Opinion individuelle de M. le juge Cançado Trindade

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168-20170518-ORD-01-01-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE CANÇADO TRINDADE
Table des matières
Paragraphes
I. Prolégomènes .............................................................................................................................. 1
II. Les droits des Etats et des personnes en tant que sujets du droit international............................ 3
III. La présence concomitante de droits étatiques et de droits individuels ...................................... 12
IV. Le droit à l’information en matière d’assistance consulaire dans le cadre des garanties d’une procédure régulière .......................................................................................................... 16
V. Le droit de l’homme fondamental (et non «plausible») qu’il convenait de protéger : les mesures conservatoires en tant que garanties juridictionnelles de nature préventive ................ 19
VI. Le régime juridique autonome des mesures conservatoires ...................................................... 24
VII. Considérations finales : l’humanisation du droit international telle qu’elle se manifeste dans le domaine du droit consulaire .......................................................................................... 26
I. Prolégomènes
1. J’ai voté en faveur de l’adoption, ce jour  soit peu après les audiences publiques qui se sont tenues le 15 mai 2017 , de la présente ordonnance de la Cour internationale de Justice indiquant des mesures conservatoires en l’affaire Jadhav (Inde c. Pakistan). Compte tenu de la grande importance que j’attache à certains aspects de la question qui a été examinée dans cette ordonnance, je me sens tenu d’y joindre  sous la pression impitoyable du temps (ars longa, vita brevis)  l’exposé de mon opinion individuelle, afin de consigner les fondements de ma position personnelle à cet égard.
2. J’examinerai ci-après tour à tour les points suivants : a) les droits des Etats et des personnes en tant que sujets du droit international ; b) la présence concomitante de droits étatiques et de droits individuels ; c) le droit à l’information en matière d’assistance consulaire dans le cadre des garanties d’une procédure régulière ; d) le droit de l’homme fondamental (et non «plausible») qu’il convenait de protéger : les mesures conservatoires en tant que garanties juridictionnelles de nature préventive ; e) le régime juridique autonome des mesures conservatoires ; et f) l’humanisation du droit international telle qu’elle se manifeste dans le domaine du droit consulaire.
II. Les droits des Etats et des personnes en tant que sujets du droit international
3. La présente affaire a trait à des violations alléguées de la convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963 dans le cadre de la détention et du procès d’un ressortissant indien (M. K. S. Jadhav), condamné à mort le 10 avril 2017 au Pakistan par une cour martiale. Mon intention n’est pas, dans le présent exposé, de m’appesantir sur les arguments qui ont été avancés par les Parties elles-mêmes aux audiences publiques du 15 mai 2017, la Cour l’ayant déjà fait dans
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l’ordonnance qu’elle a rendue ce jour1. J’ai pris bonne note de ces arguments, qui expriment des vues divergentes sur les questions interdépendantes de la compétence prima facie, des fondements des mesures conservatoires, ainsi que des critères de l’urgence et de l’imminence d’un préjudice irréparable2.
4. Au départ, il était un point sur lequel les vues respectives des Parties ne semblaient guère diverger, le Pakistan, après s’être référé à une assertion initialement formulée par l’Inde dans sa requête du 8 mai 2017  suivant laquelle l’article 36 de la convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963 (ci-après la «convention de Vienne de 1963») avait été adopté pour énoncer des «normes de conduite» régissant, en particulier, «la communication avec les ressortissants de l’Etat d’envoi, dans le souci de contribuer au développement de relations amicales entre les nations» (par. 34) , ayant estimé qu’il était «peu probable que cela s’applique lorsqu’un espion ou un terroriste [était] envoyé par un Etat pour se livrer à des actes de terreur»3. Il s’agissait cependant là d’un point que la Cour, comme elle l’a précisé à juste titre dans son ordonnance4, ne pouvait examiner qu’à un stade ultérieur de la présente affaire (exceptions préliminaires ou fond). Au stade actuel des mesures conservatoires, les vues divergentes des Parties transparaissaient donc dans l’ensemble des arguments qu’elles ont avancés.
5. Dans le présent exposé, je m’attacherai aux points susmentionnés (voir la partie I ci-dessus) en faisant appel aux principes de l’épistémologie du droit. Je commencerai toutefois par observer que, selon moi, la présente affaire met en cause des droits étatiques et individuels découlant directement du droit international. Dans sa requête comme dans sa demande en indication de mesures conservatoires, toutes deux datées du 8 mai 2017, l’Inde a en effet jugé utile de préciser que la convention de Vienne de 1963 conférait des droits aux Etats (aux alinéas a) et c) du paragraphe 1 de son l’article 36) ainsi qu’aux personnes (à savoir leurs ressortissants qui sont arrêtés, placés en détention ou en instance de jugement dans un autre Etat, et ce, à l’alinéa b) du paragraphe 1 de ce même article)5.
