Volume 4

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153-20160713-WRI-01-03-EN
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Note: Cette traduction a été préparée par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
14886
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
AFFAIRE RELATIVE À L’OBLIGATION DE NÉGOCIER UN ACCÈS
À L’OCÉAN PACIFIQUE
(BOLIVIE c. CHILI)
CONTRE-MÉMOIRE DE LA
RÉPUBLIQUE DU CHILI
VOLUME 4
(ANNEXES 215-278)
13 JUILLET 2016
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
Annexe Titre Source
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
215 Mémorandum du ministère chilien des
affaires étrangères en date du 7 janvier
1977 concernant l’audience accordée par
le ministre à l’ambassadeur de Bolivie au
Chili
Archives du ministère chilien des
affaires étrangères
1
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
220 Lettre no 22 en date du 15 avril 1977
adressée à l’ambassadeur du Chili en
Bolivie par le ministre chilien des affaires
étrangères
Archives du ministère chilien des
affaires étrangères
4
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
227 Procès-verbal de la 7e séance plénière de
la trente-deuxième session de l’Assemblée
générale des Nations Unies, 26 septembre
1977, Nations Unies, doc. A/32/PV.7
[extrait]
<https://documents-ddsny.
un.org/doc/UNDOC/GEN/NL7/80
4/21/pdf/NL780421.pdf?OpenEleme
nt>, p. 77, 93, 96 et 97
9
228 Lettre no 571/148 en date du 28 septembre
1977, adressée au ministre chilien des
affaires étrangères par l’ambassadeur du
Chili en Bolivie
Archives du ministère chilien des
affaires étrangères
16
229 Communiqué de presse conjoint des
ministres bolivien, chilien et péruvien des
affaires étrangères en date du
29 septembre 1977, consigné dans un
aide-mémoire du ministère chilien des
affaires étrangères, 1977
Ministère chilien des affaires
étrangères, Memoria pour l’année
1977, p. 88-89
21
230 Procès-verbal de la 13e séance plénière de
la trente-deuxième session de l’Assemblée
générale des Nations Unies, 29 septembre
1977, Nations Unies, doc. A/32/PV.13
[extrait]
<https://documents-ddsny.
un.org/doc/
UNDOC/GEN/NL7/804/25/pdf/NL7
80425.pdf?OpenElement>, p. 215,
229 et 230-232
23
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
232 Procès-verbal de la 21e séance plénière
Nations Unies, de la trente-deuxième
session de l’Assemblée générale des
Nations Unies, 5 octobre 1977, Nations
Unies, doc. A/32/PV.21
https://documents-dds-ny.un.org/doc/
UNDOC/GEN/NL7/804/33/pdf/NL7
80433.pdf?OpenElement>
29
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- ii -
238 Mémorandum confidentiel no 116 en date
du 15 mars 1978 adressé à la direction
générale de la politique étrangère du Chili
par le ministère chilien des affaires
étrangères
Archives du ministère chilien des
affaires étrangères
64
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
240 Déclaration du ministère chilien des
affaires étrangères en date du
17 mars 1978
Ministère chilien des affaires
étrangères, Histoire des négociations
entre le Chili et la Bolivie, 1975-
1978 (1978), p. 78 et 79
71
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
243 Procès-verbal de la 5e séance plénière
de la dixième session extraordinaire
de l’Assemblée générale des
Nations Unies, 26 mai 1978, Nations
Unies, doc. A/S-10/PV.5 [extrait]
https://documents-dds-ny.un.org/doc/
UNDOC/GEN/NL3/042/49/pdf/NL3
04249.pdf?OpenElement
73
244 Procès-verbal de la 6e séance plénière
de la dixième session extraordinaire
de l’Assemblée générale des
Nations Unies, 26 mai 1978, Nations
Unies, doc. A/S-10/PV.6 [extrait]
https://documents-dds-ny.un.org/doc/
UNDOC/GEN/NL3/042/52/pdf/NL3
04252.pdf?OpenElement
75
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
246 Lettre en date du 1er juin 1978 adressée
au Secrétaire général de l’Organisation
des Nations Unies par le représentant
permanent de la Bolivie auprès
de l’Organisation, Nations Unies,
doc. A/S-10/18, 2 juin 1978
<https://disarmamentlibrary.
un.org/UN
ODA/Library.nsf/ff5669f6c76a379
0852577c00068acbd/eba5f1faab1df
372852577c90051ea6b/$FILE/AS10-
18.pdf>
77
247 Lettre en date du 5 juin 1978 adressée
au Secrétaire général de l’Organisation
des Nations Unies par le représentant
permanent du Chili auprès
de l’Organisation, Nations Unies,
doc. A/S-10/19, 6 juin 1978
<https://disarmamentlibrary.
un.org/UN
ODA/Library.nsf/ff5669f6c76a379
0852577c00068acbd/fc8c8e668e16
8a80852577c90051ea7d/$FILE/AS10-
19.pdf>
79
248 Procès-verbal de la 2e réunion de la
commission générale de l’Assemblée
générale de l’OEA, 26 octobre 1979
Organisation des Etats américains,
Assemblée générale, neuvième
session ordinaire (1979),
Procédures, vol. II, première partie,
OEA/Ser.P/IX.O.2 (1980), p. 353,
356-372, 386-388 et 395-397
81
249 Procès-verbal de la 12e réunion plénière de
l’Assemblée générale de l’OEA,
31 octobre 1979
Organisation des Etats américains,
Assemblée générale, neuvième
session ordinaire (1979),
Procédures, vol. II, première partie,
OEA/Ser.P/IX.O.2 (1980), p. 272,
277-283 et 286
99
- iii -
250 Assemblée générale de l’OEA, résolution
AG/RES. 426 (IX-O/79) en date du
31 octobre 1979, «Accès de la Bolivie à
l’océan Pacifique»
Organisation des Etats américains,
Assemblée générale, neuvième
session ordinaire (1979),
Procédures, vol. I, première partie,
OEA/Ser.P/IX.O.2 (1980), p. 55 et
57
105
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
254 Assemblée générale de l’OEA, résolution
AG/RES. 481 (X-O/80) en date du
27 novembre 1980, «Problème de l’accès
de la Bolivie à la mer»
Organisation des Etats américains,
Assemblée générale, dixième
session ordinaire (1980),
Procédures, vol. I, OEA/Ser.P/
X.O.2 (1981), p. 28
107
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
257 Assemblée générale de l’OEA, résolution
AG/RES. 560 (XI-O/81) en date du
10 décembre 1981, «Rapport sur le
problème de l’accès de la Bolivie à la
mer»
Organisation des Etats américains,
Assemblée générale, onzième
session ordinaire (1981),
Procédures, vol. II, première partie,
OEA/Ser.P/XI.O.2 (1982), p. 95 et
97
109
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
259 Assemblée générale de l’OEA, résolution
AG/RES. 602 (XII-O82) en date du
20 novembre 1982, «Rapport sur le
problème de l’accès de la Bolivie à la
mer»
Organisation des Etats américains,
Assemblée générale, douzième
session ordinaire (1982),
Procédures, vol. I, OEA/Ser.P/
XII.O.2 (1982), p. 35-37
111
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
266 Assemblée générale de l’OEA, résolution
AG/RES. 686 (XIII-O/83) en date du
18 novembre 1983, «Rapport sur le
problème de l’accès de la Bolivie à la
mer»
Organisation des Etats américains,
Assemblée générale, treizième
session ordinaire (1983),
Procédures, vol. I, OEA/Ser.P/
XII.O.2 (1983), p. 100 et 105
114
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
272 Assemblée générale de l’OEA, résolution
AG/RES. 701 (XIV-O/84) en date du
17 novembre 1984, «Rapport sur le
problème de l’accès de la Bolivie à la
mer»
Organisation des Etats américains,
Assemblée générale, quatorzième
session ordinaire (1984),
Procédures, vol. I, OEA/Ser.P/
XIV.O.2 (1985), p. 20
116
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
___________
ANNEXE 215
MÉMORANDUM DU MINISTÈRE CHILIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES EN DATE DU
7 JANVIER 1977 CONCERNANT L’AUDIENCE ACCORDÉE PAR LE MINISTRE
À L’AMBASSADEUR DE BOLIVIE AU CHILI
Archives du ministère chilien des affaires étrangères
Bureau des relations internationales
Département d’Amérique du Sud
REF : Audience accordée par le ministre à l’ambassadeur de Bolivie
Mémorandum
1. Hier, à 9 h 30, le ministre a reçu l’ambassadeur de Bolivie, M. Adalberto Violand Alcazar.
L’audience a duré environ 45 minutes.
2. Le ministre des affaires étrangères a informé l’ambassadeur qu’il souhaitait étudier avec
lui la manière de poursuivre les négociations.
3. L’ambassadeur Violand a répondu qu’il n’avait aucune instruction spécifique à ce sujet, si
ce n’est de poursuivre sans délai les négociations.
4. Le ministre a indiqué qu’il pouvait continuer les pourparlers, comme il l’a fait jusqu’à
présent et comme il l’avait fait avec l’ancien ambassadeur Gutiérrez. Il a souligné qu’il convenait
de discuter jusqu’à ce que soit atteint un point d’accord. Il a ensuite mentionné le message de Noël
du président Banzer, et précisé que, selon lui, des messages paraissant dans la presse ne
constituaient pas une bonne façon de négocier. Il s’est dit convaincu que les débats devaient avoir
lieu en privé, pour éviter la pression de l’opinion publique dans les deux pays et à travers le monde.
5. Puis, le diplomate bolivien a analysé le message susmentionné (tout en soulignant qu’il le
faisait «officieusement»), expliquant que celui-ci obéissait avant tout à des raisons de politique
intérieure bolivienne et que le président Banzer lui-même était préoccupé de la façon dont cela
pouvait être pris au Chili. Il a ensuite demandé au ministre de lui faire connaître la proposition
actuelle du Chili concernant les négociations.
6. Le ministre des affaires étrangères a déclaré que notre pays maintenait pleinement l’offre
qu’il avait faite dans le document du 19 décembre 1975 et, revenant sur le message du président
bolivien, il a précisé que de telles déclarations publiques étaient délicates parce qu’elles énonçaient
des positions fort difficiles à modifier.
Il a ensuite indiqué que, pour le Chili, un échange était indispensable, faisant référence à
l’échange de territoire entre notre pays et la Bolivie qui s’est déroulé en 1907, et ce, sans difficulté.
Il a appelé l’attention sur le fait qu’il existait donc un précédent susceptible d’empêcher toute
suspicion de la part du peuple bolivien.
- 2 -
Le ministre a ajouté que, pour faciliter cette idée d’échange, le Chili pourrait, selon lui,
désigner la zone à laquelle il aspire, en insistant sur le fait que cela dissiperait les soupçons.
7. L’ambassadeur Violand a ensuite déclaré qu’il comprenait que le maintien de la
proposition chilienne incluait les accords intervenus par la suite au sujet de ce qu’il est convenu
d’appeler les «différends».
8. Après un échange de vues sur chacun de ces «différends», le ministre a insisté sur le fait
que toutes les parties du document de décembre 1975 étaient maintenues et, que seuls ces
«différends» devaient être interprétés. Il a ajouté que ces interprétations pouvaient à présent être
consignées, comme convenu avec le ministre des affaires étrangères Adriázola à New York. Les
deux ministres s’étaient alors mis d’accord sur la nécessité d’échanger des documents énonçant
l’interprétation de ces «différends» par chaque pays, de manière à parvenir à un accord définitif.
9. L’ambassadeur a indiqué que cet échange pouvait débuter dès maintenant. Puis il a
mentionné l’idée de l’enclave esquissée par le ministre des affaires étrangères Adriázola, déclarant
qu’il devait, en principe, être possible d’en venir à bout.
10. Le ministre a précisé qu’il était difficile pour la Bolivie d’accepter l’idée d’une enclave
de 30 km². Puis, à la question de l’ambassadeur au sujet de la situation avec le Pérou, il a répondu
que la formule présentée par ce dernier avait été rejetée, ajoutant que l’on pouvait tenter d’obtenir
l’acceptation de cet Etat grâce à la formule consistant à échanger la zone minière de Tacora contre
une autre zone. Cette proposition, a-t-il indiqué, donnerait au Pérou une «échappatoire» face à
l’opinion publique, car il apparaîtrait comme obtenant une zone riche, ce qui profiterait également à
son image internationale puisqu’il serait vu comme contribuant à régler le problème de la Bolivie.
Le ministre a ajouté que, en tout état de cause, c’est la Bolivie qui devrait faire cette proposition au
Pérou.
11. L’ambassadeur Violand a répondu qu’il avait néanmoins l’impression que le Pérou ne
souhaitait pas perdre sa frontière avec le Chili.
12. Le ministre a déclaré que, selon ses informations, la proposition du Pérou avait été faite
sans tenir compte de la commission consultative ni des représentants péruviens dans les discussions
bilatérales, qui auraient accepté de rechercher une solution. Il devrait donc exister au Pérou un
courant opposé à la proposition actuelle formulée par ce pays dont les tenants pourraient
recommander la formule d’échange évoquée plus tôt. Il a ajouté que ceci pouvait être proposé par
la Bolivie au Pérou, et que la réponse du Chili à la consultation qui émanerait des Péruviens serait
positive.
13. L’ambassadeur s’est dit satisfait de ce que les négociations continuent, précisant qu’elles
pouvaient se poursuivre sur la base de ce qui avait été convenu à New York par les ministres des
affaires étrangères Carvajal et Adriázola, et initier des négociations distinctes entre le Pérou et la
Bolivie au sujet d’un échange entre la zone de Tacora et une autre zone.
14. Le ministre a estimé que chaque pays pouvait présenter une interprétation préliminaire
des «différends». Ces documents seraient ensuite comparés et serviraient à établir une version
préliminaire conjointe. Il a ajouté que si la Bolivie ne disposait pas d’informations concernant
l’échange bilatéral de 1907, il pourrait les fournir à l’ambassadeur, ce que ce dernier a accepté.
- 3 -
15. L’ambassadeur a précisé qu’il informerait son gouvernement sans délai de cet échange
de vues, et l’audience  à laquelle assistait le troisième secrétaire Roberto Ibarra, fonctionnaire
des affaires étrangères et auteur de ce mémorandum  s’est achevée.
Santiago, le 7 janvier 1977.
Directeur DIREL,
(Signé) Pablo VALDES.
___________
- 4 -
ANNEXE 220
LETTRE N° 22 EN DATE DU 15 AVRIL 1977 ADRESSÉE À L’AMBASSADEUR DU CHILI
EN BOLIVIE PAR LE MINISTRE CHILIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Archives du ministère chilien des affaires étrangères
RÉPUBLIQUE DU CHILI
MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
***
BUREAU DES AFFAIRES INTERNATIONALES
Département d’Amérique du Sud
CONFIDENTIEL [Signatures]
AFFAIRES ÉTRANGÈRES (DIRELAS) RES.
No 22
Sujet : mémorandum de la rencontre accordée
par le ministre des affaires étrangères à
l’ambassadeur de Bolivie
Réf. : aucune
468
Santiago, le 15 avril 1977
De : Ministère des affaires étrangères
À : Ambassadeur du Chili à La Paz
Pour votre information, vous trouverez ci-joint une copie du mémorandum établi au sujet de
l’audience que le ministre des affaires étrangères a accordée à l’ambassadeur de Bolivie au Chili le
1er avril dernier.
Sincères salutations,
PAR ORDRE DU VICE-SECRÉTAIRE,
conseiller,
directeur par intérim des affaires internationales,
(Signé) Luis Eugenio CADIZ B.
Distribution :
1. Ambassade du Chili à La Paz avec annexe
2. Affaires étrangères (DIRELAS)
3. Affaires étrangères (bureau des dépôts), archives
- 5 -
LSC/fr
MÉMORANDUM CONFIDENTIEL NO 82
De : DIREL
À : DIGEN, INFO SUBSEC, MINGAB, DIPLAN
I. Le ministre des affaires étrangères a reçu ce jour à 17 heures l’ambassadeur de Bolivie,
M. Adalberto Violand. L’ambassadeur était accompagné des conseillers d’ambassade Alfredo
Valdés Loma et Agustín Saavedra. Le directeur général et commandant Jaime Levín et le
fonctionnaire des affaires étrangères Leonel Searle C.  qui ont établi le présent mémorandum 
étaient également présents.
II. L’ambassadeur a indiqué avoir sollicité cette audience à son retour de La Paz sur
instruction de son gouvernement. Il a souligné que l’état des négociations entre les deux pays avait
été analysé sur la base de la correspondance échangée dans le cadre de l’anniversaire de la
rencontre de Charaña, et ce, pour déterminer la manière dont elles se poursuivraient à l’avenir.
L’ambassadeur a précisé que, au vu de la récente visite du général Arbulú, la Bolivie entendait
s’enquérir de la situation actuelle du Chili, de la manière dont celui-ci perçoit les négociations et de
la façon dont il envisage de traiter la question péruvienne.
III. Le ministre a expliqué que l’objectif de la visite du général péruvien était de débattre de
sujets techniques uniquement et que la question de la situation bolivienne n’avait pas été abordée.
IV. L’ambassadeur a reposé la question suivante : «comment envisagez-vous l’avenir des
négociations et comment les discussions avec le Pérou vont-elles se poursuivre ?», ajoutant que la
Bolivie était préoccupée par la stagnation des négociations et souhaitait connaître les prochaines
mesures qui seraient prises par le Gouvernement chilien.
V. Le ministre a précisé que le président Banzer, dans son message de Noël, avait souligné
qu’il n’y aurait aucune compensation de nature territoriale, ce qui préoccupait le Chili. Il a précisé
que la proposition de ce dernier n’était pas le fruit d’une improvisation, chaque stipulation étant
chargée de sens et l’échange de territoires étant donc essentiel. Le ministre a indiqué que cela
suscitait bien plus d’inquiétudes que ne pourrait le dire le Pérou ; quelle que soit la solution trouvée
avec le Pérou, le Chili n’y souscrirait pas si cela revenait à accepter la proposition bolivienne sans
échange. Et d’insister sur le fait que cette condition chilienne découlait d’un sentiment national qui
était et restait présent dans toutes les sphères de l’opinion publique, de sorte qu’il s’agissait d’une
disposition fondamentale. Toute autre modalité de négociation serait inacceptable, ce point ayant
été discuté et précisé clairement avec M. Gutierrez, prédécesseur de M. Violand. Selon le ministre,
cette question d’un échange de territoires cohérent avec la valeur qu’ils représentent pour chaque
pays constituait le principal obstacle.
VI. L’ambassadeur Violand a fait observer que la proposition du président Banzer n’était pas
un pas en arrière, et que la réponse du Pérou avait créé une nouvelle situation qui permettait au
Chili de reprendre les discussions avec ce pays. Il a ajouté que, sur le plan national, le président
Banzer rencontrait des difficultés pour poursuivre les négociations. Lorsque le Pérou a apporté sa
réponse, le président Banzer, à l’occasion d’une visite dans ce pays, s’est efforcé de rassembler des
soutiens pour cet échange. Ce soutien n’ayant pas été obtenu, le problème est désormais de
proposer une solution au peuple, devenu pessimiste face à la stagnation des négociations.
- 6 -
Toute solution exploratoire proposée au Pérou doit tout d’abord recevoir l’aval de la Bolivie
et du Chili, a expliqué l’ambassadeur, et telle serait la réponse du Pérou.
