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Extraits du code de procédure pénale français
Article 40
(L. no 85-1407, 30 déc. 1985, art. 1er)
Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et
apprécie la suite à leur donner. Il avise le plaignant du classement de l'affaire
ainsi que la victime lorsque celle-ci est identifiée. (Phrase créée, L. no 98-468,
17 juin 1998, art. 27) Lorsqu'il s'agit de faits commis contre un mineur et prévus
et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du Code pénal,
l'avis de classement doit être motivé et notifié par écrit.
Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans
l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est
tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de
transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes
qui y sont relatifs.
Article 80
(L. no 93-2, 4 janv. 1993, art. 22 et 226-111; L. no 93-1013, 24 août 1993,
art. 7-1)
Le juge d'instruction ne peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du
procureur de la République.
Le réquisitoire peut être pris contre personne dénommée ou non
dénommée.
Lorsque des faits, non visés au réquisitoire, sont portés à la
connaissance du juge d'instruction, celui-ci doit immédiatement communiquer
au procureur de la République les plaintes ou les procès-verbaux qui les
constatent. (Phrase ajoutée, L. no 99-515, 23juin 1999, art. 14-1°) Le procureur
de la République peut alors soit requérir du juge d'instruction, par réquisitoire
supplétif, qu'il informe sur ces nouveaux faits, soit requérir l'ouverture d'une
information distincte, soit saisir la juridiction de jugement, soit ordonner une
enquête, soit décider d'un classement sans suite ou de procéder à l'une des
mesures prévues aux articles 41-1 à 41-3, soit transmettre les plaintes ou les
procès-verbaux au procureur de la République territorialement compétent.
(Phrase ajoutée, L. no 99-515, 23 juin 1999, art. 14-1°) Si le procureur de la
République requiert l'ouverture d'une information distincte, celle-ci peut être
confiée au même juge d'instruction, désigné dans les conditions prévues au
premier alinéa de l'article 83.
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En cas de plainte avec constitution de partie civile, il est procédé
comme il est dit à l'article 86. (Phrase ajoutée, L. no 99-515, 23 juin 1999, art.
14-2°) Toutefois, lorsque de nouveaux faits sont dénoncés au juge d'instruction
par la partie civile en cours d'information, il est fait application des dispositions
de l'alinéa qui précède.
Article 80-1
(l. no 93-2, 4 janv. 1993, art. 23 et 226-111; L. no 93-1013, 24 août 1993,
art. 7-11; remplacé à compter du 1er janvier 2001, L. no 2000-516, 15 juin 2000,
art. 19 et 140)
A peine de nullité, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que
les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou
concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur
ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi.
Il ne peut procéder à cette mise en examen qu'après avoir
préalablement entendu les observations de la personne ou l'avoir mise en
mesure de les faire, en étant assistée par son avocat, soit dans les conditions
prévues par l'article 116 relatif à l'interrogatoire de première comparution, soit
en tant que témoin assisté conformément aux dispositions des articles 113-1 à
113-8.
Le juge d'instruction ne peut procéder à la mise en examen de la
personne que s'il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin
assisté.
SOUS-SECTION 2. - DU TEMOIN ASSISTE (ART. 113-1 A 113-8)
Article 113-1
(Créé à compter du 1er janvier 2001, L. no 2000-516, 15 juin 2000, art.
33 et 140)
Toute personne nommément visée par un réquisitoire introductif et qui
n'est pas mise en examen ne peut être entendue que comme témoin assisté.
Article 113-2
(Créé à compter du 1er janvier 2001, L. no 2000-516, 15 juin 2000, art.
33 et 140)
Toute personne nommément visée par une plainte ou mise en cause
par la victime peut être entendue comme témoin assisté. Lorsqu'elle comparaît
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devant le juge d'instruction, elle est obligatoirement entendue en cette qualité si
elle en fait la demande.
Toute personne mise en cause par un témoin ou contre laquelle il
existe des indices rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur
ou complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi
peut être entendue comme témoin assisté.
Article 113-3
(Créé à compter du 1er janvier 2001, L. no 2000-516, 15 juin 2000, art.
33 et 140)
Le témoin assisté bénéficie du droit d'être assisté par un avocat qui est
avisé préalablement des auditions et a accès au dossier de la procédure,
conformément aux dispositions des articles 114 et 114-1. Il peut également
demander au juge d'instruction, selon les modalités prévues par l'article 82-1, à
être confronté avec la ou les personnes qui le mettent en cause. Cet avocat est
choisi par le témoin assisté ou désigné d'office par le bâtonnier si l'intéressé en
fait la demande.
Lors de sa première audition comme témoin assisté, la personne est
informée de ses droits par le juge d'instruction.
Article 113-4
(Créé à compter du 1er janvier 2001, L. no 2000-516, 15 juin 2000, art.
33 et 140)
Lors de la première audition du témoin assisté, le juge d'instruction
constate son identité, lui donne connaissance du réquisitoire introductif, de la
plainte ou de la dénonciation, l'informe de ses droits et procède aux formalités
prévues aux deux derniers alinéas de l'article 116. Mention de cette information
est faite au procès-verbal.
Le juge d'instruction peut, par l'envoi d'une lettre recommandée, faire
connaître à une personne qu'elle sera entendue en qualité de témoin assisté.
Cette lettre comporte les informations prévues à l'alinéa précédent. Elle précise
que le nom de l'avocat choisi ou la demande de désignation d'un avocat
commis d'office doit être communiqué au greffier du juge d'instruction.
Article 113-5
(Créé à compter du 1er janvier 2001, L. no 2000-516, 15 juin 2000, art.
33 et 140)
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Le témoin assisté ne peut être placé sous contrôle judiciaire ou en
détention provisoire, ni faire l'objet d'une ordonnance de renvoi ou de mise en
accusation.
Article 113-6
(Créé à compter du 1er janvier 2001, L. no 2000-516, 15 juin 2000, art.
33 et 140)
À tout moment de la procédure, le témoin assisté peut, à l'occasion de
son audition ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception,
demander au juge d'instruction à être mis en examen; la personne est alors
considérée comme mise en examen et elle bénéficie de l'ensemble des droits
de la défense dès sa demande ou l'envoi de la lettre recommandée avec avis
de réception.
Les dispositions de l'article 1 05 ne sont pas applicables au témoin
assisté.
Article 113-7
(Créé à compter du 1er janvier 2001, L. no 2000-516, 15 juin 2000, art.
33 et 140)
Le témoin assisté ne prête pas serment.
Article 113-8
(Créé à compter du 1er janvier 2001, L. no 2000-516, 15 juin 2000, art.
33 et 140)
S'il apparaît au cours de la procédure que des indices graves ou
concordants justifient la mise en examen du témoin assisté, le juge d'instruction
ne peut procéder à cette mise en examen en faisant application des
dispositions du septième alinéa de l'article 116 qu'après avoir informé la
personne de son intention, le cas échéant par lettre recommandée, et l'avoir
mise en mesure de faire connaître ses observations. Il peut également procéder
à cette mise en examen en adressant à la personne, en même temps que l'avis
de fin d'information prévu par l'article 175, une lettre recommandée précisant
chacun des faits qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique, et
l'informant de son droit de formuler des demandes d'actes ou des requêtes en
annulation sur le fondement des articles 81, 82-1, 82-2, 156 et 173 pendant une
durée de vingt jours. La personne est également informée que si elle demande
à être à nouveau entendue par le juge celui-ci est tenu de procéder à son
interrogatoire.
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Article 654
Lorsque la comparution n'a pas été demandée ou n'a pas été autorisée,
la déposition est reçue par écrit dans la demeure du témoin, par le premier
président de la cour d'appel ou, si le témoin réside hors du chef-lieu de la cour,
par le président du tribunal de grande instance de sa résidence.
Il sera, à cet effet, adressé par la juridiction saisie de l'affaire, au
magistrat ci-dessus désigné, un exposé des faits, ainsi qu'une liste des
demandes et questions sur lesquels le témoignage est requis.
Article 655
La déposition ainsi reçue est immédiatement remise au greffe ou
envoyée, close et cachetée, à celui de la juridiction requérante et
communiquée, sans délai, au ministère public ainsi qu'aux parties intéressées.
A la cour d'assises, elle est lue publiquement et soumise aux débats.
Article 656
La déposition écrite d'un représentant d'une puissance étrangère est
demandée par l'entremise du ministre des affaires étrangères. Si la demande
est agréée, cette déposition est reçue par le premier président de la cour
d'appel ou par le magistrat qu'il aura délégué.
Il est alors procédé dans les formes prévues aux articles 654, alinéa 2,
et 655.
Article 689-1
(L. no 75-624, 11 juill. 1975, art. 12; L. no 92-1336, 16 déc. 1992, art. 61
et 373)
En application des conventions internationales visées aux articles
suivants, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se
trouve en France, toute personne qui s'est rendue coupable hors du territoire de
la République de l'une des infractions énumérées par ces articles. Les
dispositions du présent article sont applicables à la tentative de ces infractions,
chaque fois que celle-ci est punissable.
Article 689-2
(L. no 85-1407,30 déc. 1985, art. 72-1; L. no 92-1336, 16 déc. 1992, art.
61 et 373)
6
Pour l'application de la convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le 10
décembre 1984, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à
l'article 689-1 toute personne coupable de tortures au sens de l'article 1er de la
convention.
/,. ~ -274- - N" ll2 ..I. lL
1" MINISTÈRE PUBLIC. - Instruction. - Réquisitoire supplé~
tif. - Limitation de l'étendue de la saisine du juge
(non).
2° PROCÈS-VERBAL.
nale d'enquête
et des Prix.
- Force probante. - Brigade natio"
de la direction du Commerce intérieur
l" Les réquisitions du procureur· de la République tendant à rest·reindre .
l'étendue de la saisine du juge en cours d:instruction sont ino11é•
rantes (1) le juge est tenu de statuer par ordonnance du règlement
su.r tou.s les faits dont il a été régulièrement saisi.
2" Les éléments recueillis par la brigade nationale d'enquête
direction du Commerce intérieur et des Prix constituent un mode
de preuve, non seulement des infractions économiques ril.ais aussi
de tous délits.
CASSATION sur .le pourvoi formé par la ville d'Amiens, contre un arrêt
rendu ie 18 février 1976 par la Chambre d'accusation de la Cour d'appel
d'Aix·en-Provencc qui a décidé que le juge d'instruction était incompétent
pour connaître d'une constitution de partie civile.
2'1 mars 1977.
LA COUR,
Vu les mémoires déposés tant en demande qu'en défense;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles. 40
et 41 du décret du 6 juillet 1810 modifié par le décret du 13 décembre
1955, des articles 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut dé
motifs, manque de hase légale,
«en ce que la Chambre d'accusation était présidée poer Mme Challe,
président suppléant en l'absence du titulaire légalement empêché;
« alors que le président empêché doit être suppléé par un magistrat
désigné par ordonnance du premier président ou, à défaut, par le
conseiller le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, et
(1) Cf. Ch. crirn., 18 juillet 1908, Bull. crim., n° 322, p. 600 (cassation);
cf. Ch. crim., 30 juillet 1921, Bull. crim., n• 224, p. 541 (cassation); cf •.
Ch. crim., 12 juillet 1951, Bull. crim., n• 207, p. 356 (cassation); cf. Ch. crirn.,
23 mars 1954, Bull. crim., n• 117, p. 208 (cassation); cf Ch. crbn., 8 d'emtt•
bre 1955, Bull. crim., n• 554, p. 971 (rejet).
-275-
l'absence de toute précision, il est impossible à la Cou·r de
de vérifier si M'"" Challe avait bien la qualité exigée par
que l'arrêt mentionne qu'ii a iété « fait... en Chambre du
le onze février mil neuf cent soixante seize, la Chambre d'accu·
trouvant composée comme à l'audience du vingt et un jan·
neuf cent soixante seize, où siégeaient Mm• Challe président
en remplacement du titulaire légalement empêché, les conseil.
Doze et Tomasini... :1> ;
qu'il se déduit de ces énonciations que la Chambre d'accuétait
composée de magistrats régulièrement désignés par l'assem·
générale de la Cour, conformément au~ prescriptions de l'article 191
Code de procédure pénale;
cet état, et en vertu des dispositions particulières de ce texte,
ppartenait à Mme Challe, désignée comme président suppléant
la présidence de la Chambre en l'empêchement dûment cons·
du président titulaire; '
le deuxième moyen de cassation pris de la violation des article~ 52,
85, 86, 87, 203, 210, 575, 591 et 593 du Code de procédure
, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale,
« ert ce que l'arrêt attaqué a déclaré le juge d'instruction de Mar·
incompétent pour connaître de la : constitution de partie civile
ville d'Amiens; . ·
c aux motifs que la démarche du magistrat instructeur a été à ce
ascendante, remontant du particulier au général, c'est-à-dire des
qui ont pu immédiatement entraîner les préjudices invoqués à
causes; que l'intervention de la ville d'Amiens, qui n'a pas eu pour
J:élargir sa saisine antérieure, à la ~upposer admise, impliquerait
démarche en sens inverse, du générql au. particulier dans un axe
différent, donc une recherche de conséquences éventuelles
frauduleux, sans lien de cause à effet avec celles dont il
aCtuellement et ainsi en dehors de sa saisine;
que la compétence du juge d'instruction s'apprécie au niveau
dont il est saisi et non de leurs conséquences; que la Chambre
i:t:ûsàtion a reconnu elle-même que l~ juge d'instruction de Mar·
demeuré saisi in rem des faits ayant un lien de cause à
le préjudice subi par les partie$ civiles et notamment la ville
et que sa compétence s'étendait manifestement de manière
îndimsible aux concertations nationales des compagnies pétroliè-res; que
en contradiction avec ses propres constatations, et à la faveur
dépourvus de toute pertinence, que la Chambre d:accusation
compétence du juge d:instruc~on pour connaître des délits
sut toute l'étendue du territoire -:- et spécialement à Amiens -
par des faits dont une partie s'est accomplie à Mar-
276-
Et sur le troisième moyen de cassation pris. de la violation des
articles 6, 80 et suivants, 85, 86, 87, 575, 591 et 593 du Code de
procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de hase
légale,
«en ce que l'arrêt attaqué a dit le juge d'instruction
pour connaître de la constitution de partie civile de la ville d'Amiens i
«alors que selon les propres énonciations de l'arrêt attaqué,
réquisitoire supplétif du 8 février 1974 impliquait que le juge d'insertion
était saisi dans son ensemble du concert frauduleux envisagé
de ses conséquences; que sur l'action publique ainsi déclenchée
et qui ne pouvait être nî éteinte ni restreinte par un réquisitoire
rieur - le juge d'instruction avait l'obligation d'informer; que
re/us de connaître des faits dénoncés par la ville d'Amiens, et
s'inscrivaient dans le cadre du réquisitoire du 8 février 1974,
à un refus d'informer décidé illégalement hors des cas limitativement
énumérés par la loi;
«et alors qu'en toutes hypothèses, et quelles que soient les
tions du Parquet, la constitution de partie civile a déclenché l'action
publique et obligeait le juge d'instruction à informer sur les faits
dénoncés qui revêtaient une qualification pénale et qui devaient ~tre
légalement poursuivis »;
Les moyens étant réunis;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 575 du Code de
pénale;
Attendu que le juge d'instruction est tenu d'informer sur tous
faits dont il a été régulièrement saisi; qu'il n'appartient pas au
rettr de la République de restreindre ultérieurement l'étendue de
saisine;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de nrnr>,';rln~"
auxquelles il se réfère que :
1• Trois revendeurs de combustibles ont pris l'initiative de se
tuer parties civiles des chefs de coalition, au sens de l'article 419
Code pénal, et de refus de vente, en imputant aux
sociétés de distribution de produits pétroliers d'avoir conclu des
sur les prix à pratiquer pour se réserver des adjudications de
publics et d'avoir, notamment au cours d'une réunion tenue le
temhre 1970, imposé la suppression des avantages consentis aux
médiaires, qui, ayant soumissionné à des conditions plus
que celles des membres de l'entente, avaient été déclarés
que les réquisitoires introductifs visaient les seuls faits dénoncés
ces parties civiles;
2" Le procureur de la République a délivré le 8 février 1974
réquisitoire, se référant d'une part à une ordonnance du 22 . juin
communiquant le dossier pour qu'il soit requis ce qu'il !l.ppartiel
le délit d'entrave à la liberté des enchères, d'autre part à « de.s
-277-
il.o!lveaux » portés à sa connaissance par la brigade nationale d'enquêtes
direction du Commerce intérieur et des Pri.x du ministère des
Finances, afin qu'il soit informé supplétivement contre 43 personnes
et «les responsables qualifiés» des . sociétés Total, Esso,
, Elf, Shell, B P, Mobil et Fina contre lesquels il résultait desdits
des présomptions graves d'infractions aux articles 412, 419 et 420
Code pénal et de complicité de ces délits;
A la suite d'une ordonnance de soit-communiqué du 21 février
aux fins de préciser l'étendue de la saisine du juge «pour les
nouvelles visées au réquisitoire supplétif du 8 février 1974 »,
seèond réquisitoire du 17 mai 1974, d'une part a précisé que la
ne concernait pas le délit d'entente prohibée, le mini&tre des
n'ayant pas déposé la plainte exigée par l'article 59 quater
l'ordonnance n• 45-1483 du 30 juin 1945, d'autre part a répondu
la saisine du juge restait limitée aux faits relevés par les trois
Civiles initiales, au motif que les fonctionnaires de la brigade
nationale qui seraient sans qualité pottr rechercher « des délits de droit
commun», avaient recueilli des éléments n'établissant à la charge des
dénommées aucune présomption de.'.culpahilité;
4• Le maire de la ville d'Amiens, par lettre du 10 juin 1975, a
c: déclaré se constituer partie civile à l'occasion de l'information ouverte
· entente illicite portant sur des marchés de produits pétroliers »,
13 juin 1975 a été dressé un acte de «constitution de part.ie
intervenant», se référant à l'article 87 du Code de procédttre
et visant les articles 412, 419 et 420 du Code pénal ainsi que
.J'ordonnance du 30 juin 1945;
que la Chambre d'accusation a décidé que le juge d'ins·
était incompétent pour connaître d'une intervention concernant
étrangers à la procédure, le réquisitoire du 17 mai 1974 « révéla
manière la plus claire, que le Ministère public ... n'a pas
pour autant, modifier l'étendue de la saisine antérieure»; qu'elle
a déduit qu'il devenait surabondant de s'expliquer sur un lien
connexité entre faits dénoncés par la plaignante et faits objets de
· Mais attendu qu'en statuant ainsi, la Chambre d'accusation n'a pas
une hase légale à sa décision d'incompétence;
Qu'en effet, le réquisitoire supplétif du 8 février 1974, pris indépende
toute plainte, a mis en mouvement l'action publique des
· d'infractions aux articles 412, 419 et 420 du Code pénal, et
complicité de ces délits, contre les auteurs des « faits nouveaux »
au cours d'une enquête de la brigade nationale de la direction
intérieur et des Prix du ministère des Finances, enquête
contrairement à une affirmation erronée de l'arrêt, constitue un
de preuve à l'égard de tout délit, par application des disposi.......
~ de l'article 427 du Code de procédure pénale, dès lors que la loi
pas autrement;
-27
..;>,>.
~
Et sur le troisième moyen dr \
articles 6, 80 et suivants, 85, , .0'?procédure
pénale, défaut et cr;:.,... {.
légale, . %; . co,. ~·
~;"'~%. ~
«en ce que l'arrêt attao%, "' ~~\l' ...0%
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re,q uM. J.t oz.r e suppl e, n. , d ~- d' ~ - co ...._ co ~ ~ ~ c>'ê;- Y~, çv.
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.es parties devant la même cour autrement
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.., Pierre Mongin. - Rapporteur: M. Faivre. - Avocat
M. Aymond. -Avocats: M. Waquet, de Ségogne, Pradon,
Labbé et Consolo .
N• ll3
CASSATION.- Pourvoi.- Délai.- Prolongaûon,- Force
majeure. - Nécessité.
Si dans des cas exceptionnels, il peut être dérogé aux prescriptions de
l'article 568 du Code de procédure pénale relatives aux délais du
pourvoi en cassation, c'est à la condition que par un événement de
force majenre ou par un obstacle invincible et indépendant de sa
volonté, le demandeur se soit trouvé dans l'impossibilité de s'y
conformer (1).
(1) Cf. Ch. crim., 7 mars 1931, Bull. crim., n• 73, p. 136 (irrecevabilité);
cf. Ch. crim., 5 février 1948, Bull. crim., n• 43, p. 62 (irrecevabilité); cf.
Ch. crim., 4 janvier 1963, Bull. crim., n• 2, p. 2 (irrecevabilité) ..
-279-
IRRECEVABILITÉ du pourvoi de Nicolas (Jean-Claude) contre un arrêt
de la Cour d'appel de Paris, 9• Chambre, du 5 avril 1976 qui, pour recel
d'abus de confiance, l'a condamné à six mois d'emprisonnement, 2 000 francs
d'amende et à des réparations civiles.
28 mars 1977. w 76-91.433.
LA COUR,
Vu le mémoire produit;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu que l'arrêt attaqué mentionne que la cause a été appelée,
instruite et débattue à l'audience de la Cour d'appel du 15 mars 1976
où le prévenu Nicolas a comparu assisté de son conseil; que ledit
jour, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 5 avril
1976, avertissement de cette remise ayant été donné au prévenu par
le président; que l'arrêt, condamnant contradictoirement Nicolas, pour
recel d'abus de confiance aux peines ci-dessus précisées et à des réparations
civiles a été effectivement rendu à.'_cette date du 5 avril 1976;
Attendu que Nicolas n'a formé son pourvoi en cassation contre ledit
arrêt que ie 30 avril 1976, soit après l'expiration du délai prévu par
l'article 568, alinéa l'"', du Code de procédure pénale; que, pour soutenir
que ce pourvoi devait, néanmoins, être tenu pour recevable, il
allègue qu'il a été dans l'impossibilité de le formuler dans le délai
de la loi du fait qu'à l'issue de la première audience du 15 mars 1976,
alors qu'il rentrait en voiture à son domicile, il a été victime d'un
accident de la circulation, lequel, selon les termes d'un certificat médical
qu'il produit « a provoqué un ébranlement cérébral avec obnubilation
persistante nécessitant un repos absolu de deux mois »;
Attendu que si, dans des cas exceptionnels, il peut être dérogé aux
prescriptions de l'article 568 précité du Code de procédure pénale
relatives àux délais du pourvoi en cassation, c'est à la condition que
par un événement de force majeure ou par un obstacle invincible et
indépendant de sa volonté, le demandeur se soit trouvé dans l'impossibilité
de s'y conformer; ·
Que tel n'est pas le cas en l'espèce; qu'en effet, le certificat médical,
. d'ailleurs non daté, que Nicolas a produit ne saurait faire la preuve
soit par lui-même, soit par le ministère d'un avoué près la
d'appel, soit par un fondé de pouvoir spécial, le demandeur n'a pu
en mesure de formaliser son pourvoi dans le délai légal, alors
' qu'il résulte, au surplus, d'un btùletin d'hospitalisation qu'entré au
centre hospitalier régional d'Orléans le 15 mars 1976, il en est sorti le·
13 mars suivant;
pourvoi doit être déclaré irrecevable comme tardif;
.f
..
- 614-
N" 234
1" CHOSE JUGÉE. - Décisions suceptihles. - Décision d'avau
dire droit. - Expertise (non).
2• EXPERTISE. - Opportunité. - Appréciation souveraine d
juges du fond.
P L'autorité de la chose jugée ne s'attache pas à une décision ava
dire droit ordonnant une expertise (1).
2° En matière correctionnelle les juges du fond apprécient l'opportunit
d'une expertise ou d'un complément d'expertise. Leur décision sur
point est souveraine dès qu'elle est légalement motivée (2).
REJET du pourvoi de Trolliet (Julien) contre un arrêt de la Cour d'app
de Paris, en date du 2 février 1972 qui, pour injures et diffamatio
publiques envers des particuliers, l'a condamné à deux mois d'emprison
ment avec sursis et à une amende de 800 francs, ainsi qu'à des réparatio
civiles.
11 juillet 1972. N• 90. 788;7,
LA COUR,
Vu le mémoire produit;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1 ·
et suivants du Code de procédure pénale, de l'article 6 du même Cod
de l'article 64 du Code pénal et de l'article 7 de la loi du 20 avri
1810 défaut de motifs et manque de base légale.
« en ce que l'arrêt attaqué est entré en condamnation contre le préven
sans vider au préalable la question de sa responsabilité pénale;
« alors que par un jugement définitif, une expertise mentale avait ét
ordonnée; que le rapport de carence des experts, déposé au prétexte qu
le prévenu refusait de se présenter aux convocations, ne pouvait être adm ·
par la Cour d'appel puisqu'elle a,constaté qu'en réalité le prévenu ava
été entendu à deux reprises par les experts »;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et de celle
du jugement dont il adopte les motifs non contraires que par jugemen
avant dire droit du 12 décembre 1969, devenu définitif, le Tribunal
ordonné une expertise médicale aux fins de déterminer si, au moment d
faits, Trolliet se trouvait en état de démence, au sens de l'article 6
(1) Reiet. 14 t!P~emhrP. lQE\4 R ~a~ n F.7fl, T~~------1..!1:.! "
-615 - .JJ.-
d.u Code pénal, et, dans la négative, si sa responsabilité pénale devait
être considérée comme entière ou atténuée; que les experts ont déposé
:le 6 mai 1970, un rapport de carence, Trolliet ayant « explicitement
refusé», par écrit, de déférer aux convocations qu'ils lui avaient adressées;
!{tue dans ces conditions les premiers juges ont renoncé à l'expertise
:'qu'ils avaient prescrite, et ont statué eur les poursuites dont ils étaient
·~11aisis;
:· Qu'après avoir mentionné les déclarations de Trolliet, selon lesquelles
les experts l'auraient entendu, à deux reprises, près de six mois après
·avoir déposé le rapport de carence susvisé, l'arrêt attaqué énonce que
ni le prévenu ni les parties civiles ne sollicitent une telle expertise, et que
es éléments de la cause n'en font pas apparaître la nécessité;
, Attendu qu'en se fondant sur ces motifs pour décider qu'il y avait lieu
cie statuer en l'état, la Cour d'appel n'a violé aucun des textes de loi
~. t , .VISes au moyen ;
'. Qu'en effet le jugement par lequel le Tribunal avait ordonné une
'èxpertise médicale, présentait le caractère d'une décision d'avant dire
.dtoit à laquelle ne s'attachait pas l'autorité de la chose jugée et qui
laissait, dès lors, la Cour d'appel libre d'apprécier souverainement si
cette expertise était, ou non, nécessaire, pour l'éclairer;
Qu'ainsi le moyen n'est pas fondé;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
REJETTE le pourvoi.
:,Président : M. Costa, conseiller doyen faisant fonctions. - Rapporteur :
(M. Mongin. -Avocat général: M. Boucheron. -Avocat: M. Waquet.
- Visa. - Portée.
PRESCRIPTION. - Action publique. - Interruption. -
Acte d'instruction ou de poursuite. - Pluralité d'auteurs.
- Acte n'impli<fUant pas tous les auteurs, co-auteurs ou
complices.
I" Le visa, dans le réquisitoire introductif, des pièces qui y sont jointes,
· équivaut à une analyse desdites pièces, et, en conséquence, celles-ci
déterminent, par les indications qu'elles contiennent, l'ob jet exact et
l'étendue de la saisine du juge d'instruction (I).
~-
- 617-
- 616 - f
o ,. • • • • • ~e cours de la prescription en ce qni concerne le llemandenr qui n'a en
2 Un acte d mstructwn ou de poursuzte mterrompt la prescnpuon ~'.·.·. a t·c;pe' au trafic des 95 fra· d'héroïne par Nebbia et avait, ·à la
l' , d d l z· d l'. f . îrwn p r t • b e!far . .. e tous es auteurs, co-auteurs ~t c~mp, tees e m ractwn'filate dn transport illicite, cessé tout contact avec ce dernier et ses
meme s·ûs ne sont pas personnellement tmpltques dans cet acte (2)~omplices depuis au moins JO mois »;
ic ·
REJET du pourvoi de Mertz (Michel) contre un arrêt de la Cour d'appt_ Attendu , que pour . r~jeter l'excq;tion de pr,escr_iption s~ulevé~ ~ar
de Paris du 20 janvier 1972 qui, pour exportation de stupéfiants et part~:Mertz et declarer celm-ct coupable, d uue part, d avoir exporte, en fevner
cipation à une association formée en vue de commettre des infractions t~964., certaines quantités d'héroïne, substance inscrite au tableau B, et,
la I_égislation sur les stupéfiants, l'a co~da.mné .~ c~nq ans d'~~pris?n~emenf9'autre part, d'avoir fonn~ de m~rs 1?61 à, f~vrie; 1965 une asso~iation
e. ~.a une .amcnd~ d~ 36 000 franc.s, ams1 qua c~nq a~s. . ~ m~er~JCt~on d.t•.•.· . 1. 1 vue de commettre. des. mfractwns a la.It;gislattot.l su~ les stupefiants,
seJour et a, la pnvatwn pendant cmq ans, de droits specifies a l article 4j'arrêt attaqué, après avoir exposé les faits retenus a la charge du
du Code penal. fprévenu, énonce que le dernier en date de ceux-ci a été le versement,
fên février 1965, d'une amende que lui avaient infligée ses associés; que
No 90 719 72~ès poursuites ont été engagées par un réquisitoire introductif établi
Il juillet 1972.
LA COUR,
Vu le mémoire produit;
· 1 fie 21 décembre 1965 contre X ... pour infractions à la législation sur
~es stupéfiants; que ce réquisitoire, qui visait les articles L. 627 et suivants
. ~'ilu Code de la santé publiqüe, se référait à des pièces qui lui étaient
Êointes, et qui consistaient, d'une part, en un rapport de police du
~21 décembre 1965, et d'autre part, en une lettre adressée le même jour
Sur le moyen ~nique ~e cassation, pris de la ~violation de~ article~ lau procureur de la République par le directeur des services de police
du C?de_ ~e yro~edure p~nal~, 485 et 593 du ~erne Code, den~turatio~judiciaire de la sûreté nationale; que ces deux documents signalaient
du ~·eqms1totre mtroducttt ? mstance du 21 decembre 1965, defaut d11'existence d'un trafic international de stupéfiants auquel. se livrait m1e
motifs et manque de base legale, . . ,;,bande comprenant Nebhia, Desist et autres, et qui avait été révélé à
« en ce que l'arrêt attaqué déclare non couverts par la prescriptio~ia. suite de la découverte de 95 kg d'héroïne dont Nebbia était le
les faits reprochés au demandeur sur le fondement du réquisitoire d~pétenteur; que dès lors, selon l'arrêt, le réquisitoire susvisé avait saisi
21 décembre 1965; ~ejuge d'instruction non seulement du fait de détention illicite d'héroïne,
. . . . . limputé à Nehbia, mais aussi de tout le trafic de stupéfiants dans
« motL/s pns de ce que ce document vzse non seulement le fait quell·' . . } l d 1 ,. , · f · · · · ·
N bb · · ' ' , d' d 95 k d'h, .. . !î ,. ensem) e uque s msera1t ce ait, et avait am si mis en mouvement
e ,z a att et,e ,t r,o uve eten.t eur e g erome . mazs. tout .l e trafic. .d elll l·, ac.·t l·o n pub .l.I que contre tous ceux qm·, a• quel que ti· tre que ce fAu t, avai· ent,
stupefiants . re. ve, le, pa· r ce jau et non p, as seulement N· ebb. w m·a ts to. u.s · ceu· x.l•'e, " n ,v er t u d' une ent en t e part 1' c1· pe, a• ce t ra fi c;
ayant parttczpe a ce trafic, et que d autre part le dermer fait délictueu!tj~
imputé à Mertz du chef d'association en vue de commettre des infraction&k Que l'arrêt ajoute que l'association en vue de commettre des infractions
à la législation sur les stupéfiants se situe en février 1965, où il J~à la législation sur les stupéfiants est un délit continu et que la pres·
effectué le dernier versement pour le payement à l'amende mise à 9Jcription de l'action publique ne co1e1rt, à l'égard de chacun des associés,
charge; ,fqu'à partir de la cessation de son appartenance à l'association; qu'en
. , • • • , • • • • ·.1~~l;occurence Mertz était encore membre de l'association incriminée lorsqu'ii
. « alors que .l e. .r eqm, ïs ttoz, re l du d21 dl ecel mbre 1965 ava,u sazs~ le magzstra·t·... ·, .;.a · .· .v..e r·s e'. , en fe' vn·e r 1965 , l'a mend e susv·i se' e,. que, d ans ces c.· ond 1'.t·w .n s. 1e
mstructenr, amsz q~ z r.e~u te e a ettre Y annexee du commissaire!j.. '.~équisitoire introductif du 21 décembre 1965 a interrompu la prescripÙon
Crapoulet, d'un fau prens et concret, le trafic de Nebbia et de sesl~our tous les faits déli~tueux retenus à la charge du demandeur·
complices portant sur 95 kg d'héroïne, que si le juge avait eu la faculté~, . .. . . '
de poursuivre les délits connexes et inséparables du délit représentif.~ Attendu qu'en l'état de ces motifs, la Cour d'appel a justifié sa
par ce trafic, cette connexité et inséparabilité aurait dû concerner trè
précisément le fait concret ct précis dénoncé, à savoir le trafic visé d
95 kg d'héroïne, qu'ainsi le réquisitoire du 21 décembre 1965 ne pouvai
concerner que le délit d'association ayant abouti au transport illicite par
Nebbia et ses complices de 95 kg d'héroïne dans la journée du 20 décem'
bre 1965. et alors en conséquence qu'il ne peut donc avoir interrompu
Atte!ldu, en effet, que le visa, dans le réquisitoire introductif, des
1ièces qui y sont jointes équivaut à une analyse desdites pièces et
ù'en conséquence, celles-ci déterminent par les indications qu'elles
rttiennent, l'objet exact et l'étendue de la saisine du juge d'instruction;
e, A'autre part, selon les articles 7 et 8 du Code de procédure pénale; · ·
~ete. de poursuite interrompt la prescription à l'égard de tous les
iteurs, co-auteurs et complices de l'infraction, même s'ils ne sont pas
At!:hnnP.HAmP.nt imnliaués dans cet acte de noursuite: au'ainsi. au vu
·:
#
•·
! ~'!."'
- 618- - 619 -
valablement servi de ~ase~ aux pour_suites qui ont abouti à la condamnatio~ d'effet, aux crimes énumérés aux alinéas 1 et 2 d1t même article, et les
du de,.m an.d eur p, ar l arret attaque·' t~i· e' l.e' ments const~·t utt· 1 s propres a' c ha c un l d'l' · 't 1 e ces e ~ts ne saurazent e re
Qu Il smt de la que le moyen n'est pas fondé; ~f confondus (2).
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme; ~; 4" Il appartient à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur le
~.... point de savoir si l'écrit poursuivi en vertu de l'article 24, alinéa 3,
~~ de la loi du 29 juillet 1881 présente le caractère d'une apologie de f crime, entrant dans les prévisions de ce texte.
REJETTE le pourvoi.
Président: .M. Costa, conse!ll~r doyen, faisant fonctions.- Rapporteur.·Î.~.:·;·.. C A.SSATION PARTIELLE sur le pourvoi de: p Trolue (Foté); 2" Naisse·
M .. Mongm. - Avocat general : M. Boucheron. - Avocat: M. Defrt;. Une (Nidoish); 3" Fantozzi (Gabriel); 4" Harper (lones); s• Kaloi
llOlS. ,., ... (Richard); 6° Suet (Jean-Claude); 7° Yeiwéne (Yeiwéne); 8" Nemia (IPayeNn
236
1 o PRESSE. - Diffamation. - Personnes et corps protégés.
Groupes de }Jersonnes appartenant à une race ou à u
religion déterminée. - Groupe de personnes de rac,
blanche résidant en Nouvelle-Calédonie (oui).
2" PRESSE. - Diffamation. - Preuve de la vérité des faits diff
matoires. - Exclusion. - Diffamation concernant u
groupe de personnes appartenant à une race
religion déterminée.
3° PRESSE. - AtJologie de crimes.
spécifiés à l'article 24, alinéa 3,
1881. - Éléments constitutifs.
Apologie des erim
de la loi du 29 juill
4·" PRESSE. - Apologie de crimes. - Apologie des
spécifiés à l'article 24, alinéa 3, de la loi
1881.- Contrôle de la Cour de cassation.
1" La diffamation et l'injure qui sont publiquement commises enver.
le groupe des personnes de race blanche résidant en Nouvelle-Calédoni
et qui ont pour but d'exciter à la haine entre les citoyens ou habitant.
entrent dans les prévisions des articles 32, alinéa 2 et 33, alinéa
de la loi du 29 juillet 1881 (l).
2° Lorsque la diffamation entre dans les prévisions des articles 32, alin
2 et 33, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, la preuve de la vérité d
imputations diffamatoires ne saurait être admise.
3" L'apologie des crimes spécifiés à l'article 24, alinéa 3, de la loi
29 juillet 1881 est une infraction distincte de la provocation, non sui
,gène), épouse Eatene, contre un arrêt de la Cour d'appel de Nouméa du
25 novembre 1970 qui, d'une part, a condamné Trolue et Naisseline, chacun
à huit mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 1100 francs,
le premier pour apologie publique du crime de meurtre et pour injures
et diffamation publique envers un groupe de personnes appartenant par
leur origine, à une race déterminée, le second, pour complicité de ces
délits, et qui, d'autre part, pour complicité d'injures publiques envers un
groupe de personnes appartenant, par leur origine, à une race déterminée, a
condamné Harper à trois mois d'emprisonnement avec sursis, Yeiwéne et
Ka loi chaèun à deux mois d'emprisonnement avec sursis, Suet, F antozzi
et N emia, épouse Eatene, chacun à' un mois d'emprisonnement avec s·~rsis,
ledit arrêt ayant, en outre, ordonné la confiscation des tracts saisis.
Jl juillet 1972. No 93.211/70,
LA COUR,
Vu le mémoire produit;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 23,
, 24 § 3, 32 § 2, 33 § 2, de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de
· procédure pénale et 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs,
manque de base légale,
« en ce que l'arrêt attaqué a condamné les prévenus en tant qu'auteurs, et complices des délits d'apologie du crime de meurtre et de diffamation
et injure raciale commis par distribution d'un tract;
· « alors que la distribution doit réaliser l'élément de publicité qui est
constitutif des infractions et que les juges du fond n'en ont pas constaté
l'existence, n'ayant relevé soit qu'une communication entre les prévenus,
:Soit qu'une invitation à distribuer dont l'exécution ne peut résulter des
:SÎmples mots : « ce qui fut fait », ni de la déclaration qu'un autre
prévenu a distribué une vingtaine de tracts, sans aucune précision ni
constatation de fait de nature à établir qu'il y a eu véritable distribution
publique et non confidentielle »;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le tract
29 septembre 1992 - No 288, Criminelle 1 texte intégral affiché
1° CRIMES ET DÉLITS COMMIS PAR DES MAGISTRATS ET CERTAINS FONCTIONNAIRES.· Désignation de la
juridiction chargée de 1 instruction ou du jugement.·· Requête aux fins de désignation de juridiction .• Requête
présentéesans délai. • Enquête préliminaire. • Possibilité.
2° INSTRUCTION.· Réquisitoire.· Réquisitoire introductif. • Pièces justifiant la poursuite. ·Visa.· Portée.
1° L'obligation faite au procureur de la République de présenter sans délai une requête à la chambre criminelle
de la Cour de Cassation ne s'impose pas à ce magistrat lors de l'enquête à laquelle il fait procéder,
préalablement à la mise en mouvement de l'action publique (1).