6. En tant que sujets du droit international, les personnes et les Etats sont, dans les circonstances de l’espèce, respectivement titulaires du droit de demander à communiquer avec leurs autorités consulaires et à être assistés par elles, et du droit de demander à communiquer avec leurs ressortissants et à les assister par l’entremise de leurs autorités consulaires, ces droits devant leur être accordés6. Outre la convention de Vienne susmentionnée, l’Inde invoquait, dans sa
1 Voir les par. 19-25, 29, 37, 40-41, 43-44 et 51-52 de la présente ordonnance.
2 Voir CR 2017/5, p. 11-43 (Inde), et CR 2017/6, p. 8-23 (Pakistan).
3 CR 2017/6, p. 19.
4 Par. 43 de la présente ordonnance. Voir aussi les par. 32-33.
5 Voir le paragraphe 34 de la requête introductive d’instance, ainsi que son paragraphe 1, et les paragraphes 5 et 9 de la demande en indication de mesures conservatoires.
6 L’article 36 de la convention de Vienne de 1963 a trait à la «communication avec les ressortissants de l’Etat d’envoi», et son paragraphe 1 se lit comme suit :
«Afin que l’exercice des fonctions consulaires relatives aux ressortissants de l’Etat d’envoi soit facilité :
a) Les fonctionnaires consulaires doivent avoir la liberté de communiquer avec les ressortissants de l’Etat d’envoi et de se rendre auprès d’eux. Les ressortissants de l’Etat d’envoi doivent avoir la même liberté de communiquer avec les fonctionnaires consulaires et de se rendre auprès d’eux ;
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demande en indication de mesures conservatoires, le Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques de 1966 (droit à un procès équitable, article 14), de sorte à ce que soit sauvegardé, en dernière analyse, le droit à la vie, inhérent à la personne humaine (article 6), «[l]e droit international reconna[issant] le caractère sacré de la vie humaine»7. C’est qu’en effet, dans ce domaine également, le droit international public a tiré profit de l’émergence et de la consolidation du droit international des droits de l’homme.
7. En droit international contemporain, les droits des Etats et les droits des personnes doivent effectivement être considérés comme un ensemble ; ils ne sauraient être dissociés les uns des autres. A cet égard, le 1er octobre 1999, soit à la toute fin du siècle dernier, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a rendu une décision fondatrice, à savoir son avis consultatif no 16 sur la question du Droit à l’information en matière d’assistance consulaire dans le cadre des garanties d’une procédure régulière, dans lequel elle a énoncé l’interprétation devant être faite de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36 de la convention de Vienne de 1963, interprétation reflétant l’incidence du corpus juris du droit international des droits de l’homme sur ladite disposition.
8. J’ai appelé l’attention sur ce point important au paragraphe 1 de l’exposé de mon opinion concordante qui a été joint à cet avis :
«Les profondes transformations qu’a subies le droit international au cours de ces cinquante dernières années, par suite de la reconnaissance de droits de l’homme universels, sont largement connues et reconnues. L’ancienne conception de l’Etat en tant qu’unique sujet de droits n’est plus défendable, et il en va de même des excès d’un positivisme juridique en plein déclin, qui excluait de l’ordre juridique international celui auquel les normes de droit s’adressent ultimement, à savoir l’être humain … [C]ela s’est produit avec l’indulgence du positivisme juridique, dans sa sujétion habituelle à l’autoritarisme de l’Etat.
La dynamique de la vie internationale contemporaine a fait litière de la conception classique suivant laquelle les relations internationales sont régies par des règles découlant entièrement de la libre volonté des Etats eux-mêmes. [Le droit international contemporain] a, depuis des années, cessé d’étayer l’idée, propre à un passé déjà ancien, que la formation des normes du droit international émanerait exclusivement de la libre volonté de chaque Etat.
