation devant la Cour, soit comme moyen de défense dans un contre-mémoire, soit par
la voie d’une demande reconventionnelle » (ibid. au point 36).
39. De même, il n’existe aucune disposition dans l’ATSAI ou dans le Règlement pour la
solution des différends de l’OACI qui prévoit que le Conseil doive s’abstenir de statuer sur le
désaccord à propos de l’interprétation ou de l’application de l’ATSAI et de ses Annexes
- 60 -
simplement parce que le différend porté devant le Conseil comporte d’autres aspects, pas plus que
la violation de l’ATSAI ne constitue une question marginale ou accessoire, car elle est l’élément
central de la requête soumise au Conseil.
40. La Cour, dans l’affaire Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, a
ajouté :
« [...] les différends juridiques entre États souverains ont, par leur nature même, toutes chances
de surgir dans des contextes politiques et ne représentent souvent qu’un élément d’un
différend politique plus vaste et existant de longue date entre les États concernés. Nul n’a
cependant jamais prétendu que, parce qu’un différend juridique soumis à la Cour ne
constitue qu’un aspect d’un différend politique, la Cour doit se refuser à résoudre dans
l’intérêt des parties les questions juridiques qui les opposent. La Charte et le Statut ne
fournissent aucun fondement à cette conception des fonctions ou de juridiction de la Cour ; si
la Cour, contrairement à sa jurisprudence constante, acceptait une telle conception, il en
résulterait une restriction considérable et injustifiée de son rôle en matière de règlement
pacifique des différends internationaux » (soulignement ajouté) (Personnel diplomatique et
consulaire des États-Unis à Téhéran, arrêt, recueil CIJ, 1980, p. 3 au point 37).
41. Dans l’affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, la CIJ a
notamment examiné les aspects relatifs à la recevabilité de la requête du Nicaragua. Les États-Unis ont
soutenu que « chacune des allégations du Nicaragua ne fait que reformuler et réaffirmer une seule et
unique affirmation fondamentale, à savoir que les États-Unis font un usage illicite de la force armée
qui constitue une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d’agression contre le
Nicaragua, ce qui relève de la compétence d’autres organes, et plus particulièrement du Conseil de
sécurité des Nations Unies, en vertu de la Charte et de la pratique » et que toute « allégation de cette
nature est du ressort des organes politiques de l’organisation pour examen et décision [...] » (point 89).
La Cour a rappelé que :
« Il y aura avantage à examiner ce motif d’irrecevabilité avec le troisième motif avancé par les
États-Unis, selon qui la Cour devrait décider que la requête du Nicaragua est irrecevable en
raison de son objet même et de la place que tient la Cour dans le système des Nations Unies,
eu égard notamment aux effets qu’aurait une instance devant la Cour sur l’exercice actuel du
“droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective” prévu à l’article 51 de la Charte.
Pour cette raison, il est soutenu que la Cour ne devrait pas exercer sa compétence ratione
materiae pour connaître des demandes du Nicaragua. A ce propos, les États-Unis réaffirment
que la requête nicaraguayenne oblige en fait la Cour à établir que les activités du
défendeur constituent un emploi illicite de la force armée, une violation de la paix ou un
acte d’agression ; ils s’attachent ensuite à démontrer que les organes politiques des
Nations Unies auxquels la Charte confie la responsabilité en pareille matière ont déjà
donné suite, et continuent à donner suite, aux requêtes presque identiques dont les a saisis
le Nicaragua (soulignement ajouté) (point 91).
Les États-Unis soutiennent ainsi que la question relève essentiellement du Conseil de sécurité,
parce qu’elle concerne une plainte du Nicaragua mettant en cause l’emploi de la force. Eu
égard cependant à l’affaire du Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à
Téhéran, la Cour est d’avis que le fait qu’une question est soumise au Conseil de sécurité
- 61 -
ne doit pas empêcher la Cour d’en connaître, et que les deux procédures peuvent être
menées parallèlement [...] (soulignement ajouté) (point 93).
Le Conseil a des attributions politiques ; la Cour exerce des fonctions purement judiciaires.
Les deux organes peuvent donc s’acquitter de leurs fonctions distinctes mais complémentaires
à propos des mêmes événements (point 95).
Il convient également de rappeler que, comme en témoigne l’affaire du Détroit de Corfou
(C.I.J. Recueil 1949, p. 4), la Cour ne s’est jamais dérobée devant l’examen d’une affaire
pour la simple raison qu’elle avait des implications politiques ou comportait de sérieux
éléments d’emploi de la force » (soulignement ajouté) (point 96).
42. Dans l’affaire Incident aérien de Lockerbie, qui concernait l’interprétation ou l’application de
la Convention de Montréal de 1971, les États-Unis ont souligné que dès que la Libye a invoqué la
Convention de Montréal, « les États-Unis ont fait valoir que celle-ci n’était pas en jeu car la
question à résoudre avait trait à la réaction de la communauté internationale devant la situation
découlant de l’absence de réponse effective de la Libye aux accusations très graves de
participation étatique à des actes de terrorisme » (soulignement ajouté) (point 23). Les États-Unis
ont également soutenu « qu’il n’appartient pas à la Cour, sur la base du paragraphe 1 de l’article
14 de la Convention de Montréal, de se prononcer sur la licéité des actions, au demeurant
conformes au droit international, engagées par le défendeur en vue d’obtenir la livraison des
deux auteurs présumés de l’infraction (soulignement ajouté) (point 34). La Cour a rejeté ces
arguments et d’autres et jugé qu’elle était compétente pour examiner l’affaire, déclarant qu’il
« lui appartient en effet de juger, sur la base du paragraphe 1 de l’article 14 de la Convention de
Montréal [la clause compromissoire], de la licéité des actions critiquées par la Libye, dans la mesure
où ces actions seraient contraires aux dispositions de la Convention de Montréal » (point 35)
(Questions d’interprétation et d’application de la Convention de Montréal de 1971 résultant de
l’incident aérien de Lockerbie [Jamahiriya arabe libyenne c. États-Unis d’Amérique], Exceptions
préliminaires, arrêt, recueil CIJ, 1998, p. 115).
43. Dans l’affaire Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, la
Cour a jugé dans un avis consultatif que :
« Que cette question revête par ailleurs des aspects politiques, comme c’est, par la nature
des choses, le cas de bon nombre de questions qui viennent à se poser dans la vie
internationale, ne suffit pas à la priver de son caractère de “question juridique” et à
“enlever à la Cour une compétence qui lui est expressément conférée par son Statut” [...].
Quels que soient les aspects politiques de la question posée, la Cour ne saurait refuser un
caractère juridique à une question qui l’invite à s’acquitter d’une tâche essentiellement
judiciaire, à savoir l’appréciation de la licéité de la conduite éventuelle d’États au regard des
obligations que le droit international leur impose [...]
La Cour considère en outre que la nature politique des mobiles qui auraient inspiré la
requête et les implications politiques que pourrait avoir l’avis donné sont sans pertinence
au regard de l’établissement de sa compétence pour donner un tel avis » (soulignement
ajouté) (Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, avis
consultatif, Recueil CIJ, 1996, p.66 aux points 16 et 17).
- 62 -
44. Les défendeurs, au point 18 de leurs exceptions préliminaires, ont affirmé vigoureusement que
les principes développés par la CIJ devraient être pris en considération par le Conseil. Les citations cidessus,
extraites de différentes affaires de la CIJ, montrent que la Cour examine les questions de
compétence et de recevabilité séparément bien que, en vertu du Règlement de la Cour (mais pas dans
le cas du Règlement de l’OACI), les deux motifs puissent être examinés dans le cadre des exceptions
préliminaires ; que la cour n’hésitera pas à se déclarer compétente ou à déclarer une requête
irrecevable parce que la question juridique essentielle sur laquelle il est demandé de statuer s’inscrit
dans le cadre d’un différend politique plus large, voire si les faits sont examinés au sein d’autres
organes des Nations Unies ou s’ils comprennent des actes d’agression ou des revendications du droit à
la légitime défense. Dans le cas d’espèce, la question centrale que le Conseil doit examiner est le
désaccord à propos de l’interprétation ou de l’application de l’ATSAI, en particulier la violation
par les défendeurs des dispositions de l’ATSAI.
45. La mention des affaires des Essais nucléaires par les défendeurs au point 33 et à note de
bas de page 23 de l’exception préliminaire est sortie de son contexte et n’appuie pas leurs
arguments. La Cour a d’abord examiné s’il existait un différend entre les parties et quel de type de
décision était demandé. C’est dans ce contexte qu’elle a examiné l’objet de la requête du demandeur et
pris en considération les différentes déclarations réalisées. La question a été présentée par la Cour de la
manière suivante :
« [...] il est essentiel d’examiner si le gouvernement australien sollicite de la Cour un jugement
qui ne ferait que préciser le lien juridique entre le demandeur et le défendeur par rapport aux
questions en litige, ou un jugement conçu de façon telle que son libellé obligerait l’une des
Parties ou les deux à prendre ou à s’abstenir de prendre certaines mesures. C’est donc le
devoir de la Cour de circonscrire le véritable problème en cause et de préciser l’objet de la
demande. Il n’a jamais été contesté que la Cour est en droit et qu’elle a même le devoir
d’interpréter les conclusions des parties [...]. Assurément, quand la demande n’est pas
formulée comme il convient parce que les conclusions des parties sont inadéquates, la Cour
n’a pas le pouvoir de “se substituer [aux Parties] pour en formuler de nouvelles” [...].
Dans les circonstances de l’espèce, et bien que dans sa requête le demandeur ait employé la
formule traditionnelle consistant à prier la Cour de “dire et juger” [...], c’est à la Cour qu’il
appartient de s’assurer du but et de l’objet véritable de la demande [...] (Essais nucléaires
[Australie c. France], arrêt, Recueil CIJ, 1974, p. 253 aux points 29 et 30).
La Cour s’assurait précisément de ce que l’Australie (ou la Nouvelle-Zélande dans l’affaire parallèle)
demandait, c’est-à-dire de l’objet de la demande ou de la réparation demandée à la Cour par
l’Australie. Dans cette affaire, la Cour n’a jamais examiné s’il existait une question plus large,
différente des conclusions du demandeur soumises à la Cour ; la Cour s’assurait simplement de ce que
le demandeur attendait de la Cour ou, plus clairement, de ce qui répondrait à sa requête. Dans le cas
d’espèce soumis au Conseil, les questions sont claires : le demandeur requiert une décision au sujet
des violations de l’ATSAI et d’autres actions concrètes y afférentes. Le demandeur n’a pas demandé,
comme semblent indiquer les défendeurs, que le Conseil examine l’ensemble des questions politiques
- 63 -
ou la totalité de la relation entre les parties, mais seulement la partie qui porte sur les violations de
l’ATSAI et le rétablissement des droits légitimes du demandeur. La « véritable » question soumise au
Conseil est la violation par les défendeurs de l’ATSAI ; c’est là ce que le demandeur a soumis au
Conseil dans la requête et le mémoire ; c’est simplement et clairement cela que l’État du Qatar
demande au Conseil.
46. De la même manière, au même point de l’exception préliminaire, la note de bas de page
faisant référence à l’arbitrage relatif à l’aire marine protégée des Chagos n’appuie pas non plus ce
que semblent soutenir les défendeurs, à savoir qu’il existe des questions profondes plus larges que le
Conseil ne peut examiner.
47. Dans cette affaire, Maurice a fait valoir que le Royaume-Uni n’était pas en droit de déclarer la
protection d’une aire marine ou de toute autre zone maritime autour de l’archipel des Chagos car le
Royaume-Uni n’est pas l’État côtier au sens de certains articles de la Convention sur le droit de la mer
(point 158). Le Royaume-Uni, en revanche, s’est opposé à la compétence du Tribunal au motif que la
souveraineté est au coeur de la requête de Maurice et qu’un différend concernant la souveraineté sur un
territoire terrestre ne constitue pas un différend à propos de l’interprétation ou de l’application de la
Convention (point 170). Le Royaume-Uni a allégué que Maurice avait invité le Tribunal à appliquer le
droit d’auto-détermination aux événements en 1965 et à déclarer que Maurice avait conservé la
souveraineté sur l’archipel des Chagos (point 172). Le point de vue adopté par le Tribunal est que le
différend entre les parties en ce qui concerne cette requête spécifique de Maurice était proprement
caractérisé comme lié à la souveraine té terrestre sur l’archipel des Chagos (point 212) et que la
Convention sur le droit de la mer ne conférait pas de compétence pour des questions de souveraineté
terrestre.
48. Le Tribunal conclut ensuite :
« Si la question véritable en l’espèce et l’objet de la demande ne portent pas sur
l’interprétation ou l’application de la Convention [sur le droit de la mer], toutefois, une
relation accessoire entre le différend et certaines questions régies par la Convention est
insuffisante pour inscrire le différend, dans son ensemble, dans le champ d’application de
l’article 288, paragraphe 1 [de la Convention sur le droit de la mer].
Le Tribunal n’exclut pas catégoriquement que, dans certains cas, une question mineure de
souveraineté territoriale puisse en effet s’ajouter à un différend à propos de l’interprétation ou
de l’application de la Convention. Toutefois, cela n’est pas le cas en l’espèce, et il n’est par
conséquent pas nécessaire que le Tribunal statue sur la question. Le différend entre les parties
au sujet de la souveraineté de l’archipel des Chagos ne concerne pas l’interprétation ou
l’application de la Convention [...] » (Arbitrage dans l’affaire de l’aire marine protégée des
Chagos [Maurice c. Royaume-Uni], Cour permanente d’arbitrage, 18 mars 2015, points 220-
221).
Le Tribunal s’est néanmoins déclaré compétent pour examiner certaines autres demandes de Maurice.
- 64 -
49. Le « différend » soumis au Conseil par le demandeur dans le cas d’espèce porte sur les
violations de l’ATSAI. Il ne s’agit pas d’une question plus large. Si des questions plus larges
existent, elles sont ou seraient soumises au Conseil par les défendeurs. Il n’existe pas seulement
une relation « accessoire » entre le différend et « certaines questions régies par la Convention » ;
l’élément central du différend soumis au Conseil porte sur les violations de l’ATSAI, c’est-à-dire
des questions régies par l’ATSAI. Le demandeur n’a pas demandé au Conseil de statuer sur quelque
autre question.
« PRINCIPE DE SPÉCIALITÉ »
50. Les défendeurs allèguent qu’il existe un principe, vraisemblablement de droit, qui empêcherait
le Conseil d’examiner la requête du Qatar car cela empiéterait sur les responsabilités d’autres organes
du système des Nations Unies, et que le Conseil, sur la base de l’article 54 n), de la Convention de
Chicago appliqué à la requête du Qatar a reconnu, lors de sa session extraordinaire du 31 juillet 2017,
l’existence de questions globales plus larges à la base du différend, qui doivent être examinées dans
d’autres instances non techniques appropriées.
51. Premièrement, il ne s’agit pas là d’un argument qui relève de la compétence du Conseil
comme énoncé dans l’article II, section 2, de l’ATSAI, l’article 84 de la Convention de Chicago et
l’article 5, alinéa 1) du Règlement pour la solution des différends. Cet argument pourrait s’appliquer à
la recevabilité ou au fond, mais pas à la compétence. En vertu de l’article 5, alinéa 1), le Conseil ne
devrait pas examiner cette question au stade de l’exception préliminaire.
52. Deuxièmement, lorsque le Conseil a examiné la question au titre de l’article 54 n) de la
Convention de Chicago, le président du Conseil a, à juste titre, « insisté aussi sur le besoin de faire une
distinction claire entre, d’une part, toute mesure qu’il pourrait envisager de prendre en sa qualité
d’organe directeur, au titre de l’article 54 n) […] et, d’autre part, toute mesure qu’il pourrait envisager
de prendre au titre de l’article 84 » (C-MIN Session extraordinaire [huis clos], 31 juillet 2017, au point
2). Bien que tous les aspects du différend liés à l’aviation aient été soumis au Conseil au titre de
l’article 54 n), le Conseil ne déclarait ni ne pouvait déclarer qu’il ne serait pas compétent au titre de
l’ATSAI ou de l’article 84 de la Convention de Chicago au motif qu’il existe d’autres instances dans
lesquelles d’autres aspects pourraient être éventuellement examinés.
53. Troisièmement, comme déclaré précédemment par le demandeur, le Qatar ne soumet pas cette
question à une instance non technique. Si les défendeurs considèrent réellement que la décision au titre
de l’article 54 n) lie le Conseil à sa prise en considération de la présente requête, il appartiendrait aux
défendeurs de surmonter cet obstacle et non pas à l’État du Qatar. Ce sont les défendeurs qui semblent
indiquer que, éventuellement, certains aspects de la question pourraient un jour être examinés dans une
- 65 -
instance non technique. Le Qatar se contente de laisser le Conseil statuer, sur la base des éléments de
preuve présentés dans son mémoire et la présente réponse, sur la violation de l’ATSAI par les
défendeurs. Le Qatar demande simplement au Conseil d’exercer ses fonctions constitutives
fondamentales.
54. Quatrièmement, le soi-disant principe de spécialité adopté par les défendeurs ne peut
s’appliquer pour empêcher le Conseil de se déclarer compétent ou pour entraîner l’irrecevabilité
de l’affaire, comme illustré ci-dessous.
55. Il a été indiqué ci-dessus (points 38 à 43) que la CIJ ne s’est pas abstenue d’examiner une
question lorsque les aspects juridiques s’inscrivent dans le cadre de différends politiques plus larges
entre les parties.
56. La CIJ ne s’est pas non plus abstenue de statuer sur une question même lorsque certaines
questions font, ou pourraient faire l’objet d’un examen simultané dans d’autres instances, telles que le
Conseil de sécurité (voir l’affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci,
aux points 91, 93 et 95).
57. Dans l’affaire Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, la Cour a jugé
que le Conseil de sécurité était pleinement saisi de la question lorsque, le 15 décembre 1979, la Cour a
décidé à l’unanimité qu’elle était compétente pour connaître d’une demande en indication de mesures
conservatoires présentée par les États-Unis. La Cour a jugé que :
« […] le Conseil de sécurité tenait expressément compte de l’ordonnance de la Cour en
indication de mesures conservatoires du 15 décembre 1979 [...]; il ne semble être venu à
l’esprit d’aucun membre du Conseil qu’il y eût ou pût y avoir rien d’irrégulier dans l’exercice
simultané par la Cour et par le Conseil de sécurité de leurs fonctions respectives. Le fait n’est
d’ailleurs pas surprenant [...]. C’est à la Cour, organe judiciaire principal des Nations Unies,
qu’il appartient de résoudre toute question juridique pouvant opposer des parties à un
différend » (point 40).
La Cour a également cité la Charte des Nations Unies, qui dispose à l’article 36 que, d’une manière
générale, les différends d’ordre juridique devraient être soumis à la CIJ.
58. L’avis consultatif de la CIJ de 1996 cité par les défendeurs (Licéité de l’utilisation des armes
nucléaires par un État dans un conflit armé, avis consultatif, Recueil CIJ, 1996, p. 66) peut être
aisément distingué de l’affaire soumise au Conseil. Dans l’affaire de la Licéité de l’utilisation des
armes nucléaires par un État dans un conflit armé, l’Organisation mondiale de la santé a demandé à la
CIJ de rendre un avis consultatif sur la question :
« [..] l’utilisation d’armes nucléaires par un État au cours d’une guerre ou d’un autre conflit
armé constituerait-elle une violation de ses obligations au regard du droit international, y
compris la Constitution de l’OMS ? » (point 1).
- 66 -
L’article 96, paragraphe 2, de la Charte des Nations Unies dispose que les agences spécialisées
peuvent demander des avis consultatifs à la Cour sur des questions juridiques dans le cadre de leurs
activités. La Cour a jugé que l’OMS était autorisée à demander des avis consultatifs. La Cour devait
néanmoins déterminer si les avis demandés portaient sur une question qui se posait dans le cadre des
activités de l’OMS. La Cour a rappelé que :
« À l’effet de circonscrire le domaine d’activité ou le champ de compétence d’une
organisation internationale, il convient de se reporter aux règles pertinentes de l’organisation
et, en premier lieu, à son acte constitutif [...]. [L] es actes constitutifs d’organisations
internationales sont des traités multilatéraux, auxquels s’appliquent les règles bien établies
d’interprétation des traités » (point 19).
« Interprétées suivant leur sens ordinaire, dans leur contexte et à la lumière de l’objet et du but
de la Constitution de l’OMS, ainsi que de la pratique suivie par l’organisation, les dispositions
de l’article 2 peuvent être lues comme habilitant l’organisation à traiter des effets sur la santé
de l’utilisation d’armes nucléaires [...].
La question posée à la Cour […] porte, toutefois, non sur les effets de l’utilisation d’armes
nucléaires sur la santé, mais sur la licéité de l’utilisation de telles armes compte tenu de leurs
effets sur la santé et l’environnement. En conséquence, il n’apparaît pas à la Cour que les
dispositions de l’article 2 de la Constitution de l’OMS, interprétées suivant les critères susindiqués,
puissent être comprises comme conférant compétence à l’Organisation pour traiter
de la licéité de l’utilisation des armes nucléaires [...] » (point 21).
Après avoir examiné certaines fonctions de l’OMS en vertu de l’article 2 de sa Constitution, la Cour a
ajouté :
« [...] [A] ucune desdites fonctions n’entretient, avec la question qui lui a été soumise, de
rapport de connexité suffisant pour que cette question puisse être considérée comme se posant
“dans le cadre de [l’] activité” de l’OMS [...]. Que des armes nucléaires soient utilisées
licitement ou illicitement, leurs effets sur la santé seraient identiques » (point 22).
Cet arrêt de la Cour a tranché la nécessité de donner un avis consultatif à l’OMS. Il a été déterminant
quant à la question posée et a constitué le ratio decidendi. Tous les autres commentaires formulés par
la Cour constituent des remarques incidentes qui n’étaient pas nécessaires pour répondre à la question
soulevée et sont par conséquent de moindre valeur juridique. La Cour a ajouté que :
« Les organisations internationales sont régies par le “principe de spécialité”, c’est-à-dire
dotées par les États qui les créent de compétences [...] La Cour permanente de Justice
internationale s’est référée à ce principe de base [dans une autre affaire] dans les termes
suivants :
“Comme la Commission européenne n’est pas un État, mais une institution
internationale pourvue d’un objet spécial, elle n’a que les attributions que lui confère
le Statut définitif. Pour lui permettre de remplir cet objet ; mais elle a compétence
pour exercer ces fonctions dans leur plénitude, pour autant que le Statut ne lui
impose pas de restrictions” » (soulignement ajouté) (point 25).
59. Il s’agit là précisément du fond du problème. Il a été imposé au Conseil l’obligation
constitutive expresse de statuer sur des désaccords qui lui sont soumis au titre de l’article II, section 2,
de l’ATSAI, et il est compétent pour exercer ces fonctions dans toute leur plénitude.
- 67 -
60. Outre les compétences expresses, toutefois, les organisations disposent également de
compétences implicites, ou de compétences subsidiaires, qui ne sont pas expressément prévues dans
leurs actes constitutifs et qui sont nécessaires à la réalisation de leurs objectifs.
61. De manière similaire, dans l’affaire Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay ([Argentine
c. Uruguay], Recueil CJI, 2010, p. 14), citée par les défendeurs à note de bas de page 17 des
exceptions préliminaires, la CJI a jugé que :
« [...] comme toute organisation internationale dotée de la personnalité juridique, la CARU est
habilitée à exercer les compétences qui lui sont reconnues par le statut de 1975 et qui sont
nécessaires à la réalisation de l’objet et du but de celui-ci [...] (point 89).
62. Il convient de citer longuement des extraits de l’opinion dissidente du juge Weeramantry dans
l’affaire Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé :
« La Cour s’est beaucoup appuyée sur le principe de spécialité pour déterminer si la requête a
l’examen relève bien de la sphère d’activité de l’OMS. Elle est naturellement soucieuse
d’éviter que ne s’introduisent des confusions ou des chevauchements inutiles dans la définition
des fonctions des différents organes et institutions des Nations Unies.
Mais le principe de spécialité n’interdit pas les chevauchements éventuels. Il est normal que
les sphères de compétence légitime des entités constitutives d’une organisation diversifiée
comme les Nations Unies, dont les fonctions sont multiples et complexes, mordent tant soit
peu les unes sur les autres. Tel est le cas, on l’a déjà souligné, au niveau le plus élevé de
l’Organisation des Nations Unies puisque, entre la Cour elle-même et le Conseil de sécurité,
existe un certain chevauchement. Sans doute le Conseil a-t-il la responsabilité principale des
questions de paix et de sécurité mais ces questions peuvent aussi soulever des problèmes
juridiques relevant de l’activité judiciaire, qui est le domaine propre de la Cour. Les liens
inextricables entre les aspects juridiques d’une question et ses implications politiques n’ont
jamais été considérés comme ayant pour effet d’éteindre le droit et l’obligation de la Cour
d’agir dans sa sphère juridique propre.
Comme l’a justement souligné la Cour dans l’avis qu’elle a rendu dans la présente affaire,
qu’une question juridique présente des aspects politiques ne suffit pas à la priver de son
caractère de question juridique. La même logique devrait s’appliquer dans le cas des questions
médicales. Dans l’affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci,
la Cour a indiqué :
“Le Conseil [de sécurité] a des attributions politiques ; la Cour exerce des fonctions
purement judiciaires. Les deux organes peuvent donc s’acquitter de leurs fonctions
distinctes mais complémentaires à propos des mêmes événements.”
Une question médicale peut, de la même manière, avoir des prolongements qui justifient
qu’une autre institution spécialisée s’en saisisse. Par exemple, les normes de ventilation à bord
des aéronefs peuvent relever aussi bien de l’Organisation mondiale de la santé que de
l’organisation de l’aviation civile internationale ; les règlements de sécurité concernant le
transport des déchets toxiques peuvent intéresser au même titre l’OMS et l’organisation
maritime internationale [...]. Le système des Nations Unies n’a pas été conçu comme un
damier composé de cases bien emboîtées et précisément délimitées [...]. Leur domaine est
naturellement circonscrit dans ses grandes lignes, mais les différents aspects de la même
question peuvent fort bien être du ressort de deux ou plusieurs organisations. Sans doute les
diverses organisations internationales sont elles spécialisées, mais il ne leur est pas pour autant
- 68 -
interdit de se partager certains secteurs dès lors qu’ils relèvent dûment de leurs sphères de
préoccupation respectives [...] » (aux points 149-151)
63. Le demandeur est reconnaissant à l’égard des défendeurs pour avoir attiré son attention sur
l’article de D. Akande (note de bas de page 69 des exceptions préliminaires)4, dans lequel l’auteur
analyse les avis consultatifs dans l’affaire des Essais nucléaires en 1996. Il indique que dans ces avis,
« la question de la compétence des organisations internationales n’est apparue que tangentiellement
car les questions posées à la Cour concernaient une question de droit substantiel qui n’était
apparemment pas lié à un exercice particulier de compétence par les organisations concernées : la
légalité de la menace du recours aux armes nucléaires » (soulignement ajouté) (p. 438). Il considère
qu’il :
« […] ne peut être correct d’indiquer qu’il ne peut exister de chevauchement de fonctions
entre les agences spécialisées ou entre les Nations Unies et les agences spécialisées. Ce
chevauchement légitime existe naturellement comme il ressort clairement des actes constitutifs
des agences spécialisées ainsi que de leur pratique » (pp. 449-450).
Il examine ensuite les constitutions de l’OIT et de l’OMS et constate un chevauchement dans certaines
matières. Il indique :
« Il ne peut être affirmé que l’une de ces organisations pourrait être dépourvue de compétence
sur cette question au seul motif qu’elle relève de la compétence d’une autre organisation. Il est
par conséquent nécessaire de prendre des précautions lors de l’interprétation des compétences
d’une organisation sur la base des compétences d’une autre. Agir ainsi constituerait une
inversion du principe selon lequel une organisation peut exercer ses fonctions dans toute leur
plénitude pour autant que son statut n’impose pas de restrictions à cet égard [...] » (p. 450).
En effet, indiquer qu’une agence spécialisée ne peut empiéter sur les responsabilités d’autres
pourrait même décourager la coopération entre agences (p. 450).
[...] la Cour semblait dire que les agences spécialisées devraient limiter leur attention aux
matières techniques et fonctionnelles. Comme indiqué ci-dessus, il s’agit là d’un écart par
rapport aux affaires précédentes dans lesquelles la notion de donner plein effet aux objets et
aux fins de l’organisation était primordial [...] » (p. 451).
En fait, comme illustré ci-dessus, dans l’affaire Usines de pâte à papier, jugée en 2010, la Cour a
ensuite de nouveau souligné qu’une organisation dispose des compétences nécessaires à la réalisation
de son objet et des fins de sa constitution.
64. L’OACI ne devrait-elle pas être compétente dans le domaine de la médecine aéronautique
parce que cela relève sans doute de la compétence de l’OMS ? Ou l’OMS ne devrait-elle pas être
compétente parce que l’OACI pourrait l’être également ? Qui serait alors compétent ? Il en va de
même des marchandises dangereuses car certains aspects pourraient être traités par l’AIEA ? Il existe
plusieurs autres exemples de chevauchements entre les compétences de différentes organisations.
4 D. Akande, « The Competence of International Organizations and the Advisory Jurisdiction of the International
Court of Justice," European Journal of International law 9 (1998) p. 437.
- 69 -
65. Porter les arguments des défendeurs à leur conclusion logique signifierait qu’aucune
agence spécialisée ou une autre organisation ne serait compétente pour examiner une question
dès lors qu’il existe une relation, accessoire ou autre, avec les fonctions d’une autre organisation.
Les défendeurs s’adressent à l’OACI et soutiennent que les questions juridiques posées par le
demandeur en ce qui concerne des questions d’aviation ne peuvent être tranchées par le Conseil en
dépit de l’article II, section 2 de l’ATSAI, au motif qu’il existe un différend plus profond dont les
ramifications relèvent éventuellement de la compétence d’une autre instance. Ils peuvent, selon la
même logique, s’adresser à l’Union postale universelle, l’Organisation maritime internationale,
l’Organisation mondiale du commerce, voire les Nations Unies elles-mêmes, en soutenant que des
aspects relatifs à l’aviation dans le différend dépassaient le cadre du mandat de ces organisations mais
relevaient de la compétence de l’OACI et du principe de spécialité ou de tout autre concept original et
que, par conséquent, chaque organisation était dépourvue de compétence pour examiner le différend,
même dans les domaines qui relèvent précisément des attributions qui leur sont conférées par leurs
actes constitutifs. Le résultat net consisterait en un refus de toute instance de connaître des griefs
de l’État du Qatar. Cela entraînerait également la nullité du mandat constitutif conféré par l’ATSAI,
lu en combinaison avec le Chapitre XVIII de la Convention de Chicago, de régler les différends à
propos de l’interprétation et de l’application de l’ATSAI.
66. La CIJ a balayé du revers de la main l’idée qu’il ne peut être statué sur un différend juridique
ou que celui-ci ne peut être réglé par un organisme parce que d’autres aspects relèvent également de la
compétence d’un autre (voir points 41 et 57 ci-dessus).
APPEL RELATIF À LA JURIDICTION DU CONSEIL DE L’OACI (Inde c. Pakistan, 1972)
67. Cette affaire rejette toute exception préliminaire ou tout argument soulevé par les
défendeurs, à l’exception de la question des négociations préalables, et il convient de l’examiner
de manière approfondie.
68. Le 4 février 1971, l’Inde a suspendu tous les survols de son territoire par des aéronefs
pakistanais. Il existait des différends politiques sous-jacents entre les deux États. Le 30 janvier 1971,
deux personnes ont détourné un aéronef indien vers le Pakistan. Deux jours plus tard, ils ont fait
exploser l’aéronef.
69. Le 3 mars 1971, moins d’un mois après la suspension des survols, le Pakistan a soumis
l’affaire au Conseil au titre de l’article 84 de la Convention de Chicago et de l’article II, section
2, de l’ATSAI. L’Inde a déposé des exceptions préliminaires qui contestaient la compétence du
Conseil d’examiner le désaccord. Le 29 juillet 1971, le Conseil s’est déclaré compétent, décision dont
a fait appel l’Inde auprès de la CIJ.