La Bolivie et le Chili sont déterminés à aller de l’avant ; il s’agit d’une décision commune,
selon l’ambassadeur, «et, selon [lui], d’une décision très honnête de la part du Chili». Toute autre
solution formulée dans le cadre de la proposition requérant l’approbation du Pérou, il conviendrait
d’en trouver une ne nécessitant pas l’intervention de celui-ci.
VII. Le ministre a signalé la possibilité de faire une proposition rendant l’échange attrayant
pour le Pérou. Tacora pourrait être proposée à ce dernier en échange d’une vaste étendue de plage
qui serait cédée à la Bolivie.
Tout en rappelant qu’il était question de Tacora et Laguna Blanca dans les négociations,
l’ambassadeur a soutenu que, selon le Pérou, il fallait d’abord parvenir à un accord avec le Chili.
Le ministre a expliqué qu’il existait certaines possibilités, conformément aux enquêtes menées en
Bolivie. L’ambassadeur a souligné qu’il s’agirait de négociations distinctes soumises à un
arrangement préalable avec le Chili.
VIII. Le ministre a déclaré à l’ambassadeur qu’il avait le sentiment que la Bolivie considérait
ces négociations comme une question de «tout ou rien». Ainsi, lors des premières discussions, il
avait été dit que, indépendamment du règlement du problème de l’accès au Pacifique, nous devions
avancer sur d’autres questions de manière concomitante, par exemple renforcer l’assistance pour le
transit de la Bolivie en direction du Pacifique et promouvoir les possibilités de commerce et
d’autres activités d’intérêt. Selon le ministre, pareille méthode donne l’impression que des progrès
sont réalisés et apporte une note d’optimisme à l’opinion publique. Ainsi, l’amélioration des routes
donne une impression très positive et facilite les négociations entre les gouvernements.
L’ambassadeur a expliqué que le commerce s’était effectivement renforcé et que des projets
étaient en cours, mais que l’objectif fondamental des négociations restait de remédier à
l’enclavement de la Bolivie. Celle-ci doit développer son potentiel et, pour ce faire, être libérée de
la situation d’isolement dans laquelle elle se trouve.
L’ambassadeur a déclaré qu’il comprenait la position du Chili au sujet de l’échange, mais a
fait observer que la Bolivie mettait en péril son avenir interne pour une situation hypothétique car,
bien qu’il ajoute foi à la bonne volonté du Chili, celle-ci se heurte au Traité de 1929.
IX. Aujourd’hui, a estimé le ministre, si des différends se font jour, conjugués au fait que la
Bolivie conteste l’échange, nous nous trouvons dans une situation délicate pour continuer de
présenter un front commun avec le Pérou. Par ailleurs, le ministre a posé la question suivante :
«pourquoi attendre le règlement du problème principal et ne pas avancer sur d’autres sujets de
manière concomitante ?». L’ambassadeur l’a interrompu pour préciser que le report de la réunion
de la Commission mixte était temporaire. Le ministre a poursuivi en précisant que les attaques de la
presse bolivienne à l’encontre du Chili étaient le fruit d’informations inexactes. Ainsi, attaquer le
Chili au sujet de l’accumulation de marchandises dans le port d’Arica (en particulier de farine) en
raison du délabrement des voies ferrées, c’est oublier que les chemins de fer boliviens doivent plus
de trois millions de dollars à notre compagnie de chemin de fer. Étant donné que notre compagnie
est, comme de nombreuses autres sociétés publiques, contrainte à l’autofinancement, cette dette est
à l’origine du mauvais fonctionnement des services ferroviaires. En conséquence, a-t-il ajouté, il
existe d’autres questions de ce type qui peuvent être réglées afin de porter à la connaissance du
public l’intention réelle d’éliminer tout désaccord. Cela ne suppose pas d’ignorer la question
principale, mais de progresser simultanément sur d’autres aspects.
- 7 -
L’ambassadeur s’est dit attentif à cette question de la dette des chemins de fer boliviens,
ajoutant qu’il existait un accord visant à apurer les comptes. Une offre d’achat de locomotives a été
faite au ministre des transports, le général Vargas, et la Bolivie possède des lignes de crédit avec le
Japon. Aussi le ministre est-il invité à envisager la possibilité de vendre des wagons avec le
ministre général Vargas.
X. Le ministre a proposé de commencer à envisager la possibilité d’un accord similaire à
celui qui a été conclu entre les deux Etats le 5 décembre 1975, en recensant les différends et en les
aplanissant d’une manière mutuellement pratique et acceptable, tout en intégrant à cette solution
des propositions susceptibles d’être attrayantes aux yeux du Pérou. Pour donner à ce pays la zone
de Tacora et à la Bolivie, une vaste zone de plage. Le comité consultatif du Pérou a souhaité
accepter la proposition, et suite à la réponse du Pérou, le comité susmentionné a été dissout. Nous
pouvons de nouveau proposer l’accord. Le Pérou peut se montrer coopératif. Nous devrions tenter
d’obtenir un rapprochement. Il nous faut aplanir nos différends sur la base de l’accord de
décembre 1975. Le Pérou souhaite que nous nous mettions d’accord avant qu’il annonce sa
décision.
Selon l’ambassadeur, cela suppose de donner forme à l’accord, et de convertir l’affaire en
une question tripartite. Le Chili devrait se mettre en rapport avec le Pérou, ce serait une
présentation simultanée par le Chili.
XI. Le ministre a demandé à la Bolivie d’analyser la proposition de manière à ce que le
processus puisse se poursuivre. Il a insisté vigoureusement sur le principe de l’échange, ajoutant
qu’il serait peut-être bon de définir le territoire, d’indiquer le lieu et de le repérer, afin d’éviter la
défiance de quiconque pourrait croire que le Chili tente de faire cavalier seul. Selon l’ambassadeur,
cette question est accessoire à la présentation devant être faite au Pérou.
Par la suite, le conseiller Saavedra a suggéré que le président Pinochet fasse un pas en avant
en formulant une proposition par le biais d’un message public, conformément à ce qu’il qualifie de
«diplomatie publique».
Le ministre a appelé l’attention sur le fait que chaque avancée réalisée jusqu’à présent dans
le cadre des négociations reposait sur des pourparlers confidentiels et que cela ne devait pas
changer. L’ambassadeur s’est dit inquiet de ce que, Banzer ayant exprimé sa position par le biais
d’un message, le Chili puisse faire de même. Le ministre a rappelé que le président Pinochet avait
déjà parlé de l’échange avant que Banzer ne le fasse.
Résumant ses propos, l’ambassadeur a mentionné la possibilité de concrétiser les progrès
réalisés jusqu’à présent pour présenter au Pérou une nouvelle proposition attrayante. Le ministre a
ajouté que la proposition devait être officielle et publique afin qu’il soit délicat pour le Pérou de la
rejeter, et qu’elle reste acceptable pour l’opinion publique et l’image du Pérou sur la scène
internationale. Pour ce faire, il serait essentiel de s’assurer que soit maintenu l’accord général
auquel sont parvenus le Chili et la Bolivie, sachant que l’échange est une condition sine qua non.
L’ambassadeur a fait observer que la prise de contact avec le Pérou devait précéder l’accord car,
dans le cas contraire, les négociations échoueraient.
Le ministre a expliqué qu’il mesurait les problèmes d’opinion publique du Pérou, l’ancien
président ayant déclaré qu’il ne laisserait pas la Bolivie empiéter sur des territoires ayant autrefois
appartenu au Pérou.
XII. Enfin, le ministre a suggéré de poursuivre le dialogue sous cette même forme et invité
les parties à réfléchir sur les points qui ont été abordés.
- 8 -
L’ambassadeur a confirmé que, de toute évidence, une solution ne pouvait être trouvée lors
d’une réunion d’une heure et estimé qu’il convenait donc de poursuivre les discussions. Il a
remercié le ministre pour cette rencontre et s’est dit inquiet à l’idée d’être engagé dans une course
contre la montre. Le Pérou ayant récemment affirmé qu’il s’ouvrirait aux courants politiques, de
nouveaux facteurs pourraient entrer en jeu et compromettre la possibilité de parvenir à un accord.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Santiago, le 1er avril 1977.
[sceaux illisibles]
[Signature]
Approuvé par
Le directeur des affaires internationales,
Pablo VALDES PHILLIPS.
___________
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ANNEXE 227
PROCÈS-VERBAL DE LA 7E SÉANCE PLÉNIÈRE DE LA TRENTE-DEUXIÈME SESSION DE
L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES, 26 SEPTEMBRE 1977,
NATIONS UNIES, DOC. A/32/PV.7 [EXTRAIT]
<https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/NL7/804/21/pdf/NL780421.p…?
OpenElement>, p. 77, 93, 96 et 97
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ANNEXE 228
LETTRE N° 571/148 EN DATE DU 28 SEPTEMBRE 1977 ADRESSÉE AU MINISTRE CHILIEN
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES PAR L’AMBASSADEUR DU CHILI EN BOLIVIE
Archives du ministère chilien des affaires étrangères
E. LA PAZ (DIPLAN) RES. No 571/148
Objet : Déclarations des représentants du Gouvernement bolivien concernant l’échange de
territoires
REF : Of.Res.No 568/146 du 27 septembre 1977
LA PAZ, le 28 septembre 1977.
De : Ambassadeur du Chili en Bolivie
A : Ministre des affaires étrangères (DIPLAN)
1. Au vu de la réaction de l’opinion publique bolivienne ces derniers jours, je pense qu’il
serait utile à vos services, afin de compléter ce que j’ai indiqué dans ma lettre officielle
confidentielle no 568/146, que je vous livre les principales déclarations faites en 1975 et 1976 par
des représentants du Gouvernement ou d’instances de Bolivie qui sont favorables à l’échange de
territoires.
2. Dans son message à la nation du 21 décembre 1975, le président Banzer déclarait ce qui
suit :
«Il est de mon devoir d’informer le peuple de Bolivie que la réponse du Chili
suppose, comme prévu, un échange de territoires équivalents ne modifiant pas
l’étendue territoriale des deux pays, ni leur richesse ou leur sécurité.
Le gouvernement examine attentivement cette proposition pour veiller à ce que,
quelle que soit l’issue, elle ne limite pas le développement de notre pays, les
perspectives d’amélioration du niveau de vie du peuple bolivien et, surtout, la
préservation de la richesse nationale fournie par ses ressources naturelles. Autrement
dit, nous ne saurions passer d’une situation de pays enclavé à celle d’un pays
hypothéqué.
A la lumière de ce qui précède, nous considérons que la réponse du
Gouvernement chilien à la proposition de la Bolivie constitue une base de négociation
globalement acceptable.»
Ces idées ont été réitérées par le président lors d’une émission télévisée diffusée le
28 décembre.
3. Le 6 janvier1976, les textes de la proposition bolivienne et de la réponse du Chili ont été
rendus publics. Parallèlement, les termes des instructions données par le ministre bolivien des
affaires étrangères à l’ambassadeur de Bolivie à Santiago, M. Guillermo Gutiérrez Vea Murguía,
ont également été révélés. Ces instructions indiquent :
«Le ministre des affaires étrangères de la République a adressé des instructions
spécifiques à l’ambassadeur de Bolivie à Santiago concernant la proposition du Chili.
- 17 -
Dans ces instructions, la formule exposée dans la réponse est globalement acceptée,
pour les parties entrant dans le cadre de la proposition du Chili, tandis que d’autres
aspects restent en suspens dans l’attente d’une phase ultérieure. De même, le principe
de l’échange territorial est accepté, en tant que contribution des deux pays permettant
une entente cordiale.
Les instructions énoncent l’option du gouvernement national concernant les
points contenus dans la réponse du Chili, qui sont les suivants :
1. Le Gouvernement bolivien convient que, pour des négociations pragmatiques
permettant à notre pays d’obtenir son propre accès souverain à l’océan Pacifique, il
convient de prendre en considération la réalité actuelle.
2. Le Gouvernement bolivien accepte la cession à la Bolivie d’une côte maritime
souveraine, reliée au territoire bolivien par une bande de terre souveraine, dont la
frontière septentrionale est la frontière entre le Chili et le Pérou. En ce qui
concerne la frontière méridionale, en principe, les points de référence proposés par
le ministre chilien des affaires étrangères sont considérés comme acceptables, mais
il conviendra d’envisager a posteriori des ajustements appropriés.
3. L’acceptation d’un échange concomitant de territoires est subordonnée à une
clarification de la zone maritime, étant donné que l’étendue des eaux internes, de la
mer territoriale et de la mer patrimoniale n’a pas encore été définie par la
communauté internationale.
En effet, le droit de la mer est en cours de codification, et aucun progrès
substantiel n’a été réalisé à cet égard.
C’est pourquoi ce point doit faire l’objet de négociations mûrement réfléchies
prenant en compte les principes de l’équité et les intérêts nationaux.
4. Le gouvernement national a déclaré qu’il revenait aux organisations compétentes
en Bolivie et au Chili de déterminer les territoires susceptibles d’être échangés.
Aussi la Bolivie se réserve-t-elle le droit de négocier les zones qui pourraient bien
être échangées.»
4. Le 14 février 1976, l’ambassadeur de Bolivie à Santiago, M. Guillermo Gutiérrez Vea
Murguía, a livré à la presse une déclaration écrite dont les derniers paragraphes sont ainsi libellés :
«Je suis fier d’avoir participé à ce succès politique et diplomatique qu’atteste le
fait que nous nous sommes assis à la table des négociations au Chili ; que ce pays a
reconnu l’existence de notre problème d’enclavement et nous propose une solution par
le biais d’une côte maritime souveraine, reliée au territoire bolivien par une bande de
territoire également souveraine. Selon moi, une fois que les différends seront aplanis
et que les problèmes connexes soulevés dans la réponse du Chili seront réglés, le
peuple bolivien pourra prendre acte de ce triomphe irréfutable et décider s’il souhaite
réellement accéder au Pacifique et s’il entend tirer parti du climat actuel, en supportant
un coût qui peut et doit être allégé pour obtenir les plus grands avantages pour notre
pays. A cet égard, nous devons nous rappeler que les négociations sont pendantes en
ce qui concerne plusieurs problèmes particulièrement inquiétants pour tous les
Boliviens.»
- 18 -
5. Le 10 mars 1976, le ministre des affaires étrangères Guzmán Soriana a publié une
déclaration officielle, dont sont extraites les phrases ci-dessous :
«Nous avons déclaré catégoriquement que nous acceptions globalement les
bases des négociations, qui prennent en compte les intérêts réciproques des deux pays,
en particulier en ce qui concerne des questions sur lesquelles il existe des points
d’accord, tout en reportant à une phase ultérieure l’examen de tous les autres points
contenus dans les documents sur lesquels se fondent ces négociations, à savoir la
proposition de la Bolivie et la réponse qui y a été apportée par le Gouvernement du
Chili.
En conséquence, il doit être clairement établi que notre gouvernement n’a pas
accepté la démilitarisation de la zone devant être cédée à la Bolivie, car cela
constituerait une limitation de souveraineté, ni l’utilisation de toutes les eaux du fleuve
Lauca, ni un échange territorial qui inclut des zones maritimes.»
6. Le 18 avril le Gouvernement bolivien a présenté un document officiel sur la question
maritime, dont le point 3 est libellé comme suit :
«3. Le processus de retour souverain et rapide à l’océan Pacifique se trouve
actuellement dans une phase où la proposition bolivienne et la réponse chilienne
constituent la base globale des négociations à venir. Tous les aspects liés à la solution
proposée sont sur la table des négociations. C’est pourquoi aucun accord définitif ni
irréversible n’a encore été conclu.»
7. Le 15 septembre 1976, le commandant en chef des forces armées de la Bolivie déclarait
aux journalistes à Cochabamba :
«La base globale des négociations est l’idée selon laquelle un échange semble
constituer la seule forme de solution, car il est très difficile pour un pays d’accepter de
céder ou de vendre un territoire ; nous devons être très réalistes et je ne pense pas que
le peuple chilien ni aucun autre peuple au monde n’accepterait de faire cadeau de
certains territoires.
Les forces armées examinent les zones pouvant faire l’objet d’un échange au
cas où l’occasion se présenterait au cours de négociations.»
8. Le 19 du même mois, «El Diario» a publié les déclarations suivantes faites par le ministre
des affaires étrangères M. Adriázola, lors d’un entretien accordé en exclusivité à ce journal :
«Sur ce point, et en réponse à la question de savoir si la Bolivie ou le Chili
déterminerait les territoires boliviens qui seraient cédés en échange du couloir proposé
au nord d’Arica, Adriázola a expliqué que «parler d’une cession a, dans le langage
courant, une connotation impliquant qu’il vaudrait mieux l’éviter». Il a précisé que,
techniquement, «une cession est sans conteste l’acte de céder la propriété, mais [qu’il
pensait qu’il était] plus approprié de parler d’un échange ou d’une permutation
d’étendues équivalentes.»
Plus précisément, il a indiqué que «cela signifie que la Bolivie serait disposée,
si l’accord est satisfaisant, à céder certaines zones afin d’en recevoir d’autres
équivalentes, permettant à notre pays de retrouver un accès souverain à la mer et de
mettre ainsi fin à l’asphyxie qui nous est imposée par près d’un siècle d’enclavement.»
- 19 -
Il a ensuite ajouté : «concernant l’aspect central de votre question, je tiens à
répéter avec insistance que le gouvernement militaire de la nation a considéré que
seule la Bolivie a le droit d’indiquer les zones susceptibles de pouvoir faire l’objet de
l’échange. Au sujet des autres solutions envisageables qui pourraient être proposées au
Chili pour le dédommager sur le plan territorial afin de nous permettre un accès à
l’océan Pacifique, le ministre des affaires étrangères Adriázola a fait savoir que le
Conseil maritime national (CONAMAR) était à pied d’oeuvre et avait minutieusement
étudié le problème du retour à la mer, selon les modalités énoncées dans le cadre
global des négociations.»
9. Dans son édition du 26 septembre 1976, El Diario publie la version d’un entretien accordé
par le ministre bolivien de la Défense, le général René Bernal Escalante, qui constate : «A ce stade
des négociations, il n’existe d’autre solution que d’échanger des territoires et la souveraineté y
afférente, ce qui nous permettrait enfin d’obtenir notre propre côte sur le Pacifique.»
10. Le 30 octobre, le Conseil maritime national (CONAMAR) a rendu public un document
exposant son travail et précisant ses réflexions quant aux solutions pour surmonter la situation
d’enclavement de la Bolivie. Il est important de noter que ce document a été diffusé deux semaines
après la tenue dans le pays de la Deuxième rencontre des commandants d’unité et des institutions
militaires des trois branches des forces armées (du 13 au 16 octobre). Il convient de rappeler ce
qu’indiquaient les points 7, 8 et 9 de ce rapport :
«7. Cela ne suppose pas une mutilation, mais un échange, car une cession de
territoire n’est pas la même chose qu’un échange territorial. C’est pourquoi nous
tenons à clarifier la situation. Nous donnerons une certaine zone de territoire, et
recevrons une autre zone de même dimension offrant un accès à la mer. Dans des
négociations diplomatiques, dans quelque région du monde que ce soit, il n’est pas
toujours possible de parvenir aux solutions souhaitées. L’histoire mondiale regorge de
ce genre d’exemples. La raison pour laquelle nous envisageons un échange est que
pour l’heure, il n’existe aucune autre solution. Une autre solution serait la guerre, mais
nous devons nous demander calmement et objectivement si nous sommes en position
de nous précipiter dans un conflit alors que nous manquons à la fois de moyens
humains et physiques. Il suffit de se remémorer notre tout récent passé, la guerre de
Chaco et les douloureux enseignements que nous en avons tirés.
