Opinion dissidente de Mme la juge Donoghue

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OPINION DISSIDENTE DE MME LA JUGE DONOGHUE
[Traduction]
Recevabilité — Intégrité de la fonction judiciaire de la Cour — Abus de procédure — Abus de droit.
1. La Cour conclut aujourd’hui qu’elle a compétence, sur la base du protocole de signature facultative à la convention de Vienne sur les relations diplomatiques («le protocole facultatif»), pour connaître de la demande de la Guinée équatoriale, qui affirme que l’immeuble sis au 42, avenue Foch à Paris («l’immeuble») est un local de la mission ayant droit au traitement prévu à l’article 22 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques («la convention de Vienne»). Je suis d’accord avec cette conclusion. Cela étant, j’ai voté contre les alinéas 3) et 4) du paragraphe 154 parce que je considère que cette demande est irrecevable et que la requête aurait dû être rejetée.
2. Dans sa troisième exception préliminaire (que la Cour qualifie à juste titre d’exception d’irrecevabilité), la France demande le rejet de l’ensemble de la requête à raison de son «caractère abusif». La Cour ayant conclu qu’elle n’était pas compétente au titre de la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, je n’examine ici que la question de la recevabilité de la requête de la Guinée équatoriale au regard de la convention de Vienne. Je ne me prononce pas sur le bien-fondé de cette requête, non plus que sur le point, qu’il n’appartient pas à la Cour de trancher, de savoir si M. Teodoro Nguema Obiang Mangue est coupable des infractions dont il a été inculpé en France.
3. La France fait valoir à la fois un «abus de procédure» et un «abus de droit» à l’appui de sa troisième exception préliminaire. Il est possible que ces notions aient des significations établies dans certains systèmes juridiques nationaux. Toutefois, je n’ai connaissance d’aucune définition de l’un ou l’autre terme faisant autorité dans le contexte de la justice internationale. La Cour donne aujourd’hui son avis sur la portée de ces termes.
4. La Cour ne juge pas la requête «irrecevable pour abus de procédure ou abus de droit» (par. 153). Dans son arrêt, elle traite l’«abus de procédure» et l’«abus de droit» comme deux notions distinctes.
Selon la Cour, un abus de procédure «se rapporte à la procédure engagée devant une cour ou un tribunal et peut être examiné au stade préliminaire» de l’instance. La Cour affirme dans son arrêt qu’une demande ne peut être jugée irrecevable pour «abus de procédure» que lorsqu’il existe des «éléments [l’]attestant clairement» et seulement dans des «circonstances exceptionnelles» (par. 150). Elle estime que, en l’espèce, elle n’est pas en présence de telles circonstances.
La Cour considère que «l’abus de droit ne peut être invoqué comme cause d’irrecevabilité alors que l’établissement du droit en question relève du fond de l’affaire». Elle indique que tout argument relatif à un abus de droit sera examiné au stade du fond de l’affaire (par. 151).
Ainsi, selon le raisonnement de la Cour, une allégation d’abus de procédure peut être considérée comme une exception préliminaire pour ce qui est de la recevabilité, mais elle ne doit être appréciée qu’au regard de l’instance engagée devant la Cour. De plus, selon celle-ci, une allégation d’abus de droit ne peut avoir aucune incidence sur la recevabilité d’une requête. Elle ne doit être examinée qu’au stade du fond, lorsque la Cour détermine si les droits dont une partie se prévaut ont été établis.
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L’approche adoptée par la Cour signifie que la conduite qu’un demandeur suit en dehors de la Cour et sur laquelle il se fonde pour faire valoir certains droits ne ferait pas, aussi abusive soit-elle, obstacle à la recevabilité de la requête.
5. Je crois que la Cour, en donnant une définition étroite des notions d’«abus de procédure» et d’«abus de droit» et en isolant chacune de ces notions de l’autre, est passée à côté de l’essentiel de la troisième exception préliminaire de la France :
«ce ne sont pas les différents éléments que la France a portés à l’attention de votre haute juridiction, considérés individuellement, qui constituent un abus de procédure. En revanche, pris dans leur ensemble, ils établissent que le recours de la Guinée équatoriale à la Cour est abusif car il procède en réalité d’une stratégie visant à utiliser de manière totalement artificielle le principe des immunités diplomatiques au profit d’une personne qui n’est pas un diplomate, pour entraver les poursuites pénales engagées à son encontre en France et soustraire les biens personnels qu’il y a acquis à leur éventuelle confiscation.