- 70 -
70. Le Pakistan a affirmé que l’Inde avait violé l’article 5 de la Convention de Chicago et l’article
premier, section 1, de l’ATSAI, en vertu desquels ses aéronefs civils, de transport régulier et non
régulier, avaient le droit de pénétrer sur son territoire, de le traverser en transit sans escale et d’y faire
des escales non commerciales.
71. Devant la CIJ, l’Inde a déclaré que le Conseil n’était pas compétent pour examiner la requête,
car la Convention de Chicago et l’ATSAI avaient été résiliés ou suspendus entre les deux États et que
la question du survol du Pakistan par des aéronefs indiens et du survol de l’Inde par des aéronefs
pakistanais était régie par un régime spécial de 1996 et non pas par la Convention de Chicago ou
l’ATSAI.
72. Sur la question du bien-fondé de la décision du Conseil de se déclarer compétent, la Cour a
fait une déclaration qui tranche l’ensemble des arguments des défendeurs dans le cas d’espèce
(abstraction faite de la question des négociations pour le moment), à savoir :
« II s’agit d’établir si le Conseil a compétence pour examiner et trancher définitivement le
fond du différend dont il a été saisi par le Pakistan et à l’égard duquel il s’est, sous réserve du
présent appel, déclaré compétent. Pour répondre à cette question, il faut évidemment
savoir si la thèse du Pakistan, envisagée compte tenu des objections formulées par l’Inde
à son sujet, fait apparaître l’existence d’un “désaccord [...] à propos de l’interprétation
ou de l’application” de la Convention de Chicago ou de l’Accord de transit. S’il en est
ainsi, le Conseil est à première vue compétent. On ne saurait considérer le Conseil
comme privé de compétence du seul fait que des données extérieures aux Traités
pourraient être invoquées, dès lors que, de toute façon, des questions relatives à
l’interprétation ou à l’application de ceux-ci entrent en jeu. Le fait qu’une défense au
fond se présente d’une certaine manière ne peut porter atteinte à la compétence du
tribunal ou de tout autre organe en cause ; sinon les parties seraient en mesure de
déterminer elles-mêmes cette compétence, cc qui serait inadmissible. Comme on l’a déjà
vu pour la compétence de la Cour, la compétence du Conseil dépend nécessairement du
caractère du litige soumis au Conseil et des points soulevés, mais non pas des moyens de
défense au fond ou d’autres considérations qui ne deviendraient pertinentes qu’une fois
tranchés les problèmes juridictionnels. Si la Cour a estimé souhaitable de souligner ce qui
précède, c’est à cause de la manière, d’ailleurs parfaitement légitime, dont l’appel a été
présenté à la Cour » (soulignement ajouté) (point 27).
73. Il convient de répéter ou de réaffirmer ce que la Cour a dit : s’il existe un désaccord qui
constitue un différend à propos de l’interprétation ou de l’application de l’ATSAI, le Conseil est à
première vue compétent. En outre, le Conseil ne peut être privé de compétence du seul fait que des
données extérieures à l’ATSAI sont invoquées, dès lors que, de toute façon, des questions relatives à
l’interprétation ou à l’application de ce traité entrent en jeu. Le fait que les défendeurs choisissent une
forme particulière de défense au fond (contre-mesures alléguées, etc.) ne peut porter atteinte à la
compétence du Conseil ni l’empêcher de procéder à l’examen du fond. Tout point de vue opposé
permettrait aux défendeurs de déterminer eux-mêmes cette compétence, ce que la Cour a déclaré
inadmissible. La compétence du Conseil doit dépendre de la nature du différend qui lui est soumis et
- 71 -
non pas des moyens de défense que les défendeurs pourraient (ou non) soumettre au stade approprié
de l’examen au fond.
74. Les moyens de défense tels que les contre-mesures doivent être examinés lors de l’examen au
fond et non pas au stade des exceptions préliminaires. Dans les quelques affaires soumises à un
tribunal ou à la CIJ, le fait de soulever des questions liées aux contre-mesures s’est toujours inscrit
dans le cadre des arguments sur le fond (la sentence arbitrale concernant l’Accord relatif aux services
aériens et le Projet Gabčíkovo-Nagymaros, cités par les défendeurs aux notes de bas de page 28 et 30
respectivement des exceptions préliminaires). En fait, au point 32 de l’exception préliminaire, les
défendeurs évoquent des contre-mesures et « un corps de règles en dehors de l’ATSAI » qui
donne aux défendeurs un « dispositif de défense » (soulignement ajouté).
Cependant, ce moyen de défense ne peut être envisagé que si l’affaire est abordée au fond. Le
Conseil ne se trouve pas encore au stade de l’examen au fond.
75. La Cour, dans l’Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan,
1972), a ensuite établi un seuil relativement bas pour l’exercice de la compétence du Conseil :
« La question juridique que la Cour doit trancher est donc en fait de savoir si ce
différend, sous la forme où les Parties l’ont soumis au Conseil [...] peut être résolu sans
aucune interprétation ou application des Traités en cause. Si cela n’est pas possible, le
Conseil a nécessairement compétence » (soulignement ajouté) (point 29).
Étant donné cette norme, il est clair que le Conseil a compétence pour connaître des requêtes du
demandeur.
CONTRE-MESURES
76. L’État du Qatar a systématiquement soutenu que la question des contre-mesures et leur
licéité ou autre doit être examinée sur le fond de l’affaire. Les défendeurs n’ont pas allégué que la
licéité de leurs actions contre l’État du Qatar et sa population devrait être évaluée au stade des
exceptions préliminaires. Ce qu’ils semblent dire est que les actions qu’ils ont prises sont des contremesures,
dont la licéité n’est pas soumise à l’examen du Conseil. Cependant, de manière extrêmement
préjudiciable, ils soumettent des aspects substantiels au Conseil, ignorant l’obligation légale de ne pas
le faire (voir point 29 ci-dessus). L’État du Qatar affirme que les arguments soulevés par les
défendeurs et toutes les annexes présentées à cet égard relèvent de l’examen au fond et non pas
au stade des exceptions préliminaires. Ces arguments et annexes relèvent de la défense sur le
fond et non pas de l’exception préliminaire.
77. L’État du Qatar a déjà souligné que le Conseil ne peut examiner le fond à ce stade et que, en
tout état de cause, le Conseil peut examiner toute question plus ample lors de l’examen au fond.
- 72 -
78. Par conséquent, le Qatar ne répond pas à ce stade aux allégations selon lesquelles il
soutiendrait ou financerait le terrorisme, etc. Au stade ultérieur approprié de la procédure
(fond), l’État du Qatar opposera aux allégations des défendeurs une défense solide en droit et en
fait, qui démontrera que leurs actions ne sont pas légitimes à titre de contre-mesures ni à tous
autres égards en droit international.
79. Le Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et les
commentaires y relatifs, établi par la Commission du droit international (CDI), que les défendeurs
mentionnent aux points 40 et 41 de leurs exceptions préliminaires et qui reflètent les principes du droit
international coutumier, ont à deux reprises été portés à l’attention des États par l’Assemblée générale
des Nations Unies (Résolution 56/83 [2002] et Résolution 71/133 [2016]).
80. Dans son commentaire, la CDI déclare que les contre-mesures sont justifiées dans certaines
circonstances, mais que :
« […] les contre-mesures sont susceptibles d’abus, et cette éventualité est renforcée par les
inégalités de fait entre États. Le chapitre II vise à instituer un système opérationnel tenant
compte du caractère exceptionnel des contre-mesures prises en réaction à un comportement
internationalement illicite tout en s’efforçant, en assortissant les contre-mesures de conditions
et restrictions appropriées, de les contenir dans des limites généralement acceptables
(Annuaire de la Commission du droit international, 2001, volume II, deuxième partie, p. 128).
La CDI ajoute que les contre-mesures ne sont pas envisagées comme une forme de répression, qu’elles
doivent être proportionnées et ne doivent pas porter atteinte à certaines obligations fondamentales, en
particulier celles résultant de normes impératives du droit international général. Les contre-mesures ne
peuvent porter atteinte à une procédure de règlement des différends en vigueur entre les deux États et
applicable au différend. Elles doivent être précédées d’une demande adressée par l’État lésé à l’État
responsable pour l’inviter à s’acquitter des obligations qui lui incombent, elles doivent être assorties
d’une offre de négocier et doivent être suspendues si le fait internationalement illicite a cessé et si le
différend est soumis de bonne foi à une cour ou un tribunal (ibid. p. 129) La CDI met en garde :
« [...] Un État qui prend des contre-mesures le fait à ses propres risques, si sa perception de la
question de l’illicéité se révèle mal fondée. Un État qui recourt à des contre-mesures en
fonction d’une appréciation unilatérale de la situation le fait à ses propres risques et peut
encourir une responsabilité à raison de son propre comportement illicite dans l’hypothèse
d’une appréciation inexacte.
[...] Le critère est toujours celui de la proportionnalité, et un État qui a commis un fait
internationalement illicite ne s’expose pas du même coup à toute forme ou conjugaison
possible de contre-mesures, quelles qu’en soient la gravité ou les conséquences » (ibid. p.
130).
81. De manière similaire, le Tribunal arbitral dans l’affaire concernant l’Accord relatif aux
services aériens déclare :
« Il va sans dire qu’il y a dans le recours à des contre-mesures le grand danger qu’à leur tour
elles n’engendrent une réplique, provoquant ainsi une escalade génératrice d’une aggravation
- 73 -
du conflit. Les contre-mesures devraient donc être un pari sur la sagesse et non sur la faiblesse
de l’autre Partie. Elles devraient être maniées dans un esprit de grande modération et
accompagnées d’un réel effort pour résoudre le conflit. » (Affaire concernant l’accord relatif
aux services aériens du 27 mars 1946 entre les États-Unis d’Amérique et la France, Sentence
arbitrale du 9 décembre 1978, Recueil des sentences arbitrales, vol. XVIII, pp. 417-493 au
point 91).
82. À la suite des commentaires susmentionnés, la CDI énonce un certain nombre d’articles, que
les défendeurs connaissent, car ils ont cité les rapports de la CDI. En vertu de l’article 50 :
« 1. Les contre-mesures ne peuvent porter aucune atteinte :
b) aux obligations concernant la protection des droits fondamentaux de l’homme ;
d) aux autres obligations découlant de normes impératives du droit international
général ».
En vertu de l’article 51 :
« Les contre-mesures doivent être proportionnelles au préjudice subi, compte tenu de la gravité
du fait internationalement illicite et des droits en cause. »
L’article 52 dispose :
« 1. Avant de prendre des contre-mesures, l’État lésé doit :
a) demander à l’État responsable [...] de s’acquitter des obligations qui lui incombent
[...] ;
b) notifier à l’État responsable toute décision de prendre des contre-mesures et offrir
de négocier avec cet État » (p. 135).
83. L’État du Qatar montrera, au stade de l’examen au fond, en droit et en fait, que les
conditions de l’imposition et du maintien des contre-mesures alléguées par les défendeurs n’ont
pas été remplies. En imposant ces contre-mesures alléguées, les défendeurs ont violé le droit
international. Le droit international ne reconnaît pas les actions des défendeurs comme des
contre-mesures valides Le droit international n’est pas à ce point éloigné du concept de justice
pour tolérer les actions des défendeurs.
84. Que les défendeurs en viennent à évoquer une défense des contre-mesures, comme telle est
leur intention déclarée, revient à admettre que leurs actions ne respectent pas leurs obligations au titre
de l’ATSAI.
85. Dans l’histoire des litiges internationaux, les défendeurs ne peuvent relever qu’une seule
affaire dans laquelle certaines contre-mesures limitées ont été jugées licites (l’arbitrage
concernant les services aériens) et que les contre-mesures concernées dans le même domaine ont
- 74 -
constitué une violation de l’obligation internationale donnant lieu aux contre-mesures, savoir les
droits de trafic aérien.
NÉGOCIATIONS
86. Les défendeurs soutiennent que l’État du Qatar n’a pas respecté l’article 2 g) du Règlement
pour la solution des différends de l’OACI et que le Conseil est ainsi privé de la compétence de
connaître de l’affaire. L’article 2 g) est une règle de forme qui requiert une déclaration du demandeur
attestant que « des négociations ont eu lieu entre les parties pour régler le désaccord, mais qu’elles
n’ont pas abouti ».
87. L’absence de la déclaration au titre de l’article 2 g) en application de l’article II, section 2, de
l’ATSAI, n’empêche pas le Conseil de se déclarer compétent. L’État du Qatar est libre, en vertu de la
jurisprudence internationale, de modifier ses plaidoiries ou ses conclusions avant que le Conseil ne
statue sur l’affaire.
88. Il a également le droit de présenter au Conseil de nouveaux éléments de preuve pour montrer
que des tentatives de négociation ou des négociations ont été menées à différents niveaux et dans
différentes instances et qu’elles n’ont pas abouti. À cet égard, l’État du Qatar montrera ci-dessous que,
aux termes de l’article II, section 2 de l’ATSAI, le désaccord ne peut être réglé par voie de
négociation.
a) Article 2, alinéa g) du Règlement
89. Les plaidoiries dans cette affaire ne sont pas closes. Dans sa réponse aux exceptions
préliminaires, l’État du Qatar peut se prévaloir de la possibilité de soumettre de nouveaux faits et
documents au Conseil. Après la clôture des plaidoiries, « aucun autre document ne peut être soumis
par l’une des parties, si ce n’est avec l’assentiment de l’autre partie ou en vertu d’une permission du
Conseil accordée après audition des parties » (article 7, paragraphe 4, du Règlement pour la solution
des différends). Avant cela toutefois, comme tel est le cas en l’espèce, aucune autorisation spéciale
n’est requise.
90. Cette règle est semblable à celle prévue par l’Instruction de procédure IX de la CIJ,
paragraphe 1, qui dispose que :
« Les parties à une affaire devant la Cour devraient s’abstenir de présenter de nouveaux
documents après la clôture de la procédure écrite. »
91. Dans l’affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (1984), les
États-Unis ont soutenu que, à la suite du dépôt de la requête, le Nicaragua n’était pas autorisé à faire
- 75 -
valoir dans des plaidoiries ultérieures des motifs juridictionnels qu’il connaissait vraisemblablement
au moment du dépôt de sa requête. La Cour a ainsi abordé cette question :
« Un autre motif de compétence peut néanmoins être porté ultérieurement à l’attention de la
Cour, et celle-ci peut en tenir compte à condition que le demandeur ait clairement manifesté
l’intention de procéder sur cette base [...], à condition aussi que le différend porté devant la
Cour par requête ne se trouve pas transformé en un autre différend dont le caractère ne serait
pas le même. » (point 80)
La Cour a également noté que :
« Le Nicaragua n’a pas répondu directement à l’argumentation des États-Unis relative à
l’estoppel, qui n’a été pleinement exposée que durant la procédure orale » (soulignement
ajouté) (point 50).
92. Les défendeurs n’ont pas vraiment indiqué la conséquence de l’omission de l’article 2 g), à
savoir : cette omission purement formelle suffit-elle pour vicier la juridiction du Conseil, ou
l’omission indique-t-elle qu’il n’a pas été satisfait à une obligation substantielle ? Dans le premier cas,
le Conseil est invité à examiner l’affaire concernant les Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, dans laquelle la CIJ a jugé que :
« Il n’y aurait aucun sens à obliger maintenant le Nicaragua à entamer une nouvelle procédure
sur la base du traité, ce qu’il aurait pleinement le droit de faire. Pour citer la Cour permanente :
“La Cour ne pourrait s’arrêter à un défaut de forme qu’il dépendrait de la seule Partie
intéressée de faire disparaître” (Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise,
compétence, arrêt nº 6, 1925, C.P.J.Z. série A no 6, p. 14) (point 83).
De manière similaire, dans l’affaire des Activités armées, la Cour a déclaré :
« [...] la Cour ne doit pas sanctionner un défaut de procédure auquel la partie requérante
pourrait aisément porter remède [...]. [L] a RDC aurait pu, de sa propre initiative, remédier au
défaut procédural affectant sa requête initiale en déposant une nouvelle requête. L’argument
susmentionné du Rwanda doit par suite être écarté. » (Activités armées sur le territoire du
Congo [nouvelle requête : 2002] [République démocratique du Congo c. Rwanda],
Compétence et recevabilité, arrêt, Recueil CIJ, 2006, p. 6 au point 53).
Par conséquent, la Cour ne pénalisera pas un demandeur en raison de défauts de procédure auxquels il
peut aisément remédier, car il pourrait, si tel n’était pas le cas, simplement déposer une nouvelle
requête. Le Conseil devrait appliquer la même règle de droit en l’espèce. L’État du Qatar modifie par
la présente ses plaidoiries pour inclure la déclaration suivante :
« Des négociations ont eu lieu entre les parties pour régler le désaccord, mais elles n’ont pas
abouti. »
b) Contenu de l’obligation de négocier
93. Les négociations peuvent être bilatérales, elles peuvent être menées au sein d’instances
multilatérales, ou recourir aux bons offices d’un tiers. Lorsque des relations diplomatiques n’existent
pas, les efforts bilatéraux peuvent être difficiles, et d’autres approches sont privilégiées.
- 76 -
94. Une obligation de négocier ou de tenter de négocier n’implique pas une obligation de parvenir
à un accord car, si tel était le cas, l’affaire ne serait pas portée devant le Conseil. Comme le déclare la
CIJ :
« Définissant dans son avis consultatif sur le Trafic ferroviaire entre la Lituanie et la Pologne
la teneur de l’obligation de négocier, la Cour permanente a dit que cette obligation “n’est pas
seulement d’entamer des négociations”, mais encore de les poursuivre autant que possible, en
vue d’arriver à des accords”, même si l’engagement de négocier n’impliquait pas celui de
s’entendre (C.Y.J.I. série A/B nº 42, 1931, p. 116). (Plateau continental de la mer du Nord,
Recueil CIJ, 1969, p. 3 au point 87).
95. Les critères pour répondre à l’exigence de négociations préalables dans certaines clauses
compromissoires (ex. : « ne peut être réglé par voie de négociation ») ont été développés dans la
jurisprudence au fil des ans.
96. Dans l’une des premières et des plus convaincantes déclarations sur cette question, la Cour
permanente de Justice internationale indiquait :
« [...] l’appréciation de l’importance et des chances de réussite d’une négociation diplomatique
est essentiellement relative. Une négociation ne suppose pas toujours et nécessairement
une série plus ou moins longue de notes et de dépêches ; ce peut être assez qu’une
conversation ait été entamée ; cette conversation a pu être très courte : tel est le cas si elle
a rencontré un point mort, si elle s’est heurtée finalement à un non possumus ou à un
non nolumus péremptoire de l’une des Parties et qu’ainsi il est apparu avec évidence que
le différend n’est pas susceptible d’être réglé par une négociation diplomatique.
La Cour se rend bien compte de toute l’importance de la règle suivant laquelle ne doivent être
portées devant elle que des affaires qui ne sont pas susceptibles d’être réglées par négociations
[...]. Cependant, pour l’application de cette règle, la Cour ne peut pas se dispenser de
tenir compte, entre autres circonstances, de l’appréciation des États intéressés euxmêmes,
qui sont le mieux placés pour juger des motifs d’ordre politique pouvant rendre
impossible la solution diplomatique d’une contestation déterminée » (soulignement ajouté)
(Concessions Mavrommatis en Palestine [Grèce c. Royaume-Uni], Publications de la Cour
permanente de Justice internationale, série A- nº 2 [1924], pp. 13-15).
97. Les Affaires du Sud-Ouest africain (1962) apportent quelques éléments supplémentaires. Ici
les défendeurs ont déclaré qu’il n’y avait pas eu de négociations, en particulier pas de négociations
directes entre les parties. Les demandeurs n’ont pas réfuté le fait qu’il n’y avait pas eu de négociations
directes, mais ont déclaré que des négociations avaient été menées entre eux et d’autres membres des
Nations Unies qui partageaient leurs points de vue d’une part et, d’autre part, avec le défendeur, au
sein de l’Assemblée et d’autres organes des Nations Unies, et que les négociations aboutissaient
chaque fois à une impasse en raison des conditions et restrictions que le défendeur leur imposait. La
Cour a conclu qu’il n’existait en fait aucune probabilité que d’autres négociations aboutissent à un
règlement (Affaires du Sud-Ouest africain [Éthiopie c. Afrique du Sud ; Liberia c. Afrique du Sud],
Exceptions préliminaires, arrêt du 21 décembre 1962, Recueil CIJ, 1962, p. 319 aux pp. 344-345).
98. La Cour a ensuite déclaré :
- 77 -
« Cependant, le défendeur affirme en outre que des négociations collectives au sein des
Nations Unies sont une chose, que des négociations directes entre les demandeurs et lui-même
en sont une autre et qu’aucune négociation directe n’a jamais été engagée entre eux. Mais ce
qui importe en la matière ce n’est pas tant la forme des négociations que l’attitude et les thèses
des Parties sur les aspects fondamentaux de la question en litige. Tant que l’on demeure
inébranlable de part et d’autre - et c’est ce qui ressort clairement des plaidoiries présentées à la
Cour - il n’y a aucune raison qui permette de penser que le différend soit susceptible d’être
réglé par de nouvelles négociations [...].
D’autre part, la diplomatie pratiquée au sein des conférences ou diplomatie
parlementaire s’est fait reconnaître comme l’un des moyens établis de conduire des
négociations internationales » (soulignement ajouté) (ibid. p. 346).
99. Dans l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale, la Cour a confirmé qu’« elle a finalement admis que des échanges moins
formels puissent constituer des négociations et a reconnu “la diplomatie pratiquée au sein des
conférences ou démocratie parlementaire” » (Application de la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale [Géorgie c. Fédération de Russie],
Exceptions préliminaires, arrêt, Recueil CIJ, 2011, p. 70 au point 160].
c) Date à laquelle la condition de négociation doit être remplie
100. La date à laquelle il doit être satisfait à la condition de négociation n’est pas définie en droit
comme
l’affirment les défendeurs.
101. Dans l’affaire concernant l’Application de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide, la Cour a rappelé que :
« [...] la Cour, comme sa devancière, a aussi fait preuve de réalisme et de souplesse dans
certaines hypothèses où les conditions de la compétence de la Cour n’étaient pas toutes
remplies à la date de l’introduction de l’instance mais l’avaient été postérieurement, et avant
que la Cour décide sur sa compétence » (Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide [Croatie c. Serbie], Exceptions préliminaires, arrêt, recueil
CIJ, 2008, p. 412 au point 81).
La Cour a ensuite cité une longue liste d’affaires à l’appui de son point de vue et ajouté :
« En effet, ce qui importe, c’est que, au plus tard à la date à laquelle la Cour statue sur sa
compétence, le demandeur soit en droit, s’il le souhaite, d’introduire une nouvelle instance
dans le cadre de laquelle la condition qui faisait initialement défaut serait remplie. En pareil
cas, cela ne servirait pas l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’obliger le
demandeur à recommencer la procédure — ou à en commencer une nouvelle — et il est
préférable, sauf circonstances spéciales, de constater que la condition est désormais remplie »
(ibid. au point 85).
[...] on n’aperçoit pas pourquoi les arguments tirés d’une bonne administration de la justice,
qui sont à la base de la jurisprudence Mavrommatis, ne seraient pas pertinents aussi dans un
cas tel que celui qui nous occupe. Il ne servirait pas l’intérêt de la justice de mettre le
- 78 -
demandeur dans l’obligation, s’il souhaite persévérer dans ses prétentions, d’entamer une
nouvelle procédure. À cet égard, peu importe la condition qui, à la date d’introduction de
l’instance, faisait défaut, empêchant ainsi la Cour, à ce moment-là, d’exercer sa compétence,
dès lors qu’elle a été remplie par la suite » (ibid. au point 87).
102. Dans l’affaire de l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination raciale, cinq juges ont exprimé une opinion dissidente très forte, y compris
le président de la Cour, qui a déclaré :
« Il est vrai qu’en principe la Cour se place à la date de sa saisine pour apprécier la réalisation
des conditions qui commandent sa compétence ou la recevabilité de la requête. Mais la Cour a
progressivement assoupli la rigueur de ce principe [...] pour tenir compte de l’hypothèse dans
laquelle une condition qui n’aurait pas été remplie à la date de l’introduction de l’instance
aurait été satisfaite postérieurement à celle-ci mais antérieurement à la date à laquelle la
Cour se prononce sur sa compétence (ou sur la recevabilité de la requête). En pareil cas, ce
serait faire preuve d’un formalisme inutile que de refuser de tenir compte de la réalisation,
postérieure à l’introduction de la requête, de la condition qui faisait initialement défaut »
(soulignement ajouté) (point 35).
Faisant référence aux exceptions préliminaires dans l’affaire Croatie c. Serbie, les cinq juges ont
déclaré :
« Dans l’affaire en cause, la condition qui s’était trouvée remplie postérieurement à
l’introduction de la requête n’était pas celle relative à l’exigence d’une recherche de règlement
négocié, mais la Cour s’est exprimée dans des termes qui ne laissent place à aucun doute sur le
fait que son raisonnement est valable pour toute condition de compétence ou de recevabilité
qui, n’étant pas initialement remplie, l’a été entre l’introduction de l’instance et la date à
laquelle la Cour statue sur sa compétence » (soulignement ajouté) (point 37).
Les juges ont considéré que :
« Il faut, selon nous, s’en tenir à une approche résolument réaliste et non formaliste de la
question des négociations, approche qui avait toujours été celle de la Cour jusqu’à présent.
Il n’existe — et il ne peut exister — aucun critère général permettant de déterminer à
partir de quel seuil un État sera regardé comme ayant satisfait à l’obligation de tenter de
négocier sur les griefs qu’il formule à l’encontre d’un autre État, et de poursuivre sa tentative
aussi loin que possible, en vue de parvenir à un accord.
Tout est affaire d’espèce. Le niveau d’exigence de la Cour ne peut que varier, à l’évidence,
selon la nature des questions qui font l’objet du différend et le comportement de l’État mis en
cause. Il est clair que certaines questions, par leur nature, se prêtent mieux que d’autres
à la négociation, au rapprochement des points de vue, à la recherche d’une solution de
compromis. Il est clair aussi que l’État mis en cause peut répondre à la réclamation qui lui
est adressée par toute une gamme d’attitudes possibles, allant de la plus grande
ouverture à la plus ferme, voire brutale, fin de non-recevoir.
C’est donc toujours une appréciation au cas par cas à laquelle la Cour doit se livrer.
Mais, dans tous les cas, la Cour devrait aborder la question non pas sous un angle formel ou
procédural, mais comme une question de fond. Si la Cour constate qu’il n’existait plus, à la
date de l’introduction de l’instance, ou subsidiairement qu’il n’existe plus à la date à
laquelle elle vérifie sa compétence, une perspective raisonnable pour que le différend, tel
qu’il se présente à elle, soit résolu par la voie de négociations entre les parties, elle doit
admettre sa compétence, sans entrer dans la discussion byzantine de chacun des actes
accomplis par le demandeur, et de ceux qu’il aurait pu accomplir.
- 79 -
On retrouve ici la finalité essentielle des conditions posées par une clause du type de celle
que la Cour doit appliquer en la présente affaire : non pas dresser des obstacles
procéduraux tatillons et inutiles de nature à retarder ou à entraver l’accès du
demandeur à la justice internationale, mais permettre à la Cour de s’assurer, avant de
connaître au fond du différend qui lui est soumis, qu’un effort suffisant a été accompli pour le
régler par d’autres voies que la voie judiciaire.
C’est dans cet esprit que la Cour a toujours appliqué, jusqu’à présent, les clauses
compromissoires comportant une condition de tentative de règlement négocié du différend [...]
Dans les affaires dites de l’Incident aérien de Lockerbie, la clause applicable (l’article 14,
paragraphe 1, de la Convention de Montréal de 1971 pour la répression d’actes illicites dirigés
contre la sécurité de l’aviation civile) se référait à “tout différend […] qui ne peut pas être
réglé par voie de négociation”. Les défendeurs avaient soutenu [...] que [...] un tel différend, à
supposer qu’il existât, n’avait donné lieu à aucune tentative de règlement négocié.
La Cour, pour écarter l’objection, a retenu, entre autres motifs déterminants, le suivant :
“[...] le défendeur a toujours soutenu que la destruction de l’appareil de la Pan Am audessus
de Lockerbie n’avait suscité entre les Parties aucun différend concernant
l’interprétation ou l’application de la Convention de Montréal et que, de ce fait, il n’y
avait, de l’avis du défendeur, aucune question à régler par voie de négociation
conformément à la convention [...].
En conséquence, de l’avis de la Cour, le différend qui existerait entre les Parties ne
pouvait [pas] être réglé par voie de négociation [...].”
La présente affaire est la première dans laquelle la Cour conclut à son incompétence sur
la seule base du défaut de réalisation d’une condition de négociation préalable »
(soulignement ajouté) (points 55 à 63 de l’opinion dissidente).
d) Durée ces négociations
103. Aux points 98 et 108 b) de leurs exceptions préliminaires, les défendeurs citent l’affaire États-
Unis et 15 États européens, dans lequel les négociations ont apparemment été menées sur une période
de trois ans, afin de donner à entendre qu’il s’agit là de la norme ou d’une norme pour satisfaire à la
condition de négociations.
104. Mais le Conseil n’a jamais suggéré une telle chose. Il a simplement noté dans les paragraphes
du préambule à la décision que « les négociations entre les parties, qui se sont tenues sur une période
de trois ans à différents niveaux, ont été adéquates et suffisantes pour répondre aux exigences de
l’article 84 [...] » (C-DEC 161/6). Le Conseil n’a jamais dit qu’une période plus courte ne suffirait pas
également. Et il ne pourrait pas le dire. Les circonstances et les faits sont différents dans tous les cas. Il
conviendrait aux défendeurs que le Conseil prévoie une norme de trois ans dans le cas d’espèce où, en
violation de l’ATSAI, ils ont imposé et continuent d’imposer des restrictions qui ont de graves
conséquences pour l’État du Qatar et sa population. Ils ont toutes les raisons de retarder ou de prévenir
l’administration de la justice et une décision en réponse aux demandes du Qatar, et affirment ainsi ou à
tout le moins suggèrent qu’une période de négociations de trois ans constitue une norme satisfaisante
pour juger de ce qui est adéquat.
- 80 -
105. Dans les faits, la durée, en elle-même, est sans conséquence.
106. Dans l’Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), l’Inde a
suspendu le survol de son territoire par les aéronefs pakistanais le 4 février 1971 ; la question a été
portée devant le Conseil par le Pakistan le 3 mars 1971, un peu moins d’un mois plus tard. Le Conseil
s’est déclaré compétent le 29 juillet 1971. Il n’a même pas été suggéré que cette période d’un mois
pour des négociations était inadéquate, ni devant le Conseil ou par le Conseil ou la CJI.
107. Dans l’affaire concernant le Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran,
les actions et omissions dont se sont plaints les États-Unis ont eu lieu le 4 novembre 1979 ; les États-
Unis ont déposé leur requête auprès de la CIJ le lundi 29 novembre 1971, moins d’un mois plus tard ;
la durée a été sans conséquence pour la CIJ lorsqu’elle s’est déclarée compétente.
108. Enfin, dans l’affaire de l’Application de la convention internationale sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination raciale, la Cour a considéré que la durée à prendre en
considération était de trois jours, depuis le moment où la Cour a établi l’existence d’un différend entre
les parties jusqu’au moment où la Géorgie a déposé sa requête (12 août 2008). Sur les faits, la Cour a
conclu qu’il n’y avait pas eu de tentative de négociation de la part de la Géorgie. La Cour n’a pas
suggéré que cette tentative s’était produite, une période de trois jours serait insuffisante. Il s’agit là de
la seule affaire où la Cour ne s’est pas déclarée compétente en raison de la condition de négociation.
Les juges ayant exprimé une opinion dissidente, mentionnés ci-dessus, ont considéré que la Cour,
conformément à sa jurisprudence constante, aurait dû également examiner la période postérieure au
dépôt de la requête, jusqu’à la date à laquelle la Cour s’est déclarée compétente ; et en tout état de
cause, à la date d’introduction de la requête, il était clairement établi qu’il n’existait aucune possibilité
raisonnable de règlement négocié du différend et la condition de négociation était remplie (point 84 de
l’opinion dissidente).