Avec la démystification des postulats du positivisme volontariste, il est devenu évident que l’on ne peut trouver de réponse à la question des fondements et de la validité du droit international général que dans la conscience juridique universelle, et ce, en commençant par énoncer l’idée d’une justice objective. Celle-ci a trouvé une
b) Si l’intéressé en fait la demande, les autorités compétentes de l’Etat de résidence doivent avertir sans retard le poste consulaire de l’Etat d’envoi lorsque, dans sa circonscription consulaire, un ressortissant de cet Etat est arrêté, incarcéré ou mis en état de détention préventive ou toute autre forme de détention. Toute communication adressée au poste consulaire par la personne arrêtée, incarcérée ou mise en état de détention préventive ou toute autre forme de détention doit également être transmise sans retard par lesdites autorités. Celles-ci doivent sans retard informer l’intéressé de ses droits aux termes du présent alinéa ;
c) Les fonctionnaires consulaires ont le droit de se rendre auprès d’un ressortissant de l’Etat d’envoi qui est incarcéré, en état de détention préventive ou toute autre forme de détention, de s’entretenir et de correspondre avec lui et de pourvoir à sa représentation en justice. Ils ont également le droit de se rendre auprès d’un ressortissant de l’Etat d’envoi qui, dans leur circonscription, est incarcéré ou détenu en exécution d’un jugement. Néanmoins, les fonctionnaires consulaires doivent s’abstenir d’intervenir en faveur d’un ressortissant incarcéré ou mis en état de détention préventive ou toute autre forme de détention lorsque l’intéressé s’y oppose expressément.»
7 Demande en indication de mesures conservatoires, par. 17.
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expression dans l’affirmation des droits des êtres humains, qui émanent directement du droit international et, partant, ne sont pas soumis aux vicissitudes du droit interne.» (Par. 12-14.)
9. J’ai ajouté que les contraintes du positivisme juridique avaient conduit à faire indûment fi d’autres domaines de la connaissance humaine, ainsi que de la durée de l’existence des êtres humains, réduisant celle-ci à un facteur extérieur au cadre dans lequel il convenait d’appliquer le droit positif (par. 3). La tendance positiviste/volontariste, avec son obsession de l’autonomie de la «volonté» des Etats, en était arrivée à l’extrémité consistant à concevoir le droit (positif) indépendamment du temps. Or, il se trouve que l’émergence même et la consolidation du corpus juris du droit international des droits de l’homme sont dus à la réaction de la conscience juridique universelle face aux violences récurrentes commises à l’encontre des êtres humains, et souvent justifiées par le droit positif ; le droit est ainsi venu à la rencontre des êtres humains, qui sont les titulaires ultimes de leurs droits inhérents que ses normes protègent (par. 4).
10. Dans le cadre de ce nouveau corpus juris, l’on ne saurait rester indifférent à la contribution apportée par d’autres domaines de la connaissance humaine ni à la durée de l’existence des êtres humains. Et j’ai ajouté que le droit à l’information en matière d’assistance consulaire (pour ne prendre qu’un exemple) «ne [pouvait] désormais plus être exclusivement apprécié dans le cadre des relations interétatiques», la science juridique contemporaine en étant venue à admettre que «le contenu et l’effet utile des normes juridiques accompagnent l’évolution du temps, dont ils ne sont pas indépendants» (par. 5). J’ai ensuite, dans cette même opinion concordante, rappelé que, bien que la convention de Vienne ait vu le jour trois ans avant l’adoption des deux pactes des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme (le Pacte relatif aux droits civils et politiques et le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), la Cour interaméricaine des droits de l’homme savait que les travaux préparatoires de cet instrument traduisaient déjà «l’attention portée à la position centrale occupée par l’individu» dans l’élaboration et l’adoption de l’article 36 (par. 16).
11. Par conséquent, ai-je poursuivi, l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36 de la convention de Vienne de 1963, quoique cette disposition ait précédé dans le temps celles des deux pactes des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme (de 1966), ne pouvait plus être dissocié des normes internationales de protection des droits de l’homme ayant trait aux garanties d’une procédure régulière et de leur interprétation évolutive (par. 15). La protection qui en résulte, «dans le cadre du droit international des droits de l’homme, ne vise pas à régir les relations entre égaux, mais à préserver ceux qui sont manifestement plus faibles et plus vulnérables» ; c’est à cette «situation de particulière vulnérabilité» que le droit à l’information en matière d’assistance consulaire «est censé remédier».
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III. La présence concomitante de droits étatiques et de droits individuels
12. Les personnes sont désormais des sujets du droit international contemporain, au même titre que les Etats8 ; la cristallisation du droit individuel subjectif à l’information en matière d’assistance consulaire témoigne de cette évolution. J’ai ainsi rappelé, là encore dans l’exposé de mon opinion concordante qui a été joint à l’avis consultatif no 16 donné en 1999 par la Cour interaméricaine des droits de l’homme sur la question du Droit à l’information en matière d’assistance consulaire dans le cadre des garanties d’une procédure régulière (par. 25), que la Cour internationale de Justice elle-même, dans l’ordonnance qu’elle avait rendue le 15 décembre 1979 en l’affaire relative au Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), avait considéré que le bon déroulement des relations consulaires, nouées «entre les peuples» depuis des temps anciens, n’était pas moins important dans le contexte du droit international contemporain, «en ce qu’il favoris[ait] le développement des relations amicales entre les nations et assur[ait] protection et assistance aux étrangers résidant sur le territoire d'autres Etats» ; dès lors, avait ajouté la Cour, aucun Etat ne saurait manquer de reconnaître «les obligations impératives» codifiées dans les conventions de Vienne de 1961 et 19639, qui ont respectivement trait aux relations diplomatiques et aux relations consulaires.