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La France vous prie de constater que, en vous saisissant, la Guinée équatoriale commet un abus de procédure ayant pour objet de faire couvrir par la Cour l’utilisation indue, abusive, que fait l’Etat requérant du droit des immunités diplomatiques». (CR 2018/2, p. 53-54, par. 21 et 24 (Pellet)1.)
6. La France fait état d’une utilisation «artificielle» d’un principe par la Guinée équatoriale qui procède d’une «stratégie» culminant dans la saisine de la Cour. Ses allégations soulèvent la question suivante : la conduite sur laquelle s’est fondée la demanderesse pour faire valoir certains droits est-elle d’une nature telle que la Cour ne devrait pas exercer sa compétence pour déterminer si l’intéressée a ces droits ? Il s’agit d’une question de recevabilité, dont la réponse n’appelle pas de décision quant au point de savoir si les droits dont se prévaut la Guinée équatoriale ont été établis (question de fond).
7. Certaines questions de recevabilité ne se posent que lorsqu’une partie les soulève. D’autres aspects de la recevabilité touchent au rôle et à la fonction fondamentaux de l’organe judiciaire principal des Nations Unies :
«Il y a des limitations inhérentes à l’exercice de la fonction judiciaire dont la Cour, en tant que tribunal, doit toujours tenir compte. Il peut ainsi y avoir incompatibilité entre, d’un côté, les désirs d’un demandeur ou même des deux parties à une instance et, de l’autre, le devoir de la Cour de conserver son caractère judiciaire. C’est à la Cour elle-même et non pas aux parties qu’il appartient de veiller à l’intégrité de la fonction judiciaire de la Cour.» (Affaire du Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1963, p. 29.)
8. Les allégations de la France soulèvent la question de savoir si la Cour peut examiner la requête sans compromettre son intégrité judiciaire. Si l’on peut faire abstraction des âpres propos en question, en y voyant l’hyperbole maniée dans une plaidoirie, les faits dont la Cour est saisie ne sauraient être écartés aussi aisément. Les éléments de preuve ayant trait à la question de la recevabilité (telle que délimitée plus haut au paragraphe 6) ont été présentés à la Cour à ce stade de
1 Note de bas de page omise.
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la procédure et ne sont pas contestés. Les faits pertinents sont évidents au vu des documents soumis à la Cour par la Guinée équatoriale, notamment des déclarations de ses représentants. Je résume ces faits ici.
9. M. Teodoro Nguema Obiang Mangue est le fils du président de la Guinée équatoriale. En 2004, il est devenu l’unique actionnaire des sociétés suisses qui détenaient en commun l’immeuble à Paris (Mémoire de la Guinée équatoriale, vol. I, par. 2.15-2.16). A cette époque, il servait comme ministre de l’agriculture et des forêts de la Guinée équatoriale (ibid., vol. I, par. 2.2). (Comme indiqué dans l’arrêt, il a été nommé second vice-président chargé de la défense et de la sécurité de l’Etat en mai 2012 (par. 29) et vice-président chargé de la défense nationale et de la sécurité de l’Etat en juin 2016 (par. 34).)
10. M. Teodoro Nguema Obiang Mangue fait en France l’objet de poursuites déclenchées par une plainte déposée en 2008, pour l’instruction de laquelle des juges ont été désignés en décembre 2010 (Mémoire de la Guinée équatoriale, vol. I, par. 3.23 et 3.29). Il est allégué dans la plainte que diverses personnes, dont M. Teodoro Nguema Obiang Mangue, ont acquis en France des biens mobiliers et immobiliers financés par des fonds provenant de détournements de fonds publics étrangers, notamment ceux de la Guinée équatoriale (ibid., vol. I, par. 3.19, 3.23 et 3.30). En juillet 2011, le procureur de la République a indiqué aux juges d’instruction que «les faits pour lesquels ils instruis[ai]ent n[’étaient] susceptibles que de la qualification de blanchiment ou de recel» et que «le blanchiment ou le recel en France d’un bien obtenu à l’aide d’un délit, commis à l’étranger par un étranger, ne relevant pas de la justice française, [était] punissable en France» (ibid., vol. II, p. 90 (annexe 8)).