109. En fait, en aucun cas le Conseil ou la CIJ n’ont considéré la durée des négociations
comme un facteur ou un facteur important pour se déclarer compétents (« ne peut être réglé par
voie de négociations ») ; l’objet de l’examen est la question factuelle de savoir s’il y a eu une
tentative de négociation ou de véritables négociations, quelle qu’en soit la forme.
e) Autres aspects relatifs aux négociations
110. Au point 96 des exceptions préliminaires, les défendeurs déclarent que les négociations, qui
doivent à tout le moins avoir fait l’objet d’une tentative, doivent concerner directement le désaccord
entre les deux États et doivent « en particulier avoir examiné (ou à tout le moins avoir tenté
d’examiner) la question spécifique de l’interprétation ou de l’application du traité qui suscite le
différend entre les parties » (soulignement ajouté).
- 81 -
111. Dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires, la Cour a jugé que « parce qu’un État
ne s’est pas expressément référé, dans des négociations avec un autre État, à un traité particulier qui
aurait été violé par la conduite de celui-ci, il n’en découle pas nécessairement que le premier ne serait
pas admis à invoquer la clause compromissoire dudit traité » (point 83). Dans l’affaire de l’Application
de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la
Cour a néanmoins jugé que les négociations doivent porter sur l’objet du traité (au point 161). Par
Conséquent, l’État du Qatar n’avait pas à faire référence à l’ATSAI dans ses négociations ou tentatives
de négociation avec les défendeurs ; il suffit que le refus des droits de survol et d’atterrissage ait été
invoqué, ou plus généralement les mesures instituées contre le Qatar, car les aspects prépondérants
sont liés à l’aviation. Comme cela sera montré ci-dessous, le Qatar a attiré l’attention des défendeurs
sur le texte du traité en question et sur son objet.
112. Au point 102 des exceptions préliminaires, les défendeurs soutiennent que le Conseil a
demandé la tenue de négociations lors de sa session extraordinaire le 31 juillet 2017, mais qu’« en
dépit de la décision du Conseil, le demandeur n’a pas engagé ces négociations. » Il est difficile à l’État
du Qatar d’interpréter la décision du Conseil de la même manière que les défendeurs. Au point d) de la
décision, le Conseil encourage les cinq parties à maintenir leur collaboration et salue l’engagement
affirmé par leurs représentants quant à la poursuite des consultations pour veiller à la promotion de la
mise en oeuvre de solutions techniques optimales ; et encourage les cinq parties à collaborer pour
délibérer sur les questions plus larges dans d’autres cadres. Le Conseil n’a pas entamé un examen des
aspects juridiques des violations par les défendeurs de leurs obligations au titre de l’ATSAI et, en tout
état de cause, a chargé les cinq parties, sur un pied d’égalité, à poursuivre la collaboration, et non pas
seulement l’État du Qatar. Et en fait, l’État du Qatar a poursuivi sa collaboration et ses consultations
dans le cadre de l’OACI en ce qui concerne les solutions techniques, comme demandé par le Conseil
et illustré par les réunions de coordination technique tenues afin de mettre en place des routes ou des
mesures d’exception.
113. Bien que l’Arabie saoudite ne soit pas un défendeur dans la requête B, quatre États ont mis en
place un ensemble de mesures communes contre l’État du Qatar, y compris l’interdiction pour les
aéronefs qatariens de survoler leurs territoires respectifs ou d’y atterrir. Ces mesures ont été appliquées
à des questions relevant de la Convention de Chicago et de l’ATSAI. Aux fins des négociations ou des
tentatives de négociation par le Qatar, il n’a pas toujours été possible en pratique d’établir une
distinction entre des défendeurs parties à la Convention de Chicago d’une part et ceux parties à
l’ATSAI d’autre part. Toute autre approche serait purement artificielle. La chronologie des
négociations, ou des tentatives de négociation, menées par le Qatar comprend par conséquent des
éléments concernant les quatre États, car les quatre ont agi de concert et imposé les mêmes restrictions
aéronautiques, qu’ils soient parties à l’ATSAI ou non, et tous les quatre feraient partie de la solution,
le cas échéant, que ces éléments concernent la Convention de Chicago ou l’ATSAI.
- 82 -
f) Examen et négociations dans le cadre de l’OACI
114. En juin 2017, le Président du Conseil a transmis à l’ensemble des délégations auprès du
Conseil, y compris deux des trois défendeurs, une série de courriers de l’État du Qatar, accompagnés
de la demande du Qatar d’ajouter un point en vertu de l’article 54 n) de la Convention de Chicago au
programme de travail de la 211e session du Conseil. La correspondance jointe au mémoire du
Président est la suivante :
1) Lettre du Qatar au Président du Conseil du 17 juin 2017, réf. 2017/16032, qui constituait
une communication distincte et spécifique au sujet de la demande du Qatar en vertu de l’article
54 n) à diffuser au Conseil, en vue de « rétablir le flux sûr, sécurisé et efficace de trafic aérien
et de supprimer immédiatement le blocus exercé illicitement contre les aéronefs immatriculés
au Qatar et l’État du Qatar au-dessus de la haute mer » (Pièce justificative 1).
2) Lettre du Qatar du 5 juin 2017, réf. QCAA/ANS.02/502/17, à la Secrétaire générale, qui fait
référence aux mesures unilatérales prises par le Bahreïn, l’Égypte, l’Arabie Saoudite et les
Émirats arabes unis de fermer les FIR qui leur sont allouées pour le trafic vers/depuis le Qatar,
y compris les vols Qatar Airways atterrissant dans les FIR ou les survolant. Cette lettre
demandait une décision urgente de l’OACI sur la prestation de services du Qatar dans l’espace
aérien au-dessus de la haute mer et indiquait que le Qatar collaborait avec le Bureau régional
pour élaborer des « plans d’exception via l’espace aérien international pour le trafic
vers/depuis le Qatar. » La lettre invitait la Secrétaire générale à envisager de porter la question
à l’attention du Conseil (Pièce justificative 2).
3) Dans une lettre de l’autorité de l’aviation civile du Qatar au Président du Conseil du 8 juin
2017, réf. 2017/15984, le Qatar déclarait que les défendeurs avaient mis en oeuvre une série de
mesures coordonnées qui, si leur maintien était autorisé, « imposeraient effectivement un
blocus aérien » du Qatar. Cette lettre indiquait que de nombreuses dispositions de la
Convention de Chicago et de l’Accord relatif au transit des services aériens internationaux
avaient été violées et demandait au Conseil de procéder à un examen urgent en vertu de
l’article 54 n), ainsi que la mise en place de mesures d’exception. Pour l’ATSAI, la lettre
indiquait des violations de l’article premier, section 1 (Pièce justificative 3).
4) Lettre du ministre des Transports et des Communications du Qatar du 13 juin 2017 à la
Secrétaire générale, réf. 2017/15993, indiquant que les actions des défendeurs visant à fermer
leur FIR aux aéronefs immatriculés au Qatar imposaient effectivement un blocus aérien et que
ces actions étaient incompatibles avec les conventions en vigueur. En vertu de l’article 54 n),
le Qatar avait demandé à l’OACI de déclarer que les actions des défendeurs constituaient des
- 83 -
violations de l’ATSAI et d’ordonner aux défendeurs de supprimer toutes les sanctions de
manière urgente et inconditionnelle (Pièce justificative 4).
5) Lettre à la Secrétaire générale du Président de l’AAC du Qatar du 13 juin 2017, réf.
2017/15994, ainsi qu’une pièce jointe reproduisant une série de NOTAM des défendeurs
(Pièce justificative 5).
6) Lettre du 15 juin 2017 du Président de l’Autorité de l’aviation civile du Qatar à la secrétaire
générale, réf. 2017/15995, par laquelle le Qatar invoquait officiellement l’article 54 n),
demandant au Conseil de « prendre les mesures nécessaires pour rectifier les violations de la
Convention de Chicago et l’Accord relatif au transit des services aériens internationaux. » La
déclaration officielle du Qatar en vertu de l’article 54 n) était jointe à la lettre. Il a été déclaré
que les défendeurs avaient privé l’État du Qatar de ses droits de transit sur leur territoire,
comme accordé par l’ATSAI. Le Conseil a été invité à établir si les défendeurs avaient violé
l’ATSAI et à leur ordonner de se mettre en conformité (Pièce justificative 6).
115. Le Conseil s’est réuni en session extraordinaire le 31 juillet 2017 et a examiné un certain
nombre de documents de travail.
116. La Note de travail (C-WP/14641) du Qatar réitérait que les défendeurs avaient fermé leur
espace aérien aux aéronefs immatriculés au Qatar et imposé des restrictions sévères quant à
l’utilisation par ces aéronefs de l’espace aérien international au-dessus de la haute mer qui est adjacent
à l’espace aérien recouvrant leur territoire. Il a été déclaré que les défendeurs avaient violé les
dispositions de l’ATSAI. Le Conseil a été invité à prier instamment les défendeurs de lever les
restrictions au-dessus de la haute mer ou de prévoir d’autres routes/segments de route pour transiter
au-dessus de la haute mer. En outre, le Conseil a été invité à prier instamment les défendeurs de
satisfaire de bonne foi à leurs obligations concernant la liberté de survol prévue dans l’ATSAI afin de
permettre aux aéronefs immatriculés au Qatar de reprendre les vols normaux dans l’espace aérien des
défendeurs (Pièce justificative 7).
117. Dans leur note (C-WP/14640), les défendeurs demandent notamment au Conseil :
a) de prendre note des mesures d’exception adoptées entre les parties ;
b) de reconnaître que les parties coopèrent pour mettre en oeuvre les mesures d’exception ;
c) d’encourager les parties à poursuivre leur collaboration.
Les défendeurs ont confirmé qu’ils avaient « suspendu l’accès des aéronefs immatriculés au Qatar à
l’espace aérien de ces États (y compris l’espace aérien au-dessus des eaux territoriales) avec effet le 6
juin 2017 » (point 2.1). Au point 4, les défendeurs ont présenté de longues informations sur les
arrangements et routes d’exception (Pièce justificative 8).
- 84 -
118. La Secrétaire générale, dans sa note (C-WP/14639), indique avoir reçu des lettres de l’Arabie
Saoudite et de l’Égypte dans lesquelles les deux États confirmaient les restrictions imposées aux
aéronefs immatriculés au Qatar entrant dans leur espace aérien et atterrissant dans leurs aéroports
(point 1.3). La secrétaire générale a rendu compte des réunions de coordination associant les
différentes parties en vue de renforcer les arrangements d’exception (Pièce justificative 9). D’autres
réunions de coordination se sont tenues depuis lors.
119. Dans sa présentation de la note C-WP/14641, le ministre des Transports et des
Communications du Qatar évoquait la fermeture par les défendeurs de leurs espaces aériens respectifs
aux aéronefs immatriculés au Qatar et l’imposition de restrictions sévères à ces aéronefs en ce qui
concerne l’accès à l’espace aérien international au-dessus de la haute mer (C-MIN Session
extraordinaire, 31 juillet 2017, Pièce justificative 10, au point 7). Le ministre a indiqué que les actions
des défendeurs constituaient une violation flagrante de tous les instruments applicables de l’OACI
(point 11). Le Qatar demandait au Conseil de lever le blocus (point 14). Le Directeur du département
de la sécurité aérienne de l’Autorité de l’aviation civile du Qatar a déclaré que le Qatar était convaincu
du caractère prioritaire des violations de l’ATSAI (point 25).
120. Le ministre de l’Économie des Émirats arabes unis, au nom des quatre États, a évoqué la mise
en place avec succès des routes d’exception avec la coopération de l’OACI (point 33). M. Al Belushi,
Suppléant des Émirats arabes unis, a indiqué :
« […] que le Bureau régional de l’OACI au Moyen-Orient avait coordonné de multiples
réunions afin de revoir les routes d’exception en place actuellement et d’examiner d’autres
propositions [...] » (point 45).
121. Au cours de la discussion qui a suivi, de nombreux représentants ont évoqué la nécessité de
continuer à coopérer, ou de négocier, de dialoguer ou de discuter. Les cinq États ont tous exprimé leur
volonté de collaborer sur les questions techniques. Dans sa décision, le Conseil a encouragé les cinq
parties à poursuivre leur collaboration.
122. L’objet de cette longue récapitulation est de montrer que des négociations ont eu lieu entre les
parties dans le cadre de l’OACI. Cependant, bien que l’État du Qatar ait soulevé, dans sa
correspondance, ses déclarations et ses discussions au sein de l’OACI, les violations spécifiques de
l’ATSAI, l’OACI et les défendeurs n’ont jusqu’à présent pas abordé cette question, sauf de façon très
limitée en établissant quelques routes d’exception. Le refus fondamental de permettre aux aéronefs
immatriculés au Qatar, pour les services aériens réguliers, de survoler le territoire des défendeurs et/ou
d’y atterrir demeure.
g) Demande de consultations dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce
- 85 -
123. Dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’État du Qatar a demandé la
tenue de consultations avec le Bahreïn et les Émirats arabes unis, y compris spécifiquement sur les
restrictions sur l’aviation imposées par ces pays au Qatar.
124. Le 4 août 2017, l’OMC a diffusé des communications du Qatar du 31 juillet 2017 auprès des
délégations des deux États susmentionnés leur demandant d’« entamer des consultations concernant
les mesures adoptées dans le contexte des tentatives coercitives d’isolement » imposées par ces États.
Ces communications évoquaient notamment :
1) l’interdiction de l’accès des aéronefs immatriculés au Qatar à l’espace aérien de ces États ;
2) l’interdiction des vols, depuis et vers ces deux États, des vols exploités par des aéronefs
immatriculés au Qatar, y compris l’interdiction d’atterrissage de ces aéronefs dans les
aéroports de leurs territoires respectifs.
Les communications se concluent par la mention du Qatar qui « espère » recevoir une réponse dans les
dix jours, tel que le prévoient les règles applicables de l’OMC et « fixer une date mutuellement
acceptable pour les consultations [...] » (Pièces justificatives 11 et 12).
125. Par une lettre commune du 10 août 2017 adressée au Président de l’Organe de règlement des
différends de l’OMC (Pièce justificative 13), les deux défendeurs ont exprimé qu’ils :
« […] regrettent que des consultations aient été demandées dans cette affaire et saisissent cette
occasion pour réaffirmer leur position partagée et déterminée selon laquelle les mesures
mentionnées dans la demande mettent en oeuvre des décisions diplomatiques et de sécurité
nationale pour lesquelles tous les membres de l’OMC conservent leur pleine souveraineté.
Étant donné que les questions à la base de cette affaire ne sont pas des questions
commerciales, un groupe de travail de l’OMC ne devrait pas être demandé.
[...] Rien dans les accords de l’OMC ou les exceptions concernant la sécurité ne peut être
interprété comme exigeant d’un membre qu’il fournisse des informations qu’il juge contraires
à ses intérêts essentiels de sécurité, comme c’est le cas dans la présente affaire.
Sur la base de ce qui précède [...] les gouvernements soussignés refusent d’entamer des
consultations sur ce sujet. »
126. Indépendamment des questions de procédure dans le cadre de l’OMC, à savoir si les
défendeurs ont ou non raison, et de l’étape suivante, le cas échéant, qui pourrait se présenter, cette
série de communications et de courriers montre que, dans un autre cadre multilatéral, l’État du Qatar a
cherché, sans succès, à établir la communication avec deux des défendeurs sur l’objet du différend
soumis au Conseil.
h) Autres négociations ou tentatives de négociation
127. 5 juin 2017, Doha - Bureau d’information :
- 86 -
« Le ministère des Affaires étrangères de l’État du Qatar regrette profondément la décision de
l’Arabie Saoudite, des Émirats arabes unis et du Royaume de Bahreïn de fermer leurs
frontières et leur espace aérien et de rompre les relations diplomatiques » (soulignement
ajouté) (Pièce justificative 14).
128. 6 juin 2017, Doha - Bureau d’information :
Le ministre des Affaires étrangères du Qatar a souligné que le choix stratégique du Qatar est de
résoudre toute crise par le dialogue. Il a indiqué que « s’il existait de réels motifs, la question aurait été
soulevée pour être examinée lors des réunions du CCG [Conseil de coopération du Golfe], mais rien
n’a été évoqué. Cette question n’a pas non plus été évoquée lors du Sommet arabo-islamo-américain
qui s'est tenu à Riyad ». « Une allocution de S.E l’Émir [...] à la population qatarienne » mais le
discours a été reporté à la demande de S.E. l’Émir du Koweït afin de lui laisser « la latitude nécessaire
pour se déplacer et établir le contact avec les parties en conflit et tenter de maîtriser la question comme
il l’a toujours fait. » Le Qatar a considéré que le différend entre pays frères devrait être résolu à la
table des discussions et que « le choix stratégique du Qatar est de résoudre tout différend par le
dialogue. » Le ministre des Affaires étrangères a indiqué que des « déclarations inexactes » avaient été
faites en ce qui concerne la fermeture de l’espace aérien et du blocus terrestre et maritime [...] »
(soulignement ajouté). Il a ajouté que « quels que soient les différends entre nos pays, nous devons en
parler au sein du CCG [...] » (Pièce justificative 15).
129. 6 juin 2017, Doha - Bureau d’information :
Le ministre des Affaires étrangères du Qatar a déclaré être ouvert à la médiation pour résoudre la crise.
« Il a ajouté que « Nous souhaitons nous asseoir et parler » (Pièce justificative 16)
130. 7 juin 2017, Doha - Bureau d’information :
À la suite d’une réunion avec le président des États-Unis, le ministre des Affaires étrangères du Qatar
a indiqué, en ce qui concerne le financement du terrorisme : « nous lui avons dit très clairement qu’en
cas d’allégation, nous pouvions nous réunir et régler cette question » (Pièce justificative 17).
131. 7 juin 2017, Doha - Bureau d’information :
L’Émir de l’État du Qatar s’est réuni avec l’Émir du Koweït ; celui-ci a informé l’Émir de l’État du
Qatar de ses efforts pour tenter de résoudre la crise (Pièce justificative 18).
132. 9 juin 2017, Allemagne - Bureau d’information :
Le ministre des Affaires étrangères du Qatar s’est réuni avec le ministre allemand des Affaires
étrangères et ils ont évoqué le blocus aérien, maritime et terrestre, ainsi que la fermeture des
frontières terrestres et de l’espace aérien. Le ministre des Affaires étrangères du Qatar a réaffirmé
que le choix du Qatar est le dialogue. Il a déclaré : « De nombreux pays amis apportent leur soutien et
- 87 -
déploient des efforts pour maîtriser cette crise et lever ce blocus injuste de l’État du Qatar et pour
ensuite engager des négociations » (Pièce justificative 19).
133. 10 juin 2010, Moscou - Bureau d’information :
Lors d’une réunion avec son homologue à Moscou, le ministre des Affaires étrangères du Qatar « a
réaffirmé son attachement au dialogue pour résoudre les différends avec certains pays voisins et
indiqué que le Conseil de coopération du Golfe (CCG) constitue le cadre le plus approprié pour régler
les différends dans la région » (Pièce justificative 20).
134. 10 juin 2017, Moscou - Bureau d’information :
Dans un entretien télévisé, le ministre des Affaires étrangères du Qatar a indiqué que le Qatar ne
perdrait pas espoir dans la médiation de l’Émir du Koweït et que cette médiation était toujours en
cours (Pièce justificative 21).
135. 12 juin 2017, Londres - Bureau d’information :
Dans une déclaration à Al-Jazeera, le ministre des Affaires étrangères du Qatar a indiqué être en
contact avec l’Émir du Koweït au sujet de ses efforts de médiation et que les États-Unis étaient
également en contact avec le Koweït à propos des efforts de médiation. Le ministre des Affaires
étrangères a souligné que le dialogue diplomatique constitue la solution à la crise « qui requiert des
bases qui n’ont pas encore été dégagées, ajoutant que le Qatar est disposé à examiner toute demande,
pour autant qu’elle soit claire » (Pièce justificative 22).
136. 12 juin 2017, Paris - Bureau d’information :
Le ministre des Affaires étrangères du Qatar a souligné que le Qatar ignorait encore ce qui avait incité
les autres parties à boycotter son pays. Il a réaffirmé que le Qatar était ouvert au dialogue sur la base
de principes qui respectent le droit international. Il a également indiqué que « les efforts de médiation
du Koweït bénéficiaient du soutien européen et américain » (Pièce justificative 23).
137. 15 juin 2017, Doha - Bureau d’information
Rendant compte des efforts diplomatiques du Qatar, le ministre des Affaires étrangères du Qatar a
indiqué, notamment, que le Royaume-Uni et le Qatar s’étaient accordés sur la nécessité de soutenir
l’Émir du Koweït dans ses efforts de médiation ; le ministre allemand des Affaires étrangères a
souligné la nécessité de lever le blocus terrestre, maritime et aérien (Pièce justificative 24).
138. 17 juin 2017, Doha - Bureau d’information
Le ministre des Affaires étrangères du Qatar a mentionné les importants efforts de l’Émir du Koweït et
indiqué que « les frères koweïtiens se rendaient régulièrement dans les pays qui ont adopté ces
mesures injustes. » Aucune exigence n’a toutefois été présentée (Pièce justificative 25).
- 88 -
139. Le New York Times a indiqué le 20 juin 2017 (Pièce justificative 26) que le Département
d’État des États-Unis a « vivement critiqué l’Arabie Saoudite et d’autres pays du golfe Persique pour
avoir imposé un embargo de deux semaines contre le Qatar sans donner à ce petit pays des moyens
spécifiques de résoudre la crise ». L’article cite la porte-parole du Département d’État comme suit :
« Voilà plus de deux semaines que l’embargo a été lancé, et nous sommes surpris que les États
du Golfe n’aient pas apporté au public ou aux Qatariens des précisions quant à leurs plaintes à
l’égard du Qatar.
Plus le temps passe, plus le doute s’installe au sujet des mesures prises par l’Arabie Saoudite
et les Émirats arabes unis [...]
À ce stade, nous nous posons une question simple : ces mesures sont-elles vraiment liées à
leurs préoccupations concernant le prétendu financement du terrorisme, ou s’agit-il de griefs
de tensions latentes de longue date ».
La porte-parole a déclaré que le président des États-Unis avait proposé M. Tillerson, l’ancien
secrétaire d’État, comme intermédiaire, mais elle a indiqué que les interactions de M. Tillerson avec
les dirigeants de la région l’avaient conduit à conclure que son rôle de médiation n’était pas nécessaire
et qu’« ils seraient en mesure de régler cette question par eux-mêmes ».
140. Cet article révèle que la porte-parole a déclaré que « Depuis l’annonce de l’embargo contre
le Qatar le 5 juin, M. Tillerson avait eu plus de 20 appels et réunions téléphoniques avec les
dirigeants du Golfe et d’ailleurs [...] ainsi que deux réunions en tête-à-tête avec M. al-Jubeir » (le
ministre des Affaires étrangères saoudien) (soulignement ajouté).
141. L’article s’achève en indiquant que le ministre des Affaires étrangères du Qatar avait dit que le
pays ne pouvait espérer résoudre la crise jusqu’à ce que l’Arabie Saoudite et ses partenaires ne
fournissent des raisons spécifiques de leur embargo. « Nous ignorons ces raisons », semble-t-il avoir
déclaré.
142. Une liste des « exigences » des défendeurs a alors été présentée par le Koweït au Qatar le 22
juin 2017 (Pièce justificative 27). Cette liste d’exigences constitue la Pièce justificative 28 ; le Conseil
est invité à examiner la nature de ces exigences dans le cadre d’une négociation.
143. Le 25 juin 2017, la BBC a indiqué que le secrétaire d’État de l’époque avait dit qu’il serait
difficile de satisfaire à certaines de ces exigences, mais que les propositions constituaient une base de
dialogue. Elle a également indiqué que le ministre des Affaires étrangères du Qatar a par la suite rejeté
cette liste. Le ministre des Affaires étrangères du Qatar aurait dit que « ces exigences démontraient
que les sanctions n’avaient “rien à voir avec la lutte contre le terrorisme [...] [mais] visaient à limiter la
souveraineté du Qatar et à externaliser notre politique étrangère” » (Pièce justificative 29).
144. Dix jours ont été accordés au Qatar pour répondre aux « exigences », soit jusqu’au 3 juillet
2017. La BBC a indiqué le 27 juin 2017 que le porte-parole du gouvernement des Émirats arabes unis
avait déclaré que le Qatar « ne répond pas positivement à ce que nous avons envoyé » et que « nous
- 89 -
romprons toutes nos relations avec le Qatar, économiques, politiques voire sociales, à la suite des
interdictions de vol » (soulignement ajouté). L’article indique que : « Pour l’instant, le Koweït, qui
est neutre, tente de jouer le rôle de médiateur, sans succès jusqu’à présent » (Pièce justificative 30).
145. 27 juin 2017, Washington - Bureau d’information :
Le ministre des Affaires étrangères du Qatar a affirmé que les « exigences » sont de simples
allégations, qu’elles devraient être étayées par des preuves et qu’elles devraient être réalistes et
possibles. Évoquant une réunion avec l’ancien secrétaire d’État américain, le ministre des Affaires
étrangères a indiqué : « Nous estimons que l’État du Qatar participera à un dialogue constructif avec
les parties concernées s’ils souhaitent aboutir à une solution et surmonter cette crise ». Le ministre a
indiqué qu’il avait été entendu que les exigences n’étaient pas négociables (Pièce justificative 31).
146. 27 juin 2017, Washington - Bureau d’information :
Le 27 juin 2017, le ministre des Affaires étrangères du Qatar s’est réuni avec le secrétaire d’État
américain de l’époque. Le secrétaire d’État a souligné l’importance d’aboutir à une solution
satisfaisante dès que possible et fait part de sa disposition à apporter son soutien pour y parvenir
(Pièce justificative 32).
147. Le 28 juin 2017, la BBC a indiqué que le ministre des Affaires étrangères du Qatar « a
condamné ses voisins du Golfe pour avoir refusé de négocier les exigences du Qatar de
rétablissement des relations aériennes, maritimes et terrestres » (soulignement ajouté). Cet article
indique ensuite que « après la tenue de discussions avec M. Tillerson à Washington mardi, des
journalistes ont demandé au ministre des Affaires étrangères saoudien Abel al-Jubeir si les exigences
étaient non négociables. Il a répondu “oui” ». L’article précise également que le ministre des Affaires
étrangères du Qatar, qui a rencontré M. Tillerson [...] plus tard le mardi, a qualifié la position
saoudienne d’“inacceptable” ». En outre, l’article cite le rapporteur spécial des Nations Unies sur le
droit à la liberté d’opinion et d’expression, David Kay, selon lequel « la fermeture d’Al Jazeera
porterait un coup dur au pluralisme médiatique dans une région souffrant déjà de restrictions graves
sur l’information et les médias de tous types » (Pièce justificative 33).
148. 30 juin 2017, Washington - Bureau d’information :
Lors d’une réunion organisée par le centre arabe de Washington, le ministre des Affaires étrangères du
Qatar a déclaré que les parties devraient « entamer un dialogue, formuler des exigences, examiner et
vérifier ces exigences, et ensuite viendra le moment où nous surmonterons ces difficultés [...] mais
fixer des exigences avec une échéance est un précédent inhabituel. » Il a déclaré que toute liste de
demandes ou d’exigences devrait être négociée, mais que présenter des exigences non négociables
montre un manque de respect à l’égard du droit international (Pièce justificative 34).
- 90 -
149. 1er juillet 2017, New York - Bureau d’information :
Le ministre des Affaires étrangères du Qatar a rencontré les représentants des cinq membres
permanents du Conseil de sécurité et des représentants de membres non permanents ; le ministre des
Affaires étrangères a souligné l’importance du dialogue pour le Qatar et du soutien à la médiation de
l’État du Koweït (Pièce justificative 35).
150. 1er juillet 2017, Rome - Bureau d’information :
Lors d’une réunion avec le ministre italien des Affaires étrangères, le ministre des Affaires étrangères
du Qatar a réaffirmé que le Qatar était disposé à participer à un dialogue constructif et à des
négociations avec les défendeurs, pour autant que ce dialogue s’appuie sur des bases solides (Pièce
justificative 36).
151. Et cette situation s’est poursuivie, les réunions et les forums publics se sont suivis. L’État du
Qatar a saisi chaque occasion pour proposer de négocier avec les défendeurs, en vain, ou pratiquement
en vain.
152. 1er juillet 2017, Rome - Bureau d’information :
Le ministre des Affaires étrangères du Qatar a déclaré que les défendeurs établissaient des exigences
qui visaient à être rejetées ; ces exigences violaient le droit international et n’avaient pas pour but de
combattre le terrorisme mais visaient au contraire à affaiblir et à porter atteinte à la souveraineté du
Qatar. Le Qatar, en revanche, souhaitait un dialogue assorti de conditions appropriées (Pièce
justificative 37).
153. 4 juillet 2017, Doha - Bureau d’information :
Lors d’une conférence de presse conjointe, les ministres des Affaires étrangères qatarien et allemand
ont salué les efforts de médiation de l’Émir du Koweït. Pour le ministre des Affaires étrangères du
Qatar, il était manifeste qu’aucune solution n’existait en dehors de négociations (Pièce justificative
38).
154. 5 juillet 2017, Londres - Bureau d’information :
Dans une allocution au Royal Institute of International Affairs, à Chatham House, le ministre des
Affaires étrangères du Qatar a déclaré que depuis plus de trois semaines, après le 5 juin 2017, le Qatar
avait demandé que lui soient présentées des exigences spécifiques, et que « ce n’est qu’à la suite de
pressions internationales et en particulier américaines qu’ils nous ont présenté le 23 juin une liste de
13 “exigences” dont ils nous ont dit que nous devions y répondre d’ici le 3 juillet ».
« [...] elles ne constituaient pas des griefs “raisonnables et juridiquement réparables” contre le
Qatar, comme l’avait espéré le secrétaire d’État américain, et elles n’étaient ni “mesurées” ni
réalistes, comme l’avait voulu le ministre britannique des Affaires étrangères.
- 91 -
La réponse à nos désaccords ne réside pas dans des blocus et des ultimatums. Mais dans le
dialogue et la raison. Au Qatar, nous sommes toujours ouverts aux deux, et nous accueillons
positivement tous les efforts sérieux de règlement de nos différends avec nos voisins [...]. Et
nous accueillons toujours le dialogue et les négociations.
[...] Alors que la prolongation du délai de 48 heures touche à sa fin, le Qatar continue
d’appeler au dialogue.
[...] Le Qatar se tient prêt à participer à un processus de négociation avec un cadre clair et un
ensemble de principes qui garantissent qu’il n’est pas porté atteinte à notre souveraineté [...] »
(Pièce justificative 39).
155. 6 juillet 2017, Londres - Bureau d’information :
Dans un entretien à CNN, le ministre des Affaires étrangères du Qatar a déclaré que le Qatar ne
satisferait à aucune exigence qui constitue à ses yeux une violation du droit international et que toute
exigence portant atteinte à la souveraineté du Qatar ne serait pas examinée (Pièce justificative 40).
156. 7 juillet 2017, Doha - Bureau d’information :
Une source de haut rang du ministère des Affaires étrangères du Qatar a évoqué le fait que la réponse
du Qatar aux exigences avait été remise à l’Émir du Koweït en sa qualité de médiateur. Cette source a
réaffirmé la disposition du Qatar à coopérer et à examiner toutes les demandes qui ne s’opposent pas à
la souveraineté de l’État du Qatar (Pièce justificative 41).
157. 10 juillet 2017, Doha - Bureau d’information :
Le directeur du Bureau des communications du gouvernement qatarien a indiqué que certaines des
allégations et exigences des défendeurs étaient dépourvues de fondement, tandis que d’autres
constituaient une attaque contre la souveraineté du Qatar ; par conséquent, le Qatar avait rejeté ces
exigences (Pièce justificative 42).
158. 10 juillet 2017, Doha - Bureau d’information :
Le secrétaire d’État aux Affaires étrangères du Qatar a affirmé que le Qatar était disposé « à dialoguer,
à négocier et à trouver des solutions aux problèmes existants dans le respect des droits de tout État
sans imposition ni menace » (Pièce justificative 43).
159. 11 juillet 2017, Doha - Bureau d’information :
À l’occasion de la signature par le Qatar et les États-Unis d’un protocole d’accord sur la lutte contre le
financement du terrorisme, une réunion tripartite s’est tenue avec le Koweït, au cours de laquelle
l’évolution de la crise du Golfe a été examinée. Le secrétaire d’État américain « a qualifié cette
discussion avec les autorités qatariennes de profonde et de constructive, indiquant qu’il se rendrait en
Arabie Saoudite afin d’examiner leurs préoccupations et les possibilités de régler la crise ». Le
secrétaire d’État a confirmé que le but de cette visite était de soutenir les efforts de médiation du
- 92 -
Koweït, d’aider les deux parties à comprendre la source des préoccupations et de trouver une solution
possible à leurs différends (Pièce justificative 44).