13. Peu de temps après, dans l’arrêt qu’elle a rendu au fond en cette même affaire le 24 mai 1980, la Cour, se référant de nouveau aux dispositions des conventions de Vienne sur les relations diplomatiques (de 1961) et sur les relations consulaires (de 1963), a souligné la grande importance et le caractère impératif des obligations qui y sont énoncées, invoquant expressément à leur égard la déclaration universelle des droits de l’homme10 (par. 26).
14. La présence concomitante de droits étatiques et de droits individuels a été par la suite reconnue en des termes exprès par la Cour dans l’arrêt qu’elle a rendu le 31 avril 2004 en l’affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), dans lequel elle a indiqué que «toute violation des droits que l’individu tient de l’article 36 [de la convention de Vienne de 1963] risqu[ait] d’entraîner une violation des droits de l’Etat d’envoi et que toute violation des droits de ce dernier risqu[ait] de conduire à une violation des droits de l’individu» (par. 40).
15. Dans ses très récentes plaidoiries en la présente espèce, l’Inde s’est d’ailleurs référée à ce dictum, et a ajouté ceci :
«La violation des droits d’une personne ne peut rester sans conséquences. La convention de Vienne [de 1963] reconnaît le droit de l’Etat de demander réparation à
8 A cet égard, voir par exemple A. A. Cançado Trindade, «International Law for Humankind: Towards a New Jus Gentium  General Course on Public International Law  Part I», Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye (2005), vol. 316, chap. XII et IX-X, p. 203-219 et 252-317 ; A. A. Cançado Trindade, Le Droit international pour la personne humaine, Paris, Pedone, 2012, p. 45-368 ; A. A. Cançado Trindade, «The Human Person and International Justice» (W. Friedmann Memorial Award Lecture 2008), Columbia Journal of Transnational Law (2008), vol. 47, p. 16-30 ; A. A. Cançado Trindade, «La Persona Humana como Sujeto del Derecho Internacional: Consolidación de Su Posición al Inicio del Siglo XXI», Democracia y Libertades en el Derecho Internacional Contemporáneo (Libro Conmemorativo de la XXXIII Sesión del Programa Externo de la Academia de Derecho Internacional de La Haya, Lima, 2005), Lima, Académie de droit international de La Haye/IDEI (PUC/Peru), 2006, p. 27-76 ; A. A. Cançado Trindade, «A Consolidação da Personalidade e da Capacidade Jurídicas do Indivíduo como Sujeito do Direito Internacional», 16 Anuario del Instituto Hispano-Luso-Americano de Derecho Internacional  Madrid (2003) p. 237-288 ; A. A. Cançado Trindade, «A Personalidade e Capacidade Jurídicas do Indivíduo como Sujeito do Direito Internacional», Jornadas de Derecho Internacional (Mexico, déc. 2001), Washington D.C., sous-secrétariat aux affaires juridiques de l’OEA, p. 311-347.
9 Par. 40-41 de l’ordonnance de la Cour du 15 décembre 1979.
10 Par. 62, 88 et 91-92 de l’arrêt de la Cour du 24 mai 1980.
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la Cour au nom de son ressortissant lorsque les droits de celui-ci et, de manière concomitante, ses propres droits en vertu de la convention de Vienne sont violés par un autre Etat.»11
Le demandeur a en outre estimé que «[l]es droits relatifs à la communication entre un ressortissant et ses autorités consulaires constitu[ai]ent une étape importante dans l’évolution et la reconnaissance des droits de l’homme en droit international», se référant spécifiquement aux dispositions du Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques (art. 6, 9 et 14)12.
IV. Le droit à l’information en matière d’assistance consulaire dans le cadre des garanties d’une procédure régulière
16. L’intégration de la question à l’examen dans le domaine de la protection internationale des droits de l’homme a donc fait l’objet très tôt d’une reconnaissance judiciaire (cf. partie III ci-dessus), «puisqu’il n’y avait plus aucune raison que subsistât le moindre doute quant à l’existence d’une opinio juris à cet effet» ; c’est qu’en effet, ainsi que je l’ai également précisé dans l’exposé de mon opinion concordante qui a été joint à l’avis consultatif susmentionné de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, l’élément subjectif de la coutume internationale n’est autre que l’opinio juris communis et «ne saurait résider dans la volonté de chaque Etat pris individuellement»13 (par. 27) ;
«il n’est plus possible d’examiner le droit à l’information en matière d’assistance consulaire (en vertu de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36 de la convention de Vienne sur les relations consulaires) sans établir un lien direct avec le corpus juris du droit international des droits de l’homme» (par. 29).