11. A compter du 28 septembre 2011, comme suite à cette procédure pénale, les autorités françaises ont mené une série de perquisitions dans l’immeuble, au cours desquelles elles ont saisi de nombreux biens personnels dont elles ont pris possession (ibid., vol. I, par. 3.54). Elles ont saisi l’immeuble proprement dit le 19 juillet 2012 (ibid., vol. I, par. 4.24).
12. Toujours à compter de septembre 2011, la Guinée équatoriale et M. Teodoro Nguema Obiang Mangue ont pris une série de mesures concernant l’immeuble :
i) Un accord en date du 15 septembre 2011 prévoit que les actions que détenait M. Teodoro Nguema Obiang Mangue dans les sociétés suisses copropriétaires de l’immeuble seraient transférées à l’Etat de Guinée équatoriale, qui devrait à son tour transférer la somme de 34 millions d’euros sur le compte bancaire de EDUM S.L. à Malabo (ibid., vol. I, par. 2.17 et 4.38 ; réponses écrites de la Guinée équatoriale aux questions posées par M. le juge Bennouna et Mme le juge Donoghue au terme de l’audience tenue le 19 octobre 2016 à 17 heures, annexe 1, art. 1, 3 et 4). Selon le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Paris le 27 octobre 2017, EDUM S.L. est une société équato-guinéenne par l’intermédiaire de laquelle M. Teodoro Nguema Obiang Mangue réglait ses dépenses personnelles (jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Paris le 27 octobre 2017, p. 76).
ii) Moins de trois semaines après la conclusion de la convention de transfert de propriété de l’immeuble, le 4 octobre 2011, la Guinée équatoriale a adressé au ministère français des affaires étrangères une note diplomatique indiquant qu’il «dispos[ait] depuis plusieurs années» de cet immeuble. (Mémoire de la Guinée équatoriale, vol. III, p. 53 (annexe 33) ; voir aussi vol. I, par. 4.4.) Il ajoutait dans cette note que l’immeuble était utilisé «pour l’accomplissement des fonctions de sa mission diplomatique» et avait à ce titre droit à la protection prévue à l’article 22 de la convention de Vienne (ibid.).
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iii) Le 17 octobre 2011, la Guinée équatoriale a affirmé dans une note verbale adressée à la France que l’immeuble était la résidence officielle de la déléguée permanente de la Guinée équatoriale auprès de l’UNESCO, Mme Mariola Bindang Obiang, qui exercerait également les fonctions de chargée d’affaires par intérim de la mission diplomatique, également située dans l’immeuble (ibid., vol. III, p. 60 (annexe 36) ; voir aussi vol. I, par. 4.9).
iv) Le 14 février 2012, dans trois communications aux autorités françaises et une note verbale à l’UNESCO, la Guinée équatoriale a affirmé que l’immeuble était la résidence de sa représentante permanente auprès de l’UNESCO (ibid., vol. III, p. 62 (annexe 37) ; vol. III, p. 64 (annexe 38) ; vol. III, p. 66 (annexe 39) ; vol. III, p. 72 (annexe 41) ; voir aussi vol. I, par. 4.10-4.12).
v) Le 9 mars 2012, l’ambassade de Guinée équatoriale a écrit au ministre français de la justice en indiquant ce qui suit : «La République de Guinée équatoriale est propriétaire d’un ensemble immobilier situé 40/42 Avenue Foch à Paris, depuis le 15 septembre 2011, affecté à sa mission diplomatique et déclaré comme tel au ministère des affaires étrangères et européennes par note verbale n° 365/11 du 4 octobre 2011» (ibid., vol. III, p. 77 (annexe 43)). Sa note verbale du 12 mars 2012 adressée au ministre des affaires étrangères avait le même objet (ibid., vol. III, p. 80-81 (annexe 44)). Aucune de ces notes n’indiquait que l’immeuble était la résidence de la représentante permanente auprès de l’UNESCO. (L’accord de siège entre l’UNESCO et la France régit les privilèges et immunités du personnel des délégations permanentes auprès de l’UNESCO et le statut des bâtiments qui abritent leur résidence ou leurs bureaux, et aucune des parties n’a suggéré que la Cour avait compétence pour décider de l’application de cet accord en l’espèce.)