160. 11 juillet 2017, Doha - Bureau d’information :
Une réunion conjointe s’est tenue entre le Qatar, le Koweït et les États-Unis afin d’examiner
l’évolution de la crise et les efforts de médiation du Koweït (Pièce justificative 45).
161. Selon un article du New York Times du 11 juillet 2017, le secrétaire d’État américain
présenterait le 12 juillet 2017 le protocole d’accord contre le financement du terrorisme signé par le
Qatar aux :
« […] dirigeants d’Arabie Saoudite, des Émirats arabes unis et du Bahreïn afin de voir si cela
suffirait pour mettre fin à une confrontation qui a conduit quatre États arabes à bloquer le
Qatar pendant plus d’un mois [...]
Le Département d’État s’est ouvertement demandé si la véritable intention du groupe mené
par l’Arabie Saoudite n’était pas de régler d’anciens comptes avec le Qatar et, le mardi, M.
Tillerson a indiqué clairement que sur la question du financement du terrorisme, le Qatar avait
désormais devancé ses rivaux.
M.Tillerson espérait éviter ce voyage. Lors des premiers jours de crise, il a passé des heures au
téléphone en demandant instamment aux deux parties d’aboutir à un compromis. Lors de sa
première allocution publique importante au sujet du différend, il a cité des raisons
humanitaires pour que les quatre pays mettent inconditionnellement fin à leur embargo.
“Le but de ce voyage était d’étudier les possibilités de trouver une solution”, a indiqué R.C:
Hammond, un porte-parole de M. Tillerson.
Mais étant donné les fortes probabilités d’échec, M. Hammond a indiqué que M. Tillerson
gardait ses distances et ne souhaitait pas intervenir en tant que médiateur » (soulignement
ajouté) (Pièce justificative 46).
162. 13 juillet 2017, Doha - Bureau d’information :
Une autre réunion entre les États-Unis, le Qatar et le Koweït s’est tenue pour examiner les résultats de
la visite du secrétaire d’État américain à Djedda. Le ministre des Affaires étrangères du Qatar a saisi
cette occasion pour rappeler de nouveau que le Qatar :
« […] est toujours ouvert à un dialogue constructif pour résoudre tout différend entre États.
Cette crise ne peut être résolue que par un dialogue fondé sur les principes du respect mutuel
et de la souveraineté des États [...] et l’État du Qatar est disposé à examiner toutes les
exigences présentées par les quatre pays et leurs preuves sur ces bases » (Pièce justificative
47)
163. 14 juillet 2017, Ankara - Bureau d’information :
Lors d’une réunion avec le ministre turc des Affaires étrangères, le ministre des Affaires étrangères du
Qatar a souligné que le Qatar était convaincu de l’importance du dialogue pour résoudre la crise (Pièce
justificative 48).
164. 15 juillet 2017, Doha - Bureau d’information :
- 93 -
Lors d’une réunion avec le ministre français des Affaires étrangères, le ministre des Affaires
étrangères du Qatar a souligné que :
« Le Qatar était disposé à tenir un dialogue constructif avec les pays du siège, pour autant que
cela ne porte pas atteinte à la souveraineté de l’État du Qatar et que ce dialogue soit mené
conformément au droit international » (Pièce justificative 49).
165. 17 juillet 2017, Athènes - Bureau d’information :
L’ambassadeur du Qatar en Grèce a déclaré que le Qatar « attend toujours le retour de ses frères arabes
à la table du dialogue » ; il a également exprimé des regrets au sujet du siège terrestre, maritime et
aérien du Qatar (Pièce justificative 50).
166. 21 juillet 2017, The Independent, Royaume-Uni :
Le journal The Independent a rendu compte d’une allocution de l’Émir du Qatar dans laquelle il faisait
appel au dialogue pour résoudre la crise. L’article indiquait que le secrétaire d’État américain était
satisfait des efforts déployés par le Qatar pour mettre en oeuvre un accord visant à combattre le
financement du terrorisme et avait invité les quatre États de lever leur blocus terrestre. L’allocution
aurait été faite quelques jours avant que le président turc ne se rende au Qatar, en Arabie Saoudite et
au Koweït pour tenter de résoudre le différend. » L’article faisait également référence à une série de
missions diplomatiques au début du mois par le secrétaire d’État américain (Pièce justificative 51).
167. 25 juillet 2017, Washington - Bureau d’information :
Dans un entretien au Washington Post, le ministre des Affaires étrangères du Qatar a fait part de la
volonté de dialogue pour résoudre la crise, « ajoutant qu’il est une “victime de l’intimidation
géopolitique” de voisins plus grands qui ne cherchent « rien d’autre que l’abandon de la souveraineté
du Qatar », indiquait le journal » (Pièce justificative 52).
168. 25 juillet 2017, Washington - Bureau d’information :
Dans un entretien à Al-Jazeera, le ministre des Affaires étrangères du Qatar a salué « les efforts
importants accomplis par le secrétaire d’État américain Rex Tillerson au cours de sa dernière visite
dans les pays du Golfe, qui a présenté des propositions auxquelles nous allons répondre. » Il a souligné
que : « Le Qatar ne négociera pas sa souveraineté nationale et est disposé à discuter des demandes des
pays du siège quant à la menace posée par le Qatar à leur sécurité nationale, pour autant que ces
allégations soient fondées » (Pièce justificative 53).
169. 25 juillet 2017, Vienne - Bureau d’information :
L’ambassadeur du Qatar en Autriche a déclaré dans un entretien que « le dialogue est nécessaire [...]
Nous continuerons de souscrire à ce principe. Nous appelons l’autre partie à adopter la même
approche » (Pièce justificative 54).
- 94 -
170. 27 juillet 2017, Washington - Bureau d’information :
Dans des déclarations à Al-Jazeera, le ministre des Affaires étrangères du Qatar a déclaré qu’il
examinait avec le secrétaire d’État américain des propositions pour résoudre la crise que celui-ci
« avait présentées lors de sa dernière visite dans les pays du Golfe ». Il a souligné que le Qatar
accueille positivement ces propositions (Pièce justificative 55).
171. 27 juillet 2017, New York - Bureau d’information :
Au cours d’une réunion avec le Secrétaire général des Nations Unies, le ministre des Affaires
étrangères du Qatar a souligné la volonté du Qatar de poursuivre le dialogue pour résoudre la crise « et
sa volonté de s’asseoir à la table du dialogue avec les pays du siège sur la base des principes du respect
du droit international et de la souveraineté de l’État du Qatar » (Pièce justificative 56).
172. l’agence de presse saoudienne officielle a indiqué le 30 juillet 2017 que le ministre des Affaires
étrangères d’Arabie saoudite « a dit qu’il n’y avait pas de négociation sur les 13 exigences ou les six
principes présentés dans la déclaration du Caire » (soulignement ajouté) (Pièce justificative 57).
173. 18 août 2017, Oslo - Bureau d’information :
Lors d’une réunion avec le ministre norvégien des Affaires étrangères, le ministre des Affaires
étrangères du Qatar a « réaffirmé la position du Qatar en faveur de la médiation du Koweït, du
dialogue et d’une solution diplomatique durable fondée sur le respect du droit international et de la
souveraineté. Le ministre a également informé son homologue norvégien de la situation de la
médiation du Koweït, soulignant l’interaction positive du Qatar à cet égard » (Pièce justificative 58).
174. 30 août 2017, Doha - Bureau d’information :
Le ministre des Affaires étrangères du Qatar a rencontré son homologue russe et « réaffirmé la
disposition du Qatar au dialogue [...], déclarant que l’État du Qatar avait présenté une demande
officielle à l’État du Koweït indiquant sa disposition au dialogue, mais que les pays du siège n’y
avaient pas répondu » (Pièce justificative 59).
175. 30 août 2017, Doha - Bureau d’information :
Lors d’une conférence de presse conjointe avec le ministre russe des Affaires étrangères, le ministre
des Affaires étrangères du Qatar a évoqué :
« [...] les lettres envoyées par S.E. l’Émir du Koweït à toutes les parties, qui appelait au
dialogue, directement et inconditionnellement. Il a fait observer que l’État du Qatar était
le seul pays à avoir répondu à la lettre du Koweït après quelques jours ; en revanche,
aucun des pays du siège n’y a répondu, dans le prolongement de leur approche
consistant à ne pas répondre et à ignorer les efforts de médiation, de la part du Koweït
ou de tout autre pays ami, évoquant à cet égard les visites des envoyés du secrétaire
- 95 -
d’État américain qui ont présenté certaines propositions qui ont également été ignorées
par les pays du siège » (soulignement ajouté).
Le ministre des Affaires étrangères a rappelé plusieurs tentatives de mener un dialogue
inconditionnel de la part des médiateurs et, plus récemment, de l’Émir du Koweït. Les pays du
siège n’ont pas répondu à ces appels au dialogue et ont fixé des conditions chaque fois qu’ils
ont été invités à des pourparlers. L’État du Qatar a fait part de son désir de résoudre la crise
par le dialogue à plus de douze reprises [...] »
Le ministre des Affaires étrangères a déclaré que « les organisations internationales font leur travail et
que les initiatives ont débouché sur des résultats en ce qui concerne les questions maritimes, aériennes
et humanitaires et d’autres mesures illégales » (soulignement ajouté) (Pièce justificative 60).
176. 1er septembre 2017, Bruxelles - Bureau d’information :
Lors d’une réunion avec un certain nombre de députés européens, le ministre des Affaires étrangères
du Qatar a souligné « le respect du Qatar à l’égard des efforts de médiation du Koweït et réaffirmé la
disposition du Qatar à tenir un dialogue avec les pays du siège dans le respect du droit international et
de la souveraineté » (Pièce justificative 61).
177. Le 8 septembre 2017, la conversation téléphonique de l’Émir du Qatar avec le Président des
États-Unis a été largement rapportée par les médias. Le président des États-Unis a informé l’Émir des
résultats de son entretien avec le Prince héritier d’Arabie Saoudite, ainsi que des discussions tenues
avec l’Émir du Koweït. Un des quelques contacts directs entre les parties a été suivi d’un appel
téléphonique entre l’Émir du Qatar et le Prince héritier d’Arabie Saoudite, au cours duquel il
semble que tous deux aient souligné la nécessité de résoudre la crise par le dialogue.
178. Les choses ont toutefois dégénéré à partir de ce moment.
179. Les journaux qatariens ont déclaré que l’Émir du Qatar accueillait positivement la proposition
du Prince héritier d’Arabie Saoudite de désigner deux envoyés « pour résoudre les questions
controversées d’une manière qui ne porte pas atteinte à la souveraineté des États » (Pièce justificative
62)
180. L’agence de presse saoudienne officielle a rapporté le 9 septembre 2017 qu’un fonctionnaire
du ministère des Affaires étrangères saoudien avait déclaré que ce qui avait été publié était une
distorsion des faits. Le communiqué de presse ajoutait :
« Le contact a été établi à la demande du Qatar et en ce qui concerne sa demande de
dialogue avec les quatre pays au sujet des exigences et, dans la mesure où cela prouve que
l’autorité du Qatar n’est pas sérieuse dans le dialogue et poursuit ses politiques précédentes, le
Royaume d’Arabie Saoudite déclare que tout dialogue ou communication avec l’autorité
du Qatar est suspendu [...] » (soulignement ajouté) (Pièce justificative 63).
Ce qui précède montre clairement que ce contact a été établi à la demande du Qatar, que les
parties ont été en contact direct, mais que cela s’est avéré futile et que les parties se trouvent
dans l’impasse.
- 96 -
181. 11 septembre 2017, agence de presse des Émirats :
L’agence de presse des Émirats a cité un éditorial de Gulf News, un journal des Émirats arabes
unis, qui indique : « Des tentatives ont été menées par des intermédiaires tiers pour intercéder
et négocier une fin à cette impasse, et l’Émir du Koweït [...] a agi comme intermédiaire au
cours de cette période de communications indirectes. Les États-Unis, l’Allemagne et la
France ont tous joué un rôle. Chacune des 13 exigences du quartet est non négociable et
non divisible et constitue le strict minimum requis pour revenir à la normalité entre
voisins. Et le quartet est disposé à écouter » (soulignement ajouté) (Pièce justificative 64).
182. 11 septembre 2017, Genève - Bureau d’information :
Lors d’une conférence de presse, le ministre des Affaires étrangères du Qatar a déclaré que le Qatar
avait répondu aux 13 exigences « dans un langage juridique et rationnel et transmis la réponse aux
quatre pays, qui ont par la suite établi les six principes, que le Qatar s’est dit disposé à examiner, pour
autant qu’il existe des obligations collectives de la part de tous les pays, mais nous avons été étonnés
du retrait des quatre pays et insistons de nouveau sur les 13 exigences, dont une serait annulée après
dix jours. » Évoquant l’appel téléphonique entre le Qatar et l’Arabie Saoudite, le ministre des Affaires
étrangères a déclaré que : « Une demi-heure plus tard, l’Arabie saoudite a publié une déclaration
indiquant que ce que nous avions affirmé au sujet de la communication était un mensonge, alors que
tous les points mentionnés dans notre déclaration s’appuyaient sur des faits ». Toutefois, la position du
Qatar n’avait pas changé ; le Qatar était disposé à s’adresser aux autres États et à participer à tout
effort visant à résoudre la crise (Pièce jointe 65).
183. 15 septembre 2017, Paris - Bureau d’information :
Au cours d’une réunion en France l’Émir du Qatar et le président français ont examiné les efforts
visant à résoudre la crise « par le dialogue et des moyens diplomatiques via les bons offices de l’État
du Koweït, qui est soutenu par les deux pays » (Pièce justificative 66).
184. 19 septembre 2017, New York - Bureau d’information :
À la séance d’ouverture de la 72e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, l’Émir du Qatar
a déclaré :
« Le Qatar gère successivement son existence, son économie, ses plans de développement et sa
communication avec le reste du monde au moyen des routes aériennes et maritimes [...]
Le blocus a été imposé brutalement et sans avertissement [...]
[...] Parallèlement, nous avons adopté une attitude ouverte en faveur du dialogue, sans
imposition, et avons exprimé notre disposition à résoudre les différends au moyen de
compromis sur la base d’une compréhension commune. D’ici, je renouvelle mon appel en
faveur d’un dialogue fondé sur le respect mutuel de la souveraineté et j’estime grandement la
médiation sincère et appréciée que l’État du Qatar a soutenue dès le début [...] » (Pièce
justificative 67).
185. 19 septembre 2017, New York - Bureau d’information :
- 97 -
L’Émir du Qatar a rencontré le président des États-Unis et examiné la crise du golfe et les efforts
visant à la résoudre par le dialogue et des moyens diplomatiques. Le président des États-Unis a
indiqué que des efforts étaient en cours pour résoudre le problème. Pour sa part, l’Émir a déclaré que
les efforts du président des États-Unis contribueraient dans une large mesure à trouver une solution,
soulignant la disposition et l’ouverture du Qatar au dialogue (Pièce justificative 68)
186. 26 septembre 2017, New York - Bureau d’information :
Dans une déclaration lors d’une réunion ministérielle du Mouvement des pays non alignés, le
secrétaire d’État aux Affaires étrangères a affirmé que le Qatar était disposé à un mener un dialogue
constructif et direct au sujet des allégations soulevées contre lui et à résoudre les différences de points
de vue. Il a attiré l’attention sur le siège terrestre, maritime et aérien imposé au Qatar (Pièce
justificative 69).
187. 19 octobre 2017, Bloomberg a rapporté que :
« Le secrétaire d’État Rex Tillerson a peu d’espoir que la confrontation entre le bloc mené
par l’Arabie saoudite et le Qatar s’achève d’ici peu, mettant en cause les quatre pays
rassemblés contre l’émirat pour le manque de progrès et jetant le doute sur les efforts de
médiation des États-Unis dans la crise.
“Il semble qu’il existe un réel manque de volonté de la part de certaines parties de nouer
le contact”, a indiqué M. Tillerson dans un entretien jeudi à Washington. “Il appartient aux
dirigeants du quartet de décider d’établir le contact avec le Qatar, car le celui-ci a été
très clair quant à sa volonté d’établir ce contact.”
M. Tillerson a formulé ce commentaire quelques jours avant de se rendre dans la région, y
compris des escales en Arabie Saoudite et au Qatar, dans un nouvel effort de résolution du
différend » (soulignement ajouté) (Pièce justificative 70).
188. 22 octobre 2017, Doha - Bureau d’information :
Lors d’une réunion avec le secrétaire d’État américain lors de sa visite à Doha, le ministre des Affaires
étrangères du Qatar a informé son homologue des évolutions les plus récentes de la crise du Golfe et
des efforts de médiation du Koweït et affirmé l’attachement continu du Qatar à participer à un
dialogue constructif pour résoudre la crise du Golfe. Il a également déclaré que la convocation d’un
sommet du CCG constituerait une bonne occasion de mener un dialogue diplomatique et civilisé
(Pièce justificative 71).
189. Le Bureau des affaires publiques du département d’État des États-Unis a publié une
transcription des observations du secrétaire d’État américain lors de sa visite à Doha le 22 octobre
2017. Il a notamment indiqué :
« Nous appelons de nouveau les parties concernées à poursuivre leurs efforts en faveur de la
discussion et du dialogue et à trouver un moyen de résoudre les différends [...].
Les États-Unis poursuivent leurs efforts. Nous continuerons de soutenir l’Émir du Koweït
dans ses efforts visant une solution diplomatique et nous continuerons de susciter la
- 98 -
participation de toutes les parties afin de les aider à mieux comprendre les
préoccupations et à éventuellement trouver une solution.
[...] Nous restons en contact étroit avec toutes les parties. Le président Trump lui-même
s’adresse aux dirigeants des pays concernés et a indiqué à chacun d’eux qu’il considérait
que le temps était venu de trouver une solution à ce différend. Les États-Unis sont disposés à
faciliter le règlement de ce différend du mieux qu’ils le peuvent, que ce soit en facilitant la
discussion directement ou en proposant d’éventuelles feuilles de route pour une solution.
En ce qui concerne les conversations en cours, oui, j’ai demandé au Prince héritier
Mohammad bin Salman lors de mes réunions avec lui d’établir le dialogue. Rien
n’indique clairement que les parties soient actuellement disposées à engager des discussions
[...]. Mais nous continuerons d’oeuvrer en faveur de l’établissement de ce dialogue [...]
En ce qui concerne l’avantage pour l’Iran, je crois que l’avantage le plus immédiat et évident
est que l’Iran représente le seul espace aérien disponible pour le Qatar [...] » (soulignement
ajouté) (Pièce justificative 72).
190. 22 octobre 2017, Doha - Bureau d’information :
Lors d’une conférence de presse conjointe avec le secrétaire d’État américain, le ministre des Affaires
étrangères du Qatar a déclaré que le Qatar considérait que la convocation d’une réunion du CCG
constituerait une occasion en or pour au moins engager le dialogue, indiquant que le Qatar n’avait reçu
aucun message officiel concernant un report du sommet et espérant que le sommet se tiendrait comme
prévu. Il a indiqué que le report de cette réunion importante serait imputable à « l’intransigeance des
pays du siège et à leur refus du dialogue. » Il a souhaité que ces pays « assument leur responsabilité
d’engager un dialogue positif et sérieux afin de mettre fin à cette crise qui jusqu’à présent est dénuée
de raison claire pour l’État du Qatar ou pour chacun de ses alliés » (Pièce justificative 73).
191. 4 novembre 2017, Marrakech - Bureau d’information :
Le ministre des Affaires étrangères du Qatar a réaffirmé que le Qatar a appelé au dialogue comme
solution aux crises et exprimé son espoir que les pays reprendraient le dialogue. Il a déclaré :
« [...] Nous attendons davantage d’alliés et d’amis qui déclarent leur rejet de la violation du
droit international, et les États-Unis ont été à la tête de ces pays ; ils tentent d’appeler au
dialogue, mais dans tout conflit ou crise, il existe toujours deux parties. Si une partie ne
souhaite pas dialoguer, il ne peut être mis fin à la crise, même si l’une des parties est
contrainte de s’asseoir à la table du dialogue, elle ne manifestera aucune intention sincère de
résoudre le problème.
Le Qatar a maintenu sa position en faveur de la résolution de cette crise, il s’assiéra à la table
dans l’attente de ses amis et alliés [...] » (Pièce justificative 74).
192. 14 novembre 2017, Doha - Bureau d’information :
L’émir de l’État du Qatar a présenté une allocution lors de l’ouverture du Conseil consultatif du Qatar
le 14 novembre 2017, faisant référence au blocus injuste et déclarant :
« [...] nous pensons ce que nous disons lorsque nous faisons part de notre disposition aux
règlements des différends dans le cadre d’un dialogue fondé sur le respect mutuel de la
- 99 -
souveraineté et des engagements conjoints. En revanche, nous savons que les indications que
nous recevons révèlent que les pays du siège ne sont pas disposés à parvenir à une solution.
[...] Je remercie sincèrement [l’] [...] Émir de l’État frère du Koweït de tous ses efforts attentifs
de médiation parmi nos États du Golfe [...]
Nous avons bien entendu pris toutes les mesures nécessaires pour relever les nouveaux défis
dans les domaines du transport aérien et maritime » (Pièce justificative 75)
193. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a mené une
mission technique au Qatar du 17 au 24 novembre 2017. Les Émirats arabes unis et le Bahreïn ont été
informés de l’invitation à mener cette mission, et le HCDH s’est montré disposé à mener des missions
similaires dans leurs États respectifs, ce qu’ils n’ont pas accepté.
Le HCDH a déclaré :
« Bien que l’Émir du Koweït se soit efforcé d’établir le contact avec tous les États concernés
afin de soulager les tensions et d’éviter toute escalade, le dialogue semble s’être enlisé ».
Au cours d’une réunion avec l’équipe de direction de Qatar Airways, l’équipe [du HCDH] a
été informée de la fermeture de l’espace aérien de l’Arabie Saoudite, des Émirats arabes unis
et du Bahreïn, seul un étroit corridor étant ouvert au nord, imposant aux vols de Qatar Airways
d’être dirigés vers l’Iran et de contourner l’Arabie Saoudite pour accéder aux destinations vers
l’ouest et le sud. Cette situation, combinée à la fin des vols vers et depuis l’Arabie Saoudite,
les Émirats arabes unis et le Bahreïn a considérablement réduit l’accessibilité du Qatar par air
et accru les temps et les coûts des voyages.
La crise s’est caractérisée par l’absence de dialogue entre les États concernés, les efforts de
médiation entrepris à l’initiative du Koweït s’étant enlisés » (soulignement ajouté) (Pièce
justificative 76 aux points 10, 30 et 65).
194. 18 novembre 2017, Doha - Bureau d’information :
Dans un entretien au réseau de télévision américain MSNBC, le Vice-Premier ministre et ministre des
Affaires étrangères du Qatar a souligné que le Qatar restait attaché à résoudre la crise du CCG. Il a
déclaré que le Qatar bénéficiait du soutien des États-Unis « à tous les niveaux pour mettre fin au
siège ». Le Qatar était attaché à trouver une solution (Pièce justificative 77).
195. 3 décembre 2017, Doha - Bureau d’information :
Le ministre des Affaires étrangères et Vice-Premier ministre a déclaré lors d’une conférence qu’il
espérait que la crise du CCG se résoudrait dans le cadre du CCG et grâce à la médiation du Koweït. Il
a fait référence aux réunions qui seraient accueillies le lendemain par l’Émir du Koweït à l’échelle
ministérielle. Il a souligné que le sommet « doit déboucher sur un mécanisme clair qui mette fin à la
crise qui dure depuis six mois. » Il a indiqué que :
« […] ils comptent désormais sur la sagesse de S.E. Sheikh Sabah [Émir du Koweït] et les
autres pays pour que la raison se fasse entendre et que les parties s’asseyent à la table et
examinent leurs différends, à la condition que tout accord soit contraignant pour toutes les
parties concernées. Dans ce cas, le Qatar sera le premier à accueillir avec satisfaction un tel
accord. »
- 100 -
Le Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères :
« […] a mis en évidence les nombreuses tentatives des États-Unis de résoudre la situation, y
compris une feuille de route présentée par le secrétaire d’État américain au début de la crise et
une invitation du président des États-Unis à tenir un dialogue à Camp David. Ces deux
invitations ont été rejetées [...] » (Pièce justificative 78).
196. 10 janvier 2018, Doha - Bureau d’information :
Dans un entretien à la télévision qatarienne, le Vice-Premier ministre et ministre des Affaires
étrangères du Qatar :
« a indiqué que les exigences ont fait l’objet de fuites dans les médias après avoir été
transmises au Qatar, ajoutant que Doha a soumis dans les formes sa réponse à ces exigences
à S.E. l’Émir du Koweït [...], et que les six principes ont ensuite été établis au Caire et
accueilli positivement par l’État du Qatar comme principes directeurs. Cependant […],
les pays du siège ont placé de nouveau les 13 exigences au premier rang des priorités, et il
n’a pas été compris à ce stade s’ils présentaient les 13 exigences ou les six principes. »
« Quant aux efforts du secrétaire d’État américain Rex Tillerson et à savoir pourquoi ces
efforts n’ont pas été couronnés de succès, S.E Sheikh Mohammed bin Abdulrahman Al-Thani
a déclaré que l’État du Qatar était en contact avec le secrétaire d’État américain de manière
transparente, ouverte, positive et constructive.
Il a indiqué que le secrétaire d’État américain s’était rendu au Qatar et ensuite en Arabie
Saoudite où il avait rencontré les dirigeants des pays du siège, qu’il était ensuite retourné à
Doha avec une proposition de principes et une feuille de route et avait demandé une réponse à
cette proposition dans un délai de cinq jours. Le secrétaire d’État avait également mentionné
que le Prince héritier d’Arabie Saoudite lui avait dit qu’il n’était pas opposé au dialogue, mais
que l’État du Qatar devrait publier une déclaration dans un format spécifique indiquant sa
disposition à négocier.
“Nous nous sommes mis d’accord et il m’a transmis le libellé de la proposition, qui constituait
un format acceptable. Nous avons publié une déclaration après le départ du secrétaire d’État
américain. L’Arabie Saoudite était censée publier une déclaration similaire favorable. La
déclaration du Qatar a été publiée mais n’a été suivie d’aucune déclaration positive, mais
plutôt négative, en réponse à la déclaration du Qatar.
Nous n’avons par la suite pas tenu compte de cette étape et répondu à la feuille de route et
à la liste de principes après les cinq jours mentionnés par le secrétaire d’État américain,
dont près de 90 % d’entre eux étaient acceptables, qu’il s’agisse de la feuille de route ou
des principes, car ils étaient rationnels et ne portaient atteinte à la souveraineté d’aucun État
et étaient contraignants pour tous, de même que la feuille de route. Ensuite, nous nous
sommes renseignés sur les mesures qui devraient suivre. La réponse américaine a
indiqué que les pays du siège n’avaient pas répondu ; par conséquent, l’affaire s’est
enlisée à ce moment, a déclaré le Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères.
Quant à la réunion ministérielle précédant le récent sommet du CCG au Koweït, le Vice-
Premier ministre et ministre des Affaires étrangères a déclaré que le Qatar était informé par le
Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères que l’État du Koweït avait reçu
l’accord de l’Arabie Saoudite de tenir le sommet en leur présence, ajoutant que la présence de
l’Arabie Saoudite, des Émirats arabes unis et du Bahreïn était confirmée. “Nous avons
également accueilli avec satisfaction cette participation et le fait que l’Émir se réjouisse de
participer au sommet pour autant qu’il se tienne et que cela constituerait une occasion
d’examiner la question” et la première discussion directe à la table de dialogue de manière
civilisée.
- 101 -
Il a ajouté qu’il s’est rendu à la réunion ministérielle et que S.E. Sheikh Sabah Khaled Al-
Hamad AI-Sabah lui avait demandé de ne pas soulever la question de la crise du Golfe au
cours de la réunion car elle serait examinée par les dirigeants le lendemain. “Nous avons
respecté la demande du Koweït, mais demandé que la déclaration finale évoque les efforts de
médiation à titre de simple référence à la crise et indiqué que ce qui suivrait dépendrait de
l’issue des discussions entre les dirigeants au sommet”
S.E. Sheikh Mohammed bin Abdulrahman Al-Thani a ajouté que le lendemain matin avant le
départ de Doha de l’Émir, « nous avons appris que l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis
et le Bahreïn réduiraient leur représentation et ne participeraient pas à la réunion à l’échelle
des dirigeants » (soulignement ajouté) (Pièce justificative 79).
197. 30 janvier 2018, Département d’État des États-Unis, note aux médias, déclaration
conjointe du dialogue stratégique inaugural entre les États-Unis et le Qatar
Les gouvernements du Qatar et des États-Unis ont tenu un dialogue stratégique inaugural à
Washington DC Le 30 janvier 2018.
« Le Qatar et les États-Unis ont examiné la crise du Golfe et exprimé la nécessité d’une
résolution immédiate qui respecte la souveraineté du Qatar [...] Le Qatar a fait part de son
appréciation pour le rôle joué par les États-Unis dans la médiation du différend en soutien à
l’Émir du Koweït [...]
Le Qatar et les États-Unis ont souligné l’importance de maintenir la liberté de navigation, de
survol et du commerce licite sans entraves conformément au droit international »
(soulignement ajouté) (Pièce justificative 80).
198. 4 février 2018, Washington - Bureau d’information :
Dans un entretien à Al-Jazeera, le Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar
a expliqué que le Qatar avait demandé aux pays du siège de s’asseoir à la table et d’examiner une
solution sur la base de principes et de fondements clairs. Il a ajouté :
« Aujourd’hui, l’État du Qatar se trouve toujours dans la même situation, et d’autres pays
refusent encore le dialogue [...] » (Pièce justificative 81).
199. 19 février 2018, Doha - Bureau d’information :
Le Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar a déclaré devant le Conseil
consultatif du Qatar que :
« Le Qatar, pendant plus de huit mois, a recherché le dialogue, mais les pays du siège lui ont
fermé la porte, indiquant qu’aucun effort n’était entrepris de la part du Qatar pour le moment,
mais celui-ci accueille positivement toutes les initiatives constructives. »
Il a ajouté qu’il n’y avait pas de nouveaux efforts, à l’exception des États-Unis, notamment ceux liés
au sommet de Camp David ; si le Qatar était invité, il y participerait. Il a réaffirmé que » les pays du
siège n’ont donné aucune indication positive » (Pièce justificative 82).
200. 3 mars 2018, Genève - Bureau d’information :
- 102 -
La porte-parole officielle du ministère des Affaires étrangères du Qatar a déclaré que l’affirmation des
États du siège selon laquelle la seule sortie de crise résidait dans la médiation du Koweït représentait
une évolution positive. Elle a ajouté que le siège imposé au Qatar par la fermeture des routes
terrestres, maritimes et aériennes était illégal (soulignement ajouté) (Pièce justificative 83).
201. 14 avril 2018, Arab News :
Dans un article mis à jour le 14 avril 2018, le journal Arab news, situé en Arabie Saoudite, a rapporté
que les ministres des Affaires étrangères d’Arabie Saoudite, d’Égypte, des Émirats arabes unis et du
Bahreïn s’étaient réunis, avaient examiné « l’évolution de la crise qatarienne et souligné la position
ferme du quartet quant à la nécessité que Doha réponde aux 13 exigences présentées et adopte les six
principes de la réunion du Caire et la déclaration de Manama comme condition nécessaire de la
normalisation des relations entre eux » (Pièce justificative 84).
i) Résumé des négociations
202. Les négociations entre les parties ont eu lieu dans le cadre de l’OACI, où des références
spécifiques aux violations de l’ATSAI ont été constatées. Au sein de l’OMC, le Qatar a demandé la
tenue de consultations avec deux des défendeurs, y compris au sujet de l’impossibilité pour les
aéronefs qatariens d’accéder à leur espace aérien et l’interdiction d’atterrissage de ces aéronefs dans
ces États. Les négociations dans le cadre d’organisations internationales sont l’une des modalités
reconnues dans le droit international.