2° Le simple visa, dans le réquisitoire introductif, des pièces qui y sont jointes équivaut à une analyse desdites
pièces, analyse qui est laissée à l'appréciation souveraine de la chambre d'accusation (2).
REJET du pourvoi formé par X .. , contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Bourges, en
date du 26 mai 1992, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises du département du Cher sous l'accusation de viols
sur mineure de 15 ans par personne ayant autorité.
« 29 septembre 1992.
N° 92·83.464
Vu le mémoire produit;
LACOUR,
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 85, 86, 593, 687 du Code
de procédure pénale:
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité de la procédure;
JI aux motifs qu'au vu des accusations portées par Mlle Y ... le 29 septembre 1989 contre
X ... , le procureur de la République a demandé aux services de gendarmerie, le 14
novembre 1989, de continuer l'enquête; qu'entendu le 11 décembre 1989, X ... a reconnu
s'être livré à divers attouchements et rapports sexuels sur sa nièce; que les allégations de la
jeune femme étaient insuffisantes à défaut de toute confirmation extérieure et appelaient
des investigations complémentaires; que c'est seulement au résultat de l'audition du mis en
cause et d'une confrontation que sont apparus les indices graves et concordants justifiant
l'inculpation et la présentation de la requête aux fins de désignation de la juridiction
d'instruction; que c'est d'ailleurs à la fin de cette audition que X ... a fait état de sa qualité
d'élu communal; qu'il ne saurait être reproché au procureur de la République d'avoir ignoré
les responsabilités administratives
de l'intéressé; que par ailleurs, aucune autre investigation n'a été effectuée avant la requête
précitée (arrêt attaqué p.3);
JI 1 °) alors que le procureur de la République doit adresser sans délai une requête à la
chambre criminelle de la Cour de Cassation dès qu'une des personnes énumérées à l'article
681 du Code de procédure pénale est susceptible d'être inculpée; même en l'absence de
présomptions sérieuses contre cette personne; que, pour rejeter l'exception de nullité de la
procédure, l'arrêt attaqué énonce que ce n'est que le 11 décembre 1989 que sont apparus
des indices graves et concordants de culpabilité; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel
a violé les textes susvisés;
"2o)·alors que la requête aux fins de désignation d'unejuridiction d'instruction doit être
présentée sans délai; qu'il résulte des propres termes de l'arrêt attaqué que le procureur de
la République a eu connaissance, au plus tard le 11 décembre 1989, de la qualité de K .. et
qu'il n'a présenté la requête à la chambre criminelle que le 8 février 1990; qu'en refusant
d'annuler la procédure d'enquête et l'instruction subséquente, la cour d'appel a violé les
textes susvisés ";
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 11 décembre
1989, sur instructions du procureur de la République, X ... a été entendu par les gendarmes
sur les accusations de viols portées contre lui par sa nièce; qu'après confrontation avec
celle-ci, il a reconnu les faits;
Attendu qu'à l'issue de cette audition, il a déclaré qu'il était adjoint au maire; qu'il a alors été
mis fin à sa garde à vue;
Attendu qu'après s'être fait communiquer les procès-verbaux de délibérations du conseil
municipal justifiant de la qualité de X ... , le procureur de la République a, le 8 février 1990,
présenté requête en désignation de juridiction; que, par arrêt du 14 mars 1990, la chambre
criminelle a procédé à cette désignation; que l'information a été ouverte le 12 avril 1990;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués; qu'en effet,
l'obligation de saisir la chambre criminelle de la Cour de Cassation d'une requête en
désignation de juridiction d'instruction ou de jugement n'est pas applicable lors de l'enquête
préalable à la mise en mouvement de l'action publique;
D'où il suit que le moyen doit être écarté;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 80, 591 et 593 du Code
de procédure pénale:
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité des actes de l'instruction;
" aux motifs que l'étendue de la saisine du juge d'instruction a été déterminée par l'arrêt de
la chambre criminelle de la Cour de Cassation ayant désigné la juridiction susceptible d'être
chargée de l'instruction; que la requête du procureur de la République à laquelle cette
décision faisait référence récapitulait avec l'arrêt de la cour d'appel de Bourges les éléments
de l'enquête annexés au réquisitoire introductif;
" 1 °) alors qu'un réquisitoire aux fins d'informer ne peut être valablement délivré que sur la
présomption d'une infraction déterminée dont il doit caractériser l'existence en visant des
faits précisément individualisés dans l'espace et le temps afin de permettre au juge
d'instruction de s'assurer de sa compétence et de déterminer l'étendue de sa saisine; qu'en
énonçant qu'il pouvait être suppléé à la carence du réquisitoire introductif par la requête en
désignation de juridiction et par l'arrêt de désignation prononcé par la Cour de Cassation, la
cour d'appel a violé les textes susvisés;
" 2°) alors qu'au réquisitoire introductif doivent être jointes les pièces sur lesquelles repose
la poursuite; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les poursuites reposaient sur les faits visés
dans la requête en désignation de juridiction; que cette requête n'a été jointe au dossier que
sur injonction faite par la chambre d'accusation par son arrêt du 5 mai 1992; d'où il suit que
le réquisitoire était irrégulier et que, par suite, la cour d'appel a violé les textes susvisés;
" 3°) alors que le juge d'instruction ne peut instruire que sur les faits expressément indiqués
dans l'acte qui le saisit; que les règles relatives à l'étendue de la saisine du juge
d'instruction sont d'ordre public; qu'en énonçant que le défaut de production de la requête
en désignation de juridiction, comportant seule les faits auxquels le réquisitoire introductif se
référait, n'avait pas préjudicié aux intérêts de la défense, la cour d'appel s'est prononcée par
un motif inopérant et violé derechef les textes susvisés ";
Attendu qu'il résulte de l'examen du dossier que, devant la chambre d'accusation, l'inculpé a
invoqué la nullité du réquisitoire introductif au motif que celui-ci portait simplement la
mention " Vu les pièces jointes ", sans aucune référence à ces pièces; que par les motifs
exactement reproduits au moyen, les juges ont rejeté cette exception;
Attendu que si c'est à tort que la chambre d'accusation s'est fondée sur la requête en
désignation pour justifier le rejet, sa décision n'encourt pas, pour autant, la censure dès lors
qu'il n'est pas contesté que les procès-verbaux d'enquête préliminaire ont été annexés au
réquisitoire introductif et que le simple visa, dans ce réquisitoire, des pièces qui y étaient
jointes équivaut à une analyse desdites pièces, analyse à laquelle la chambre d'accusation
a procédé souverainement;
D'où il suit que le moyen doit être écarté;
Sur le troisième moyen de cassation: (sans intérêt);
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente; qu'il en est de même de la cour
d'assises devant laquelle X ... a été renvoyé; que la procédure est régulière; qu'enfin, les
faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crimes par la loi;
REJETTE le pourvoi.
Président: M. Le Gunehec. -Rapporteur: M. Milleville. -Avocat général: M. Ga/and. -Avocat: la SCP Boré et Xavier.
(1) Cf. A rapprocher: Cd m., !8 tlécemhre 1984, Bull. crlm. 1984. u"409, p. J{J97 (rejet);
Cri m .. 28 jmn•ier 1985. Bull. crim. 1985. !1°42, p. 112 (rejet};
Cri m., 23 août 1989, Bult. cri m. lfJR.9, 11°.UO, p. 752 (reJet et cassatitm partielle);
Crim., 23janvier !99fJ, Bull. crim. l91JtJ, n"'42, p. 115 (cassation).
{2) q; A rapprocher: Crim .. Il juillet 1972, Bull. crim. 1972, u 0235,p.615 (rejet);
Crim., 27 juin 1.99!, Bull. crim. 1991, 1l 0285, p. 712 (niet et ca,'isathm partielle par J'oie de rerrrmchement sans renvoi);
Crim .. 28juiu1991. Bull. crim. 1991, n°28ï,p. 731 (rëjel):
Crim., 2]uin 1992, Hull. crim. 1992, u 0216, p. 598 (rejet).
>>
VOIR AUSSI:
Bull. 2002, VIII, no87
(c) Titres et sommaires- Service de Documentation et d'Etudes de la Cour de Cassation.
mort d'autrui, en relation avec une entreprise terroriste;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'en l'état du droit international, le crime
dénoncé, quelle qu'en soit la gravité, ne relève pas des exceptions au principe de l'immunité
de juridiction des chefs d'Etat étrangers en exercice, la chambre d'accusation a méconnu le
principe susvisé;
D'où il suit que la cassation est encourue; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de
Cassation étant en mesure d'appliquer la règle de droit et de mettre fin au litige ainsi que le
permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire;
Par ces motifs:
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la
cour d'appel de Paris, en date du 20 octobre 2000:
DIT n'y avoir lieu à informer;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.
Président: M. Cotte. - Rapporteur: Mme Chanet. -Avocat général: M. Launay. -Avocats: la SCP Piwnica et Molinié, M.
Bouthors.
})

HENRI LECLERC & ASSOCIES
Société Civile Professionnelle d'Avocats
5, rue CASSETTE -75006 PARIS
D 112
Monsieur le Procureur de la République
Près le Tribunal de Grande Instance de PARIS
4, Boulevard du P ALAJS
75001 PARIS
Nos Réf : FIDH c/ SAS SOU NGUESSO ET AUTRES
HL/CL- 025190
Monsieur le Procureur,
J'ai l'honneur, au nom de :
Paris, le 7 décembre 2001
o La Fédération Internationale des Droits de L'Homme (FIDH)
o L'Observatoire congolais des Droits de l'Homme (OCDH)
o La Ligue Française pour la Défense des Droits de 1 'Homme (Ligue des Droits de
l'Homme)
De déposer entre vos mains une plainte à l'encontre de:
o Monsieur Denis SASSOU NGUESSO, Président de la République du Congo
o Monsieur Pierre OBA, Ministre de l'Intérieur, de la sécurité publique et de
1' administration du territoire
o Monsieur Norbert DABIRA, Inspecteur Général des Armées
D Monsieur Blaise ADOUA, Général, Commandant de la Garde Républicaine dite garde
présidentielle
D Et tous autres
Pour les crimes contre 1 'humanité, disparitions et tortures, pour les faits exposés dans la
plainte ci-jointe.
Bien que les faits se soient déroulés sur le territoire de la République du Congo, le juge
français est compétent pour statuer sur le crime contre l'humanité en vertu de la coutume
intemationale et, en tout cas, sur les faits de tortures, conformément aux dispositions de
l'article 689-2 du Code de Procédure Pénale, de la convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre
1984.
Je joins à cette plainte :
o Le rapport de la Fédération Internationale des Ligues des. Droits de l'Homme
(FIDH du mois de juin 1999)
o Le rapport de la Mission Internationale d'enquête sur le Congo Brazzaville, de la
FIDH en date d'avril 2000
o Un rapport de Médecins Sans Frontières en date d'octobre 1999
o Le rapport du Haut Commissariat des Réfugiés des Nations Unies en date du 21
mai 1999
o Le récit de Monsieur Linot Bardin Duval TSIENO, rescapé du Beach de
Brazzaville relatant les faits dont il a été témoin.
Je me tiens bien entendu à votre disposition pour toutes précisions complémentaires.
Je vous prie de croire, Monsieur le Procureur, à l'assurance de ma haute considération.
Remi LECLERC
P.S. J'attire votre attention sur le fait que M. DABIRA est actuellement en France, pour un
temps peut être court.
1 D2
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme
Monsieur le Procureur de la République,
Monsieur le Procureur de la République
Près le Tribunal de Grande Instance de Paris
Par Porteur
Paris, le 5 décembre 2001
La Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme (ci-après la FIDH),
organisation non gouvernementale, ayant statut consultatif auprès des Nations Unies, de
l'UNESCO et du conseil de l'Europe, et d'observateur auprès de la Commission Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples, déclarée en France conformément à la loi de 1901 sur les
associations, ayant pour objet la défense des droits de l'homme conformément aux principes
inscrits dans la déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948, dont le siège est 17,
passage de la Main D'Or, 75011 - Paris, représentée par son Président, Monsieur SIKI
KABA, domicilié en cette qualité au dit siège, l'Observatoire Congolais des Droits de
l'Homme (ci-après OCDH), affilié à la FIDH et domicilié en cette occasion au siège de la
FIDH, représenté par son Président, Monsieur Parfait MOUKOKO, et la ligue française pour
la défense des droits de l'homme et du citoyen (ci-après la ligue), déclarée en France
conformément à la loi de 1901 sur les associations, ayant pour objet la défense des principes
énoncés dans les déclarations de 1789, 1793, la déclaration universelle des droits de l'homme
de 1948 et la Convention Européenne des droits de l'homme, prise en la personne de son
président, Monsieur Michel TUBIANA, demeurant 138, rue MARCADET- 75018- PARIS
-France,
Ayant pour avocat
Maître Henri LECLERC
Avocat au Barreau de Paris
Demeurant 5, rue CASSETTE- 75006 PARIS
Tél. : 01 44 39 30
Vest:
Chez lequel elles élisent domicile
Ont l'honneur de vous exposer les informations suivantes aux fins d'ître Henri LECLERC
Avocat au Barreau de Paris
Demeurant 5, rue CASSETTE -75006 PARIS
Tél. : 01 44 39 30
Vest:
Chez lequel elles élisent domicile
Ont l'hmmeur de vous exposer les informations suivantes aux fins d'ouvrir une information
judiciaire et prendre toutes dispositions utiles pour engager des poursuites à l'encontre des
personnes suivantes, étant précisé que la présence du général Norbert DABIRA est avérée sur
1
le territoire français à la date de la présente saisine. Elles vous demandent par conséquent, au
titre 6 de la convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants,
toutes mesures conservatoires aux fins d'assurer la détention de cette personne ou sa présence
sur le territoire français.
Les personnes visées par la présente demande sont les suivantes :
+ Monsieur Denis SAS SOU NGUESSO
Président de la République du Congo
Né en 1943 à EDOU, district d'OYO
Nationalité congolaise
Résidant à BRAZZAVILLE, BP 2947
+ Monsieur Pierre OBA
Général, Ministre de l'intérieur, de la sécurité publique et de l'administration du territoire
+ Monsieur Norbert DABIRA
Inspecteur Général des Armées
Résidant au 54, Allée des Tilleuls
BOIS PARISIS
77240 VILLEPARISIS
+ Monsieur Blaise ADOUA
Général, commandant de la Garde Républicaine, dite garde présidentielle
+ Et tous autres que 1' instruction pourrait révéler
La FIDH, l'OCDH et la LDH exposent ce qui suit:
A. Contexte
La République du Congo est un pays très riche en ressources naturelles. Il était classé dans les
années quatre vingt et au début des années quatre vingt dix parmi les rares pays africains à
revenu intermédiaire. La situation socio-économique était par conséquent enviable par rapport
à de nombreux autres pays africains. A cette réussite économique des années quatre vingt, le
succès d'une «conférence nationale souveraine» suivie d'élections libres au début des années
1990 a ajouté l'espoir d'un nouvel ordre politique et institutionnel stable. L'espoir n'a
cependant été que de courte durée. Aux élections libres et démocratiques et à l'alternance
pacifique a succédé, aussi violente que soudaine, une crise politique aiguë, émaillée de
guerres civiles violentes. Aujourd'hui, la République du Congo est à peine sortie de trois
guerres civiles particulièrement meurtrières qui en l'espace de cinq années, ont plongé le pays
dans un cycle de violences massives des droits de l'homme.
La République du Congo se subdivise en quatre zones géographiques, et la population est
répartie en 4 principaux groupes ethniques, à savoir: les Kongos, les Sanghas, les Tékés et les
M'bochis.
1993-1999: Les 3 guerres civiles du CONGO-BRAZZAVILLE
2
Première guerre civile : 1993
La première guerre civile éclate en 1993. Elle oppose, dans un premier temps, le Président de
la République Pascal LISSOUBA au maire de BRAZZA VILLE, Bernard KOLELAS
( miginaire du Pool, MCDDI). Pascal LISSOUBA, Bernard KOLELAS et Denis SAS SOU
NGUESSO se dotent de milices« ethniques» pour s'affronter.
Deuxième guerre civile : 1997
La deuxième guerre civile éclate le 5 juin 1997 et oppose les partisans de SASSOU
NGUESSO à ceux de Pascal LISSOUBA. Cette deuxième guerre civile donne lieu au
massacre de milliers de civils non armés.
Denis SASSOU NGUESSO évince le Président LISSOUBA et s'autoproclame président de la
République. LA guerre des milices atteint son comble entre juin et octobre 1997. Durant cette
période, la capitale est divisée en 3 zones :
Le Sud, contrôlé par les NINJAS (milice de KOLELAS)
Le Centre, contrôlé par les COCOYES (milice de Pascal LISSOUBA)
Le Nord, contrôlé par les COBRAS (milice de Denis SASSOU NGUESSO).
Les civils et les membres des forces de sécurité soupçonnés (généralement en raison de leur
origine ethnique) d'être favorables à l'un des groupes rivaux sont tués, mis en détention ou
conduit hors de chez eux pour être déplacés vers des zones mises sous contrôle des parties
adverses.
Troisième guerre civile:
En 1998, le nouveau pouvoir lance des offensives militaires d'une grande ampleur, en
direction des régions du Sud du Congo. Parallèlement les quartiers Sud de BRAZZA VILLE
(BAKONGO et MAKELEKELE) qui abritent des populations originaires du Sud sont
«pilonnés». Les forces gouvernementales se livrent à un véritable nettoyage des quartiers sud
et dans le reste du pays, des. massacres sont perpétrés dans la région du Pool, du Niari, et la
Lékoumou, et de la Bouenza. Les populations du Sud sont la cible manifeste du pouvoir. Le
sud du Congo, ainsi que le sud de Brazzaville sont le théàtre de violences, dont on mesure
jusqu'à ce jour, encore mal l'ampleur.
En décembre 1998, plusieurs centaines de milliers de personnes ont fui les combats et les
violences des groupes armés dans la capitale congolaise. La majorité des déplacés sont partis
dans le Pool, une zone de forêt tropicale, au sud de Brazzaville. Ces populations ont vécu
plusieurs mois dans un complet dénuement, prisonnières des milices, sans que les
organisations de secours ne puissent leur porter assistance.
Les disparitions.
Ces disparitions se situent à une période comprise principalement entre le 5 et le 14 mai 1999
et concernent des personnes qui s'étaient réfugiées dans la région du Pool durant la guerre
civile de 1998, et sont passées en république démocratique du Congo, avant de revenir au
Congo par le port fluvial de Brazzaville, à la suite d'un accord tripartite définissant un couloir
humanitaire sous les auspices du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR).
3
C'est le cas de BATANTOU FOUKI THADEE, 32 ans, habitant 319, rue Eugène KAKOU à
BAKONGO, commerçant au «Marché Total» situé au sud de BRAZZA VILLE, et arrivé le 5
mai 1999 au port fluvial de BRAZZA VILLE vers 17 h - 18 h en compagnie de son père
FOUKI THIMOTHEE. Après avoir franchi trois barrages de police et autant de fouilles, il est
séparé de son père et conduit dans une salle, soit disant pour interrogatoire. FOUKI
THIMOTHEE, en compagnie de plusieurs autres parents, attend la libération de son fils et sa
sortie de la zone portuaire. A 19h30, les forces de police les dispersent. Cinquante deux
jeunes- selon des témoignages- auraient été ainsi retenus ce jour là. Le lendemain, FOUKI
THIMOTHEE est retourné au port, pour s'enquérir de la situation de son fils.
11 a alors appris que tous les détenus- y compris son fils BATANTOU FOUKI THADEEavaient
été transférés vers les commissariats de la ville. Après des recherches infructueuses, il
s'est rendu à la direction des renseignements militaires puis à la garde républicaine, en passant
dans les services du colonel MAKAMOUNA, commissaire central de la ville de
BRAZZAVILLE. A ce jour, on est sans nouvelle de BATANTOU FOUKI THADEE et de la
cinquantaine d'autres jeunes concernés.
On peut citer également le cas des personnes suivantes, disparues dans les mêmes conditions :
NOUAN! Roland Stanislas, àgé de 38 ans, Sergent au Groupement Aéroporté ;
TOUANGA Narcisse, gendarme, arrivé le 8 mai 1999 au port fluvial de BRAZZAVILLE;
KATOUDI NDOLO MALONGA, 22 ans, élève
NKODIA EDGARD, 28 ans, policier
BOUKAKA NOEL, 42 ans, agent à l' ANAC
MOUTONDIA FREDDY JEAN FORTUNE, 34 ans, professeur de lycée
NGOUGA SAMBA SEVERIN, 24 ans
Le vendredi 14 mai 1999, plusieurs personnes ont également disparu du fait des agents
officiels censés les protéger. C'est ainsi que NIAMANKESSI DJAKATE EVRARD, 25 ans,
bachelier, en «production et santé animale» a été enlevé vers 16 heures 20 en même temps
que plusieurs autres personnes. Selon le conseiller politique du maire de l'arrondissement I
MAKELEKELE, Monsieur NGANGUIA, consulté à ce sujet, EVRARD aurait été détenu
entre mai et juillet 1999 dans le bàtiment de la Direction de la Protection de Hautes
Personnalités en face de la Présidence de la République. Des témoins ayant requis l'anonymat
affirment que ces enlèvements ont été souvent opérés par des militaires de la garde
présidentielle et des policiers en uniforme ou en civil utilisant des 4x4 TOYOTA HILUX
blancs non immatriculés. Ces témoins auraient reconnu, parmi ces hommes en armes, un
ce1iain VIT AL, guerrier de renom. Il faut noter que ces enlèvements se passent devant le
Commandant du poste de sécurité du port ATC, le commandant JEAN AIVE ALLAKOUA
qui a laissé entendre qu'il s'agissait d'actions des services spéciaux.
Ont également disparu dans les mêmes circonstances, NGOUANA PERCY, 19 ans, élève,
MAKOUNDON GONTRAND, 23 ans, commerçant et MALANDA DIDIER, 35 ans, agent
du ministère de 1 'agriculture.
On peut enfin citer les cas de BITSINDOU MESSMER RODRIGUE, àgé de 29 ans, étudiant
en sciences économiques, des frères TCHILOUEMBA TEDDY et TCHILOUEMBA STEVE,
àgés de 21 ans et 19 ans, arrivés au «BEACH» le 14 mai 1999 et retenus officiellement pour
une enquête de routine menée par des policiers, des gendarmes et des militaires en civil, parmi
4
lesquels se trouvait le commandant EAN AIVE ALLAKOUA, Commissaire du port fluvial, et
de le Capitaine OKO de la DST.
On estime à près de 200 le nombre de personnes disparues le même jour (14 mai 1999) et
dans les mêmes circonstances.
Dès avril 1999, le bureau du HCR au Congo, dans le cadre de l'accord tripartite avec le
Congo et la République Démocratique du Congo allait organiser le rapatriement des
personnes se trouvant dans le BAKONGO jusqu'à BRAZZA VILLE. Des rumeurs de
disparitions de ce personnes- parfois même des disparitions définitive- ont poussé le HCR1
à mettre en place, dès la fin du mois de mai 1999, un système de «monitoring» au Centre
Sportif de MAKELEKELE et au BEACH, pour un meilleur contrôle des retours. Le bureau
du HCR dispose d'une liste de 108 personnes disparues entre fin mai et juillet 1999.
MATONDO GLADYS PITINE, âgée de 23 ans, élève au collège des Trois Glorieuses à
BAKONGO-BRAZZAVILLE, arrêtée depuis le 27 mai 1998 en fait partie. Ayant saisi le
Ministère de l'Intérieur et de l'administration territoriale (MISAT), de ces cas de disparition,
le HCR en attend toujours la réponse.
Le Général OBA, Ministre de 1 'Intérieur, de la Sécurité et de 1 'Administration du Territoire, et
les membres de son cabinet - dont le Colonel MONGO - ont pourtant affirmé à la mission de
la FIDH qui s'est rendue sur les lieux en janvier 2000 n'avoir jamais entendu parler de ces cas
de disparitions. Le responsable du bureau du HCR au CONGO a tenu à préciser que son
personnel, qui s'occupait du monitoring, avait reçu des menaces de la part d'officiers et de
sous officiers. Il est également à noter qu'à chaque arrivée au BEACH de ces personnes
déplacées, un accueil particulier leur était réservé par les autorités publiques, notamment par
le maire de BRAZZA VILLE ou son délégué, ou encore par un représentant du gouvernement
qui faisait un discours de bienvenue et rassurait les nouveaux arrivants.
La présence active et répétée des autorités civiles tenant un discours de propagande
faussement rassurant au moment de l'arrivée des réfugiés au port fluvial de BRAZZAVILLE,
constitue un indice suffisant pour permettre d'affirmer leur implication dans un plan concerté,
avec les forces de l'ordre, tendant- sous le couvert d'un discours aux accents rassembleurs et
pacifistes - à traquer certaines catégories de personnes, en raison de leurs opinions politiques,
leur origine régionale ou ethnique sur la base de simples soupçons de participation à des
activités miliciennes «PRO-LISSOUBA» ou «PRO-KOLELAS».
Il faut également souligner l'attitude particulièrement surprenante du parquet de
BRAZZA VILLE. Monsieur le Procureur de la République a reconnu avoir été saisi d'une
requête de l'OCDH l'invitant à enquêter sur des cas de personnes disparues. Mais il n'a pas
cru devoir donner de suite à cette requête au motif- selon ses propres propos - «qu'elle
manquait de précision.»
Cela n'a pas empêché ce magistrat d'affirmer curieusement d'une part que le système
judiciaire congolais garantissait une protection efficace des droits de l'homme, et d'autre part
que dans le ressort territorial de compétence de sa juridiction, la situation générale des droits
de l'homme était satisfaisante.
1 Voir lettre du HCR adressée aux autorités de BRAZZA VILLE concernant les cas de disparitions en annexe.
5
Le comportement de ces autorités permet de craindre le pire, c'est à dire la systématisation
d'un sort semblable à celui des frères BOUEKESSA qui tentaient de faire regagner
BRAZZAVILLE par le BEACH et dont les corps ont été retrouvés, le 14 mai 1999, après leur
exécution sommaire 2 . Le sort des frères BOUEKESSA pourrait être réservé à d'autres
personnes parmi celles dont on est sans nouvelle à ce jour.
On peut encore citer le travail remarquable effectué par l'Association des Parents des
personnes arrêtées par la force publique et portées disparues, qui a recueilli et collecté les
témoignages de nombreuses familles sur les circonstances de ces disparitions. L'Association a
travaillé sur une période allant de mars à novembre 1999 et, a recensé plus de 350 cas de
disparitions. Le Président de cette association, le colonel MARCEL TOUANGA, a perdu son
fils, NARCISSE STANISLAS TOUANGA, au Port ATC de BRAZZAVILLE, dans les
circonstances suivantes: le 8 mai 1999, NARCISSE TOUANGA rentrait de MBANDZA
NGOUNGOU en compagnie de sa mère, deux cousins et une cousine. Ils regagnaient
BRAZZA VILLE par le couloir humanitaire sur la base des accords entre les deux Congo et le
HCR. Ils sont arrivés au port ATC de BRAZZAVILLE à 16 h 30. Dès leur arrivée,
NARCISSE TOU AN GA a été interpellé par des éléments de la garde républicaine (également
appelée garde présidentielle) qui se trouvaient sur le port en doublure de la police des
frontières. 125 personnes ont été interpellées ce jour là.
MARCEL TOUANGA, père du disparu, arrivait sur les lieux pour accueillir sa famille. Son
épouse lui a dit que le jeune avait été arrêté. Il a alors constaté que, avec un caporal chef du
nom de NOUANI ROLAND, son fils avait été mis à l'écart des autres éléments de la force
publique qui rentraient également et qui n'ont pas été inquiétés. Cela l'a intrigué: il est entré
dans le port et s'est adressé au commissaire du BEACH, le lieutenant colonel ALAKOUA à
qui il a demandé pourquoi son fils avait été mis à l'écart. Réponse du colonel ALAKOUA:
«J'ai été dessaisi de toute activité concernant les arrestations ce dont je m'étonne; je vous
conseille d'aller voir le capitaine OBOU. » Le plaignant s'est présenté au capitaine OBOUJ
qui s'est mis au garde à vous et lui a dit qu'ille connaissait. Il lui a demandé pourquoi s~n fils
avait été mis à l'écart. Le capitaine OBOU lui a répondu que c'était une question de place
dans le véhicule qui était déjà parti en direction de la DRM avec les éléments de la force
publique. Il a dit aussi qu'il y avait quelques questions à poser. Le colonel a proposé
d'emmener son fils et de le ramener le lendemain dans le service pour que lui soient posées
lesdites questions. Le capitaine OBOU a répondu que ce n'était pas possible sauf instructions
de ses chefs, principalement le général BLAISE ADOUA, commandant la Garde
Républicaine.
Le colonel TOUANGA a alors demandé à parler au général ADOUA par l'intermédiaire du
système de communication portatif. Le capitaine a répondu que son appareil ne fonctionnait
pas et qu'il ne savait pas où se trouvait le général ADOUA. Ce débat a duré trente-cinq
minutes. Il a tourné à la dispute. Le colonel TOUANGA a demandé au capitaine OBOU de
garder son fils sur place jusqu'à ce qu'il trouve le général ADOUA qu'il s'engageait à
contacter. Le capitaine OBOU a accepté. Le colonel a embrassé son fils et l'a engagé à garder
son calme pendant qu'il faisait les démarches.
Le général ADOUA était introuvable, même à son domicile où le colonel TOUANGF A a
laissé une lettre mentionnant l'arrestation de son fils et demandant sa libération.
2 Voir rapport OCDH-FIDH/CONGO-BRAZZA VILLE : «L'arbitraire de l'Etat, la terreur des milices », en
annexe.
6
Ensuite le colonel TOUANGA est allé au domicile du Ministre Gérard BITSINDOU qu'il a
vu en présence de témoins : Monsieur MOREL, maire de MAKELEKELE, et Monsieur
HOUNOUNOU, maire de BAKONGO, qui étaient chez le ministre. Le ministre a assuré le
colonel TOUANGA de son intervention et a promis que son fils serait libéré dans la nuit.
Malgré cette assurance, le colonel TOUANGA a contacté d'autres personnalités, notamment
le colonel EDGAR MOGANI, commissaire central de BRAZZA VILLE, et le colonel JEAN
PIERRE NGASSAKI, directeur du cabinet du ministre de l'intérieur. Ils l'ont également
assuré de leurs interventions. Il est retourné au port ATC; il n'y avait plus personne. Il a
attendu jusqu'à minuit; son fils ne revenait pas.
Le lendemain 9 mai 1999, vers 7 h.30, il est allé à la DRM où il a été informé, après lecture de
la main courante, qu'il n'y avait pas de sergent Narcisse TOUANGA. On lui a suggéré de
se rendre à la Garde Républicaine. Il y est allé et a été reçu par un lieutenant qui, après
vérification, a déclaré qu'aucun individu n'avait été déposé la veille au soir et lui a proposé
d'aller à la gendarmerie. Il est allé à la gendarmerie où il a effectivement trouvé 122 personnes,
mais pas son fils. Tous étaient assis dans une grande cour. Les collègues de son fils lui ont dit
qu'il n'était pas là.
Pendant qu'il était à la gendarmerie, un individu en civil, accompagné de quatre hommes
annés également en tenue civile, a ordonné que soient exécutés tous ceux qui se trouvaient là
car, comme ils étaient originaires du Pool, c'était des NINJAS3 et il fallait les décimer. Le
colonel s'est présenté à cet individu qui s'est mis au garde-à-vous, lui a dit qu'ille connaissait
et lui a affirmé qu'il avait des instructions pour exécuter tous ces gens . Le colonel lui a
répondu qu'ils appartenaient tous à la gendarmerie et qu'il ne pouvait gendarmes à leur
exécution sans autorisation de la hiérarchie de la gendarmerie. Il a demandé aux gendarmes de
faire appel à leurs chefs. Un colonel en civil est arrivé immédiatement et a ordonné à
l'individu de sortir de l'enceinte de la gendarmerie, précisant que ces gens étaient sous la
protection de la gendarmerie. C'est comme cela que ces jeunes gens ont échappé au massacre
(cf : article de presse : la Semaine Africaine du 13 mai 1999).
Le colonel TOUANGA s'est rendu à la Garde Républicaine, où la réponse fut la
même que précédemment. Il est alors retourné voir les personnalités qu'il avait vues la
veille. Toutes l'ont assuré de leur soutien. Ils étaient surpris d'apprendre que son fils n'avait
pas été libéré.
Le 10 mai 1999, il a rencontré le général Hilaire MOUKO qm commandait la
sécurité présidentielle. Celui-ci l'a assuré qu'il interviendrait.
Le 11 mai 1999, il s'est rendu à la Garde Républicaine où il a été reçu à 10 heures par le
conseiller du général ADOUA, le capitaine MBOSSA et le sergent-chef RIGOBERT
MOBED. Ils lui ont assuré que son fils était dans les geôles. Sur instruction du conseiller du
général ADOUA, le capitaine MBOSSA et le sergent-chef MOBED se sont rendus dans les
locaux de la Garde Républicaine dans le but de chercher Narcisse TOUANGA et de le
remettre à son père. Ils sont revenus une demi-heure plus tard sans Narcisse TOUANGA,
prétendant que, selon les personnes qui étaient dans la cellule, Narcisse TOUANGA et son
compagnon avaient été retirés le 9 mai en fin de matinée par un officier dont les grade et
identité n'avaient pas été mentionnés dans la main courante ou les documents du service.
' Milices de Bernard KOLELAS
7
Ils s'engageaient à retrouver son fils et lui donnaient rendez-vous pour le lendemain 12 mai à
11 heures.
Le 12 mai à 11 heures ils étaient au rendez-vous mais n'avaient toujours pas retrouvé le
sergent TOUANGA. Le sergent-chef MOBED reconnaissait formellement l'avoir
personnellement réceptionné, l'avoir protégé des taquineries des éléments de la garde
présidentielle et avoir même gardé son paquetage et ses chaussures.
En désespoir de cause, Marcel TOUANGA a utilisé ses relations pour se rendre
dans différents sites où des cadavres ont été jetés. Mais il n'y a pas trouvé son fils dont il est
jusqu'à ce jour sans aucune nouvelles.
On peut maintenant reconstituer ce qui s'est passé gràce au récit d'un survivant de ces
arrestations, actuellement en France et qui nous a confié son témoignage4. Il ressort du
récit de cette personne qu'à leur arrivée au port ATC de Brazzaville, un fort contingent de
cobras (milices de SAS SOU NGUESSO) était là pour accueillir les réfugiés. Ils ont séparé
les hommes des femmes. Les hommes de 5 à 75 ans étaient considérés comme des NINJAS
potentiels et étaient dirigés vers une salle pour subir un examen minutieux après avoir été
complètement déshabillés.
Vers 23 h, la porte s'est ouverte et il leur a été demandé d'abandonner tous leurs effets et de
rejoindre un bus "COASTER"qui était au milieu de la cour et qui les a conduits vers une
direction inconnue. A leur arrivée, l'ordre leur a été donné de se mettre en rang.
Le rescapé poursuit :
«On nous ordonna de nous mettre en rang, ce qui était du reste difficile, car nous étions
cagoulés. On nous intima ensuite l'ordre de nous mettre à plat ventre. Après une courte
pause on nous demanda de nous asseoir. Pendant tout ce temps, nous avions les mains libres.
A partir de ce moment les ordres qui suivirent furent donnés dans un patois certainement du
Nord du pays ce qui m'empêcha dy comprendre quoi que ce soit, alors que jusque là, tout
avait été dit en vernaculaire : LIN GALA. Cependant à la fin de cette litanie de phrases mêlées
d'onomatopées incompréhensibles, j'entendis ceci.- "alors qu 'est ce que tu attends pour
tirer ? ". Cette phrase apparemment bien choisie pour nous faire comprendre la situation
résonne encore et sans aucun doute résonnera toujours dans mes oreilles. Lorsque les coups
de feu ont brisé le silence de la nuit ; j 'étais encore naïvement persuadé qu'ils tiraient en
l'air. Je n 'avais pas vraiment entendu des cris d'agonie, car les tireurs ne laissaient pas de
chance à leurs victimes. Ils ne tiraient pas par rafales, mais au coup par coup. Je me
suis rendu compte de mon imminente exécution quand mon proche voisin s'est écroulé
sur moi atteint de deux ou trois balles » ...
B. Imputabilité des faits :
Les quatre personnes citées dans le présent document sont responsables des crimes commis au
Congo et visés en leur qualité de supérieur hiérarchique des auteurs directs de ces crimes.
1. Sur la responsabilité de Monsieur SASSOU NGUESSO
4 L'intégralité dudit témoignage figure en annexe du présent document
8
Monsieur SASSOU NGUESSO est le chef de l'état de la République du CONGO. La garde
présidentielle et les milices cobras assurent la sécurité rapprochée du Président et dépendent
donc directement de Monsieur SASSOU NGUESSO.
La commission des crimes de disparitions et de tortures dans le cadre de cette affaire a
nécessité l'implication de structures politiques ou militaires fortement hiérarchisées. C'est
l'existence de ces liens de hiérarchie et d'autorité et leur importance dans la commission des
crimes qui implique la poursuite, aux côtés de l'exécutant, du supérieur hiérarchique civil et
militaire.
Cette responsabilité du supérieur hiérarchique couvre juridiquement les situations d'inaction,
que celles-ci soient positives (tolérance pour les agissements de ses subordonnés) ou
négatives (négligence, délibérée ou non, dans la connaissance des agissements de ses
subordonnés) vis à vis des crimes perpétrés par ses subordonnés. En effet, par le biais du lien
hiérarchique, le supérieur est contraint par une obligation de punir ou d'empêcher son
subordonné de commettre des crimes.
Les chefs militaires sont tenus responsables des crimes commis par leurs soldats s'ils
«savaient ou, en raison des circonstances, auraient du savoim5 que ces crimes allaient être
commis et s'ils ont omis de prendre les mesures nécessaires pour prévenir ou réprimer ces
cnmes.
Le supérieur hiérarchique engage sa responsabilité pénale individuelle classique lorsqu'il
ordonne, sollicite ou encourage la commission d'un crime. «On peut ainsi, par analogie
juridique, qualifier d'inaction positive (tolérance) du supérieur hiérarchique civil ou militaire
comme une forme implicite d'encouragement aux exactions propres à engager sa
responsabilité pénale individuelle. Ce raisonnement fut d'ailleurs envisagé et souhaité par les
TPI qui, à plusieurs reprises, ont rappelé que le principe de la responsabilité pénale
individuelle doit prévaloir en cas de chevauchement sur le principe du chef militaire et du
supérieur hiérarchique. Cette inaction positive peut, en outre, être assimilée à un acte positif
de complicité susceptible d'engager la responsabilité pénale individuelle du supérieur
hiérarchique civil ou militaire. 6»
L'article 71 du Code de Justice Militaire français reprenant l'article 4 de l'ordonnance du 28
août 1944 énonce en son article 4 :
«Lorsqu 'un subordonné est poursuivi comme auteur principal d'un crime de guerre et
que ses supérieurs hiérarchiques ne peuvent être recherchés comme co-auteurs, ils
sont considérés comme complice dans la mesure où ils ont organisé ou toléré les
agissements criminels de leurs subordonnés.»
On peut, en effet, considérer que le supérieur hiérarchique militaire qui a manque a son
obligation de faire au regard des infractions commises par ses subordonnés, les a, de cette
5 Cette disposition est consacrée par de nombreux instruments relatifs au droit international humanitaire , y
compris le protocole additionnel n° 1 aux conventions de Genève (art. 86 et 87), les statuts des tribunaux
internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda (art. 7.3. et 6.3.) et le statut de la Cour Pénale Internationale
(Art. 28)
(} D'après la loi française: enjeux et tabous, rapport de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de
l'Homme (FIDH), septembre 2001
9
manière, aidés dans leur commission. L'inaction du chef militaire constitue un blanc seing
s'apparentant à la complicité.