vi) En juillet 2012, huit jours après que les autorités françaises eurent émis une ordonnance de saisie pénale immobilière visant l’immeuble, la Guinée équatoriale a informé le Gouvernement français que «les services de l’ambassade [étaient], à partir de vendredi 27 juillet 2012, installés à l’adresse sise : 42 avenue Foch, Paris 16ème, immeuble qu’elle utilis[ait] désormais pour l’accomplissement des fonctions de sa mission diplomatique en France». (ibid., vol. III, p. 88 (annexe 47) ; voir aussi vol. I, par. 4.25.)
13. Le président de la Guinée équatoriale a précisé l’objet des actes décrits ci-dessus dans une lettre à son homologue français datée du 14 février 2012 :
«Votre Excellence n’est pas sans être informé que mon fils, Teodoro NGUEMA OBIANG MANGUE, a vécu en France, où il a effectué ses études, de son enfance à l’âge adulte. La France a été le pays de sa préférence et, en tant que jeune, il a acquis un logement à Paris, mais que, à cause des pressions exercées contre sa personne, du fait d’une suppose acquisition illégale de biens, il a décidé de revendre ledit immeuble au Gouvernement de la République de Guinée équatoriale.
A ce jour, l’immeuble en question est une propriété légalement acquise par le Gouvernement de Guinée équatoriale et où réside actuellement la Représentante auprès de l’UNESCO, chargée des biens de l’Ambassade. Ladite propriété jouit de la protection légale et diplomatique, en accord avec la Convention de Vienne et des accords bilatéraux signés entre les deux Etats .
Cet immeuble fait lamentablement l’objet d’une poursuite judiciaire, apparemment grâce aux dénonciations infondées de certaines ONG, sans aucune justification légale.» (ibid., vol. III, p. 66 (annexe 39) ; voir aussi vol. I, par. 4.11.)
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14. Ces éléments établissent que, en 2004, M. Teodoro Nguema Obiang Mangue est devenu l’actionnaire unique des sociétés copropriétaires de l’immeuble, propriété de valeur se trouvant sur le territoire français. Depuis décembre 2010, il est poursuivi en France pour blanchiment d’argent (un moyen de soustraire des biens aux autorités chargées de veiller au respect de la loi). Par la suite, à partir de 2011, la Guinée équatoriale a coopéré avec M. Teodoro Nguema Obiang Mangue pour prendre une série de mesures concernant l’immeuble. Elle a fait diverses affirmations aux autorités françaises au sujet de l’utilisation de cet immeuble, sur la base desquelles elle a invoqué l’immunité et l’inviolabilité. Si les mesures qu’elle a prises sont suivies d’effet, les biens immobiliers se trouvant sur le territoire français, qui avaient été entre les mains d’un individu faisant l’objet de poursuites, seront protégés de toute action des autorités françaises en tant que locaux inviolables de la mission ne pouvant «faire l’objet d’aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d’exécution» en vertu de l’article 22 de la convention de Vienne. La somme de 34 millions d’euros versée en échange de ces biens échappe également aux autorités françaises chargées de veiller au respect de la loi, puisqu’elle a été virée sur un compte bancaire en Guinée équatoriale.
15. Le président de la Guinée équatoriale a bien indiqué que le but de ces mesures est d’ordre personnel et vise à faire face aux difficultés auxquelles se heurte son fils. Un tel objectif est en totale contradiction avec le régime des privilèges et immunités prévu par la convention de Vienne, qui dispose en son préambule que le but des privilèges et immunités «est non pas d’avantager des individus mais d’assurer l’accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentant des Etats».