203. Outre ces tentatives, le Qatar a demandé à de nombreuses reprises la tenue de négociations
avec ces États. Dès le tout début, l’Émir du Koweït a tenté de jouer le rôle de médiateur, en recourant
essentiellement à ses bons offices. À la suite de ses efforts, les défendeurs ont établi une liste
d’« exigences » qui a été transmise au Qatar, à laquelle celui-ci a répondu. Plus tard, les défendeurs ont
ajouté des « principes ». Pour les défendeurs, ces exigences ne sont pas négociables (voir Pièces
justificatives 33, 57 et 64). Au 14 avril 2018, les défendeurs insistent toujours sur le respect des
· « exigences » et des « principes » (Pièce justificative 84) mais ne souhaitent pas s’asseoir avec le
Qatar ou discuter.
204. Les États-Unis ont également joué un rôle important, mais sans succès, pour réunir les parties
afin de dégager une solution. De hauts responsables gouvernementaux ont réalisé de nombreux appels
téléphoniques et plusieurs visites aux parties. Le secrétaire d’État américain à l’époque a demandé au
Prince héritier d’Arabie Saoudite « de bien vouloir participer au dialogue », mais rien n’indiquait
clairement que les parties souhaitaient discuter (voir Pièce justificative 72). Le secrétaire d’État à
l’époque a rencontré les dirigeants du Qatar et, ensuite, les défendeurs et est revenu avec une
- 103 -
proposition de principes et une feuille de route ; le Qatar a répondu, à la différence des défendeurs
(voir Pièce justificative 79).
205. Certains états européens ont également déployé des efforts pour trouver une solution.
206. Le 8 septembre 2017, le président des États-Unis et l’Émir du Qatar se sont entretenus par
téléphone, à la suite de quoi l’Émir du Qatar et le Prince héritier d’Arabie Saoudite ont tenu une
discussion téléphonique, un contact direct rare (voir Pièce justificative 62). Cependant, peu après, le
contenu de cette conversation téléphonique a en partie été remis en question, et l’Arabie Saoudite a
déclaré que « tout dialogue ou communication avec l’autorité du Qatar est suspendu » (voir Pièce
justificative 63).
207. Les fermetures de l’espace aérien et les interdictions d’atterrissage constituent l’une des
mesures plus sévères, voire la plus sévère, imposées par les défendeurs. Les échanges contiennent de
nombreuses références aux mesures en général et aux aspects liés à l’aviation en particulier.
208. Tous ces efforts n’ont abouti à rien. Pendant près de cinq mois avant le dépôt par le Qatar de
sa requête auprès de l’OACI (30 octobre 2017) et onze mois depuis le dépôt de la présente réponse, les
défendeurs violent encore les dispositions de l’ATSAI et empêchent les avions qatariens, pour les
services aériens réguliers, de survoler leur territoire ou d’y atterrir.
209. Ce qui précède montre que des négociations ont eu lieu, ou que des tentatives de négociation
ont été réalisées par le Qatar, dans des instances multilatérales ou via les bons offices de plusieurs
tiers, et par un appel téléphonique avec l’un des quatre États ayant mis en place le blocus aérien.
210. Cependant, il ne peut être démontré par des éléments factuels plus clairs que tout cela n’a
entraîné aucun progrès pour résoudre cette affaire, que les négociations sont futiles, que les parties se
trouvent dans une impasse et que le désaccord ne peut être réglé par voie de négociation, que l’on se
fonde sur la date du dépôt de la requête du Qatar ou sur la date actuelle. Comme déclaré dans l’affaire
du Sud-Ouest africain, tant que les deux parties demeurent intransigeantes, il n’y a aucune raison de
penser que le différend puisse être réglé par voie de négociation (point 98 ci-dessus), ou selon les
termes de la CPJI, « tel est le cas si elle [la conversation] a rencontré un point mort, si elle s’est
heurtée finalement à un non possumus ou à un non nolumus péremptoire de l’une des Parties et
qu’ainsi il est apparu avec évidence que le différend n’est pas susceptible d’être réglé par une
négociation diplomatique » (Concessions Mavrommatis en Palestine, cité au point 96 ci-dessus).
211. Dans chaque affaire soumise au Conseil, celui-ci a jugé que la condition de négociation était
remplie ; dans chacun des cas, à l’exception d’un seul (Application de la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale), où la question a été soulevée devant la
CIJ, celle-ci a jugé que la condition de négociation avait été remplie.
- 104 -
Observations finales sur les négociations
212. Un juriste réputé a dit dans l’un de ses livres sur l’OACI faisant le plus autorité :
« En principe, le Conseil de l’OACI est dépourvu de compétence pour statuer sur une
affaire qui lui est soumise par un État qui n’a accompli aucun effort, au-delà de
l’exécution de certaines formalités diplomatiques, pour entamer des négociations de
bonne foi avec l’État défendeur. Dans la pratique toutefois, un moyen fondé sur ce motif
n’aboutira que rarement, voire jamais, car une telle allégation est extrêmement difficile à
prouver. En outre, le Conseil ne peut et ne devrait probablement pas substituer son
jugement par celui de l’État demandeur pour déterminer si le différend aurait pu être
réglé par voie de négociation, car en dernière analyse, cette décision est, par nature,
politique »5 (soulignement ajouté).
213. Il convient également de rappeler les mots du Directeur des affaires juridiques lorsque le
Conseil a examiné le règlement des différends entre les États-Unis et les 15 États européens
(2000) :
« [L] e terme « négociation » dans l’article en question [...] n’était bien entendu pas
destiné à être restrictif. Que ces négociations aient lieu sous une forme ou une autre, en
ce qui concerne la forme, pourrait ne pas importer autant que s’il y avait échange entre
les parties sur leurs points de vue respectifs et leurs positions respectives » (C-MIN 161/5,
point 39).
214. Sur la base de ces seuils et de ceux énoncés ailleurs dans la présente réponse, l’État du
Qatar fait respectueusement valoir qu’il a prouvé, au sens de l’article II, section 2, de l’ATSAI,
que le désaccord ne peut être réglé par voie de négociation.
CONCLUSIONS DE L’ÉTAT DU QATAR
215. Pour les motifs ci-dessus, et se réservant le droit de compléter, amender ou modifier les
présentes conclusions au cours de la procédure si nécessaire, l’État du Qatar invite le Conseil à :
a) se déclarer compétent pour connaître du désaccord ;
b) déclarer qu’il n’est pas compétent au présent stade des exceptions préliminaires pour
examiner les demandes, arguments et conclusions des défendeurs sur la recevabilité ;
c) rejeter les exceptions préliminaires des défendeurs dans leur intégralité ;
d) ordonner, conformément à l’article 5, paragraphe 3, du Règlement pour la solution des
différends, que le délai accordé aux défendeurs pour la présentation de leur contre-mémoire,
5 T. Buergenthal, Law-Making in the International Civil Aviation Organization (1re éd.) (Syracuse University
Press, 1969) pp.130-131
- 105 -
qui a été interrompu par la présentation des exceptions préliminaires, recommence à courir
immédiatement après le rejet par le Conseil des exceptions préliminaires.
J’ai l’honneur de soumettre à votre considération la présente requête.
(signature)
Essa Abdulla Al-Malki
Agent de l’État du Qatar
- 106 -
[Pièces jointes non reproduites]
___________
- 107 -
ANNEXE 26
DUPLIQUE DE LA RÉPUBLIQUE ARABE D’EGYPTE, DU ROYAUME DE BAHREÏN ET DES EMIRATS
ARABES UNIS À LA RÉPONSE DE L’ETAT DU QATAR AUX EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES DES
DÉFENDEURS AU SUJET DE LA REQUÊTE (B) DE L’ETAT DU QATAR RELATIVE AU
DÉSACCORD DÉCOULANT DE L’ACCORD RELATIF AU TRANSIT DES
SERVICES AÉRIENS INTERNATIONAUX SIGNÉ À CHICAGO
LE 7 DÉCEMBRE 1944 (12 JUIN 2018)
Devant le Conseil de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), en vertu
du Règlement pour la solution des différends de l’OACI (document 7782/2)
L’agent de la République arabe d’Egypte,
S. Exc. M. Sherif FATHI.
L’agent du Royaume de Bahreïn,
S. Exc. M. Kamal Bin Ahmed MOHAMED.
L’agent des Emirats arabes unis,
S. Exc. Sultan Bin Saeed AL MANSOORI.
[Traduction fournie par l’OACI et ajustée par le Greffe]
- 108 -
TABLE DES MATIÈRES
Page
RÉSUMÉ ANALYTIQUE ......................................................................................................................... i
I. INTRODUCTION .............................................................................................................................. 1
II. LE CONSEIL PEUT ET DOIT STATUER À TITRE PRÉLIMINAIRE SUR LES EXCEPTIONS
SOULEVÉES PAR LES DÉFENDEURS ................................................................................................ 3
III. PREMIÈRE EXCEPTION PRÉLIMINAIRE : LE CONSEIL N’A PAS COMPÉTENCE
POUR STATUER SUR LE «VÉRITABLE PROBLÈME» EN CAUSE ......................................................... 8
A. Introduction .............................................................................................................................. 8
B. La première exception préliminaire est fondée sur le «véritable problème»
en cause et non sur la nature politique du différend ................................................................ 9
C. Le Qatar ne répond pas à la règle du «véritable problème» ................................................... 11
D. Analysé objectivement, le «véritable problème» en l’espèce
ne concerne pas l’aviation civile ............................................................................................ 13
E. La première exception préliminaire est accréditée par le principe de spécialité ................... 15
F. La première exception préliminaire ne devrait pas être jointe au fond .................................. 16
G. Conclusion : Le Conseil n’a pas compétence pour connaître des demandes du Qatar .......... 18
VI. DEUXIÈME EXCEPTION PRÉLIMINAIRE : LE QATAR N’A PAS SATISFAIT À LA CONDITION
PRÉALABLE DE NÉGOCIATION DÉFINIE PAR LA SECTION 2 DE L’ARTICLE II
DE L’ACCORD DE TRANSIT NI À L’OBLIGATION PROCÉDURALE CORRESPONDANTE
PRÉVUE PAR L’ALINÉA G) DE L’ARTICLE 2 DU RÈGLEMENT .................................................. 18
A. Introduction ............................................................................................................................ 18
B. Aux termes de la section 2 de l’article II de l’accord de transit, la condition
de mener au préalable des négociations doit être remplie avant
le dépôt de toute requête devant le Conseil ............................................................................ 21
C. Le Qatar n’a pas établi qu’il avait tenté de négocier .............................................................. 27
V. CONCLUSIONS RELATIVES À LA RÉPARATION ............................................................................. 35
- 109 -
RÉSUMÉ ANALYTIQUE
La présente duplique de la République arabe d’Egypte, du Royaume de Bahreïn et des
Emirats arabes unis («les défendeurs») fait suite à la réponse de l’Etat du Qatar (le «Qatar»), en
date du 30 avril 2018, en réponse aux exceptions préliminaires soulevées par les défendeurs le
19 mars 2018.
La première exception préliminaire des défendeurs tient en ce que le Conseil de l’OACI
(le «Conseil») n’a pas compétence pour statuer sur le «véritable problème» en cause, lequel
concerne les manquements multiples, graves et persistants du Qatar à des obligations
internationales essentielles à la sécurité des défendeurs, qui se sont ainsi trouvés contraints
d’adopter un train de contre-mesures licites, au nombre desquelles figurent celles dont le Qatar tire
grief en l’espèce. Le «véritable problème» en cause ici a donc notamment trait au principe de nonintervention
et à la lutte contre la subversion et le terrorisme. Toutes ces questions échappent
manifestement à la compétence du Conseil.
Le Qatar a admis dans sa réponse que pour statuer sur ses prétentions au fond, le Conseil
devra déterminer «en droit et en fait» si les conditions d’imposition et de maintien des
contre-mesures sont réunies. Pour ce faire, le Conseil devrait mener une enquête factuelle détaillée
sur les activités du Qatar en rapport avec certaines organisations terroristes et ses actes d’ingérence
dans les affaires intérieures de ses voisins et évaluer la licéité de ces activités à l’aune des
obligations mises à la charge du Qatar par, entre autres, les accords de Riyad, la convention
internationale pour la répression du financement du terrorisme, la résolution 1373 (2001) du
Conseil de sécurité et le droit international coutumier.
Le Qatar dénature la première exception préliminaire des défendeurs en faisant valoir que
ceux-ci y allèguent que sa prétention soulève une question politique. Les défendeurs ne prétendent
nullement que la présence d’éléments politiques dans un différend est en soi suffisante pour exclure
la compétence d’un tribunal ou d’une cour. L’argument du Qatar est un épouvantail rhétorique
visant à fragiliser la première exception préliminaire soulevée par les défendeurs.
Le Conseil n’est pas l’instance appropriée pour trancher un différend portant sur la question
de savoir si le Qatar a manqué à de multiples obligations étrangères à l’accord relatif au transit des
services aériens internationaux (l’«accord de transit»). Il n’est pas bien placé ni bien équipé pour
connaître des différends de cette nature ; il n’est pas non plus compétent pour le faire. Selon les
défendeurs, il doit décliner sa compétence ou, à titre subsidiaire, conclure à l’irrecevabilité de la
requête du Qatar.
En ce qui concerne la deuxième exception préliminaire, le Qatar prétend dans sa réponse
avoir vraiment tenté de négocier. Le point de vue évolutif, contradictoire et non fondé qu’il
exprime sur la question de savoir s’il a respecté la section 2 de l’article II de l’accord de transit
manque de crédibilité.
Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour internationale de Justice que le respect de
l’obligation de tenir des négociations préalables, telle que celle qui figure à la section 2 de
l’article II de l’accord de transit, est une des conditions d’existence de la compétence. Or les
éléments de preuve produits par le Qatar montrent qu’il n’a pas véritablement tenté d’engager des
négociations avec les défendeurs au sujet de l’interprétation ou de l’application de l’accord de
transit, que ce soit avant ou après la saisine du Conseil.
Si le Conseil acceptait d’exercer sa compétence dans les cas où le requérant s’efforce par la
suite d’obtenir des négociations et dépose à nouveau sa requête, il priverait d’effet l’obligation de
négociation préalable énoncée à la section 2 de l’article II, car rien n’inciterait les requérants à
- 110 -
ii
tenter d’engager des négociations avant de porter leurs différends devant le Conseil, leur inaction
étant sans conséquences.
Les positions du Qatar sur les deux exceptions préliminaires des défendeurs sont entachées
de contradictions internes et mettent en évidence la faiblesse de sa thèse. Dans sa réponse à la
première exception, le Qatar conteste que le «véritable problème» en l’espèce s’inscrive dans des
questions plus larges qui ne relèvent pas de la compétence du Conseil, déclarant que l’objet du
différend concerne uniquement l’accord de transit. Paradoxalement, il affirme dans le cadre de la
seconde exception avoir proposé des négociations sur l’ensemble du différend qui est plus large.
Le Qatar ne peut jouer sur les deux tableaux. Si le présent différend doit être interprété
comme concernant uniquement des violations de l’accord de transit, comme l’allègue le Qatar, la
tentative de négociation requise doit alors porter sur ces violations. Or aucune des déclarations que
le Qatar a versées au dossier à l’effet de prouver qu’il y avait eu des négociations ou des tentatives
de négociation ne fait état de l’accord de transit, ces pièces étant plutôt des déclarations à caractère
général concernant sa volonté alléguée de s’«asseoir et parler» ou l’«importance du dialogue». Si le
Qatar soutient que le différend ne porte pas sur les questions plus larges opposant les parties, il doit
nécessairement concéder qu’il n’a pas respecté l’obligation de négociation préalable prévue par la
section 2 de l’article II. A l’inverse, s’il affirme que l’évocation de l’existence d’un dialogue
politique élargi satisfait à cette obligation, il doit reconnaître que le différend porte sur des
questions plus larges qui échappent à la compétence du Conseil. Dans l’un ou l’autre cas, le
Conseil doit conclure à son incompétence.
Enfin, le Qatar fait valoir à tort que dans la mesure où les exceptions soulevées par les
défendeurs peuvent dûment être qualifiées d’exceptions d’irrecevabilité, le Conseil n’est pas
habilité à les trancher à titre préliminaire. Dans leurs deux exceptions préliminaires, les défendeurs
invoquent principalement l’incompétence du Conseil. Toutefois, et à titre subsidiaire, dans la
mesure où les deux exceptions traitent également de la recevabilité, le Conseil peut les trancher à
titre préliminaire, car elles revêtent le caractère exclusivement préliminaire requis.
Cela étant, les défendeurs prient à nouveau le Conseil de décider à titre préliminaire
d’accueillir leurs exceptions et de dire et juger en conséquence qu’il n’a pas compétence pour
trancher les prétentions soulevées par le Qatar dans sa requête B ou, à titre subsidiaire, que ces
prétentions sont irrecevables.
- 111 -
I. INTRODUCTION
1. Conformément à la décision rendue par le Conseil le 28 mai 2018 et en application de
l’article 28 du Règlement pour la solution des différends (le «Règlement»), la présente duplique de
la République arabe d’Egypte, du Royaume de Bahreïn, … et des Emirats arabes unis fait suite à la
réponse du Qatar, en date du 30 avril 2018, aux exceptions préliminaires soulevées par les
défendeurs le 19 mars 2018.
2. Dans leurs exceptions préliminaires datées du 19 mars 2018, les défendeurs ont fait valoir
que le Conseil n’avait pas compétence pour connaître des prétentions soulevées dans la requête B
et le mémoire du Qatar et à titre subsidiaire qu’il devait refuser d’entendre ces prétentions et les
déclarer irrecevables.
3. Les deux exceptions préliminaires des défendeurs sont formulées comme suit :
a) Le différend ne relève pas de la section 2 de l’article II de l’accord de transit : pour résoudre le
désaccord opposant le Qatar et les défendeurs, le Conseil doit nécessairement statuer sur les
contre-mesures invoquées par les défendeurs et déterminer si le Qatar se conforme aux
obligations fondamentales considérées mises à sa charge par le droit international qui ne sont en
rien liées à l’accord de transit. En effet, c’est le non-respect de ces différentes obligations par le
Qatar et les mesures prises en réaction par les défendeurs qui constituent le véritable problème
en cause en l’espèce.
b) Quoi qu’il en soit, le Qatar :
a) n’a pas rempli la condition nécessaire d’existence de la compétence du Conseil prévue par
la section 2 de l’article II de l’accord de transit qui consiste à tenter d’abord de résoudre le
désaccord avec les défendeurs par voie de négociation avant de porter ses prétentions
devant le Conseil ;
b) ne s’est pas acquitté de l’obligation procédurale énoncée à l’alinéa g) de l’article 2 du
Règlement qui consiste à établir et à affirmer expressément dans son mémoire que des
négociations visant à régler le désaccord ont eu lieu entre les parties, mais n’ont pas
abouti.
4. La présente duplique tend à répondre aux arguments du Qatar, qui sont nouveaux dans une
large mesure. Avant d’entrer dans le vif du sujet, les défendeurs dressent ci-après une liste des
points sur lesquels les parties semblent s’entendre :
a) Dans l’exercice des fonctions qui lui sont assignées par la section 2 de l’article II de l’accord de
transit, le Conseil agit comme organe juridictionnel ou quasi juridictionnel et toute distinction
faite entre les deux qualités n’a aucune importance pratique1.
b) Le Conseil est investi du pouvoir de statuer sur sa propre compétence dans les limites de la
section 2 de l’article I de l’accord de transit2, bien que le Qatar conteste l’étendue de ce pouvoir
1 Réponse de l’Etat du Qatar aux exceptions préliminaires des défendeurs au sujet de la requête B de l’Etat du
Qatar relative au désaccord à propos de l’interprétation et de l’application de [l’accord relatif au transit des services
aériens internationaux signé à Chicago le 7 décembre 1944], Montréal, 30 avril 2018 («réponse du Qatar»), par. 15
(«Néanmoins, l’Etat du Qatar ne pense pas qu’il soit nécessaire de déterminer si le Conseil, lorsqu’il exerce des fonctions
au titre de l’article II, section 2, agit dans l’exercice de pouvoirs judiciaires ou quasi judiciaires, ou d’examiner quelle
différence cela impliquerait dans la pratique»).
- 112 -
2
en soutenant que le Conseil ne peut pas trancher à titre préliminaire les questions relatives à
recevabilité des requêtes dans l’exercice de sa compétence de la compétence.
c) La jurisprudence de la Cour internationale de Justice (la «CIJ» ou la «Cour») est très utile pour
trancher les questions de droit ou de procédure dans le cadre du Conseil3.
d) L’article 22 des articles de la Commission du droit international («CDI») sur la responsabilité
de l’Etat pour fait internationalement illicite («articles de la CDI») exprime le principe du droit
international coutumier selon lequel «[l]’illicéité du fait d’un Etat non conforme à l’une de ses
obligations internationales à l’égard d’un autre Etat est exclue si, et dans la mesure où, ce fait
constitue une contre-mesure prise à l’encontre de cet autre Etat»4.
e) Si le Conseil devait se déclarer compétent et procéder à l’examen de la requête au fond, il se
trouverait nécessairement dans l’obligation d’examiner (selon les termes du Qatar) des
«question[s] plus ample[s]» concernant l’appui et le financement que le Qatar apporte au
terrorisme5. En effet, le Qatar a déclaré qu’il entendait démontrer «au stade de l’examen au
fond, en droit et en fait, que les conditions de l’imposition et du maintien des contre-mesures
alléguées par les défendeurs n’ont pas été remplies»6.
5. Les principaux points de désaccord entre les parties en l’espèce sont relativement peu
nombreux :
a) Au cas où le Conseil considérerait que l’une ou l’autre des exceptions soulevées par les
défendeurs porte sur la recevabilité, peut-il trancher des différends du point de vue de la
recevabilité au stade des exceptions préliminaires ?
b) Les exceptions préliminaires soulevées par les défendeurs peuvent-elles en toute légalité être
jointes au fond de l’affaire au motif qu’elles ne revêtent pas un caractère exclusivement ou
principalement préliminaire et doivent-elles en fait y être jointes dans une procédure régulière ?
c) Si le «véritable problème» en cause dans le différend porté devant le Conseil est dûment
qualifié, concerne-t-il non seulement les prétendues «violations de l’accord de transit»7
reprochées aux défendeurs, mais aussi et fondamentalement la question du respect par le Qatar
de ses obligations internationales, notamment celles découlant des accords de Riyad et d’autres
2 Exceptions préliminaires de la République arabe d’Egypte, du Royaume de Bahreïn et des Emirats arabes unis
au sujet de la requête B de l’Etat du Qatar relative au désaccord découlant de [l’accord relatif au transit des services
aériens internationaux signé à Chicago le 7 décembre 1944], 19 mars 2018 («exceptions préliminaires»), par. 26 c) ;
réponse du Qatar, par. 16.
3 Exceptions préliminaires, par. 18. Au paragraphe 12 de sa réponse, le Qatar relève que «les défendeurs ont
largement recours à la jurisprudence de la CIJ et des tribunaux», sans essayer de remettre en question la pertinence de
cette jurisprudence. Par la suite, il s’appuie aussi lourdement sur la jurisprudence de la CIJ (voir, par exemple, la réponse
du Qatar, par. 18 à 22, 26 à 31 et 37 à 43), ce qui autorise à conclure qu’il ne conteste pas non plus la pertinence des
précédents invoqués.
4 Réponse du Qatar, par. 79 ; exceptions préliminaires, par. 36 à 40. Citant Commission du droit international,
Articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite (2001), énoncés dans le Rapport de la
Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-troisième session (2001), Nations Unies, doc. A/56/10,
chap. IV, reproduit dans Annuaire de la Commission du droit international, 2001, deuxième partie, vol. II, p. 31 et suiv.
(«articles de la CDI»).
5 Réponse du Qatar, par. 77 et 78.
6 Ibid., par. 83.
7 Ibid., par. 49.
- 113 -
3
obligations relatives à l’appui et au financement qu’il apporte au terrorisme ?8 Dans
l’affirmative, la conséquence en est que le Conseil n’a pas compétence pour statuer au sens de
la section 2 de l’article II de l’accord de transit.
d) Le Qatar n’a-t-il pas rempli la condition de procédure et de fond qui consistait à engager des
négociations avant de déposer sa requête devant le Conseil et quelle est la portée juridique de
cette condition ? S’il ne l’a pas remplie, la conséquence en est que le Conseil n’a pas
compétence pour statuer au sens de la section 2 de l’article II de l’accord de transit.
II. LE CONSEIL PEUT ET DOIT STATUER À TITRE PRÉLIMINAIRE
SUR LES EXCEPTIONS SOULEVÉES PAR LES DÉFENDEURS
6. Dans leurs exceptions préliminaires, les défendeurs ont fait valoir, conformément à
l’article 5 du Règlement pour la solution des différends, que :
a) le Conseil n’a pas compétence pour trancher les prétentions soulevées par le Qatar ;
b) à titre subsidiaire, les prétentions du Qatar sont irrecevables.
7. Aux termes de l’article 5 du Règlement, tout Etat défendeur qui excipe de l’incompétence
du Conseil à connaître de l’affaire soumise par l’Etat demandeur «doit soulever une exception
préliminaire» motivée9 et si une telle exception est soulevée, le Conseil «rend une décision sur cette
question préjudicielle avant toute autre mesure à prendre»10.
8. Les dispositions susmentionnées expriment un principe fondamental et bien établi du droit
international selon lequel une cour ou un tribunal international ne peut statuer sur un différend
opposant des Etats que dans la mesure où ceux-ci ont consenti à l’exercice de cette compétence.
9. Les limites du consentement des parties à l’exercice de la compétence du Conseil sont
définies à la section 2 de l’article II de l’accord de transit. Comme les défendeurs l’ont expliqué
dans leurs exceptions préliminaires, la section 2 de l’article II ne vise que les désaccords
concernant «l’interprétation et l’application» de l’accord de transit. Elle limite ainsi la compétence
du Conseil sur le plan matériel. Par contre, les différends ou les désaccords qui ne concernent pas
ou pas seulement l’interprétation et l’application de l’accord de transit ne relèvent pas de la
compétence du Conseil.
10. Il est également bien établi en droit international que même si un tribunal international
ou tout autre organe juridictionnel décide qu’il a compétence pour connaître d’un différend,
c’est-à-dire que ses instruments constitutifs lui confèrent le pouvoir de trancher ce différend, il est
également tenu de rechercher si les circonstances sont telles qu’il doit refuser d’exercer cette
compétence, par exemple s’il existe des motifs pour lesquels il est impossible ou inopportun de
statuer sur le différend à ce stade de la procédure. Ce dernier type de considérations, appelées
considérations de «recevabilité», est inhérent à l’exercice de la fonction judiciaire. Le Qatar a
manifestement tort d’affirmer le contraire. Il a également tort de chercher à dissocier la compétence
de la recevabilité : les deux sont liées à la capacité du juge à trancher les différends et, en principe,
8 Exceptions préliminaires, par. 30, 33 et 66.
9 Règlement, article 5, par. 1.
10 Règlement, article 5, par. 4.
- 114 -
4
doivent faire l’objet d’un examen et d’une décision d’entrée de jeu avant l’exposé et l’examen du
fond du différend.
11. En application de ces principes bien établis du droit international, les cours et tribunaux
internationaux tranchent à titre préliminaire les exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité
lorsque ces exceptions possèdent un «caractère exclusivement préliminaire», c’est-à-dire lorsqu’il
est possible de les examiner sans entrer dans les débats sur les éléments de preuve qui sont
nécessaires pour statuer sur le bien-fondé intrinsèque des prétentions du requérant11. La CIJ
reconnaît que toute partie qui soulève des exceptions préliminaires a droit à ce qu’elles soient
tranchées au stade préliminaire de la procédure12.
12. Le Qatar ne conteste pas que les défendeurs ont le droit de soulever des exceptions sur la
compétence du Conseil ou la recevabilité de ses prétentions. Il ne conteste pas non plus que le
Conseil est habilité à trancher à titre préliminaire les exceptions des défendeurs concernant sa
compétence. Néanmoins, il s’appuie sur le paragraphe 1 de l’article 5 du Règlement pour soutenir
que, dans la mesure où les exceptions soulevées par les défendeurs sont dûment qualifiées
d’exceptions d’irrecevabilité, le Conseil n’a pas le pouvoir de les trancher à titre préliminaire.
Selon lui, il n’est d’ailleurs permis aux défendeurs de les soulever qu’au stade de l’examen au
fond13.
13. Le Qatar tente d’interpréter le paragraphe 1 de l’article 5 de façon restrictive en le
comparant au paragraphe 1 de l’article 79 de la version actuelle du Règlement de la CIJ, qui
autorise expressément l’Etat défendeur à soulever des exceptions d’incompétence de la Cour ou
d’irrecevabilité de la requête. A son avis, le fait que le paragraphe 1 de l’article 5 du Règlement
n’évoque explicitement que la compétence du Conseil revient à dire que celui-ci n’est pas habilité à
statuer à titre préliminaire sur les exceptions d’irrecevabilité.
14. L’argument du Qatar est erroné à plusieurs niveaux. Le Qatar ne conteste pas que le
paragraphe 1 de l’article 5 du Règlement confère au défendeur le droit de soulever des exceptions
d’irrecevabilité, bien que cette disposition ne vise expressément que les exceptions
d’incompétence. Dans cette mesure, il admet que le principe du droit international bien établi
mentionné ci-dessus s’applique au Conseil. Il ne dit cependant pas pourquoi il est alors interdit au
Conseil d’examiner les questions relatives à la recevabilité séparément du fond de l’affaire comme
dans le cas des exceptions d’incompétence. Rien n’explique de façon satisfaisante l’incohérence de
sa position. Etant donné que les considérations de recevabilité empêchent de statuer sur le fond des
11 Selon la jurisprudence de la CIJ, l’exception ne possède pas de caractère exclusivement préliminaire lorsque la
question qui y est soulevée est si étroitement liée au fond du différend que le dossier de l’affaire ne permet pas de la
trancher entièrement. Voir, par exemple, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, (ci-après «Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci»), p. 425, par. 76, et Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et
le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale (intervenant)), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 324, par. 116. Les tribunaux d’arbitrage en matière d’investissement ont adopté la même approche. Voir, par exemple,
Glamis Gold, Ltd c. Etats-Unis d’Amérique, CNUDCI, Procedural Order No. 2 (revised), 31 mai 2005, par. 12 c), et
Philip Morris Asia Ltd c. Australie, CNUDCI, Cour permanente d’arbitrage, affaire no 2012-12, Procedural Order No. 8
Regarding Bifurcation of the Procedure, 14 avril 2014, par. 108-109.
12 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 832 (ci-après «Différend territorial et maritime»), p. 852, par. 51 ; Appel concernant la
compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, p. 56, par. 18 a)-c).
13 Réponse du Qatar, par. 23-25.
- 115 -
5
affaires14, les questions relatives à la recevabilité doivent être tranchées à titre préliminaire, à moins
que des motifs précis liés à l’équité, à l’opportunité ou à la rationalité procédurale n’imposent de
les joindre à l’examen au fond. Aucun motif de cette nature n’existe en l’occurrence.
15. Dans sa comparaison superficielle, le Qatar méconnaît également le fait que le
paragraphe 6 de l’article 36 du Statut de la CIJ (l’«acte constitutif de la Cour») ne vise que la
capacité de cette dernière à statuer sur sa compétence lorsqu’elle est saisie d’un différend. Le Statut
ne fait nullement état des exceptions d’irrecevabilité. D’ailleurs, la distinction entre la compétence
et la recevabilité n’a été introduite dans le Règlement de la Cour qu’en 197215. Malgré cela, la Cour
considérait depuis sa création qu’elle était habilitée à statuer sur les exceptions d’irrecevabilité
avant que la procédure sur le fond se poursuive16. Dans l’affaire du Cameroun septentrional, par
exemple, la Cour n’a pas jugé «nécessaire d’examiner chacune des exceptions ni de déterminer si
elles portent toutes sur la compétence ou la recevabilité ou si elles sont fondées sur d’autres
motifs»17. Chaque fois que le problème s’est posé, la Cour n’a pas hésité à requalifier l’exception et
à en examiner le bien-fondé, sans s’appesantir sur l’erreur de qualification que l’Etat qui l’a
soulevée aurait commise18. La raison en est que, comme il a été relevé plus haut, les exceptions
d’irrecevabilité ont un effet équivalent à celui des exceptions d’incompétence : elles font obstacle à
l’examen du fond du différend.