8. Si nous ne sommes pas en position de dépenser d’importantes sommes
d’argent, hypothéquant ainsi le pays, si nous ne pouvons offrir de compensation sous
la forme de minerais, d’énergie, d’agriculture, de bétail ou de ressources industrielles,
que pouvons-nous utiliser pour négocier ? Nous pouvons tout simplement échanger et,
nous le répétons, il ne s’agit pas d’une mutilation ni d’un démembrement.
9. Nos négociateurs sont parvenus à modifier certaines propositions du Chili :
les discussions ne portent plus sur 200 milles, mais sur 3 milles. La démilitarisation de
la bande de territoire n’est plus une condition car elle relèvera de notre souveraineté.
En outre, les eaux du fleuve Lauca ne seront plus réservées à l’utilisation exclusive du
Chili. La Bolivie réfléchira à la manière de mener une action conjointe bénéficiant à
tous, sans exclusivité préjudiciable à quiconque. Par le biais de négociations
adéquates, l’ensemble des points seront clarifiés une fois pour toutes, et toujours dans
le respect et la considération mutuels. La Bolivie de 1976 n’est pas celle de 1904.»
11. Comme l’attestent les déclarations citées dans cette lettre officielle, le gouvernement de
ce pays a maintenu sa position en faveur d’un échange territorial pratiquement jusqu’à la fin de
- 20 -
l’année 1976. Cette attitude était la cible d’une campagne intense de la part de certaines fractions
de l’opinion publique, manifestement encouragées depuis l’étranger. Il est important de noter que
le changement de proposition dévoilé dans le message du président Banzer la veille de Noël 1976,
lorsqu’il a rejeté l’échange, doit être attribué à la pression interne et à la recherche d’une formule
permettant de faire face à la situation embarrassante découlant de la proposition inattendue faite par
le Pérou au mois de novembre de la même année.
Cordialement,
L’ambassadeur,
(Signé) Pedro DAZA VALENZUELA.
RLG.bca
Distribution
1. Affaires étrangères (DIPLAN)
2. Affaires étrangères (DIRELAS), info
3. Affaires étrangères (Bureau des dépôts)
4. E. LA PAZ (Archives)
___________
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ANNEXE 229
COMMUNIQUÉ DE PRESSE CONJOINT DES MINISTRES BOLIVIEN, CHILIEN ET PÉRUVIEN DES
AFFAIRES ÉTRANGÈRES EN DATE DU 29 SEPTEMBRE 1977, CONSIGNÉ DANS UN
AIDE-MÉMOIRE DU MINISTÈRE CHILIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, 1977
Ministère chilien des affaires étrangères, Memoria pour l’année 1977,
p. 88-89
Négociations portant sur les aspirations de la Bolivie à un
débouché sur l’océan pacifique
Compte tenu de la présence des chefs d’Etat américains lors de la cérémonie de signature des
traités relatifs au canal de Panama qui s’est tenue à Washington en septembre 1977, les présidents
du Chili, de la Bolivie et du Pérou ont eu l’occasion de faire le point sur l’état des négociations. Ils
ont décidé de donner un nouvel élan à ces négociations.
Cet objectif a été consigné dans le communiqué de presse, dans lequel est précisé ce qui
suit :
«Au terme d’un examen cordial et constructif confirmant leur volonté de
dialogue, ils sont convenus de donner pour instruction à leurs ministres des affaires
étrangères respectifs de poursuivre les efforts visant à trouver une solution à ce
problème, poussés par des idéaux de collaboration, d’amitié et de paix.»
Pour mettre en oeuvre cet accord entre leurs présidents, les ministres des affaires étrangères
des trois pays se sont réunis à New York le 29 septembre 1977.
Le résultat de cette réunion a été exposé dans un communiqué de presse diffusé par les
trois ministres, dans lequel il est indiqué que,
«[c]onformément au mandat qui leur a été donné par les présidents de la Bolivie, du
Chili et du Pérou lors de leur rencontre du 8 septembre à Washington, les ministres
des affaires étrangères des trois pays se sont réunis au siège de la représentation
permanente du Pérou auprès de l’Organisation des Nations Unies à New York afin
d’examiner plus avant les négociations visant à trouver une solution à la situation
d’enclavement de la Bolivie.
Sans préjudice de leurs futures réunions sur la question et dans le but de faciliter
un dialogue continu, les ministres prévoient de désigner des représentants spéciaux. Ils
ont par ailleurs souligné l’importance de se tenir informés en permanence de l’état
d’avancement des discussions.»
Le mécanisme visant à promouvoir les négociations ayant été défini à un niveau aussi élevé,
il semblait évident que l’étape suivante devait consister en une réunion des représentants spéciaux.
Le Gouvernement du Chili a choisi l’ambassadeur Enrique Bernstein pour mener cette mission. La
Bolivie, en revanche, n’a pas désigné de représentant.
Une désignation rapide par la Bolivie et le Chili de leurs représentants spéciaux aurait été
particulièrement importante pour la progression des négociations. A cet égard, il semble opportun
de rappeler la déclaration du ministre péruvien des affaires étrangères, M. De la Puente, devant
l’Assemblée générale des Nations Unies le 29 septembre :
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«Devant cette Assemblée, le ministre bolivien des affaires étrangères a fait
mention de la nécessité d’obtenir l’aval du Pérou pour pouvoir envisager une
quelconque solution. En toute logique, pour être en mesure de donner son aval,
celui-ci doit se voir présenter les bases d’un accord entre la Bolivie et le Chili. Or, à ce
jour, pareil accord n’a pas été trouvé. Le moment venu, le Pérou communiquera avec
le Chili sur cette question afin de parvenir à l’accord préalable requis par ces parties,
en application du protocole complémentaire de 1929.»
Le 21 octobre, M. De la Puente a déclaré ce qui suit à la presse :
«Quand la Bolivie et le Chili seront parvenus à un accord, le Pérou sera consulté afin qu’il
donne son aval, lequel est requis en application du protocole de 1929.»
Soucieux de promouvoir la négociation, le Gouvernement chilien a entrepris auprès du
Gouvernement bolivien plusieurs démarches, infructueuses, visant à ce que les représentants
spéciaux puissent démarrer leurs travaux. Pour toute réponse, ces initiatives se sont heurtées à une
passivité totalement incompréhensible de la part des autorités boliviennes.
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ANNEXE 230
PROCÈS-VERBAL DE LA 13E SÉANCE PLÉNIÈRE DE LA TRENTE-DEUXIÈME SESSION DE
L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES, 29 SEPTEMBRE 1977,
NATIONS UNIES, DOC. A/32/PV.13 [EXTRAIT]
<https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/NL7/804/25/pdf/NL
780425.pdf?OpenElement>, p. 215, 229 et 230-232
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ANNEXE 232
PROCÈS-VERBAL DE LA 21E SÉANCE PLÉNIÈRE NATIONS UNIES, DE LA TRENTE-DEUXIÈME
SESSION DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES, 5 OCTOBRE 1977,
NATIONS UNIES, DOC. A/32/PV.21
https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/NL7/804/33/pdf/NL780433.p…?
OpenElement>
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ANNEXE 238
MÉMORANDUM CONFIDENTIEL NO 116 EN DATE DU 15 MARS 1978 ADRESSÉ À
LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CHILI PAR
LE MINISTÈRE CHILIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Archives du ministère chilien des affaires étrangères
République du Chili
Ministère des affaires étrangères
Mémorandum confidentiel n° 116
De : DIREL
À :DIGEN, INFO MINGAB – SUBSEC – AMBASSADOR DAZA – DIPL
I. A la demande du chargé d’affaires par intérim de la Bolivie, le ministre accorde audience
ce jour, le 10 mars, à 9 heures, au chargé d’affaires bolivien, accompagné de l’ambassadeur
Willy Vargas Vaca Flor.
Le conseiller Saavedra présente M. Vargas au ministre chilien des affaires étrangères,
précisant que l’intéressé exerce les fonctions de Secrétaire national chargé des questions liées à
l’intégration de la Bolivie et est connu pour sa loyauté envers le président Banzer dont, par
conséquent, il a l’entière confiance. C’est pourquoi il a été désigné comme représentant spécial afin
de mener à bien la délicate mission qui l’a mené au Chili.
II. Après avoir salué le ministre des affaires étrangères et l’avoir remercié de le recevoir
aussi rapidement, l’ambassadeur spécial indique que la mission précise qui l’amène au Chili est
d’exprimer l’inquiétude du président bolivien concernant les négociations maritimes  notamment
en raison de la situation actuelle de son pays, à savoir une campagne électorale à laquelle il est
souhaitable que participent tous les pans de la société bolivienne.
Naturellement, ajoute-t-il, en pareille situation, le poids de l’opinion publique revêt une
importance toute particulière et une partie importante de celle-ci se retrouve dans la question
maritime et s’y intéresse fortement.
Au nom de son gouvernement, le représentant spécial précise qu’il souhaite s’entretenir en
toute sincérité avec le ministre pour faire le point sur l’état de la négociation et en clarifier les
principaux aspects, dans la perspective de poursuivre le dialogue et de parvenir à des accords
spécifiques. A cette fin, et sans la moindre intention de transformer cette conversation en
interrogatoire, il souhaiterait poser au ministre plusieurs question susceptibles d’éclairer les
différents aspects de la négociation.
M. Vargas commence par poser la question de savoir si, en ce qui concerne la question de
l’«échange territorial», la position du Chili a changé, notamment suite à la réponse du Pérou et au
discours de Noël du président Banzer.
Le ministre rappelle que la position du Chili est parfaitement connue et que le Pérou a
répondu directement à la proposition que celui-ci avait formulée. S’agissant du discours de Noël du
président Banzer, il précise que, connaissant l’intention du président bolivien d’en appeler ainsi au
Pérou et au Chili, intention relayée par l’ambassadeur Violand en personne deux jours avant le
- 65 -
discours en question, le président Pinochet a répondu, avant même que le discours soit prononcé,
que «c’était la principale condition et qu’elle ne pouvait être modifiée». Ces propos ont été repris
ultérieurement lors de la réunion des trois présidents à Washington, et il les a réitérés lui-même à
de nombreuses reprises au ministre des affaires étrangères Adriázola et à l’ambassadeur Violand.
Le ministre précise que cette condition n’est pas imposée par le seul caprice d’une personne.
Il décrit les difficultés internes rencontrées lors de la rédaction de la note de 1975 et indique que
l’unique raison pour laquelle les avis défavorables sur plusieurs points importants ont pu être
dépassées a été d’envisager les conditions d’un échange.
Il précise en outre que cette formule a été, dans son principe, clairement acceptée par la
Bolivie, le ministre des affaires étrangères, M. Adriázola, lui ayant notamment indiqué à deux
reprises que, dans leur ensemble, les termes énoncés dans la note de 1975 avaient été acceptés par
la Bolivie et ayant même précisé avoir fait le tour de plusieurs garnisons militaires qui l’ont assuré
de leur soutien sur cet accord de principe. Le ministre ajoute que le ministre des affaires étrangères
l’a ensuite informé des voyages effectués par l’ambassadeur péruvien, M. Llosa, au coeur de la
Bolivie, tout d’abord à Cochabamba où, à l’occasion de discussions avec divers responsables
politiques et militaires, ainsi qu’avec la presse, il est parvenu à faire revenir ses interlocuteurs sur
leur position concernant la formule proposée par le Chili qui, en principe, avait déjà été acceptée
par le Gouvernement bolivien. Il souligne qu’à son arrivée en Bolivie, l’ambassadeur Gutiérrez a
déclaré avoir «emporté la mer dans sa poche».
Le ministre se dit persuadé que le président Banzer et le ministre des affaires étrangères,
M. Adriázola, sont tous deux parfaitement conscients que, sur cette question, la position du Chili
est restée inchangée ; le Chili comprend néanmoins que, pour des raisons de politique intérieure, le
président Banzer puisse tenir des propos différents en public. Le ministre précise que le Chili ne
demande rien d’autre que le maintien de la superficie de son territoire et que, par conséquent, la
compensation doit s’effectuer kilomètre pour kilomètre, mètre pour mètre. Il convient en outre de
tenir compte de ce que le processus de cession à la Bolivie ne porte pas seulement sur des terres,
mais aussi sur la valeur ajoutée liée à l’océan.
Il compare cette situation avec l’accord conclu entre l’Arabie Saoudite et la Jordanie par
lequel, pour avoir cédé à la Jordanie une bande côtière sur le Golfe d’Aqba, l’Arabie Saoudite a
obtenu en compensation un territoire d’une superficie plus importante que celui qu’elle avait cédé.
Le ministre se dit convaincu de ce que le président Pinochet éprouve pour le
président Banzer une amitié authentique et que son désir de collaboration doit donc être perçu
comme parfaitement sincère. Toutefois, s’il lui était demandé de revenir sur cette condition, il ne
serait pas en mesure de le faire. Il précise ne pas comprendre l’importance du problème pour la
Bolivie, étant donné que celle-ci dispose d’un territoire plus vaste et d’une densité de population
bien plus faible que le Chili. Il ajoute que le Gouvernement chilien actuel ne saurait ne serait-ce
qu’envisager une diminution de la superficie de son territoire, car cela serait bien trop périlleux au
regard de la pression de l’opinion publique et du jugement de l’histoire.
Ce nonobstant, le ministre déclare que certains des points qualifiés de divergences pourraient
être réexaminés et clarifiés, et que les deux parties pourraient exposer leur raisonnement afin de
restaurer la bonne compréhension qui prévalait initialement.
L’ambassadeur Vargas répond que, bien que convaincu que la déclaration du ministre des
affaires étrangères était cohérente avec le contexte du moment, il n’en demeure pas moins que ce
contexte s’est modifié par suite de la réaction du Pérou, qui a entraîné un changement complexe de
l’image que le public bolivien se fait de la situation, changement exacerbé par l’attitude de la
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presse et la campagne présidentielle. Il rappelle que la proposition du Chili, acceptée dans son
principe, avait été formulée avant que ces événements ne se produisent, et estime que celui-ci
pourrait reconnaître qu’un facteur nouveau impose un ajustement de ladite proposition.
L’ambassadeur ajoute que, lors d’un voyage au Chili du ministre des affaires étrangères,
M. Adriázola, M. Gregorio Amunátegui lui a confié que la compensation ne devait pas être
nécessairement équivalente.
Ce point est aussitôt contesté par le ministre des affaires étrangères, qui réitère ses propos au
sujet de l’échange mètre pour mètre, aspect mentionné par le Président de la République en
personne. Le seul élément qu’il serait possible de modifier est la compensation ayant trait à la mer
patrimoniale, puisqu’il a été convenu qu’en principe ce seraient les mesures reconnues par la
communauté internationale qui s’appliqueraient au moment de l’échange.
Poursuivant ses questions, le représentant spécial demande si l’échange doit nécessairement
être territorial ; s’il doit être simultané ; s’il peut s’agir d’un échange mixte (un aspect territorial
auquel s’ajouterait la création d’un pôle de recherche, ou toute autre formule).
La réponse du ministre des affaires étrangères est tout à fait claire : l’échange doit être
territorial et simultané ; toute forme de compensation mixte est exclue.
L’ambassadeur Vargas évoque alors les points de divergence (eaux du fleuve Lauca,
démilitarisation, mer patrimoniale) et propose de retirer du cadre de la négociation maritime le
premier de ces points. Le ministre des affaires étrangères explique que, si le Gouvernement
bolivien devait présenter une demande officielle en ce sens, le Gouvernement chilien ne pourrait
pas même l’examiner, étant donné que ce problème existe depuis 1938 et qu’il est impératif de le
résoudre définitivement. Il précise que toutes les eaux ne sont pas concernées, mais seulement
celles qui trouvent leur source en territoire chilien. M. Vargas insiste sur le fait que cette question
peut être traitée séparément des autres car elle est d’une nature différente et devrait se voir défini
un cadre de négociation spécifique.
Le ministre expose de nouveau les raisons pour lesquelles le Gouvernement chilien
considère ce point comme une condition des négociations, précisant qu’il s’agit d’une question
devant être réglée une fois pour toutes, de sorte qu’elle ne constitue plus, comme cela a été le cas
jusqu’à présent, un obstacle aux bonnes relations entre les deux pays. Il ajoute que le fleuve Lauca
se trouve dans la région couverte par les négociations.
En réponse à la proposition de l’ambassadeur Vargas tendant à ce que la question du fleuve
Lauca soit traitée simultanément, mais en dehors du cadre des négociations, le ministre indique que
cela ne pourrait être envisagé que s’il était expressément prévu qu’un accord sur ce point soit
conclu simultanément.
En ce qui concerne la démilitarisation, le ministre déclare que des discussions ont été menées
pour déterminer le moment propice à la création d’une commission ad hoc et que ce sujet ne sera
pas de nature à perturber les négociations. A cet égard, l’ambassadeur Vargas précise que, selon
lui, il est convenu que cette question soit réglée par une déclaration unilatérale et souveraine de la
Bolivie.
En ce qui concerne la question de la compensation ayant trait à la mer patrimoniale, le
ministre renvoie à ce qui a été dit précédemment.
Il indique que, si la situation du Gouvernement bolivien pouvait se trouver améliorée par une
avancée sur ces questions, le Chili pourrait sans problème commencer à travailler à un addendum
sur ce point, qui aurait des répercussions positives sur l’opinion publique bolivienne.
- 67 -
Le ministre des affaires étrangères précise à son visiteur que l’intention du Chili est de tirer
profit de ces négociations pour accélérer la résolution des problèmes, et donc d’en faire un facteur
de rapprochement entre les deux pays, ajoutant que cette position a toujours été celle du Chili et
qu’elle a été confirmée à New York, à l’occasion d’une réunion des trois ministres des affaires
étrangères (De la Puente, Adriázola et Carvajal). C’est à New York que le ministre des affaires
étrangères, M. De La Puente, a reçu un message l’informant de ce que le président Banzer venait de
faire une déclaration indiquant qu’il devait y avoir une pause dans les négociations, lesquelles
avaient jusqu’alors progressé rapidement, et que désormais, la décision relative à la question de la
compensation territoriale resterait pendante jusqu’à ce que le Congrès de son pays puisse se réunir.
Le ministre insiste donc sur le fait que les attaques de la presse bolivienne à l’encontre du Chili, où
celui-ci était jugé responsable de la «stagnation des négociations», étaient infondées, rappelant que
l’idée d’une pause dans les négociations vient de la Bolivie, du président bolivien lui-même.
Le ministre précise que, ce nonobstant, le Chili a continué de travailler ; il informe son
interlocuteur des pourparlers officieux engagés avec le Pérou afin que ce celui-ci envisage la
possibilité d’échanger avec la Bolivie une portion de côte contre les mines de soufre de Tacora et
les eaux de l’Uchusuma et du Mauri. Cette idée a finalement été rejetée par le Gouvernement
péruvien, ainsi que l’a rapporté le ministre des affaires étrangères, M. De la Puente, en personne,
qui, pour sa part, s’était déclaré sur le principe intéressé par la proposition en question. Le ministre
chilien précise également que son pays a d’ores et déjà désigné son délégué à la commission
spéciale que les trois parties concernées étaient convenues de mettre sur pied.