16. Lors de l’audience sur les mesures conservatoires, la France a indiqué que «les officiers de police judiciaire qui ont procédé aux perquisitions de l’immeuble en [] 2012, n’y ont découvert aucun document officiel de la Guinée équatoriale, ou de sa mission diplomatique en France» (CR 2016/15, p. 29, par. 25 (Pellet)2). La Guinée équatoriale n’a pas réfuté cette affirmation et n’a pas non plus indiqué à la Cour que des archives de l’ambassade ou d’autres documents officiels faisaient partie des biens que les autorités françaises avaient saisis ou dont elles avaient pris possession lors de leurs perquisitions de l’immeuble.
17. Comme la Cour l’a relevé, «il n’est pas d’exigence plus fondamentale que celle de l’inviolabilité des diplomates et des ambassades» (Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), mesures conservatoires, ordonnance du 15 décembre 1979, C.I.J. Recueil 1979, p. 19, par. 38). Malgré leur importance pour le fonctionnement de la diplomatie, l’immunité et l’inviolabilité du personnel et des missions diplomatiques coexistent dans une relation tendue avec d’autres intérêts des Etats et de parties privées. Chaque jour, des juristes de ministères des affaires étrangères dialoguent avec leurs homologues d’autres capitales au sujet de l’application de la convention de Vienne à des cas particuliers. Des divergences apparaissent inévitablement. Les parties au protocole facultatif ont reconnu que la Cour est une instance appropriée pour examiner ces divergences. Si la Cour refuse de trancher un différend découlant de la convention de Vienne alors qu’elle a compétence pour le faire, il n’y aura pas de règlement judiciaire sur le fond, ce qui peut ne pas être satisfaisant pour les deux parties. Ce n’est que dans des «circonstances exceptionnelles», pour reprendre les termes qu’elle a employés aujourd’hui, que la Cour devrait refuser d’exercer sa compétence à l’égard d’un tel différend.
18. La présente affaire est l’une de ces circonstances exceptionnelles. La séquence des mesures prises par la Guinée équatoriale est établie par les documents que celle-ci a présentés.
2 Note de bas de page omise.
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L’objet de ces mesures, qui a été énoncé par le président équato-guinéen, est manifeste. Les éléments concernant la nature de la conduite de la Guinée équatoriale sont concluants et satisfont aisément aux critères plus stricts d’établissement de la preuve que la Cour a semblé requérir dans certaines circonstances (par exemple «des éléments clairs et convaincants» (Application de l’accord intérimaire du 13 septembre 1995 (ex-République yougoslave de Macédoine c. Grèce), arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 685, par. 132, citant l’arbitrage de Tacna-Arica (Chili/Pérou) (1925), RSA, vol. II, p. 930)). La Guinée équatoriale n’a rien dit à la Cour qui porte à croire que ses fonctions diplomatiques ont été perturbées lorsque les autorités françaises ont pénétré dans l’immeuble et lancé des perquisitions en septembre 2011, et rien n’indique que les autorités françaises aient pénétré dans l’immeuble ou l’aient saisi à cette fin. Le rejet de cette requête ne ferait pas peser de menace sur les fonctions diplomatiques. De plus, la décision prise par la Cour aujourd’hui signifie que, jusqu’à ce que celle-ci rende son arrêt sur le fond, la Guinée équatoriale continuera de bénéficier de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue le 7 décembre 2016.
19. Malgré des éléments démontrant de manière concluante la nature de la conduite que la demanderesse a suivie et sur laquelle elle se fonde pour faire valoir certains droits devant la Cour, celle-ci permet à l’affaire d’aller jusqu’au fond, comme s’il s’agissait d’une énième mésentente sur les nuances du régime de l’immunité diplomatique. Je suis convaincue que la Cour, pour préserver l’intégrité de sa fonction judiciaire, n’aurait pas dû permettre à la Guinée équatoriale de se servir d’elle pour continuer d’agir de la sorte. Elle aurait au contraire dû retenir la troisième exception préliminaire. En conséquence, je suis en désaccord avec sa conclusion.
(Signé) Joan E. DONOGHUE.
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