16. Quoi qu’il en soit, ce débat suscité par le Qatar est en fait inutile. Comme les défendeurs
l’ont expliqué dans leurs exceptions préliminaires19, le Conseil a créé sa propre pratique sur la base
du paragraphe 1 de l’article 5 du Règlement et a confirmé qu’il était habilité à statuer sur les
questions relatives à la recevabilité à titre préliminaire. Le Qatar veut méconnaître cette pratique du
Conseil.
14 Cf. Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008 (ci-après «Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide»), p. 456, par. 120.
15 La version du Règlement de la Cour adoptée en 1946 disposait que «[t]oute exception préliminaire doit être
présentée au plus tard avant l’expiration du délai fixé pour la première pièce de la procédure écrite à déposer par la partie
soulevant l’exception». La version de 1972 et celle de 1978 (actuellement en vigueur) visent toute exception «à la
compétence de la Cour ou à la recevabilité de la requête ou toute autre exception sur laquelle le défendeur demande une
décision avant que la procédure sur le fond se poursuive».
16 Ce faisant, la CIJ suivait la pratique de son prédécesseur, la Cour permanente de Justice internationale (CPJI) :
voir par exemple, affaire du Chemin de fer Panevezys-Saldutiskis, arrêt, 1939, C.P.J.I. série A/B, n° 2, p. 4, affaire jugée
selon le Règlement de la CPJI de 1936 (qui était dans une large mesure analogue au Règlement de la CIJ de 1946) dans
laquelle la Cour a fait observer que la disposition concernée «couvre plus que les exceptions d’incompétence. Les termes
et le fond de cet article démontrent qu’il s’applique à toute exception dont l’effet, si elle était retenue par la Cour, serait
de mettre fin à la procédure dans l’affaire en cause, et dont il conviendrait, par conséquent, pour la Cour de s’occuper
avant d’aborder le fond» (p. 16).
17 Affaire du Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1963, p. 27. Voir aussi affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I.
série A no 2, p. 10 ; affaire Pajzs, Csáky, Esterházy, arrêt, 1936, C.P.J.I. série A/B no 68, p. 51 ; Demande en revision et
en interprétation de l’arrêt du 24 février 1982 en l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne)
(Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 216, par. 43 ; Délimitation maritime et questions
territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 23-24,
par. 43.
18 Voir, en particulier, affaire de l’Interhandel (Suisse c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1959, p. 26 ; Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt,
C.I.J. Recueil 2003, p. 177, par. 29 ; Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Croatie c. Serbie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 456, par. 120 ; Question de la
délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte
nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 123, par. 48.
19 Exceptions préliminaires, par. 31.
- 116 -
6
17. En 2000, le Conseil a tranché un certain nombre d’exceptions d’irrecevabilité dans
l’affaire Etats-Unis c. 15 Etats européens dont il avait été saisi en vertu de l’article 84 de la
convention de Chicago20. Il a considéré comme des questions préliminaires les trois exceptions que
les défendeurs avaient qualifiées d’exceptions d’irrecevabilité. Il en a rejeté deux et a joint au fond
de l’affaire la troisième  concernant l’étendue de la réparation qu’il était habilité à accorder  au
motif que cette exception ne revêtait pas un caractère préliminaire. Cette décision confirme que
selon le Conseil, le paragraphe 1 de l’article 5 l’habilite à examiner à titre préliminaire les
questions relatives à la recevabilité. Elle confirme également que ce n’est qu’à titre exceptionnel
que les exceptions d’irrecevabilité doivent être jointes au fond de l’affaire, la jonction n’ayant été
opérée que parce que dans les circonstances de l’espèce, l’exception ne pouvait être considérée
comme revêtant un caractère exclusivement préliminaire.
18. Le Qatar ne conteste pas que le Conseil a déjà considéré des questions relatives à la
recevabilité comme des exceptions préliminaires dans des instances relevant de l’article 84. Il se
borne à rejeter cette décision comme étant erronée, mais n’explique pas  parce qu’il ne peut pas
l’expliquer  en quoi elle serait erronée ni pourquoi le Conseil devrait déroger à sa pratique
antérieure21.
19. En outre, dans une instance relevant de l’article 84 qui les opposait au Brésil en 2017, les
Etats-Unis ont soulevé une exception d’irrecevabilité du différend pour cause de forclusion
(prescription extinctive). Le Qatar allègue que le Conseil a correctement appliqué le paragraphe 1
de l’article 5 en s’abstenant de statuer sur cette exception à titre préliminaire22, mais il passe à côté
du sujet, car le Conseil a en fait réaffirmé sa pratique antérieure et l’a suivie.
20. Comme le Qatar lui-même le souligne, dans l’affaire Brésil c. Etats-Unis, les Etats-Unis
ont invoqué l’argument suivant :
«Si le Règlement pour la solution des différends de l’OACI ne mentionne pas
explicitement la recevabilité, le Conseil de l’OACI a considéré, et devrait le faire
actuellement, les questions de recevabilité comme des bases admissibles pour soulever
une exception préliminaire en vertu de l’article 5 du Règlement pour la solution des
différends.»23
21. Lors de l’audience du 21 juin 2017, le Brésil a admis que l’exception soulevée par les
Etats-Unis portait sur la recevabilité de sa demande, mais n’a pas contesté que le Conseil pouvait la
trancher à titre préliminaire24. La direction des affaires juridiques et des relations extérieures de
l’OACI a également confirmé que le Conseil pouvait décider de joindre au fond de l’affaire des
exceptions n’ayant pas un caractère exclusivement préliminaire, invoquant la décision rendue par le
Conseil dans l’affaire Etats-Unis c. 15 Etats européens25.
20 Decision of the ICAO Council on the Preliminary Objections in the Matter «United States v. 15 European
States (2000)», 16 novembre 2000.
21 Réponse du Qatar, par. 24.
22 Ibid., par. 24-25.
23 Brésil c. Etats-Unis, Preliminary Objections of the United States, note 18 (citée dans la réponse du Qatar,
par. 23).
24 Conseil, 211e session, Summary Minutes of the Ninth Meeting (procès-verbal sommaire de la neuvième
réunion), 21 juin 2017, C-MIN 211/9, par. 51.
25 Ibid., par. 93.
- 117 -
7
22. Le Conseil a accepté cette position. Il a conclu que l’exception préliminaire des
Etats-Unis ne revêtait pas «un caractère exclusivement préliminaire» dans les circonstances de
l’espèce et a décidé d’en différer l’examen jusqu’au moment où il aurait été informé des faits
pertinents, lesquels faisaient partie du fond. Le Conseil a ainsi confirmé à nouveau qu’il était en
mesure de trancher les exceptions d’irrecevabilité à titre préliminaire. Le fait même qu’il ait joint
l’exception au fond de l’affaire sur cette base confirme l’idée qu’il l’aurait tranchée au stade
préliminaire de la procédure si les faits invoqués à l’appui de l’exception avaient révélé qu’elle
revêtait le «caractère exclusivement préliminaire» requis.
*
23. Bien que le Qatar ait, à la lumière de ce qui précède, commis une erreur de droit, le point
saillant en l’occurrence est que les deux exceptions préliminaires des défendeurs peuvent dûment
être qualifiées d’exceptions d’incompétence.
24. En ce qui concerne la première exception préliminaire, le Qatar affirme que «[l]es
moyens de défense tels que les contre-mesures doivent être examinés lors de l’examen au fond et
non pas au stade des exceptions préliminaires»26. Par cette affirmation, il veut vraisemblablement
inviter le Conseil à joindre l’exception préliminaire des défendeurs au fond de l’affaire.
25. Or la question de savoir s’il est tant soit peu permis au Conseil de statuer sur le fond du
véritable différend opposant les parties doit être tranchée d’entrée de jeu. C’est là la question qui
doit être tranchée pour statuer sur les exceptions préliminaires des défendeurs.
26. Le paragraphe 4 de l’article 5 du Règlement ne donne pas au Conseil la faculté de joindre
les exceptions préliminaires au fond, qu’il s’agisse d’exceptions d’incompétence ou d’exceptions
d’irrecevabilité. Il dispose expressément que «[s]i une exception préliminaire est soulevée, le
Conseil, après avoir entendu les parties, rend une décision sur cette question préjudicielle avant
toute autre mesure à prendre en vertu du présent Règlement» (les italiques sont de nous).
27. Il est à noter que le Conseil n’a jamais joint une exception d’incompétence au fond.
28. Cela n’est pas surprenant si l’on tient compte du paragraphe 4 de l’article 5 du
Règlement ; à cet égard, les défendeurs font valoir que la pratique antérieure du Conseil devrait être
suivie dans le présent différend. La thèse principale des défendeurs est que leurs deux exceptions
portent sur la compétence du Conseil et non pas sur la recevabilité de la prétention du Qatar,
celle-ci étant étrangère aux différends qui relèvent de la compétence du Conseil au sens de la
section 2 de l’article II de l’accord de transit. En conséquence, le paragraphe 4 de l’article 5 du
Règlement exige que le Conseil tranche les deux exceptions avant de prendre toute autre mesure.
26 Réponse du Qatar, par. 74 ; voir aussi par. 33 («L’allégation des défendeurs selon laquelle le Conseil n’est pas
compétent pour statuer sur le cas d’espèce parce que l’Etat du Qatar a prétendument violé certaines obligations
internationales, violations qui ont autorisé les défendeurs à adopter des «contre-mesures», concerne précisément le fond
de la présente affaire»).
- 118 -
8
29. Toutefois, à titre subsidiaire, les défendeurs font valoir aussi que le Conseil peut
considérer les deux exceptions comme des exceptions d’irrecevabilité et que, dans ce cas, il est
habilité à les trancher à titre préliminaire, car elles revêtent le caractère exclusivement préliminaire
requis. Comme indiqué à la section III F ci-dessous, le Conseil peut et doit statuer sur la première
exception préliminaire que les défendeurs soulèvent en se prévalant de leurs contre-mesures sans
déterminer à l’avance si les moyens de défense qu’ils en tirent pourraient effectivement prospérer
au fond. Le Qatar semble convenir que le Conseil peut statuer sur la seconde exception au stade
préliminaire de la procédure dans la mesure où elle est dûment qualifiée d’exception
d’incompétence. Quoi qu’il en soit, cette exception n’exige pas non plus que le Conseil préjuge du
bien-fondé des moyens de défense tirés par les défendeurs de leurs contre-mesures.
III. PREMIÈRE EXCEPTION PRÉLIMINAIRE : LE CONSEIL N’A PAS COMPÉTENCE
POUR STATUER SUR LE «VÉRITABLE PROBLÈME» EN CAUSE
A. Introduction
30. Le Qatar cherche à dénaturer la première exception préliminaire des défendeurs en
faisant valoir que ceux-ci y allèguent que sa prétention soulève une question politique et non pas un
différend susceptible d’être tranché par application des règles de droit27. Son argument est erroné.
En effet, la première exception repose plutôt sur le principe selon lequel le Conseil n’a pas
compétence pour statuer si, objectivement, le «véritable problème» en cause dans l’affaire dont il
est saisi ne relève pas du champ d’application de la section 2 de l’article II de l’accord de transit.
Tel est le cas en l’occurrence. Le recours du Qatar porte sur des mesures constitutives de
contre-mesures licites qui ont été adoptées dans le cadre d’une réaction plus large à ses
manquements persistants à des obligations internationales fondamentales n’ayant absolument rien à
voir avec l’aviation civile. C’est là le «véritable problème» en cause.
31. Ainsi, l’objet du différend que le Qatar prétend porter devant le Conseil échappe de loin
à la compétence de ce dernier. S’il procède à l’examen de l’affaire au fond, le Conseil sera
nécessairement tenu de statuer sur la question des contre-mesures en tant que circonstance excluant
l’illicéité des mesures prises par les défendeurs, y compris celles dont le Qatar tire grief. Comme
l’admet celui-ci, si le Conseil exerçait sa compétence, il devrait donc déterminer si le Qatar
respecte des obligations de droit international ne relevant pas de l’OACI, notamment des
obligations découlant des accords de Riyad, des obligations relatives à la lutte contre le terrorisme
et des obligations relatives à la non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres Etats. Comme le
Qatar l’a déjà reconnu, le «véritable problème» en cause concerne des «questions sans lien aucun
avec la navigation aérienne et le transport aérien»28. Lorsque le Qatar a manqué aux obligations
susmentionnées, les défendeurs ont adopté un train complet de mesures qui comprend non
seulement celles dont le Qatar tire actuellement grief, mais aussi la rupture des relations
diplomatiques et économiques avec le Qatar. Ces mesures visaient à inciter ce dernier à respecter
ses obligations internationales consistant, entre autres, à prévenir, réprimer et criminaliser le
27 Ibid., par. 34-35
(«Certaines observations peuvent toutefois être formulées sur les questions soulevées par les
défendeurs, selon lesquelles il existe des questions plus larges ou globales en jeu qui empêcheraient le
Conseil de se déclarer compétent ou entraîneraient l’irrecevabilité de la requête. Il est dans la nature des
cours et des tribunaux de statuer sur des questions juridiques, même si celles-ci interviennent dans le
cadre de différends politiques plus larges entre les parties. Le fait qu’un différend juridique s’inscrive
dans un contexte sous-jacent plus large ne signifie pas que ce différend ne relève pas de la compétence du
Conseil ou soit irrecevable.»).
28 Requête B de l’Etat du Qatar, «Désaccord à propos de l’interprétation et de l’application de l’accord relatif au
transit des services aériens internationaux signé à Chicago le 7 décembre 1944», datée du 30 octobre 2017 («requête B du
Qatar»), point g).
- 119 -
9
soutien aux terroristes et aux organisations terroristes et leur financement, ainsi que le principe de
non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats. Dans la mesure où elles seraient à première
vue jugées contraires aux obligations mises à la charge des défendeurs par l’accord de transit, elles
sont justifiées comme constituant des contre-mesures licites.
32. Le Conseil ne saurait dissocier le recours du Qatar de la nature des mesures prises par les
défendeurs à titre de contre-mesures. Il n’y a rien à dissocier : toutes les mesures des défendeurs
ont été expressément adoptées à titre de contre-mesures en réaction aux manquements multiples et
graves du Qatar à ses obligations internationales. Tous les Etats défendeurs l’ont clairement déclaré
dès le départ, comme indiqué aux paragraphes 55 à 64 des exceptions préliminaires. Il s’ensuit que
le Conseil ne peut apprécier le recours du Qatar sur le fond en différant l’examen des moyens de
défense tirés par les défendeurs de leurs contre-mesures. De fait, cela reviendrait à méconnaître la
véritable nature des mesures prises par les défendeurs et à compromettre leur situation juridique.
33. Par souci d’exhaustivité, les défendeurs relèvent que le Qatar a tort de soutenir qu’en
invoquant en défense leurs contre-mesures, ils admettent en quelque sorte que leurs actions sont
contraires aux dispositions de l’accord de transit29. Pour dissiper tout doute, les défendeurs
réaffirment que leurs exceptions préliminaires ne préjugent pas du tout de la question de savoir si
leurs actions étaient de toute autre manière contraires aux obligations mises à leur charge par
l’accord de transit30. Le fait est simplement que, conformément au droit constant applicable, le
caractère licite des mesures considérées exclut toute possibilité qu’elles puissent par ailleurs être
contraires aux dispositions plus restreintes de l’accord de transit31.
B. La première exception préliminaire est fondée sur le «véritable problème»
en cause et non sur la nature politique du différend
34. Le Qatar cherche à semer la confusion en présentant un argument sur un point que les
défendeurs n’ont pas soulevé, à savoir que le Conseil n’a pas compétence en l’espèce parce que le
différend comporte des aspects politiques. Son argument est libellé comme suit :
«Il est dans la nature des cours et des tribunaux de statuer sur des questions
juridiques, même si celles-ci interviennent dans le cadre de différends politiques plus
larges entre les parties. Le fait qu’un différend juridique s’inscrive dans un contexte
sous-jacent plus large ne signifie pas que ce différend ne relève pas de la compétence
du Conseil ou soit irrecevable.»32
35. Telle n’est pas l’exception des défendeurs. Ceux-ci excipent plutôt de ce que les mesures
dénoncées par le Qatar appellent inexorablement l’examen d’un différend qui ne relève pas de la
compétence du Conseil.
29 Réponse du Qatar, par. 83.
30 Exceptions préliminaires, par. 8
(«Les présentes exceptions préliminaires sont naturellement soumises sans préjudice de la
position des défendeurs sur le fond des plaintes déposées par le Qatar, exposée dans la requête B et le
mémoire qui l’accompagne, en ce qui concerne le prétendu manquement des défendeurs à leurs
obligations internationales au titre de l’accord de transit.»).
31 Article 22 de la CDI.
32 Réponse du Qatar, par. 35.
- 120 -
10
36. Les défendeurs conviennent que la présence d’éléments politiques dans un différend
n’est pas suffisante en soi pour exclure la compétence d’un tribunal ou d’une cour à connaître de ce
différend sur la base des normes juridiques applicables. Cela est cependant sans objet en
l’occurrence car, ainsi que les défendeurs viennent de le souligner, le fait que le différend comporte
des éléments politiques n’est pas le motif pour lequel la prétention du Qatar ne relève pas de la
compétence du Conseil. Le Qatar a également tort de dire que la CIJ a rejeté le principe selon
lequel elle doit s’assurer qu’elle a compétence  c’est-à-dire qu’elle a le consentement nécessaire
des parties  pour statuer sur le «véritable problème» en cause lorsque sa compétence matérielle
est limitée. Aucun des précédents qu’il a cités n’accrédite cette allégation.
37. Le Qatar s’appuie sur des obiter dicta (opinions incidentes) énoncés par la Cour en
l’affaire relative au Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, dans laquelle
la Cour s’est déclarée compétente pour connaître d’une prétention en vertu des conventions de
Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires malgré le fait que l’Iran invoquait les griefs
politiques généraux qu’il nourrissait contre les Etats-Unis33.
«[L]es différends juridiques entre Etats souverains ont, par leur nature même,
toutes chances de surgir dans des contextes politiques et ne représentent souvent qu’un
élément d’un différend politique plus vaste et existant de longue date entre les Etats
concernés. Nul n’a cependant jamais prétendu que, parce qu’un différend juridique
soumis à la Cour ne constitue qu’un aspect d’un différend politique, la Cour doit se
refuser à résoudre dans l’intérêt des parties les questions juridiques qui les opposent.
La Charte et le Statut ne fournissent aucun fondement à cette conception des fonctions
ou de la juridiction de la Cour ; si la Cour, contrairement à sa jurisprudence constante,
acceptait une telle conception, il en résulterait une restriction considérable et
injustifiée de son rôle en matière de règlement pacifique des différends
internationaux.»
38. En l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, la
Cour affirme qu’elle ne refuserait pas de connaître d’une affaire «pour la simple raison qu’elle [a]
des implications politiques»34 ; de même, dans son avis consultatif sur la Licéité de l’utilisation des
armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé, elle dit que le fait que «cette question revête par
ailleurs des aspects politiques ... ne suffit pas à la priver de son caractère de «question juridique»»
en matière d’avis consultatif35.
39. L’invocation de ces précédents par le Qatar ne répond cependant pas à l’exception
soulevée par les défendeurs. Le fait que les mesures prises par ces derniers aient été adoptées  et
ce expressément36  à titre de contre-mesures licites et soient invoquées comme telles implique
qu’elles doivent être analysées de ce point de vue. Les défendeurs ne contestent pas que le résultat
final de cette évaluation soit une question avec laquelle le Qatar puisse être en désaccord, mais il ne
s’agit pas d’un désaccord que le Conseil peut résoudre. Si le Conseil décidait de le faire, il serait
nécessairement  et le Qatar en convient  obligé de trancher un différend qui déborde largement
33 Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), arrêt,
C.I.J. Recueil 1980, p. 20, par. 37.
34 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, p. 435, par. 96 (les italiques sont de
nous).
35 Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 73, par. 16.
36 Exceptions préliminaires, par. 56-59.
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11
le champ de sa compétence matérielle limitée37. Le Conseil doit donc refuser d’exercer sa
compétence, non pas parce que ce différend comporte des éléments politiques, mais parce que le
«véritable problème» en cause diffère de l’objet de sa compétence défini par la section 2 de
l’article II de l’accord de transit.
C. Le Qatar ne répond pas à la règle du «véritable problème»
40. La stratégie du Qatar, qui consiste à dénaturer les exceptions des défendeurs et à mettre
l’accent sur des questions politiques, sert à masquer son incapacité à répondre à la thèse des
défendeurs. On notera que le Qatar ne conteste pas que la règle du «véritable problème» est un
obstacle à l’exercice de la compétence. Il cherche plutôt à minimiser ou à méconnaître son
importance.
41. Comme les défendeurs l’ont expliqué dans leurs exceptions préliminaires  et le Qatar
ne le conteste pas , un des volets nécessaires de la fonction du Conseil siégeant en vertu de la
section 2 de l’article II est «de circonscrire le véritable problème en cause et de préciser l’objet de
la demande». Le Conseil «doit s’assurer de l’objet véritable du différend, de l’objet et du but de la
demande»38.
42. Comme l’a récemment confirmé un tribunal arbitral constitué en vertu de la partie XV de
la convention des Nations Unies sur le droit de la mer dans l’arbitrage relatif à l’archipel des
Chagos, l’existence d’un «lien accessoire entre le différend et une question régie par la convention
est insuffisante pour faire entrer l’ensemble du différend dans le champ d’application» du titre de
compétence39. Dans cette affaire, le tribunal a refusé d’exercer sa compétence pour avoir conclu
que le «véritable problème» en cause  ou, comme le dit le Qatar, le «coeur de la requête»
 concernait un différend relatif à la souveraineté sur des terres. Il ne s’agissait pas d’un différend
intéressant l’interprétation ou l’application de la convention des Nations Unies sur le droit de la
mer40. Maurice contestait l’aire marine protégée créée par le Royaume-Uni en vertu de cette
convention au motif que le Royaume-Uni n’était pas l’«Etat côtier» compétent en ce qu’il (selon
Maurice) n’était pas détenteur de la souveraineté sur les îles en question. Le tribunal a estimé que le
désaccord opposant les parties n’était qu’un «volet d’un différend plus large» portant sur la
question de la détermination de l’Etat détenteur de la souveraineté sur l’archipel des Chagos41. Il a
tiré la conclusion suivante42 :
«Lorsqu’un différend concerne l’interprétation ou l’application de la
convention, le champ de la compétence conférée à la cour ou au tribunal par le
paragraphe 1 de l’article 288 s’étend à l’établissement des conclusions de fait ou des
37Réponse du Qatar, par. 74, 77-78 ; cf. aussi par. 48.
38 Exceptions préliminaires, par. 33, citant Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974,
p. 262, par. 29 ; Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 466, par. 30 ; voir aussi In
the matter of the Chagos Marine Protected Area Arbitration (Republic of Mauritius v. United Kingdom of Great Britain
and Northern Ireland), Cour permanente d’arbitrage, affaire no 2011-03, sentence, 18 mars 2015 (ci-après «arbitrage
relatif à l’archipel des Chagos»), par. 220.
39 Arbitrage relatif à l’archipel des Chagos, par. 220. Aux termes de l’article 288 de la convention des
Nations Unies sur le droit de la mer, le champ de la compétence d’une cour ou d’un tribunal constitué en vertu de la
partie XIV se limite à «tout différend relatif à l’interprétation ou à l’application de la convention qui lui est soumis
conformément à la [partie XV]».
40 Réponse du Qatar, par. 47.
41 Arbitrage relatif à l’archipel des Chagos, par. 212.
42 Ibid., par. 220-221.
- 122 -
12
conclusions de droit incidentes nécessaires pour résoudre le différend qui lui est
soumis (voir l’affaire relative à Certains intérêts allemands en Haute-Silésie
polonaise, exceptions préliminaires, arrêt du 25 août 1925, C.P.J.I., série A, n° 6,
p. 18). Toutefois, lorsque le «véritable problème en cause» et l’«objet de la demande»
(Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C. I. J. Recueil 1974, p. 466,
par. 30) ne concernent pas l’interprétation ou l’application de la convention,
l’existence d’un lien accessoire entre le différend et une question régie par la
convention est insuffisante pour faire entrer l’ensemble du différend dans le champ
d’application du paragraphe 1 de l’article 288.
Le différend qui oppose les Parties au sujet de la détention de la souveraineté
sur l’archipel des Chagos ne concerne pas l’interprétation ou l’application de la
convention.»
Pour ce motif, le tribunal a estimé qu’il n’avait pas compétence pour statuer sur la question.
43. De même, dans l’affaire Larsen c. Hawaï, un tribunal arbitral a refusé d’exercer sa
compétence sur une demande formée par un ressortissant hawaïen contre le défendeur désigné, le
«Royaume d’Hawaï», à titre de prétexte pour amener le tribunal à déterminer qui détenait la
souveraineté sur Hawaï43. Le tribunal a estimé que l’«essentiel du différend» qui lui était soumis
opposait en réalité chacune des parties et un tiers, à savoir les Etats-Unis, et qu’il n’y avait aucun
véritable différend à trancher entre les deux parties44. Il a dit en outre qu’il ne pouvait trancher le
différend sans évaluer la position d’un tiers nécessaire (à savoir les Etats-Unis)45.
44. La règle du «véritable problème» a pour objet de faire en sorte que tribunal n’exerce sa
compétence que sur le sujet auquel les Etats ont souscrit aux termes de leur accord attributif de
compétence. La raison en est évidente lorsque l’on considère la situation des organes
juridictionnels à compétence matérielle limitée comme le Conseil. Non seulement ces organes ne
sont pas habilités à empiéter sur la compétence dont d’autres organes (à compétence générale ou
spéciale) disposeraient à l’égard du «véritable différend», mais ils ne sauraient prétendre rendre des
décisions contraignantes et définitives susceptibles d’être invoquées devant d’autres instances de
règlement des différends. Tout organe juridictionnel qui ne respecterait pas ces limites
fondamentales à son rôle compromettrait d’une manière inadmissible la situation juridique des
parties en litige.
45. L’application des règles pertinentes en l’occurrence ne peut aboutir qu’à une seule
conclusion. Le Conseil n’est pas l’instance appropriée et compétente pour trancher un différend
portant sur la question de savoir si le Qatar a manqué à de multiples obligations qui ne relèvent pas
de l’accord de transit. Ce n’est pas une question périphérique ou accessoire en l’espèce. C’est,
comme nous le voyons maintenant, le seul différend.
43 Larsen c. Royaume d’Hawaï, Cour permanente d’arbitrage, affaire n° 1999-01, sentence du 5 février 2001.
44 Ibid., par. 12.8.
45 Ibid., par. 12.15, citant l ’ affaire de l’Or monétaire pris à Rome en 1943(question préliminaire), arrêt,
C.I.J. Recueil 1954, p. 19.
- 123 -
13
D. Analysé objectivement, le «véritable problème»
en l’espèce ne concerne pas l’aviation civile
46. Si le Qatar a voulu (à tort) qualifier le «véritable problème» en l’espèce de question
concernant une prétendue «violation par les défendeurs des dispositions de l’accord de transit»46, il
concède cependant que le différend est beaucoup plus large que ses prétentions. Il déclare que «le
Conseil peut examiner toute question plus ample lors de l’examen au fond», y compris les
«allégations selon lesquelles il soutiendrait ou financerait le terrorisme, etc.»47. De même, dans sa
requête, il déclare que le «véritable problème» en cause concerne ce qu’il appelle un ultimatum que
les défendeurs lui ont donné «sur des questions sans lien aucun avec la navigation aérienne et le
transport aérien»48. En outre, il est frappant de constater que dans sa réponse à la deuxième
exception préliminaire des défendeurs concernant son manquement à l’obligation d’engager des
négociations, tous les exemples qu’il cite pour prouver qu’il a tenté de négocier portent sur le
différend relevant des accords de Riyad et les obligations internationales qui en découlent49. Le
Qatar est malvenu maintenant à faire valoir que le «véritable problème» entre les parties est
différent, pour les seuls besoins de ses objectifs tactiques dans l’affaire.
47. En admettant que le différend opposant les parties est beaucoup plus large que sa
prétention, le Qatar accepte en quelque sorte la réalité de la situation : le différend n’est pas
seulement plus large ; il est en fait différent de ceux qui concernent les obligations découlant de
l’accord de transit. Le différend porte sur le fait que le Qatar ait manqué  voire se soit soustrait
 à des obligations fondamentales d’une nature complètement différente, à savoir des obligations
relatives à la lutte contre le terrorisme et à la non-ingérence dans les affaires intérieures des
défendeurs, en violation des accords de Riyad et d’autres instruments internationaux50.
48. Par ailleurs, et alors qu’il reconnaît que le différend est en fait beaucoup plus large, le
Qatar donne à entendre que le «véritable problème» en cause est une question subjective qu’il doit
déterminer. Il affirme en outre que la qualification qu’il retient lie Conseil, qui doit simplement
examiner sa requête et son mémoire. Le Qatar dit à cet égard ce qui suit :
«La «véritable» question soumise au Conseil est la violation par les défendeurs
de l’accord de transit ; c’est là ce que le demandeur a soumis au Conseil dans la
requête et le mémoire ; c’est simplement et clairement cela que l’Etat du Qatar
demande au Conseil.»51
49. Or, comme le Qatar l’admet dans l’examen de l’arrêt de la CIJ relatif aux Essais
nucléaires, il est du «devoir de la Cour de circonscrire le véritable problème en cause et de préciser
l’objet de la demande»52 ou, selon les termes du Qatar, il appartient à la Cour de déterminer
objectivement «l’objet de la demande ou ... la réparation demandée à la Cour par [le requérant]»53.
46 Réponse du Qatar, par. 44.
47 Ibid., par. 77-78.
48 Requête B du Qatar, point g).
49 Voir ci-dessous, par. 107-109.
50 Exceptions préliminaires, par. 42 à 63.
51 Réponse du Qatar, par. 45 et 46.
52 Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 262, par. 29 ; Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 466, par. 29 et 30.
53 Réponse du Qatar, par. 45.
- 124 -
14
50. Le Qatar doit donc admettre que la question de la détermination du «véritable problème»
en cause est une question objective, qu’il appartient au Conseil de trancher54. Le Conseil ne saurait
se borner à prendre pour argent comptant la qualification du différend telle que le Qatar l’a
présentée. Il doit plutôt procéder à sa propre analyse pour déterminer l’objet et la portée réels de ce
différend ; comme la CIJ l’a récemment souligné, «[i]l s’agit là d’une question de fond, et non de
forme»55. Si la portée du différend que le Conseil aurait à trancher dépasse le champ de sa
compétence défini par la section 2 de l’article II de l’accord de transit, le Conseil doit refuser
d’exercer sa compétence56.
51. Enfin, le Qatar fait valoir que les moyens de défense invoqués ne font pas partie
intégrante du différend lorsqu’il s’agit de statuer sur la compétence, prétendant s’appuyer sur un
arrêt rendu par la CIJ dans l’affaire de l’Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI
(Inde c. Pakistan)57. Dans cette affaire, la Cour a relevé ce qui suit58 :
«On ne saurait considérer le Conseil comme privé de compétence du seul fait
que des données extérieures aux Traités [de l’OACI] pourraient être invoquées, dès
lors que, de toute façon, des questions relatives à l’interprétation ou à l’application de
ceux-ci entrent en jeu. Le fait qu’une défense au fond se présente d’une certaine
manière ne peut porter atteinte à la compétence du tribunal ou de tout autre organe en
cause ; sinon les parties seraient en mesure de déterminer elles-mêmes cette
compétence ... [L]a compétence du Conseil [de l’OACI] dépend nécessairement du
caractère du litige soumis au Conseil et des points soulevés, mais non pas des moyens
de défense au fond ou d’autres considérations qui ne deviendraient pertinentes qu’une
fois tranchés les problèmes juridictionnels.»
52. Rien n’autorise le Qatar à invoquer ce précédent. Celui-ci doit être replacé dans le
contexte des exceptions préliminaires de l’Inde tendant à contester la compétence du Conseil, dans
lesquelles l’Inde a fait valoir que la convention de Chicago et l’accord de transit avaient été éteints
ou suspendus entre les deux Etats et que les différends nés sur ce point ne concernaient pas
«l’interprétation ou l’application» des traités pertinents de l’OACI au sens de leurs dispositions
relatives à la compétence, de sorte que le différend en question échappait complètement à la
compétence du Conseil59. L’Inde a également fait valoir que le Conseil n’avait même pas
54 Voir Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 2015 (II) (ci-après «Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique»), p. 602, par. 26 («C’est
cependant à la Cour qu’il appartient de définir, sur une base objective, l’objet du différend qui oppose les parties, c’est-àdire
de «circonscrire le véritable problème en cause et de préciser l’objet de la demande»»). Voir aussi Violations
alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 26-27, par. 50 («La Cour rappelle que «[l]’existence d’un différend
international demande à être établie objectivement» par elle [et que] «[l]a Cour, pour se prononcer, doit s’attacher aux
faits»» (jurisprudence citée omise), et Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (I) (ci-après «Immunités et procédures pénales»), par 48 («Il appartient ... à la
Cour d’établir objectivement ce sur quoi porte le différend entre les Parties en circonscrivant le véritable problème en
cause et en précisant l’objet de la demande»).