M. Vargas déclare que le Pérou ne s’est pas conformé à cette idée de commission tripartite et
qu’il préfère y participer uniquement en tant qu’observateur.
Le ministre des affaires étrangères, M. Carvajal, explique que, bien qu’étant triangulaire,
ladite commission n’en est pas pour autant tripartite. Il précise que le Chili et la Bolivie, par
l’intermédiaire de leurs délégués, examineront les points sur lesquels des accords partiels
pourraient être trouvés et en informeront le Pérou afin que soient présentés au Gouvernement
péruvien les points nécessitant son approbation. M. Vargas indique que ce système lui paraît
ambigu puisque, comme cela a déjà été le cas par le passé, le Pérou aurait ainsi la faculté de rejeter
la négociation.
Le ministre se dit en désaccord sur ce point, et rappelle les propos tenus à New York par le
ministre des affaires étrangères, M. De la Puente, qui a observé que la Bolivie et le Chili pourraient
ne demander l’aval du Pérou qu’après être parvenus à un accord entre eux.
Il insiste sur le fait que le Chili attend toujours que la Bolivie nomme son délégué.
M. Vargas pose la question de savoir si le Chili a engagé d’autres actions, outre celle
consistant à sonder le Pérou sur l’idée d’un échange avec la Bolivie.
M. Carvajal déclare que c’est à la Bolivie qu’il incombe de faire des propositions au Pérou
ou au Chili, les parties directement concernées par les problèmes se devant de rechercher des
solutions pour y remédier.
M. Vargas qualifie la négociation de «cercle vicieux».
Il poursuit en demandant au ministre des affaires étrangères comment il envisage de parvenir
à trouver un terrain d’entente entre les deux pays.
- 68 -
Le ministre des affaires étrangères répond que, compte tenu du changement de
gouvernement intervenu au Pérou, il est d’avis que celui-ci est en mesure d’assouplir sa position.
Malheureusement, ajoute-t-il, la réponse du Pérou et sa proposition de «souveraineté partagée»
émanent du ministre des affaires étrangères, M. De la Puente, qui a conçu ou, selon ses propres
termes, «redonné vie» à cette formule qui avait déjà été examinée sous le gouvernement Leguía.
M. Vargas s’enquiert de ce que le président Morales Bermudes avait à l’esprit en évoquant,
à Washington, la nécessité de redonner au Pérou son moral historique. M. Carvajal, répond que,
s’il s’agit de planter le drapeau péruvien au sommet du Morro de Arica ou de couler le Huáscar, il
ne donne pas cher des chances de succès des actions que pourrait mener le Pérou. Selon lui, il est
certaines questions qu’il convient de ne pas rouvrir pour éviter de raviver de vieilles rancoeurs.
M. Vargas pose la question de savoir s’il est envisageable de trouver des solutions
intermédiaires, afin de ne pas devoir obtenir l’aval du Pérou pour pouvoir accorder une bande de
territoire souverain à la Bolivie. Il propose que soit octroyée à celle-ci une concession portant sur
la voie de chemin de fer reliant Arica à La Paz.
Le ministre des affaires étrangères répond que la Bolivie s’est entendu dire à maintes
reprises qu’il était possible de poursuivre les discussions tout en progressant sur l’idée d’une ligne
ferroviaire exploitée par elle, qui se prolonge jusqu’aux entrepôts boliviens, permette le
chargement de produits boliviens sur des navires battant pavillon bolivien, etc. Il propose même la
création d’une compagnie chiléno-bolivienne de navigation qui bénéficierait de toute les aides et
soutiens que le Chili serait en mesure apporter, déclarant que ce serait là une formidable
perspective, susceptible de faciliter la mise en oeuvre d’une solution définitive.
A la reprise de la réunion, dans l’après-midi, M. Vargas commence par résumer le contenu
des discussions des heures précédentes.
Il rappelle que, compte tenu des changements politiques intervenus dans son pays et de la
proposition formulée par le Pérou, la condition d’un échange imposée par le Chili constitue
désormais une pierre d’achoppement majeure dans la négociation.
Il déclare que, selon toute vraisemblance, le Pérou ne modifiera pas sa position sur la
nécessité d’une «souveraineté tripartite».
Il estime que, ces deux points rendant politiquement impossible de défendre la négociation
dans son pays, il convient de rechercher des solutions provisoires.
Au sujet de la note (lettre) du président Pinochet dans laquelle celui-ci a déclaré que la
proposition de 1975 était en vigueur, il précise que, bien que les désaccords puissent être
surmontés, les vues des parties continuent de diverger sur la question centrale de l’échange.
Il ajoute qu’il est désormais nécessaire de trouver une formule contraignante pour le Chili et
la Bolivie mais qui ne requière pas l’aval du Pérou, évoquant la possibilité que le «couloir» soit
considéré comme une concession d’autonomie aux fins de l’exploitation du réseau ferroviaire.
M. Vargas répond que cette concession ne devrait pas porter uniquement sur le service ferroviaire,
mais également sur la parcelle de terre proposée lors des négociations, sans toutefois emporter
quelque cession de souveraineté, ajoutant qu’il s’agit là de créer les conditions d’une amélioration
des relations politiques, susceptible, le moment venu, de faciliter un échange.
Le ministre des affaires étrangères déclare que cette possibilité sera étudiée, mais qu’il est
crucial de ménager la sensibilité du Pérou. Le traité doit être examiné en détail, mais cette
possibilité peut cependant être envisagée.
- 69 -
Abordant la question de la ligne ferroviaire, le ministre des affaires étrangères rappelle à son
visiteur bolivien la dette de 3 millions de dollars qu’il reste à rembourser au Gouvernement chilien
pour que celui-ci puisse améliorer l’état du réseau ferroviaire entre Arica et La Paz.
Evoquant ensuite la ligne ferroviaire reliant Antofagasta à la Bolivie, il assure que les
nouveaux tarifs se justifient pleinement puisque le maintien de ladite ligne en dépend. Il insiste sur
le fait que le Gouvernement chilien n’a pas conclu d’accord de tarifs avec la compagnie ferroviaire
car il ne s’agit pas d’une entreprise publique, mais d’une compagnie privée qui, sur le tronçon
qu’elle exploite, offre des tarifs inférieurs à ceux pratiqués par la Bolivie sur ses propres tronçons
de cette même ligne ferroviaire. Il précise également que c’est à l’issue d’un examen approfondi
des coûts réels de la ligne que le Chili a donné son autorisation, tout autant dans l’intérêt du Chili
que de la Bolivie, les deux Etats ne devant pas oublier que cette ligne de chemin de fer permet le
transport d’une grande partie du cuivre de Chuquicamata.
Le ministre bolivien des affaires étrangères a affirmé que le problème de son pays pouvait
être résolu en améliorant l’état de ses autoroutes, principal concurrent de ladite ligne ferroviaire. Il
a déclaré que, sur le tronçon chilien de la ligne, l’autoroute menant à Tambo Quemdao était
pratiquement achevée, tandis que sur le tronçon bolivien, deux cents quarante kilomètres de voie
restaient à construire.
Tout en souscrivant aux propos du ministre des affaires étrangères, le représentant spécial de
la Bolivie estime qu’il convient d’essayer de trouver une solution à ce problème de hausse des
tarifs, qui engendre pour la Bolivie une hausse du coût du fret de quelques deux millions et demi de
dollars.
Le ministre des affaires étrangères répond que le Chili n’est pas en mesure de subventionner
cette ligne ferroviaire et que, par ailleurs, conformément à la politique du gouvernement, les
entreprises publiques doivent assurer elles-mêmes leur financement.
M. Vargas propose que les deux pays s’efforcent de rechercher une solution aux problèmes
tels que cette hausse tarifaire. Il se demande s’il ne serait pas possible d’envisager, à l’issue de la
concession accordée à la compagnie britannique sur le tronçon entre Antofagasta et la Bolivie, que
son pays prenne part à un appel d’offres public pour ce service afin d’exploiter le tronçon pour son
propre compte. Le ministre des affaires étrangères, M. Carvajal, déclare que, étant donné que les
États sont souvent de piètres gestionnaires, que leurs entreprises sont souvent déficitaires et que, de
surcroît, il a été démontré que la Bolivie augmenterait les tarifs encore davantage, il serait
préférable que ce service reste assuré par la compagnie britannique. Et d’ajouter que les tarifs
pratiqués sur les tronçons boliviens de la ligne sont d’ores et déjà plus élevés pour un même
service. De plus, le Chili ne donnera pas son accord car, ainsi qu’il a déjà été mentionné, les
minerais chiliens constituent une part importante du fret.
Le ministre demande si, pour pouvoir progresser dans ces discussions exploratoires visant à
définir une nouvelle formule, la Bolivie entend que les pourparlers se poursuivent au niveau des
ambassadeurs ou à celui des chargés d’affaires. Le Chili doit connaître la position de la Bolivie à
cet égard afin de pouvoir agir en conséquence.
Le visiteur bolivien précise qu’il n’est pas habilité à prendre quelque décision à ce sujet car
aucune instruction ne lui a donnée.
Le ministre des affaires étrangères réitère la sincérité des intentions qui anime le
Gouvernement chilien.
- 70 -
Le visiteur prend congé de son hôte et le remercie d’avoir bien voulu le recevoir ; il déclare
qu’il soulignera auprès de son gouvernement tout l’intérêt manifesté par le Chili dans la poursuite
des négociations et réitère les salutations transmises au nom du président et du ministre des affaires
étrangères, M. Adriázola.
Santiago, le 15 mars 1978.
CLN/mmv.
Approuvé.
Le directeur chargé des relations internationales,
Eduardo CISTERNAS PARODI.
___________
- 71 -
ANNEXE 240
DÉCLARATION DU MINISTÈRE CHILIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
EN DATE DU 17 MARS 1978
Ministère chilien des affaires étrangères, Histoire des négociations entre le Chili
et la Bolivie, 1975-1978 (1978), p. 78 et 79
Le ministre bolivien des affaires étrangères a adressé ce jour, le 17 mars 1978, une note à
notre chargé d’affaires par intérim à La Paz, dans laquelle il l’informe de la décision prise par son
gouvernement de suspendre les relations diplomatiques avec le Chili.
Pour justifier cette mesure, le ministre indique que la reprise des relations diplomatiques
convenue lors de la réunion de Charaña reposait sur l’intention d’«assigner au rétablissement du
dialogue l’objectif primordial de parvenir à une solution juste au problème de l’enclavement, qui a
été imposé à la Bolivie il y a 99 ans». Il poursuit en déclarant que, depuis lors, le Gouvernement
chilien n’a pas manifesté la moindre souplesse et a maintenu l’intégralité des conditions énoncées
dans sa proposition du 19 décembre 1975. Il déclare par ailleurs que des mesures confidentielles
récemment prises à l’initiative de la Bolivie ont montré que le Gouvernement chilien était revenu
sur son engagement essentiel sous-tendant la reprise du dialogue, dont l’objectif fondamental était
de restaurer l’accès souverain à la mer de la Bolivie.
C’est avec stupeur que le Gouvernement du Chili a pris connaissance de ces déclarations, et
ce, pour des raisons ci-après :
1. La réunion de Charaña a été organisée à l’initiative du président du Chili. Lors de cette réunion,
les deux chefs d’Etat se sont uniquement engagés à «rechercher des formules permettant de
régler les questions vitales auxquelles sont confrontés nos deux pays, telles que la situation
d’enclavement dans laquelle se trouve la Bolivie, tout en prenant en compte leurs intérêts
réciproques et les aspirations des peuples bolivien et chilien».
2. En décembre 1975, le Gouvernement chilien a proposé des bases de négociation qui, d’une
manière générale, ont été acceptés par la Bolivie.
3. Par la suite, comme l’attestent les nombreuses rencontres entre les ministres des affaires
étrangères des deux pays, les déclarations explicites que le président du Chili a adressées à son
homologue bolivien, ainsi que les directives qui ont toujours été données à notre ambassade à
La Paz, le Gouvernement chilien a réitéré sa volonté de voir avancer les négociations visant à
satisfaire l’aspiration de la Bolivie à obtenir un accès souverain à la mer.
4. Lors d’une rencontre organisée à New York à l’occasion de la dernière Assemblée générale des
Nations Unies, les ministres des affaires étrangères du Chili, de la Bolivie et du Pérou sont
convenus de désigner des représentants spéciaux dont la mission serait de faire avancer les
négociations.
5. Selon une dépêche de l’agence Ansa, le président Banzer a fait, dans le journal «Presencia», des
déclarations dans lesquelles il reconnaissait que le contexte des négociations était fort mouvant,
«raison pour laquelle il a annoncé que son gouvernement observerait une pause afin d’analyser
la situation», et qu’il incomberait au futur Parlement sorti des urnes de décider si la Bolivie
accepte ou rejette l’échange territorial proposé par le Chili. Il a également indiqué que, sur cette
question, son gouvernement ne prendrait aucune décision définitive.
- 72 -
6. Ce nonobstant, le Gouvernement chilien a insisté pour que soit mis en oeuvre le mécanisme
convenu à New York. Dans une lettre datée du 23 novembre 1977, le président Pinochet s’est
ainsi adressé comme suit au président Banzer : «La volonté politique de mon gouvernement
demeure la même que lorsque nous avons lancé les négociations, et il entend les poursuivre
selon les souhaits et avec l’intensité que vous jugerez utile.» Dans une autre lettre, en date du
18 janvier 1978, il a précisé ceci :
«C’est pourquoi j’estime toujours que, pour éviter toute entrave aux
négociations, il serait utile de désigner des représentants spéciaux, comme nous en
sommes convenus il y a à tout juste quatre mois. Selon moi, il est clair que si ceux-ci
évaluent les points d’accord et les questions qui restent à régler, tout en proposant des
mesures à mettre en oeuvre par nos gouvernements, les négociations progresseront.
Contrairement à ce que vous semblez penser, il ne s’agit pas là d’une «phase
dilatoire», mais au contraire d’un moyen d’éviter la stagnation du dialogue.»
7. Le 10 mars dernier, un envoyé spécial du président Banzer, à savoir son ministre de
l’intégration, M. Willy Vargas, a rencontré à Santiago le ministre chilien des affaires étrangères
pour faire le point sur l’état d’avancement des négociations. Il a déclaré que, étant donné que le
climat propice aux pourparlers sur la question de l’accès à la mer avait été perturbé, son
gouvernement souhaitait examiner la possibilité de trouver une solution «médiane» qui, sans se
substituer aux négociations en cours, permettrait d’atteindre certains objectifs immédiats. Le
ministre chilien des affaires étrangères a répondu à l’envoyé spécial du président Banzer que
son gouvernement était disposé à étudier ces propositions avec toute l’attention requise afin de
parvenir à une solution qui soit compatible avec les traités en vigueur.
8. La décision de suspendre les relations diplomatiques a été prise à la toute fin d’une réunion
technique entre le Chili et la Bolivie présidée par les sous-secrétaires au transport des deux pays
et ayant pour but d’améliorer les facilités de transit dont bénéficie actuellement la Bolivie. Cette
réunion s’est achevée aujourd’hui avec la signature d’accords très avantageux pour notre voisin.
Il ressort de ce qui précède qu’il n’existe aucun fait de nature à expliquer cette décision
surprenante du Gouvernement bolivien, laquelle vient perturber l’harmonie du continent américain,
pourtant plus nécessaire que jamais.
Santiago, le 17 mars 1978.
___________
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ANNEXE 243
PROCÈS-VERBAL DE LA 5E SÉANCE PLÉNIÈRE DE LA DIXIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE
DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES, 26 MAI 1978,
NATIONS UNIES, DOC. A/S-10/PV.5 [EXTRAIT]
(PAR. 33-40)
https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/NL3/042/49/pdf/
NL304249.pdf?OpenElement
- 74 -
- 75 -
ANNEXE 244
PROCÈS-VERBAL DE LA 6E SÉANCE PLÉNIÈRE DE LA DIXIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE
DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES, 26 MAI 1978,
NATIONS UNIES, DOC. A/S-10/PV.6 [EXTRAIT]
(PAR. 327 À 329)
https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/NL3/042/52/pdf/
NL304252.pdf?OpenElement
- 76 -
- 77 -
ANNEXE 246
LETTRE EN DATE DU 1ER JUIN 1978 ADRESSÉE AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ORGANISATION
DES NATIONS UNIES PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE LA BOLIVIE AUPRÈS
DE L’ORGANISATION, NATIONS UNIES, DOC. A/S-10/18, 2 JUIN 1978
<https://disarmament-library.un.org/UNODA/Library.nsf/ff5669f6c76a379085…
c00068acbd/eba5f1faab1df372852577c90051ea6b/$FILE/A-S10-18.pdf>
Dixième session extraordinaire
Point 8 de l’ordre du jour
Débat général
Lettre en date du 1er juin 1978 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies par le représentant permanent de la Bolivie auprès de l’Organisation
Lors de la réunion plénière qui s’est tenue le mardi 30 mai 1978 dans l’après-midi
(A/S-10/PV.9, p. 101), le représentant permanent du Chili auprès de l’Organisation des
Nations Unies, par ailleurs chef de la délégation de ce pays à la dixième session extraordinaire de
l’Assemblée générale, exerçant son droit de réponse, a fait des déclarations inexactes. J’aurais pu
répondre à mon tour, mais j’ai préféré m’abstenir, non par manque d’arguments de poids, qui sont
légion, mais dans le souci de ne pas abuser de la patience de l’Assemblée générale et, en
particulier, pour ne pas prendre part à une polémique susceptible de teinter d’amertume et de
récrimination mutuelle la suspension des relations entre la Bolivie et le Chili, ce qui n’est
nullement mon intention.
Je me sens néanmoins tenu de faire connaître, à vous-même et, à travers vous, à la
communauté internationale, les vues de mon gouvernement sur les déclarations du représentant du
Chili, ainsi que de vous demander de bien vouloir distribuer la présente lettre en tant que document
se rapportant du point 8 de l’ordre du jour de la dixième session extraordinaire de l’Assemblée
générale.
Tout d’abord, le représentant du Chili a indiqué que la Bolivie avait accepté les «termes
généraux» de la proposition initiale de son gouvernement ; ceci est effectivement exact. Pareille
acceptation ne saurait cependant entraîner ou constituer un fait accompli, et encore moins une
acceptation totale et sans réserve de nature à empêcher toute action future étant donné que, sur une
question d’une telle importance et qui mobilise tant les sensibilités nationales, aucune décision ne
peut être considérée comme définitive et valide si elle n’a pas recueilli l’accord du peuple bolivien.
Le second point soulevé concerne les traités en vigueur entre la Bolivie et le Chili, d’une
part, et le Chili et le Pérou, d’autre part, qui soulèvent, pour reprendre les mots du représentant, un
«problème complexe». En particulier, l’un de ces traités énonce indubitablement ce que le Pérou
appelle ses «intérêts spécifiques», qui sont en jeu dans toute négociation ayant trait aux territoires
qui lui appartenaient jusqu’à la guerre de 1879, territoires dont une infime portion nous était
proposée dans le cadre d’un échange, et ce, sans que les nécessaires consultations eussent été
menées et sans que cette proposition de condominium eût été acceptée. La proposition du
Gouvernement chilien aurait donc consisté en un échange de territoires dont le transfert aurait
imposé des négociations antérieures avec une tierce partie pour pouvoir être régularisé. Pendant les
négociations, cette régularisation n’a pas eu lieu.