Il convient également de rappeler la jurisprudence de la chambre du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda présidée par le juge LAITY KAMA qui a énoncé comme suit le
principe de la «responsabilité pénale du supérieur hiérarchique» tiré de l'article 6(3) du
Statut de ce Tribunal :
<<L'article 6 (3) n'exige pas nécessairement que le supérieur ait su, pour que sa
responsabilité pénale soit engagée. Il suffit seulement qu'il ait eu des raisons de savoir
que ses subordonnés étaient sur le point de commettre un crime ou l'avaient commis et
qu'il n'ait pas pris les mesures nécessaires ou raisonnables pour empêcher que ledit
crime ne soit commis ou pour en punir les auteurs. 7 »
La structure militaire mise en place au Congo démontre que les personnes visées dans la
présente saisine ne pouvaient ignorer les événements qui se déroulaient lors du retour des
populations congolaises à BRAZZA VILLE. Une lettre du Haut Commissariat aux Réfugiés
(HCR)8 datée du 21 mai 1999 alerte d'ailleurs directement lesdites autorités qui continuent à
ordonner ou laisser commettre les crimes décrits dans la présente plainte jusqu'en septembre
1999. On peut lire notamment dans ce courrier du HCR adressé au Ministre des affaires
étrangères, de la coopération et de la francophonie de BRAZZA VILLE, avec copie aux
ministres de l'intérieur et de la santé, le passage suivant:
«Malheureusement des informations nous parvenant font état de l'arrestation
régulière, à notre insu, de certains rapatriés. C'est ainsi que le 5 mai, vingt jeunes
gens auraient été arrêtés par des éléments armés et conduits vers une destination
inconnue et les familles n'auraient pas encore pu avoir de leurs nouvelles ni les
localiser. Le 10 mai, d'autres arrestations auraient également eu lieu. Par ailleurs, il
nous a également été signalé que le 12 mai, les 415 rapatriés en provenance de
KASANGUNIU en RDC9 auraient été l'objet de sévices et de mauvais traitements par
des éléments armés incontrôlés. Selon les rapports reçus, ces incidents se passeraient
essentiellement au Centre de NGANGA LINGOLO.
En ce qui concerne 1 'incident du 5 mai, la délégation régionale du (HCR) en avait
saisi par téléphone Son Excellence Monsieur LEON-ALFRED OPIMBAT, Ministre de
la santé et de la solidarité nationale et est toujours en attente des éclaircissements
promis.»
De par leurs fonctions, les personnes visées dans la présente plainte exerçaient une autorité
effective sur les forces armées impliquées. Elles avaient donc le pouvoir légal nécessaire pour
s'opposer et empêcher la commission des crimes commis. Leur responsabilité personnelle est
dès lors engagée et établie.
2. Sur l'immunité de Monsieur SASSOU NGUESSO en tant que chef de l'Etat
S'il était de règle de considérer qu'un chef d'Etat en fonction bénéficiait
traditionnellement d'une immunité de juridiction et d'exécution, la pratique des relations
7 Affaire Le Procureur cl Jean Paul AKA YESU, TPIR- 96-4-T, 2 septembre 1998
R Voir en annexe
9 République Démocratique du Congo
10
internationales ces dernières années permet, en s'appuyant sur les textes internationaux ainsi
que sur la coutume internationale, de faire évoluer ces principes.
S'agissant des instruments internationaux en matière de droits de l'Homme, nombreux sont
ceux qui consacrent la responsabilité personnelle pénale des auteurs, quelle que soit
leur qualité officielle, de violations graves des Droits de l'Homme. On peut citer ainsi, le
Traité de Versailles du 28 juin 1919, le statut du tribunal militaire de Nuremberg, dont les
principes ont été adoptés par l'Assemblée générale des Nations unies, l'article IV de la
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, les
Conventions de Genève, la Convention Internationale contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains et dégradants de 1954 (entrée en vigueur en 1987), la
Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées du
18 décembre 1992, ou encore les statuts des deux tribunaux ad hoc pour l'exYougoslavie
(article 7-2) et le Rwanda (article 6-2), qui ont de façon éclatante, eu l'occasion
de mettre en application le principe de l'absence d'immunité d'un chef d'Etat y compris en
exercice.
Ainsi, le Traité dé Versailles, en 1919, avait déjà reconnu que les immunités des Chefs d'Etat
en Droit international avaient des limites, particulièrement s'agissant des crimes
internationaux.
La responsabilité personnelle pénale des dirigeants avait également été prévue à l'article 7 du
Statut du Tribunal de Nuremberg, et le Tribunal de TOKYO a rendu des conclusions
similaires, en application de l'article 6 de son Statut.
Près de cinquante années plus tard, l'article 6 du statut du Tribunal international pour le
Rwanda précise en son paragraphe 2 que «la qualité officielle d'un accusé, soit comme chef
d'Etat ou de gouvernement, soit comme haut fonctionnaire, ne l'exonère pas de sa
responsabilité pénale et n'est pas un motif de diminution de la peine».
On peut également citer à l'appui de cette doctrine, l'ordonnance du Juge
V ANDERMEERSCH rendue le 6 novembre 1998 dans le cadre de l'instruction de la
procédure introduite contre Monsieur AUGUSTO PINOCHET, en Belgique, qui précise:
«(La personne ayant le statut d 'ancien chef de l'Etat) continue cependant à jouir des
immunités pour tous les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions de chef de
l'Etat ... Si les crimes reprochés actuellement à Monsieur PINOCHET devaient être
considérés comme établis, on ne saurait cependant considérer qu 'ils aient été
accomplis dans le cadre de ses fonctions : de tels actes criminels ne peuvent être
censés rentrer dans I 'exercice normal des fonctions d'un chef d'Etat, dont l'une
des missions consiste précisément à assurer la protection de ses concitoyens ».
En outre, l'immunité reconnue aux chefs d'Etat ne paraît pas s'appliquer en matière de
crime de droit international, tels que les crimes de guerre, les crimes contre la paix ou
les crimes contre l'humanité.»
(E. DAVID, Eléments de droit pénal international, 1997-1998, Presse Universitaire de
Bruxelles, p. 36-37)
11
Le juge V ANDERMEERSCH cite également, en appui de sa démonstration, un extrait
du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg : «La protection que le droit
international assure aux représentants de l'Etat ne saurait s'appliquer à des actes criminels. Les
auteurs de ces actes ne peuvent invoquer leur qualité officielle pour se soustraire à la
procédure normale et se mettre à l'abri du chàtiment (1er octobre 1946) ».
Le statut du Tribunal de Nuremberg est reconnu comme ayant cree des normes
coutumières. La doctrine dans son ensemble s'accorde à reconnaître que la coutume
internationale, en tant que source du droit international, fait partie du droit international
public. Par conséquent, la poursuite d'auteurs de crimes de droit international ne saurait être
sacrifiée au principe d'immunité des représentants d'Etat.
Ces principes ont par ailleurs été repris par le Statut de la Cour pénale internationale, adopté à
Rome le 17 juillet 1998, dans son article 27 :
« 1. Le présent Statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune
distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef
d'Etat ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un parlement, de
représentant élu ou d'agent d'un Etat, n'exonère en aucun cas de la responsabilité
pénale au regard du présent Statut pas plus qu 'elle ne constitue en tant que telle un
motif de réduction de la peine.
2. Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la
qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international
n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne.»
Le 25 novembre 1998, soit quelques mois après l'adoption le 17 juillet 1998 du Statut de la
Cour pénale, la Chambre des Lords, au moment de l'affaire PINOCHET, affirmait que le
principe d'immunité dont pouvait se prévaloir un Chef d'État devait céder devant les crimes
les plus attentatoires à l'humanité. Cette décision a été confirmée le 24 mars 1999, par cette
même Chambre des Lords dans une autre composition. Les frontières, selon ce statut, ne
peuvent plus être ni un prétexte pour commettre des crimes ni un abri. La plus haute position
au sein d'un Etat ne peut pas davantage fournir de paravent.
En outre, le 24 mai 1999, Monsieur SLOBODAN MILOSEVIC, Président de la
République Fédérale de Yougoslavie a été mis en accusation ainsi que quatre hauts
responsables, civils ou militaires par le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et
simultanément ont été délivrés à leur encontre des mandats d'arrêt internationaux. Monsieur
MILOSEVIC a depuis été arrêté et transféré à La Haye pour y répondre de ses crimes devant
le TPIY.
S'il était établi qu'un Chef d'Etat bénéficiait de l'immunité de juridiction et d'exécution, ce ne
pouvait être que pour les actes rentrant dans l'exercice normal de ses fonctions. Or, il ne peut
être considéré que des faits de torture et de mauvais traitements pratiqués par les plus
hautes autorités du Congo soient des actes rentrant dans l'exercice normal des fonctions d'un
Chef de l'Etat. En d'autres termes, Monsieur SASSOU NGUESSO ne saurait bénéficier du
principe d'immunité, et a fortiori ses ministres.
Il ressort de ces différents éléments que l'immunité d'un chef d'Etat, même en exercice, ne
peut être opposée, puisqu'elle aboutirait à ce qu'il n'y ait pas d'effectivité possible
des conventions internationales de défense des droits de l'Homme, qui deviendraient de ce fait
12
des déclarations d'intention, sans force contraignante et contraires aux lois et pnnc1pes
essentiels de l'humanité.
3. Sur le Général DABIRA en particulier
Le Général DABIRA est inspecteur général des années. L'inspection générale des
mmées comme toute inspection a le devoir de contrôler, surveiller et vérifier la conformité
et l'exécution des tâches dévolues aux différentes structures de l'armée. Ce contrôle s'exerce
au sein de toutes les structures militaires : au plan technique, tactique, logistique, administratif
etc.
L'Inspecteur Général des Armées rend directement compte au Ministre de la Défense qui
par conséquent prend les décisions qui s'imposent au regard des rapports qu'il reçoit de
l'Inspecteur. Dans le principe, l'action du Général Norbert DABIRA couvre aussi bien l'armée
de terre, de l'air que la marine. C'est pourquoi, il a sous sa responsabilité des Inspecteurs de
chaque Armée (Terre, Air, Mer) qui sont ses adjoints. A travers eux, il prend l'information et
rend compte au Ministre de la Défense qui prend, le cas échéant, des sanctions.
La responsabilité du Général Norbert DABIRA, en tant qu'Inspecteur Général des Armées
dans les événements de mars à septembre 1999 est manifeste. En effet, les enlèvements et
les disparitions avaient été opérés par des éléments de la Garde Républicaine (donc des
militaires), des éléments de la Direction Centrale des Renseignements Militaires (DCRM), des
éléments de la Direction de la Sécurité Militaire (DSM), des autres corps de l'armée postés le
long du couloir humanitaire. Les personnes enlevées ont parfois été détenues dans les locaux
de la DSM, DCRM, au Palais Présidentiel etc.
Pendant une aussi longue période, l'Inspection Générale des armées n'a, à notre
connaissance, posé aucun acte en vue de faire cesser les arrestations arbitraires massives et les
disparitions qui s'en suivaient. D'ailleurs, le Ministère de la Défense n'a jamais reconnu
l'existence des disparitions avant ces deux derniers mois où une Commission d'enquête
parlementaire a été mise en place, sans aucune efficacité jusqu'à présent, sous le poids de la
pression populaire ...
En tant qu'Inspecteur, le Général Norbert DABIRA a au moins encouragé les opérations ayant
conduit aux disparitions par son manque de réaction. Son rôle de contrôle des armées n'a pas
fonctionné. Aucun acte de répression ou de prévention n'a été observé en dépit du laps de
temps assez long qu'ont duré les événements visés. En outre, le Général Norbert DABIRA est
un Chef de guerre Cobra, animant une des écuries en guerre contre les NINJAS10 et les
COCOYES 11 en 1997, en 1998 et 1999. Or la guerre civile de décembre 1998 qui s'est
poursuivie jusqu'en 1999 a été un des prétextes pour les Cobras de faire enlever des jeunes
non armés, en civil et non combattant, qu'on suspectait, la plupart du temps à tort et sans
aucune preuve, d'être des NINJAS ou des COCOYES.
A ce niveau, le Général Norbert DABIRA, officier supeneur de l'année et Chef
des Cobras, assurément informé des dispositions des Conventions de Genève et donc du droit
de la guerre, aurait pu jouer un rôle important dans la prévention des arrestations arbitraires et
des disparitions qui ont suivi.
10 Milice de Bernard KOLELAS
11 Milice de Pascal LISSOUBA
13
II. DROIT APPLICABLE
A. La définition du crime de disparition
La Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées n'arrête
pas une définition, mais dans son préambule il incorpore une illustration de ce qu'est une
disparition forcée :
Préambule:
"Profondément préoccupée de constater que, dans de nombreux pays, des
disparitions forcées ont lieu, souvent de façon persistante, en ce sens que des
personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées contre leur volonté ou privées de toute
autre manière de leur liberté par des agents du gouvernement, de quelque service ou à
quelque niveau que ce soit, par des groupes organisés ou par des particuliers, qui
agissent au nom du gouvernement ou avec son appui direct ou indirect, son
autorisation ou son assentiment, et qui refusent ensuite de révéler le sort réservé à ces
personnes ou l'endroit où elles se trouvent ou d'admettre qu'elles sont privées de
liberté, les soustrayant ainsi à la protection de la loi "
Le Projet de Convention sur la protection de toutes les personnes contre les
disparitions forcées contient une définition ainsi qu'une liste d'actes incriminés au titre de
disparition forcée, et énonce les critères à retenir en matière de responsabilité pénale
individuelle.
Article premier :
«1. Aux effets de la présente Convention, on entend par disparition forcée la
privation de liberté d'une personne, sous quelque forme ou pour quelque motifs que ce
soit, causée par des agents de l'État ou par des personnes ou des groupes de
personnes qui agissent avec l'autorisation, l'appui ou l'acquiescement de l'État, suivie
de l'absence d'information, ou du déni de la reconnaissance de la privation de liberté
ou d'information, ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du
lieu où elle se trouve. "
"2. Le présent article est sans préjudice de tout autre instrument international ou de
toute loi nationale qui contient ou peut contenir des dispositions de portée plus
large. notamment en ce qui concerne les disparitions forcées commises par des
groupes ou des individus autres que ceux visés au paragraphe 1 du présent article. »
C. Les disparitions sont constitutives de crimes de torture
La disparition est un acte criminel complexe.
Elle est une violation de plusieurs droits de l'homme pour la personne qui la subit, et
notamment le droit à ne pas être arbitrairement privé de liberté et le droit à ne pas être
torturé. La Cour interaméricaine des droits de l'homme, dans son arrêt du 29 juillet 1988, dans
l'affaire VELASQUEZ RODRIGUEZ, a considéré que la disparition est une forme de torture
pour la personne disparue:
14
«156 .... L 'isolement prolongé et la privation de communication constituent en euxmêmes
un traitement cruel. et inhumain, portant atteinte à l'intégrité psychologique et
morale de la personne et une violation du droit de tout détenu au respect de sa dignité
en tant qu 'être humain. Un tel traitement viole par conséquent l'article 5 de la
Convention (interaméricaine des droits de l'homme) qui reconnaît le droit de tout
détenu au respect de sa dignité en tant qu 'être humain en prévoyant que : 1. Toute
personne a le droit de voir son intégrité physique, mentale et morale respectée. 2.
Personne ne sera soumis à la torture ou à un quelconque traitement cruel,
z.n }1 Umam. ou de,g ra da nt. »1 2
La disparition forcée, en tant que telle, constitue également une violation des droits de
l'homme des membres de la famille de la personne disparue : plus spécifiquement, elle
constitue un acte de torture et/ou de traitement cruel et inhumain à l'encontre les membres de
la famille du disparu. La déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les
disparitions forcées, dans son article premier, paragraphe 2, dispose que "tout acte conduisant
à une disparition forcée [. . . ] cause de graves à la victime elle-même et à sa famille" .
La jurisprudence internationale a également reconnu cette qualification. On peut
citer notamment les conclusions du Comité des droits de l'homme des Nations Unies sur
l'Algérie13, qui disposent que «les disparitions constituent une violation de l'article 7 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques » pour ce qui est des familles des
disparus » 14, ou encore une décision du même Comité dans l'affaire QUINTERO contre
Uruguay15, du 21 juillet 1983, qui affirme que les proches des disparus doivent aussi être
considérés comme des victimes, entre autres, de mauvais traitements.
On peut également citer la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui
dans son arrêt KURT contre TURQUIE16, du 25 mai 1998, rappelle que «pour la
Commission, l'incertitude, les doutes et l'appréhension éprouvés par la requérante pendant
une période prolongée et continue lui ont causé une souffrance mentale grave et de
l'angoisse. Eu égard à sa conclusion d'après laquelle la disparition du fils de l'intéressée est
12 Traduction libre
13 Concluding observations- ALGERIA- UN Doc. CCPR/C/79/ Add. 95, 18/08/98 para 10
14 Dans le même sens, voir notamment
+ Communication 540/1993, CELIS LAURENANO V PERU - views 25 march 1996, para 8.5. «In the
circumstances, the committee concludes that the abduction and disappearance of the victim and the
prevention on contract with his family and with the outside world constitute cruel and inhuman treatrnent, in
violation of article 7 , juncto article 2, paragraph 1 of the Covenant (ICCPR) »
+ Connnunication 542/1993, KA TOMBE L. TSHISHIMBI v. ZAIRE, views 26 March 1996, para 5.5. «ln the
circumstances, the committee concludes that the removal of the victim and the prevention of contact with
his farnily and outside world constitute cruel and inhuman treatrnent, in violation of article 7 of the
Covenant."
+ Communication No 440/1990, YOUSSEF EL-MEGREISI v. THE LIBYAN ARAB JAMAHIRIYA,
para.5.4.
+ Communication n° 449/1991, MOTICA v DOMINICAN REPUBLIC, para 5.7.
15 Communication 10711981, ALMEIDA DE QUINTERO v URUGUAY, views 1982, para. 14 : "The
Committee understand the anguish and stress caused to the .mother by the disappearance of the daughter and the.
continuing uncertainty conceming her fate and whereabouts. The author has the right to kwon what has
happened to her daughter. In these respect, she too is a victim of the violations of the Covenant suffered by her
daughter in particular, of Article 7. (ICCPR)."
16 Affaire KURT c/ TURQUIE (15/1997/799/1002) du 25 mai 1998
15
imputable aux autorités, la Commission estime que Madame Kurt subit un traitement
inhumain et dégradant au sens de l 'article 3... Compte tenu des circonstances décrites plus
haut comme du fait que la plaignante est la mère de la victime d'une atteinte aux droits de
l'homme et est elle-même victime de la passivité des autorités devant son angoisse et sa
détresse, la Cour estime que l'Etat défendeur enfreint l'article 3 à l'égard de Madame
KURT»
Dans le même sens, on peut citer la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de
l'homme et notamment son arrêt du 24 janvier 1998, dans l'affaire Blake (Guatemala), en
son paragraphe 97 qui énonce que tout acte de disparition impose de graves souffrances à la
personne disparue comme à sa famille.
En outre, la Commission interaméricaine des droits de l'homme, dans de nombreux
rapports sur la situation des droits de l'homme de pays de l'hémisphère américain depuis 1977,
reconnaît la disparition forcée comme une forme de torture vis a vis des familles des
disparus. Dans son rapport sur l'Argentine de 1980, la Commission précise : "It is { .. } a true
form of torture for the victim' s family { .. } because of the uncertainty they experience as to
the fate of the victim and because they feel powerless to provide legal, moral and material
assistance."17
On peut enfin citer les travaux du Groupe de travail des Nations Unies sur les
disparitions forcées, qui souligne que «le fait d'être détenu comme une personne disparue,
isolée de sa propre famille pour une longue période est certainement une violation du droit à
des conditions de détention humaines, et a été considéré par le Groupe de travail comme une
torture. » 18
Par ailleurs, le Magistrat espagnol BAL T AZAR GARZON du tribunal central
d'instruction No. 5 de L'AUDIENCIA NACIONAL, a considéré comme crime de torture les
cas de disparitions forcées dont il a été saisi, invoquant la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme et celle de la Cour interaméricaine des droits de l'homme
dans:
• Son ordonnance du 30 avril 1999, dans laquelle il réaffirme la détention provisoire de
Pinochet et les mandats d'arrêt internationaux du 16 et 18 octobre de 1998 contre M.
Pinochet
• Son ordonnance du 27 avril 1999, dans laquelle il énonce expressément que les 1.198
cas de disparitions contenus dans sa requête d'extradition originale du 3 novembre
1998 doivent être considérés comme des cas de torture à l'encontre des familles des
disparus au regard de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les
disparitions forcées et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et
la Cour interaméricaine des Droits de l'Homme.
C. Sur le caractère universel du crime de torture
17 OEA Doc. OEA/SER/LN/II.49, 11 APRIL 1980, page 53.
18 UN DOC E/CNA/1983/14, para 131 :"The very fact ofbeing detained as a disappeared person, isolated from
one' s family for a long period is certainly a violation of the right to humane conditions of detention and has been
represented to the Group as torture." Traduction libre
16
La torture est unanimement condamnée par les Etats. De nombreux textes internationaux en
ont consacré l'interdiction, et il résulte de l'arsenal juridique créé depuis 1945 que la torture
est interdite sans exclusion ni réserve. On peut citer notamment, outre la Convention des
Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains, ou
dégradants de 1984 :
-L'article 5 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948
- L' article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966.
- L'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des
libertés fondamentales du 4 novembre 1950.
-L'article 5 de la Convention américaine des droits de l'Homme du 22 novembre 1969.
- L'article 5 de la Charte africaine des droits de l'Homme et des Peuples, adoptée par les
Etats membres de l'OUA (Organisation de l'Unité Africaine) enjuin 1951.
De nombreuses constitutions nationales consacrent également la prohibition de la torture.
L'ensemble de ces textes tend à confirmer le caractère universel de l'interdiction de la torture,
qui prend ainsi le caractère d'une norme impérative en droit international. Cette
norme impérative, ou JUS COGENS, est définie aux terntes de l'article 53 de la Convention
de Vienne de 1969 sur le droit des Traités : <<Est nul tout traité qui, au moment de sa
conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général. Aux fins
de la présente convention, une norme impérative du droit international général est une norme
acceptée et reconnue par la Communauté des Etats dans son ensemble, en tant que norme à
laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle
norme du droit international général ayant le même caractère. »
En adoptant cette convention, les Etats réunis à Vienne en 1969 «ont tenu à affirmer, par une
majorité massive, l'existence d'une communauté juridique universelle fondée sur ses
valeurs propres devant lesquelles tous ses membres doivent s'incliner» NGUYN QUOC
DINH, Patrick DAILLIER et Alain PELLET, Droit international public, LGDJ - Sème
édition).
La Cour internationale de Justice (CIJ), dans un OBITER DICTUM de l'arrêt du 5 février
1970 (Arrêt BARCELONA TRACTION) confirme cette approche en précisant : « Vu
l'importance des droits en cause, tous les Etats peuvent être considérés comme ayant un
intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés». Les droits en cause sont les obligations
des Etats envers la Communauté internationale dans son ensemble, soit des obligations
ERGA OMNES. »
Le Tribunal Pénal pour l'Ex-Yougoslavie, dans un arrêt FURUNDZIJA, rendu par la
Chambre de première instance de 1998, confirme le caractère universel de l'interdiction de la
torture. En effet, la chambre de première instance dans son arrêt reconnaît la valeur de norme
impérative de la prohibition de la torture en droit international: «L'autre trait majeur du
principe interdisant la torture touche à la hiérarchie des règles dans l'ordre normatif
international. En raison de l'importance des valeurs qu'il protège, ce principe est devenu une
norme impérative ou JUS COGENS, c'est à dire une norme qui se situe dans la hiérarchie
internationale à un rang plus élevé que le droit conventionnel, même que les règles du
droit coutumier ordinaire. La conséquence la plus manifeste en est que les Etats ne
peuvent déroger à ce principe par le biais de traités internationaux, de coutumes locales ou
spéciales ou même de règles coutumières générales qui n'ont pas la même valeur normative.
Clairement, la valeur du JUS COGENS de l'interdiction de la torture rend compte de l'idée
que celle ci est désormais une des normes les plus fondamentales de la communauté
17
internationale. En outre cette interdiction doit avoir un. effet de dissuasion, en ce sens qu 'elle
rappelle à tous les membres de la communauté internationale et aux individus sur lesquels ils
ont autorité qu'ils 'agit là d'une valeur absolue que nul ne peut transgresser.»
La chambre de première instance poursuit : «(. . .) L'une des conséquences de la valeur de jus
cogens reconnue à l'interdiction de la torture par la communauté internationale fait que tout
Etat est en droit d'enquêter, de poursuivre et de punir ou d'extrader les individus accusés de
torture, présents sur son territoire. En effet, il serait contradictoire, d'une part, de restreindre
en interdisant la torture, le pouvoir absolu qu'ont normalement les Etats souverains de
conclure des Traités, et d'autre part, d'empêcher les Etats de poursuivre et de punir ceux qui
la pratiquent à I 'étranger. Ce fondement juridique de la compétence universelle des Etats
en matière de torture co1ttirme et renforce celui qui, de l'avis d'autres juridictions, découle
du caractère par essence universel du crime.» (Souligné par nous).
La prohibition de la torture constitue une norme impérative du droit international, et ne saurait
souffrir de dérogation s'agissant de la poursuite des auteurs de ce crime, quelle que soit la
qualité officielle de l'auteur, y compris, par conséquent, le principe d'immunité.
D. La disparition forcée en tant que crime contre l'humanité
La disparition forcée est non seulement une violation multiple de droits de l'homme, mais
aussi un crime international. La Convention interaméricaine sur les disparitions forcées établit
le principe de AUT DEDERE AUT JUDICARE en vue de la répression des actes de
disparitions (Art IV Convention interaméricaine).
Egalement, le droit international reconnaît que la pratique systématique ou à grande échelle de
la disparition forcée est un crime contre l'humanité. Dans les années 80, l'Assemblée générale
de l'Organisation des Etats Américains, puis l'Assemblée parlementaire du Conseil
de l'Europe avaient reconnu le caractère de crime contre l'humanité de la pratique à grande
échelle ou systématique de la disparition forcée. La Déclaration pour la protection de
toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention interaméricaine sur les
disparitions forcées également ont reconnu un tel caractère. Enfin, le Statut de la Cour pénale
internationale a inclus dans la liste des crimes contre l'humanité, en son art 7 .i, la pratique à
grande échelle ou systématique de la disparition forcée. Il se lit comme suit :
«Par «disparitions forcées de personnes», on entend les cas où des personnes sont
arrêtées, détenues ou enlevées par un Etat ou une organisation politique ou avec
l'autorisation, l'appui ou l'assentiment de cet Etat ou de cette organisation, qui refuse
ensuite d'admettre que ces personnes sont privées de liberté ou de révéler le sort qui
leur est réservé ou l'endroit où elles se trouvent, dans l'intention de les soustraire à la
protection de la loi pendant une période prolongée.»
U s'agit d'une situation semblable à la torture : la torture est en elle-même un crime
international et quand elle est pratiquée à grande échelle ou de manière systématique à
l'encontre d'une population civile, elle devient un crime international qualifié de crime contre
l'humanité.
Les critères de responsabilité ont en outre été définis dans le projet de Convention contre
les disparitions forcées aux articles 2 et 3 du projet :
18
Article 2
"1. Sont punis les auteurs du crime de disparition forcé défini à l'article premier de
la présente Convention ou d'un élément constitutif quelconque de ce crime, ainsi
que les participants à ce crime ou à un élément constitutif quelconque de ce crime. Les
auteurs d'un élément constitutif du crime défini à l'article premier de la présente
Convention et les autres participants à cet élément constitutif du crime sont punis pour
le crime de disparition forcée s 'ils savaient ou auraient dû savoir que le crime était en
train de se commettre ou sur le point d'être commis. Les auteurs d'un des actes ciaprès
et les autres participants à un de ces actes sont également punis .
a) L 'instigation, l'aide ou l'incitation à la perpétration du crime de disparition forcée,
b) La conspiration ou la collusion en vue de commettre un crime de disparition forcée,
c) La tentative de commission d'un crime de disparition forcée,
d) ta dissimulation d'un crime de disparition forcée.
2. Est également sanctionné le fait de ne pas agir, conformément à ses
obligations juridiques, pour empêcher une disparition forcée. "
Article 3
"1. La pratique systématique ou massive des disparitions forcées constitue un
crime contre l'humanité.
2. Les auteurs présumés d'un crime visé aux articles premier et 2 de la
présente Convention et les autres participants présumés à un tel crime, sont poursuivis
pour crime contre l'humanité s'ils savaient ou auraient dû savoir que leur àcte faisait
partie d'une pratique systématique au massive de disparitions forcées, même lorsque
leur participation a eu un caractère limité. »
Les crimes contre l'humanité ont été définis pour la première fois par le Statut du tribunal
de NUREMBERG à la suite des horreurs et atrocités commises durant la seconde
guerre mondiale par l'Allemagne nazie et ses alliés.
On peut lire en effet, à l'article 6 c) du statut précité la définition des crimes contre l'humanité,
c'est à dire :
«L'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre
acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre,
ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux lorsque ces
actes ou persécutions, qu 'ils aient constitué ou non une violation du droit interne du
pays dans lequel ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant
dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime.» 19
Cette définition a servi de base aux tribunaux français qui ont, au fur et à mesure des
décisions relatives à des affaires concernant des crimes contre l'humanité, adopté la
formule suivante :
«les crimes contre l'humanité sont des crimes de droit commun commis dans
certaines circonstances et pour certains motifs précisés dans le texte qui les définit.»20
19 Il s'agit ici des crimes contre la paix ou des crimes de guerre
20 Affaire TOUVIER, Crim. 6 février 1975, Bull. Crim. N° 42
19
Il s'agit de motifs d'ordre «politiques, raciaux ou religieux», conformément à la définition
retenue par le Statut du Tribunal de Nuremberg.
En 1964, le législateur a voté une loi sur l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, qui
dispose que les crimes tels qu'ils sont définis dans la résolution des Nations unies du
13 février 1946, prenant elle-même acte de la définition des crimes contre l'humanité telle
qu'elle figure dans la Charte du Tribunal international de Nuremberg, sont imprescriptibles
par nature.
En 1994, le législateur français a introduit une définition formelle des crimes
contre l'humanité dans le code pénal, qui dispose en son article 212-1 : <<La déportation, la
réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d'exécutions sommaires,
d'enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d'actes inhumains,
inspirées par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisées en
exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile sont punies de la
réclusion criminelle à perpétuité.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont
applicables aux crimes prévus par le présent article. - Pén. R 645-1.»
Il ne fait aucun doute ici que les enlèvements de personnes suivis de leur disparition, et les
exécutions sommaires ont été pratiqués de façon massive et systématique, pour des motifs
politiques ou raciaux (l'appartenance à une ethnie supposée être complice d'un adversaire
politique), à l'encontre d'un groupe de population civile (les réfugiés et les déplacés).
Les crimes étaient dirigés contre des populations civiles
Ce critère est bien évidemment rempli puisque tous les éléments en notre
possession permettent d'affirmer que les arrestations suivies d'exécutions ou de disparitions
ont été commises à l'encontre de personnes réfugiées ou déplacées qui rentraient chez elles à
la suite des appels du Gouvernement et du Président de la République lui-même.
Les actes commis l'ont été pour des motifs politiques, raciaux ou religieux
C'est évidemment le cas ici des assassinats, tortures, et disparitions forcées de populations qui
ont été commis par les forces congolaises pour des motifs politiques et ethniques, c'est-àdire,
en l'espèce, pour supprimer de façon systématique toute personne supposée, pour des
questions d'origine géographique ou ethnique, être des proches des adversaires politiques des
autorités en place, à savoir, Messieurs LISSOUBA et KOLELAS.
Il n'y a aucun doute que les personnes victimes de ces répressions étaient ciblées pour des
motifs politiques ou raciales.
Les actes commis l'ont été dans le cadre d'un plan concerté
La présence active et répétée des autorités civiles tenant un discours de
propagande faussement rassurant au moment de l'arrivée des réfugiés au port fluvial de
BRAZZA VILLE, constitue un indice suffisant pour permettre d'affirmer leur implication dans
un plan concerté, avec les forces de l'ordre, tendant - sous le couvert d'un discours aux accents
rassembleurs et pacifistes - à traquer certaines catégories de personnes, en raison de leurs
opinions politiques, leur origine régionale ou ethnique ou sur la base de simples soupçons de
participation à des activités miliciennes "PRO-LISSOUBA" ou "PRO-KOLELAS".
20
Le caractère massif et systématique des crimes commis
Le caractère systématique, généralisé, indiscriminé à l'égard des populations civiles des
crimes commis au Congo ressort clairement des différents enquêtes et témoignages cités.
Ainsi, la pratique systématique des arrestations arbitraires suivies de disparitions forcées, ainsi
que les exécutions extrajudiciaires et arbitraires commises à l'égard des populations
congolaises entrent dans le cadre de la définition du crime contre l'humanité telle qu'elle
ressort de l'article 212-1 du Code pénal français.
Les actes de torture, de meurtres, de disparitions forcées, voire de simple
emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique, tels qu'ils sont
allégués et établis dans la présente plainte, sont donc constitutifs de crimes contre
l'humanité, en raison de leur commission pour des motifs politiques et raciaux, et dans le
cadre d'un plan concerté.
III. SUR LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS FRANÇAISES
A. En matière de crime contre l'humanité
On l'a vu, le législateur français a intégré pour la première fois la notion de crime contre
l'humanité de manière formelle avec la loi du 26 décembre 1964 qui consacre
l'imprescriptibilité de tels crimes, en les définissant par simple renvoi à la résolution des
Nations Unies du 13 décembre 1946, elle-même prenant acte de la définition retenue par la
Charte de Nuremberg.
Par ailleurs, l'article 212-1 du nouveau code pénal français mcnmme le cnme
contre l'humanité et prévoit que :
<<La déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et
systématique d'exécutions sommaires, d'enlèvements de personnes suivis de leur
disparition, de la torture ou d'actes inhumains, inspirées par des motifs politiques,
philosophiques, raciaux ou religieux et organisées en exécution d'un plan concerté à
l'encontre d'un groupe de population civile sont punies de la réclusion criminelle à
perpétuité.»
Les autorités françaises sont compétentes pour juger les auteurs de crimes contre l'humanité
du fait du caractère attentatoire à l'essence même de l'humanité des crimes perpétrés.
Elles sont compétentes pour juger les auteurs de crimes contre l'humanité, même lorsqu'ils ont
été commis à l'étranger par des étrangers sur des victimes étrangères.
Ce principe a été réaffinné par la justice belge, lorsque six plaintes pour détention arbitraire,
meurtre et torture, ont été introduites contre M. AUGUSTO Pinochet, ancien président de
la République du Chili, devant un juge d'instruction belge par des citoyens chiliens pour des
faits commis au Chili. Dans une Ordonnance du 8 novembre 1998, le juge d'instruction a
d'abord requalifié les faits comme constituant des crimes contre l'humanité. Il a ensuite estimé
que M. PINOCHET ne pouvait invoquer aucune immunité pour les crimes contre l'humanité.
Il a invoqué pour cela le droit international coutumier qui reconnaît à chaque Etat le pouvoir
d'exercer sa compétence à l'égard des crimes contre l'humanité. D'après le juge d'instruction
belge, même en dehors de tout lien conventionnel, les autorités nationales ont le droit et même
21
dans certaines circonstances, l'obligation de poursmvre les auteurs de tels cnmes
indépendamment du lieu où ils se trouvene1.
En effet, s'agissant de crimes contre l'humanité, les règles du droit pénal
international peuvent s'appliquer directement dans l'ordre juridique interne des Etats. Le Juge
V ANDERMEERSCH précité l'a rappelé dans les termes suivants :
«La question doit être posée ici de savoir si l'incrimination de crime contre
l'humanité, telle que consacrée en droit international, doit être considérée comme
applicable directement dans notre ordre juridique interne.
Notre droit pénal interne ne connaît pas la notion de crime contre l'humanité mais des
actes tombant sous la définition de crime contre l'humanité peuvent recouper
certaines incriminations de droit commun (telles que l'assassinat, le meurtre, les coups
et blessures, la séquestration avec torture, la prise d'otage ... ).
Si l'on admet que la coutume résulte d'unepratique où les Etats concernés montrent
qu'ils ont le sentiment de se conformer à ce qui équivaut à une règle juridique,
l'incrimination du crime contre I 'humanité apparaît comme coutumière (réf Omise).
Comme exposé ci-avant, le concept de crime contre l'humanité a été repris dans
divers instruments internationaux mais ces textes n'auraient fait que consacrer une
incrimination déjà existante en droit coutumier. Nous en voulons pour preuve que
plusieurs de ces instrumentsjuridiques n'ont été créés qu'a posteriori après la
commission des faits et que si ces incriminations n 'étaient pas préexistantes en droit
coutumier, leur application se serait heurtée au principe de la non-rétroactivité de la
loi pénale. ( .. .)
Par conséquent, il y a lieu de considérer qu 'avant d être codifié dans des traités ou
des lois, le crime contre l'humanité est consacré par la coutume internationale et fait
partie à ce titre du JUS COGENS international qui s'impose dans l'ordre juridique
interne avec effet contraignant erga omnes (réf Omise).»
L'incrimination de crime contre l'humanité n'existe pas à proprement parler au sein d'une
convention internationale générale, excepté certains accords internationaux concernant les
crimes contre l'humanité commis par les nazis et leurs alliés pendant la seconde guerre
mondiale. L'incrimination existe pourtant de manière formelle en droit international
coutumier et elle s'accompagne d'une compétence universelle de tous les Etats pour
poursuivre de tels crimes.
Si les Etats doivent poursuivre les auteurs de crimes contre l'humanité, a fortiori ils peuvent le
faire aussi, et ce, sans considération de frontières. Dans l'affaire BARBIE22, il a été énoncé:
"Attendu qu'en raison de leur nature, les crimes contre l'humanité dont Klaus Barbie,
de nationalité allemande selon sa propre revendication, est inculpé en France où
ils auraient été commis, ne relèvent pas seulement du droit pénal interne français,
mais encore d'un ordre répressif international auquel la notion de frontière et les
règles extraditionnelles qui en découlent, sont fondamentalement étrangères".
21 Ordonnance du 6 novembre 1998, Affaire AUGUSTO PINOCHET UGARTE, Cabinet du juge d'Instruction
M.D VANDERMEESCH, Belgique, 118, Journal des Tribunaux p. 308, 1999
22 App. LYON, Ch. Ace., 8 juillet 1983 et Cass. Fr. (Crirn.), 6 octobre 1983, JDI, 1983, pp. 782 et 785, note
EDELMAN
22
La compétence universelle du juge en matière de crimes contre l'humanité résulte de
diverses résolutions adoptées par l'Assemblée générale des Nations Unies. On peut citer
notamment les résolutions 3 (I) du 13 février 1946, 170 (Il) du 31 octobre 1947, 2840 (XXVI)
du 18 décembre 1971 et 3074 (XXVIII) du 3 décembre 1973 - qui obligent les Etats à
poursuivre les auteurs de faits constitutifs de crimes contre l'humanité sans tenir compte de
leur nationalité, de celle de leurs victimes ou du lieu du crime. Ainsi, la rés. 2840 (XXVI)
("Question du châtiment des criminels de guerre et des individus coupables de crimes contre
l'humanité'") du 18 décembre 1971 qualifie de violation du droit International le fait pour un
Etat de ne pas coopérer à l'arrestation, aux poursuites ou à l'extradition de l'auteur de crimes
de guerre ou de crimes contre l'humanité.