55 Immunités et procédures pénales, par. 48.
56 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique, p. 610, par. 53.
57 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, p. 61,
par. 27 ; réponse du Qatar, par. 71.
58 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, p. 61,
par. 27 ; réponse du Qatar, par. 71.
59 Voir Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972,
p. 62, par. 29 ; voir aussi le mémoire de l’Inde, mémoires, plaidoiries et documents de la CIJ, 30 août 1971, p. 26,
par. 5.
- 125 -
15
compétence pour statuer sur sa propre compétence60 et la Cour a rejeté ce point61. Il importe
cependant de relever qu’à la différence de la thèse avancée par les défendeurs en l’espèce, l’Inde ne
soutenait pas que le véritable différend échappait à la compétence du Conseil.
53. De fait, il ressort de l’arrêt statuant sur l’Appel concernant la compétence du Conseil de
l’OACI que la Cour (et donc aussi le Conseil) était tenue de déterminer elle-même le «véritable
problème» en cause. Pour ce faire, la Cour a commencé par déterminer la nature du différend dont
elle était saisie, puis elle a recherché si le différend mettait en évidence l’existence d’un «désaccord
survenu à propos de l’interprétation ou de l’application» de la convention de Chicago. Elle a estimé
qu’il convenait de considérer que le différend portait sur la question de savoir si les traités en
question avaient ou non été suspendus ou éteints et a jugé qu’il s’agissait d’une question relevant
de la compétence du Conseil62. La partie contestante qui entendait lier le Conseil par sa définition
unilatérale du contenu du différend était l’Inde dans cette affaire. En l’espèce, il s’agit du Qatar.
54. L’exception soulevée par les défendeurs en l’espèce est très différente de celle de l’Inde.
Les défendeurs demandent au Conseil de reconnaître que s’il est dûment qualifié, le «véritable
problème» dans le différend opposant les parties concerne le respect par le Qatar d’obligations de
droit international totalement distinctes et différentes de celles prévues par l’accord de transit.
Aucune exception de cette nature n’a été examinée par le Conseil ou la Cour dans l’affaire Inde c.
Pakistan.
*
55. Pour terminer, le motif pour lequel le Conseil ne peut exercer sa compétence en l’espèce
n’a rien à voir avec les questions politiques, contrairement à ce que le Qatar voudrait faire croire au
Conseil. Il s’agit plutôt de déterminer comment l’objet du différend opposant les parties doit être
qualifié, une question qu’il appartient au Conseil (sous réserve du contrôle de la Cour) de trancher
objectivement sur la base de sa propre appréciation des thèses avancées par les parties. Comme les
défendeurs l’ont montré dans leurs exceptions préliminaires, le présent différend porte en réalité sur
le manquement du Qatar à des obligations fondamentales qui n’ont aucun rapport avec l’aviation
civile, et est donc nécessairement étranger au mandat du Conseil défini à la section 2 de l’article II
de l’accord de transit.
E. La première exception préliminaire est accréditée
par le principe de spécialité
56. Rien n’autorise non plus le Qatar à faire valoir que le principe de spécialité ne peut être
le fondement d’une exception préliminaire, les défendeurs n’ayant nullement affirmé que tel était le
60 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, p. 64,
par. 31 («Les Parties sont en désaccord sur les points de savoir si les Traités ont jamais été valablement suspendus ou
remplacés, si les Traités sont en vigueur entre elles et si les mesures prises par l’Inde à l’égard des survols par des
appareils pakistanais, au lieu de mettre en jeu les Traités, se justifiaient par d’autres motifs extérieurs»).
61 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, p. 53,
par. 15.
62 Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), arrêt, C.I.J. Recueil 1972, p. 64,
par. 32.
- 126 -
16
cas63. En outre, son argument selon lequel ce principe intéresse au mieux la recevabilité et ne peut
donc être examiné par le Conseil au stade préliminaire de la procédure est erroné en droit, pour les
motifs déjà exposés ci-dessus64.
57. Le Qatar fait valoir que la CIJ a rejeté la possibilité de s’appuyer sur le principe de
spécialité pour refuser d’exercer sa compétence. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas à titre d’exception
préliminaire autonome que les défendeurs demandent au Conseil de s’appuyer sur ce principe pour
statuer. En fait, le principe de spécialité fournit un motif supplémentaire pour lequel le Conseil doit
refuser de trancher un différend portant sur des questions différentes de celles prévues par les
traités de l’OACI, le Conseil n’étant pas compétent pour trancher les questions relatives au respect
d’autres obligations de droit international par les Etats. En d’autres termes, le caractère limité de la
compétence du Conseil s’explique par le principe de spécialité et les deux se renforcent
mutuellement.
58. Comme indiqué ci-dessus, le Qatar admet que pour statuer sur ses demandes au fond, le
Conseil devra déterminer «en droit et en fait» si les conditions d’imposition et de maintien des
contre-mesures ont été remplies. Pour ce faire, le Conseil devra réaliser une enquête factuelle
détaillée sur les activités menées par le Qatar à l’égard de certaines organisations terroristes et des
affaires intérieures de ses voisins et évaluer la licéité de ces activités à l’aune des obligations mises
à la charge du Qatar par, entre autres, les accords de Riyad, la convention internationale pour la
répression du financement du terrorisme, la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité et le
droit international coutumier. Une telle évaluation factuelle et juridique exige des connaissances
spécialisées considérables sur les plans technique et juridique. Le Conseil dispose de connaissances
spécialisées considérables sur les aspects techniques de l’aviation consacrés par la convention de
Chicago et l’accord de transit, mais il n’est pas bien qualifié ni équipé pour connaître des différends
concernant la violation de la souveraineté, la violation du principe de non-intervention, la
subversion et le terrorisme65.
F. La première exception préliminaire ne devrait pas être jointe au fond
59. Selon le Qatar, «[l]es moyens de défense tels que les contre-mesures doivent être
examinés lors de l’examen au fond et non pas au stade des exceptions préliminaires»66. Par cette
déclaration, il entend sans doute inviter le Conseil à joindre au fond l’exception soulevée par les
défendeurs.
60. Comme il a été expliqué plus haut, le paragraphe 4 de l’article 5 du Règlement interdit au
Conseil de joindre les exceptions d’incompétence au fond67. Les défendeurs ont également
démontré que leur première exception préliminaire, en particulier, concernait l’étendue de la
compétence conférée au Conseil par la section 2 de l’article II de l’accord de transit et constituait
dès lors une exception d’incompétence par excellence. Par conséquent, le Conseil ne doit examiner
la possibilité de joindre les exceptions soulevées par les défendeurs au fond que s’il considère
qu’elles n’intéressent valablement que la recevabilité. Dans ce cas, la jurisprudence de la CIJ est
utile pour déterminer si une question doit être jointe au fond.
63 Réponse du Qatar, par. 50.
64 Voir ci-dessus, section II ; réponse du Qatar, par. 51.
65 Exceptions préliminaires, par. 70.
66 Réponse du Qatar, par. 74-76.
67 Voir ci-dessus, section II.
- 127 -
17
61. Pour reprendre les termes de la Cour, «[e]n principe, une partie qui soulève des
exceptions préliminaires a droit à ce qu’il y soit répondu au stade préliminaire de la procédure»68.
Néanmoins, une exception peut à l’occasion être considérée comme n’ayant pas un caractère
exclusivement préliminaire. Dans ce cas, elle peut être jointe au fond si des motifs impérieux le
justifient.
62. Pour déterminer si une exception a un caractère exclusivement préliminaire, le Conseil
doit au premier chef rechercher s’il «dispose de tous les éléments requis pour statuer» sur cette
exception et s’il peut résoudre celle-ci «sans trancher le différend, ou certains de ses éléments, au
fond»69. Le simple fait qu’une décision statuant sur la recevabilité touche à certains points du fond
ne signifie pas en soi qu’elle doit être jointe au fond.
63. Le Qatar invoque également deux affaires dans lesquelles un tribunal ou une cour a
examiné des contre-mesures au stade de l’examen au fond, apparemment pour tenter de faire valoir
qu’il en découle d’une manière ou d’une autre que l’exception des défendeurs doit être jointe au
fond70. Or dans aucune de ces deux affaires l’Etat défendeur n’a soulevé d’exceptions préliminaires
et il était manifeste que la cour ou le tribunal étaient en fait compétents :
a) Dans la sentence arbitrale concernant l’accord relatif aux services aériens, la compétence du
tribunal était fondée sur un accord particulier conclu entre la France et les Etats-Unis, lesquels
avaient expressément saisi le tribunal de la question de la violation de l’accord franco-américain
relatif aux services aériens par la France et de celle de savoir si les Etats-Unis avaient le droit
d’imposer les contre-mesures qu’ils avaient adoptées en réaction71. En outre, l’invocation de
celles-ci par les Etats-Unis ne modifiait pas le «véritable problème» en cause, puisque les
contre-mesures en question se limitaient à la suspension de l’exécution des obligations
découlant de l’accord relatif aux services aériens. D’ailleurs, le tribunal a reconnu que les
contre-mesures faisaient partie des «circonstances essentielles» de l’affaire72.
b) De même, aucune exception préliminaire n’a été soulevée dans l’affaire relative au projet
Gabčíkovo-Nagymaros73. Cela n’est pas surprenant, car la compétence de la CIJ dans cette
affaire était également fondée sur un accord particulier conclu entre les parties, qui définissait
en termes généraux le différend que la Cour devait trancher74. Là encore, les prétendues
contre-mesures examinées par la Cour se limitaient à l’inexécution des obligations découlant du
68 Différend territorial et maritime, p. 852, par. 51. Voir ci-dessus, par. 12.
69 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique, p. 610, par. 53 («En la présente affaire, [la Cour]
considère cependant qu’elle dispose de tous les éléments requis pour statuer sur l’exception du Chili et qu’elle est en
mesure d’établir si les questions en litige sont des questions «réglées» ou «régies» par le traité de paix de 1904 sans
trancher le différend, ou certains de ses éléments, au fond (Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 852, par. 51). La Cour en conclut qu’elle n’est pas empêchée
de se prononcer sur l’exception du Chili au présent stade de la procédure.»).
70 Réponse du Qatar, par. 74.
71 Affaire concernant l’accord relatif aux services aériens du 27 mars 1946 entre les Etats-Unis d’Amérique et la
France, sentence arbitrale du 9 décembre 1978, Recueil des sentences arbitrales, vol. XVIII, p. 454 et 455 ; disponible à
l’adresse suivante : http://legal.un.org/riaa/cases/vol_XVIII/417-493.pdf. (Au paragraphe B) de leur compromis
d’arbitrage, les parties ont soumis au tribunal arbitral la question suivante : «Dans les circonstances de l’espèce, le
Gouvernement des Etats-Unis avait-il le droit d’entreprendre l’action qu’il a entreprise en application de la Section 213
des règlements économiques du Civil Aeronautics Board ?»)
72 Ibid., p. 482, par. 80 (une des «circonstances essentielles de l’affaire» concernait «le principe même de la
légitimité des «contre-mesures»).
73 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 7.
74 Ibid., p. 11, par. 2.
- 128 -
18
même accord international que la demande principale, de sorte qu’aucune question relative au
«véritable problème» en cause ne se posait.
64. Ces précédents ne jettent donc pas la lumière sur la question de savoir si l’exception
soulevée par les défendeurs au sujet du «véritable problème» en cause doit être jointe au fond. Le
Qatar allègue que du moment que cette exception a trait aux contre-mesures, elle n’est pas «une
question de compétence ou de recevabilité», car elle «concerne précisément le fond de la présente
affaire»75. Nous affirmons respectueusement qu’il a tort.
65. Les défendeurs ne demandent pas au Conseil de préjuger de la licéité de leurs
contre-mesures et il n’est pas non plus nécessaire que le Conseil examine cette question au fond
pour trancher leur exception à titre préliminaire. Néanmoins, les défendeurs ont donné un aperçu de
leur position sur la question pour mettre en évidence la seule qualification de bonne foi possible qui
peut être attribuée au différend opposant les parties.
G. Conclusion : Le Conseil n’a pas compétence pour
connaître des demandes du Qatar
66. La solution du Qatar serait que le Conseil tranche «toute question plus ample lors de
l’examen au fond»76. Il s’agit des questions que le Qatar a jusqu’à présent évité d’aborder en ce qui
concerne les financements et le soutien qu’il apporte au terrorisme et ses ingérences dans les
affaires intérieures des défendeurs77. Aucune de ces questions ne relève de la compétence du
Conseil au sens de la section 2 de l’article II de l’accord de transit.
67. Les défendeurs expliquent depuis le début que les mesures dont le Qatar tire grief font
partie d’un train de contre-mesures licites adoptées en réaction à ses manquements multiples,
graves et persistants à ses obligations internationales essentielles à la sécurité des défendeurs. C’est
là le «véritable problème» en cause et il ne constitue manifestement pas un «désaccord entre deux
ou plusieurs Etats contractants à propos de l’interprétation ou de l’application» de l’accord de
transit. Le Conseil n’a pas compétence pour statuer sur des questions qui sont étrangères à son
mandat défini par la section 2 de l’article II de l’accord de transit et débordent manifestement les
limites de ce mandat.
VI. DEUXIÈME EXCEPTION PRÉLIMINAIRE : LE QATAR N’A PAS SATISFAIT À LA CONDITION
PRÉALABLE DE NÉGOCIATION DÉFINIE PAR LA SECTION 2 DE L’ARTICLE II
DE L’ACCORD DE TRANSIT NI À L’OBLIGATION PROCÉDURALE
CORRESPONDANTE PRÉVUE PAR L’ALINÉA G)
DE L’ARTICLE 2 DU RÈGLEMENT
A. Introduction
68. La deuxième exception préliminaire des défendeurs concernant l’absence de négociations
préalables est fondée sur la section 2 de l’article II de l’accord de transit et le manquement du Qatar
à l’obligation énoncée à l’alinéa g) de l’article 2 du Règlement.
75 Réponse du Qatar, par. 33. Voir aussi la réponse du Qatar, par. 76.
76 Ibid., par. 77.
77 Ibid., par. 77-78.
- 129 -
19
69. Néanmoins, en analysant cette exception, le Qatar procède comme si les exceptions des
défendeurs n’avaient été soulevées que sur le fondement de l’alinéa g) de l’article 2 du Règlement.
Dans sa réponse, il ne traite pas directement du fait que l’obligation de négociation découle en
réalité de la section 2 de l’article II de l’accord de transit. Au lieu de cela, il accorde dès le début de
son analyse une grande attention à des questions qui concernent uniquement le fait que les
défendeurs se soient appuyés sur l’alinéa g) de l’article 2 du Règlement (qui a été invoqué en sus de
la section 2 de l’article II de l’accord de transit et subsidiairement à celle-ci), ainsi qu’à des
questions relatives aux écritures ou à la procédure. En particulier, il fait valoir, entre autres, que :
a) L’obligation de faire une déclaration attestant que des négociations ont eu lieu qui est prévue
par l’alinéa g) de l’article 2 du Règlement n’est qu’une obligation de forme et le Qatar est
«libre» de modifier son argumentation ou ses conclusions à tout moment avant que le Conseil
ne statue sur l’affaire78.
b) Le Qatar a en fait tenté de négocier avant de porter l’affaire devant le Conseil et il est en droit
de soumettre ces faits nouveaux au Conseil à ce stade de la procédure79.
70. En outre, le Qatar ne conteste pas la thèse des défendeurs selon laquelle il n’a pas indiqué
dans sa requête ni dans son mémoire qu’il avait tenté d’engager des négociations avant de
soumettre l’affaire au Conseil et n’a pas non plus produit d’éléments de preuve établissant qu’il
l’avait fait80.
71. Comme il a été expliqué dans les exceptions préliminaires, la section 2 de l’article II de
l’accord de transit est le seul fondement possible de la compétence du Conseil à l’égard des
désaccords que le Qatar lui a soumis dans sa requête B ; cette section exige expressément que tout
désaccord soumis au Conseil soit celui qui «ne peut être réglé par voie de négociation» (les
italiques sont de nous).
72. L’approche retenue par le Qatar dans sa réponse ne peut masquer le fait qu’il ne dispose
pas de véritables éléments permettant de réfuter la thèse des défendeurs sur le sens et l’effet de la
section 2 de l’article II de l’accord de transit. En particulier, le Qatar n’évoque pas ni ne tente en
aucune façon de contester la position adoptée par les défendeurs dans leurs exceptions
préliminaires, selon laquelle :
a) la section 2 de l’article II de l’accord de transit contient une condition préalable à remplir qui
consiste à tenter de mener des négociations ; elle constitue une limite au consentement des Etats
contractants et le Conseil ne peut avoir compétence pour statuer sur un désaccord qui lui est
soumis que si elle est remplie81 ;
b) selon le sens ordinaire des termes de la section 2 de l’article II de l’accord de transit et la
jurisprudence de la CIJ relative aux clauses formulées en des termes similaires, la condition
78 Ibid., par. 87.
79 Ibid., par. 88.
80 Exceptions préliminaires, par. 101-112.
81 Ibid., par. 75-80.
- 130 -
20
préalable de négociation «implique, à tout le moins, que l’une des parties tente vraiment
d’ouvrir le débat avec l’autre partie en vue de régler le différend»82.
73. Or l’argument principal du Qatar semble être que la date à laquelle la condition de tenter
de négocier doit être remplie «n’est pas définie en droit comme l’affirment les défendeurs»83. Bien
que la thèse du Qatar ne soit pas clairement énoncée, il découle de toute apparence des paragraphes
qui suivent et des décisions invoquées par le Qatar84 qu’il n’est pas nécessaire de tenter de négocier
avant la saisine du Conseil et qu’il suffit de procéder à la tentative de négociation après le dépôt
d’une requête devant le Conseil.
74. La nouvelle position du Qatar adoptée dans sa réponse est non seulement dénuée de
fondement comme on le verra plus loin, mais aussi manifestement incompatible avec la thèse qu’il
avait avancée dans sa requête. Dans celle-ci, le Qatar avait reconnu n’avoir pas tenté de négocier et
avait plutôt fait valoir qu’il était dispensé de l’obligation de le faire, au motif que toute tentative de
négociation aurait été vaine85. Il prétend maintenant avoir effectivement tenté de négocier (bien
qu’il soit manifeste qu’aucune des multiples déclarations à la presse et aucun des autres documents
invoqués ne constitue une telle tentative et qu’il ne puisse produire aucune preuve de l’existence
effective de la tentative en question). Sa thèse changeante, contradictoire et non fondée manque de
crédibilité.
75. Le Qatar évoque également, en termes généraux, d’autres questions relatives au contenu
de l’obligation de négociation. Cependant, aucune de ces questions ne lui est utile :
a) Les observations du Qatar concernant la durée des négociations86 reposent sur une dénaturation
de l’argumentation des défendeurs et tendent à attaquer une thèse qu’ils n’ont pas émise.
Contrairement à ce que le Qatar tente de faire croire, les défendeurs n’ont pas soutenu qu’il
existait une durée minimale pour les négociations. Les arguments invoqués par le Qatar à cet
égard constituent une attaque dirigée contre un épouvantail rhétorique et ne sont absolument pas
pertinents.
b) Les observations du Qatar sur le contenu des discussions nécessaire pour que celles-ci soient
qualifiées de négociations87 ne sont pas plus pertinents. Il en ressort que le Qatar «n’avait pas à
faire référence à l’accord de transit dans ses négociations ou tentatives de négociation avec les
82 Ibid., par. 91-95. Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I)
(ci-après «Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale»),
p. 132, par. 157 ; voir aussi Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader, p. 446, par. 57 ;
Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), mesures
conservatoires, ordonnance du 19 avril 2017, C.I.J. Recueil 2017, (ci-après «Application de la convention internationale
pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination raciale»), p. 104, par. 43. Voir en outre affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2,
1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 13 (citée dans la réponse du Qatar, par. 95) où, pour examiner la question du moment où
la condition préalable de négociation pourrait être considérée comme remplie, la Cour permanente est partie du principe
qu’à tout le moins, il faut «qu’une conversation ait été entamée».
83 Réponse du Qatar, par. 100.
84 Ibid., par. 101-102.
85 Requête B du Qatar, point g).
86 Réponse du Qatar, par. 103-109.
87 Ibid., par. 110-111.
- 131 -
21
défendeurs»88, mais le Qatar est obligé, à la lumière des décisions pertinentes de la CIJ, de
souscrire à la thèse des défendeurs selon laquelle pour satisfaire à la condition préalable de
négociation, toute tentative de négociation doit porter sur l’objet du différend et concerner les
obligations de fond énoncées dans le traité en question89. Comme on le verra plus loin,
contrairement à ce que le Qatar affirme, aucune des déclarations sur lesquelles il s’appuie ne
montre que tel a été le cas.
B. Aux termes de la section 2 de l’article II de l’accord de transit, la condition
de mener au préalable des négociations doit être remplie avant
le dépôt de toute requête devant le Conseil
76. Aux termes exprès de la section 2 de l’article II de l’accord de transit, il n’est permis de
soumettre au Conseil un désaccord né entre deux ou plusieurs Etats contractants à propos de
l’interprétation ou de l’application dudit accord que s’il «ne peut être réglé par voie de
négociation». La section 2 de l’article II de l’accord de transit fait ensuite référence à l’article 84 de
la convention de Chicago. Il est important de noter que, dans l’article 84, l’obligation de
négociation préalable est évoquée avant les termes «à la requête de tout Etat impliqué dans ce
désaccord».
77. Il s’ensuit que selon leur sens ordinaire, la section 2 de l’article II de l’accord de transit et
l’article 84 de la convention de Chicago prévoient clairement une suite précise de mesures à
prendre. Premièrement, il faut tenter de régler le désaccord par voie de négociation.
Deuxièmement, lorsque les négociations ne peuvent aboutir au règlement du différend, un
quelconque des Etats concernés peut alors soumettre par voie de requête le désaccord au Conseil
pour qu’il le tranche. Ces étapes sont consécutives et le Conseil n’a compétence pour examiner un
désaccord et le trancher que si elles ont été respectées.
78. Le texte de la section 2 de l’article II de l’accord de transit n’accrédite pas la thèse
implicite du Qatar90 selon laquelle il suffit que les négociations soient tentées après le dépôt de la
requête et il est à noter que le Qatar ne présente aucun autre élément à l’appui de cette thèse. En
fait, l’approche suggérée par le Qatar est directement contraire aux dispositions de la section 2 de
l’article II, qui veut qu’une tentative de négociation précède le dépôt de la requête devant le
Conseil.
79. Dans ce contexte, en émettant l’idée «que les négociations sont futiles, que les parties se
trouvent dans une impasse et que le désaccord ne peut être réglé par voie de négociation»91, le
Qatar tente de méconnaître la décision rendue par la CIJ en l’affaire relative à l’Application de la
convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et
confirmée dans des décisions ultérieures, selon laquelle l’obligation de négociation prévue dans des
dispositions telles que la section 2 de l’article II de l’accord de transit et dans l’article 84 de la
convention de Chicago «implique, à tout le moins, que l’une des parties tente vraiment d’ouvrir le
88 Ibid., par. 111.
89 Voir les exceptions préliminaires, par. 96-97. Voir aussi, par exemple, Application de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, p. 133, par. 161.
90 Réponse du Qatar, par. 100.
91 Réponse du Qatar, par. 210.
- 132 -
22
débat avec l’autre partie en vue de régler le différend»92. Compte tenu de ce qui précède, il est
inadmissible que le Qatar ne fasse aucune tentative de négociation et se contente ensuite d’affirmer
que toute négociation aurait été vaine si elle avait été tentée : une tentative aurait dû à tout le moins
être faite.
80. Le fait que le Qatar invoque à cet égard les décisions rendues dans l’affaire du Sud-Ouest
africain et l’affaire Mavrommatis93 ne lui est d’aucune utilité, car ces deux décisions concernaient
des affaires dans lesquelles la Cour avait jugé que des négociations avaient eu lieu entre les
parties94 et les observations faites dans les passages invoqués par le Qatar doivent être interprétées
à la lumière de ce contexte. Par exemple, dans l’affaire du Sud-Ouest africain, la Cour a fait
observer dans le passage précédant immédiatement celui cité par le Qatar ce qui suit :
«[D]ans les présentes affaires, il est évident qu’on a abouti à une impasse sur les
questions en litige, que cela n’a pas changé et que les thèses respectives ne se sont
aucunement modifiées depuis les discussions et négociations aux Nations Unies»95.
81. En outre, dans la mesure où les passages de l’arrêt Mavrommatis invoqués par le Qatar
peuvent être interprétés comme constituant des déclarations de principe applicables de façon
générale indépendamment des faits particuliers de l’affaire, ils cadrent pleinement avec la thèse des
défendeurs ; en particulier, dans le passage cité par le Qatar, la Cour permanente fait observer que
«ce peut être assez qu’une conversation ait été entamée ; cette conversation a pu être très courte :
tel est le cas si elle a rencontré un point mort, si elle s’est heurtée finalement à un non possumus ou
à un non volumus péremptoire de l’une des Parties»96. La Cour permanente partait dès lors
clairement du principe que des efforts doivent à tout le moins être faits pour tenter d’engager des
négociations avant d’aboutir à une impasse ; elle ne disait pas qu’en l’absence de toute tentative de
négociation, il était permis de conclure que les négociations auraient forcément été vaines97.
82. Comme indiqué plus haut, le Qatar soutient que la date à laquelle la condition de tenter
au préalable de négocier doit être remplie «n’est pas définie en droit comme l’affirment les
défendeurs»98. A l’appui de cet argument, il invoque la décision rendue par la CIJ en l’affaire
relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Croatie c. Serbie) et l’opinion dissidente formulée par cinq juges de la CIJ en l’affaire relative à
92 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, p.
132, par. 157 ; voir aussi Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader, p. 446, par. 57 ; Application
de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, par. 43.
93 Réponse du Qatar, par. 210 ; cf. ibid., par. 96-98.
94 Affaire du Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), Exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 345-346 (où la Cour a fait observer que des négociations collectives avaient
eu lieu dans le cadre des Nations Unies) ; affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I.
série A no 2, p. 14.
95 Affaire du Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 346 (les italiques sont de nous).
96 Affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 13 (les italiques
sont de nous) ; passage cité dans la réponse du Qatar, par. 96.
97 Voir aussi, par exemple, affaire du Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud; Libéria c. Afrique du Sud),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 345 (passage cité dans la réponse du Qatar, par. 97, où la Cour a
défini le critère permettant de conclure à l’existence d’une impasse comme étant le fait «qu’il n’est pas raisonnablement
permis d’espérer que de nouvelles négociations puissent aboutir à un règlement» ; les italiques sont de nous).
98 Réponse du Qatar, par. 100.
- 133 -
23
l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale99.
83. Or, comme les défendeurs l’ont expliqué dans leurs exceptions préliminaires, il est bien
établi en droit international que l’existence de questions ayant une incidence sur la compétence
doit, en principe, être constatée à la date où l’action est intentée100. A cet égard, il convient de
relever qu’en l’affaire relative à l’Application de la convention internationale sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination raciale, la Cour a conclu que les conditions définies dans la
clause juridictionnelle de l’article 22 de cette convention (y compris la condition préalable de
négociation) constituaient des «conditions préalables auxquelles il doit être satisfait avant toute
saisine de la Cour»101 et que cet article imposait «des conditions préalables à sa saisine»102.
84. De même, en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), la Cour a réaffirmé ce qu’elle considérait
comme
««la règle générale ... C’est la suivante : «la compétence de la Cour doit normalement
s’apprécier à la date du dépôt de l’acte introductif d’instance» ... c’est normalement à
la date du dépôt de l’acte introductif d’instance que l’on doit se placer pour vérifier si
lesdites conditions sont réalisées.»103.
85. La décision accueillant l’exception préliminaire de la Russie fondée sur le non-respect
d’une obligation de négociation préalable en l’affaire relative à l’Application de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale est la plus récente
décision de la CIJ qui traite de la question et constitue sa déclaration la plus autorisée de ces
derniers temps à cet égard.
86. Il convient de faire observer que le Qatar, tout en invoquant l’opinion dissidente
formulée en l’affaire relative à l’Application de la convention internationale sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination raciale et en la citant très longuement, omet de mentionner la
décision de la Cour elle-même. Il n’est pas surprenant que le Qatar tente de méconnaître l’opinion
de la Cour, puisqu’elle est directement contraire à sa thèse. En particulier, la Cour :
a) a examiné les affaires antérieures relatives aux clauses compromissoires contenant des
obligations de négociation préalable comparables ;
b) a relevé que dans chacune de ces affaires, elle avait interprété les négociations visées comme
une condition préalable à sa saisine ;
99 Ibid., par. 101 et 102.
100 Exceptions préliminaires, par. 27.
101 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
p. 128, par. 141 (les italiques sont de nous).
102 Ibid., p. 130, par. 148 (les italiques sont de nous).
103 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 437, par. 79.
- 134 -
24
c) a déclaré sans équivoque que la condition préalable de négociation devait être remplie avant sa
saisine104.
87. Comme indiqué dans les exceptions préliminaires des défendeurs, le libellé de la
section 2 de l’article II de l’accord de transit est semblable à celui de l’article 22 de la convention
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale105. Les deux dispositions étant
formulées en des termes très similaires, il n’y a pas de motif (et le Qatar n’en a proposé aucun) de
conclure que la section 2 de l’article II de l’accord de transit établit une règle dont l’effet diffère de
celui de l’article 22 de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
en ce qui concerne la date à laquelle la condition préalable de négociation doit être remplie.
88. De plus, les motifs de politique générale que la Cour a recensés en l’affaire relative à
l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale et considérés comme des fondements de la condition préalable de
négociation106 sont également pertinents dans le cadre de la section 2 de l’article II de l’accord de
transit en l’espèce. Premièrement, en exigeant que le requérant fasse une tentative de négociation
avant de soumettre sa requête au Conseil, la section 2 de l’article II de l’accord de transit garantit
au défendeur la possibilité d’être informé du différend et de son étendue. Deuxièmement,
l’existence de cette condition préalable oblige les parties à rechercher des solutions mutuellement
acceptables pour résoudre le différend, évitant ainsi qu’il soit tranché par le Conseil. Enfin,
l’obligation de négociation préalable constitue une limite expresse à la compétence du Conseil
définie d’un commun accord par les parties à l’accord de transit ; c’est une limite à laquelle le
Conseil est tenu de donner effet.
89. Indépendamment du fait que l’opinion dissidente formulée en l’affaire relative à
l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale est manifestement incompatible avec la décision de la Cour à cet égard, le
Qatar surestime largement les points de vue des juges dissidents et leur pertinence dans la présente
affaire.
9. Premièrement, les juges dissidents ont expressément reconnu que :
«la Cour a constamment interprété les clauses compromissoires permettant de
soumettre à la Cour les différends qui «ne peuvent pas être réglés»  ou qui «ne sont
pas susceptibles d’être réglés»  par la négociation en ce sens que la Cour ne pouvait
exercer sa compétence que si une négociation a été recherchée et qu’elle a abouti à
une impasse, c’est-à-dire qu’il n’est pas  ou qu’il n’est plus  raisonnablement
possible d’espérer un règlement du différend par la voie diplomatique. Cette
jurisprudence remonte à l’arrêt rendu en l’affaire des Concessions Mavrommatis en
Palestine.»107
104 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
p. 128, par. 141.
105 Voir les exceptions préliminaires, par. 86 à 88.
106 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
p. 124-125, par. 131 ; voir les exceptions préliminaires, par. 83.
107 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
p. 8 3 , par. 28.