17. Dans le cadre de ce corpus juris, la personnalité juridique internationale de l’être humain, émancipée de la domination de l’Etat  comme cela avait été prévu par les «pères fondateurs» du droit des gens , a désormais été établie. Toute convention «normative», de codification du droit international, telle que la convention de Vienne de 1963, acquiert une existence propre puisqu’elle est clairement indépendante de la «volonté» de ses différents Etats parties et participe au développement progressif du droit international (par. 30-31).
18. L’imbrication entre le droit international public et le droit international des droits de l’homme témoigne de la reconnaissance du «caractère central, dans ce nouveau corpus juris, des droits de l’homme universels, ce qui correspond à un nouvel ethos propre à notre époque» (par. 34). A des fins de protection, il est ainsi devenu indispensable d’établir un lien entre «le droit à l’information en matière d’assistance consulaire et les garanties d’une procédure régulière énoncées dans les instruments internationaux de protection des droits de l’homme» (par. 34), ce qui témoigne du «processus d’humanisation du droit international» (par. 35) tel qu’il se manifeste notamment aujourd’hui dans le domaine du droit consulaire (cf. partie VII ci-après).
11 CR 2017/5, p. 39, par. 89.
12 Qui ont respectivement trait au droit à la vie, au droit à la liberté et à la sécurité de la personne et au droit à un procès équitable. CR 2017/5, p. 38-39, par. 86.
13 A. A. Cançado Trindade, «Contemporary International Law-Making: Customary International Law and the Systematization of the Practice of States», Sources of International Law (Thesaurus Acroasium, session XVI, 1988), Institut de droit international public et de relations internationales de Thessalonique (Grèce), 1992, p. 77-79.
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V. Le droit de l’homme fondamental (et non «plausible») qu’il convenait de protéger : les mesures conservatoires en tant que garanties juridictionnelles de nature préventive
19. Le droit à l’information en matière d’assistance consulaire est, dans les circonstances de la présente espèce, inextricablement lié au droit à la vie lui-même, qui est un droit fondamental auquel il ne saurait être dérogé, et non un droit simplement «plausible». Cela vaut non seulement pour la phase de l’examen de l’affaire au fond, mais aussi pour celle des mesures conservatoires, lesquelles ont une autonomie juridique propre (voir ci-après). Lorsque des droits fondamentaux sont menacés, l’indication de mesures conservatoires reposant sur une base conventionnelle (comme celles qui ont été décidées par la présente Cour ou par la Cour interaméricaine des droits de l’homme) permet de protéger dûment ces droits en tant que tels (et non en tant que droits simplement «plausibles»)14.
20. A cet égard, dans l’ouvrage de mémoires que j’ai consacré à mes travaux au sein de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, j’ai rappelé, notamment au sujet de l’importance du respect des mesures conservatoires, l’affaire James et autres c. Trinité-et-Tobago (1998-2000), qui avait trait aux garanties d’une procédure régulière et à la suspension de l’exécution de la peine de mort :
«[T]eníamos conciencia de que trabajábamos contra el reloj, y no podríamos retardar nuestra decisión, pues estaba amenazado, además del derecho a las garantías judiciales, el propio derecho fundamental a la vida. Nuestra acción eficaz [decisión de la suspensión de la ejecución de pena de muerte], acatada por el Estado, llevó a que las vidas de los condenados a la muerte en Trinidad y Tobago fueran salvadas, y las sentencias condenatorias de los tribunales nacionales fueran conmutadas.» / «Le droit de bénéficier de garanties judiciaires et le droit fondamental à la vie lui-même étant menacés, nous avions conscience d’oeuvrer contre la montre et qu’il nous fallait rendre notre décision au plus vite. Notre action concrète [décision qu’il soit sursis à l’exécution de la peine de mort], qui a été respectée par l’Etat en cause, a ainsi permis de sauver la vie des personnes qui avaient été condamnées à mort à Trinité-et-Tobago, et les peines prononcées par les tribunaux nationaux ont été commuées.»15
21. Par une succession de décisions indiquant des mesures conservatoires (adoptées en 1998-1999), la Cour interaméricaine des droits de l’homme a étendu la protection ainsi offerte à un nombre croissant de personnes qui avaient été condamnées à mort (peines de mort dites «obligatoires»). Dans l’exposé de mon opinion concordante qui a été joint à l’ordonnance rendue le 25 mai 1999 dans l’affaire James et autres, j’ai observé, relativement, là encore, aux mesures conservatoires, que les juridictions internationales (qu’il s’agisse de la Cour interaméricaine des droits de l’homme ou de la présente Cour) avaient le pouvoir inhérent de déterminer la portée de leur propre compétence (compétence de la compétence/Kompetenz Kompetenz) ; elles sont gardiennes de leur propre compétence, dont elles ont la maîtrise (jurisdictio, jus dicere, dire le droit), celle-ci ne pouvant être à la merci de faits (survenus sur le plan interne ou international) autres que leurs propres actes (par. 7-8).