La Bolivie ne pouvait ni reconnaître comme valide une offre de cette nature, ni poursuivre
des négociations reposant sur des fondations aussi instables et fragiles, notamment parce que la
- 78 -
proposition globale de compensation territoriale portait non seulement sur le couloir d’accès
souverain, mais également sur la mer territoriale et la zone économique des 200 milles, avant
même que cette dernière n’ait été entérinée par la convention encore à l’examen dans le cadre de la
troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer.
Les espoirs de trouver une solution se sont encore éloignés avec la réponse du Pérou et sa
proposition d’administration tripartite, dont il ressortait clairement que cet Etat n’acceptait pas la
formule chilienne. Le ministère chilien des affaires étrangères a catégoriquement rejeté cette
proposition, sans même tenter de rechercher dans quelle mesure elle pourrait faire l’objet de
négociations ou être compatible avec la nouvelle approche de paix, d’intégration et de
développement proposée par la Bolivie.
Il est donc tout à fait logique que le peuple bolivien et son gouvernement soient déçus par
cette situation manifestement incertaine et élusive.
Il convient par ailleurs de préciser que, depuis cent ans, le peuple bolivien attend patiemment
et paisiblement que le Chili comprenne sa situation et que cette compréhension débouche sur une
solution équitable et définitive. Il aspire cependant à de réelles négociations portant sur des
dispositions qui se révéleront bénéfiques pour les pays de la région et l’Amérique latine dans son
ensemble.
Un peuple qui a été anéanti par un pillage néocolonial  qui est venu s’ajouter à la
mutilation causée par la perte de la totalité de ses 400 km de côte, d’une zone de
150 000 kilomètres carrés, à l’issue d’une guerre de conquête archétypale qui a causé tant de
dégâts, des années plus tard, en raison du détournement unilatéral du fleuve Lauca  ne peut que
se sentir trahi et insulté une nouvelle fois par cette proposition de réparation purement symbolique
d’une étroite bande de terre de 10 km, bricolée à la hâte par le Chili.
Ce prétendu dialogue n’est rien d’autre qu’un monologue visant à imposer le diktat du «c’est
à prendre ou à laisser». S’il a permis de montrer à la communauté internationale toute la futilité de
négociations sans terme ni objectif, il a également conduit une fois de plus à repousser toute
solution à la fatidique situation d’enclavement de la Bolivie, et ce, en dépit de l’attitude pacifique
dont celle-ci a toujours fait montre en raison de son attachement indéfectible aux règles énoncées
dans la Charte des Nations Unies.
Les positions exprimées ici ne le sont pas un esprit polémique ; la présente lettre a pour seul
but que ces faits soient consignés à l’occasion de cette session extraordinaire de l’Assemblée
générale consacrée à la question du désarmement.
Je vous remercie de l’attention que vous voudrez bien porter à cette lettre.
L’ambassadeur,
(Signé) Mario ROLO ANAYA.
___________
- 79 -
ANNEXE 247
LETTRE EN DATE DU 5 JUIN 1978 ADRESSÉE AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ORGANISATION
DES NATIONS UNIES PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DU CHILI AUPRÈS
DE L’ORGANISATION, NATIONS UNIES, DOC. A/S-10/19, 6 JUIN 1978
<https://disarmament-library.un.org/UNODA/Library.nsf/ff5669f6c76a379085…
c00068acbd/fc8c8e668e168a80852577c90051ea7d/$FILE/A-S10-19.pdf>
Dixième session extraordinaire
Point 8 de l’ordre du jour
Débat général
Lettre en date du 5 juin 1978 adressée au Secrétaire général par le représentant permanent du
Chili auprès de l’Organisation des Nations Unies
L’ambassadeur de la Bolivie auprès de l’Organisation des Nations Unies, M. Mario Rolón
Anaya, a jugé bon de vous adresser une communication (A/S-10/18) faisant référence à ma réponse
à la déclaration qu’il avait faite lors de la session extraordinaire convoquée au sujet des questions
majeures liées au désarmement à l’échelle mondiale, dans laquelle il avait mentionné certains
points en lien avec mon pays.
Bien que les relations entre le Chili et la Bolivie relèvent de la compétence exclusive des
deux pays, j’ai jugé nécessaire de faire état des observations de mon gouvernement en ce qui
concerne les questions soulevées par l’ambassadeur de la Bolivie, étant donné que celui-ci a
demandé que sa lettre soit distribuée et considérée comme un document de l’Assemblée générale.
Les observations de mon gouvernement sont les suivantes :
1. Il n’existe aucune question territoriale pendante entre le Chili et la Bolivie. Le traité de paix,
d’amitié et de commerce du 20 octobre 1904 a définitivement établi les frontières entre les deux
pays.
2. Ce traité a été signé 20 ans après la fin des hostilités entre les deux pays dans le cadre de la
guerre de 1879. Il a été approuvé par le Congrès de la Bolivie et dûment ratifié.
3. Le traité de 1904 prévoyait pour le Chili d’importantes obligations, auxquelles ce pays s’est
pleinement conformé dans le but d’offrir à la Bolivie le droit de transit à travers son territoire le
plus complet et le plus libre possible vers l’océan Pacifique.
4. Les infrastructures auxquelles il est fait référence ont été améliorées et développées grâce à
plusieurs traités et accords qui reflètent le désir constant du Chili de rester fidèle à l’esprit qui
animait les négociateurs du traité de 1904. En conséquence, la Bolivie dispose aujourd’hui
d’infrastructures de transit plus importantes que celles des autres pays enclavés du monde.
5. Bien que la Bolivie n’ait aucun droit à quelque portion du territoire chilien, mon gouvernement
a accepté de mener avec ce pays des négociations visant à satisfaire ses aspirations à obtenir un
accès souverain à l’océan Pacifique. A cette fin, en décembre 1975, le Gouvernement chilien a
formulé une proposition dont le principe essentiel consistait en un échange de territoire. Cette
proposition a été explicitement acceptée par la Bolivie.
- 80 -
6. Au cours des années 1976 et 1977, des négociations ont été menées en vue de clarifier et de
définir avec plus de précision d’autres aspects de la proposition du Chili. L’un de ces aspects
était l’étendue de l’échange en ce qui concerne la zone côtière mentionnée par l’ambassadeur de
la Bolivie dans la note qu’il vous a adressée. Sur ce point comme sur d’autres, il s’est révélé
possible de concilier des points de vue et de parvenir à des accords de principe.
7. Bien que ces négociations n’aient jamais été interrompues et que le Chili les ait toujours
encouragées, notamment au niveau présidentiel, le Gouvernement bolivien a brutalement décidé
d’y mettre un terme en suspendant les relations diplomatiques avec mon pays le 17 mars 1978.
8. La Bolivie a donc interrompu un processus de négociation que poursuivait mon gouvernement
avec le plus grand sérieux et la ferme intention de satisfaire aux aspirations boliviennes.
Je vous saurais gré de bien vouloir faire distribuer la présente communication, comme l’a été
la note de l’ambassadeur de la Bolivie.
L’ambassadeur,
représentant permanent,
(Signé) Sergio DIEZ URZUA.
___________
- 81 -
ANNEXE 248
PROCÈS-VERBAL DE LA 2E RÉUNION DE LA COMMISSION GÉNÉRALE DE
L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’OEA, 26 OCTOBRE 1979
Organisation des Etats américains, Assemblée générale, neuvième session ordinaire (1979),
Procédures, vol. II, première partie, OEA/Ser.P/IX.O.2 (1980), p. 353, 356-372,
386-388 et 395-397
[p. 353]
Commission générale
Procès-verbal de la deuxième réunion
Date : 26 octobre 1979
Heure : 11 h 35
Lieu : Salón Libertador (Sheraton)
Président : M. Gustavo Fernández Saavedra
Ministre des affaires étrangères et des cultes de la Bolivie
Présents : Messieurs
Raymond Mathieu (Haïti)
Rafael Angel Calderon F. (Costa Rica)
Leonardo Kam (Panama)
J. Eugenio Jacquet (Paraguay)
José A. Zambrano Velasco (Venezuela)
Wolsey P. Louis (Dominique)
Oliver H. Jackman (Barbade)
Alfred A. Rattray (Jamaïque)
Eliseo Pérez Cadalso (Honduras)
Gonzalo Romero (Bolivia)
Ernesto Vela Angulo (Colombie)
Viron P. Vaky (United States)
Eladio Knipping-Victoria (République dominicaine)
Mauricio Rosales Rivera (El Salvador)
Roel F. Karamat (Suriname)
Raúl A. Quijano (Argentine)
Rafael de la Colina (Mexique)
Leonte Herdocia (Nicaragua)
Jerome Jones (Trinidad et Tobago)
Mario Marroquín Nájera (Guatemala)
Julio César Lupinacci (Uruguay)
Raúl Falconí (Equateur)
João Clemente Baena Soares (Brésil)
Carlos García Bedoya (Peru)
George Odlum (Saint Lucia)
George Louison (Grenade)
Alejandro Orfila (Secrétaire général de l’OEA)
Jorge Luis Zelaya (Secrétaire général adjoint)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- 82 -
[p. 353]
2. Rapport relatif au problème de l’accès à la mer de la Bolivie (point 19 de l’ordre du jour)
(AG/doc.5/79)
Le PRESIDENT : Le second point dont nous devons discuter concerne le rapport relatif au
problème de l’accès à la mer de la Bolivie (AG/doc.5/79) (point 19 de l’ordre du jour).
La délégation de la Bolivie a demandé la parole pour pouvoir débattre de cette question,
mais avant cela, je donne la parole au représentant du Chili pour une motion d’ordre.
[p. 357]
Le REPRESENTANT DU CHILI (M. Daza) : Durant la précédente séance plénière, ce
représentant a pris la parole afin de faire état de la position de mon pays au regard du discours
prononcé par le président de la République de Bolivie lors de la séance inaugurale. Cela n’a en rien
changé la position qui est la nôtre en ce qui concerne le point 19 de l’ordre du jour, qui va être
débattu ici. En effet, de la réunion du comité préparatoire, à Washington, à ce jour, ma délégation
s’est opposée à l’inscription de cette question car tous les signes émanant des autorités boliviennes
elles-mêmes confirment que l’objet de ce rapport est de mettre à mal la souveraineté du territoire
chilien et la validité d’un traité international pleinement en vigueur, questions qui ne relèvent
nullement de la compétence de la présente assemblée.
Une fois encore, ma délégation tient à insister sur le grave précédent sur le point d’être
établi. Je ne pense pas me tromper en affirmant que, par cette décision, l’Assemblée ouvre une
boîte de Pandore qui devrait réserver bien des surprises à l’avenir pour nombre de pays ici
représentés et, en tout état de cause, pour le système interaméricain dans son ensemble.
Je ne saurais prendre part à un débat dans lequel serait remis en cause la souveraineté de mon
pays, pas plus que je ne saurais prendre part à un débat mettant en cause la souveraineté exclusive
d’autres Etats. C’est la raison pour laquelle ma délégation ne participera pas aux discussions sur ce
point. Je vais à présent quitter cette salle et reviendrai quand cette réunion traitera d’autres sujets
relevant effectivement de la compétence de l’OEA. Avec votre permission, donc, je vais
maintenant prendre congé [le représentant du Chili quitte la salle].
Le PRESIDENT : Nous prenons acte de la déclaration de la délégation du Chili.
M. le représentant de la Bolivie, vous avez maintenant la parole pour votre exposé sur le point 19
de l’ordre du jour.
Le REPRESENTANT DE LA BOLIVIE (M. Romero) : Merci, Monsieur le président. Je
suis très honoré de vous faire lecture, aux fins d’information de la commission générale, d’un
rapport portant sur le problème de l’accès à la mer de la Bolivie.
1. Historique
Depuis 100 ans, la Bolivie vit une situation d’enclavement géographique forcé du fait de la
guerre qui l’a opposée au Chili en 1879.
A cause de cette guerre, la Bolivie a perdu les 158 000 kilomètres carrés de territoire du
département de Litoral. Plus de 400 km de côte ont ainsi été perdus, dont les ports de Tocopilla,
- 83 -
[P. 358]
Cobija, Mejillones et Antofagasta, ainsi que les anses de Paquíca, Gualeguala, Cabre et Tames.
Les droits de la Bolivie sur le territoire d’Atacama remontent à la période précolombienne.
Depuis l’ère coloniale espagnole, ces droits se fondent sur des termes juridiques incontestables. En
effet, la frontière côtière pacifique de l’Audience royale de Charcas tout comme celle, plus tard, de
la République de Bolivie, s’étirait du nord au sud de l’embouchure du fleuve Loa, à 21° 27' de
latitude sud jusqu’à l’extrémité supérieure de la vallée de Copiapó, à 27° de latitude sud.
En ces jours où nos nations déclaraient leur indépendance, leurs nouvelles limites
territoriales s’appuyaient sur le principe de l’«Uti possidetis juris de 1810», un vieux principe en
droit international public américain. En conséquence, la légitimité, la souveraineté et la juridiction
de la Bolivie sur son territoire de la côte pacifique ne pouvaient faire aucun doute pour le Chili. La
reconnaissance de ces droits boliviens par le Chili était manifeste non seulement dans le texte de la
Constitution de ce pays, mais aussi dans celui du premier instrument bilatéral à avoir été signé par
les deux nations, à savoir le traité d’amitié, de commerce et de navigation qui fut approuvé par le
Congrès chilien en 1833 et 1834.
Après 1842, le comportement du Chili évolua à mesure qu’il prenait conscience des énormes
richesses présentes dans les régions côtières de la Bolivie. Nous développerons ce point de manière
plus spécifique plus tard. C’est à cette époque que le Gouvernement chilien réussit à faire adopter
par son congrès national une loi qui repoussait la frontière septentrionale avec notre pays jusqu’au
23e parallèle de latitude sud. Au vu de ces événements, la Bolivie envoya au Chili plusieurs
missions diplomatiques successives afin de défendre sa souveraineté et faire valoir ses droits.
Néanmoins, à partir de 1843, le Chili opéra plusieurs avancées vers le nord, en territoire bolivien.
De nouvelles offensives eurent lieu dans les années 1850 dans le cadre d’une politique
délibérément expansionniste, ainsi que l’a montré en des termes tout sauf incertains le géopoliticien
Diego Portales. Ces plans dépassaient même le territoire de la Bolivie, et l’invasion ne s’arrêta pas
au territoire bolivien revendiqué par le Chili mais se poursuivit jusqu’au Pérou.
L’intérêt du Chili crût tant qu’en 1864, on proposa à un envoyé de la Bolivie,
M. Tomas Frías, le rachat de la riche région bolivienne de Mejillones. Cette offre est le signe
évident que le Chili considérait ces territoires comme la propriété de la Bolivie ; en effet, on
n’imagine pas quelqu’un acheter un bien qu’il considère comme sien.
Les problèmes générés par les fréquentes incursions chiliennes en territoire bolivien furent
tels que la nécessité
[p. 359]
s’imposa de signer, en 1866, un traité sur les frontières. Par ce traité, la Bolivie céda au Chili un
territoire situé entre les 27e et 24e parallèles, et la frontière de la Bolivie fut établie sur ce
27e parallèle. En outre, le traité établit la tristement célèbre medianería, c’est-à-dire un accord par
lequel les deux pays se partageraient toutes les ressources qui seraient trouvées dans une zone
s’étendant du 25e au 23e parallèle.
En 1874, huit années seulement après la signature du premier traité et suite à de nouvelles
difficultés, un deuxième traité dut être signé pour régler la question du 24e parallèle. Le mécanisme
frontalier de medianería fut supprimé par ce traité, dont la quatrième clause allait être à l’origine de
nouveaux problèmes en ce qu’elle prévoyait que, pendant 25 ans, la Bolivie ne pourrait lever de
nouvelles taxes sur les personnes, les industries et les capitaux chiliens.
Protégés par les concessions arbitraires d’un Gouvernement bolivien dictatorial, plusieurs
groupes de citoyens chiliens s’établirent sur la côte. Fort des intérêts économiques
- 84 -
extracontinentaux qui étaient les siens, l’un de ces groupes livra au Gouvernement chilien un
prétexte au déclenchement du conflit. Alors que les conditions de ces concessions étaient en cours
de mise au point avec l’Etat bolivien, la compagnie proposa de reverser 10 % de ses profits. Le
congrès bolivien préféra, toutefois, l’imposition d¹une taxe de 10 cents par centaine de livres de
nitrate exportée. La compagnie chercha à se protéger en se tournant vers le Gouvernement chilien,
qui invoqua le traité de 1874. Face aux menaces du Chili, le Gouvernement de la Bolivie annula le
contrat avec la compagnie et, sans aucune déclaration de guerre, le Chili occupa par la force la côte
de la Bolivie.
Ainsi, en 1879, la Bolivie fut entraînée dans une guerre qu’elle n’avait pas souhaitée ni
cherchée. Désarmée mais se devant de défendre sa souveraineté, elle demanda l’application du
traité d’alliance et de défense qu’elle avait signé avec le Pérou.
Les forces en présence étaient déséquilibrées. Le Chili s’était armé proportionnellement aux
intentions qui l’animaient. La Bolivie et le Pérou se trouvaient pris au dépourvu et quasiment
désarmés. Immanquablement, le Chili mit à exécution ses projets expansionnistes visant les régions
d’Atacama et Tarapacá.
En 1884, la Bolivie n’eut d’autre choix que de signer un armistice. Les conditions énoncées
dans ce document imposaient que le Chili poursuive l’occupation du territoire bolivien conquis
pendant la guerre, contrôle les postes de douanes et bénéficie de conditions avantageuses lui
permettant d’expédier librement ses produits en territoire bolivien. De par ce traité, la côte de la
Bolivie se trouva occupée militairement et le pays, dépourvu de ports et équipements de transport.
Confrontée à des taxes douanières démesurées, la Bolivie se trouva tellement exsangue d’un point
de vue économique qu’elle n’eut pas d’autre choix que de signer le traité de 1904.
[p. 360]
Depuis la signature de ce traité, la Bolivie n’a eu de cesse que de retrouver un débouché sur
l’océan Pacifique. En 1910, le Gouvernement bolivien demanda aux ministres des affaires
étrangères du Pérou et du Chili le rétablissement de son accès à la mer en échange des territoires de
Tacna et Arica, dont le Chili se trouvait alors temporairement en possession.
Le problème prit ensuite une telle importance qu’en 1925, Frank Kellogg, secrétaire d’Etat
américain et arbitre du référendum contrarié sur la question de la possession des territoires de
Tacna et Arica, proposa que les territoires en question soient transférés à la Bolivie. Cette
proposition fut rejetée. Trois ans plus tard, le Pérou et le Chili conclurent un accord par lequel
Arica revenait au Chili et Tacna, au Pérou. Le protocole de ce traité spécifiait qu’aucune des parties
n’était autorisée à céder ces territoires à une tierce partie sans l’accord préalable de l’autre partie.
Dans le cadre de leurs relations bilatérales et grâce aux efforts continus de la Bolivie, le Chili
lui a, en de nombreuses occasions, proposé un accès à l’océan Pacifique, notamment dans les cas
suivants :
 En application de l’accord de cession territoriale de 1895, le Chili s’engageait à céder Tacna et
Arica à la Bolivie si le résultat du référendum convenu avec le Pérou lui était favorable.