Dans un sens analogue, la résolution 307 4 (XXVIII) du 3 décembre 1973 intitulée "Principes
de la coopération internationale en ce qui concerne le dépistage, l'arrestation, l'extradition et le
châtiment des individus coupables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité"
énonce comme premier principe :
«les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, où qu'ils aient été commis et
quel que soit le moment où ils ont été commis, doivent faire l'objet d'une enquête, et
les individus contre lesquels il existe des preuves établissant qu'ils ont commis de tels
crimes doivent être recherchés, arrêtés, traduits en justice et, s 'ils sont reconnus
coupables, châtiés.»(§ 1)
Ces résolutions imposent donc une obligation de poursuivre ou d'extrader. La
Chambre d'accusation de Lyon et la Cour de Cassation française se sont d'ailleurs fondées sur
une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies pour fonder la compétence du juge
français à connaître des crimes contre l'humanité imputés à K. Barbie.
On peut en outre citer le rapport de Monsieur Christian LE GUNEHEC, conseiller auprès la
Cour de Cassation, dans l'Affaire Klaus Barbie, qui énonce :
«De ces décisions, l'on peut sans doute déduire que l'accord du 8 août 1945 fait
partie intégrante de notre ordre juridique national, et que ses dispositions, selon la
formule utilisée par le Président MONGIN dans son remarquable rapport lors de l'affaire
TOUVIER jugée en 1976, ont même, conformément à la tradition constitutionnelle de notre
pays, une autorité supérieure à celle des lois».
11 poursuit:
«Si l'on admet qu'il (l'accord du 8 août 1945) a été intégré dans notre droit
positif national. aucun doute alors ne peut exister sur la valeur de cet accord : il avait
force de loi dans le cas même où il serait contraire à une loi interne, en vertu de
l'article 26 de la Constitution du 27 octobre 1945 - il continue d'avoir «une autorité
supérieure à celle des lois», sous l'empire de l'article 55 de la Constitution du 4
octobre 1958.»
Il conclut enfin :
<<Notons, cependant, que le législateur français, dans la même loi du 26
décembre 1964, renvoie, aussi expressément, à cette résolution du 13 février 1946,
pour ce qui concerne au moins la définition des crimes contre I 'humanité. A ce titre,
et dans cette limite, on peut admettre qu'elle est intégrée dans l'ordre juridique
23
interne, mais par une voie autre que celle prévue par l'article 55 de la constitution. En
tout cas son contenu, en ce qu 'il éclaire et confirme les dispositions de l'Accord de
Londres du 8 août 1945, ne peut demeurer étranger aux juridictions
répressives françaises.»
Sur l'application restreinte de ces textes, qui ne s'appliqueraient en droit français que pour les
crimes contre 1 'humanité ayant été perpétrés pendant la seconde guerre mondiale, on
peut citer quelques passages de la suite du même rapport :
«Mais la déclaration de 1943, l'Accord de 1945 et la Résolution de 1946 se placent à
un autre niveau. Ces textes s'appliquent aux crimes majeurs du droit des gens - les
crimes de guerre, les crimes contre la paix, les crimes contre l'humanité - et les
principes qu'ils posent, celui du châtiment des coupables comme celui de la
coopération universelle pour y parvenir, ne sont m de circonstances, m
d'opportunité.» 23
Si les résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies n'ont pas de
valeur contraignante, elles attestent pour autant sans aucun doute de l'existence d'une volonté
politique des Etats, élément indispensable à la formation d'une norme coutumière, et peuvent
ainsi, comme le démontre Monsieur Christian LE GUHENEC, devenir partie intégrante du
droit interne.
La jurisprudence internationale consacre également le principe de compétence universelle à
l'égard du crime contre i'humanité, y compris en l'absence de dispositions internes
attribuant expressément une telle compétence aux juridictions nationales.
Ainsi, dans l'affaire FURUNDZIA, le Tribunal pénal international pour l'exyougoslavie
observe :
"(. . .)l'une des conséquences de la valeur de jus cogens reconnue à l'interdiction de la torture
par la communauté internationale fait que tout Etat est en droit poursuivre et de punir ou
d'extrader les individus accusés de torture, présents sur son territoire. ( .. .) Ce fondement
juridique de la compétence universelle des Etats en matière de torture confirme et renforce
celui qui, de l'avis d 'autres juridictions, découle du caractère par essence universel du crime.
On a estimé que les crimes internationaux étant universellement condamnés quel que soit
1 'endroit où ils ont été commis, chaque Etat a le droit de poursuivre et de punir les auteurs de
ces crimes.
Comme le dit de façon générale la Cour suprême d'Israël dans l'affaire EICHMANN, de
même qu'une juridiction des E.-U dans l'affaire DEMJANJUK, c'est le caractère
universel des crimes en question (cà d des crimes internationaux) qui confère à chaque Etat
le pouvoir le traduire en justice et de punir ceux qui y ont pris part.» (Pour EICHMANN.
cfiLR. 36, p 298. Pour DEMJANWK, voir 612 F. Supp. 544 (N.D. Ohio 1985i4
Ces précédents démontrent que même en l'absence de dispositions expresses dans le droit
interne de l'Etat poursuivant, lui permettant d'exercer sa compétence, le droit
23 Recueil DALLOZ, 1984, 11 ème cahier, jurisprudence
24 Aff. IT-95-17/1-T, lü décembre 1998, § 156
24
international confère au juge interne le pouvoir d'exercer la compétence universelle pour les
crimes contre l'humanité.
Le juge interne est donc fondé à puiser dans la coutume internationale la source de son
droit d'exercer sa compétence pour poursuivre les auteurs d'un crime contre
l'humanité qui n'aurait pas été commis en France et dont ni l'auteur ni la victime
n'auraient la nationalité française.
B. En matière de crime de torture
1. Sur les dispositions du code de procédure pénale français
Il résulte de l'article 689-1 du Code de Procédure Pénale que :
«En application des conventions internationales visées aux articles suivants, peut être
poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute
personne qui s'est rendue coupable hors du territoire de la République, de l'une des
infractions énumérées par ces articles. Les dispositions du présent article sont
applicables à la tentative de ces infractions, chaque fois que celle-ci est punissable.»
Il résulte de l'article 689-2 du même code que :
«Pour l'application de la convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le JO décembre
1984, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l'article 689-1 toute
personne coupable de tortures au sens de l'article rr de la convention ».
Il convient de rappeler que les dispositions précitées ont été prises après qu'ait été ratifiée par
la France la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou
dégradants adoptée par l'assemblée générale de l'ONU dans sa résolution 39/46 du 10
décembre 1984, ladite convention étant entrée en vigueur le 26 juin 1987.
2. Sur les dispositions de la Convention du 10 décembre 1984
2.1. Il est nécessaire de rappeler les dispositions de l'article premier définissant la notion
de torture, rédigé comme suit :
1. Aux fins de la présente convention, le terme «torture » désigne tout acte par lequel
une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement
infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne
des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne
a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur
elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre
motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle
douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique
ou toute autre personne agissant à titre offciel ou à son instigation ou avec son
consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux
25
souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou
occasionnées par elles.
2. Cet article est sans préjudice de tout instrument international ou de toute
loi nationale qui contient ou peut contenir des dispositions de portée plus large.
2.2. Sur les dispositions de l'article 6 de la même convention
Il résulte de l'article 6 de cette même convention que
1. «S'il estime que les circonstances le justifient, après avoir examiné les
renseignements dont il dispose, tout Etat partie sur le territoire duquel se trouve une
personne soupçonnée d'avoir commis une infraction visée à l'article 4 assure la
détention de cette personne ou prend toutes autres mesures juridiques nécessaires
pour assurer sa présence. Cette détention et ces mesures doivent être conformes à la
législation dudit Etat; elles ne peuvent être maintenues que pendant le délai
nécessaire à l'engagement de poursuites pénales ou d'une procédure d 'extradition.
2. Ledit Etat procède immédiatement à une enquête préliminaire en vue d 'établir les
faits.»
Les rédacteurs de la convention précitée ont estimé que les pays signataires de
cette convention devaient poursuivre parmi les personnes responsables celles susceptibles
d'être considérées comme des agents de la fonction publique d'une part, et d'autre part, plus
généralement, toute personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son
consentement exprès ou tacite.
L'étude des travaux préparatoires de la Convention du 10 décembre 1984 révèle que ces
rédacteurs entendent viser à travers l'expression «agent de la force publique», toute
personne ayant un pouvoir officiel, quelconque de l'Etat, que ce pouvoir soit civil ou militaire
qm:
-Consent à l'acte de torture
- Aide toute autre personne à commettre un acte de torture
-En donne l'ordre ou intervient à cette fin
- Ou ne prend pas les mesures voulues pour prévenir ou réprimer la torture.
IV. SUR L'ORDRE PUBLIC FRANÇAIS
L'ordre public français est en conformité avec les dispositions des
instruments internationaux précités, dès lors qu'a été intégré dans le code pénal français
l'article 222-1 qui réprime le fait de soumettre une personne à des tortures ou des actes de
barbarie, ledit crime étant punissable de 15 années de réclusion criminelle ainsi que l'article
212-1 qui réprime le crime contre l'humanité.
Monsieur DABIRA a été localisé de façon certaine jusqu'à la date de la saisine, sur le
tenitoire français, à l'adresse suivante :
54, Allée des Tilleuls
Bois Parisis
77270 Ville Parisis
26
Les éléments contenus dans la présente plainte attestant de la responsabilité des autorités
congolaises dans les crimes contre l'humanité, les disparitions forcées et les tortures
commis en République du Congo sont suffisants pour que la FIDH, l'OCDH et la LDH soient
fondés à vous demander, Monsieur le Procureur de la République, au titre de l'article 6 de la
convention précitée et de l'article 659-1 du Code de procédure pénale, de bien vouloir ouvrir
une information judiciaire et prendre toutes dispositions utiles pour engager des poursuites au
regard du séjour sur le territoire français des personnes visées dans le présent document et de
tous autres que l'information pourrait révéler.
SIKIKABA
Président de la FIDH
(Seul M. KABA a signé cette plainte et apposé
le sceau de la FIDH)
PARFAIT MOUKOKO
Président de l'OCDH
Pièces jointes :
Michel TUBIANA
Président de la LDH
Rapport de la FIDH: CONGO-BRAZZA VILLE: Saisir l'opportunité d'une paix durable,
avril2000
Rapport conjoint FIDH/OCDH: L'arbitraire de l'Etat, la terreur des milices, juin 1999
Témoignage de Monsieur LINO BARDIN DUVAL TSIENO, rescapé des disparitions du
BEACH
Lettre du Haut Commissariat aux Réfugiés du 21 mai 1999
27
D 12
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MEAUX
PAR QUET DU PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
REQUISITION AUX FINS D'EXTENSION DE COMPETENCE
Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de MEAUX,
Vu l'enquête préliminaire actuellement diligentée par le SRPJ de VERSAILLES pour des
faits de crimes contre 1 'humanité
A 1' encontre de : X
Vu 1 'urgence
Vu les dispositions de l'article 18, alinéa 4 du Code de Procédure Pénale
Attendu qu'il convient de faire procéder à l'audition de M. TSIENO et de M. TOUANGA
Requie1i M. DUPEYROUX ou tout assistant désigné par lui de se transporter à
MONTFERMEIL et en Région Parisienne, le cas échéant sur l'étendue du territoire national
aux fins de procéder à toutes auditions, perquisitions ou saisies et d'une manière générale,
d'exécuter toutes opérations utiles à la manifestation de la vérité et notamment procéder à
toutes auditions et investigations utiles.
Fait au Parquet le 8 décembre 2001
P. Le Procureur de la République
C. KRIEF, Substitut
PROCESVERBAL
L'an deux mille un, le dix sept décembre à neuf heures
Nous : RICHARD THERY
Lieutenant de police en fonction à la
Direction Régionale de la Police Judiciaire à VERSAILLES
- Brigade criminelle -
OFFICIER de police judiciaire en résidence 19, Avenue de Paris à Versailles
Etant au service
Poursuivant l'enquête en la forme préliminaire
Vu les articles 75 et suivants du Code de Procédure Pénale
Avons mandaté et constatons que se présente à nous la personne ci-dessous dénommée
laquelle déclare :
SUR SON IDENTITE :
Je me nomme TSIENO LINOT BARDIN DUVAL.-
Je suis fùs de NTINOU et de THEODORE HENRIETTE.-Je
suis de nationalité Congolaise.
Je suis marié à Mme YENGO MICAELLI BABETTE SEVERINE.--
D24
J'ai deux enfants qui se prénomment TSIENO NGANGA J\1JLANDAN MERVEILLI
GABRIELLE et TSIENO BIMANGAN CARDIN NATUREL. --
Ma femme et mes deux enfants sont restés au Congo à Brazzaville.
Je suis titulaire d'un baccalauréat de machiniste agricole.
Je suis arrivé en France le 06 février 2001.-
Je suis né le 25/09/1971 à Brazzaville au Congo.--
Je demeure actuellement au 05, rue des Degas à MONLFERMEIL chez MANIMA Gaston. -Je
suis actuellement sans emploi.
J'ai fait une demande pour obtenir le statut de réfugié auprès de la préfecture de police. Cette
dernière a été déposée auprès des services de l'O.F.P.R.A le 12/03/2001. Mon récépissé
constatant le dépôt de ma demande de réfugié est en date du 03110/2001 et est valable
jusqu'au 02/0112001 référencée sous le numéro 7503455879.-
-- SUR LES FAITS : ---
---Je prends acte de l'objet de ma convocation à savoir les faits qui se sont déroulés au Congo
au courant de l'année 1999.--
--- Avant de commencer sur les faits, je tiens à vous signaler que j'ai du mal à m'exprimer en
raison d'une opération que je viens de subir au palais. La plaie n'est pas encore complètement
cicatrisée et j'ai donc des difficultés pour articuler.
-- En 1997 à 1998, une guerre se déroulait au Congo dans la zone sud du pays où je résidais.
Ce conflit opposait les partisans de l'actuel président de la République du Congo à savoir M.
Denis SASSOU NGUESSO aux NINJAS. Il s'agit d'une sorte de milice privée, d'armée
irrégulière, dirigée par le pasteur NTOUMI. M. SASSOU NGUESSO s'appuyait sur l'ethnie
des cobras. En effet, l'ethnie des cobras compose l'essentiel de l'armée régulière dirigée par
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l'actuel président de la république du CONGO, M. SASSOU NGUESSO s'appuie donc sur
eux pour mener sa guerre.
A cette époque j'exerçais la profession de commerçant et j'avais un magasin de vêtements à
BRAZZAVILLE. Je n'ai pas participé aux combats. Je n'étais pas un militaire et je ne faisais
pas non plus partie des trois ethnies dominantes à savoir les cocoyes, les cobras ou les ninjas.
La région de BRAZZA VILLE était contrôlée par les Ninjas.
Nous sommes restés jusqu'au mois de mai à BRAZZAVILLE, dans la région du POOL qui
est ma région d'origine.
De façon quotidienne, les deux camps se bombardaient et il arrivait fréquemment que des
obus tombent sur les habitations de civils. De plus, la famine s'est installée et je ne parvenais
plus à nourrir ma famille. J'ai donc pris la décision de quitter BRAZZA VILLE en profitant
des couloirs humanitaires qui avaient été ouverts par le Haut Commissariat pour les Réfugiés.
Je dois préciser que le 18 décembre 1998, date du début du conflit, en raison des
bombardements intenses, j'ai été séparé de ma femme et des mes enfants. Je n'ai plus eu de
nouvelles jusqu'à mon arrivée en France.
Ainsi, je n'ai pu quitter la région de BRAZZAVILLE avec ma femme et mes enfants. Je suis
parti en compagnie de mon oncle, de sa femme et de ses entànts. Nous avons emprunté la
direction de l'autre république du Congo, ex Zaïre.
Je ne parviens plus à me souvenir de la date exacte de notre départ. Nous étions en mai 1999.
Nous avons effectué le trajet en empruntant le cours d'eau du fleuve Congo. Il y avait des
milliers de réfugiés qui faisaient le même trajet.
Le trajet a été effectué en moins d'une semaine. Nous avons débarqué à NGOMBE MATADI
et le HCR nous a orienté vers la ville de MBANZA-NGUNGU, au sud du Zaïre.
Je suis resté dans cette ville environ une semaine et le HCR nous a convoyé par groupe au
port de KINSHASA par le train. Nous étions le 13 mai 1999. Nous avons passé la nuit du 13
au 14 mai 1999 dans une ville dont je ne me souviens plus le nom.
Le 14 mai 1999, vers 9 heures, nous sommes repartis en train toujours en direction du port de
NGOBILA accompagné des agents du HCR.
Arrivé au port, vers 16 heures, le HCR nous a fait débarquer pour prendre le bateau. La
mission de ce comité s'arrêtait là. Je n'ai pas eu la possibilité de prendre le premier bateau.
Par contre, mon oncle, sa femme et ses enfants ont réussi à le prendre.
J'ai donc attendu le second bateau de la compagnie ATC Nous avons effectué la traversée.
Avant même d'arriver en bateau du port de BRAZZAVILLE, les cobras ont intercepté le
bateau et ont fait descendre l'ensemble des personnes qui se trouvaient à bord.
Ils ont séparé les hommes et les femmes. Ils ont fait deux lignes.
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f•
Les femmes ont seulement été fouillées et les cobras les ont laissé partir. Quant aux hommes,
ils ont été dirigés vers la salle d'un bâtiment. Avant d'entrer, ils nous ont déshabillé pour nous
fouiller. Nous étions donc totalement nus.
Ils considéraient que les hommes de 5 à 75 ans appartenaient à l'ethnie des ninjas. C'était
entièrement faux. En effet, je n'en ai jamais fait partie et je ne pense pas que les autres en soit.
Pour moi, il ne pouvait y avoir de combattant Ninjas parmi nous parce qu'ils auraient été
totalement inconscients de retourner à Brazzaville qui était aux mains des Cobras. De plus,
avant de retourner dans cette ville, nous avions été rassuré par le discours de M. Denis
SASSOU NGUESSO qui nous avait expliqué que nous ne risquions rien en retournant dans
notre ville. --
-- C'est pour cette raison que de très nombreux réfugiés avaient pris la décision de rentrer à
Brazzaville puisque du moment où les gens n'étaient pas armés il ne pouvait rien leur arriver.
----- Dans cette grande salle, nous étions environ cinq cent personnes. Nous étions très serrés
les uns contre les autres Les portes étaient fermées. Les hommes des Cobras étaient restés à
l'extérieur pour garder les issues et nous empêcher ainsi de sortir. Nos bagages étaient restés
dehors. Ils nous ont laissé comme ça quelque heures. Ils nous assuraient qu'ils
nous relâcheraient le lendemain matin.-
-- Finalement, vers 23 heures, j'ai pu apercevoir au travers de la grille en fer qui servait de
porte un bus qui se stationnait. Je pouvais également apercevoir les femmes qui attendait leurs
maris. A ce moment, les Cobras ont tiré en l'air pour disperser les femmes et les encourager à
rentrer chez eux.--
-- Ils nous ont fait monté dans le bus par roulement. Je suis monté dans le premier bus. Nous
étions très serrés à l'intérieur. C'est un bus où l'ont met normalement cinquante personnes
assises.-
---Je ne peux pas dire combien le bus a fait de fois la navette.-----
Je précise qu'entre deux, ils nous ont rendu nos habits. En montant dans le bus, ils nous ont
obligé à mettre nos vêtements sur la figure pour nous empêcher de voir où nous allions. Après
avoir constaté que nous étions tous cagoulés, ils ont pris en marche le bus pour une direction
inconnue. A l'intérieur du bus, il y avait les agents des Cobras qui nous gardé. Ils frappaient
régulièrement les gens avec la crosse de leurs armes pour nous terroriser. Ils disaient que
c'était le dernier jour de notre vie et que nous allions tous mourir parce que nous étions les
neveux de l'ancien premier ministre, de l'ancienne majorité. Il s'agissait de M. Bernard
KOLELAS. A cette époque le président était M. LISSOUBA Pascal. --
- Il n'y avait aucune ambiguïté dans leurs propos. ils voulaient nous tuer parce qu'ils
considéraient que nous étions des Ninjas.-----
-- Nous avons du rouler une demie heure environ. Nous sommes arrivés dans un lieu que je ne
connaissais pas. Il s'agit de l'endroit où vivais M. Denis SASSOU NGUESSO, le Président de
la République du Congo. Il s'agissait de son palais.--
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--- Les Cobras nous ont fait descendre par en ligne. Nous étions toujours cagoulés. Ils nous
ont fait aller près du fleuve Congo. A cet instant, ils nous ont fait enlever tous nos bijoux, nos
ceintures. En fait, tout ce qu'ils pouvaient récupérer.-
---Nous avons du arriver à cet endroit vers 23 heures 30. Je ne peux être sur puisque j'avais le
visage masqué.--
-- Ils nous ont fait ensuite nous mettre en rangée et à genou. Les Cobras derrière nous. Ils ont
parlé une petite minute entre eux en Français et en Lingala qui est une langue locaie
---A un moment, j 'ai entendu un Cobra qui demandait à un autre« Qu'est ce que tu attends
pour tirer ? » --
-- La personne à qui il parlait lui a répondu en Lingala. Je n'ai donc pas compris ce qu'il disait
et un instant après des coups de feu ont retenti.----
Il s'agissait de coups de feu intermittents par salve de deux ou de trois. A cet instant, je me
posais la question de ce qui se passait. Je pensais d'abord qu'ils tiraient en l'air.-
-- Mais très vite, j'ai compris qu'ils tiraient sur les personnes qui étaient à genou dont je faisais
parti. Quand est arrivé le tour de la personne qui se trouvait à côté de moi, ils ont tiré et il s'est
effondré sur moi. rai compris qu'il était mort.
- Il était à ma gauche. Il est donc tombé sur son flanc droit tout à côté de moi. Mon tour est
arrivé.-
-Le tireur a fait feu sur moi. La balle est a pénétré sous mon oreille gauche et sortie au niveau
de la lèvre supérieure en m'enlevant les dents. Je n'ai pas perdu connaissance mais je suis
tombé sur la face. La balle qui est ressortie m'aussi transpercé au niveau du bras droit. --
-Les Cobras ont continué à exécuter les autres personnes. Cette fois des cris ont retenti parce
que je pense que les personnes avaient compris ce qui allait leur arriver.-
Je suis resté calme au sol. Je faisais le mort. Après avoir exécuté l'ensemble des personnes et
pour éviter que d'éventuels survivants ne s'enfuient, ils ont tiré une balle dans chaque genou
de ces dernières. En ce qui me concerne, ils ont tiré dans ma jambe gauche. La balle a pénétré
par l'arrière et est ressortie juste sous la rotule.--
-- Ensuite, l'endroit est resté calme un moment et puis, un cobra a dit «Ce qui ne sont pas
morts n'ont qu'à se lever, on ne lui fera rien.» Je n'ai pas bougé pour autant parce que je ne les
croyais pas du tout surtout après ce qui venait de ce passer. --
--- Ensuite, pour s'assurer que nous étions tous bien mort. ils ont pris une lampe torche et ont
inspecté les corps. Je parvenais à voir la lumière au travers le vêtement qui était placé sur mon
visage. Quant ils sont arrivés à ma hauteur, j'ai bloqué ma respiration et ils ont cru que j'étais
mort.
--Après cette inspection, ils sont repartis à pied en direction du bus qui était resté au niveau du
palais présidentiel.---
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Je me suis levé et j'ai enlevé ma cagoule. J'ai pu voir de très nombreux cadavres sur le soL J'ai
constaté que mon bras droit saignait abondamment et j'ai alors enlevé une chemise d'un
cadavre pour me faire un garrot. Il n'y avait pas que les cadavres de la journée. Il y avait aussi
des cadavres beaucoup plus anciens. Je parvenais à voir parce que les lueurs des lampes du
palais présidentiel parvenaient jusqu'à l'endroit où je me trouvais. Il y avait des cadavres par
centaines.
J'ai entendu peu de temps après l'a..rrivée d'un nouveau groupe qui descendait du palais. Je me
suis caché sous de grandes herbes et j'ai regardé ce qui se passait. Les cobras ont également
mis en rang les personnes cagoulées et les ont exécuté.
Je n'ai pas réussi à compter le nombre des personnes qui composaient ce groupe. J'ai bien
constaté que les tireurs étaient les mêmes personnes qui nous avaient accompagné jusqu'à cet
endroit. Il s'agissait de personnes appartenant à l'ethnie des Cobras. Ils en portaient
l'uniforme de couleur bleu cendre.
Ils étaient équipés d'armes automatiques appelées PEM.
Ensuite, j'ai attendu qu'il repartent pour fuir en direction du bord du fleuve Congo. J'ai rampé
parce que mon genou était cassé. J'ai passé toute la nuit dans les grandes herbes à quelques
mètres des cadavres.
Vers 5 heures du matin, je pense, je suis parti en m'éloignant des cadavres jusqu'au bord du
fleuve. J'ai remonté les rives du fleuve en direction du centre ville de BRAZZAVILLE. Il m'a
fallu six jours pour arriver au centre ville. Je buvais l'eau du fleuve et je n'ai pas mangé. Le
19 mai 1999, je suis allé à la mairie de BRAZZAVILLE.
Quatre cobras m'ont demandé ce qu'il m'était arrivé. J'ai inventé une histoire. Ils m'ont cru et
m'ont transporté à la vue des passants pour que quelqu'un puisse me venir en aide.
Finalement, un jeune m'a déplacé et m'a transporté à l'hôpital. J'y suis resté un mois et demi.
Je suis sorti de l'hôpitalle 27 juillet 1999.
Une rumeur a très vite circulé dans les quartiers de BRAZZA VILLE. Elle indiquait qu'il y
avait un survivant des massacres. C'était très chaud pour moi et mes parents ont eu très peur.
Ils ont donc tout fait pour me faire sortir du pays. En effet, ils craignaient que les Cobras ne
viennent fmir le travail.
Je me suis caché jusqu'à mon départ. Je ne sortais que la nuit.
Finalement, j'ai réussi à acheter un visa et à prendre l'avion pour la France où j'ai demandé le
statut de réfugié politique.
Quand je suis arrivé en France, j'ai écrit à l'OFPRA en leur racontant mon histoire. J'ai
décidé de mettre tout cela par écrit. J'ai utilisé l'ordinateur de mon oncle NTOUNGAMANI
Benjamin qui est domicilié 28, Avenue des Fleurs à Saint AY (45). Il m'a aidé pour la
rédaction. En effet, il est Président de l'Association France Congo Education.
A votre demande, je vous remets le récit dactylographié de ce qu'il m'est arrivé, soit dix
feuillets.
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Je pense que les Cobras cherchaient à exterminer tous les gens du sud du Congo à majorité
Ninjas qui traversaient le fleuve. C'était leur but, je pense, même s'ils se trompaient à mon
sens parce que les Ninjas ne traversaient pas le fleuve.
Question: Pouvez-vous me dire davantage de choses sur l'endroit des exécutions?
Répor..se : Il s'agit du palais présidentiel de M. SASSOU NGUESSO. Il s'agissait de l'endroit
où il dirigeait le pays. Il me semble impossible que les gens présents au Palais ne soient pas au
courant d'autant que les tirs faisaient énormément de bruit et que les cadavres ne pouvaient
pas passer inaperçus. De plus, il y avait là des cadavres remontant à plusieurs ce qui pour moi
pouvait signifier que le palais était d'abord avec ce qui se passait sinon il avait tout le temps
de l'empêcher.
Question : Qui, selon vous, a ordonné les exécutions ?
Réponse :Je ne sais pas. Tout ce que je peux dire c'est que ces exécutions se sont déroulées au
palais présidentiel de M. SASSOU NGUESSO et qu'elles ont été réalisées par les Cobras qui
sont aux ordres de M. SASSOU NGUESSO.
Question: Connaissez-vous d'autres rescapés?
Réponse : Non, aucun.
Question: Avez-vous participé aux combats et faites vous partie de l'ethnie des Ninjas?
Réponse: Non, absolument pas.
Il s'agit de la première fois que je témoigne devant un service de police. J'ai un dossier
médical parce que je suis suivi par les médecins de l'hôpital AVICENNE de BOBIGNY,
service orthopédie et traumatologie (Tél. : 01 48 95 53 14).
Je n'ai rien d'autre à déclarer.
Lecture faite personnellement, l'intéressé persiste et signe avec nous le présent acte à douze
heures quinze.
M. TSIENO LINOT Le lieutenant de police
Annexe : De même suite :
Annexons au présent acte le récit de M. TSIENO LINOT soit dix feuillets.
Le lieutenant de police
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-Audition de M. TOUANGA Marcel -
5
PROCES-VERBAL
L'an deux mille deux et le 18 janvier à huit heures
Nous Richard THERY
D28
Lieutenant de police en fonction à la Direction Régionale de la Police Judiciaire de
VERSAILLES
Audition de Monsieur TOUANGA MARCEL
Je suis fils de Pierre et de NKOUSSOU Adrienne
Je suis de nationalité congolaise
Je suis marié à Mme Madeleine BIKINDOU
J'ai 9 enfants
Je suis arrivé en France le 27/08/2001
Je suis né le 28/12/1943 à MADINGOU au CONGO
Je demeure actuellement chez M. BEMBA Samuel qui demeure 30, rue des MAHONIAS,
Bâtiment 30, escalier 07 à NICE (06)
Je suis joignable au 06 77 39 91 31
Je suis actuellement à la retraite
J'ai fait une demande pour obtenir le statut de réfugié auprès de la préfecture de NICE. Cette
dernière a été déposée auprès de l'OFPRA au mois d'octobre 2001. Mon récépissé constatant
le dépôt de ma demande de réfugié est daté du 14/02/2001 référencé sous le numéro
0603076509.
SUR LES FAITS.
Je prends acte de l'objet de ma convocation à savoir les faits qui se sont déroulés au CONGO
au courant de l'année 1999.
Je tiens à vous préciser que je m'étonne d'être à nouveau entendu dans le cadre de ces faits.
En effet, j'ai déjà été entendu par la section de recherche de la gendarmerie nationale à Paris
par le major MERCIER le 24 septembre 2001.
Le 18 décembre 1998 démarre à BRAZZAVILLE le 3ème guerre civile qui oppose les résidus
des v..i!lJas de l'ex-premier ministre BERNARD KOLELAS aux troupes gouvernementales de
SASSOU NGUESSO. Ces individus ont fait irruption dans les quartiers sud de
BRAZZAVILLE à partir de BAKONGO. Ils sont arrivés à BRAZZA VILLE dans des
circonstances difficiles à défmir, mais ce qui est certain c'est que leur arrivées marquait une
période de combat à l'intérieur de la région du POOL, combats à la suite desquels la force
publique installées dans les districts et soutenue par des troupes gouvernementales sous la
logistique de l'armée s'était vu dans l'obligation d'abandonner le terrain du fait de la poussée
des milices ninjas et d'une fraction de milice entretenue par un certain pasteur TOUMI, patron
des STSLOULOU.
Le régime en place s'était vu dans l'obligation d'organiser une riposte dans le but
premièrement de chasser les ninjas des quartiers sud de BRAZZA VILLE et deuxièmement de
libérer l'ensemble des zones occupées par les nin jas. Les troupes gouvernementales ont
installé une ceinture tout au long des zones limitrophes aux quartiers sud, c'est à dire une
ligne allant du fleuve CONGO par la zone de la corniche passant devant la résidence de
l'ambassadeur de France à l'aéroport de MAYA MAYA. Suivant des rumeurs qui circulaient
les troupes gouvernementales renforcées des cobras et d'une constellation de mercenaires
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-Audition de M. TOUANGA Marcel -
avaient reçu l'ordre de tirer sur tout ce qui bouge. C'est ainsi qu'on a emegistré dès les
premières heures de la contre-offensive des troupes dites gouvernementales des centaines de
milliers de morts dans la zone de BAKONGO et de MAKELEKELE jusqu'au DJOUE. Cela a
créé un double exode, premièrement des populations se sont dirigées vers les quartiers nord de
BRAZZA VILLE, sous le contrôle des troupes gouvernementales et la majeure partie de la
population s'est dirigée après le pont du DJOUE dans la zone de NGANFA-LINGOLO. Ceci
sous le contrôle des milieux ninjas. Cette répartition obéissait à la répartition tribale des
habitant de BAKONGO qui, pour la majorité sont originaires de la région du POOL.
C'est à la suite de cette intrusion des ninjas que de violents combats se sont engagés mais
précédés d'intenses bombardements à l'arme lourde des quartiers sud.
Dès les premiers jours des combats, les cobras ont pris le dessus. Les ninjas ont évacué la ville
en direction du port de DJOUE. Dès ce moment la ville est sous le contrôle des cobras,
milices aux mains de M. NGUESSO. Lorsque les cobras prennent le contrôle de la ville, ils
tirent sur tout individu sans distinction de sexe ou d'âge.
A cette époque, je me trouvais au quartier BACONGO où j'habitais. J'étais sans fonction,
j'étais colonel sans affectation, auparavant j'étais directeur de la coopération au sein du
Secrétariat de la Police Nationale, au temps de Pascal LISSOUBA. Je précise que M.
LISSOUBA et M. NGUESSO disposaient chacun de leurs propres forces. Le gros de la force
publique dont je faisais partie était restée neutre dans ces affrontements notamment lors de la
première civile en 1997. Lors de son installation au pouvoir en octobre 1997, M. NGUESSO a
positionné en priorité des individus qui avaient combattu à ses côtés, et dans cette nouvel
répartition, je n'avais aucune fonction.
Ma famille était avec moi à BAKONGO, mon épouse et mes enfants vont fuir du côté de
MADIBOU, car tout le monde pensait que ces hostilités n'allaient durer que quelques heures,
et tout le monde espérait y trouver refuge. Quant à moi, je suis resté à BAK, ONGO, car toute
aventure de ma part dans la zone NINJA présentait pour moi des risques graves étant donné
que mon histoire politique et administrative m'associait à SASSOU NGUESSO car j'occupais
des fonctions importantes lors du 1er mandat de M. NGUESSO, à savoir de 1977 à 1992
(membre du comité central du parti congolais du travail, député, ambassadeur et dirigeant
national du mouvement de la jeunesse du parti).
-Je précise que de 1963 à 1992 le système politique était régi par le système du parti unique
dirigé successivement par M. Alphonse MASSAMBA président de 1963 à 1968, puis par M.
MARIEN NGOUABI, président de 1968 à 1977, puis M. YOMBI OPANGO Jacques de 1977
à 1978, enfm M. SASSOU NGUESSO de 1978 à] 992.--
--- De 1989 à 1994 j'étais ambassadeur à Cuba et je n'appartenais plus à aucune formation
politique, car depuis 1990 il était fait interdiction à tout élément de la furce pubiique
l'exercice de fonction ou d'appartenance politique. De 1994 à 199- j 'étais sans fonction car
M. LISSOUBA, président de la République depuis 1992, ne désirait travailler qu'avec
des cadres de son obédiences. Ensuite en mars 1996 j'ai été nommé Directeur de la
coopération.--
- En ce qui me concerne 5 jours après le début des hostilités je suis allé me réfugier dans les
quartiers Nord de Brazzaville et j 'y ai attendu le retour de ma famille. J'y attends jusqu'en mai
1999. Le 08 mai 1999 à 16 heures ma famille faisait partie du convoi qui arrive sous l'escorte
duH.C.R
-- Je dois préciser en fait que ma famille après 6 mois d'errance dans la savane de ma région
du pool doit y traverser le fleuve Congo pour se réfugier dans le camp de MBANDZANGOUNGOU
où ils sont pris en charge par le HCR et la Croix rouge Internationale. Entre
temps sur l'initiative de la Croix Rouge et du HCR un accord international est
signé organisant l'évacuation vers Brazzaville de tous les citoyens réfugiés dans les Trois
camps situés en république Démocratique du Congo. Le HCR, encouragé par les appels
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-Audition de M. TOUANGA Marcel -
répétés de M. SASSOU NGUESSO demandant à ses citoyens en errance dans la région du
Pool et dans les sites de la RDC de bien vouloir rentrer à Brazzaville où il leur assurait
sécurité et bon accueil. Ces discours répétés ont rassuré les populations qui ont accepté
de renter à Brazzaville. Dans ce contexte rna famille s'est mise à la disposition des
organisations internationales et a accepté d'aller à Brazzaville où elle va arriver le 8 mai 1999
à 16 heures. Ce convoi , en barques, de Kinshasa à Brazzaville, comprenait 1 500 personnes. Il
descendait le fleuve Congo.
A leur débarquement les personnes étaient accueillies par des personnalités
gouvernementales, qui au nom du chef de l'état souhaitaient un bon retour dans leurs foyers.
Malheureusement au BEACH de Brazzaville se trouvait en doublure de la police des
frontières de nombreux éléments appartenant exclusivement à la garde présidentielle et qui
procédaient à une vérification physique des citoyens et procédaient à la suite à l'arrestation
de nombreuses personnes sous le couvert d'une enquête de routine, sous garantie de les libérer
quelques heures après.--
Cette garde présidentielle remplissait la tache normalement dévolue à la police de frontières
sans que cette dernière puisse s'y opposer. En effet la garde présidentielle a autorité sur toute
les forces constituées du territoire congolais. Cette garde présidentielle est placée directement
sous les ordres du président de la République M. SASSOU NGUESSO. Sa résidence privée se
trouve à 1 kilomètre le long du fleuve Congo. Le Général commandant cette garde
présidentielle est M. Blaise ADOUA Il n'y a pas d'intermédiaire entre ce dernier et le
président NGUESSO.--
- La garde présidentielle fait débarquer les gens et procédait à la séparation des hommes d'une
part et des femmes et des enfants d'autre part. Tout le monde va être fouillé mais cette fouille
est plus accentuée pour les hommes. Au cours de ces fouilles et sur des bases qui leurs
sont propres que des personnes sont arrêtées. Ces personnes sont ensuite placées dans une
salle où elles sont dépouillées de leurs habits. Dès ce moment ils sont interdits de tout contact
avec leurs parents, lesquels sont sommés de quitter les alentours du port. C'est dans ce
contexte que je suis arrivé au BEACH de Brazzaville ou je retrouve ma famille. Ma femme
m'a explique que mon fils Narcisse est retenu par la garde présidentielle. -
J' ai alors constaté que, avec un caporal chef du nom de NOUAN! Soiand, mon fils avait été
mis à l'écart des autres éléments de la force publique qui rentraient également et qui n'ont pas
été inquiété. J'ai été ...... , je suis rentré dans le port et je me suis adressé au commissaire
du BEACH, le Lieutenant Colonel ALAMOUA à qui j'ai demandé pourquoi non fils avait mis
à l'écart. Cet homme rn »a répondu textuellement « rai été dessaisi de toute l'activité
concernant les interpellations, ce dont je m'étonne, je vous conseille d'aller voire le capitaine
ADOUA»--
Je me suis présenté à ce capitaine qui s'est mis au garde à vous et m'a tit qu'il me connaissait.
Je lui ai à nouveau demandé la raison de la mise à l'écart de mon fils, il a répondu que c'était
une question de place dans le véhicule qui était déjà parti en direction de la Direction
des Renseignements Militaires avec les éléments de la force publique. --
--- Le Capitaine m'a expliqué qu'il devait poser des questions à mon fils. Je lui ai proposé de
me remettre mon fils et de me présenter avec lui le lendemain matin au siège de leur
administration. Le Capitaine ADOUA m'a répondu que c'était impossible car il avait reçu des
instructions spécifiques concernant mon fils Narcisse, du générai Blaise ADOUA.---
J'ai alors demandé à parler à ce général par l'intermédiaire d'un système: communication
portative. Il m'a répondu que son appareil ne Fonctionnait pas et qu'il ne savait pas où se
trouvait le général ADOUA. La discussion de plus d'une demi-heure a tourné à la dispute.
rai alors demandé à ce capitaine de garder mon fils sur place jusqu'à ce je trouve le général
ADOUA. Dans le même temps cet homme s'engageait à essayer de le contacter. J'ai alors eu
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-Audition de M. TOUANGA Marcel -
l'occasion d'embrasser mon fils et lui ai demandé de garder son calme pendant mes
démarches.