14 Article 41 du Statut de la Cour et paragraphe 2 de l’article 63 de la convention américaine des droits de l’homme.
15 A. A. Cançado Trindade, El Ejercicio de la Función Judicial Internacional  Memorias de la Corte Interamericana de Derechos Humanos, 4e éd., Belo Horizonte/Brésil, Edit. Del Rey, 2017, p. 48.
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22. Dans des affaires de cette nature, ai-je poursuivi, qui mettent en cause le droit fondamental à la vie, ces juridictions, au moyen de mesures conservatoires, font bien plus que de rechercher un équilibre entre les intérêts des parties (ce qui était suffisant en droit international classique) : elles préservent un droit de l’homme fondamental. Cela montre, ai-je conclu, que «les mesures conservatoires ne sauraient être interprétées de manière restrictive» ; elles s’imposent, au profit des personnes concernées, comme les «authentiques garanties juridictionnelles de nature préventive qu’elles sont» (par. 13-14, 16 et 18).
23. J’ai également précisé que, si lesdites mesures se transforment en pareilles garanties juridictionnelles, c’est parce qu’il est dûment tenu compte de leurs éléments constitutifs que sont l’extrême gravité et l’urgence, ainsi que la prévention des dommages irréparables causés aux personnes (par. 10) ; cela est d’autant plus manifeste lorsque est en cause le droit fondamental à la vie. Les mesures conservatoires ont un rôle important à jouer lorsque les droits de la personne humaine sont eux aussi en jeu ; elles se sont principalement développées dans la jurisprudence internationale contemporaine, mais n’ont pas encore été suffisamment étudiées dans la doctrine juridique internationale.
VI. Le régime juridique autonome des mesures conservatoires
24. Je rappellerai à présent ma position selon laquelle les mesures conservatoires sont dotées d’une autonomie juridique qui leur est propre, position que j’ai soutenue dans les exposés de mon opinion qui ont été joints à différentes décisions rendues par la présente Cour16 (et, auparavant, par la Cour interaméricaine des droits de l’homme), contribuant ainsi à son élaboration conceptuelle dans le cadre de la construction jurisprudentielle en la matière. J’ai eu tôt fait de définir les éléments constitutifs de ce régime juridique autonome, à savoir : les droits devant être protégés ; les obligations propres aux mesures conservatoires ; la détermination sans délai de la responsabilité (en cas de non-exécution) et ses conséquences juridiques ; la présence de la victime (ou de la victime potentielle, dès la présente phase de la procédure) et l’obligation de réparer les préjudices causés.
25. L’ordonnance que la Cour a rendue ce jour en l’affaire Jadhav constitue une nouvelle illustration de mon propos et contribue elle aussi à ladite construction jurisprudentielle à cet égard. J’ai déjà, dans cet exposé, appelé l’attention sur la présence concomitante de droits étatiques et de droits individuels (partie III ci-dessus). De fait, s’agissant de la présente Cour, bien que la procédure dans les affaires contentieuses demeure strictement interétatique (par attachement à un vieux dogme dépassé), cela n’empêche nullement que les bénéficiaires de la protection fournie par des mesures conservatoires dans une situation donnée soient les êtres humains eux-mêmes, à titre individuel ou collectif. J’ai notamment précisé ce point dans l’exposé de mon opinion dissidente
16 Tels que l’exposé de mon opinion dissidente dans affaire relative à des Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), ordonnance du 28 mai 2009 ; l’exposé de mon opinion individuelle dans l’affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), ordonnance du 18 juillet 2011 ; l’exposé de mon opinion dissidente dans les affaires relatives à la Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica) et à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), ordonnance du 22 novembre 2013 ; l’exposé de mon opinion individuelle dans les affaires relatives à la Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica) et à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), dont les instances ont été jointes, ordonnance du 16 décembre 2015 ; l’exposé de mon opinion individuelle dans l’affaire relative à l’Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), ordonnance du 19 avril 2017. Hormis ce dernier, tous les autres exposés de mon opinion auxquels il est fait référence dans le présent document (lesquels ont été présentés dans le cadre de mes travaux à la Cour et, auparavant, à la Cour interaméricaine des droits de l’homme) sont reproduits dans la collection en trois volumes (coll. «The Judges») : Judge A. A. Cançado Trindade  The Construction of a Humanized International Law  A Collection of Individual Opinions (1991-2013), vol. I (Inter-American Court of Human Rights), Leiden, Brill/Nijhoff, 2014, p. 9-852 ; vol. II (International Court of Justice), Leiden, Brill/Nijhoff, 2014, p. 853-1876 ; vol. III (International Court of Justice, 2013-2016), Leiden, Brill/Nijhoff, 2017, p. 9-764.