- 135 -
25
91. Deuxièmement, ils ont clairement indiqué que la question de savoir si le différend ne
pouvait être réglé par voie de négociation dépendait des faits de l’espèce. Dans l’affaire considérée,
la Cour a souligné qu’«à la date de l’introduction de l’instance, toute possibilité raisonnable de
règlement du différend par la négociation avait été épuisée, de telle sorte que les conditions de
l’exercice par la Cour de sa compétence étaient, en tout état de cause, remplies»108. En l’espèce, par
contre, le Qatar n’a pas démontré sans équivoque que toute possibilité de règlement du différend
par la négociation avait été épuisée à la date de l’introduction de l’instance.
92. Troisièmement, le Qatar tire à tort parti de la déclaration des juges dissidents selon
laquelle la décision considérée «est la première dans laquelle la Cour conclut à son incompétence
sur la seule base du défaut de réalisation d’une condition de négociation préalable»109. Il fait valoir
ensuite que l’affaire relative à l’Application de la convention internationale sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination raciale est «la seule affaire où la Cour ne s’est pas déclarée
compétente en raison de la condition de négociation»110 et que «dans chacun des cas, à l’exception
d’un seul … où la question a été soulevée devant la CIJ, celle-ci a jugé que la condition de
négociation avait été remplie»111.
93. En fait, le Qatar comprend mal les propos des juges dissidents et a donc tort d’affirmer
qu’avant l’affaire relative à l’Application de la convention internationale sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination raciale, la Cour n’avait jamais décliné sa compétence pour
cause d’inexécution d’une obligation expresse de négociation préalable.
94. Par exemple, dans l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle
requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), la République démocratique du
Congo s’était appuyée sur des bases de compétence multiples et disparates prévues par divers
traités pour tenter d’établir que la Cour avait compétence à l’égard de ses demandes. Une de ces
bases de compétence était la clause compromissoire énoncée à l’article 29 de la convention sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui exige que tout
différend «qui n’est pas réglé par voie de négociation» soit soumis à l’arbitrage et confère
compétence à la CIJ pour en connaître si l’arbitrage ne peut être organisé dans les six mois suivant
la date de la demande d’arbitrage.
95. La Cour a rejeté la tentative faite par la République démocratique du Congo pour fonder
sa compétence sur l’article 29 de la convention sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes, au double motif que «[l]es éléments de preuve présentés à la
Cour n’ont pas permis d’établir à sa satisfaction que la RDC ait en fait cherché à entamer des
négociations relatives à l’interprétation ou l’application de la convention»112 et que la République
démocratique du Congo n’avait fait aucune tentative pour engager une procédure d’arbitrage113.
96. Dans la même affaire, la République démocratique du Congo avait également tenté de
fonder la compétence de la Cour sur la clause compromissoire énoncée à l’article 75 de la
108 Ibid., p. 83, par. 28.
109 Ibid., p. 100, par. 63, cité dans la réponse du Qatar, par. 101.
110 Réponse du Qatar, par. 108.
111 Ibid., par. 211.
112 Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo
c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 40-41, par. 91.
113 Ibid., p. 40-41, par. 92.
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26
Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé, qui donne compétence à la CIJ sur «[t]oute
question ou différend concernant l’interprétation ou l’application de cette constitution, qui n’aura
pas été réglé par voie de négociation ou par l’Assemblée de la Santé». Là encore, la Cour a conclu
qu’elle n’avait pas compétence, notamment au motif que la République démocratique du Congo
«n’a en tout état de cause pas apporté la preuve que les autres conditions préalables à
la saisine de la Cour, fixées par cette disposition, aient été remplies, à savoir qu’elle ait
tenté de régler ladite question ou ledit différend par voie de négociation avec le
Rwanda»114.
97. Il s’ensuit que la tentative faite par le Qatar pour s’appuyer sur l’opinion dissidente
formulée en l’affaire relative à l’Application de la convention internationale sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination raciale et méconnaître la décision de la Cour sur ce point est
manifestement entachée d’erreur.
98. L’autre fondement avancé par le Qatar pour affirmer que la date à laquelle les conditions
de compétence de la Cour doivent être remplies n’est pas «définie en droit» est la décision rendue
par la Cour en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Croatie c. Serbie) ; dans cette affaire, la Cour n’a pas considéré que le fait
qu’une condition préalable à sa compétence n’ait été remplie qu’après le dépôt de la requête
introductive d’instance la privait de sa compétence sur la prétention avancée. Toutefois, cette
décision n’accrédite pas la thèse du Qatar.
99. Premièrement, la condition qui n’avait pas été remplie à la date du dépôt de la requête
dans l’affaire Croatie c. Serbie concernait la compétence ratione personae conférée à la Cour par
son Statut ; la décision rendue dans cette affaire n’est dès lors pas pertinente, la présente affaire
concernant le non-respect d’une condition préalable expresse définie dans la clause
compromissoire qui constitue le fondement de la compétence du Conseil.
100. Deuxièmement, et à l’inverse, dans la décision rendue par la suite en l’affaire relative à
l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale, la Cour, au-delà de l’opinion dissidente de cinq juges sur laquelle le Qatar
s’appuie fortement, a conclu à son incompétence et a refusé d’appliquer cette approche à une
obligation expresse de négociation préalable prévue dans une clause compromissoire. La décision
rendue par la Cour à cet égard est directement pertinente en l’occurrence et autorise clairement à
affirmer que toute condition de compétence expresse consistant à mener au préalable des
négociations qui est définie dans une clause compromissoire doit être remplie avant la soumission
du différend dans le cadre du mécanisme de règlement des différends pertinent.
101. Il existe de solides motifs de politique générale sous-tendant la décision rendue par la
Cour en l’affaire relative à l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes
les formes de discrimination raciale pour lesquels le Conseil doit donner effet à l’obligation de
négociation prévue par la section 2 de l’article II de l’accord de transit. Comme la CIJ l’a déclaré
au sujet de l’obligation équivalente énoncée à l’article 22 de ladite convention, ces conditions
constituent des limites expresses au consentement des Etats contractants et doivent donc être
remplies avant le dépôt de toute requête115. En conséquence, le Conseil n’a pas le pouvoir de les
114 Ibid., p. 43, par. 100.
115 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
p. 128, par. 141.
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27
outrepasser ou de les contourner ; si la condition préalable n’est pas remplie, la seule conclusion
possible à en tirer est que le Conseil n’a pas compétence pour statuer.
102. En outre, si le Conseil acceptait d’exercer sa compétence dans les cas où le requérant
s’efforce par la suite d’obtenir des négociations et dépose à nouveau sa requête, cela aurait pour
effet de vider de sa substance l’obligation de négociation préalable énoncée à la section 2 de
l’article II, car rien n’inciterait les requérants à tenter d’engager des négociations avant de porter
leurs différends devant le Conseil, leur inaction étant sans conséquences. En cas d’adoption de cette
approche, aucun requérant ne se donnerait jamais la peine de tenter de négocier et les objectifs pour
lesquels l’obligation de négociation préalable a été créée seraient fondamentalement compromis.
103. Troisièmement, quoi qu’il en soit, le Qatar cite également de manière sélective la
décision rendue par la Cour en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), notamment en omettant de présenter les
déclarations de la Cour qui contredisent directement la position qu’il a adoptée en l’espèce. En
particulier, immédiatement avant le premier passage cité par le Qatar au paragraphe 101 de sa
réponse, la Cour a confirmé qu’en principe, les conditions de compétence doivent être remplies à la
date du dépôt de la requête ; la CIJ a fait observer ce qui suit :
«[I]l importe de souligner qu’un Etat qui décide de saisir la Cour doit vérifier
avec attention que toutes les conditions nécessaires à la compétence de celle-ci sont
remplies à la date à laquelle l’instance est introduite. S’il ne le fait pas, et que lesdites
conditions viennent ou non à être remplies par la suite, la Cour doit en principe se
prononcer sur sa compétence au regard des conditions qui existaient à la date de
l’introduction de l’instance.»116
104. En l’espèce, le Qatar, de son propre aveu, n’a pas vérifié «avec attention que toutes les
conditions nécessaires à la compétence» du Conseil étaient remplies à la date où il a introduit
l’instance117. En conséquence, il n’a pas respecté une condition expresse préalable à la compétence
du Conseil et l’exception préliminaire d’incompétence soulevée par les défendeurs doit être
accueillie.
C. Le Qatar n’a pas établi qu’il avait tenté de négocier
105. Quoi qu’il en soit, le Qatar n’a pas démontré qu’il avait effectivement tenté d’engager
des négociations comme l’exige la section 2 de l’article II de l’accord de transit.
106. Comme indiqué plus haut, la position du Qatar sur la question de savoir s’il a tenté de
négocier avant de former sa requête a changé et est incohérente. Alors qu’il a reconnu dans sa
requête et son mémoire qu’il n’avait pas tenté de négocier (et a tenté de justifier son manquement
aux obligations expresses énoncées à la section 2 de l’article II par le fait que toute tentative aurait
été vaine), il change, comme par hasard, de position dans sa réponse et y affirme qu’il a
effectivement tenté de négocier. Sa position changeante et incohérente manque de crédibilité. Quoi
qu’il en soit, les faits qu’il avance n’accréditent pas sa nouvelle position, car aucun des cas allégués
de «négociation» mentionnés dans sa réponse ne satisfait aux exigences de la section 2 de
l’article II de l’accord de transit.
116 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 438, par. 80.
117 Ibid., p. 438, par. 80.
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28
107. En outre, dans sa réponse, le Qatar conteste vivement le point de vue des défendeurs
selon lequel le «véritable problème» en l’espèce concerne des questions plus larges qui échappent à
la compétence du Conseil. Il fait valoir plutôt que la «question centrale» en l’espèce «est le
désaccord à propos de l’interprétation ou de l’application de l’accord de transit»118.
108. Si le présent différend doit être interprété comme concernant uniquement des violations
de l’accord de transit, comme l’allègue le Qatar, la tentative de négociation requise doit alors porter
spécialement sur ces violations. Or aucune des déclarations que le Qatar a versées au dossier à
l’effet de prouver qu’il y avait eu des négociations ou des tentatives de négociation ne fait état de
l’accord de transit, ces pièces étant entièrement des déclarations à caractère général concernant sa
volonté alléguée de s’«asseoir et parler»119 ou l’«importance du dialogue»120.
109. Le Qatar ne peut jouer sur les deux tableaux. Il ne peut prétendre que le différend ne
porte pas sur des questions plus larges dans ses réponses à l’argument tiré par les défendeurs de
leurs contre-mesures tout en faisant valoir que l’évocation en termes vagues de l’existence d’un
dialogue politique élargi ou d’une médiation satisfait à l’obligation de négociation préalable. Si le
Qatar soutient que le différend ne porte pas sur les questions plus larges opposant les parties, il doit
nécessairement concéder qu’il n’a pas respecté l’obligation de négociation préalable prévue par [la
section 2 de l’article II]. A l’inverse, s’il affirme que l’évocation de l’existence d’un dialogue
politique élargi satisfait à cette obligation, il doit nécessairement reconnaître que le différend porte
sur des questions plus larges qui échappent à la compétence du Conseil.
110. Quoi qu’il en soit, comme on le verra, le Qatar n’a pas tenté de négocier avec les
défendeurs, quelle que soit l’interprétation qu’il faut donner à l’objet du différend.
111. Il convient de traiter d’abord des faits des affaires portées devant l’OACI et
l’Organisation mondiale du commerce («OMC») sur lesquels le Qatar s’appuie à titre d’éléments
constitutifs de la tentative de négociation requise avant de s’intéresser aux divers autres éléments
qu’il invoque à cet égard.
1. Il n’y a pas eu de négociations ni de tentatives de négociation dans le cadre de l’OACI
112. Le Qatar allègue que «des négociations ont eu lieu entre les parties dans le cadre de
l’OACI»121. Il s’agit d’une dénaturation flagrante des faits qui se sont déroulés devant l’OACI,
notamment dans le cadre de la procédure prévue à l’alinéa n) de l’article 54 de la convention de
Chicago. Non seulement aucune négociation ne s’est tenue dans cette procédure, mais le Qatar n’a
tenté d’engager aucune négociation devant l’OACI.
113. A l’appui de son allégation, le Qatar invoque i) six lettres adressées par les autorités
qatariennes au président du Conseil ou à la secrétaire générale de l’OACI et ii) le compte rendu de
118 Réponse du Qatar, par. 43-44 ; voir aussi ci-dessus, par. 48.
119 Ibid., par. 128
120 Ibid., par. 162.
121 Ibid., par. 122.
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29
la session extraordinaire du Conseil tenue le 31 juillet 2017122. Aucun de ces documents ne
constitue la preuve de l’existence de négociations préalables.
114. En ce qui concerne les six lettres invoquées par le Qatar123, elles ont été adressées soit
au président du Conseil, soit à la secrétaire générale de l’OACI. On n’y trouve aucune invitation à
négocier adressée aux défendeurs et le Qatar n’essaie pas non plus d’expliquer en quoi des lettres
n’étant pas destinées aux défendeurs pourraient constituer une telle invitation. En conséquence, ces
lettres ne peuvent être considérées comme une «véritable tentative de négociation».
115. En ce qui concerne les débats qui ont eu lieu à la session extraordinaire du Conseil du
31 juillet 2017 tenue à la demande du Qatar en vertu de l’alinéa n) de l’article 54 de la convention
de Chicago, le Qatar n’a indiqué à aucun moment qu’il menait des négociations au sens de
l’article 84 de ladite convention ou de la section 2 de l’article II de l’accord de transit et des
négociations de cette nature n’ont eu lieu à aucun moment. En outre, les demandes du Qatar étaient
adressées au Conseil et non aux défendeurs. Cela ressort clairement de la mesure sollicitée dans le
document de travail du Qatar (C-WP/14[6]41) qui se lisait comme suit :
«Suite à donner par le Conseil
3.1 Le Conseil est invité :
a) à prier instamment les Etats imposant le blocus de lever toutes les restrictions dans
l’espace au-dessus de la haute mer afin de faciliter le flux de trafic aérien à
destination et en provenance du Qatar dans leur FIR respective. Ou sinon ;
b) à offrir des routes ou des segments de route d’exception autorisant le passage dans
l’espace aérien au-dessus de la haute mer ;
c) à prier instamment les Etats imposant le blocus, qui sont parties à l’accord relatif
au transit des services aériens internationaux de 1944 (ATSAI), de respecter de
bonne foi leurs obligations concernant les libertés de survol énoncées dans ce traité
multilatéral afin de permettre aux aéronefs immatriculés au Qatar de reprendre les
vols normaux dans l’espace aérien des Emirats arabes unis, de la République arabe
d’Egypte et du Royaume de Bahreïn.»
116. Aucune de ces mesures proposées par le Qatar ne constitue une tentative de négociation
avec les défendeurs. Au contraire, la demande vise à obtenir l’imposition d’un résultat correctif par
l’intermédiaire du Conseil.
117. Le Qatar dénature également le cours des événements dans la mesure où il tente de
s’appuyer sur le fait que les défendeurs ont participé à la session extraordinaire du Conseil et
répondu à ses allégations124. Comme il a été expliqué dans les exceptions préliminaires des
défendeurs, la CIJ distingue les négociations de l’affirmation par les Etats de leurs positions ou
opinions respectives :
«En déterminant ce qui constitue des négociations, la Cour observe que celles-ci
se distinguent de simples protestations ou contestations. Les négociations ne se
122 Voir ibid., par. 114-121.
123 Ibid., par. 114.
124 Ibid., par. 113-120.
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30
ramènent pas à une simple opposition entre les opinions ou intérêts juridiques des
deux parties, ou à l’existence d’une série d’accusations et de réfutations, ni même à un
échange de griefs et de contre-griefs diamétralement opposés. En cela, la notion de
«négociations» se distingue de celle de «différend» et implique, à tout le moins, que
l’une des parties tente vraiment d’ouvrir le débat avec l’autre partie en vue de régler le
différend.»125.
118. Ainsi, le fait que les défendeurs puissent avoir répondu aux allégations du Qatar et
contesté celles-ci dans le cadre de la procédure prévue à l’alinéa n) de l’article 54 de la convention
n’établit ni qu’il y a eu des négociations ni que le Qatar a tenté de négocier.
119. Il convient de relever que le Qatar a abandonné et n’invoque plus les prétendues
«conférences téléphoniques avec des fonctionnaires des défendeurs» qui auraient eu lieu les 5 et
6 juin 2017 et ont été invoquées dans son mémoire126. Néanmoins, il tente à présent de faire croire
que les réunions tenues sous la coordination du Bureau régional de l’OACI pour le Moyen-Orient
en vue d’examiner les routes aériennes d’exception ont satisfait en quelque sorte à l’obligation de
négociation préalable prévue par la section 2 de l’article II. Il s’agissait cependant de débats d’ordre
technique qui n’ont pas abordé le désaccord opposant les parties à propos de l’interprétation ou de
l’application de l’accord de transit ni les questions plus larges faisant partie du différend. On ne
peut non plus dire que ces débats aient été l’occasion pour le Qatar de tenter de négocier une
solution au désaccord avant de soumettre le différend au Conseil.
120. Quoi qu’il en soit, comme il ressort de la synthèse des travaux de la session, le Conseil :
a) a souligné à maintes reprises le caractère «technique» des débats127 ;
b) a pris soin de souligner qu’il était «nécessaire de distinguer clairement entre les mesures qu’il
pourrait envisager de prendre en tant qu’organe directeur dans le cadre de l’alinéa n) de
l’article 54 de la convention relative à l’aviation civile internationale ... et celles qu’il pourrait
envisager de prendre dans le cadre de l’article 84 de la convention, lequel prévoyait une
procédure de règlement de tout désaccord opposant des Etats contractants à propos de
l’interprétation ou de l’application de la convention et ses annexes qui ne peut être réglé par
voie de négociation»128.
121. En conclusion, le Qatar n’a pas établi que des négociations ou des tentatives de
négociation avaient eu lieu au sens de la section 2 de l’article II de l’accord de transit dans le cadre
de l’OACI.
125 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
p. 132, par. 157 ; voir aussi Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader, p. 446, par. 57 ; Application
de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, par. 43.
126 Voir la requête B et le mémoire de l’Etat du Qatar, point g).
127 C-DEC Extraordinary Session (2017), par. 1, 3, 6, 8-9.
128 Ibid., par. 2 (les italiques sont de nous).
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31
2. La procédure engagée devant l’OMC contre Bahreïn et les Emirats arabes unis ne
constitue pas des négociations au sens de la section 2 de l’article II de l’accord de transit
122. Le Qatar invoque également des demandes de consultations adressées à Bahreïn et aux
Emirats arabes unis dans le cadre de l’OMC. Pour commencer, le Qatar n’a pas sollicité de
consultations au sein de l’OMC avec la République arabe d’Egypte. Rien ne l’autorise dès lors à
alléguer que les demandes de consultations en question constituent une tentative de négociation
avec la République arabe d’Egypte129. En ce qui concerne les deux autres défendeurs, les demandes
de consultations au sein de l’OMC ne satisfont pas à l’obligation de négociation prévue par la
section 2 de l’article II de l’accord de transit.
123. Comme il a été indiqué plus haut et dans les exceptions préliminaires des défendeurs, la
section 2 de l’article II de l’accord de transit fait obligation à la partie plaignante de tenter d’obtenir
des négociations préalables sur tout désaccord «à propos de l’interprétation ou de l’application de
l’accord de transit».
124. Les demandes de consultations faites par le Qatar à l’OMC portent sur un différend
distinct de celui soumis au Conseil qui, au dire du Qatar, ne concerne que l’interprétation ou
l’application de l’accord de transit ; à ce titre, elles ne peuvent satisfaire à l’obligation de
négociation préalable prévue par la section 2 de l’article II dudit accord. En particulier, dans ses
demandes de consultations, le Qatar ne s’est déclaré préoccupé que par le fait que les diverses
mesures prises par les défendeurs (notamment la fermeture de l’espace aérien) étaient
incompatibles avec les «obligations mises à leur charge par les accords relevant de l’OMC»130, puis
il a prétendu soulever des griefs en vertu de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce
de 1994, de l’accord général sur le commerce des services et de l’accord sur les aspects des droits
de propriété intellectuelle qui touchent au commerce.
125. Certes, les demandes de consultations évoquent, entre autres, l’interdiction faite aux
aéronefs qatariens d’accéder à l’espace aérien des défendeurs et les restrictions imposées aux vols à
destination ou en provenance de leurs territoires respectifs exploités par des aéronefs immatriculés
au Qatar, mais elles ne font nullement état des violations alléguées de l’accord de transit qui, selon
le Qatar, constituent l’objet du «désaccord» en l’espèce131.
126. Comme il a été relevé plus haut, cependant, la jurisprudence de la CIJ dit clairement
que la négociation «doit concerner l’objet du différend, qui doit lui-même se rapporter aux
obligations de fond prévues par l’instrument en question»132. Il s’ensuit que si le Qatar est fondé à
affirmer qu’en l’espèce l’objet du différend concerne l’interprétation ou l’application de l’accord de
transit ou des irrégularités qui auraient été commises par les défendeurs concernés, cet objet est
manifestement différent de celui des demandes de consultations faites dans le cadre de l’OMC, la
conséquence en étant que lesdites demandes ne peuvent satisfaire et ne satisfont pas à l’obligation
de négociation préalable prévue par la section 2 de l’article II de l’accord de transit. D’ailleurs,
même en ce qui concerne la thèse des défendeurs selon laquelle le «véritable problème» en cause
concerne le respect des obligations internationales du Qatar, les débats tenus dans le cadre de
129 Cf. réponse du Qatar, par. 127, où le Qatar reconnaît implicitement que tel est le cas.
130 Voir WT/DS526/1, par. 9 ; WT/DS527/1, par. 9.
131 Réponse du Qatar, par. 44.
132 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
p. 133, par. 161 ; Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la
convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, par. 43.
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l’OMC ne satisfont pas à la condition préalable de négociation, car ils ne concernaient pas non plus
le «véritable problème», à savoir les violations du droit international commises par le Qatar.
3. Le Qatar n’a pas démontré de toute autre manière qu’il avait tenté de négocier avec les
défendeurs
127. En plus des faits survenus dans le cadre de l’OACI et de l’OMC qu’il invoque, le Qatar
dresse dans sa réponse une longue liste de déclarations à la presse, d’entretiens et d’autres
déclarations qu’il aurait faites à des responsables d’Etats tiers dans le but de démontrer qu’il a tenté
de négocier avec les défendeurs. A supposer que les déclarations en question aient été
effectivement faites et que leurs comptes rendus présentés par le Qatar soient véridiques et exacts,
ces déclarations destinées à servir ses intérêts ne l’aident en rien à s’acquitter de la charge qui lui
incombe de démontrer qu’il a «véritablement tenté» de régler le désaccord ou le différend par voie
négociation avant de le soumettre au Conseil. En outre, il est frappant de constater que toutes ces
prétendues tentatives de négociation semblent se rapporter à la crise dans son ensemble, ce qui
contredit l’affirmation du Qatar selon laquelle le différend se limite à l’accord de transit.
128. Le Qatar lui-même admet qu’il y a eu peu de «contacts directs entre les parties»133 et
cela est confirmé par les pièces jointes au dossier. En particulier, la grande majorité des
déclarations invoquées ont été apparemment faites à des tiers (et rapportées par la suite par les
médias) ou constituent des communiqués de presse diffusés par le Qatar au monde entier.
129. Quoi qu’il en soit, une partie importante des déclarations considérées (en particulier
celles qui figurent aux paragraphes 191 à 201 et dans les pièces jointes 74 à 84) ont été faites après
la date de dépôt de la requête du Qatar (30 octobre 2017). Comme il a été expliqué plus haut, de
telles déclarations ne peuvent satisfaire à l’obligation qui incombait au Qatar de tenter de négocier
avant de soumettre le désaccord au Conseil. Elles sont dès lors entièrement sans intérêt pour ce
motif également.
130. En outre, aucune des déclarations invoquées par le Qatar ne porte sur les questions
relatives à l’interprétation et à l’application de l’accord de transit qui, selon lui, constituent l’objet
du désaccord opposant les parties ni même, plus généralement, sur des questions aéronautiques.
Les déclarations invoquées ne satisfont donc pas au critère énoncé par la CIJ en l’affaire relative à
l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale et confirmé dans des affaires ultérieures, à savoir que la négociation «doit
concerner l’objet du différend, qui doit lui-même se rapporter aux obligations de fond prévues par
l’instrument en question»134.
131. L’examen de la réponse du Qatar et des pièces qui y sont jointes confirme simplement
l’absence manifeste de toute «véritable tentative» faite par le Qatar pour régler le désaccord par
voie de négociation avec les défendeurs. En fait, il est évident que la tactique adoptée par le Qatar
était d’affirmer publiquement son ouverture au dialogue et sa volonté de négocier, puis de
s’abstenir de prendre des mesures concrètes pour tenter réellement d’entamer des négociations.
133 Réponse du Qatar, par. 177.
134 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
p. 133, par. 161 ; Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la
convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, par. 43.
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33
132. Le seul cas de contact direct qu’il y aurait eu avec un des défendeurs, qui a été invoqué
par le Qatar et serait survenu avant le dépôt de sa requête le 30 octobre 2017, est une prétendue
conversation téléphonique entre le Qatar et le Royaume d’Arabie saoudite, le 8 septembre 2017. Or
l’Arabie saoudite n’est pas défenderesse dans l’instance relative à la requête B et ne pouvait donc
satisfaire par cette conversation, même si celle-ci était avérée, à l’obligation de négociation qui
s’impose aux défendeurs en la présente espèce. Que le Qatar tente, sans grande conviction135, de
justifier de son recours à de supposées négociations ou tentatives de négociations avec un Etat qui
n’est même pas partie à l’instrument qui est précisément en cause dans la requête B136  l’accord
de transit  est fondamentalement fallacieux.
4. Le Qatar a publiquement annoncé ne pas vouloir négocier avec les défendeurs
133. Le Qatar allègue dans sa réponse qu’il a «demandé à de nombreuses reprises la tenue de
négociations» avec les défendeurs137. Comme il a été indiqué ci-dessus, le dossier de l’affaire
n’accrédite pas cette allégation. En réalité, le Qatar a fait des déclarations contradictoires sur sa
volonté d’engager des négociations.
134. Par exemple, le ministre des affaires étrangères du Qatar aurait déclaré, au début de juin
2017, ce qui suit :
««En ce qui concerne les décisions intéressant la souveraineté du Qatar et sa
politique étrangère au-delà de la sécurité collective du CCG, nous n’acceptons pas de
diktat et nous ne négocierons pas à leur sujet» ni même n’en discuterons, a-t-il dit en
réponse à une question relative au sort d’Al Jazeera».138
135. Il aurait également déclaré que le Qatar ne négocierait pas avec ses voisins pour
résoudre le différend du Golfe, sauf si les intéressés levaient le boycott du commerce et des
voyages qu’ils avaient imposé139.
136. A cet égard, il a clairement indiqué que le Qatar n’était pas disposé à négocier tant que
ses conditions préalables ne seraient pas remplies :
««Le Qatar est soumis à un blocus, il n’y a pas de négociations. Ils doivent lever
le blocus pour entamer les négociations», a déclaré le cheikh Mohammed bin
Abdulrahman Al Thani à la presse lundi, excluant toute discussion sur les affaires
intérieures du Qatar, y compris le sort du réseau médiatique d’Al Jazeera dont le siège
est à Doha.
«Jusqu’à présent, nous n’avons constaté aucun progrès sur la levée du blocus,
qui est la condition préalable à toute avancée» a-t-il ajouté.»140
135 Réponse du Qatar, par. 113.
136 Voir, par exemple, la réponse du Qatar, par. 209.
137 Ibid., par. 203.
138 Pièce jointe 24, Qatari FM: We will not negotiate al-Jazeera or our foreign policy with Gulf countries,
The New Arab (10 juin 2017), https://www.alaraby.co.uk/english/news/2017/6/10/qatar-says-al-jazeera-…-
are-sovereign-non-negotiable-matters.
139 Pièce jointe 25, T. Finn & J. Irish, Qatar says it will not negotiate unless neighbors lift «blockade», Reuters
(19 juin 2017), https://www.reuters.com/article/us-gulf-qatar/qatar-says-it-will-not-ne…-
idUSKBN19A1G6.
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137. En outre, dans sa réponse, le Qatar lui-même évoque une interview accordée en juillet
2017 dans laquelle son ministre des affaires étrangères a déclaré que «toute demande qui porterait
atteinte à la souveraineté de l’Etat du Qatar ne serait pas examinée»141.
138. Comme le montrent les déclarations citées ci-dessus, les allégations du Qatar faisant
état de sa volonté de négocier sont contredites par les déclarations publiques faites par son propre
ministre des affaires étrangères.
139. A cet égard, la «requête» et la «plainte» initiales du Qatar datées du 8 juin 2017 ainsi
que les mémoires qui les accompagnaient sont également importants. Curieusement, le Qatar omet
de citer ces documents lorsqu’il dénombre les diverses communications qu’il a adressées à l’OACI
à partir de juin 2017, malgré le fait qu’ils soient mentionnés dans ses lettres du 13 juin 2017142. Ces
requêtes n’ont pas abouti, le secrétariat de l’OACI les ayant rejetées au motif qu’elles ne
répondaient pas aux conditions de forme définies par le Règlement ; par conséquent, la procédure
n’a pas été officiellement engagée.
140. Néanmoins, il convient de noter que les parties de ces documents visant apparemment à
satisfaire aux exigences de l’alinéa g) de l’article 2 du Règlement et à prouver le respect de
l’obligation de négociation préalable prévue par la section 2 de l’article II de l’accord de transit
confirment que le Qatar avait déjà, à ce stade, très peu après l’adoption de la fermeture de l’espace
aérien, conçu l’idée que compte tenu de la rupture des relations diplomatiques, «les négociations
n’étaient plus possibles»143. La position du Qatar ressort également de sa demande en date du
15 juin 2017 fondée sur l’alinéa n) de l’article 54 de la convention de Chicago, qui contient une
déclaration analogue144.
5. Conclusion
141. De toute évidence, le Qatar a pris la résolution de ne pas tenter d’engager des
négociations avec les défendeurs ; les éléments de preuve qu’il a lui-même produits montrent que
par la suite, dans le droit fil de cette résolution, il n’a en fait pas véritablement tenté d’engager des
négociations avant le dépôt de sa requête (comme cela était exigé) ni même ultérieurement.
142. A supposer même que le Qatar puisse invoquer une tentative de négociation survenue
après le dépôt de la requête (ce qui n’est pas admis pour les motifs exposés ci-dessus), la seule
conclusion possible dans ces circonstances est qu’il n’a pas rempli une condition préalable
nécessaire à la compétence du Conseil. En conséquence, le Conseil doit se déclarer incompétent
pour statuer sur les prétentions du Qatar et rejeter sa requête sur cette base.
140 Pièce jointe 26, Qatar FM: We won’t negotiate until blockade is lifted, Al-Jazeera (19 juin 2017),
https://www.aljazeera.com/news/2017/06/qatar-fm-won-negotiate-blockade-….
141 Réponse du Qatar, par. 155 ; pièce jointe 40 du Qatar.
142 Réponse du Qatar : pièce jointe 4 du Qatar, «Letter from Qatar to Secretary General of ICAO», 13 juin
2017 (réf. 2017/15993) ; pièce jointe 5 du Qatar, «Letter from Qatar to Secretary General of ICAO», 13 juin 2017
(réf. 2017/15994) ; voir aussi la pièce jointe 6 du Qatar, «Letter from Qatar to Secretary General of ICAO», 15 juin
2017 (réf. 2017/15995).
143 Mémoire A de l’Etat du Qatar, p. 9 ; Mémoire B de l’Etat du Qatar, p. 5-6.
144 Réponse du Qatar : pièce jointe 6, «Letter from Qatar to Secretary General of ICAO», 15 juin 2017
(réf. 2017/15995), et annexe, Request of the State of Qatar for Consideration by the ICAO Council under Article
54(n) of the Chicago convention, 15 juin 2017, p. 10.
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V. CONCLUSIONS RELATIVES À LA RÉPARATION
143. Les conclusions présentées par le Qatar au sujet de la réparation doivent être rejetées
dans leur intégralité.
144. Les défendeurs prient à nouveau respectueusement le Conseil, statuant à titre
préliminaire, d’accueillir leurs exceptions préliminaires et de dire et juger en conséquence :
a) qu’il n’a pas compétence pour trancher les prétentions soulevées par le Qatar dans sa requête B
ou,
b) à titre subsidiaire, que ces prétentions sont irrecevables.
[Pièces jointes non reproduites]
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Volume IV (Annexes 25 à 26)

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