-Je n'ai jamais pu trouver le général ADOUL\ même à son domicile où je lui ai laissé une
lettre demandant la libération de mon fils. J'ai encore effectué de très nombreuses autres
démarches notamment auprès du ...... Gérard BITSINDOU, du Maire de MAKELEKELE,
M. MOREl, Monsieur HOUNOUNOU, Maire de BACONGO. Le Ministre m'a assuré de son
intervention et m'a promis que mon fils serait libéré la nuit. rai encore effectué d'autres
démarches notamment auprès du Colonel EDGARD MOGANI, Commissaire Central de
Brazzaville et du Colonel Jean-Pierre GASSAK ... , Directeur de Cabinet du Ministre de
1'1 ntérieur. --
-Assuré de leurs interventions je suis retourné au port. Il n'y avait plus personne, que ce soit
de la garde présidentielle ou de la police. Mon fils n'était plus présent. rai attendu jusqu'à
minuit sans résultat. -
-- Le lendemain 9 mai 1999 vers 07H30, je suis allé à la Direction des Renseignements
Militaires où j'ai appris que n'était pas présent. Les personnes présentes m'ont suggéré de me
rendre à la Garde Républicaine. Mon fils n'y était pas et 1 'on m'a proposé de me rendre à
la Gendarmerie. A cette dernière il y avait 122 personnes arrêtées mais pas mon fils. Ils étaient
tous assis dans une grande cour.--
Lorsque j'étais à la Gendarmerie j'ai entendu un individu en civil qui était accompagné de 4
autres personnes armées qui a ordonné que soit exécuté tous ceux qui se trouvaient là. Sa
justification était que ces 122 personnes étaient originaires du POOL, et qu'étant Ninjas, il
fallait les décimer. Je me suis présenté à cet individu qui me connaissait. Je lui ai demandé des
explications sur ces propos : il m'a répondu qu'il avait reçu des instructions pour exécuter
l'ensemble de ces personnes. Je précise que ces hommes appartenaient à la garde
présidentielle et qu'ils tenaient leurs ordres du général ADOUA.--
- rai expliqué à cet homme que ces 122 personnes dont devait faire parti mon fils
appartenaient tous à la gendarmerie. Ils ne pouvaient donc les exécuter sans autorisation de la
hiérarchie de cette arme. Un colonel en civil est immédiatement arrivé et a ordonné à ces
individus de sortir de son enceinte en précisant que ces personnes étaient sous la protection de
la Gendarmerie. C'est ainsi que ces personnes ont pu échapper au massacre. Je suis
alors retourné à la garde républicaine où je restais toujours sans nouvelle de mon fils.
Le 10 mai 1999 je suis intervenu auprès du Général Hilaire MOUKO, commandant de la
sécurité présidentielle qui m'a assuré de son intervention. --
Le 11 mai 1999 je suis retourné à la garde républicaine. J'ai été reçu par le conseiller du
Général ADOUA, le Capitaine MBOSSA et le Sergent Chef RIGOBERT MOBED. Ces
personnes m'ont assuré que mon fils était dans leurs geôles.--
Sur instruction du conseiller du général ADOUL\ le Capitaine ILBOSSA et le sergent Chef
MOBED se sont rendus dans les locaux de la garde républicaine pour chercher mon fils. ils
sont revenus une demi-heure plus tard sans ce dernier. Ils m'ont expliqué que mon fils et son
compagnon avaient été retirés des geôles le 09 mai en fm de matinée par un officier dont les
grades et identité n'avaient pas été mentionnés dans la main courante et les documents du
service. Ils tenaient ces informations des personnes qui étaient présentes dans la même cellule
que Narcisse. Ils me donnaient rendez-vous pour le lendemain à 11 heures.--
- Je m'y rendais. Il n'y avait toujours pas de nouvelles de mon fils. Le sergent chef MOBED
reconnaissait formellement avoir personnellement ...... Narcisse lors de son arrivée, l'avoir
protégé des taquineries des éléments de la garde présidentielle et avoir gardé son paquetage et
ses chaussures.---
Par la suite je n'ai plus été reçu par la garde présidentielle si ce n'est le 15 décembre 1999
lorsque à ma demande le général ADOUA doit me ........... à son bureau. Pour des raisons de
sécurité et d'histoire, je m'étais fait accompagner de 4 familles dont les enfants avaient
- Page 4 sur 6 pages - 4
-Audition de M. TOUANGA Marcelégalement
été arrêtés. A cette occasion le Général ADOUA nous a déclaré en résumé
que toutes les personnes arrêtées au BEACH de Brazzaville et qui n'avaient pas regagné leurs
familles trois jours ou une semaine après, avaient été exécutées. Nous avons alors souhaité la
restitution des corps et à ce niveau il nous a déclaré que les corps avaient été détruits.
Intervenant sur l'origine de cette opération et même des évènements qui avaient conduits à
cette guerre, le Général ADOUA nous fera remarquer que les hommes politiques de tous
horizons étaient responsables de cette tragédie qui avait conduit non seulement à la perte des
person.nes originaires du nord mais aussi du Sud. Il nous instruisait de ce que les hommes de
paix de toute région devaient se mobiliser pour nettoyer les responsables politiques et tous
les membres de la classe politique actuelle qui avaient conduits notre peuple à vivre une telle
tragédie. Il reconnaissait que 1 'installation de ces unités au BEACH DE Brazzaville et dans
les couloirs dits humanitaires obéissaient aux instructions de sa hiérarchie. En plus de ce
contact physique j'avais écrit en tant que père et en tant que président du collectif des parents
à diverses personnalités dont M. le Président de la République , M le ministre de la Défense
M. LEKOUNDZOUITUll, le Ministre de l'Intérieur Pierre OBA, le Ministre de la Santé
Publique M. OPIMBA, l'épouse du chef de l'état Mme Antoinette SASSOU NGUESSO,
l'inspecteur Général des Armées M. DABIRA Norbert et le chef d'Etat Major Général
M. NDOLOU. Enfin j'ai sollicité également du chef d'Etat Major de la Gendarmerie M
OSSETE Valence. Seul de toutes ces personnalités , Mme la Présidente, l'inspecteur Général
des Armées et le Chef de la Gendarmerie ont répondu en me demandant de garder espoir et de
leur laisser le temps des recherches.--
Au vu de ce dont j'ai été témoin au BEACH, des propos du Général ADOUA, nous avons
décidé de créer un collectif dans le but de conduire les recherches concernant les disparus.-De
ces recherches il ressort que les personnes arrêtées au BEACH, les couloirs humanitaires,
et dans les sites ont toutes été exécutées. Nos différentes recherches ont permis d'établir que
les exécutions se pratiquaient au siège de la Garde Présidentielle, au palais de M.
NGUESSO au bord du fleuve le long de la corniche en bas du palais présidentiel et
en d'autres endroits dont certains commissariats du nord de Brazzaville,- commissariat dit de
la frontière vers MAY AMAY A le long du fleuve Congo et au cimetière ITATOLO. --
J'ai eu l'occasion de constater par moi-même la présence de nombreux charniers aux endroits
indiqués. Il y avait là des corps criblés de balles, dans la tête, le long du corps. Beaucoup de
corps étaient méconnaissables lu fait des tortures subies.--
- Le Pont du DJOUE était un endroit privilégié pour i'exécution, car les corps étaient jetés
par-dessus la balustrade.--
J'ai moi-même été témoin de la destruction de charniers se trouvant au Palais présidentiel au
moyen de l'incinération. En effet lorsque je me suis rendu à cet endroit le 19 mai 1999 ies
corps étaient brûlés en plein air au vu et au su de tous les fonctionnaires présents au Palais.
Ceci s'est reproduit les 21 et 24 mai 1999. J'ai su par témoignage que des corps étaient encore
vivant.--
-- Des sacs comportant des restes humains ont égaiement été découvert près du pont
du DJOUE, ce qui peut accréditer les rumeurs faisant état d' un trafic d'organes organisé par la
présidence_--
-QUESTION : Que voulait dire le Général ADOUA lorsqu'il parlait d'instructions de la
hiérarchie?
--REPONSE: Il voulait dire que c'était M. SASSOU NGUESSO qui avait donné ces ordres
d'exécution dans le but de créer un traumatisme au niveau de la population du sud pour avoir
l'entière maîtrise de la situation. Pour l'exécution et la transmission de ces ordres M.
LEKOUNDZOUITIID, Ministre de La Défense Nationale, avait un rôle important. Il était
chargé de suivre l'exécution de l'ensemble des opérations. Nous le savons car nous avons pris
contact avec ses services et lors de nos recherches nous sommes tombés sur 5 CADAVRES
- Page 5 sur 6 pages - 5
-Audition de M. TOUANGA Marcel -
appartenant aux unités de la Direction des Renseignements Militaires qui avaient été exécutés
sur son ordre direct pour des faits d'indiscipline.--
Le Ministre de la Jeunesse et de Sports M. OKONFRI - SALISSA était le patron du front
......... un mouvement d'écurie constitué des cobras et des militaires pour l'exécution de toute
opération destinée à défendre le pouvoir.--
Le Ministre de l'Intérieur, M. OBA, savait ce qui se passait au niveau de la garde
présidentielle et n'a rien fait. Mais il s'est engagé à désinformer la communauté
internationale.--
QUESTION: Quelle est la responsabilité de M. DABIRA Norbert?
REPONSE : personnellement je n'ai pas la preuve de son implication physique mais je sais
qu'il était au courant de ce qui se passait au niveau de la garde présidentielle, car il avait été
nommé président de la Commission chargée de faire la lumière sur le comportement de la
force publique à l'égard des civils.--
QUESTION: Avez vous déjà participé aux combats et faites vous partie d'une ethnie?-REPONSE
: Non, je ne fais partie d'aucune ethnie ni Cobra ni Ninja ni Cocoye. Je n'ai jamais
participé aux combats. Il en est de même pour mon fils qui n'était que sergent dans la
Gendarmerie. Je ne peut pas dire ce qu'est devenu mon fils mais j'ai la certitude qu'il a été
exécuté. Je n'ai jamais retrouvé son corps_ --
Je ne sais pas pourquoi mon fils a été exécuté. Soit il rentrait dans le cadre de ces exécutions
générales soit on lui en voulait personnellement du fait de ma personnalité, de mon histoire,
d'autant que j'ai moi-même échappé à des tentatives d'exécution.--
Je suis réfugié en France à cause de mes activités au sein du collectif qui cherche à faire la
lumière sur ces évènements. J'ai réussi à mobiliser les droits de l'homme à l'extérieur de mon
pays et même à mettre en place une commission parlementaire au Congo. Je suis donc une
personne très .......... Dans mon pays.--
-- Je tiens enfm à indiquer que je fait l'objet de très nombreuses pressions pour abandonner
mes poursuites notamment de la part de 1 ' Ambassade du Congo à Paris.
Je n'ai rien d'autre à déclarer.-
Lecture faite personnellement l'intéressé persiste et signe avec nous et notre assistant le
présent acte à onze heures trente.---
- Page 6 sur 6 pages - 6
D 14
Versailles, 22 Jan vier 2002
Le Capitaine de Police Franck du PEYROUX
Brigade Criminelle
A
MONSIEUR LE DIRECTEUR REGIONAL DE LA POLICE JUDICIAIRE VERSAILLES
S/Couvert de la voie hiérarchique
OBJET: CRIMES CONTRE L'HUMANITE, DISPARITIONS, TORTURES.
REFERENCE: Le Soit-Transmis de Madame KRIEF, Substitut du Procureur de la
République près le Tribunal de Grande Instance de MEAUX (Seine-et-Marne)
P.JOINTES:
- 14 procès-verbaux de la Direction numérotés 2001-2530 et leur copie confom1e.
En retour, le Soit-Transmis daté du 08/12/2001, les annexes et la réquisition aux fins
d'extension
J'ai l'honneur de vous rendre compte du résultat de l'enquête diligentée en préliminaire,
conformément à vos instructions et à celles visées en référence.
Cette enquête, visant des faits de crimes contre l'humanité survenus en 1999 au CONGO, a été
menée sous les directives du Commandant de Police Patrice F AUGEROUX et a vu la
participation des Lieutenants de Police Mmiine VOLLE et Richard THERY ainsi que celle du
Sous-Brigadier de Police Ludovic LAc\IIARCHE.
Le 7 décembre 2001, Maître Henri LECLERC, représentant les intérêts de la Fédération
Intemationale des Ligues des Droits de l'Homme (F.l.D.H.), de l'Observatoire Congolais des
Droits de l'Hmm11e et de la Ligue Française pour la défense des Droits de l'Homme déposait
plainte auprès du Procureur de la République près le Tribunal de Grande instance de PARIS
contre le Président de la République du CONGO pour des faits de CRIMES CONTRE
L'HUMANTIE avec actes de tmiures.
A ce dépôt de plainte était joint un courrier de la F.I.D.H. daté du 5 décembre 2001, qui résumait
le contexte politique et historique des mmées 98-99 au CONGO, période qui suivait trois guerres
civiles.
Ce même document indiquait la présence, en Ile de France, d'un rescapé M. TSIENO, d'un parent
de victime M. TOU AN GA et d'un auteur possible sur la commune de VILLEPARISIS en SEINE
ET MARNE, en la persmme du Général DABIRA ex-Commandant de la Garde présidentielle.
Le parquet de F ARIS transmettait alors ces documents au parquet de MEAUX. Madame KRIEF,
Substitut du Procureur de la République saisissait alors la Direction d'une enquête préliminaire,
sollicitant d'une pmi l'audition des témoins et d'autre part la recherche de renseignements
concemant l'ex-commm1dant du Président de la République du CONGO.
Rapidement, des recherches permettaient l'identification précise et la localisation de l'ex-Officier
Supérieur de la Garde Présidentielle au CONGO pendant les évènements de mai 1999.
M. Norbeti DABIRA né le 24 juin 1949 à MBOMA (Congo) occupait effectivement un logement
à VILLEPARISIS sis 54, allée des tilleuls. Déclarant la profession d'employé, il était noté que
l'intéressé détenait également un titre de séjour valable jusqu'en février 2003 et qu'il avait fait
l'acquisition d'un véhicule automobile en décembre 1999.
Quant aux victimes, M. Linot TSIENO, 30 ans, marié et père de deux enfants, sans emploi sur le
territoire national, ex-commerçant au CONGO et sans appmienance ethnique particulière était
entendu le 1 7 décembre 2001.
Résidant au CONGO jusqu'en février 2001, il c01m1mniquait quelques infonnations concemant
les conflits intérieurs de son pays. A la suite de différentes guenes civiles opposant l'ethnie des
cobras -partisans du Président du Congo- aux milices privées du pasteur. NTOUMI (les
NINJAS), M. TSIENO prenait la fuite avec sa famille. Il quittait BRAZAVILLE pour rejoindre le
port de KINSHASA. Ce trajet s'effectuait, sans incident, pendant une semaine sous le contrôle du
Haut Comité des Réfugiés.
Pendant le voyage, le bateau était anais01mé par les Cobras. Les familles étaient séparées. Si les
femmes étaient fouillées et si elles conservaient leur liberté, ce n'était pas le cas des hommes qui
étaient alors isolés dans un bâtiment puis fouillés et totalement déshabillés. Considérés c01mne
proches des NINJAS, ils subissaient des violences puis étaient conduits, le visage masqué, près
d'un fleuve, non loin du palais présidentiel. Dépouillés et s01ID11és de se mettre en rang et à
genou, M. TSEINO entendait plusieurs détonations puis était touché au visage et au bras.
Réalisant qu'il s'agissait d'exécutions sommaires, il restait allongé sur le sol, simulant sa mort.
Avant les dépmis des Cobras, il était en plus blessé au genou.
Seul rescapé, il remontait le fleuve et rejoignait l'hôpital local où il était soigné pendant un mois
et demi.
Quand à M. TOUANGA, déjà entendu en septembre dernier par les militaires de la Section de
Recherche de PARIS, dans le cadre de deux commissions rogatoires délivrées en l'an 2000,
respectivement les 12 janvier et 2 mars par M. LELOIR, Juge d'Instruction au Tribunal de
Grande Instance de PARIS (Cabinet de Mme HOUYVET) visant les mêmes faits, il réitérait les
éléments concemant la disparition de son fils Narcisse.
Ce Colonel en retraite indiquait avoir mené de nombreuses investigations pour retrouver son fils
enlevé, en compagnie d'une centaine de personnes, le 8 mai 1994 par les forces de la Garde
Présidentielle. A la suite de nombreuses démarches auprès des militaires, il s'entretenait, pendant
quelques minutes avec son enfant.
Le 10 Mai 1999, il apprenait, auprès du Capitaine MBOSSA, membre de la Sécurité
Présidentielle commandée le général MOUKO que son fils avait été enlevé des geôles par un
Officier dont aucune identité n'avait été menti01mée sur le registre ad hoc.
Quelques jours plus tard, M. TOU AN GA apprenait de la bouche du Général ADOUA que les
corps avaient été incinérés et que ces actes criminels avaient été commis sur les instmctions de sa
hiérarchie. Il mettait en cause le Président actuel, M. SAS SOU NGUESSO.
Quant à une éventuelle responsabilité de l'Inspecteur Général des Années, M.DABIRA, il n'était
en possession d'aucune preuve. Il laissait entendre qu'il ne pouvait ignorer les faits parce qu'il
avait été en charge d'une commission chargée d'expliquer le comportement des forces
présidentielles vis-à-vis des populations civiles.
Enfin, dans le cadre de ses recherches et en tant que Président d'un collectif des dispams, il
précisait avoir vu des charniers. Il ajoutait que les corps étaient méconnaissables et qu'ils
présentaient des traces de tortures.
A la demande du magistrat du Parquet près le Tribunal de Grande Instance de MEAUX, le
dossier est retourné en l'état.
Le capitaine de POLICEX

REQUISITOIRE INTRODUCTIF
N° du Parquet: 25146/01
Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de MEAUX
Vu les pièces jointes et notamment PV no 2530/2001
Attendu qu'il résulte contre X
Des indices laissant supposer qu'il(ils, elle, elles) a( ont) participé aux faits suivants:
Crimes contre l'humanité: pratique massive et systématique d'enlèvements de
personnes suivis de leur disparitions
D29
De la torture ou d'actes inhumains pour des motifs idéologiques et en exécution d'un
plan concerté contre un groupe de population civile
Vu les articles 212-1 du Code Pénal
689-1 du Code de Procédure Pénale
Vu les articles 80, 80-1 et 86 du Code de Procédure Pénale
Requiert qu'il plaise à Monsieur le juge d'instruction informer par toutes voies de droitf
Fait au Parquet le 23 janvier 2001
Le Procureur de la République _..
PlOC KRIEF, Substitut
f V1_)1.J!U.rl .~t Hr-.e ,
)lN-' : l_oot)

ORDONNANCE
COUR D'APPEL DE PARIS
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MEAUX
Cabinet de Mme Odette-Luce BOUVIER
Vice Président chargé de l'instruction
D30
Nous, Odette-Luce BOUVIER, Vice-Président chargé de l'instruction au Tribunal de Grande
Instance de MEAUX ;
Vu l'article 83 du Code de procédure pénale;
DESIGNONS les juges d'instruction chargés des informations requises par le Parquet
conformément au tableau de roulement suivant pour la période du 12 janvier 2002 au 05 juiliet
2002;
Précisons que chaque période s'entend du premier jour à 0 heure au dernier jour à minuit
Du 12 janvier au 14 janvier : M. GERVILLIÉ
Du 15 janvier au 16 janvier: Mie DUTARTRE
Du 17 janvier au 18 janvier : Mme BOUVIER
Du 19 janvier au 25 janvier : M. GERVILLIÉ
Du 26 janvier au 1er février : Mie DUTARTRE
Du 02 février au 08 février: M. GERVILLIÉ
Du 09 février au 15 février : Mme BOUVIER
Du 16 février au 22 février : M. GERVILLIÉ
Du 23 février au 1er mars : Mie DUT AR TRE
Du 02 mars au 08 mars : Mme BOUVIER
Du 09 mars au 15 mars : M. GERVILLIÉ
Du 16 mars au 22 mars: Mle DUTARTRE
Du 23 mars au 29 mars : Mme BOUVIER
Du 30 mars au 05 avril : M. GERVILLIÉ
Du 06 avril au 12 avril : Mme BOUVIER
Du 13 avril au 21 avril: Mie DUTARTHE
Du 22 avril au 26 avril : M. GERVILLIÉ
Du 27 avril au 03 mai : Mme BOUVIER
Du 04 mai au 10 mai: Mie DUTARTRE
Du 11 mai au 17 mai : M. GERVILLIÉ
Du 18 mai au 24 mai : Mle BOUVIER
Du 25 mai au 3 I mai : Mie DUT ARTRE
,'•
Du 1er juin au 07 juin : M. GERVILLIÉ
Du 08 juin au 14 juin : Mme BOUVIER
Du I5 juin au 21 juin : Mie DUT ARTRE
Du 22 juin au 28 juin : Mme BOUVIER
Du 29 juin au 05 juillet : M. GERVILLIÉ
Fait au Palais de Justice à MEAUX.
Le I 8 décembre 2001,
Le Vice-Président
DESIGNATION DE WGE D'INSTRUCTION
(Art. 83 al. 2. Du C.P.P.)
Nous Pierre Alain WEILL, Président du Tribunal de Grande Instance de MEAUX
Vu le Réquisitoire introductif de M. le Procureur de la République et les pièces jointes
Vu la gravité et la complexité de l'affaire
D32
Vu la demande de Monsieur J. GER VILLIE, juge d'instruction, en date du 1er février 2002
Vu les articles 83, D 27 et D 28 du Code de Procédure Pénale;
ADJOIGNONS à M. J. GER VILLIE
Juge d'instruction pour suivre l'information n° 3/02/40
Mme ODETTE LUCE BOUVIER
Vice Présidente
Juge d'Instruction
Fait en notre cabinet
A MEAUX, le 4 février 2002
Le Président
Pierre Alain WEILL

10
Témoignage TSIENO = Cotes D 34, D 33, annexe de la cote D 24, D 9
CONSTITUTION DEPARTIE CIVILE
JE SOUSSIGNE
Monsieur LINOT BARDIN DUVAL TSIENO
Né le 25 septembre 1971 à BRAZZAVILLE (CONGO BRAZZAVILLE)
De nationalité congolaise
Demeurant chez M. Gaston MANIMA, 5, rue DEGAS, à MONTFERMEIL (93370)
Mais élisant domicile chez mon avocat,
Maître Patrick BAUDOUIN
19, Avenue RAPP à PARIS 75007,
me constitue partie civile, suite à l'information ouverte par le Parquet du Tribunal de Grande
Instance de MEAUX, dans le cadre de l'instruction visant des responsables des autorités CONGO
BRAZZA VILLE pour des chefs de crimes contre l'humanité, disparitions forcées et tortures
(Dossier n° Parquet : 01 25146)
Fait à Paris
Le 31 janvier 2002
- Page 9 sur 9 pages -

Témoignage TSIENO = Cotes D 34, D 33, annexe de la cote D 24, D 9
Récit de M LINOT BARDIN DUVAL TSIENO : Rescapé du BEACH de BRAZZA VILLE
Lorsque les événements de 1998 éclatent, j'habitais le quartier KINSOUNDI, au
Sud de Brazzaville avec mes parents. Nous avons vu les Ninjas entrer à BRAZZA VILLE
vendredi 17 décembre 1998. Nous sommes restés sur place toute la journée car nous pensions
que les évènements ne dureraient pas. Les N'SILULUS que nous avions vu étaient si faiblement
armés que l'idée d'une grande offensive de ceux ci ne nous a même pas effleuré.
Samedi 18 décembre, des tirs d'armes automatiques et de canons commençaient à se faire
plus intenses dans BACONGO. N'y tenant plus, nous avons pris la décision de nous réfugier
vers l'arrière pays c'est à dire vers le Sud du pays où nous pensions être en sécurité car c'est là
que se trouve le village de mes parents (KIMPILA). Je suis originaire du pool
Nous avons traversé le pont du DJOUE sans encombres. Nous n'avons assisté à
aucun combat dans cette zone. En ce qui nous concerne, nous n'avons pas été pris en otages
par qui que ce soit ( comme le prétendent les informations officielles ). Nous avons marché
toute la journée en passant par NGANGA LINGOLO et LINZOLO jusqu'à MBANZA
NDOUNGA où nous avons passé la nuit. Nous sommes enfin arrivés le lendemain à KIMPILA
notre destination.
Je n'ai jamais été recruté par les Ninjas pendant mon séjour à KIMPILA, de toutes les façons
je pense que l'appartenance aux milices Ninjas était un acte volontaire, non forcé. Par contre
j'ai souvent vu des Ninjas passer par KIMPILA pour aller combattre, sans parler du bruit sourd
des armes lourdes que j'ai souvent entendu sans pour autant assister à un
quelconque affrontement entre les deux milices. Je n'ai jamais, pour ainsi dire, rencontré de
Cobras pendant mon séjour à KIMPILA. La seule opération militaire à laquelle j'ai assisté est le
bombardement de MBANZA NDOUNGA. Je me permet de suspendre ici mon récit pour vous
parler de cet événement car j'y ai été involontairement un témoin oculaire
A cette époque le gros des troupes des cobras n'avaient pas encore investi le pool et ce village.
Mon amie s'y étant réfugiée, c'est en lui rendant visite, que j'avais pu assister au bombardement
de ce village par un hélicoptère. Mon ami avait un étalage au marché de MBANZA NDOUNGA.
Ce jour là il y avait une grande affluence au marché. Les populations civiles et miliciennes ont
été surprises de voir à l'horizon, survolant le fleuve, une forme ressemblant vaguement à un
avion, reconnaissable par le bruit de ses moteurs. L'hélicoptère, car il s'agissait en effet d'un
hélicoptère, est allé faire un virage pour voler en direction au marché .
Il y eut un début de panique. Les ninjas, pour nous rassurer nous ont dit de ne pas nous inquiéter
car cet hélicoptère était des nôtres, envoyé par Bernard KOLELAS et BIKINKIT A. A
peine avions-nous repris notre souffle que nous entendîmes des coups de feu et
vîmes des flammes provenant de l'hélicoptère. Cette fusillade fit à l'origine de
nombreuses victimes. c'est bien l'hélicoptère qui avait tiré en premier ; je puis nôme affirmer
qu'il volait en rase motte, ce qui nous a permis de constater qu'il était piloté par un homme de
couleur blanche. Je suis persuadé que c'est suite à cette fusillade que les populations peu
rassurées se sont décidé à traverser en masse le fleuve Congo pour se rendre au Congo
Démocratique.
- Page 1 sur 9 pages -
Témoignage TSIENO =Cotes D 34, D 33, annexe de la cote D 24, D 9
Avant ce bombardement, les populations du Sud ayant fui les "combats", mélangés aux ninjas, ne
songeaient pas à traverser la frontière ; en effet elles n'auraient jamais eu les moyens d'y survivre
MBANZA NDOUNGA etait alors l'un des centres les plus importants de
regroupement des populations du Sud chassées par la guerre. Déstabilisées par la fusillade et tout
en sachant qu'elles n'auraient pas les moyens fmanciers pour vivre au Congo Démocratique,
elles se décidèrent quand même à s'y rendre ne fut -ce que pour se protéger d'une
nouvelle fusillade. Je pense aussi que ce bombardement a favorisé l'avancée des cobras dans cette
contrée.
Pendant toute la durée du conflit je suis resté sur place à KlMPILA 3 mois, de janvier 1998 à
avril 1999, jusqu'au moment où, une déclaration du président demandant aux
belligérants de cesser les hostilités et de rendre les armes nous a fait comprendre que nous
pouvions rentrer à BRAZZA VILLE .
Le Président SASSOU NGUESSO par un vibrant appel demandait à tous les congolais
sans distinction d'ethnies, de jeter les armes et de rejoindre BRAZZA VILLE où aucun mal ne
leur serait fait. Mais le bruit des combats nous parvenait toujours. Par conséquent il nous
était impossible de revenir à BRAZZA VILLE en passant par la nationale 1, c'était
apparemment l'axe des combats. De fait, la route de Brazzaville nous était coupée
C'est la raison pour laquelle nous avons été obligés de traverser les frontières dans l'espoir
de regagner Brazzaville en passant par le Congo Démocratique, seulement il était
impossible d'atteindre Brazzaville sans au préalable être enregistrés par le HCR dans le camp des
réfugiés de MBANZA - NGOUNGOU ; c'est du moins ce que nous pensions. A cette époque
les cobras n'avaient pas encore envahi la région du Pool
Mon oncle et moi sommes allés à MBELO où il était possible de traverser le fleuve. Là. ninjas
nous ont compliqué la tâche pour traverser, en prétendant que nous pouvions aller livrer les
informations les concernant aux militaires. Après quelques négociations nous avons traversé la
frontière et sommes arrivés à NGOMBE- MATADI au Congo démocratique où nous avons été
enregistrés. Les soldats du Congo démocratique étaient relativement gentils, seulement ils nous
dépossédaient de nos objets de valeur lors des fouilles. Ils nous ont dit d'aller à MBANZA -
NGOUNGOU à 45 km. A NGOMBE MATADI nous avons passé trois jours puis nous nous
sommes mis en marche pour MBANZA - NGOUNGOU à 45 km. Nous avons atteint ce centre à
pieds juste au moment où un train partait pour Brazzaville via Kinshasa.
Je disais que dès le lendemain de notre arrivée, un convoi allait sur Brazzaville. Nous
ne pouvions le prendre. Puis il s'est passé une petite période sans qu'il y ait un autre départ. De la
traversée vers Brazzaville nous avions quelques vagues échos qui nous apprenaient qu'en arrivant
au BEACH les hommes étaient semble-t-il déshabillés. En effet, ils
étaient examinés minutieusement à la recherche sur leur corps d'éventuels traces du port d'armes
(traces de lanières de fusils). Or en mon âme conscience, je savais que je n'avais jamais porté
d'arme; ainsi le coeur tranquille, je m'apprêtais à prendre la prochaine embarcation.
- Page 2 sur 9 pages -
Témoignage TSIENO = Cotes D 34, D 33, annexe de la cote D 24, D 9
Nous sommes restés environ deux semaines à MBANZA-NGOUNGOU. Nous les congolais
de Brazzaville y étions très nombreux, je pense même que nous étions plus nombreux
que les locaux.
Je fis partie du prochain convoi. Avant de prendre le train, il avait été procédé à un appel au bout
duquel le chiffre 1500 fut atteint. Nous avions interrompu notre voyage à
KAZANGOULOU pour y passer la nuit. Le lendemain nous avions redémarré aux environs de 10
h et sommes arrivés au BEACH vers 16h00. Parmi les personnes du HCR chargées de nous
convoyer il y avait des Noirs et des Blancs qui s'arrêtaient à Kinshasa au port de NGOBILA,
et ne continuaient pas jusqu'au BEACH de Brazzaville.
Les membres du HCR ont procédé à un appel nominatif ce qui m'avait permis de me
rendre compte que parmi nous se trouvaient beaucoup de personnes membres d'une même
famille. En ce qui me concernait, je voyageais avec mon oncle et sa femme. Nous n'avions
pas pu embarquer dans le même bateau car je n'avais pas trouvé de place dans celui qui
les emmenait. Mon oncle m'avait juste dit négligemment au revoir dans l'espoir de
me retrouver une fois à Brazzaville. Ce bateau était probablement un bateau kinois, car il
était plus grand et plus gros que ceux de l'A TC de Brazzaville.
Quand mon tour d'embarquer fut arrive, notre bateau n'accosta pas à
l'embarcadère habituellement réservé aux voyageurs,
port fluvial des pêcheurs .Il était environ 17h00.
mais au contraire, il se dirigea vers le
Un fort contingent de cobras impressionnants, tant par leur carrure que leur armement était
au comité d'accueil : ce qui n'était pas de nature à nous rassurer.
Ils nous ont fait signe nous aligner en deux files : une pour les hommes et une pour les femmes.
Les femmes subissaient une légère fouille. Les hommes de 5 à 75 ans étaient aux
dires des cobras, considérés comme des ninjas potentiels. Nous étions ensuite dirigés vers une
salle dans laquelle nous avions subi un examen minutieux après avoir été
complètement déshabillés. D'après eux, ceux qui portaient des traces sur leur corps étalent
des ninjas.
Quand mon tour fut arrivé mes investigateurs ne me trouvèrent rien de suspect, cependant je fus
mis de côté avec tous les autres. Les sacs devaient être abandonnés à l'entrée.
Les très jeunes enfants furent relâchés, tandis que tous les adolescents restèrent avec
mon groupe.
Vers 18 h les cobras ou les militaires nous ont rassurés en nous disant :
"N'ayez crainte, ce traitement est administré à tous ceux qui viennent ici ; de toutes les façons dès
demain vous serez relâchés il ne vous arrivera rien de mal car vous êtes ici véritablement en
sécurité".
- Page 3 sur 9 pages -
Témoignage TSIENO = Cotes D 34, D 33, annexe de la cote D 24, D 9
A un moment de la soirée nos gardiens nous invitèrent à nous restaurer si d'aventure nous avions
quelque chose dans nos sacs ; ce fut chose faite pour mon cas, car j'avais quelques vivres dans
mon sac.
Il y eut à l'extérieur un regroupement de femmes à la recherche de leurs époux. Des coups de feu
furent tirés en l'air pour essayer de les disperser.
Sur ce, certaines personnes, fatiguées par le voyage, commencèrent à s'endormir. Elles
furent réveillées par un bruit de camion. Dix personnes furent désignées et invitées à y monter
pour aller je ne sais où. Quelques temps après dix autres personnes subirent le même sort. Il y
eut ensuite pour ainsi dire une inactivité jusqu'à environ 23 h. Pendant ce temps
nous nous demandions ce qu'il était advenu de nos 20 compagnons de misère. Avaient-ils été mis
au cachot ou tués ?
Vers 23 h, la porte s'ouvrit et il nous fut demandé d'abandmmer tous nos effets et de rejoindre un
bus "COASTER "qui était au milieu de la cour. Avant de démarrer il nous fut demandé d'enlever
nos chemises. Avec nos habits nos geôliers nous confectionnèrent des cagoules qui nous
empêchaient pratiquement de respirer. Je ne pouvais pas savoir vers quelle destination nous
allions, maintenant je connais cette destination car j'ai survécu à ces horribles assassinats
organisés par les hommes du pouvoir. Mes compagnons d'infortune tués, sont morts sans savoir
où ils avaient été abattus.
Dans le car, il y eut des pleurs et des supplications , certains d'entre nous
tentaient vainement d'apitoyer les bourreaux en leur évoquant une parenté avec tel ou tel colonel.
Rien n'y fit, au contraire la bastonnade redoubla de vigueur.
En effet nous fûmes torturés pendant notre dernier voyage. La bastonnade ne prit fm qu'au palais
secondaire du plateau (je le sais maintenant). Nous mmes nourris de quolibets du genre : "c'est
vous les ninjas, les neveux de KOLELAS, vous allez voir aujourd'hui, on va bien vous battre ".
Ces paroles étaient dites en langue locale, en lingala et donc étaient tout à fait compréhensibles.
A notre descente, le comité d'accueil continua allègrement de nous molester.
Une fois à terre, il nous fut demandé de nous mettre en file indienne. Un moment par distraction
ou par excès de peur, je lâcha la main de mon prédécesseur, ceci me valut un regain de
bastonnade, jusqu'à ce que un de mes bourreaux me prit la main et la remit dans celle de mon
VOlS ID.
Notre cortège funèbre entreprit de descendre un petit chemin passant à travers de très
hautes herbes. Une odeur épouvantable de chair en décomposition nous accueillit, alors
nous commençâmes à comprendre ce qui allait nous arriver d'un moment à l'autre. Les pleurs et
les gémissements redoublèrent d'intensité. On nous ordonna de nous mettre : en rang, ce qui
était du reste difficile, car nous étions cagoulés. On nous intima ensuite l'ordre de nous mettre
à plat ventre. Après une courte pause on nous demanda de nous asseoir. Pendant tout ce
temps, nous avions les mains libres.
A partir de ce moment les ordres qui suivirent furent donnés dans un patois certainement du Nord
du pays ce qui m'empêcha d'y comprendre quoi que ce soit, alors que jusque là, tout avait été dit
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Témoignage TSIENO =Cotes D 34, D 33, annexe de la cote D 24, D 9
en vernaculaire : lingala. Cependant à la fm de cette litanie de phrases mêlées d'onomatopées
incompréhensibles, j'entendis ceci: "alors qu'est ce que tu attends pour tirer?"
Cette phrase apparemment bien choisie pour nous faire comprendre la situation résonne encore
et, sans aucun doute, résonnera toujours dans mes oreilles.
Lorsque les coups de feu ont brisé le silence de la nuit ; j'étais encore naïvement persuadé qu'ils
tiraient en l'air. Je n'avais pas vraiment entendu des cris d'agonie, car les tireurs ne laissaient pas
de chance à leurs victimes. Ils ne tiraient pas par rafales, mais au coup par coup. Je me suis rendu
compte de mon imminente exécution quand mon proche voisin s'est écroulé sur moi atteint de
deux ou trois balles. (Je le pense car dans la nuit je suis revenu sur les lieux de l'exécution pour
emprunter ou plutôt lui prendre sa cagoule, j 'ai alors constaté qu'il avait plusieurs blessures dont
une lui avait emporté la moitié de la tête).
Je n'avais pas encore fmi de me rendre compte de la mort de mon voisin que je me trouvais moi -
même plaqué à terre, touché à mon tour à la tête. J'ai du certainement perdre connaissance car je
n'ai pas senti l'impact de la balle qui m'avait transpercé le bras et dont je me rendrai compte que
plus tard. Lorsque j'ai cru retrouver mes esprits, je me suis posé une question plutôt étrange dans
pareille occasion : «Pourquoi ai-je donc changé de position ?" Il y a quelques instants j'étais
assis, pourquoi donc suis-je dans cette position si ridicule le nez dans la poussière?".
Il m'avait fallu quelques instants pour réaliser que l'on m'avait tiré dessus et que j'étais
encore vivant. J'ai alors gardé mon calme pour éviter d'attirer l'attention de mes
agresseurs. Pendant ce temps, les exécutions ont continué. Je n'oublierai jamais le long râle et
une sorte d'inspiration bruyante d'air juste avant la mort que poussaient tous mes
compagnons tués. Ils n'ont certainement pas eu le temps de comprendre ce qui leur arrivait.
J'entendais distinctement des respirations bruyantes suivies d'un silence.
Une autre série de coups de feu dont le bruit se rapprochait de plus en plus, retentit : je pris cela
pour le coup de grâce de nos bourreaux ; en fait ils faisaient exploser les rotules des suppliciés
pour empêcher des éventuels survivants de se sauver.
Quand mon tour arriva, je sentis la pointe du canon d'un fusil contre la partie interne de
mon genou (j'étais tombé sur le ventre). Lorsque la balle me traversa le genou, je
retins ma respiration pour ne pas réagir, fort heureusement pour moi la balle passa à
quelques millimètre de la rotule sans la fracasser.
Lors de l'impact de la balle, la douleur ne m'a pas paru vive, c'est quelques instants après, que la
douleur s'installa. Je pense n'avoir été atteint en tout et pour tout que par deux balles. Lors de
notre exécution, nous étions en position assise. Au moment où la balle m'a atteint j'avais
du esquisser un mouvement avec mon bras droit juste avant l'impact de la balle.