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jointe à l’ordonnance rendue le 28 mai 2009 en affaire relative à des Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal) et dans l’exposé de mon opinion individuelle jointe à l’ordonnance rendue le 19 avril 2017 en l’affaire relative à l’Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie)17.
VII. Considérations finales : l’humanisation du droit international telle qu’elle se manifeste dans le domaine du droit consulaire
26. Enfin, et ce n’est pas le moins important, je ne pouvais pas conclure le présent exposé sans aborder un point auquel je n’ai cessé de m’intéresser depuis les années 1990, successivement au sein de deux juridictions internationales (la Cour interaméricaine des droits de l’homme, puis la présente Cour), à savoir le processus historique continu d’humanisation du droit international, qui se manifeste notamment, comme c’est le cas de la présente affaire, dans le domaine du droit consulaire. En examinant précédemment la question des droits des Etats et des personnes en tant que sujets du droit international, je me suis référé aux réflexions que j’avais énoncées dans l’exposé de mon opinion concordante qui a été joint à l’avis consultatif no 16 donné le 1er octobre 1999 par la Cour interaméricaine des droits de l’homme sur la question du Droit à l’information en matière d’assistance consulaire dans le cadre des garanties d’une procédure régulière.
27. Dans cet exposé, j’avais précisé que, bien que la convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963 ait précédé chronologiquement les deux pactes des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme de 1966, le paragraphe 1 de l’article 36 de ce premier instrument allait rapidement être interprété à la lumière du droit international des droits de l’homme (voir partie II ci-dessus). Les droits énoncés dans cette disposition ne pouvaient en effet plus être dissociés de l’interprétation évolutive des normes pertinentes relatives à la protection des droits de l’homme. Les Etats et les personnes, en tant que sujets du droit international  ainsi que leurs droits respectifs , en sont venus à être considérés ensemble, comme ils devaient l’être, dans le cadre d’un nouveau jus gentium humanisé.
28. Peu de temps après, dans l’exposé de mon opinion concordante suivante, qui a été joint à l’avis consultatif complémentaire no 18 donné le 17 septembre 2009 par la Cour interaméricaine des droits de l’homme sur la question de la Situation juridique et [des] droits des migrants sans papiers, j’ai réaffirmé que, en ce tournant du siècle, l’humanisation du droit international se manifestait par de nouveaux développements dans le domaine du droit consulaire, lesquels bénéficiaient d’une reconnaissance judiciaire (par. 1-2). J’ai mis l’accent sur l’importance, dans le cadre de cette évolution, des principes fondamentaux reposant sur les bases mêmes du droit des gens (tel que prévu par les «pères fondateurs» de la discipline), ainsi que de l’émergence du jus cogens et des obligations de protection erga omnes correspondantes, dans leurs dimensions horizontale et verticale (par. 3 et 44-85).
17 Voir également, au sujet de cette même construction jurisprudentielle, l’exposé de mon opinion individuelle dans l’affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), arrêt du 30 novembre 2010 ; et voir aussi, notamment, mes réflexions dans A. A. Cançado Trindade, «La Expansión y la Consolidación de las Medidas Provisionales de Protección en la Jurisdicción Internacional Contemporánea», Retos de la Jurisdicción Internacional (sous la dir. de S. Sanz Caballero et R. Abril Stoffels), Cizur Menor (Navarre), Cedri/CEU/Thomson Reuters, 2012, p. 99-117 ; A. A. Cançado Trindade, «Les mesures provisoires de protection dans la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme», Mesures conservatoires et droits fondamentaux (sous la dir. de G. Cohen Jonathan et J.-F. Flauss), Bruxelles, Bruylant/Nemesis, 2005, p. 145-163.
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29. Parmi les principes généraux du droit (tant en droit comparé qu’en droit international), ai-je poursuivi, ceux qui revêtent un caractère véritablement fondamental forment de fait le substratum de l’ordre juridique lui-même, mettant au jour le droit au Droit, dont sont titulaires tous les êtres humains, indépendamment de leur citoyenneté ou de toute autre circonstance (par. 55). Sans ces principes  qui sont d’authentiques prima principia , dont émanent les normes et les règles et dans lesquels celles-ci puisent leur sens, l’«ordre juridique» est tout simplement «inaccompli, et cesse d’exister en tant que tel» (par. 46).