 Dans le cas où le résultat lui serait défavorable, le Chili s’engageait à céder à la Bolivie soit
l’anse de Vitor jusqu’au défilé de Camarones, soit une parcelle de terre équivalente.
 En janvier 1920, le Chili accepta de céder à la Bolivie un accès à la mer au nord d’Arica.
 En 1923, lorsque la Bolivie proposa de réexaminer le traité de 1904, le Chili accepta de signer
un nouvel accord visant à satisfaire la demande bolivienne à condition que cela n’ait pas
d’incidence sur la continuité territoriale du Chili.
- 85 -
 En 1950, le Chili accepta d’engager des négociations directes «visant à trouver une solution qui
accorderait à la Bolivie son propre accès souverain à l’océan Pacifique et, au Chili, une
compensation de nature autre que territoriale et prenant en compte ses intérêts réels».
 En 1956, le Chili manifesta une nouvelle fois sa volonté de trouver une solution à
l’enclavement de la Bolivie par le biais de «négociations strictement confidentielles».
 En 1961, dans un mémorandum adressé au ministère bolivien des affaires étrangères,
l’ambassadeur du Chili à La Paz réitéra l’offre formulée par son pays.
[p. 361]
 En 1975, la Bolivie et le Chili engagèrent de nouvelles négociations. Celles-ci échouèrent en
raison de l’insistance du Chili à obtenir une compensation territoriale, laquelle entraîna la
rupture des relations diplomatiques entre les deux pays.
En fin de compte, tous ces accords ne furent suivis d’aucun effet car les propositions
formulées par le Chili le furent soit en fonction de commodités passagères, soit dans le but d’éviter
des conflits avec des puissances tierces. Une fois le danger passé ou le contexte changé, le Chili
oublia ses engagements.
D’autre part, si la Bolivie  ainsi qu’on a pu l’entendre  n’avait jamais eu droit à un accès
à la mer, comment expliquer alors que le Chili ait été prêt à négocier à ce sujet ?
2. Contexte du traité de 1904
Après la bataille de Tacna, ou bataille de l’Alto de Alianza, qui se déroula le 26 mai 1880, la
Bolivie mit fin à sa participation active à la guerre du Pacifique. Quatre ans plus tard, le
4 avril 1884, les Gouvernements bolivien et chilien signèrent, comme nous l’avons vu, une trêve à
Valparaiso.
Dans son article 2, ce pacte disposait que les terres de la côte d’Atacama demeureraient aux
mains du Chili jusqu’à la signature d’un accord de paix. Pendant la durée de la trêve, le Chili
administrerait les terres situées entre le 23e parallèle et l’embouchure du fleuve Loa, sur le
Pacifique, dans le respect des règles politiques et administratives définies dans le droit chilien.
A l’article 5, le Chili requérait, afin d’avantager sa propre industrie, que la Bolivie exonère
de taxes les produits chiliens.
Enfin, au titre de l’article 6, le Chili imposait des dédommagements de guerre, arguant que la
Bolivie avait confisqué des biens appartenant à des résidents Chiliens. Dans cet article, il était
précisé que, dans le port d’Arica, des droits d’importation basés sur la grille tarifaire chilienne
seraient associés aux produits à destination de la Bolivie et qu’aucune autre taxe ne pourrait être
perçue sur ces produits à leur entrée en territoire bolivien. Le Chili prévoyait de prélever environ
55 % des sommes encaissées par le bureau des douanes d’Arica, à savoir, 25 % pour couvrir les
services des douanes et 30 % pour couvrir la valeur des biens chiliens mentionnés précédemment.
Quatre ans après la signature du pacte, le Chili créa la province d’Antofagasta à
l’emplacement du territoire bolivien qu’il avait occupé. Les
[p. 362]
protestations officielles formulées par le Gouvernement bolivien contre de cette violation des
dispositions de la trêve furent totalement ignorées.
- 86 -
La tension dans les relations entre l’Argentine et le Chili en raison de problèmes
transfrontaliers et l’éventualité que la Bolivie établisse une alliance avec l’Argentine dans le but de
s’affranchir des conséquences délétères de la trêve poussa le Gouvernement du Chili à envisager la
signature d’un nouveau traité avec la Bolivie.
Trois instruments furent ainsi signés à Santiago le 18 mai 1895.
Selon les termes du premier, un traité de paix et d’amitié, la Bolivie reconnaissait les droits
de propriété du Chili sur les terres situées entre le sud du Río Loa et le 23e parallèle.
Le deuxième consistait en un accord sur le commerce et le transport.
Le troisième accord, qui portait spécifiquement sur la cession de territoires, prévoyait que, si
le Chili acquérait la souveraineté permanente sur les territoires de Tacna et d’Arica, il était tenu de
les céder à la Bolivie dans la forme et l’étendue qui étaient les leurs au moment de leur acquisition.
Dans le cas où il n’obtiendrait pas ces territoires, le Chili s’engageait à céder à la Bolivie l’anse de
Vitor, ou tout autre territoire équivalent, ainsi que cela a été indiqué précédemment.
Bien que ratifiés par les deux pays, ces traités ne furent jamais appliqués.
Au début du siècle, alors que la Bolivie subissait les conséquences dévastatrices des
dispositions imposées par la trêve, le Chili y dépêcha, en tant qu’ambassadeur plénipotentiaire,
M. Abraham Konig. Celui-ci, dans une note officielle adressée au nom de son pays à notre ministre
des affaires étrangères, établit le plus éloquent des témoignages de ce qu’était réellement la
situation à cette époque. Cette note débutait en précisant que le Chili revenait sur ses engagements
de 1895 en ce qui concerne Tacna et Arica.
«Pour tenter de formuler les choses aussi clairement que l’imposent parfois les
affaires internationales  dans la note de Konig, le Chili déclarait que la Bolivie ne
devait pas compter sur la cession des TERRITOIRES DE TACNA ET D’ARICA,
MÊME SI LES RÉSULTATS DU RÉFÉRENDUM ÉTAIENT FAVORABLES AU
CHILI … LE CHILI A OCCUPÉ LE DÉPARTEMENT DE LITORAL ET EN A
PRIS LE CONTRÔLE SUR LA BASE DU MÊME DROIT QUE CELUI EN VERTU
DUQUEL L’ALLEMAGNE AVAIT ÉTENDU SON EMPIRE À L’ALSACE ET À
LA LORRAINE… NOS DROITS SONT NÉS DE LA VICTOIRE, LOI SUPRÊME
DES NATIONS… QUE LE LITTORAL REGORGE DE RESSOURCES ET
VAILLE DES MILLIONS, NOUS LE SAVIONS DÉJÀ. NOUS CONSERVONS CE
TERRITOIRE PARCE QU’IL A DE LA VALEUR. IL N’Y AURAIT EU AUCUN
INTÉRÊT À LE GARDER S’IL NE VALAIT RIEN…»
Ces arguments étant les vrais motifs de son entrée en guerre, le Chili imposa la signature du
traité de paix du 20 octobre 1904, qui, pour la Bolivie, signifiait la perte de sa région côtière.
[p. 363]
Le traité de 1904 fut imposé à une époque où l’idée de proscrire l’emploi de la force dans les
relations internationales prévalait déjà sur le continent américain ; un siècle avant que l’Europe
n’en fasse de même, la légitimité des gains territoriaux conquis par la force avait déjà cessé d’y être
admise. Antonio José de Sucre, maréchal d’Ayacucho et représentant principal de la Bolivie, avait
d’ores et déjà proclamé en 1829 qu’une victoire ne conférait aucuns droits.
Le principe de l’interdiction de l’emploi de la force armée avait été préconisé en Amérique
dès la création du premier instrument multilatéral visant à régir les relations entre les nations. Ce
principe apparaît dans les conclusions du Congrès de Panama de 1826, le premier Congrès de Lima
en 1847, l’accord de Washington en 1856 et le deuxième congrès de Lima, en 1854.
- 87 -
C’est cependant à l’occasion de la première conférence internationale des Etats américains,
tenue à Washington en 1889  série de conférences qui engendrerait plus tard l’Organisation des
Etats Américains (l’OEA»)  que furent proclamés les principes suivants : qu’il n’existait dans les
Amériques aucun territoire res nullius ; que les guerres de conquête entre nations américaines
n’étaient que d’injustifiables actes de violence ; que l’insécurité territoriale menait inéluctablement
à la mise en oeuvre d’un ruineux système de paix armée.
Lors de la conférence internationale des Etats américains de 1889, les pays participants
 l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, l’Equateur, le Guatemala, Haïti, le
Honduras, le Mexique, le Nicaragua, le Paraguay, le Pérou, El Salvador, le Venezuela et les
Etats-Unis d’Amérique  adoptèrent à l’unanimité (avec une seule abstention, logique, celle du
Chili) une recommandation dans laquelle se trouvaient énoncés les principes suivants :
1) l’idée de conquête est proscrite dans le droit international américain ;
2) toute cession de territoire consentie sous la menace d’une guerre ou en présence de forces
armées est invalide et doit être considérée comme nulle et non avenue ;
3) toute nation privée de territoire de cette manière est en droit de demander que la validité de la
cession soit soumise à arbitrage.
Conclu après l’adoption de la recommandation catégorique par les participants au congrès de
1889, le traité de 1904 contredit les principes avancés dans cette recommandation. Les forces
armées chiliennes poursuivirent leur occupation des territoires côtiers de la Bolivie. Or, il n’est pas
de liberté de consentement pour un pays sous occupation militaire.
[p. 364]
Tout comme ceux avancés dans les conférences internationales des Etats américains
ultérieures, les principes susmentionnés ont été reconnus dans l’article 52 de la convention de
Vienne sur le droit des traités adoptée le 7 mai 1968. La convention dispose qu’un traité sera
considéré comme nul s’il a été imposé par la force, en violation des principes du droit international
consacrés dans la Charte des Nations Unies.
La Bolivie a choisi d’évoquer ces antécédents car elle estime qu’ils démontrent parfaitement
le bien-fondé de sa revendication.
3. Dommages économiques causés par la guerre du Pacifique
Les dommages économiques endurés consécutivement au traité de 1904 ont été, et
demeurent, colossaux.
Tout d’abord, ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer, ce traité a entraîné pour la Bolivie
la perte de 150 000 kilomètres carrés de territoire côtier, c’est-à-dire une région plus vaste que la
superficie cumulée des territoires de Cuba, la Jamaïque, Trinidad et Tobago et El Salvador. Cette
simple comparaison suffit à révéler l’ampleur de cette perte. Mais du point de vue économique, les
pertes ont été encore plus considérables.
Le territoire perdu par la Bolivie du fait de la guerre abritait en effet le site d’une découverte
faite à la fin du siècle dernier, les fabuleux gisements de cuivre de Chuquicamata, qui comptent
parmi les plus importants au monde. Ces gisements ont fait du Chili le premier exportateur mondial
de cuivre et le deuxième producteur de ce métal au monde derrière les Etats-Unis.
- 88 -
A ce jour, le Chili a exporté plus de 20 millions de tonnes de cuivre. Bien qu’il soit difficile
de prendre la mesure de ce que ce chiffre représente, il suffit de le comparer à celui des réserves de
cuivre de l’ensemble de l’Asie, estimées à quelque 1,5 million de tonnes, ou encore à celui des
réserves de l’Europe occidentale, estimées à 2,3 millions de tonnes, ou encore de l’URSS, qui
seraient d’environ 16 millions de tonnes.
Autrement dit, depuis le début du siècle, le Chili a exporté autant de cuivre que tous ces
autres continents réunis et ce, sans que soient prises en compte les réserves gigantesques que l’on
continue de découvrir.
On estime qu’au rythme actuel d’extraction du cuivre, les mines de Chuquicamata ne
pourront pas être épuisées avant la fin du siècle prochain. Le président Salvador Allende avait
surnommé Chuquicamata «la manne du Chili», et ce, à juste titre. Une manne que la Bolivie paie
depuis cent ans, puisqu’il s’agit des ressources issues de mines situées sur un territoire qui autrefois
lui appartenait.
[p. 365]
Le butin du Chili ne s’est toutefois pas limité à des terres et au cuivre. L’une des causes
économiques de la guerre de 1879 est en effet l’intention qu’avait le Chili de prendre le contrôle
des dépôts de guano, un engrais naturel provenant des déjections des oiseaux marins accumulées
pendant plusieurs siècles.
Selon certaines estimations, au cours des cinquante dernières années, le Chili a tiré de ces
dépôts de guano plus d’un million de tonnes d’engrais destinés aux terres agricoles du centre et du
sud du Chili. Il s’agit là encore d’une ressource naturelle dont a été privée la Bolivie.
Outre le guano, les anciennes provinces péruvienne de Tarapacá et bolivienne d’Atacama
possèdent des dépôts de nitrate de sodium (salpêtre).
A la suite de l’occupation militaire de cette province bolivienne en 1880, le Chili exportait
chaque année quelque 12 500 tonnes de nitrate, pour environ 20 % du total de ses revenus liés aux
exportations. Même si l’invention du nitrate synthétique avait drastiquement réduit la
consommation mondiale de nitrate naturel, jusqu’à cette époque, les exportations chiliennes de
nitrate et d’un de ses dérivés, l’iode, représentaient près de 70 % des recettes du gouvernement.
Juste avant la première guerre mondiale, le Chili jouissait d’un monopole mondial sur la production
de nitrate.
Certaines exploitations de nitrate de taille moyenne fonctionnent encore aujourd’hui dans
cette ancienne province côtière bolivienne.
Il convient par ailleurs de préciser que, de nos jours, le Chili produit près de dix milles
tonnes de soufre et que quelques-uns des dépôts les plus importants de ce minéral se trouvent dans
le district d’Ollague, sur le territoire de l’ancienne province bolivienne d’Atacama, qui possède par
ailleurs des gisements de molybdène, de manganèse, de lithium, de fer et d’argent en quantités
variables.
La ville portuaire d’Antofagasta doit en particulier son développement et sa prospérité à ses
échanges commerciaux avec la Bolivie. La Bolivie est quasiment contrainte de passer par ce port
pour pouvoir assurer ses exportations et ses importations. En outre, les tarifs du transport
ferroviaire jusqu’à ce port sont unilatéralement et constamment augmentés, tandis que, dans les
ports chiliens, les produits boliviens sont régulièrement endommagés ou chapardés.
Dernier élément, mais non des moindres, les dommages économiques causés à la Bolivie
sont également considérables en ce qui concerne les ressources marines. Amputée de sa côte, la
- 89 -
Bolivie s’est vue privée des revenus issus de la pêche des poissons et crustacés, ainsi que des
ressources naturelles liées à l’exploitation des fonds marins.
[p. 366]
4. Compétence juridictionnelle
La question de l’inscription du problème maritime de la Bolivie à l’ordre du jour de la
neuvième session ordinaire de l’Assemblée générale de l’Organisation des Etats Américains, tout
comme celle de son examen, repose sur un socle juridique solide établi dans la Charte de l’ONU,
dont l’Organisation des Etats Américains constitue l’un des organes régionaux.
Dans son article 14, la Charte des Nations Unies dispose ce qui suit :
L’Assemblée générale [sauf dans le cas où une affaire serait portée devant le
Conseil de sécurité] peut recommander les mesures propres à assurer l’ajustement
pacifique de toute situation, quelle qu’en soit l’origine, qui lui semble de nature à
nuire au bien général ou à compromettre les relations amicales entre nations, y
compris les situations résultant d’une infraction aux dispositions de la présente Charte
où sont énoncés les buts et les principes des Nations Unies.
Lesdits buts et principes sont également mentionnés à l’article premier de la Charte :
«réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit
international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international,
susceptibles de mener à une rupture de la paix». Et une nouvelle fois, au paragraphe 3 de
l’article 2 : «Les Membres de l’Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens
pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient
pas mises en danger.»
De plus, dans la partie de la Charte consacrée aux accords régionaux, l’article 52,
paragraphe 2, dispose ce qui suit :
«Les Membres des Nations Unies qui concluent des accords ou constituent ces
organismes doivent faire tous leurs efforts pour régler d’une manière pacifique, par le
moyen desdits accords ou organismes, les différends d’ordre local, avant de les
soumettre au Conseil de sécurité.»
Le paragraphe 3 de ce même article dispose que «[l]e Conseil de sécurité encourage le
développement du règlement pacifique des différends d’ordre local par le moyen de ces accords ou
organismes régionaux, soit sur l’initiative des Etats intéressés, soit sur renvoi du Conseil de
sécurité».
L’article susmentionné renforce l’application des articles 34 et 35 de la Charte, qui disposent
que «[l]e Conseil de sécurité peut enquêter
[p. 367]
sur tout différend ou toute situation qui pourrait entraîner un différend entre nations» et que «[t]out
Membre de l’Organisation peut attirer l’attention du Conseil de sécurité ou de l’Assemblée
générale sur un différend ou une situation», quelle qu’en soit l’origine.
En parfait accord avec ces préceptes universels, la Charte de l’Organisation des Etats
Américains, dans laquelle il est déclaré que l’Organisation des Etats Américains constitue un
organisme régional des Nations Unies, établit sans équivoque en son article premier le but premier
de son existence et de son action pour le compte des Etats membres. Cet article précise que le but
- 90 -
de l’Organisation est de «parvenir à un ordre de paix et de justice, de maintenir leur solidarité, leur
intégrité territoriale et leur indépendance».
L’article 2 de la Charte ajoute que l’un des objectifs essentiels de l’Organisation est de
«[p]révenir les causes possibles de difficultés et assurer le règlement pacifique des différends qui
surgissent entre les Etats membres».
De plus, l’article 52, alinéa a) dispose que l’Assemblée générale pourra «examiner toute
question relative à la coexistence amicale des Etats américains».
Enfin, dans ses articles 80 à 90 portant sur les attributions et devoirs du Conseil permanent
de l’OEA, la Charte prévoit des dispositions qui la rendent compétente pour connaître de «toute
question que lui confie l’Assemblée générale ou la Réunion de consultation des ministres des
relations extérieures» ; le Conseil permanent est également habilité à veiller «au maintien des
relations amicales entre les Etats membres et, à cette fin, [à les aider] d’une manière effective à
régler leurs différends de façon pacifique», conformément à des procédures telles celles qui
suivent :
Toute partie à un différend peut faire appel aux bons offices du Conseil
permanent. Dans ce cas, celui-ci pourra prêter assistance aux parties et recommander
les procédures qu’il estime propres au règlement pacifique du différend.
Si tel est le souhait des parties, le président du Conseil permanent pourra
soumettre directement le différend à la commission interaméricaine en charge du
règlement pacifique des différends.
Cette synthèse récapitule quelques-uns des fondements juridiques sur lesquels repose la
présentation de la question de l’enclavement de la Bolivie à l’Organisation des Etats Américains.
Au vu des préceptes qui ont été énoncés, cet enclavement, qui dure depuis 100 ans, a nui à la paix
et à la sécurité des nations du continent ; il a sans doute été aussi une cause de difficultés et de
conflit non seulement pour les nations directement concernées mais également, de par ses
ramifications, pour la région et le continent dans son ensemble. En résumé, cet état de fait a retardé
le développement et le progrès de la Bolivie en tant que nation et en tant que membre du Pacte
andin, de l’Association latino-américaine de libre-échange, du Traité du bassin du Río de la Plata et
du Traité de coopération amazonienne. Tout ceci constitue un obstacle au développement et à la
prospérité de la communauté continentale.