C'est certainement le même projectile qui m'a traversé aussi bien la tête que le bras.
une fois leur sale besogne exécutée, les cobras ou militaires passèrent en revue tous les corps à
l'aide d'une lampe torche : à travers la cagoule, j'entr'aperçus une raie de lumière. J'ai entendu
certains d'entre eux, dire:" BANGO NIONSA BA KUFI?" En français "sont- ils tous morts?"
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Témoignage TSIENO =Cotes D 34, D 33, annexe de la cote D 24, D 9
Un autre se croyant beaucoup plus spirituel que les autres s'exclama d'une voix
forte, mi confiante, mi menaçante : "que tous ceux qui ne sont pas morts se mettent
debout, surtout - qu 'ils soient tout à fait rassurés, qu'ils aient confiance car il ne leur sera fait
aucun mal"
Aujourd'hui, malgré la douleur de ce souvenir, il m'arrive de sourire en me souvenant de
cette phrase. Il devait se dire au fond de lui que l'un d'entre nous aurait pu lui faire confiance,
se lever et lui crier : "coucou, je ne suis pas mort I "
Je ne sais plus très bien, l'heure qu'il était, certainement minuit ; en tout cas j'entendais les chants
des cigales et des grillons. Je suis resté immobile au moins 1 Omn ; nos tueurs se sont éloignés
(c'est du moins ce que je me disais car j'avais encore la tête dans la cagoule) : la forte odeur de la
chair en décomposition les avait sûrement incommodé. Je me suis décidé à me relever au risque
de me retrouver nez à nez avec un éventuel cobra qui serait resté en faction. Un triste spectacle
était perceptible sous la faible lueur de la nuit, des formes fantomatiques, des dizaines de corps
tels des sacs de patates jonchant le sol.
Il ne faisait pas très clair ; à lOm à la ronde, je pouvais quand même deviner des formes
dans toutes les positions. En me déplaçant lentement, je suis tombé sur des corps en
état de putréfaction avancée avec de gros ventres. J'en ai enjambé un qui n'avait plus
qu'une jambe et un ventre énorme. En ce moment là, j'ai commencé à sentir une grande douleur
dans le bras droit :j'ai alors réalisé que j'avais été atteint à cet endroit. Je suis revenu sur mes pas
dans le but de retirer ta cagoule d'un corps fi·aîchement mort, afm de m'en faire un
pansement de fortune. J'avais à peine fini de réaliser ces "premiers soins" que je vis un
faisceau de lumière réapparaître ; j 'ai juste eu le temps de me blottir contre le corps au gros
ventre que les tueurs étaient de retour, chargés certainement d'un autre contingent. Il y eut des
ordres, des pleurs et des coups de feu, (en fait je n'entendais pas très bien, car mon oreille gauche
était lésée), enfin survint le silence dans la nuit.
Je n'avais fait que quelques mètres sous les hautes herbes que ma jambe commençait à me faire
affreusement souffrir. C'est en rampant et écartant les hautes herbes de mon bras valide que je me
suis mis à progresser sans savoir où j'étais exactement, avec comme unique repère des
lampadaires au loin.
En fait c'était les lumières de la corniche. Je suis descendu vers les bords du fleuve. Une fois dans
les hautes herbes du fleuve j'eus brusquement des vertiges et une grande somnolence. Je me suis
écroulé de sommeil jusqu'à l'aube naissante; A mon réveil vers 5h du matin, je réalisais
réellement l'endroit où j'étais, nous avons été exécutés dans le palais de marbre du Président
Denis SASSOU NGUESSO. J'avançai toujours par reptation, en progressant péniblement dans
les hautes herbes, jusqu'à atteindre le fleuve. J'eus toutes les difficultés du monde à me désaltérer
car j 'avais la bouche en feu, mal aux côtes et des démangeaisons sur mon torse nu, sans compter
mon bras et ma jambe qui commençaient à s'engourdir. Ma progression à travers les hautes
herbes était trop douloureuse ; il valait par conséquent mieux me déplacer dans l'eau. Une idée
me traversa la tête à ce moment là et me sauva sans doute la vie. Dans mon état il était certes plus
aisé de descendre le courant mais cette éventualité me conduirait droit en contre bas à
BACONGO, zone dangereuse certainement infestée de cobras et la mort assurée. Devant une
alternative pareille j'en oubliais pratiquement toutes mes douleurs et pris la décision de remonter
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Témoignage TSIENO =Cotes D 34, D 33, annexe de la cote D 24, D 9
le courant en direction de YORO : gage de la vie sauve. Tantôt dans les herbes, tantôt dans
l'eau du fleuve jusqu'à la poitrine, luttant contre le courant qui devenait trop fort.
Mon pénible périple dans le fleuve avait commencé dans les voisinages fluviaux
près de l'ancienne Alliance Française à l'endroit du fleuve où deux grandes
canalisations rejoignent le fleuve. En fait ces constructions datent de la période où l'ambassade
des USA voulait avoir un accès direct sur le fleuve Congo) Pour aller de cet endroit aux hauteurs
fluviales de l'hôtel de ville, j'ai mis 5 jours. Je n'ai parcouru en fait que quelques kilomètres,
tantôt dans l'eau le jour et me reposant sur la terre ferme la nuit.
Depuis l'arrestation et l'exécution du vendredi 14 mai, je suis arrive vers les
services de l'immigration, à la hauteur de l'hôtel de ville que le mercredi 19 mai 1999.
Je me souviens d'un fait que je trouve aujourd'hui anodin et qui m'avait pourtant glacé d'effroi sur
le coup. Lors de la remontée du fleuve, je me suis trouvé nez à nez avec un serpent de taille
respectable; nous sommes restés tous les deux immobiles, puis le serpent a plongé brusquement.
Je suis resté sans réaction, tétanisé : avais - je encore la notion du danger ?
Le 19 mai 1999 je me suis décidé à me risquer sur la terre ferme, ceci pour deux raisons : toute la
zone que je venais de traverser dans mon infortune était silencieuse et déserte, presque sans vie
alors qu'ici j'entendais des voix humaines, le bruit des moteurs des véhicules, bref la vie. J'ai
entendu distinctement des voix et j'ai crié, d'une voix déformée par ma blessure à la bouche: "au
secours."
A mon grand désespoir les personnes concernées se sont tues, se sont tournées dans ma direction
et se sont éloignées. J'ai alors pris la résolution de me traîner sur la terre ferme vers la route
goudronnée qui se trouve derrière l'hôtel de ville. A peine avais - je la moitié du corps hors de
l'eau que j'ai aperçu quatre hommes en armes qui en me voyant ont crié en lingala dans ma
direction : "EH YO KUNA 0 ZALIKO SALA NINI ? OYO EZALI ESSIKA Y A KO
SUMBA TE" "Eh toi que fais- tu là? Ce n'est pas un lieu pour faire caca". Je leur ai fait signe
de s'approcher, ce qu'ils ont fait. En voyant mon état, ils ont écarquillé les yeux. L'un d'eux
m'a demandé ce qui m'était arrivé. J'ai eu la lumineuse idée de leur dire que j'avais été
victime d'une agression de la part des cobras. J'ai inventé une histoire du genre : " nous étions
trois au départ, vers POTO-POTO, nous sommes tombés sur une patrouille de cobras, les
deux autres ont mommyé leur liberté, ne possédant pas d'argent, moi par contre, j'ai été agressé et
jeté à l'eau'".
Apparemment ma version leur avait paru plausible. E,lle était encore plus vraisemblable du fait
que le fleuve Congo coule logiquement de Poto-poto vers l'endroit où je me trouvais. Ils sont
allés dans de vives protestations qui condamnaient les exactions et la conduite des cobras. En fait,
j'ai eu beaucoup de chance car je suis tombé sur des soldats de l'armée régulière.
Ils ont posé leurs armes à terre, m'ont soulevé chacun par un membre en me demandant si
je voulais qu'ils me déposent sur la route goudronnée, dans l'espoir que quelqu'un
s'arrêterait et me prendrait pour me conduire à l'hôpital. Ces soldats qui étaient en tout cas
originaires du nord du pays m'ont soigneusement déposé sur le sol et se sont éloignés. Pendant
un moment j'ai été un objet de curiosité pour tous ceux qui venaient chercher leur passeport
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à l'immigration. Certains me demandaient mon adresse mais s'éloignaient presque
aussitôt. Comme j'étais dans l'incapacité d'articuler, j'ai demandé qu'on me donne une feuille de
papier pur y écrire mon adresse. J'ai pensé que mon adresse de KINSUNDI aurait fait peur aux
gens. et je ne l'ai donc pas écrite.
A cette époque, mes soeurs s'étaient réfugiées à OUENZE, chez un de nos oncles ; j'avoue que
je ne connaissais pas exactement l'endroit mais je cormaissais parfaitement l'adresse et c'est
celle là que j'ai écrite. J'avais pensé qu'il était pour moi moins dangereux d'indiquer cette
adresse plutôt que celle de KINSUNDI. De toutes les façons, dans la confusion de l'époque, tous
ceux qui habitaient BACONGO étaient des ninjas potentiels.
Je suis resté livré à moi-même un assez long moment jusqu'à ce qu'un jeune homme arrive. Nous
avons discuté un peu et il s'est éloigné. Quelques instants plus tard il est revenu au volant d'une
très belle voiture (Je saurai par la suite qu'il s'appelait YOKA donc originaire du nord du pays et
je lui resterai reconnaissant toute ma vie). Il m'a hissé sur la banquette arrière de sa belle voiture,
insensible à la puanteur de mes blessures non nettoyées ainsi que de mes haillons. Nous sommes
allés en direction de OUENZE. Seulement je n'avais auparavant jamais mis les pieds chez mon
oncle, je n'avais que son adresse en mémoire et une vague description des lieux. Après quelques
égarements, mon bienfaiteur s'est quand même inquiété : "Es-tu vraiment attendu chez toi, tu es
peut-être juste un voleur? A ce train tu risques de me fmir mon carburant"
«Ne t'en fais pas mon frère, lorsque nous serons arrivés à destination, tu verras bien que je suis
vraiment attendu "
Je ne pensais pas si bien dire, en effet mes soeurs et l'oncle du voyage étaient à ma
recherche depuis ce fameux 14 mai, ne m'ayant pas vu descendre du bateau suivant, mon
oncle avait alerté toute la famille .
A mon arrivée ce furent pleurs et explosions de joie. La famille me croyait mort car
les brazzavillois devinaient très bien ce qui se passait au palais de marbre (la
rumeur populaire parlait d'odeurs de corps brûlés dans les voisinages du palais de marbre).
Beaucoup de brazzavillois étaient au courant des événements qui avaient été perpétrés au
BEACH.
J'ai été hospitalisé au CHU. Je n'ai pu être soigné que quand mes soeurs ont pu s'acquitter de
la somme des ordonnances. J'ai été rétabli au bout de deux mois. Alors j'ai repris
mon activité commerçante.
La nouvelle s'était répandue qu'une personne avait survécu à la tuerie du 14 mai 1999. Je savais
bien que j'étais un témoin gênant, c'est pour cela que j'ai tout fait pour sortir du Congo. afin
d'avoir la possibilité de témoigner un jour.
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11
PREMIERE AUDITION DEPARTIE CIVILE
No du Parquet: . 25146/01 .
No Instruction : . 3/02/40 .
PROCÉDURE CRIMINELLE
le 22 Mars 2002
D35
Devant Nous, Mme Odette Luce BOUVIER, Vice-Président chargé de l'Instruction, et M.
Jean GERVILLIE, juge d'instruction au tribunal de grande instance de MEAUX, étant en
notre cabinet, assistés de Corinne DEY greffier,
A comparu la partie civile :
M. TSIENO LINOT BARDIN DUVAL
Mentionnons expressément que :
Maître Patrick BAUDOUIN, avocat de la partie civile, régulièrement convoqué par
télécopie avec récépissé le 08 mars 2002 ,soit cinq jours ouvrables au plus tard avant la
présente audition, et à la Disposition de qui ia procédure a été mise à tout moment et au plus tard
quatre jours ouvrables avant la présente audition, est présent.
Elle a déclaré ce qui suit :
QUESTION : Vous vous êtes constitué partie civile pour les faits dont vous avez été victime le
14 mai 1999 à BRAZZA VILLE (République du Congo) : votre plainte s'insère dans une
plainte plus large pour crime contre l'humanité, disparitions forcées ou tortures, relatives à la
période et aux disparitions qui se sont déroulés du 5 au 14 mai1999 à BRAZZAVILLE, dans un
épisode appelé le BEACH de BRAZZA VILLE. En ce qui vous concerne, dans quelles
circonstances étiez-vous parti de votre village qui est KIMPILA pour vous réfugier en
République Démocratique du Congo, et pour revenir le 14 mai 1999 à BRAZZA VILLE ?
REPONSE :En ce qui me concerne, j 'étais commerçant à BRAZZAVILLE, c'est-à-dire que je
vendais des petites choses dans la rue. J'ai fui mon quartier KINSOUDI, au sud de
BRAZZA VILLE, fin 98 car les combats étaient vraiment violents, avec des obus, et la population
du sud du Congo, dont je fais partie, puisque je suis originaire du POOL, était vraiment inquiétée.
Pour ma part, je ne faisais partie d'aucune milice, ni des ninjas, ni des cobras. Je suis parti à pied
me réfugier dans le village de mes parents, dans le POOL, à KIMPILA. J'y suis resté de janvier
98 à avril 99. A cette époque-là, le chef de l'état avait annoncé au peuple congolais que c'était la
paix, qu'il fallait déposer les armes, dans les deux camps . Alors avec mon oncle (et sa femme et
sa petite fille) , nous avons décidé de rentrer à BRAZZA VILLE. Mais nous ne pouvions pas le
faire par la nationale 1 qui mène à BRAZZA VILLE car c'était là que se tenaient les combats.
Nous avons donc décidé de prendre la pirogue pour passer le fleuve CONGO et pour rejoindre la
République Démocratique du CONGO. C'est ce que nous avons fait et nous sommes fmalement
arrivés dans le camp de réfugiés du HCR à MBANZA-NDOUNGOU. Là, je suis resté avec mon
oncle et sa famille deux semaines en attendant le prochain train pour rejoindre BRAZZA VILLE.
1
QUESTION : L'accord tripartite du 10 avril 1999 entre la République du CONGO,
la République Démocratique du CONGO et le HCR (D8), avait effectivement pour objectif
le retour des réfugiés congolais à BRAZZAVILLE, avec l'aide du HCR. Avez-vous été
recensé avec votre :fumille, officiellement comme réfugié par le HCR, en RDC, avant votre retour
le 14 mai 1999 à BRAZZA Y'ILLE ?
REPONSE : Oui, ils nous ont bien recensé. Le HCR faisait ça par famille et puis par personne.
Nous sommes donc partis en train le 13 mai 1999. Nous avons passé la nuit à KAZANGOULOU
puis, nous avons pris le bateau au port de KINSHASA, NGOBILA. Nous sommes arrivés au
BEACH vers 17 heures. Mon oncle et sa femme avaient pris un premier bateau de la compagnie
de la RDC . Moi j'ai pris un bateau de la compagnie ATC, une compagnie congolaise (agence
transcongolaise de communication).
QUESTION : Est-il exact que vous n'arrivez pas à l'embarcadère des voyageurs
au KINSHASA mais au port fluvial des pêcheurs ?
REPONSE : C'est exact. Notre bateau n'est pas arrivé au BLACH normal, où descendent les
voyageurs, mais à un autre BEACH, celui des pêcheurs. Je dois vous dire qu'en RDC, il y
avait des bruits selon lesquels l'armée attendait les gens de retour pour les déshabiller et pour
voir s'ils avaient des traces sur le corps, pour savoir s'ils avaient portés des fusils, des armes.
C'étaient les jeunes, les hommes qui étaient suspectés, pas les femmes. D'ailleurs, quand on est
arrivé le 14 mai 1999, des cobras et des militaires de l'armée régulière nous attendaient. Ils nous
ont séparé en deux files, les femmes et les hommes (cela allait des enfants aux vieux).
QUESTION : Comment pouviez-vous savoir qu'il s'agissait de miliciens "cobras" et de
militaires de l'armée régulière congolaise?
REPONSE : Nous reconnaissons les cobras à leur habillement et à leur façon de
parler. Leur habillement est en général disparate, par exemple deux chaussures différentes.
Leur façon de parler également, plus dure, plus menaçante que celle des militaires, nous permet
de faire facilement la différence. Je suis sûr qu'il y avait pour nous accueillir des militaires de
l'armée régulière. Mais je ne serais pas capable de vous donner un nom parmi ces militaires ou
ces cobras que j 'ai vu ce jour-là. Nous avons été regroupés dans une salle où on nous a déshabillé
et fouillé. Puis nous avons pu nous rhabiller. Il y avait un homme à côté de la porte qui d'un coup
de la tête, indiquait qui était relâché et qui devait rester. A un moment donné, il y a eu des coups
de feu à l'extérieur pour faire partir les femmes qui essayaient de chercher leurs maris. Un
chauffeur militaire est venu dans la soirée, au volant d'une TOYOTA blanche, chercher à deux
reprises dix jeunes hommes, de mon âge à peu près. Au dernier moment, vers neuf heures, dix
heures du soir, les militaires- et les cobras nous ont demandé d'abandonner nos sacs, nos papiers,
puis ils nous ont demandé de monter à bord d'un bus "COASTER". Nous étions plein dans le bus,
que des hommes (les militaires avaient relâchés les petits garçons avant). Avant que le bus
démarre, ils nous ont demandé d'enlever nos chemises et de nous couvrir la tête avec notre
chemise pour qu'on ne puisse plus voir. Dans le bus, ils ont commencé à nous menacer
«C'est vous les neveux de KOLELAS, les ninjas. Vous allez voir. On va vous faire battre. On va
vous tuer, vous jeter dans le fleuve CONGO. » Ils nous parlaient en lingala ou en français.
Pendant tout le voyage, on a été frappé, avec le fusil, avec des coups de poing. ils nous ont donné
2
des coups de pied avec leurs rangers. Puis le bus s'est arrêté et nous avons marché dans un petit
chemin, dans les herbes. Une partie du chemin a été faite dans des voitures, genre TOYOTA
4X4. Ils étaient obligés de faire ça car le chemin était long à partir du fleuve. Après nous avoir
fait descendre et marcher en file, en tenant la main de celui qui est devant et de celui qui est
derrière, nous sommes arrivés à un endroit où nous sommes arrêtés. C'est là que nous avons
entendu des coups de feu. Il y avait une odeur insupportable de cadavres. On nous a mis alignés,
puis ils nous ont dit de nous coucher, puis de nous relever, de nous mettre à genoux et c'est là
qu'ils ont commencé à tirer, un à un. A un moment donné, j'ai entendu dire en lingala: "qu'est-ce
que vous attendez pour tirer? Nous en avons d'autres". J'ai senti que celui à qui je tenais la main
est tombé sur mes jambes. J'ai été touché par une première balle à la mâchoire. La balle est
rentrée derrière l'oreille gauche et elle est ressortie par ma lèvre supérieure, en me faisant éclater
les dents et la gencive. Cette balle m'a traversée le bras droit également, enlevant une
bonne partie de la chair. J'ai perdu connaissance et je me suis retrouvé, à mon réveil, le nez dans
les herbes. Après un instant, ils ont commencé à nous tirer dans les genoux. Comme vous
pouvez le voir, ils m'ont tiré une balle à l'intérieur du genou gauche. J'ai senti le canon sur mon
genou avant que le coup ne soit tiré. rai attendu sans bouger pour faire croire que j'étais mort et
puis à un moment, je n'ai plus entendu de coups de feu. Ils avaient également vérifié avec la
torche s'il y avait des survivants. Il y en a même un qui a dit que ceux qui vivaient encore
devaient se lever. Ils ne leur feraient pas de mal. Moi j'ai attendu un bon moment pour pouvoir
enlever ma cagoule. C'est là que j 'ai vu des corps, partout. Il faisait nuit et je ne pourrais pas vous
dire combien .il y en avait. Il y en avait beaucoup. Quand j 'ai fouillé le lieu, je uwchais sur les
corps. J'ai vu des corps avec des ventres gonflés, en état de putréfaction. J'ai vu d'autres corps
avec les jambes sectionnées. Aujourd'hui, je pourrais vous amener à l'endroit où tout ça s'est
passé parce que j'ai pu le reconnaître en m'enfuyant, après avoir enlevé ma cagoule. C'était
derrière le palais du Président SASSOU NGUESSO. C'était le palais de SASSOU "1 ",l'ancien
palais (en face de la case DE GAULLE).Il faut vous préciser qu'à un moment donné, alors
que j'avais enlevé ma cagoule et que je m'étais fait un pansement avec la chemise d'un cadavre,
j'ai vu revenir des hommes à pied et je me suis immédiatement mis à terre. C'est à ce moment-là
que j'ai vu qu'ils arrivaient par un portail qui se trouve à l'arrière du palais présidentiel.
Lorsqu'on passe ce portail, on descend quelques mètres (le chemin est en pente) et là on arrive à
l'endroit où ils nous ont tiré dessus. Je n'avais rien vu pendant le trajet à l'aller mais c'est après,
lorsque j'ai enlevé ma cagoule, que j'ai compris où j'étais. Donc, j'ai compris à ce moment-là
qu'ils avaient fait arrêter les 4X4 dans la cour du palais par le premier portail, puis ils nous ont
fait ressortir à pied par le deuxième portaii qu'on ne peut pas voir de la me où passent les gens. Je
me suis enfui en passant par le fleuve, parfois dans l'eau, parfois sur la rive, et j'ai mis cinq jours
pour arriver derrière l'hôtel de ville. Là, quatre soldats de l'armée régulière m'ont vu à terre, non
loin du goudron, j'ai eu le réflexe de leur dire que j'avais été enlevé par des cobras et ils m'ont
transporté vers la route en critiquant ce que faisaient les cobras. J'ai eu de la chance d'être sauvé
par un jeune du Nord qui s'appelle David YOKA qui m'a transporté chez mon oncle à OUENZE,
arrondissement cinq. J'ai retrouvé mes soeurs qui s'étaient réfugiées chez lui. J'ai été hospitalisé au
CHU de BRAZZA VILLE et je vous ai d'ailleurs amené une photo de moi lorsque j'étais à
l'hôpital, je suis resté un mois et demi. L'autre photo se trouve à l'OPPRA.
Mentionnons que Me BAUDOUIN nous fera parvenir une photocopie ou un nouveau tirage de
ladite photo, montrant Linot TSIENO sur son lit d'hôpital.
3
QUESTION : Vous expliquez que vous avez dû au bout de quelques mois fuire la
République du CONGO, car il se disait qu'il y avait un rescapé du BEACH de BRAZZA VILLE.
Y a-t-il eu à votre connaissance d' autres rescapés du BEACH de BRAZZAVILLE?
REPONSE : En effet, on a su qu'il y avait un rescapé du BEACH de BRAZZAVILLE, c'est pour
ça que je suis parti en France, le 06 février 2001. Je sais qu'il y a un autre rescapé du BEACH,
Ghislain MATEMBELE. Il a été blessé par balles aux deux genoux et se trouve actueiiement
en France, dans la région parisienne. Il y a peut-être d'autres survivants mais Ghislain
MATEMBELE est le seul nom de survivant que je connais. Il faut vous dire que je l'avais vu
parmi les réfugiés qui rentraient à la halte de KANZOULOU, puis au BEACH avant que nous
montions dans le bus, alors que nous nous trouvions dans la salle, comme je vous l'ai expliqué
toute à l'heure. Il savait que j'étais à PARIS et que j'avais également été victime au BEACH et
c'est pour ça qu'il m'a contacté une fois arrivé en France.
Mentionnons que Me BAUDOUIN nous indique qu'il nous dépose ce jour une nouvelle
constitution de partie civile faite par Ghislain MATEMBELE, et relatif aux faits dont celui-ci a
été victime, au BEACH de BRAZZAVILLE, dans la nuit du 13 au 14 mai 1999. Nous annexons
le courrier de Me BAUDOUIN en date du 22 mars 2002 à la présente audition.
QUESTION : Le fait que les événements et les tueries qui se sont déroulés au
BEACH de BRAZZA VILLE, entre le 05 et le 14 mai 1999, faisaient partie d'un plruï
concerté, organisé par les autorités civiles, avec l'appui de l'armée régulière et des miliciens,
semble, en l'état du dossier, conforté par le fait que les réfugiés qui rentraient au BEACH étaient
accueillis par un discours de bienvenue du maire de BRAZZA VILLE ou de son délégué, par le
fait également que des témoignages anonymes ont rapporté avoir vu des militaires de la garde
présidentielle ainsi que des policiers en uniforme ou en civil. Enfrn, la délégation du HCR s'est
officiellement émue auprès du ministre des affaires étrangères de la République du CONGO, le
21 mai1999 (D8), de l'arrestation des jeunes qui revenaient de RDC, dans le cadre de l'accord
tripartite du 10 avril. Avez-vous quant à vous, des éléments d'information, sur l'implication des
autorités gouvernementales et des responsables de l'armée dans les événements du BEACH
de BRAZZA VILLE, dont vous avez été une des victimes ?
REPONSE : Moi, personnellement, je n'ai pas vu le maire ou des représentants au BEACH le 14
mai. Tout ce dont je suis sûr, c'est que parmi les gens qui nous ont amené sm les lieux de
l'exécution, il y des militaires de l'armée régulière.
Mentionnons que nous indiquons à la partie civile que nous allons ordonner une
expertise médicale ainsi qu'une expertise psychologique en ce qui la concerne.
La partie civile nous déclare : je suis tout à fait d'accord. Je repense toujours à ce qui s'est passé.
Je suis suivi actuellement à l'hôpital Avicenne à BOBIGNY.
Nous avisons la partie civile qu'en application des dispositions de l'article 89-1 du Code de
Procédure Pénale, de son droit de formuler une demande d'acte ou de présenter une requête
en annulation sur le fondement des articles 81 neuvième alinéa, 82-I, 156 premier alinéa et 173
4
troisième alinéa du Code de procédure pénale durant le déroulement de l'information et au plus
tard le 20ème jour suivant l'envoi de l'avis prévu par l'article 175 du même code.
Nous avisons également que le délai prévisible d'achèvement de l'information est fixé à DIX
HUIT MOIS.
A l'expiration dudit délai vous pourrez demander la clôture de la procédure en
application des dispositions de l'article 175-1 du Code de Procédure Pénale.
Lecture faite, la partie civile persiste et signe avec nous et le greffier.
5

GENDARMERIE NATIONALE L.G.D.I.F.
Section de recherches de Paris
154, Boulevard DAVOUT
75020 PARIS
PV no 1414/2002 BT PARIS BASTION XIV
PROCES-VERBAL D'AUDITION DE M. Norbert DABIRA
sous le régime de la garde à vue (feuillet 4/9 à feuillet
Nous trouvant à la brigade territorial de CLA YB-SOUILLY (Seine et Marne)
D47
Faisons comparaître devant nous à 9 heures 30 la personne ci-après nommée qui, entendue
séparément nous déclare :
Je ne nomme DABIRA Norbert
Je suis né le 24 juin 1949 à NBOMBA BOUNDJI (Congo)
Je suis fils de DABIRA David et de SOMBOKO Jeanne
J'exerce la profession de général de brigade d'active, inspecteur général des forces
armées congolaises et de la gendarmerie nationale congolaise.
Je suis domicilié en France 54, rue des Tilleuls, à 77270 VILLEPARISIS et au Congo
à la Résidence du Camp du 15 août, face mess des officiers- BRAZZAVILLE
Ma situation de famille est marié, père de huit enfants
Je suis de nationalité congolaise
Je prête serment de dire la vérité, toute la vérité
Après des études au lycée technique d'Etat de BRAZZAVILLE, je suis entré à l'école des
officiers d'active en Roumanie où je suis resté trois ans. J'ai fait un an d'études supérieures en
sciences sociales. J'ai fait ensuite quatre ans d'études supérieures à l'académie militaire de
MOSCOU (URSS), puis trois ans de doctorat en sciences politiques, toujours en URSS. J'ai
été ensuite auditeur à l'Institut des Hautes Etudes de la Défense à PARIS, puis j'ai suivi des
études au centre d'études stratégiques à LIBREVILLE (Gabon).
Au point de vue des fonctions, j'ai occupé successivement les fonctions de chef de la division
politique à POINTE NOIRE, puis chef de la direction des cadres au ministère de la défense
(Direction de la politique générale). J'ai été secrétaire du comité central du multipartisme. J'ai
milité pour le multipartisme. Avec l'avènement du multipartisme et l'accession de Pascal
LISSOUBA à la présidence, je suis resté sans fonction pendant sept ans, pendant lesquels j'ai
pratiquement vécu en France. Lors de la guerre civile de 1997, j'ai été conseiller militaire du
président SASSOU NGUESSO et depuis j'occupe mes fonctions actuelles d'inspecteur
général des armées et de la gendarmerie, qui est somme toute une voie de garage .
Je connais Monsieur TOUANGA Marcel, c'est un ancien ami. Nous avons milité ensemble à
l'époque du parti unique, soit avant la conférence nationale souveraine de 1991. Selon mes
souvenirs, il était ambassadeur à CUBA. Lorsque son fils a disparu en 1999, il est venu me
trouver. Je ne l'ai pas su car ma garde l'avait refoulé et il est parti courroucé, pensant que je
ne voulais pas le recevoir. Je l'ai appris bien après. Je l'ai pourtant vu par la suite, mais il ne
m'en a jamais parlé.
Page 1 sur 4 pages
La question des disparus du BEACH a été relayée par les médias. C'est comme cela que j'en
ai eu connaissance. Egalement, des citoyens se plaignaient des disparitions. J'ai été intrigué
et, en ma qualité d'inspecteur général des armées, j'ai été sollicité à l'époque par le ministre
des armées pour mettre sur pied une commission d'enquête sur tous les dysfonctionnement
que 1 'on constatait dans la force publique, tant au plan opérationnel qu'au plan disciplinaire.
Cette commission s'est constituée, comprenant des militaires, gendarmes et policiers. Sous
ma direction, elle a pu travailler librement/
Nous étions à une période d'après guerre où les exactions se commettaient contre des civils.
Nous avons oeuvré pour y mettre fin.
Concernant les disparus, nous n'avons pas procédé à une évaluation des personnes
manquantes. Notre action visait essentiellement à rechercher des gens qui auraient pu
commettre des exactions ou à rechercher les failles dans le commandement militaire. Des
rapports ont été produits à ce sujet, adressés à Monsieur LEKOUENDZOU Justin, Ministre de
la défense.
La commission n'était pas axée uniquement sur les disparus, l'objet était de savoir
globalement ce qui se passait. Il n'y a pas eu de personnes nominativement mises en cause.
C'était une période trouble. Le contrôle des milices n'était pas encore assuré. Certains
«ninjas» convertis se comportaient eux mêmes en force publique. C'était impossible de dire
«X a fait ceci, Y a fait cela».
Certains réfugiés étaient regroupés dans des camps, sous le contrôle du gouvernement
congolais et celui du HCRJ
Question : Que savez-vous de la question des disparus du BEACH de BRAZZA VILLE ?
Réponse : Personnellement, je n'ai jamais participé à un groupe chargé d'enlever des gens, je
n'ai pas le commandement d'une cité chargée de commettre des exactions. Personnellement,
je suis opposé à ce genre de chose.
Personnellement, aucun des parents des disparus n'est venu me voir, mis à part Monsieur
TOUANGA qui est venu mais qui n'a pu me rencontrer. Egalement, ce n'était pas de mon
ressort.
Je ne suis pas non plus le chef d'écurie «cobra»; je ne l'ai jamais été. Je n'avais pas à ma
disposition des gens armés pour commettre des exactions. Pendant la guerre de 1997, j'ai
occupé le rang de conseiller militaire du Président du FDP (Forces Démocratiques et
Patriotiques). Mon action se situait au niveau des états-majors. J'ai même tenu à l'époque un
meeting avec les éléments adverses pour appeler à la paix.
Je considère ma situation d'inspecteur général au Congo comme une voie de garage. Je n'ai
pas le droit d'inspecter sans une commission du ministre. Je ne peux pas me rendre
d'initiative dans une unité quelconque. Mon rôle, c'est d'attendre que le ministre me
commette. Si bien qu'aujourd'hui, j'ai l'impression de ne servir à rien. Je n'ai aucune
initiative.
Question: Ainsi, selon votre déclaration, vous n'avez aucune autorité sur les éléments de la
garde présidentielle ?
Réponse : Absolument aucune. Le ede cette unité est le général ADOUA, qui lui même est
placé sous celui du chef de la gendarmerie, actuellement le colonel MBOUALA. En 1999,
c'était OSSETTE VALENCE, actuellement à la retraite.
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Question: En votre qualité d'inspecteur de la gendarmerie congolaise, avez-vous une autorité
sur cette unité ?
Réponse : non
A une époque, après la guerre de 1997, j'ai été commis pour recenser la gendarmerie et
l'armée. C'est l'unique acte d'inspection que j'ai fait dans les années. J'ai aussi été chargé
d'enquête sur différentes fraudes concernant des diplômes.
Question : Après avoir pris connaissance des arguments développés par la partie civile,
concernant votre responsabilité particulière sur la question des disparus du BEACH, quelles
sont vos observations ?
Réponse : Il y a certainement confusion des rôles entre un inspecteur de la gendarmerie
française et un inspecteur de la gendarmerie congolaise. En ce qui me concerne, je n'ai pas
d'autorité directe sur les années, d'ailleurs, les textes ne le permettent pas ni la jurisprudence
avec tout ce qui s'est passé avant moi. Si je n'ai pas agi, c'est que je n'ai aucun moyen
d'action si je ne suis pas commis par le ministre. Je ne peux même pas m'adresser directement
aux services du renseignement encore moins d'aller visiter leurs geôles. La DSM dépend
directement de l'autorité du ministre, la DCRM de l'autorité du chef d'état major. Je n'ai
absolument aucune autorité sur eux.
Le vingt-trois mai deux mille deux à onze heures trente
Lecture faite par mois des renseignements d'état civil et de la déclaration ci-dessus, j'y
persiste et n'ai rien à y changer, à y ajouter ou à y retrancher.
Le 23 mai 2002 à 15 heures, Nous, Major MERCIER Roger, Officier de Police Judiciaire,
poursuivons l'audition de Monsieur Norbert DABIRA qui déclare :
Question : Qui était le chef des forces armées congolaises en 1999?
Réponse: Il s'agissait du général de brigade NDOLOU Yvon Jacques.
Question: Quel était l'objet de la commission d'enquête dont vous avez fait état dans votre
audition ? Concernait-elle les disparus du BEACH ?
Réponse: l'objet de la commission d'enquête concernait des événements comme l'attaque de
l'académie militaire perpétrée par des «ninjas» et aussi des exactions commis par la force
publique : braquages, vols, tueries, règlements de compte entre «cobras» et aussi des
exactions commises par des «ninjas» repentis, passés du côté du pouvoir. C'était globalisant.
Parmi les exactions qui ont été commises, il a été aussi question de personnes qui avaient été
enlevées au BEACH. En général, il s'agissait d'exactions commises sur les populations
civiles par des éléments non contrôlés, des bandits qui agissaient pour leur propre compte.
Question : Quels types d'investigations avez-vous effectuées dans le cadre de cette
commission d'enquête?
Réponse: La commission d'enquête qui s'est réunie, a procédé à des auditions de militaires,
principalement ceux de l'académie qui avaient fui, laissant la place aux «ninjas» qui ont
incendié les bâtiments. Sur les exactions, on a pu entendre quelques témoins qui s'étaient
présentés à nous, désignant ceux qui pillaient, braquaient, etc.
Question :Des auditions ont-elle été conduites concernant les disparus du BEACH?
Réponse: Il n'y a pas eu de plainte directement déposée devant nous. Nous avons entendu
parler que les gens qui se plaignaient mais je ne suis pas capable de dire qui faisait quoi.
Après les émissions à la radio, c'était devenu de notoriété publique. Personnellement, je n'ai à
aucun moment été en présence d'un cadavre. Jamais un parent de disparu, ni un rescapé n'a
pu me trouver, mis à part le cas de TOUANGA Marcel qui est venu mais n'a pas pu me voir.
Question : les travaux de la commission ont-ils abouti à des actions concrètes?
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..
Réponse: Concernant l'académie, nous avons établi qu'il y eu dysfonctionnement. Pour les
autres cas, pour ce qui est des exactions, nous n'avons pas su qui en était les auteurs car nous
n'avions aucune preuve. Notre mission n'était pas de mener une enquête de police, car il y
avait des organismes pour cela.
Question : Une enquête de police a-t-elle été menée concernant les disparus du BEACH ?
Réponse : Je ne suis pas au courant.
Le vingt trois mai deux mille deux à quinze heures trente,
Lecture faite par moi de la déclaration ci-dessus, j y persiste et n'ai rien à y changer, à y
ajouter ou à y retrancher.
Suivant les instructions du magistrat mandant, Monsieur DABIRA Norbert a été laissé libre
de se retirer, le vingt trois mai deux mille deux à dix-sept heures quarante cinq.
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D53
PROCES-VERBAL DE DEPOSITION DE TEMOIN
Le 1 7 juin 2002
Devant nous, Mme Odette-Luce BOUVIER, Vice Président chargé de l'instruction et
Monsieur Jean GERVILLIE, Juge d'instruction au tribunal de Grande Instance de MEAUX,
étant en notre cabinet assisté de Danielle DI NAPOLI, greffier
Instruisant sur les faits reprochés à
x
Mis en examen du (des) chef( s) de :
CRIMES CONTRE L'HUMANITE: PRATIQUE MASSICE ET SYSTEMATIQUE
D'ENLEVEMENTS DE PERSONNES SUIVIES DE LEUR DISPARITION, DE LA
TORTURE OU D'ACTES INHUMAINS, POUR DES MOTIFS IDEOLOGIQUES ET EN
EXECUTION D'UN PLAN CONCERTE CONTRE UN GROUPE DE POPULATION
CIVILE
Faits prévus et réprimés par les articles 212-1 du Code Pénal et 689-1 du Code de Procédure
Pénale
A comparu séparément et hors la personne mise en examen, le témoin ci-après nommé, lequel
nous a remis 1' avertissement qui le convoque
Nous lui avons demandé ses nom, prénoms, âge, profession, domicile, s'il est parent ou allié
des parties et à quel degré, ou s'il est à leur service.
Le témoin a répondu :
Je me nomme
M. TOUANGA MARCEL
Né le 28/12/1943 à MADINGOU (CONGO)
Profession : Colonel à la retraite
Demeurant chez Samuel MEMBA, 30, rue des MAHOMIAS, Bâtiment 30, esc. 7, 06200
NICE
Je ne suis ni parent ni allié des parties ni à leur service
Après lui avoir fait prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, nous avons reçu sa
déposition
Question: En votre qualité de président de l'association des parents des personnes arrêtées
par la force publique et portées disparues, et en tant que père du sergent TOUANGA Narcisse
disparu le 9 mai 1999, nous souhaiterions que vous nous indiquiez quelles sont les
informations en votre possession relatives aux événements dit du «BEACH » de
BRAZZAVILLE en avril et mai 1999, durant lesquels 353 personnes rentrées de KINSHASA
auraient disparu ?
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Réponse : Un accord tripartite est intervenu le 10 avril 1999 entre le HCR, le gouvernement
du CONGO et le gouvernement de la république démocratique du CONGO, afin d'encourager
les congolais sortis de la ville de BRAZZA VILLE et du Congo. Le Président SASSOU
NGUESSO lui même avait lancé plusieurs appels, notamment dans la nuit du 31 décembre au
1er janvier 1999 (son message à la nation), pour assurer aux congolais en errance qu'ils
pouvaient regagner BRAZZA VILLE en toute sécurité et il accordait le pardon dans son
message même aux jeunes qui avaient tenu les armes, dont qui avaient appartenu à des
milices.
