Déclaration de M. le juge Salam

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169-20190225-ADV-01-11-EN
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169-20190225-ADV-01-00-EN
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DÉCLARATION DE M. LE JUGE SALAM
Accord avec le dispositif de l’avis  Souscription pour l’essentiel au raisonnement de la Cour  Caractère obligatoire de la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale du fait de son endossement par des résolutions du Conseil de sécurité  Question de l’indemnisation éventuelle des Chagossiens.
1. Bien qu’ayant voté en faveur de tous les points du dispositif du présent avis et ayant souscrit pour l’essentiel au raisonnement de la Cour, j’estime nécessaire de préciser certains éléments qui auraient dû être traités par celle-ci.
2. Dans sa détermination du droit applicable, la Cour a recherché à quel moment le droit à l’autodétermination s’est cristallisé en tant que règle coutumière. Elle a essentiellement relevé l’importance de la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale qui, selon elle, constitue un moment décisif dans l’évolution de la position des Etats en matière de décolonisation. Elle a également cité des résolutions de l’Assemblée générale antérieures et ultérieures à celle-ci.
3. Je souscris à ce raisonnement, d’autant plus que la Cour a déjà réitéré que «les résolutions de l’Assemblée générale, même si elles n’ont pas force obligatoire, peuvent parfois avoir une valeur normative» (voir le paragraphe 151 du présent avis ; Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 254, par. 70). Cependant, je pense que la Cour aurait dû aller plus loin en citant les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.
4. En effet, outre l’adoption même de la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale avec une écrasante majorité, sans aucun vote négatif et neuf abstentions, j’aimerais souligner le fait que le Conseil de sécurité, dans les questions relatives à la décolonisation dont il sera saisi entre 1960 et 1965, endossera expressément cette résolution. Il a procédé de la sorte dans plusieurs résolutions, notamment celles relatives à la situation dans les territoires administrés par le Portugal. Ainsi, dans sa résolution 180 (1963), le Conseil de sécurité «[c]onfirme la résolution 1514 (XV)» et «[a]ffirme que la politique du Portugal … est contraire aux principes de la Charte et aux résolutions pertinentes de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité» avant d’inviter celui-ci à «[r]econnaître immédiatement le droit des peuples qu’il administre à l’autodétermination et à l’indépendance». Puis, dans sa résolution 183 adoptée cinq mois plus tard, le Conseil de sécurité «[f]ait appel à tous les Etats pour qu’ils se conforment [à] la résolution 180 (1963)» qui confirme, comme déjà indiqué, la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale. De nouveau, dans sa résolution 218 adoptée en 1965 sur la même question, le Conseil de sécurité «[r]éaffirme l’interprétation du principe de l’autodétermination qui figure dans la résolution 1514 (XV)». Je cite également la résolution 217 (1965) du Conseil de sécurité sur la situation de la Rhodésie du Sud, qui «[r]éaffirme» aussi la résolution 1514 (XV).
5. Outre la valeur normative de la résolution 1514 (XV), le fait de son endossement en des termes très clairs par le Conseil de sécurité dans les résolutions précitées atteste de son caractère obligatoire. Rappelons ici l’article 25 de la Charte des Nations Unies qui dispose que «[l]es Membres de l’Organisation conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte».
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6. Par ailleurs, lorsque la Cour se prononce sur la deuxième question soumise par l’Assemblée générale, elle indique à juste titre que «la réinstallation dans l’archipel des Chagos des ressortissants mauriciens, y compris ceux d’origine chagossienne» est une question «relative à la protection des droits humains des personnes concernées qui devrait être prise en compte par l’Assemblée générale lors du parachèvement de la décolonisation de Maurice». J’aimerais cependant souligner qu’il est regrettable que celle-ci n’ait fait, dans ce contexte, aucune mention expresse de la question de l’indemnisation éventuelle des Chagossiens. Non seulement la question a été soulignée devant la Cour par un grand nombre de participants à la procédure, notons également que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies (tel que cité au paragraphe 126 du présent avis) avait émis la recommandation que le Royaume-Uni devrait faire en sorte que :
«les anciens habitants de l’archipel des Chagos puissent exercer leur droit au retour dans leur territoire et devrait faire savoir quelles mesures ont été prises à cet effet. Il devrait envisager une indemnisation pour la privation de ce droit durant une longue période.» (CCPR/C/GBR/CO/6, par. 22.)
7. Enfin, je rappellerai à cet égard l’affaire du Mur où la Cour a considéré qu’Israël était «tenu d’indemniser, conformément aux règles du droit international applicables en la matière, toutes les personnes physiques ou morales qui auraient subi un préjudice matériel quelconque du fait de la construction de ce mur» (Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 198, par. 153).
(Signé) Nawaf SALAM.
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