De par sa situation géographique centrale sur le continent et son appartenance aux trois
principaux bassins régionaux du Río de la Plata, de l’océan Pacifique et de l’Amazone, la Bolivie a
toujours joué un rôle naturel de régulateur de l’équilibre continental.
La guerre de 1879 a mis un terme à l’influence et à la présence de la Bolivie sur les rives de
l’océan Pacifique. Le bouleversement de l’équilibre qui existait entre les différents Etats a été tel
qu’il a été impossible de le restaurer. La situation tendue qui en a résulté s’est soldée, entre autres
événements, par la rupture des relations entre la Bolivie et le Chili. Cette rupture est le résultat de la
persistance du Chili à vouloir imposer des conditions inacceptables au regard d’un accord, d’une
part, et de la volonté indéfectible du peuple bolivien de recouvrer un accès à la mer, d’autre part.
Le bien-fondé de la cause bolivienne et l’existence de facteurs préoccupants  générés par
une situation imposée par la force qui n’a pas changé depuis 100 ans que la guerre du Pacifique
s’est achevée  ne font aucun doute. De fait, cette cause a été reconnue à l’échelon international
par toute une série de déclarations dans lesquelles s’exprimait la crainte de voir remises en cause la
paix et l’harmonie de la région. Dans la plus récente d’entre elles, la déclaration de La Havane, les
pays du monde ont exprimé leur soutien à l’aspiration juste et légitime de la Bolivie à recouvrer un
accès total et souverain à l’océan Pacifique. Cette déclaration appelait par ailleurs les Etats
- 91 -
membres de la communauté internationale à se déclarer solidaires de ce droit inaliénable du peuple
bolivien. Les pays ont réaffirmé que ce problème devait impérativement être résolu pour pouvoir
envisager une situation de sécurité et de paix constructives et fructueuses dans les Amériques. C’est
pourquoi les pays signataires encouragent tous les efforts entrepris avec un but et des moyens aussi
nobles que le sont les négociations promues dans la Charte des Nations Unies. Par ailleurs, les
tensions qui découlent de la situation décrite précédemment se traduisent par une course aux
armements qui a été visée dans plusieurs déclarations officielles de la communauté internationale et
constitue la cause première de l’ouverture de négociations officielles sur la question du
désarmement.
La guerre de 1879 doit prendre fin. Les inquiétudes qui persistent dans le Pacifique Sud
doivent se dissiper.
La scission
[p. 369]
séculaire de la Bolivie et du Pacifique, un état de fait étroitement lié à ces événements, doit prendre
fin. Des règles visant à la paix et à la stabilité de la région doivent être définies. Cette question
relevant incontestablement de la compétence de l’Organisation des Etats américains, il incombe à
celle-ci de participer à la recherche d’une solution rapide à ce problème.
Mesdames et Messieurs les délégués, telle est la position de la Bolivie en ce qui concerne le
point 19 de l’ordre du jour de cette neuvième session ordinaire de l’Assemblée générale de
l’Organisation des Etats américains. Monsieur le président, je vous remercie. [Applaudissements.]
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur le représentant. Nous examinons le point 19 de l’ordre
du jour. Je donne maintenant la parole au représentant du Venezuela.
Le REPRESENTANT DU VENEZUELA (M. Zambrano) : Au nom du Venezuela, et
conformément aux instructions expresses de son Président, Luis Herrera Campins, j’aimerais
soumettre à l’Assemblée générale un projet de résolution portant sur la question de l’enclavement
de la Bolivie.
Permettez-moi tout d’abord de renouveler, en tant que Vénézuélien, l’espoir qui est le nôtre
qu’une paix durable fondée sur des accords justes et équitables puisse être établie dans la région.
Selon l’expression bien connue, la Bolivie est «la fille bien-aimée du libérateur». Il est
superflu d’insister ici sur le sentiment de fraternité qui unit nos deux pays.
En tant que nation et en tant que peuple, le Chili revêt pour nous une grande importance.
Nous n’oublions pas qu’Andrés Bello, le «libérateur intellectuel de l’Amérique» qui nous est
commun, avait choisi le Chili comme seconde patrie, pas plus que nous n’oublions l’accueil
généreux que la nation chilienne réserva aux Vénézuéliens exilés et persécutés aux heures sombres
de notre pays.
Nous vivons une époque où il est envisagé de revenir sur des traités censés être perpétuels.
Aussi sommes-nous d’autant plus conscients de ce que, dans les relations internationales, une
position rigide pourrait nous amener à ignorer des impératifs de justice dont l’importance a pu
varier en fonction des périodes historiques et des circonstances. Une telle rigidité est l’expression
d’une stérilité politique. Le projet de résolution que nous soumettons à l’examen de l’Assemblée
générale, quant à lui, est l’expression de la solidarité croissante des pays du continent américain
envers la cause bolivienne.
- 92 -
Cette solidarité s’appuie sur le bien-fondé de la requête de la Bolivie et sur la nécessité de
réparer une injustice historique.
Le problème qui nous préoccupe est politique, tant dans ses causes que dans ses
conséquences. Politique doit être l’analyse menée par l’OEA,
[p. 370]
en tant qu’organisme régional, et politique doit être la résolution qui émergera et représentera
l’expression de la majorité des Etats du continent.
Cette volonté politique doit inspirer de nouvelles règles qui soient le reflet d’exigences de
justice et d’équité et reconnaissent le droit de la Bolivie à un accès à la mer.
Une dépossession fondée sur l’usage de la force et sur des textes adoptés alors que certains
des Etats signataires se trouvaient en position d’infériorité ne plaide pas en faveur de
l’irréversibilité historique de certains arrangements convenus par le passé.
A la «doctrine Sucre», pierre angulaire du droit international américain qui peut se résumer
par la formule «la victoire ne confère aucun droit», on pourrait ajouter, «et encore moins, de droits
territoriaux», comme dans l’affaire qui nous concerne.
Aujourd’hui, dans un monde qui sait combien une paix solide ne peut s’établir que sur des
fondements justes, l’idée selon laquelle le recours à la force conférerait un droit de dépossession du
vaincu est non seulement obsolète, mais également condamnée.
Le rejet du recours à la force en tant que moyen de créer des droits sur le plan international
constitue l’un des principes sous-jacents de l’objection raisonnée de notre continent aux enclaves
coloniales, ainsi que de son rejet de relations intracontinentales par lesquelles, au siècle dernier,
certaines puissances aux comportements ignobles se partageaient les zones d’influence du monde
en menant une realpolitik conforme aux principes réductionnistes et brutaux de la machtpolitik, la
politique de la force.
Toute décision juridique née du recours à la violence porte en elle le germe de l’injustice. Si
nous aspirons à une Amérique intégrée, avec des relations plus étroites entre nos pays qui soient
ancrées dans le respect et la solidarité mutuels, nous nous devons de jeter aux oubliettes de
l’Histoire les différends historiques qui nous divisent en en éliminant les causes.
Un jour de guerre engendre un siècle de haine. Et la haine ne peut être le ciment des progrès
que l’Histoire exige que nous accomplissions ensemble.
Nos différends territoriaux, au nom desquels le sang de tant de membres de nos familles a
coulé sur ce continent, constituent le maillon faible de ce processus d’intégration croissant et
multidimensionnel.
D’obscurs intérêts viennent parfois interrompre les efforts grandissants d’intégration ou
paralyser l’audace politique à laquelle nous sommes appelés en ces temps complexes où nous
vivons. Souvent, ils se traduisent par
[p. 371]
une réaffirmation de différends transfrontaliers et territoriaux présentés comme insolubles.
Nos pays se doivent de montrer qu’ils sont capables de dépasser pareils arguments.
- 93 -
Ils se doivent de montrer qu’ils ont acquis une maturité qui leur permet de savoir entendre et
apprécier le bien-fondé d’arguments avancés par des Etats avec lesquels ils pouvaient avoir par le
passé de profonds désaccords.
Le nouveau droit américain naîtra d’une volonté politique reconnaissant que l’avenir de
chacun de nos Etats est un avenir partagé avec d’autres nations jouissant d’une existence
souveraine, libre et juste. Cela vaut encore davantage pour les pays que la proximité géographique
amène à avoir une destinée commune.
Dans les déclarations que j’ai faites au cours du débat général, j’ai évoqué la mutilation qui a
entraîné la situation d’enclavement de la Bolivie. J’ai fait ces déclarations en tant que porte-parole
d’un peuple dont la solidarité envers cette république soeur et le soutien à la cause qu’elle défend
sont une constante de sa politique internationale. [Applaudissements.]
Ces 100 dernières années, nous, Vénézuéliens, avons toujours soutenu le droit de la Bolivie à
un accès à la mer. Notre autorité morale remonte au comportement de nos troupes de libération qui,
dans les pas de Bolívar, traversèrent nos frontières de la côté caribéenne jusqu’à la colline de Potosí
afin d’établir des républiques voisines sans augmenter d’un pouce notre territoire.
[Applaudissements]
Le littoral bolivien est un territoire non restitué depuis la guerre du Pacifique. Et tant que cet
état de fait anéantira le travail quotidien de cette nation à laquelle nous sommes unis par tant de
liens indéfectibles, la liberté, la justice et la paix de ce continent sera incomplète et demeurera dans
l’attente d’une solution juste.
C’est la raison pour laquelle, Monsieur le président, je suis venu aujourd’hui en toute
sincérité, au nom du peuple du Venezuela, soumettre à votre considération un projet de résolution
sur le problème de la situation d’enclavement de la Bolivie. Je suis convaincu que la volonté
politique manifestée dans cette déclaration contribuera à stimuler la quête sincère de solutions
concrètes, justes et équitables, dans un esprit de fraternité et d’intégration américaines ; autrement
dit, la quête d’une solution concrète qui permette à la Bolivie de recouvrer un accès souverain et
utile à l’océan Pacifique. Le projet de résolution est le suivant :
L’ASSEMBLEE GENERALE
DECLARE :
1. Qu’il est dans l’intérêt durable du continent américain qu’une solution équitable soit trouvée par
laquelle la Bolivie obtiendra un accès souverain et utile à l’océan Pacifique.
[p. 372]
2. Pour atteindre l’objectif susmentionné et consolider une paix stable qui permette de promouvoir
des progrès économiques et sociaux dans la région des Amériques, région directement touchée
par les conséquences de l’enclavement de la Bolivie, dans un esprit américain de fraternité et
d’intégration, la neuvième Assemblée générale de l’Organisation des Etats américains,
DECIDE :
1. De recommander que les Etats directement concernés par cette question entament des
négociations dans l’objectif de permettre à la Bolivie d’obtenir un accès territorial libre et
souverain à l’océan Pacifique. Ces négociations devront prendre en compte les droits et intérêts
des parties concernées et pourront porter, notamment, sur l’inclusion d’une zone portuaire de
développement multinational intégré, ainsi que sur la proposition bolivienne de noncompensation
territoriale.
- 94 -
2. De poursuivre l’examen de la question du «rapport sur le problème de l’accès à la mer de la
Bolivie» lors de la prochaine réunion de l’Assemblée générale.
Monsieur le président, je vous remercie. [Applaudissements.]
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
[p. 386]
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le REPRESENTANT DU PEROU (M. García Bedoya) : Compte tenu de l’importance de la
question à l’examen, je ne ferai naturellement pas d’analogies sans rapport avec cette question.
Monsieur le président, soudés par la géographie et par les impératifs découlant de leur
voisinage immédiat, ainsi que par une histoire dont ils partagent de nombreux chapitres, le Pérou et
la Bolivie, qui partagent la même culture et les mêmes origines, forment une véritable communauté
spirituelle. Ces fondements solides et authentiques constituent l’âme des relations entre Péruviens
et Boliviens, leur véritable raison d’être.
Les vicissitudes du passé ont accentué les sentiments d’affection qui nous unissent. Dans ce
contexte, le Pérou comprend et soutient la revendication maritime de la Bolivie.
Le Pérou a déjà montré des signes concrets de la volonté politique qui est la sienne de
contribuer à une solution définitive afin que la Bolivie recouvre un accès à la côte, ce qui
constituera pour nos nations une garantie de paix, d’intégration et de développement. Aujourd’hui
comme hier, le Pérou soutient la cause bolivienne, en raison des sentiments susmentionnés et en
raison de l’inévitable obligation, si l’on en arrivait là, de se conformer aux dispositions claires d’un
traité international. En conséquence, nous estimons que les solutions que cette organisation pourrait
recommander aux Etats concernés ne pourraient être comprises que dans le respect des traités, pour
les droits et les intérêts des parties concernées.
Monsieur le président, la volonté politique du Pérou reste inchangée, tout comme les
relations fraternelles entretenues par nos deux nations restent inchangées, et l’heure est venue de
dire à la Bolivie et aux Amériques que le peuple péruvien et son gouvernement attendent avec
espoir le jour où, après avoir suivi le cap du droit, de l’amitié et de la compréhension, les eaux de
l’océan Pacifique reviendront baigner les côté de ce pays frère qu’est pour nous la Bolivie.
[Applaudissements.]
Pour ces raisons, Monsieur le président, la délégation du Pérou soutiendra le projet de
résolution porté à l’attention de la présente assemblée.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur le ministre des affaires étrangères du Pérou.
Le représentant de l’Argentine a la parole.
[p. 387]
Le REPRESENTANT DE L’ARGENTINE (M. Quijano) : Je vous remercie, Monsieur le
président. Au cours de la longue histoire des relations bilatérales avec la Bolivie, l’enclavement de
ce pays a été une source permanente de préoccupation, et cette situation se retrouve dans de
nombreux textes et déclarations par lesquels l’Argentine a mis en avant son lien fraternel avec la
Bolivie et son inquiétude à cet égard.
- 95 -
Nous pensons que la question d’un débouché souverain de la Bolivie sur la mer est une
question très sérieuse, dont mon pays reconnait l’existence et qu’il espère voir réglée, car elle est
notamment essentielle au développement et au progrès de cette nation soeur.
Monsieur le président, c’est la raison pour laquelle nous sommes particulièrement intéressés
par le projet de résolution présenté par la délégation du Venezuela, qui a reçu un accueil
particulièrement positif lors de cette réunion. Nous aurions cependant aimé pouvoir bénéficier d’un
peu plus de temps afin d’essayer de trouver des compromis plus complets qui nous auraient permis
d’éviter d’avoir à exprimer des réserves au sujet de ce texte.
Ce projet nous inspire deux réserves et, pour clarifier notre position, j’aimerais vous les
exposer.
La première concerne le deuxième paragraphe déclaratoire, dans lequel il est proposé de
«consolider une paix stable qui permette de promouvoir des progrès économiques et sociaux…».
Nous sommes convaincus que, fort heureusement, la paix en Amérique et dans notre région n’est
pas en jeu ici, et c’est un point essentiel dans cette affaire  c’est la raison pour laquelle nous
devons collaborer afin de parvenir à une solution.
Ce qui doit être conforté, ce sont les avancées économiques et sociales de la région dans son
ensemble et de notre pays frère, la Bolivie, en particulier.
Par conséquent, nous estimons que les termes «une paix stable qui permette de promouvoir»
ne sont pas nécessaires dans ce texte.
Notre seconde réserve, plus importante, a trait aux termes qui apparaissent à la fin du point 1
du dispositif, «et pourront porter, notamment…». L’OEA risquerait de s’aventurer ici sur un terrain
glissant.
Il a été fait référence à la boîte de Pandore qui pourrait être ouverte si des traités venaient à
être révisés, ainsi qu’à la responsabilité des Etats en ce qui concerne les décisions liées à des
problèmes portant sur la souveraineté territorial d’autres Etats. Nous souhaiterions que cette
neuvième session de l’Assemblée générale de l’OEA élabore une recommandation raisonnée et
sincère  qui, je l’espère, sera soutenue par tous les Etats américains  plutôt qu’une formule
visant à des négociations. Nous recommandons que les parties négocient en gardant à l’esprit leurs
propres intérêts, tout comme l’esprit de l’unité américaine qui a été invoqué dans cette salle, non
seulement en ce jour, mais aussi depuis le début de cette session, quand le Conseil permanent a
décidé d’inscrire ce point à l’ordre du jour.
[p. 388]
Nous sommes convaincus que nous emprunterions un chemin hasardeux si nous suggérions
des pistes de négociation. Nous nous inquiétons de la procédure induite par le projet de résolution.
Dès lors, nous préférerions que les derniers mots du premier paragraphe du dispositif soient
supprimés pour se limiter à une recommandation fraternelle et appuyée qu’une solution à ce
problème soit trouvée, en prenant en compte les droits et les intérêts des parties concernées 
comme il est dit dans le texte  , et ce, sans imposer la moindre limite aux négociations. Nous
sommes convaincus qu’il n’est pas de la responsabilité de l’OEA de préciser les détails
d’éventuelles négociations.
Si un consensus devait être trouvé par le Comité  mais nous n’avons nullement l’intention
de nuire à l’harmonie de ce débat , nous préférerions que ces mots soient supprimés. Si,
toutefois, les rédacteurs du projet de résolution n’étaient pas en mesure de les retirer, nous
demanderions alors qu’ils fassent l’objet d’un vote distinct, en application de l’article 75 du
- 96 -
Règlement. Nous formulons cette requête car nous souhaitons éviter, autant que faire se peut, de
limiter la portée de ces négociations à venir.
Comme vous le savez tous l’Argentine participe en ce moment à une série de négociations
cruciales sur le thème de la question territoriale, et nous savons combien ces phases peuvent être
délicates et si l’on veut parvenir à adopter des mesures concrètes, combien il est nécessaire d’agir
sans pression et sans se voir imposer des limites par des parties tierces. La médiation dont nous
sommes actuellement partie prenante en est un exemple, en ce qu’elle est menée dans un cadre
particulièrement large. Nous sommes convaincus que les problèmes de cette nature exigent cette
liberté et que les seules limites qui vaillent doivent être fixées par les parties elles-mêmes.
La position de l’Argentine s’est exprimée hier par la voix de son ministre des affaires
étrangères. Cette position repose sur le souhait qui est le nôtre, et dont nous sommes convaincus
qu’il sera satisfait, que la Bolivie soit bientôt en mesure de résoudre cette question et redevienne
une puissance côtière du Pacifique. Je vous remercie.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
[p. 395]
Le REPRESENTANT DE L’ARGENTINE (M. Quijano) : Le but premier de la délégation
argentine était d’insister sur le fait que nous jugeons extrêmement important d’inclure cette phrase
dans le projet de résolution.
Ainsi que je l’ai indiqué lors de ma précédente intervention, il s’agit là d’une position de
principe que nous souhaitons respecter et soutenir car nous sommes convaincus que nous nous
engageons sur un terrain très glissant. J’ai dit par ailleurs que, mon intention n’étant nullement de
nuire à l’harmonie de cette réunion historique, je n’insisterais pas si ma proposition suscitait des
objections ou des réactions négatives.
Monsieur le président, avec votre accord, j’aimerais retirer la motion [applaudissements], et
demander que le procès-verbal rende compte de la réserve expresse formulée par l’Argentine au
sujet du paragraphe en question, que nous considérons comme un dangereux précédent. Je vous
remercie.