QUESTION: Nous avons au dossier un courrier du délégué régional pour L'Afrique centrale
du HCR (Cote D8) qui, le 21 mai 1999, s'émeut des arrestations régulières, à l'insu du HCR,
de rapatrier dans le cadre de cet accord tripartite. Les dates citées dans ce courrier sont les 5,
1 0 et 12 mai 1999. Apparemment le retour à BRAZZA VILLE ne s'est pas fait dans les
conditions promises par le Président de la République du CONGO ?
Réponse: En effet, l'arrivée ne s'est pas passé comme l'avait assuré le Président de la
République et comme le prévoyait l'accord tripartite. En ce qui concerne mon fils Narcisse
TOUANGA (qui était sergent dans la gendarmerie nationale et qui ne faisait partie d'aucune
milice), il avait fui avec sa mère et ses cousins les massacres de décembre 1998. En effet, les
forces gouvernementales, depuis le 18 décembre 1998, non seulement chassaient les ninjas
(qui avaient investi la partie sud de BRAZZA VILLE) mais également massacraient les civils,
sans distinction d'âge ni de sexe. Pour survivre, la population n'avait pas d'autre choix que de
fuir. C'est le 8 mai 1999 que mon fils Narcisse et mon épouse sont revenus, dans le cadre de
cet accord tripartite, au port de BRAZZAVILLE, au port ATC. Pour les bateaux en
provenance de KINSHASA deux débarcadères sont prévus à BRAZZA VILLE, le BEACH ou
le port ATC pour les bateaux plus importants. Il n'était à priori pas normal d'accueillir ces
rapatrié au port ATC vu leur nombre: par exemple, le 8 mai 1999, ils étaient 1500 environ.
Selon les chiffres du HCR et selon les listes que j'ai obtenues à l'époque de la police
congolaise. Effectivement, à cette époque j'étais colonel en activité, et c'est le commissaire
spécial du BEACH le lieutenant colonel ALKOA qui m'a dit qu'il recevrait ce jour là, le 8
mai 1999, 1500 personnes de KINSHASA. Il avait une liste en main. (Je n'ai jamais eu cette
liste entre les mains). Mon fils est arrivé à 16h30 et c'est mon épouse qui m'a appris que
Narcisse avait été arrêté. Elle m'a précisé qu'elle avait été mise à l'écart avec l'un de ses
amis, le caporal chef ROLLAND NOUANI. Je suis donc allé voir le lieutenant colonel
ALAKOUA pour demander son intervention. Il m'a dit être surpris de constater que «ces gens
là » se sont mis en doublure de la police des frontières. Il était non seulement surpris mais
désapprobateur.
Question: Pourtant le lieutenant colonel ALAKOUA semble informé de l'opération en cours
puisqu'il vous dit qu'il est dessaisi de toute activité et qu'il faut vous adresser au capitaine
OBOU, pour essayer de ramener votre fils de l'endroit où il se trouvait? De quels «gens»
parlait le lieutenant colonel ALAKOUA ?
Réponse : Effectivement, le lieutenant colonel ALAKOUA était au courant de ce qui se
passait depuis plusieurs jours. Quand il parlait de ces gens là, il parlait des éléments du
groupement de la garde présidentielle qui s'étaient mis en doublure de la police des frontières
au port ATC. Quant à mon fils Narcisse, quand j'ai essayé d'intervenir, il était encore là gardé
dans un local par des éléments de la garde présidentielle. Je suis allé m'adresser au capitaine
OBOU qui a déclaré me connaître et m'a dit qu'il ne pouvait pas libérer Narcisse car il avait
reçu des instructions spécifiques en ce qui concerne mon enfant (il m'a même précisé «le petit
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..
TOUANGA »)du général ADOUA qui est le commandant de la garde républicaine dite garde
présidentielle. J'ai dit à mon fils de patienter, de l'ai embrasser avant de poursuivre vers la
hiérarchie de la garde présidentielle. J'ai essayé de voir le général ADOU mais il n'était pas
visible. Alors je suis allé voir le ministre d'Etat, chargé du cabinet du chef de l'Etat et du
centriole d'Etat, Monsieur BITSINGOU Gérard. Quand je suis arrivé chez lui, il m'a expliqué
qu'il venait de prendre contact avec Monsieur NDEGUE François, le directeur de la police
nationale et des autorités militaires (sans me dire lesquelles) et il m'a assuré de la libération
immédiate de Narcisse. Je suis également allé voir le commissaire principal de
BRAZZA VILLE Edgar MOHANI,qui lui également était au courant des arrestations au
BEACH de BRAZZAVILLE. Il était d'autant plus au courant qu'il y avait des personnes
arrêtées au commissariat central. Il rn' a assuré que les gens allaient être libérés dans la
journée, qu'il ne fallait pas m'inquiéter. Je suis également allé voir le colonel NGASSAKI
Jean Pierre, le directeur du cabinet du Ministre de l'Intérieur, Pierre OBA. C'était un
collègue, un promotionnaire et nous avions de très bons rapports à cette époque là. Il a attiré
mon attention sur le fait que c'était une situation vis à vis de laquelle il fallait intervenir
immédiatement et il va me remettre deux cartes de visite : la première est destinée au général
Hilaire MOUKO (le chef de la sécurité présidentielle et neveu du chef de l'Etat), sur cette
première carte, le colonel NGASSAKI écrivait qu'il priait le général MOUKO d'intervenir
immédiatement pour sauver le jeune Narcisse TOUANGA qui était en danger de mort. Donc,
il savait bien effectivement ce qui attendait les rapatriés du BEACH. Il savait ce qui était en
train de se passer. Malheureusement, je n'ai pas eu la présence d'esprit de photocopier ce mot
que j'ai fait parvenir au général MOUKO par l'intermédiaire d'un officier. J'attendais la
réponse au poste de permanence à l'entrée de la résidence présidentielle de MPILA. Le
général MOUKO m'a rappelé au téléphone immédiatement et il m'a dit que cette affaire ne
relevait pas de ses services mais qu'il fallait prendre contact avec d'autres personnes, les
officiers responsables de la garde présidentielle. Deux jours après, je l'ai rappelé, du bureau
du directeur de cabinet du ministre de l'intérieur et il m'a assuré que cela ne relevait pas de sa
compétence. La deuxième carte de visite était destinée au Colonel OKO Samuel qui travaillait
à la direction pour la protection des hautes personnalités dont les bureaux sont situés dans
l'immeuble où se trouve le siège de la garde présidentielle. Deux jours après Samuel OKO va
m'aru1oncer que l'enfant n'est plus dans les locaux de la garde présidentielle. Il faut vous
préciser que le 8 mai 1999, après avoir vu le commissaire de BRAZZA VILLE et le ministre
d'Etat, directeur de cabinet, je suis reparti au BEACH de BRAZZAVILLE et j'ai constaté que
Narcisse n'y était plus et il m'avait été dit alors qu'ils avaient été conduits au siège de la garde
présidentielle.
QUESTION: Apparemment, des frictions existaient entre la gendarmerie et la garde
présidentielle à ce moment là puisque vous réussissez le 9 mai 1999, avec l'intervention d'un
colonel de la gendarmerie, à faire libérer 122 personnes arrêtées au BEACH de
BRAZZA VILLE ?
Réponse: Tout à fait, il faut vous préciser qu'à l'origine la garde présidentielle était un
groupement de sécurité et d'honneur pour le Président de la République. A partir du 18
décembre 1998, elle s'est arrogée des missions de police judiciaire, de sécurité publique et est
même devenue un corps de combat. Le 9 mai 1999, on m'a d'abord envoyé à la garde
présidentielle. Un lieutenant rn 'y reçoit et rn' annonce que personne de ceux qui avait été
arrêté au BEACH n'avait été amené à la garde présidentielle, il me propose d'aller à la
direction centrale des renseignements militaires (DCRM), dirigée par le Colonel NSOUROU
Marcel, là ils ont vérifié dans les archives et ils m'ont dit que l'enfant n'était pas là et ils
m'orientent vers la gendarmerie, au siège de la gendarmerie, au plateau. C'est là que j'ai
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retrouvé les 122 personnes arrêtées au BEACH. J'ai rencontré un individu en civil (que je ne
connais pas de nom) accompagné de 4 hommes armés en tenues civiles qui m'ont expliqué
qu'ils avaient reçu des instructions pour liquider les ninjas (en réalité toutes les personnes
originaires du Pool étaient accusées d'être ninjas). En m'interposant, j'ai réussi à convaincre
le colonel de gendarmerie de ne pas obéir aux directives de cet individu qui n'appartenait pas
à la force publique. C'est 2 jours après que j'ai appris que les 122 jeunes avaient été libérés
par le Colonel VALENCE OSSETTE qui était à l'époque commandant de la gendarmerie
nationale et qui était foncièrement opposé aux arrestations arbitraires et aux assassinats. Par la
suite, je ne reverrai plus mon fils Narcisse. Moi même, à la sortie, le 13 mai 1999, du bureau
du Général ADOUA, j'ai failli être tué par 3 jeunes gens et je ne leur ai échappé qu'en
appelant l'un d'eux par le prénom, l'ayant reconnu. C'est nous, les parents des disparus du
BEACH, qui avons alerté la direction du HCR des arrestations et des disparitions du BEACH.
C'était aux alentours du 15 mai 1999, le HCR, au début incrédule, a vérifié et constaté que les
faits étaient avérés et les gens du HCR ont mobilisé des gros véhicules qui sont allés chercher
directement les gens au BEACH, en respectant les opérations d'enregistrement (ce qui ne
s'était pas fait avant) et en les amenant dans des sites créés par le gouvernement. Mais les
enlèvements au BEACH ont continué jusqu'au mois de juillet 1999.
Question : Avec des parents des disparus, vous avez créé une association des victimes des
atTestations du BEACH de BRAZZA VILLE, pour les événements survenus entre le 10 avril
et juillet 1999. Combien de disparus avez-vous recensés et avez-vous la preuve de leur
disparition durant cette période au BEACH de BRAZZA VILLE ?
Réponse: Ces enlèvements qui ont été suivi d'exécutions sommaires se sont poursuivis
effectivement d'avril à juillet 1999, pour ce qui concerne les arrestations au BEACH de
BRAZZA VILLE. Par la suite des enlèvements ont eu lieur sur les sites mêmes où le HCR
avait rmnené les rapatriés, et parfois même à leur domicile. Grâce à notre association créée
aux environs de juillet 1999 (dont le siège est à BRAZZAVILLE mais dont l'enregistrement a
été refusé par le ministère de l'intérieur), nous avons recensé 353 personnes entrées de
KINSHASA par le BEACH et disparues. J'ai une liste en ma possession mais beaucoup de
parents n'ont pas osé inscrire officiellement le nom de leur disparu, par peur, jusqu'à
maintenant. Donc, la liste que je vous remets aujourd'hui est incomplète. Nous avons
également portés plainte au mois de septembre 1999 auprès du Procureur de la République
près le Tribunal de Grande Instance de BRAZZA VILLE. J'ai été entendu à 2 reprises par le
juge MOUNE et depuis je n'ai plus de nouvelles.
Mentionnons que nous annexons au présent procès-verbal la liste dressée par l'association des
parents des personnes arrêtées par la force publique et portées disparues.
Question: Eu égard à votre connaissance de l'organisation politique et militaire de votre pays,
pensez-vous que le Président de la République, pouvait ignorer l'opération d'arrestation et
d'exécution des personnes rapatriées au BEACH de BRAZZAVILLE entre avril et mai
1999 ? Quelles ont été les forces régulières ou irrégulières qui ont participé à cette opération
et quels en étaient les responsables ?
REPONSE: l'association dont je suis le président a écrit directement au Président de la
République qui ne nous a jmnais reçu personnellement mais qui a délégué son secrétaire
général adjoint Monsieur BOUHOUAO ZACCARI et le ministre des eaux et forêts, Monsieur
Henri DJOMBO. Je tiens à vous dire que M. SASSOU NGUESSO, Président de la
République du Congo, était au courant de l'opération qui se déroulait au BEACH de
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BRAZZAVILLE et était tenu régulièrement informé du déroulement de l'opération menée
par la garde présidentielle. Cette garde présidentielle est dirigée jusqu'à aujourd'hui par le
général Blaise ADOUA. En ce qui concerne le commanditaire de cette opération, ce que je
peux vous dire aujourd'hui c'est que les services officiels au CONGO, ont perdu leur pouvoir
au profit d'un pouvoir occulte (des cadres haut placés de la force publique et de
1' administration) proche du Président de la République et qui exécute ses instructions dans un
contexte tel que le Président de la République n'apparaîtra jamais directement. Ce pouvoir
occulte dispose de groupes de pression qui influent sur des personnes en fonction de leur
région d'origine en utilisant des arguments tribalo régionalistes, afin d'atteindre les objectifs
du Président de la République, dans la région visée.
Question: Avez-vous rencontré le général ADOUA en tant que représentant de l'association
que vous aviez créée? Que vous a expliqué cette personne quand vous l'avez rencontré?
Réponse: A titre personnel, son conseiller personnel m'avait reçu et m'a assuré qu'on allait
faire des recherches pour retrouver mon enfant. Ce même jour, j'ai vu le sergent chef
MOBEDE RIGOBERT chef du secrétariat du général ADOUA qui m'avait dit qu'il avait vu
mon fils ce soir là du 8 mai à 19 heures à la réception de la garde républicaine car il était de
service ce soir là. Il m'a précisé qu'ill' a protégé des moqueries et qu'il avait gardé par devers
lui son sac et ses chaussures. Le 15 décembre 1999, à notre demande, nous avons été reçu A
familles au siège de la garde présidentielle. Le général ADOUA nous a dit que tous ceux qui
avaient été arrêtés et qui n'ava.lent pas éiéiibérés aubol1t.de 3jours avaienfété exécutés. Le
général a précisé : « Nous les avons exécuté parce que nous avons obéi aux instructions de
notre hiérarchie ». Il y avait la famille MASSEMBA MANONO, la famille M'TSA YI, la
famille TCHILOUEMBA et enfin la famille TOUANGA.
Question : La FIDH, dans sa plainte, a également nommément visé Pierre OBA, Ministre de
l'Intérieur, de la sécurité publique et de l'administration du territoire, comme l'un des
responsables des disparitions et des exécutions du BEACH de BRAZZA VILLE . Etes-vous
d'accord avec cette mise en cause du Ministre de 1 'Intérieur ?
Réponse : Au regard des concertations qui se tenaient entre les différents responsables de la
force publique congolaise, je ne serai pas étonné de l'implication du ministre de l'intérieur
dans l'opération du BEACH de BRAZZAVILLE. Je sais que Monsieur OBA fait partie du
noyau de décision autour du Président de la République, qu'il m'a fait en outre recevoir par
son conseiller à la sécurité (lequel m'a demandé si j'avais des preuves de la mort de Narcisse)
mais je n'ai pas d'autres éléments de preuve de l'implication du Ministre de l'Intérieur dans le
massacre du BEACH de BRAZZAVILLE. Par contre, je pense qu'en sa qualité de Ministre
de 1 'Intérieur et de général, il avait le pouvoir de faire arrêter le massacre du BEACH
BRAZZAVILLE et ce d'autant plus que la police des frontières qui assure la sécurité au port
de BRAZZAVILLE dépend du ministre de l'intérieur. Le Lieutenant colonel ALAKJOUA,
commissaire du BEACH, a nécessairement informé sa hiérarchie du ministère de l'intérieur
de ce qui était en train de se passer.
Question : A été mis en cause également dans la plainte de la FIDH le général DABIRA,
inspecteur général des armées au moment des faits qui nous intéressent et conseiller militaire
du Président SASSOU NGUESSO. Il est affirmé par la FIDH que le général DABIRA serait
le chef des cobras. Qu'en pensez-vous et quelle serait son implication éventuelle dans les
événements du BEACH de BRAZZA VILLE de mars à juillet 1999 ?
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Réponse: Je suis d'accord avec la mise en cause du général DABIRA par la FIDH. Quelques
jours avant l'arrivée de mon fils Narcisse, j'ai eu l'occasion de rencontrer le général DABIRA
en conversation avec le lieutenant colonel ALAKOUA, le commissaire du BEACH. Il ne
pouvait donc pas ignorer les arrestations qui étaient en train de se passer au BEACH. Je tiens
également à préciser qu'au début de cette opération, c'est à dire le jour où a été annoncée
l'arrivée des rapatriés (en avril 1999), une délégation du gouvernement les attendait avec
photographes et caméras. Cette cérémonie d'accueil était présidée par le ministre de
l'intérieur: autour de lui se trouvait le ministre de la santé et de la population. En ce qui
concerne le général DABIRA, il est toujours le conseiller militaire du Président SASSOU
NGUESSO et inspecteur général des armées et il est le président de la commission chargée de
mener des enquêtes sur le comportement des militaires à l'égard des civils. Il joue un rôle
primordial au niveau de l'Etat et dans le lobby présidentiel. Eu égard à ses fonctions dans
1' armée et à sa place dans le noyau du pouvoir congolais, le général DABIRA ne pouvait pas
ignorer les massacres du BEACH de BRAZZA VILLE et il n'a rien fait pour les arrêter, alors
qu'il en avait le pouvoir. La fonction d'inspecteur général des armées est déterminante parce
qu'il influe sur l'action de chaque chef de corps par les rapports qu'il peut faire et les contacts
quotidiens qu'il a avec les différents chefs de corps de l'armée. Or, la DSM et la DCRM, tout
comme la garde républicaine ont participé aux arrestations et aux exécutions des rapatriés du
BEACH. Nous avons d'ailleurs des témoignages de personnes venues par la BEACH puis
détenues dans les locaux de la direction de la sécurité militaire (DSM) et de la direction
centrale des renseignements militaires (DCRM). Malheureusement ces personnes sont au
Congo et il est impossible de recueillir leurs témoignages en l'état. J'étais tellement persuadé
de l'importance du général DABIRA que j'ai essayé de le rencontrer après la disparition de
Narcisse. N'ayant pas pu, je lui ai écrit et il m'a répondu le 13 juillet 1999 par une lettre
compatissante, dont je vous donne la copie. En ce qui concerne le fait qu'il serait l'un des
chefs des cobras, il vient en deuxième position comme chef de cette milice après le président
SASSOU NGUESSO. Il a d'ailleurs écrit un gros livre «BRAZZAVILLE à feu et à sang- 5
juin- 15 octobre 1997 » aux éditions L'HARMATTAN 1998 dans lequel il décrit son rôle
dans l'organisation des cobras. Vous pouvez voir dans cet organigramme, qu'il est le
conseiller général du commandant en chefSASSOU NGUESSO, il ne s'agit pas là de l'armée
régulière mais de l'organigramme de la FDP, qui est l'organisation dont les cobras sont le
bras armé. De plus, dans le livre «NOIR PROCES», (Editions Les Arènes), le général
DABIRA répond OUI à la question de Maître COMTE : «M. Denis SASSOU NGUESSO
chapeautait, à travers votre autorité ou celle d'officiers comme vous, il chapeautait les
cobras?» J'avais d'ailleurs invité M. DABIRA en 2001 à mon domicile car il s'inquiétait de
la médiatisation de l'affaire des disparus du BEACH par mon association.
Mentionnons que nous annexons au présent procès-verbal la copie du courrier de l'inspecteur
général des armées, le général DABIRA, au colonel TOUANGA, en date du 13 juillet 1999,
ainsi que les copies extraites de l'ouvrage sus-référencé du général DABIRA, et les pages 124
et 125 du livre «NOIR PROCES» de François Xavier VERSCHAVE et Laurent BECCARIA.
Question : Donc, pour vous les commandants de la DSM et de la DCRM sont également
impliqués dans le massacre du BEACH de BRAZZAVILLE d'avril à juillet 1999?
Réponse: tout à fait impliquée puisque, après l'arrestation des gens au BEACH par la garde
républicaine, les personnes arrêtées étaient dirigées soit à la DSM (dirigée par le colonel
MBONGO VALENTIN) soit à la DCRM (dirigée par le colonel MARCEL NTSOUROU).
Mais, je dois préciser que le plus grand leu de détention des rapatriés du BEACH était le 2ème
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...
palais présidentiel, qui se trouve au plateau, à côté de la garde présidentielle. Vous pouvez le
voir sur votre carte cotée D 4. Sur le chemin de la corniche, très exactement appelé chemine
de la flotille entre la présidence et le fleuve, les gens étaient exécutés. Cela a été le plus grand
lieu d'exécution durant le BEACH de BRAZZAVILLE. Beaucoup de corps ont été enterrés là
bas et d'autres ont été abandonnés en plein air jusqu'à putréfaction totale. Nous avons
d'ailleurs des témoins qui ont été entraînés sur ces lieux et qui ont pu en échapper. En France,
vous avez entendu M. MATEMBELE et M. TSIENO. Il y a également eu à plusieurs reprises
des corps brûlés au bas du palais présidentielle 19, le 21 et le 22 mai 1999. Des témoins qui
ont réchappé à ces massacres sont encore en vie au CONGO mais je ne peux pas vous donner
leur nom pour des raisons de sécurité pour eux. Enfin, je souhaiterais vous laisser un
document sur le mode d'exécution des disparus du BEACH.
Mentionnons que nous annexons au présent procès-verbal la note de TOUANGA intitulée :
«les milieux de la force publique responsables des massacres - les unités des forces armées
congolaises et de la police» ainsi que la note «la responsabilité des personnalités civiles et
militaires dans les massacres du BEACH de BRAZZAVILLE en 1999 ».
Lecture faire, le témoin persiste et signe avec nous et le greffier.
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(
COUR D'APPEL DE PARIS
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE
DE MEAUX
CABINET DE M. JEAN GER VILLIE
JUGE D'INSTRUCTION
Le 08 Juillet 2002,
PROCES-VERBAL
de PREMIERE DEPOSITION de TEMOIN
ASSISTE
N° du Parquet : • 25146/01 .
N° Instruction : . 3/02/40 .
PROCÉDURE CRIMINELLE
Devant Nous, Mme Odette-Luce BOUVIER, Vice-Président chargé de l'instruction, et M. Jean
GER VILLIE, juge d'instruction au tribunal de grande instance de MEAUX, étant en notre cabinet,
assistés de Corinne DEY greffier,
A comparu, séparément hors la présence de la( des) personne(s) mise(s) en examen, le témoin ci-après
dénommé, lequel nous a remis l'avertissement qui le convoque.
Nous lui avons demandé ses nom, prénom, age, état, profession, domicile, s'il est parent ou allié des
parties, à quel degré, ou s'il est à leur service.
Le témoin a répondu :
Je me nomme : M. DABIRA Norbert
Né le 24 Juin 1949
à NBOMA BOUNDJI, eu Congo
Profession: Général de brigade d'active
Demeurant : 54 rue des Tilleuls, 77270 VILLEPARISIS
Je ne suis ni parent, ni allié des parties, ni à leur service.
Nous donnons connaissance à la personne, que dans la procédure ouverte à la suite du réquisitoire
introductif du procureur de la république en date du 23 Janvier 2002,
elle sera entendue en qualité de témoin assisté sur les faits suivants :
CRIMES CONTRE L'HUMANITE: PRATIQUE MASSIVE ET SYSTEMATIQUE
D'ENLEVEMENTS DE PERSONNES SUIVIS DE LEUR DISPARITION, DE LA TORTURE OU
D'ACTES INHUMAINS, POUR DES MOTIFS IDEOLOGIQUES ETEN EXECUTION D'UN PLAN
CONCERTE CONTRE UN GROUPE DE POPULATION CIVILE,
FAITS PRÉVUS ET RÉPRIMÉS PAR LES ARTICLES 212-1 DU CODE PÉNAL ET 689-1 DU CODE DE PROCÉDURE
PÉNALE
Nous lui donnons également connaissance :
Nous informons le témoin assisté qu'il bénéficie du droit d'être assisté par un avocat qui sera
préalablement avisé des auditions et aura accès au dossier de la procédure conformément au dispositions
des articles 114 et 114-1 du Code de Procédure Pénale.
Nous lui indiquons qu'il a le droit de choisir cet avocat ou de demander qu'il lui en soit désigné un
d'office.
Le témoin a répondu : Je désigne Maître Jacques VERGES.
Maitre VERGES, régulièrement convoqué par télécopie en date du 21 juin 2002, soit cinq jours
ouvrables avant la présente audition, et à la disposition de qui 1 'intégralité de la procédure a été mise
quatre jours ouvrables, est présent ainsi que Maître Hélène CLAMAGIRAND.
Nous informons le témoin assisté qu'il a le droit de nous demander, selon les modalités révues par
1' article 82-1 du Code de Procédure pénale, à être confrontée avec la ou les personnes qui la mettent en
cause.
Nous donnons connaissance au témoin assisté du délai prévisible d'achèvement de l'information qui
est de DIX HUIT MOIS, et nous l'avisons qu'à l'expiration dudit délai il pourra demander la clôture
de la procédure en application des dispositions de l'article 175-1 du Code de Procédure Pénale.
Nous avisons le témoin assisté :
-Qu'il doit déclarer une adresse qui peut être soit la sienne, soit celle d'un tiers chargé de recevoir les
actes qui lui sont destinés si elle produit simultanément l'accord écrit de ce dernier.
- que 1 'adresse déclarée doit être située, si elle se déroule en métropole, dans un département
métropolitain, ou si l'information se déroule dans un département d'outre-mer, dans ce département.
Le témoin assisté déclare 1 'adresse suivante :
Chez Maitre Jacques VERGES,
20 rue de Vintimille
75009 PARIS
Cette adresse est 1' adresse de mon avocat.
Mentionnons que Me VERGES a donné son accord pour que M. DABIRA déclare l'adresse de son
cabinet pour 1 'ensemble de la procédure.
Nous avisons en outre le témoin assisté :
-qu'il doit nous signaler jusqu'à la cloture de l'information, par nouvelle déclaration ou par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception, tout changement de l'adresse déclarée.
- que toute notification ou signification faite à la dernière adresse déclarée sera réputée faite à sa
personne.
Après nous avons reçu sa déposition.
QUESTION : Quelles sont vos fonctions actuelles et quelles étaient vos fonctions entre mai et juillet
1999?
REPONSE : Je suis général de brigade. Je suis inspecteur général des armées. Je suis inspecteur général
des armées depuis 1997.
QUESTION: Vous avez un domicile en France, 54 rue des Tilleuls à VILLEPARISIS. Êtes-vous
propriétaire de ce domicile ? Quelles sont vos attaches en France ?
REPONSE : Je suis propriétaire de ce domicile. C'est un pavillon. Je ne me rappelle plus de la date. Je
suis propriétaire depuis avant 1997, entre 1992 et 1996. J'ai toute ma famille qui vit à VILLEPARISIS,
chez moi. J'ai un enfant qui est malade et dont les soins nécessitent qu'on reste en France. On lui a fait
une greffe de la moelle épinière. Mon épouse est obligée de l'assister en permanence. J'ai mes cinq
enfants qui vivent là. J'ai deux garçons et trois filles.
QUESTION: Avez-vous un titre de séjour pour séjourner en France?
REPONSE: J'ai un passeport diplomatique avec un visa diplomatique aussi. A cause de la situation
de ma fille qui est malade, j'ai un titre de séjour. Cette carte de séjour est à BRAZZA VILLE.
Logiquement, il se termine maintenant en 2003.
Mentionnons que dans le cadre des investigations effectuées par la police judiciaire de VERSAILLES,
il apparaît que M. DABIRA Norbert est titulaire d'un titre de séjour valable jusqu'au 11 février 2003.
INSTRUCTION W : . 3/02/40.
PROCES-VERBAL de M. DABIRA Norbert -page 2
QUESTION : A quel rythme séjournez-vous en France ?
REPONSE : Il n'y a pas de rythme. Ca dépend principalement de 1' état de santé de ma fille. Je peux
venir deux fois par mois comme ne pas venir pendant six mois.
QUESTION : Il apparaît sur ces renseignements fournis par les policiers que vous avez même un permis
de conduire français ?
REPONSE : Oui, tout à fait, car pour conduire en France, il fallait ce permis.
QUESTION : En quoi consistent vos fonctions actuellement? Est-ce que ce sont les mêmes fonctions
que vous exerciez en 1999 ?
REPONSE: C'est la même chose. En tant qu'inspecteur général des armées, s'il y a un problème
quelconque au niveau des militaires, je reçois une commission du ministre de la défense. Je fais une
mission d'inspection pour en rendre compte au ministre de la défense.
QUESTION: Quel était le ministre de la défense à l'époque des faits dont nous sommes saisis, soit
entre avril et juillet 1999 ?
REPONSE : Le ministre de la défense est, cela devait être M. LEKOUNDZOU ITIII OSSETOUMBA.
Je ne dépends que du ministre de la défense.
QUESTION : Quand vous avez été entendu par la section de recherches de PARIS, vous avez déclaré
qu'il s'agissait d'une "voie de garage" (côte D47). Pourquoi considérez-vous ces fonctions comme
telles?
REPONSE: Historiquement, c'est un poste qui a toujours été donné en fin de carrière à des militaires.
La différence avec la France, c'est qu'il n'y a pas d'investigations d'initiative. On attend une
commission du ministre. Je peux dire que depuis huit mois, je n'ai plus du tout de commission. Il s'agit
de documents écrits rédigés et signés par le ministre de la défense nationale.
QUESTION: Est-ce que vous exercez également l'inspection pour la gendarmerie?
REPONSE: Oui. Il s'agit de toutes les armées, terre, air, mer et gendarmerie. On travaille encore avec
les textes de l'armée populaire mais la gendarmerie n'existait pas à l'époque. Donc, il n'y a pas de texte
spécifique actuellement. Il y a un inspecteur pour la gendarmerie, M. MBON OKANA. Je ne le vois
plus actuellement car comme il ne faisait rien, il était venu me voir pour avoir une fonction
opératiormel1e. Il avait trouvé cette fonction opérationnelle et je lui avais dit qu'il pouvait faire cela.
QUESTION: En 1997, si on s'en réfère à vos déclarations pendant votre garde à vue (côte D47), vous
étiez conseiller militaire de M. SAS SOU NGUESSO durant la guerre. La même année, vous devenez
inspecteur général des armées et de la gendarmerie, fonction que vous affirmez être une fonction
"placardisée", donc sans aucun pouvoir sur l'armée. Que vous est-il arrivé pour que vous passiez ainsi
en 1997 d'une fonction de confiance, celle de conseiller militaire du président, à une fonction
dépourvue de pouvoirs ?
REPONSE : Seul, le président SASSOU NGUESSO peut répondre à cette question. J'aurais aimé, en
1997, qu'il me nomme à une autre fonction, mais il a choisi de me confier l'inspection générale et
j'accepte tout à fait cette décision.
QUESTION : Vous dépendez directement du ministre de la défense nationale. Vous ne recevez pas
d'ordre d'autre personne. Vous rendez compte de votre activité directement au ministre en question.
On suppose que vous avez toute liberté pour enquêter dans les unités. On ne comprend pas
effectivement que ces fonctions peuvent être uniquement des fonctions sans prérogatives.
INSTRUCTION N° : • 3/02/40 .
PROCES-VERBAL de M. DABIRA Norbert -page 3
REPONSE: Dans la commission, c'est clair qu'il est indiqué que les chefs de corps ou d'unités doivent
permettre le libre accès à l'inspecteur. Le problème, c'est que quand vous restez huit mois assis et que
vous avez mon âge et mes diplômes, vous pouvez penser que c'est une fonction placardisée et en plus,
vous n'avez pas de fonctions opérationnelles. Le but de l'inspection, c'est d'élever la capacité
opérationnelle des troupes et moi, je lutte pour que 1 'inspection soit un peu comme en France et
supprimer l'inspection générale des armées et d'avoir une inspection directement dans les corps
d'armée.
QUESTION : Quand vous avez été entendu par le militaire de la section de recherches de PARIS, vous
avez déclaré: "je ne suis pas chef d'écurie Cobra, je n'avais pas à ma disposition des gens armés ...
Pendant la guerre de 97, j'ai ûccupé le rang de conseiller militaire du président du FDP. Mon action se
situait au niveau des états-majors". Est-ce que vous maintenez que vous ne participez pas à des
opérations militaires? Est-ce que vous maintenez le fait que du fait de vos fonctions, vous ne dirigiez
la milice Cobra ?
REPONSE : Quand le président LISSOUBA a attaqué la résidence du président SASSOU le 05 juin
1997,j'ai été averti par un cousin de la garde qui était au domicile du président SASSOU. Il faut vous
dire que dix jours avant, le président LISSOUBA m'avait fait chasser du palais me considérant comme
étant un proche du président SASSOU. Quand on m'a averti, j'ai su qu'on allait me prendre aussi et
sachant que ma vie était en danger, j'ai organisé la résistance contre cette attaque. Les premiers jours,
il n'y avait aucune structure. J'ai participé à l'attaque de l'état-major avec les éléments de ma garde en
tant que général. On nous donne 15 militaires pour assurer notre sécurité mais c'est nous-même qui les
choisissant.
QUESTION : Dans le livre que vous avez publié et qui s'intitule "BRAZZA VILLE A FEU ET A
SANG", 1' éditeur vous présente en ta.11t qu'auteur en indiquant "le 05 juin 97, les miliciens du président
LISSOUBA avec une bonne partie de l'armée engagent l'épreuve de force contre l'ex-président
SASSOU. Le général combattra avec les Cobras. Le président SASSOU le nomme conseiller général
chargé des opérations militaires auprès du commandement des FDP. Il va jouer un rôle de premier plan
auprès de l'état-major des Cobras". Quel est ce rôle de premier plan dont nous parle votre éditeur?
REPONSE: Avec la guerre de 97, l'armée s'est séparée en plusieurs morceaux. Une partie de l'armée
régulière a rejoint les FDP dont les forces armées se nomment les Cobras. De 1' autre côté, les forces du
président LISSOUBA étaient les Cocoyes ou les Membas. Pendant la guerre, tous ceux qui se sont
battus pour le président SASSOU s'appelaient les Cobras, que ce soient d'anciens militaires ou des
jeunes qui les ont rejoints.
QUESTION: Pourquoi avoir déclaré que vous n'avez jamais été chef de guerre avec des gens armés
à votre disposition alors que dans la réalité, vous l'avez été au moins sur cette période de guerre civile
entre juin et octobre 97 ?
REPONSE : La ligne de défense était divisée en différents fronts et les chefs qui avaient des hommes
à leur disposition étaient les commandants de ces fronts.
QUESTION: Il apparaît cependant que sur l'organigramme qui figure dans votre livre (côte D53/3),
ces différents fronts apparaîssent sur forme de "secteur" mais ces commandants sont reliés à 1 'état-major
et vous vous trouvez dans une position intermédiaire entre l'état-major et le commandement militaire
dirigé par SASSOU NGUESSO. Quelles étaient vos fonctions de conseiller général ?
REPONSE: Là où je suis, je n'ai pas de troupes. C'est l'état-major qui décide des troupes. C'est
comme en France. Les conseillers du ministre ne donnent pas d'ordre à la troupe. Quand l'état-major
se réunissait avec le président SASSOU, j'étais présent et je le conseillais par rapport à ce que disaient
les chefs d'état-major.
QUESTION : Votre rôle auprès des milices Cobras est encore plus clair dans la retranscription de
1 'audience du 28 février du Tribunal Correctionnel de PARIS relaté page 125 du livre "Noir Procès"
qui est côté D53/4. A la question de Me COMTE : "il (M. Denis SASSOU NGUESSO) chapeautait à
INSTRUCTION W : . 3/02140.
PROCES-VERBAL de M. DABIRA Norbert -page 4
travers votre autorité ou celle d'officiers comme vous, il chapeautait les Cobras?", vous répondez:
"oui". Est-ce que vous donniez directement des ordres aux milices Cobras?
REPONSE : C'est le mot chapeauter qui pose problème. Il faut regarder 1' organigramme. Je le
conseillais le président SASSOU. Je ne donnais pas d'ordre direct aux Cobras.
QUESTION: Comment expliquez-vous les contradictions entre ce que vous venez de nous dire et votre
réponse au président MONFORT lors de laquelle vous reconnaissiez que le président SASSOU
NGUESSO chapeautait les Cobras à travers votre autorité ?
REPONSE : Je ne vois aucune contradiction dans ce que je viens de dire avec ce que j'ai déclaré lors
du procès. Il faut noter le fait que nous étions plusieurs officiers et que c'était un état-major composé
d'officiers. La contradiction que je tiens moi à relever, c'est celle existant entre Je terme de conseiller
et un pouvoir de donner les ordres ou de chapeauter. Un conseiller ne peut pas donner d'ordre.
QUESTION: A une affirmation précédente du président MONFORT: "on comprend que dans la
milice Cobra, vous aviez un rôle imminent", vous répondiez: "disons que je n'en étais pas directement
responsable mais que j'ai joué un rôle, pendant la guerre, après le 05 juin, dans 1 'organisation de ces
milices." Pour organiser une milice, il faut avoir le pouvoir de lui donner des ordres ?
REPONSE: Comme je vous l'ai expliqué, dans les premiers jours de la guerre de 97, il n'y avait aucune
organisation. Au fur et à mesure, nous nous sommes organisés. Il n'est pas exclus que j'ai donné des
idées, soit au président SAS SOU NGUESSO, soit au cours des réunions dont je vous ai parlé toute à
l'heure, pour l'organisation des milices Cobras.
QUESTION: En tant qu'inspecteur général des armées, en 1999, avez-vous une autorité de contrôle
ou de surveillance sur des éléments armés que sont la garde républicaine ?
REPONSE: Je vais là où on m'envoit. Tout ce qui est armée me concerne. S'il y a une commission
qui m'envoit à la GR, j'irais.
QUESTION: Est-ce que vous avez dans vos activités exercé une mission d'inspection de la GR?
REPONSE : Non. Il n'y a pas eu de problèmes qui ont demandé une inspection à la GR, je crois.
QUESTION: Qui dirigeait en 1999la GR et comment s'exerçait l'autorité hiérarchique sur cette GR?
REPONSE: La GR est normalement rattachée à la gendarmerie. C'est le général ADOUA qui l'a
dirigée à l'époque.
QUESTION: Avez-vous, en tant qu'inspecteur général des armées, une autorité de contrôle ou de
surveillance sur la direction centrale du renseignement militaire (DCRM) ?
REPONSE: C'est des services spéciaux. C'est pareil qu'enFrance. Je n'ai jamais fait d'inspection dans
ces services.
QUESTION : Avez-vous, en tant qu'inspecteur général des armées, une autorité de contrôle ou de
surveillance sur la direction de la sécurité militaire (DSM)?
REPONSE: Ce sont des services secrets militaires. TI n'y a pas eu d'inspection mais je le répète, comme
pour tout militaire ou gendarme, si le ministre me fait une commission, on peut m'envoyer. Je ne peux
pas parler de leur rôle mais pour les distinguer de la DCRM, je crois que leur rôle est plutôt interne.
QUESTION : Vous êtes entendu dans le cadre des faits commis entre avril et juillet 1999 sous
1 'appellation des événements du Beach de BRAZZA VILLE. Vous êtes directement visé par la plainte
de la FIDH qui considère qu'à l'époque, du fait de vos fonctions de contrôle sur les différentes
structures de l'armée, vous n'auriez "posé aucun acte en vue de voir cesser les arrestations arbitraires
massives et les disparitions qui s'ensuivaient". Selon la même plainte, vous auriez en effet pour le moins
INSTRUCTION No : . 3/02/40 .
PROCES-VERBAL de M. DABIRA Norbert -page 5
"encouragé ces opérations par votre manque de réaction" à l'époque des faits. Que savez-vous sur ces
disparitions et quelle a été votre attitude à l'époque?