30. J’ai en outre tenu à souligner, dans ce même exposé de mon opinion concordante, que, «selon moi, le grand héritage de la pensée juridique du XXe siècle a[vait] été, de par l’émergence et l’évolution du droit international des droits de l’homme, de réintroduire l’être humain en tant que sujet» du droit des gens, doté de la personnalité et de la capacité juridiques internationales (par. 10). Ce phénomène était dû au réveil de la conscience juridique universelle (par. 25 et 28)  la recta ratio inhérente à l’humanité , en tant que source matérielle ultime du droit des gens18, bien supérieure à la «volonté» des Etats. Et j’ai ajouté qu’il était désormais nécessaire «de stimuler ce réveil de la conscience juridique universelle afin d’intensifier le processus d’humanisation du droit international contemporain» (par. 25)19.
31. Cette évolution devait avoir des répercussions rapides dans la région du monde dont je suis originaire, alors même qu’elle en dépassait largement le cadre : en reconnaissant le développement de la personnalité et de la capacité juridiques internationales des personnes (au côté de celle des Etats), elle tenait compte de l’universalité du droit des gens, telle qu’initialement posée par les «pères fondateurs» de la discipline (totus orbis et civitas maxima gentium) et qui venait de revoir le jour.
32. Ladite évolution a notamment contribué de manière décisive à la formation d’une opinio juris communis quant au droit des personnes au regard de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36 de la convention de Vienne, reflétant le processus continu d’humanisation du droit international qui englobe les aspects pertinents des relations consulaires20. Toujours fidèle à cette conception humaniste universelle, j’ai jugé utile de la défendre une fois encore dans le présent exposé de mon opinion individuelle joint à l’ordonnance que la Cour a rendue ce jour, le 18 mai 2017, en l’affaire Jadhav.
18 Sur ce point, voir A. A. Cançado Trindade, «International Law for Humankind…», op. cit., note no 8 ci-dessus, chap. VI, p. 177-202.
19 Ce que j’avais aussi déjà souligné, notamment au paragraphe 12 de l’exposé de mon opinion concordante joint à l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour interaméricaine des droits de l’homme le 18 août 2000 dans l’affaire des Haïtiens et Dominicains d’origine haïtienne en République dominicaine.
20 A. A. Cançado Trindade, «The Humanization of Consular Law: The Impact of Advisory Opinion no 16 (1999) of the Inter-American Court of Human Rights on International Case-law and Practice», Chinese Journal of International Law (2007), vol. 6, n. 1, p. 1-3, 5 et 15. J’ai également observé que l’impact de cette évolution avait aussi été reconnu dans la doctrine à partir de l’avis consultatif no 19 donné le 1er octobre 1999 par la Cour interaméricaine des droits de l’homme, puis par la décision rendue par la présente Cour le 27 juin 2001 en l’affaire LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique) ; j’ai en outre rappelé que la sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies avait alors, dans une déclaration du 8 août 2002 (et rendue publique le même jour dans un communiqué de presse du haut-commissaire des Nations Unies sur les droits de l’homme), appelé instamment le défendeur en l’affaire LaGrand à surseoir à l’exécution d’un ressortissant mexicain (M. J. S. Medina), «sur la base de l’avis consultatif no 16 de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et de l’arrêt rendu ensuite par la Cour internationale de Justice dans l’affaire LaGrand» ; ibid., p. 10. Enfin, au sujet du caractère pionnier de l’avis consultatif susmentionné de la Cour interaméricaine  comme de sa jurisprudence de l’époque affirmant le caractère obligatoire des mesures conservatoires , voir aussi G. Cohen-Jonathan, «Cour européenne des droits de l’homme et droit international général (2000) », Annuaire français de droit international, vol. 46 (2000), p. 642.
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33. Après tout, la Cour a montré qu’elle avait conscience de ce que les mesures conservatoires qu’elle a indiquées à juste titre dans cette ordonnance (au point 1 du dispositif) visent à sauvegarder les droits de l’Etat comme de la personne concernée (par. 48) au regard du paragraphe 1 de l’article 36 de la convention de Vienne de 1963. Je me félicite donc de ce que la construction jurisprudentielle à cet effet se poursuive. Dans le cadre de leur mission commune de réalisation de la justice, les juridictions internationales contemporaines ont un rôle déterminant à jouer à cet égard.
(Signé) Antônio Augusto CANÇADO TRINDADE.
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Opinion individuelle de M. le juge Cançado Trindade

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