Le PRESIDENT : C’est très aimable à vous, Monsieur le représentant de l’Argentine. Nous
allons donc procéder à un vote par appel nominal. Nous tirerons au sort la délégation qui votera en
premier. [Il tire un bulletin] Sainte Lucie.
[Le vote par appel nominal se déroule, et les résultats sont les suivants :]
 Sainte-Lucie Pour
 Grenade Pour
 Hati Pour
 Costa Rica Pour
 Panamá Pour
 Paraguay Pour
 Venezuela Pour
 Dominique Pour
- 97 -
 Barbade Pour
 Jamaïque Pour
 Honduras Pour
[p. 396]
 Bolivie Pour
 Colombie Pour
 Etats-Unis Pour
 République dominicaine Pour
 El Salvador Pour
 Suriname Pour
 Argentine Pour
 Mexique Pour
 Nicaragua Pour
 Trinidad et Tobago Pour
Chili Pour
 Guatemala Pour
 Uruguay Pour
 Equateur Pour
 Brésil Pour
Pérou Pour
Le PRESIDENT : Le Secrétaire général adjoint a maintenant la parole pour annoncer le
résultat du vote.
Le SECRETAIRE GENERAL ADJOINT : Le résultat du vote est le suivant : 25 votes pour,
aucun vote contre, aucune abstention. [Applaudissements.]
Le PRESIDENT : Tout d’abord, j’aimerais qu’il soit consigné dans le procès-verbal que
cette résolution adoptée par la commission générale sera examinée par l’assemblée plénière.
Deuxièmement, je tiens à souligner que la réserve formulée par la délégation de l’Argentine
figurera également dans le procès-verbal.
Le représentant de la Bolivie a maintenant la parole.
Le REPRESENTANT DE LA BOLIVIE (M. Romero) : Tout d’abord, je tiens à exprimer
mes remerciements, au nom du peuple de la Bolivie et de son gouvernement, pour l’adoption de la
résolution lors de cette assemblée historique, résolution par laquelle sont proposées de nouvelles
façons de mener des négociations au sein du continent américain.
- 98 -
Je suis profondément reconnaissant envers les représentants qui ont ici voté en faveur de la
Bolivie et, par la même occasion, ma délégation va expliquer son vote.
C’est un honneur pour moi que de commencer en confirmant, tout d’abord, que la Bolivie a
voté en faveur de le projet de résolution présenté par le Venezuela.
[p. 397]
Deuxièmement, la délégation de la Bolivie se réserve toutefois le droit de présenter ses vues
quant à la manière dont elle pourrait recouvrer un accès souverain à l’océan Pacifique quand les
négociations recommandées par l’Assemblée générale débuteront. Je vous remercie.
[Applaudissements.]
___________
- 99 -
ANNEXE 249
PROCÈS-VERBAL DE LA 12E RÉUNION PLÉNIÈRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’OEA,
31 OCTOBRE 1979
Organisation des Etats américains, Assemblée générale, neuvième session ordinaire (1979),
Procédures, vol. II, première partie, OEA/Ser.P/IX.O.2 (1980),
p. 272, 277-283 et 286
[p. 272]
Procès-verbal de la douzième réunion plénière
Date : 31 octobre 1979
Heure : 15 h 30
Lieu : Salón Libertad
Président : M. Gustavo Fernández
Représentant de la Bolivie
Présents : Messieurs :
 Raymond Mathieu (Haïti)
 Luis E. Guardia Mora (Costa Rica)
 Mario López Escobar (Paraguay)
 Hilarión Cardozo (Venezuela)
 Wolsey P. Louis (Dominique)
 Michael King (Barbade)
 Alfred A. Rattray (Jamaïque)
 Carlos Zambrano Escalante (Honduras)
 Gonzalo Romero (Bolivie)
 Carlos Bernal Téllez (Colombie)
 Irving G. Tragen (Etats-Unis d’Amérique)
 Eladio Knipping-Victoria (République dominicaine)
 Mauricio Castro Aragón (El Salvador)
 E. R. Nahar (Suriname)
 Raúl A. Quijano (Argentine)
 Rafael de la Colina (Mexique)
 Saúl Arana Castellón (Nicaragua)
 Victor C. McIntyre (Trinidad et Tobago)
 Pedro Daza (Chili)
- 100 -
 Mario Marroquín Nájera (Guatemala)
 Julio César Lupinacci (Uruguay)
 Raúl Falconí (Équateur)
 Marcelo Raffaelli (Brésil)
 Luis Marchand Stens (Pérou)
 George Louison (Grenade)
 Alejandro Orfila (Secrétaire général de l’OEA)
 Jorge Luis Zelaya Coronado (Secrétaire général adjoint)
[p. 277]
3. Examen et approbation des projets de résolutions présentés
par la commission générale
a) Accès de la Bolivie à l’océan Pacifique (AG/doc.1147/79 rev. 1)
Le PRESIDENT : Nous examinons le projet de résolution relatif à l’accès de la Bolivie à
l’océan Pacifique (AG/doc.1146/79 rév. 1). Le représentant du Chili a la parole.
Le REPRESENTANT DU CHILI (M. Daza) : Monsieur le président, la résolution qui est
soumise à notre examen justifie plusieurs observations.
Nous ne pouvons accepter que la situation engendrée par l’aspiration bolivienne à obtenir un
débouché souverain sur l’océan Pacifique soit associée à la question de la stabilité de la paix dans
la région. La paix ne peut être mise à mal qu’en l’absence de volonté des Etats de se respecter les
uns les autres et de se conformer aux obligations qui sont les leurs. Je tiens à renouveler
l’engagement de mon pays en faveur de la paix et à souligner l’absurdité d’un argument selon
lequel l’exercice légitime de droits conférés par un traité pourrait constituer une menace pour la
paix.
Dans le dispositif, il est recommandé aux Etats concernés par cette question d’entamer des
négociations dans l’objectif d’accorder à la Bolivie un accès territorial libre et souverain à
l’océan Pacifique. Or, mon pays n’a eu de cesse que de vouloir négocier avec la Bolivie. Cet appel
doit donc s’adresser plus particulièrement à la Bolivie, pays qui a rompu ses relations avec le Chili
et mis un terme au processus de négociations en cours.
Le dispositif comprend également un autre élément : l’implication de la présente Assemblée
sur les sujets de fond des éventuelles négociations.
[p. 278]
Adoptée en un lieu et dans un contexte que ne peuvent ignorer les représentants, dans une
tentative, comme je l’ai indiqué, d’établir des règles pour obliger les parties concernées à
entreprendre des négociations afin de trouver une solution à l’aspiration de l’un des Etats membres,
règles qui, de surcroît, mettent à mal la souveraineté et l’intégrité territoriale d’un autre État
membre, cette résolution constitue une violation flagrante de l’un des principes fondamentaux de
notre organisation selon lequel «[l]’ordre international est fondé essentiellement sur le respect de la
personnalité, de la souveraineté et de l’indépendance des Etats».
- 101 -
Cette tentative de recourir à un vote pour révoquer un instrument tel qu’un traité de paix
pleinement en vigueur entre le Chili et la Bolivie contrevient à un autre principe consacré dans
cette même Charte, qui dispose que «le fidèle accomplissement des obligations découlant des
traités et des autres sources du droit international» constitue le principal fondement de l’ordre
international.
Les pouvoirs conférés à l’Assemblée reposent sur les principes établis dans la Charte de
l’Organisation, et doivent, par conséquent, être en parfaite adéquation avec lesdits principes.
Dès lors, nous ne saurions considérer que l’Assemblée est habilitée à adopter une résolution
de ce type en vertu de l’alinéa a) de l’article 52, qui prévoit que l’Assemblée générale puisse
«examiner toute question relative à la coexistence amicale des Etats américains». Il s’agit d’une
règle de procédure ; la règle énoncée à l’article 3, alinéa a), en revanche, est une règle de fond qui,
à ce titre, prévaut sur celles qui régissent les pouvoirs de l’un des organes de l’Organisation, tel que
l’Assemblée générale, laquelle n’a pas le droit de s’écarter de ces principes qui, en toutes
circonstances, constituent sa raison d’être.
En outre, le promoteur de cette résolution a déclaré qu’il s’agissait d’un problème politique
et que sa solution devrait, par nature, être politique. Il s’agit là d’une reconnaissance explicite de ce
que, lors de l’examen et de l’adoption de cette résolution par l’Assemblée, celle-ci s’était
totalement éloignée des principes juridiques fondamentaux susmentionnés, établissant de fait un
fâcheux précédent qui nuit aujourd’hui à mon pays et, à l’avenir, nuira à d’autres.
L’Histoire montre que, lorsqu’une organisation telle que l’OEA, créée par la libre
association de ses Etats membres sur la base d’un respect inconditionnel de certains principes
juridiques fondamentaux, s’écarte de ces principes, son autorité morale décroît presque
immédiatement, tout d’abord en raison du précédent que je viens d’évoquer et, deuxièmement,
parce que cela suscite, et c’est bien logique, un sentiment de réticence et de méfiance chez ses Etats
membres.
[p. 279]
En conséquence, le Chili déclare avec énergie que, conformément aux règles juridiques
indiquées, cette résolution ne saurait lui imposer quelque interdiction, engagement ou obligation.
A de nombreuses reprises, j’ai indiqué que le Chili était disposé à négocier avec la Bolivie en
vue de satisfaire l’aspiration de ce pays à obtenir un accès libre et souverain à l’océan Pacifique. Le
seul moyen d’atteindre cet objectif passe par une négociation directe, menée dans un esprit de
professionnalisme mutuel et sans la moindre ingérence, suggestion ou injonction de quiconque.
Une fois encore, la Bolivie a rejeté cette démarche et la voie qu’elle a choisie par le biais de
cette résolution, dans une tentative visant à imposer des conditions et mettre la pression sur le Chili,
constitue un obstacle insurmontable à l’ouverture de négociations susceptibles de satisfaire son
aspiration et de respecter comme il se doit la dignité et la souveraineté des deux parties.
La présente assemblée a choisi de ne pas emprunter cette voie, ce qui a eu pour effet de
repousser la possibilité pour la Bolivie d’obtenir satisfaction en ce qui concerne ses revendications
maritimes.
Tant qu’elle persistera dans cette voie, tant qu’elle refusera la démarche appropriée et
naturelle de négociations libres et inconditionnelles entre les deux pays, tant qu’elle tentera de
- 102 -
mettre le Chili sous pression par le biais d’ingérences étrangères, la Bolivie restera sans débouché
sur la mer en territoire chilien. Et le Chili n’en aura pas été le responsable. Monsieur le président, je
vous remercie.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
[p. 281]
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur le représentant. Le représentant de la Bolivie
a la parole.
Le REPRESENTANT DE LA BOLIVIE (M. de Campero) : Je vous remercie, Monsieur le
président. J’admire sincèrement la tentative spécieuse du représentant du Chili de transformer une
exhortation de l’Assemblée générale en une injonction qui n’existe pas.
Monsieur le président, je suis convaincu que l’Assemblée générale a toute compétence,
conformément aux termes de la Charte, pour exhorter, encourager et inciter les nations à régler
leurs différends. Tel est le cas en ce qui concerne le vote qui a eu lieu. Je tiens donc à déclarer avec
fermeté que ma délégation reconnaît la pleine compétence de l’Assemblée générale pour
l’élaboration de ce type de documents. Je vous remercie.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur le représentant. Le représentant de
l’Argentine a la parole.
Le REPRESENTANT DE L’ARGENTINE (M. Quijano) : Monsieur le président, compte
tenu de l’importance de la décision en question, sans aucun doute la plus importante de cette
réunion de l’Assemblée générale, la délégation argentine souhaiterait expliquer brièvement son
vote.
[p. 282]
Dans l’intérêt de tous les pays du continent américain, ma délégation a soutenu en
commission générale et soutiendra en session plénière la proposition visant à trouver une solution
juste et équitable par laquelle la Bolivie pourra obtenir un accès souverain et utile à l’océan
Pacifique.
Pour l’Argentine, qui s’est trouvée associée à ce problème tout au long du dernier siècle,
l’étape que nous sommes sur le point de franchir est d’une importance cruciale. La lenteur de
l’évolution de la situation et le manque flagrant d’intérêt sur ce sujet d’une grande partie de la
communauté internationale, y compris, parfois dans le cadre de l’OEA, suffit à rendre compte de
l’importance du document qui nous est présenté.
L’Argentine a suivi cette question de près et a fait son possible pour pallier les sérieuses
difficultés auxquelles la Bolivie a été confrontée du fait de son absence de littoral maritime. Depuis
des années, il existe au port de Rosario, sur le fleuve Paraná, une zone de libre-échange bolivienne.
De plus, afin de faciliter les échanges internationaux de la Bolivie et relier ce port à son territoire,
nous avons mis à contribution des ingénieurs et engagé des capitaux pour construire la voie ferrée
qui entre en Bolivie au niveau de notre frontière commune et traverse ce pays jusqu’au nord, où
elle devrait dans quelque temps atteindre le département de Beni.
- 103 -
L’heure est maintenant venue de franchir une nouvelle étape, une étape de nature politique.
Il nous serait aisé de soutenir sans la moindre réserve le projet qui nous a été présenté en nous
contentant de déclarer qu’une solution doit être trouvée dans le cadre juridique préexistant. Cela
reviendrait cependant à limiter sérieusement le processus que la présente Assemblée et, bien
évidemment, la République d’Argentine souhaitent mettre en oeuvre sans délai.
C’est donc la voie plus difficile, mais aussi plus réaliste, que nous avons choisie, voie
suivant laquelle les négociations engagées devront avoir pour seul cadre la prise en considération
des droits et des intérêts des parties concernées. Celles-ci sont les seules en mesure de décider des
termes de ces négociations, ainsi que des procédures à adopter. Tout autre facteur qui tenterait de
forcer la volonté des parties n’aurait qu’une portée toute symbolique, ou pire encore, risquerait de
nuire aux négociations.
Pour toutes ces raisons, et parce que nous ne connaissons que trop bien les dimensions de ce
problème, nous nous devons de répéter, pleinement conscients de la responsabilité qui nous
incombe et en renouvelant l’affection qui est la nôtre à l’égard de la république soeur de Bolivie, la
réserve formulée au sujet des principes directeurs supplémentaires proposés dans la deuxième
partie du premier point du dispositif.
Ce nonobstant, nous soutenons cette résolution car nous sommes convaincus qu’elle aboutira
et que sa valeur politique et morale, expression des réflexions des pays
[p. 283]
du continent américain, doit contribuer à la mise en oeuvre d’un processus qui, dans un proche
avenir, débouchera sur une solution dont la Bolivie non seulement a besoin pour son
développement, mais qu’elle est aussi pleinement en droit d’obtenir.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
[p. 286]
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur le représentant. Maintenant que nous avons entendu les
exposés sur la question à l’examen, je soumets au vote le projet de résolution présenté par la
commission générale.
Ceux qui y sont favorables sont priés de lever la main. Les représentants [votent]. Le résultat
du vote est le suivant : 21 votes pour, un vote contre, aucune abstention. La résolution est
approuvée. Je tiens à ajouter que le texte de cette résolution sera accompagné des explications de
vote formulées lors de la présente réunion par les délégués qui ont pris la parole, ainsi que des
explications avancées lors de l’approbation de la résolution en commission générale. Le
représentant du Paraguay a la parole.
Le REPRESENTANT DU PARAGUAY (M. López Escobar) : Fidèle aux principes
fondamentaux développés lors de notre intervention, et partant du principe que la coopération
active de l’OEA est nécessaire pour trouver une solution à ce différend, mais que les puissances
concernées sont celles qui entreprendront les négociations trilatérales qui s’imposent, la délégation
du Paraguay prie respectueusement le Président de consigner sa réserve concernant la deuxième
partie du premier point, qui dispose : «pourront porter, notamment, sur l’inclusion d’une zone
portuaire de développement multinational intégré, ainsi que sur la proposition bolivienne de noncompensation
territoriale».
- 104 -
Le PRESIDENT : Le représentant de la Bolivie a la parole.
Le REPRESENTANT DE LA BOLIVIE (M. Romero) : Je vous remercie, Monsieur le
président. Je tiens à renouveler les remerciements de ma délégation au regard du vote de la
résolution. J’ai eu l’occasion de faire remarquer que la Bolivie se réservait le droit de formuler des
propositions spécifiques si des négociations venaient à être entamées. Je vous saurais gré que cette
déclaration, que nous réitérons ici, se trouve consignée dans le procès-verbal. Je vous remercie.
Le PRESIDENT : Ce sera fait, Monsieur le représentant.
___________
- 105 -
ANNEXE 250
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’OEA, RÉSOLUTION AG/RES. 426 (IX-O/79) EN DATE DU
31 OCTOBRE 1979, «ACCÈS DE LA BOLIVIE À L’OCÉAN PACIFIQUE»
Organisation des Etats américains, Assemblée générale, neuvième session ordinaire (1979),
Procédures, vol. I, première partie, OEA/Ser.P/IX.O.2 (1980),
p. 55 et 57
- 106 -
- 107 -
ANNEXE 254
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’OEA, RÉSOLUTION AG/RES. 481 (X-O/80) EN DATE DU
27 NOVEMBRE 1980, «PROBLÈME DE L’ACCÈS DE LA BOLIVIE À LA MER»
Organisation des Etats américains, Assemblée générale, dixième session ordinaire (1980),
Procédures, vol. I, OEA/Ser.P/X.O.2 (1981), p. 28
- 108 -
- 109 -
ANNEXE 257
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’OEA, RÉSOLUTION AG/RES. 560 (XI-O/81)
EN DATE DU 10 DÉCEMBRE 1981, «RAPPORT SUR LE PROBLÈME
DE L’ACCÈS DE LA BOLIVIE À LA MER»
Organisation des Etats américains, Assemblée générale, onzième session ordinaire (1981),
Procédures, vol. II, première partie, OEA/Ser.P/XI.O.2 (1982), p. 95 et 97
- 110 -
- 111 -
ANNEXE 259
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’OEA, RÉSOLUTION AG/RES. 602 (XII-O82)
EN DATE DU 20 NOVEMBRE 1982, «RAPPORT SUR LE PROBLÈME
DE L’ACCÈS DE LA BOLIVIE À LA MER»
Organisation des Etats américains, Assemblée générale, douzième session ordinaire (1982),
Procédures, vol. I, OEA/Ser.P/XII.O.2 (1982), p. 35-37
- 112 -
- 113 -
- 114 -
ANNEXE 266
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’OEA, RÉSOLUTION AG/RES. 686 (XIII-O/83)
EN DATE DU 18 NOVEMBRE 1983, «RAPPORT SUR LE PROBLÈME
DE L’ACCÈS DE LA BOLIVIE À LA MER»
Organisation des Etats américains, Assemblée générale, treizième session ordinaire (1983),
Procédures, vol. I, OEA/Ser.P/XII.O.2 (1983), p. 100 et 105
- 115 -
- 116 -
ANNEXE 272
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’OEA, RÉSOLUTION AG/RES. 701 (XIV-O/84)
EN DATE DU 17 NOVEMBRE 1984, «RAPPORT SUR LE PROBLÈME
DE L’ACCÈS DE LA BOLIVIE À LA MER»
Organisation des Etats américains, Assemblée générale, quatorzième session ordinaire (1984),
Procédures, vol. I, OEA/Ser.P/XIV.O.2 (1985), p. 20
- 117 -
___________

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