REPONSE : Je suis content qu'on n'ait pas dit que j'ai directement torturé. En tant qu'inspecteur
général, je n'ai pas de rôle direct avec la troupe. Je ne suis pas un chef opérationnel. Il y a un tas de gens
qui donnent des ordres aux troupes. Moi je ne donne pas d'ordre direct à la GR ou à d'autres unités. Je
ne peux même pas les inspecter d'initiative. Ce que j'ai su, c'est par les journaux et la rumeur. Ceux
qui commettent ces actes ne le font jamais au vu et au su de tout le monde. Si mes souvenirs sont bons,
TOUANGA est passé me voir à la maison. Je crois qu'il a dû m'écrire une lettre. Je lui ai écrit une lettre
lui disant que je compatissais av~c lui étant donné que moi-même j'ai perdu mon enfant dans des
circonstances pareilles. C'était une période vraiment trouble. Il y a eu l'attaque de l'académie et des
quartiers nord de BRAZZ"'~~VILLE.
QtJESTION : Si vous avez entendu parlé des faits, vous avez dû entendre dire que la garde républicaine
était mise en cause ainsi que d'autres services militaires pour l'enlèvement, la torture et l'exécution de
plusieurs centaines de personnes sur cette période. Comment expliquez-vous qu'alors, l'armée étant
directement mise en cause, il n'y ait pas eu de mission d'inspection concernant ces faits?
REPONSE: Je n'ai pas entendu parler directement de la mise en cause de la garde républicaine. Il y
a eu une commission d'enquête mise en place sur les faits de l'académie, sur les actes de pillage et
d'enlèvement mais pas directement sur les faits du Beach.
QUESTION: Cette absence de réaction de l'autorité de contrôle que vous exercez au sein de l'armée
ne s'explique pas vu l'importance des événements. Il apparaît, notamment, que le haut commissariat
pour les réfugiés s'est inquiété de ces faits dès le 21 mai 1999 en adressant une lettre au ministère des
affaires étrangères de la République du Congo (côte D8).
REPONSE: Vous voyez bien qu'on n'a pas écrit à l'inspecteur général mais à un ministre.
QUESTION: Il apparaît que dès le 21 mai 1999, soit à peine plus d'un mois après la signature de
l'accord organisant des couloirs humanitaires pour le retour des réfugiés en provenance de la RDC, les
nations unies par 1 'intermédiaire du HCR demandent des explications sur "1' arrestation de rapatriés par
des éléments armés". Le HCR fait également état dans ce courrier qu'ils ont alerté le ministre de la santé
et de la solidarité nationale, on peut se demander si l'absence de contrôle d'exaction commise par des
éléments armés n'est pas une volonté politique et si votre absence d'intervention n'est pas voulue?
REPONSE : Vous voyez bien. On a écrit au ministre des affaires étrangères qui a peut-être écrit au
ministre de la défense. Mon rôle n'est pas d'aller dans la troupe pour dire ce qu'il faut faire. Il y a la
police militaire qui a ce rôle. Il y a d'autres organes. Il y a notamment la justice. L'inspecteur général
des armées s'occupe de l'aspect opérationnel, des problèmes purement d'ordre militaire.
QUESTION : A quelle date le ministère de la défense dont vous faites partie a-t-il reconnu
officiellement l'existence de disparitions au Beach de BRAZZAVILLE?
REPONSE : Je ne sais pas si officiellement, le ministre de la défense a reconnu que des militaires
étaient en train de rafler des gens. Il n'y a jamais eu d'ordre opérationnel de l'armée à ma connaissance
disant qu'il fallait faire tel ou tel acte. On a parlé des disparus quand les familles ont commencé à venir
se plaindre.
QUESTION: A partir du moment où les familles viennent se plaindre et où l'armée est mise en cause,
notamment la GR, des éléments de la DCRM et de la DSM, que des témoignages font état de personnes
détenues dans leurs locaux, pourquoi n'y a-t-il toujours pas eu de mission d'inspection dont vous auriez
dû être chargé ?
REPONSE : Quand des gens agissent comme ça, je ne pense pas que ce sont des chefs militaires qui
ont donné des ordres. Je vous rappelle que je ne peux pas agir d'initiative.
INSTRUCTION N" : • 3/02/40 .
PROCES-VERBAL de M. DABIRA Norbert -page 6
QUESTION: Dans le cadre de votre enquête faite sur les événements de l'académie et des pillages,
pourquoi n'avez-vous mené aucune investigation sur ces disparitions au Beach de BRAZZA VILLE
puisque vous dites vous-même que vous étiez saisi un ensemble d'exactions commis à la même période
et notamment de cas de disparitions ?
REPONSE: Si, même dans le cadre de cette commission, on en a parlé, c'est couvert par le secret
défense. Quand on me donne une enquête, je la remets au ministre de la défense et à ce moment -là, elle
est couverte par le secret défense. Il n'y a que lui qui peut en parler.
QUESTION: Est-ce que dans le cadre de votre mission, vous auriez entendu parler d'enlèvements, de
tortures et d'exécutions opérés au Beach de BR_A.ZZA VILLE par des militaires de la garde républicaine
et d'autres services, faits pour lesquels vous entendez invoquer aujourd'hui le secret défense?
REPONSE: Dans le même temps, il y a eu l'attaque de l'académie, des pillages et des enlèvements.
J'ai rendu compte de cette enquête au ministre de la défense. C'est à lui de répondre.
QUESTION: Avez-vous entendu parlé d'enlèvements et d'exécutions par les forces armées au Beach
de BRAZZA VILLE entre avril et juillet 1999? Est-ce que ces événements ont-ils été abordés dans votre
rapport d'enquête ?
REPONSE : Normalement, c'est le secret défense. Pour les problèmes du Beach spécifiquement, une
enquête n'a pas été ouverte. J'ai été sensibilisé car il y a TOUANGA qui a perdu son fils. Les 350
morts, c'est ici qu'on en parle. A l'époque, j'étais pas au parfum.
QUESTION: Vous nous dites qu'à la même époque, vous enquêtez sur des faits de pillages ou de
règlements de compte commis à titre individuel. Or, concernant les disparus du Beach de
BRAZZA VILLE, non seulement ceux-ci étaient "protégés" par un accord politique qui prévoyait leur
retour au pays mais en plus, les personnes sont arrêtées par les forces régulières en dehors de toute
période de guerre et les exécutants déclarent avoir agi sur instructions de leur hiérarchie (cf les
déclarations de M. TOUANGA côtes D50 et D53).
REPONSE: D'abord, je ne suis pas le ministre du gouvernement. Je crois que je n'étais même pas au
courant au moment où le gouverment a fait venir ces gens de république démocratique du Congo. Il faut
poser la question au ministre de la défense ou de l'intérieur. Il faut ouvrir une commission d'enquête.
Dans l'état, si j'ai un rôle, c'est le maillon faible. Je ne comprends pas pourquoi on s'attaque à moi.
QUESTION : La guerre civile de décembre 1998 aboutit en 1999 à de nombreuses exactions,
arrestations et exécutions dans lequelles sont impliquées les milices, et notamment les milices Cobras
(dont vous avez expliqué avoir été un des organisateurs en 1997). Les milices Cobras sont mises en
cause par des observateurs extérieurs, tel que médecins sans frontières en octobre 99 (cf D6) dans les
exécutions de civils et de personnes soupçonnées d'être des Ninjas ou des Cocoyes. Plus précisèment,
pour les faits qui nous intéressent, les Cobras sont impliqués tout comme les éléments armés dont nous
venons de vous parler, dans les événements du Beach de BRAZZAVILLE. Qu'avez-vous à dire sur
l'implication des Cobras dans les événements du Beach et sur la poursuite des activités des Cobras
jusqu'à aujourd'hui en 2002?
REPONSE: En 1997, le président de la république SASSOU NGUESSO a dissous en octobre toutes
les milices et notamment les Cobras, par un acte écrit. Par la suite, les opposants au président SAS SOU
NGUESSO ont continué à appeler les forces armées régulières "Cobras". C'était une façon de ne pas
reconnaître la régularité de cette armée. En 1999,je n'avais plus de lien avec les Cobras. La guerre était
finie et j'étais rentré dans mes fonctions d'inspecteur général. Je n'ai jamais été chef d'écurie Cobras.
Une écurie est un groupe de 200-300 personnes, ou plus, ou moins, à qui on donnait des ordres.
QUESTION: M. TOUANGA nous a produit la lettre que vous lui avez adressé le 13 juillet 1999, soit
deux mois après la disparition de son fils et dans cette lettre, vous déclarez avoir été commis pour
enquêter sur "les dérapages de la force publique et autres cas de dysfonctionnements du système de
défense et de sécurité de notre pays". Pourquoi, dans ce cas, ne pas avoir enquêté sur les disparitions
INSTRUCTION N' : . 3/02/40.
PROCES-VERBAL de M. DAB!RA Norbert ·page 7
du Beach de BRAZZA VILLE ?
REPONSE : Au moment où M. TOUANGA a fait ses démarches, il avait déjà porté plainte. Je crois
que j'ai parlé du cas de M. TOUANGA au ministre de la défense. Le ministre disaü que lui il n'avait
jamais envoyé de militaires commettre ce genre d'actions. Il disait que la force publique désavoue ce
genre d'acte.
QUESTION : Pourquoi lui dites-vous dans ce courrier "de ne pas céder aux rumeurs effroyables qui
circulent dans la cité" ?
REPONSE : C'est ce que vous dites. A 1' époque, il y avait beaucoup de parents qui disaient avoir perdu
leur enfa.nt. Quand on parle de morts, c'est effroyable.
QUESTION : Quand nous avons entendu M. TOUANGA, il déclare que vous ne pouviez ignorer les
arrestations qui étaient en train de se passer au Beach de BRAZZAVILLE car à l'époque, il vous avait
rencontré à deux reprises alors que vous étiez en conversation avec le lieutenant-colonel ALAKOUA,
commissaire du Beach. Connaissez-vous M. ALAKOUA?
REPONSE : C'est dommage que TOUANGA est inventé une histoire comme ça. Je connais le
commissaire ALAKOUA. Je le connais comme n'importe quel militaire. Il ne m'a jamais parlé des
événements du Beach. Nous n'avons eu aucun entretien sur les événements du Beach.
QUESTION : M. TOUANGA a également déclaré dans le même procès-verbal qu'il vous avait
rencontré en 2001 car vous vous inquiétez de la médiatisation de l'affaire des disparus du Beach par
son association ?
REPONSE: J'ai rencontré TOUANGA car un de mes amis a perdu son amie. On n'a même pas parlé
de son association.
QUESTION de Me VERGES: Est-ce que M. DABIRA est au courant qu'il y a une commission
parlementaire d'enquête sur ces événements ?
REPONSE : Oui.
QUESTION de Me VERGES :Est-ce que M. DABIRA est au courant qu'il y a une procédure judiciaire
qui est ouverte à BRAZZA VILLE ?
REPONSE : On était au courant que TOUANGA avait déposé une plainte à BRAZZA VILLE.
QUESTION de Me VERGES : Est-ce qu'au Congo, les cas de tortures commis par des militaires qui
relèvent de la justice en France, relèvent d'une inspection générale des armées ?
REPONSE : Non, pas du tout. C'est comme en France.
Mentionnons que nous informons M. DABIRA que nous allons le reconvoquer afin d'envisager de
procéder à sa mise en examen pour le mercredi 11 septembre 2002 à 09 heures 30.
Lecture faite, le témoin assisté persiste et signe avec nous et le greffier.
INSTRUCTION W : . 3/02/40 •
PROCES-VERBAL de M. DABIRA Norben -page 8
1
COUR D'APPEL DE BRAZZA VILLE
----------------
Tribunal de Grande Instance de Brazzaville
-=-=-=-=-=-=-=-
Parquet de Monsieur le Procureur
de la République
--------------
Monsieur le Procureur de la République,
REPUBLIQUE DU CONGO
Unité*Travaii*Progrès
Brazzaville, le 9 septembre 2002
A
Monsieur le Procureur de la
République près le Tribunal
de Grande Instance de MEAUX
France
Ayant été informé de ce que, sur votre réquisitoire introductif du 23 janvier
2002, une information judiciaire est présentement en cours, devant le juge
d'instruction au Tribunal de Grande Instance de Meaux (dossier n° parquet
25146/01, instruction 3/02/40) contre Monsieur Norbert. DABIRA, officier
général dans 1' armée congolaise, des chefs de crimes contre l'humanité (pratique
massive et systématique d'enlèvements de personnes suivis de leur disparition,
de la torture ou d'actes inhumains, pour des motifs idéologiques et en exécution
d'un plan concerté contre un groupe de population civile), je m'empresse, dans
le cadre des bonnes relations de coopération judiciaire qui existent entre votre
pays et le nôtre, de vous apporter les informations suivantes :
Au courant de l'année 2000, l'Organisation Congolaise des Droits de l'Homme
(OCDH), affiliée à la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH)
articulait dans la presse brazzavilloise, qu'au courant du mois de mai de l'année
1999, des milliers de congolais qui avaient quitté la ville de Brazzaville, pour se
mettre à l'abri des combats qui y faisaient alors rage, décidèrent par l'entremise
du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), lequel avait pris à cet effet le soin de
créer un couloir humanitaire, de rentrer au pays.
L'Organisation Congolaise des Droits de l'Homme prétendait, en outre qu'au
cours de cette opération de retour, plus de trois cent ·cinquante (350) cas de
disparus auraient été recensés et imputait ce fait à certaines autorités du pouvoir
en place parmi lesquels fut cité Monsieur Norbert DABIRA, Général de brigade
assumant les fonctions d'Inspecteur général des Forces Armées Congolaises. Il
convient toutefois de préciser à cet égard, que suivant les déclarations faites
devant le juge d'instruction par Monsieur IBRAHIMA TRAORE, chargé du
bureau de liaison du HCR à Brazzaville, ce nombre serait en réalité d'environ 70
cas de disparus.
2
Suite à la diffusion de ces informations, Monsieur le Garde des Sceaux, Ministre
de la justice avait chargé le magistrat directeur des droits humains au ministère
de la justice de mener une enquête comportant des auditions susceptibles de
mieux renseigner les autorités sur la réalité des faits prétendus et, le cas échéant
sur leur ampleur. A propos de cette enquête, le quotidien le Monde dans sa
livraison du 26 février 2000 rapportait déjà, s'agissant des confidences faites à
son envoyé spécial par un parent de 1 'une des personnes supposées disparues :
« des cadres du système et des ministres sont sensibilisés· à notre
«problème et « veulent comprendre comme nous ... » et plus loin, dans le
même article, on lit : « le ministère de la justice a créé une direction
« spéciale consacrée à ces« disparus dirigée par une magistrale ... ».
A rissue de cette enquête Je ministre de la justice, estimant que les déclarations
de certaines personnes entendues pouvaient comporter des faits susceptibles de
s'analyser en des infractions aux lois pénales de la République, avait demandé
au Procureur de la République de requérir l'ouverture d'une information contre
X des chefs d'enlèvements et disparitions de personnes. Par un réquisitoire
introductif en date du 29 août 2000, le Procureur de la République a
effectivement requis l'ouverture d'une information des chefs susdits. Le Doyen
des juges d'instruction au Tribunal de Grande Instance de Brazzaville a ainsi été
saisi de ces faits et a déjà accompli, à ce jour, plusieurs actes d'instruction.
Cette diligence particulière de Monsieur le Garde des Sceaux et l'intervention
appropriée de Monsieur le Procureur de la République manifestent l'intérêt tout
. particulier que le gouvernement congolais ainsi que les autorités judiciaires
attachent à cette affaire qu'ils veulent élucider au mieux des intérêts de la
République et des citoyens ainsi que des exigences de paix, de réconciliation et
d'unité de la Nation.
L'ouverture par votre parquet, à la suite d'une plainte avec constitution de partie
civile, d'une information qui est présentement en cours pose donc un grave
problème de conflit de compétence entre deux juridictions appartenant à deux
Etats souverains. Un tel conflit ne peut se résoudre que par le dessaisissement
pour incompétence et très subsidiairement pour une bonp.e distribution de la
. -
justice internationale pénale de l'une des deux juridictions· saisies. A cet égard
nous sommes convaincus que les tribunaux congolais doivent seuls, pour les
motifs ci-après, demeurer compétents :
1°/- Le premier motif consiste en ce que la compétence de chaque Etat membre
de la communauté internationale de juger les auteurs, co-auteurs et complices
des faits qualifiés crimes ou délits commis sur le territoire national est un
attribut de souveraineté nationale et un principe d'ordre public international qui
3
ne saurait en aucune façon lui être dénié, sauf la faculté pour la communauté
internationale de conférer cette compétence à une juridiction spéciale créée pour
la circonstance (cas des tribunaux militaires de Nuremberg et de Tokyo, et plus
proche de nous, cas du Tribunal pénal international pour le Rwanda et du
Tribunal de même type pour 1' ex Yougoslavie).
2°/- Le second motif consiste en ce que deux juges d'instruction appartenant à
deux Etats différents, même si la compétence de l'un et de l'autre est avérée (ce
qui est loin d'être le cas en l'espèce), ne peuvent pas être concurremmentsaisis
des mêmes faits. La procédure pendante devant le juge français étant postérieure
à celle en cours devant le juge congolais doit être abandonnée au profit de celle
instruite par .le juge dernier cité lequel bénéficie pour la conduite de cette
instruction des avantages suivants :
a)- Les faits supposés ont eu lieu en territoire congolais.
b )-Ils ont été commis à en croire les plaignants par des congolais sur des
congolais.
c)- Presque toutes les parties (auteurs et victimes), ams1 que les témoins
éventuels résident au Congo.
Il y a lieu ici de relever que nous ne voyons pas comment la justice française
peut-elle s'organiser pour appeler à Meaux, toutes les parties (auteurs présumés,
leurs complices, les victimes et les témoins) à moins d'une commission
rogatoire, laquelle se heurtera forcement au fait que nous sommes nous-mêmes
saisis et que dès lors nous ne serons pas en mesure de donner suite à ladite
commission rogatoire.
Le juge d'instruction congolais est ainsi le mieux placé pour conduire dans la
sérénité et de manière rationnelle, l'instruction.
3°/- Le troisième motif se rapporte à l'applicabilité au cas d'espèce de l'article
689-1 du code de procédure pénale français. L'article 689-1 du code de
procédure pénale ne confère pas au juge français une cqmpétence universelle.
Dans 1 'espèce en examen, Monsieur Norbert DABIRA, Officier général est en
fonction en République du Congo, son pays, en qualité d'inspecteur des Forces
Armées Congolaises. A notre avis l'article 689-1 du code de procédure pénale
français ne peut s'appliquer que faute pour l'Etat sur le territoire duquel les faits
incriminés ont eu lieu d'avoir lui-même déclenché les poursuites qui
s'imposaient. Or dans le cas d'espèce les autorités judiciaires congolaises ainsi
que cela a été dit ci-haut ont fait dans le cadre des faits dénoncés toutes les
diligences nécessaires et utiles. Celles ci se poursuivent présentement par le juge
4
d,instruction smst. Dans ces conditions l'article 689-1 du CCP ne peut pas
s'appliquer.
La procédure diligentée par le juge d'instruction au Tribunal de Grande Instance
de Meaux vient ainsi à manquer sérieusement de fondement juridique. C'est
pour cette raison que 1' abandon pour incompétence de cette procédure par le
juge français ferait utilement cesser ce regrettable conflit susceptible de
constituer une entrave sérieuse à la bonne administration de la justice
internationale pénale.
Veuillez agréer, Monsieur le Procureur de la République, l'assurance de ma
considération distinguée./.-
!-
Fax reçu de 88242818324 SCP NC EMV BP 1974 82/89/82 15:14 Pg: 1
~'''·
r
Brazzavi1Je, le 1er seplembrc 2002
Je viens de recevoir la convocation pour première comparution devant le
tribunal de Grande instance de Meaux. Malgré le fait que votre adresse avait été
acceptée comme boîte aux lettres? ils ont jugé nécessaire d'envoyer cette
convocation a mon dom ici le. Sachant que vous avez été choisi comme mon
avocat, ils me redemandent de choisir un avocat que je dois leur tàire connaître
dans les meilleurs délais.
Nous nous éüons convenu pout· le 13 septembre 2002, ils me convoquent
pow· le 1 1 septembre 2002 ; néanmoins je tiens à vous uviser que le Gouverneur
de la République du Congo vient de mc signifier fmmellement qu'en tant
qu'Ofticier Général des Forces Armées Congolaises, je nt ai pas à mc présenter
devant ce tribunal.
D'après le Gouvernement, il y a en l'espèce et de façon univoque un conflit
positif de juridiction qui doit ftre réglé selon la procédure prévue à l'article 657
du code de procédure pénal français. Une requête en dessaisissement du juge
d'instruction de Meaux au profit du juge d'instruction de Brazzaville, qui a été
saisie antérieurement, conformément au texte visé doit être initié dans l'intérêt
d'u. ne bonne administration de la justice internationale pénale et pour trois ratsons:
1- Deux juges d'instruction ne peuvi:!nt pas être saisis pour les mêmes faits.
La procédure de Meaux postérieure à ceBe du juge d'instruction congolais, se
heurte de manière imparable à la règle « No bis in idem ». Les personnes
présumées auteurs des tlüts incriminés résident tous à Brazzaville. et lesdits faits
sont présumés avoir été commis à Brazzaville~ la compétence du juge
d'instruction de Brazzaville sen1ble être la plus étendue en l'espèce.
2- L'article 689 alinéa 2 du code de Procédure péna]e français porte sur le
principe de la compétence universelle, sur 1equd le juge français fonde sa
compétence. Une telle compétence ne concerne que la criminalité des
particuliers, mais pas celle des gouvemants ct de ses agents, présumés avoir agi
dans les prérogatives de la puissance publique. C'est pourquoi, la France ne peut
sc déclarer compétente des t~lits de nature criminelle, qui ne relèvent pas de son
pouvoir souverain d'appréciation. Par conséquent, un Etat ne peut se déclarer
compétent en Droit lntcn1at.ional pénal, pour juger les gouvernants d'un autre
pays, surtout pas au nom d'une compétence universelle.
3- La communauté internationale, quant à cl1e ne procède pas directement au
jugement des personnes présumé~s criminelles, par des juridictions
Fax reçu de 88242818324 SCP HC EMV BP 1974 82/89/82 15 : 14 Pg: 2
internationales, elit: délègue son pouvoir de répression aux Etats. En revanche,
ce n'est que par cette délégation qu'un Etat a le droit de poursuivre ou de
sanctionner les gouvernants et les agents d,un autre Etat, sans méc<)nna1tre le
principe de légalité des souverainetés qui est d'ordre public en droit
international pénal. l.a cour de cassation française, a opposé la coutume
internationale~ au principe de la compétence universelle, en effet ladite coutume
±àh défense à ce qu'un Chef d'Etat et ses agents puissent en l'absence d'une
résolution des Nations-Unies, faire l'objet des poursuites devant les juridictions
pénales d'un Etat étranger. Si la France a jt.Jgé les tàits criminels commis lors du
génocide Rwandais, c'est en application de la Résolution n° 955 des NationsUnies,
du 8 novembre 1994. Or, la communauté internationale n'a pris que trois
résolutions de compétence répressive, jusqu'à lors au profit des Etats. La
déclaration de Moscou pour la répression des crimes de la t~me guerre mondiale,
la 2ètne délégation des compétent:es a été réalisée par Résolution R27 du Conseil
de Sécurité des Nations-Unies du 25 rnai 1993 pour la répression des crimes
commis dans le territoire de l'ex -Yougoslavie ct la troisième est la résolution
no 955 du Conseil de Sécurité prise le X Novembre 1994 pour la répression des
crimes commis au RWANDA. La France, qui de par l'histoire, est notre seconde
patrie, n'a jamais reçu délégation de la communauté lntemationale pour juger
les faits présumés criminels commis pendant les crises politiques Congolaises de
1993, 1997, et 1998. la procédure pendante devant le juge de MEAUX manq11e
de base légale. Une requête en dessaisiss~ment de cc juge de Meaux, pour cesser
ce regrettable contlit de juridiction, susceptible de constituer une entrave
sérieuse à la bonne administration de la justice pénale Internationale s'avère
nécessaire.
Par ailleurs je voudrajs vous informer que pendant les cinq (05) ans du
règne de LISS01JBA, étant indésirable à Brazzaville pour les raisons d'ordre
politique, je me suis vu obligé sans vouloir être un exilé politique, de prendre
une carte de résident en France, ce qui t:1it de moi bien sür un résident Français.
Cc qui n'exclue non plus que je sois encore sous le drapeau et j'obéis aux ordres
de la République du Congo.
Je suis un Officier Général des Forces Armées Congolaises et que les fautes
présumées ont été commises au Congo uù j'occupe le poste administratif
d'Inspecteur Généra] des Forces Armées Congolaises et de la Gendarmerie
Nationale.
Les juges eux-même ont reconnu que je ne suis pas personnellement
impliqué dans C·eS prétendus massacres. C'est donc en qualité d'Inspecteur
Général des Forces Armées Congolaises et de la Gendarmerie Nationale qu'ils
m'ont écouté jusqu'alors ct le gouvernement que je représente a donné des
()rdrcs formels au minjstrc de l.a Défcm:e de ne pas me donner une autorisation
de sottie. Ils m'a été interdit de me préscmer devant une juridiction autre que
celJe du Congo, devant laquelle j'ai même déjà été entendu à plusieurs
reprises./- ;5k!;/=.
Fax re~u de : 88242818324 SCP NC EHV BP 1974 -----":"...O:.:jJ"''"' __ Co IR o'APtrL
Ill tl\~
TStllltlNAL J)Ç
GRANDE lNITANC'K
orMEAUX
ÇjOII'III"ttTbl'!
M.JlL\N \ii!RVlLI,.Ifl
Jl:tl~ ll'l~~Tkuc·noN
82/89/82 15:14
CONVOCATION pour
PREMIERE COMPARUTION
le J~tge d'iMtruction
à
M. DUIRA Snrbe11
Py: 3
N" du P~ttquet :. %fl46101 •
· N° Instruction : , 3JOV40 •
MëAt)X, le 23 Auût 2002
54 rue de:• Tilleuls
71270 VILT .RP AlUSJS
né le 14 Jrfitl f9J9 à NllOJf .4 !JOlJNnn. lm CMRo
Jel)avt4
t'l de SOMJJOKr..J ho mw
En opplicatiol\ dt! l'n•ttel* SI"J·l du Cooc de f'rtl1.-édure Pénale .• j~,.: '-'otLo; inforrn~ 41\lë j'etWiSt\ge votre mtsC"
c:n C:)UW'Jlen. A Qflttr 1i11. je vuw1. cottvnque pour procéder à V(!!t"e pi;l'nière comparution, d11n1 unt:
inthrmati~n ouvert~ pour:
Cl{lMES CONtRE l'ffiJMAN111l: PRATIQtJêMASSlVE DT SYS'rF.MA'fiQUE .
lJ'UNLf,V!!Mt!WTS DE P.ëJtSO'NNBS SUIVl~ DI UitJR DIS[•An friON, UE LA TORTURE Ol J
U'ACl~S rNHliMAINS. fOVR. D!S MOTlFS IDF.OLOOTQUES P.'T EN EXF.UffiON D'UN PUiN
C:~CJ:11tTE CONTRê UN CitoU PU D.E POPUlA'l'ION CIVILE. o' AV lW. 11199 À Jl/if.I.I'!T 1999, A
B.I.VlZZJ\ V!LLH ~fltRLIQVF. ntr CONr.O)
((At'IS PRtVIJ:SfnérruMr,& PAI:t tm! AJl'llt.US :111 .. : CN.' C.oDt PI':.N~I. ET bll9-l DU f.X!I.tti Dl! f'Rori!ouF.e.
PiNAt.e
à mon Cabmtt &la au TRl!RINAL de GBAN'DE INSTANCE dt MI:!AHX, ~4. avenne Slllvadur
~ll~ndé 17109 MCllu.lt, Port.; N'-: lLO
Tt.t8JMtORTI\NT
Vous ave21 .. druit d'&tre aasitté plU' l.ll\ IW(Icat
VOI,l$ pouve~ choisir h .. vtlCtlt qui vuuil usi~te't<l ou demllndcr qu~l YOU~ til ('nit 11êsij(né un par le
bltomHer t11: l'nrdrc. panni let~ nvoCQt& in~critll ClU bwTeAu.
Vo\11. dl:vez me fain; uotuut.nro vvtro choir. d•nllles tntillcl>r! dC:l .. ts.
f1k yiceprési~tehurgé de l'ins~tlon
1 .·
-~ . . . . . . . · ... -· ·. ., .
M.tuhn:ne Ode 'lt-:R ' . \.Mr'"':>..-'.,

•·
DABIRA NORBERT
JI K.
Brazzaville, Je 25 septembre 2002
Rêsidence CAMP 1 5 Août
Inspection Générale des Armées
Ministère de la Défense Nationale
BP534
Brazzaville CONGO
Maître VERGRS
Vous ~avez tout comme moi que le Gouvernement congolais avait prjs la décision de
ne plu."ï me laisser comparaître devant le tribunal de grande instance de MEAUX. Me sachant
totalement innocent dans cette affaire dit «des disparus du Reach >>, j'étais prêt à me
présenter pour la deuxième fois devant les juges favais totalement foi à la justice frcmçaise
que je sais impartial et juste.
Ne pouvant pas mc rendre en France, j'avais pris soin de vous avertir et d'aviser aussi
la Chancellerie française à Brll7.7.nvi1le qui a averti le tribunal je sais aussi que de votre part
vous avez justifié mon ahscnce au juge de MEAUX je ne vois pns comment, ces mêmes juges
ayant toutes c.es infom1ations ont entrepris de traumatiser ma tà.milte ct à mon avis dt: s•cn
prendre à elle.
Le Président de la République a pourtant dit publiquement à la radio, à la télévision
française qu'il avait pris la décision de m'intcrdil·e ùe venir comparaître pour dt'S raisons
d'incompétence du Trihunal·de MEAUX.
En effet, en date du mnrdi 24 septembre 2002 le voisin d'à côté a rendu compte à mon
épouse que le lundi 23 septembre les journalistes de Frdllcc Télévision notamment ceux de la
2 sont passés lui demander où se situait le numéros 54 de la Rue des TILLEULS. Sans savoir
leur intention le voisin leur a indiqué notre domicile. Quand il les a vu installer le matérid
pour t'ilmcr, i1 a su leur intention. il était choqué et leur a fà.it comprendre qu'ils n'ava.ient pa')
le droit de filmer un domiciJè saus l'avis du propriétaire et surtout que ce dernier était absent.
Ils ne l'ont pas écouté. ils se sont contentés de dire" que le propriétaire ct son Président de la
République ont des problèmes avec la justice". Mon épou.-re dit que le voisin était très indigné
en pensant à nos tille.~ qui ont l'habitude de jouer et de courir dans le jardin avec le chien,
Dieu merci que les petites ce jour là n'étaient pas là car elles seraient fortement traumatisées.
Le voisin ( un français ) toujours très indigné a indiqué à mun épouse que ces
messieurs n•avaient pas le droit de faire ce qu'ils ont fait c'est une atteinte à la vie privée et
l'accusation de sun mari par les journalistes allaient à l'encontre de ltt présomption
d,innocenoe. Le voisin pourra témoigner en cas de besoin.
Ensuite le soir, mon épouse a suivi Je journal de la 2 c'est là que ahuri, elle découvre
qu'effectivement notre maison était devenue tristement célèbre à la télévision publique
française c'était le domicile du coupable présumé des<< dispams du BEACH». A ce journal
fai même été qualifié de Chef des armées du Congo, mon épouse m'a téléphoné cl m'a 1~tit
part de son indignation et m'a demandé de suivre le journal de minuit 15 de la_ dite chaîne
Nous recevons FR par satellite
J'en ai profité pour enregistrer. Ce qui ost brrave et même gravissime~ c'est que désormais
tout le monde connaît mon domicile et on peut attenter à la vie de ma famille plus facilement
qu'avant et ce tait ressemble aussi à une suggestion: C'est conune si le .îournaJiste voulait
dire n Je vous montre là où habite votre criminel~ quitte à vous même d'achever l'acte
macabr~ d'attenter â sn vie en guise de vengeance contre ce que j'aurais préSl.lmé fait cl alors
qu'il n'existe aucune preuve Vous ave-.t même suivi mon audition au tribunal de MEAUX, je
me rappelle encore de ce que le juge m)avail dit" hors audition" que j'avais Ja malchance
d'habiter MEAUX et, d'être résident en France. Aucune fois, il t)'a prouvé ni n'a soutenu
/
/
f./ }~idée ou la thèse selon lnquellc j'aurais commandité ou perpétré personnellement les crimes
dont on m • accusait .
Ce jour 2S septembre malgré le fait qu'ils mc sa.vaient absent, le:s juges ont envoyé aux
environs de 9h 15 - 9h 20 quatre gendarmes à mon domicile de Villeparisis • les 4 gendannes
sont rentrés dans la cour après avoir sonné au portail sans auendrc qu'on leur fasse entrer, ils
sont rentrés dans la cour et ont sonné à la porte c.'est là que ma fille Sarah âgée de 10 ans à
peine est venue ouvrir. Ils ont demander à ma tïnc si leur père était présent. Ma lille a
répondu que je n'étais pas là, ils ont demandé à voir mon épouse. Elle était dans la douche
avec la mousse de shampooing encore sur sa Lête quand l'enfant est venue lui dire tout
apeurée qu~il y a des policiers dehors qui veulent la voir. Toute trempée, elle est sorti vite de
la douche en prenant sur elle que sa serviette de bain tellement que l'enfant était terrorisé et
a.peuré, elle a cnt tout de suite à une situation grave. En descendant les escaliers mon épouse
leur a demandé qu'est ce qu'ils voulaient,, ils lui ont demandé une fois de plus si j'étais là elle
a naturellement répondu que j'étais à Brazzavîllc t.>f. ils ont ensuite dit: « Comme votre mari
n'est pas là nous voulons que vous répondie:r. â quelque question»
Mon épouse leur a dit 4IU'ellc n'avait pat'! fini de se doucher elle avait encore le
shampooing sur ln Wtc, ils l'ont renvoyé se débarbouiller. Elle n'avait pas encore fini de sc
débarbouiller qu'ils out . ..mvoyé la plus petite âgée de 5 ans lui dire de se dépêcher c·e~1. là
qu'elle les a fait rentrer daru; Ja maison. HUe les a rejoins ils lui ont montré le papier qui leur
donnait droit de perquisitionner la maison en lui faisant entendre qu'ils avaient un mandat
d'emmener contre moi tout ceci au vu ct au su de mes enfants. Mon épouse un peu énervée
leur a demandé pourquoi ils veulent fouiller la maison surtout que moi je ne suis pélS là ct '-JUe
mon avocat avait déjà tenu 1es jugeS au courant de mon impossibilité de comparaitre à
nouveau et que mui même je l'avais déjà tàis à travers la chancellerie de BrazzavlJie . Les
gendarmes ont répondu 0 qu'ils obéissait aux ordres. ils ont eonunencé la. tbuîlle de la maison
pur le sous-sol accompagnés par madame. Us ont ouvert toutes les chambres et révcî1Ié mon
fils qui donnait, ils ont voulu savoir qui c'était'? ils ont demandé sa carte d'identité ce qui
leur fut présenté. Ensuite ils sont montés à l'étage ils ont scruté les chambres et les douches,
puis ils out écrit leur rapj)Ort qu'ils ont faitlîre à: madame et signer. Mon épouse, énervée 1eur
a dit qu'elle ne comprenait pas pourquoi on faisait subir tout cela~! son mari et à sa famiJle
alors que l'innocence de son mari est avérée et que le Président de la République du Congo
était en France, ils auraient pu s'attaquer à lui. c'est à lui qu'11s en veulent. Elle ne comprcnaiL
tO\.\jours pas pourquoi les juges ~·achanuûent sur un innocent. Le poste d'lmrpectcur générale
des années n'étant pas un poste de décision, même s•iJ en était un, il n·e~.. - t pas dit qu•u a
commanditê les crimes. bref ..
La leçon à tirer dans toul cec,i c'est que tout le quartier est désormais au courant qu'au 54
rue de TILLEULS habite un criminel. Les enfants sont fortement traumatisé et sont obligés de
repondre ~ux questions de 1eurs amis à l'école sur les problèmes qu'ils ne connaissent ni les
tenants llÎ les aboutissants. Le fait de filmer ma maison et de la mnntrer à la télé FR 2 et FR 3
constitue une atteinte grave à ma vie privée ct expose ma famille vis-à-vis de ceux qui croient
vouloir se venger des crimes dont je suis nullement coupable. Ma famille vit désormais dans
la hantise et elle ne se sent paq protégée hien au contraire olle a été mise à la vindicte
populaire.
Je m'insurge contre cc genre de chose. Ma famille installée à Paris ne doit pus subir des
pressions qui lui rende la vie infernale. J'ai ma fille qui avait subi une greffe d~ la moelle. elle
souffre déjà sutlisamment, savamment par des manipulations politiques, on cherche à la tuer,
je vous demande de prendre toute les mesures nécessaires afin (JUe cesse le harcèlement de ma
famille.
Je vous prie de croire maître, 1 'expression de ma fram.:he collaboration
13 mars 2001 - No 64, Criminelle ji texte intégral affiché
IMMUNITE. • Immunité d un chef d Etat. • Coutume internationale. • Poursuites pénales contre un chef d Etat en
exercice (non).
La coutume internationale s'oppose à ce que les chefs d'Etat en exercice puissent, en l'absence de dispositions
internationales contraires s'imposant aux parties concernées, faire l'objet de poursuites devant les juridictions
pénales d'un Etat étranger.
Encourt la cassation la chambre d'accusation qui dit y avoir lieu à informer dans une procédure mettant en
cause un chef d'Etat en exercice alors qu'en l'état du droit international, le crime dénoncé, quelle qu'en soit la
gravité, ne relève pas des exceptions au principe ci-dessus énoncé.
CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Paris, contre
l'arrêt de la chambre d'accusation de ladite cour d'appel, en date du 20 octobre 2000, qui a confirmé
l'ordonnance du juge d'instruction disant y avoir lieu à informer sur la plainte de l'association X .. et de Y. .. ,
épouseZ. .. , contre A ... , du chef de complicité de destruction d'un bien par l'effet d'une substance explosive
ayant entraîné la mort d'autrui, en relation avec une entreprise terroriste.
« 13 mars 2001.
N° 00·87 .215
LACOUR,
LACOUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle en date du 22 novembre 2000
prescrivant l'examen immédiat du pourvoi;
Vu les mémoires produits en demande et en défense;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation du droit pénal coutumier international
relatif à l'immunité de juridiction reconnue aux chefs d'Etat étrangers:
Vu les principes généraux du droit international;
Attendu que la coutume internationale s'oppose à ce que les chefs d'Etat en exercice
puissent, en l'absence de dispositions internationales contraires s'imposant aux parties
concernées, faire l'objet de poursuites devant les juridictions pénales d'un Etat étranger;
Attendu que l'association X ... et Z ... ont porté plainte avec constitution de partie civile du
chef de complicité de destruction d'un bien par l'effet d'une substance explosive ayant
entraîné la mort d'autrui, en relation avec une entreprise terroriste, contre A. .. , chef d'Etat en
exercice de la Jamahiriya Arabe Libyenne, à qui elles reprochent son implication dans
l'attentat commis le 19 septembre 1989 contre un avion DC 10 de la compagnie UTA,
lequel, en explosant au-dessus du Niger, a causé la mort de 170 personnes, plusieurs
d'entre elles étant de nationalité française;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction disant y avoir lieu à informer,
nonobstant des réquisitions contraires du ministère public, les juges du second degré
retiennent que, si l'immunité des chefs d'Etat étrangers a toujours été admise par la société
internationale, y compris la France, aucune immunité ne saurait couvrir les faits de
complicité de destruction d'un bien par l'effet d'une substance explosive ayant entraîné la

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