Déclaration de M. le juge Gaja

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163-20180606-JUD-01-05-EN
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163-20180606-JUD-01-00-EN
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DÉCLARATION DE M. LE JUGE GAJA
[Traduction]
Locaux d’une mission diplomatique — Article 22 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques — Point de savoir si la question de la propriété de l’immeuble entre dans le champ d’application de l’article 22.
Au paragraphe c) des conclusions de son mémoire, la Guinée équatoriale reproche à la France de ne pas «reconnaître à l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris … le statut de propriété de la République de Guinée équatoriale ainsi que de locaux de sa mission diplomatique». Je partage la conclusion formulée dans l’arrêt de la Cour selon laquelle le protocole de signature facultative à la convention de Vienne sur les relations diplomatiques (ci-après la «convention de Vienne») donne compétence à celle-ci pour connaître de la partie du différend portant sur l’utilisation de l’immeuble comme locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale. Il n’est toutefois nullement précisé dans l’arrêt que la question de la propriété de l’immeuble n’entre pas dans le champ d’application dudit protocole.
L’alinéa i) de l’article premier de la convention de Vienne définit les locaux de la mission diplomatique comme «des bâtiments ou des parties de bâtiments et du terrain attenant qui, quel qu’en soit le propriétaire, sont utilisés aux fins de la mission». L’Etat accréditant n’est pas nécessairement propriétaire des locaux. Il est fréquent que les missions soient hébergées dans des locaux faisant l’objet d’un contrat de location ou d’un crédit-bail immobilier. Les questions relatives à la propriété des immeubles utilisés aux fins d’une mission sont régies par le droit interne de l’Etat hôte, à moins qu’elles ne soient régies par un traité (ce qui importe peu en l’espèce).
Si le paragraphe 3 de l’article 22 de la convention de Vienne dispose que «[l]es locaux de la mission, leur ameublement et les autres objets qui s’y trouvent, ainsi que les moyens de transport de la mission, ne peuvent faire l’objet d’aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d’exécution», cela ne signifie pas pour autant que l’immeuble jouit d’une immunité totale. Sont visées uniquement les mesures coercitives qui entravent l’utilisation de l’immeuble aux fins de la mission diplomatique.
Il est dit au paragraphe 1 de l’article 22 de la convention de Vienne que «[l]es locaux de la mission sont inviolables», ce qui n’exclut pas que la mission puisse être dans l’obligation de déménager si l’immeuble venait à changer de propriétaire. Les dispositions pertinentes de cet instrument ne laissent aucunement entendre que l’Etat accréditant, dès lors qu’il a utilisé un immeuble aux fins d’une mission diplomatique, aurait le droit de continuer à le faire indéfiniment. La propriété des locaux est susceptible de changer au cours du temps. A moins que cela ne soit expressément prévu dans des dispositions conventionnelles, rien n’oblige l’Etat hôte à permettre à l’Etat accréditant de continuer à utiliser aux fins de sa mission l’immeuble qu’il occupe. L’utilisation des locaux sera fonction des arrangements contractuels éventuellement mis en place entre l’Etat accréditant et le propriétaire. La vente d’un immeuble hébergeant une mission diplomatique pourrait donc licitement mettre un terme à l’utilisation dudit immeuble à cette fin.
En conséquence, la question de la propriété de l’immeuble sis au 42 avenue Foch est à distinguer de celle de l’inviolabilité et de l’immunité des locaux de la mission. Si cette dernière relève du protocole de signature facultative, la partie du différend relative à la propriété de l’immeuble n’entre pas dans son champ d’application. La Cour n’est pas compétente pour trancher cette partie du différend au titre dudit protocole.
(Signé) Giorgio GAJA.

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