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CR 2017/4

CR 2017/4

Jeudi 9 mars 2017 à 10 heures

Thursday 9 March 2017 at 10 a.m. - 2 -

12 The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open. The Court meets this morning to

hear the second round of oral observations of the Russian Federation on the Request for the

indication of provisional measures submitted by Ukraine. For reasons he has duly made

known to me, Judge Owada is unable to be present on the Bench this morning. I believe

Mr. Wordsworth is to begin the oral argument of the Russian Federation. Mr. Wordsworth,

you have the floor.

M. WORDSWORTH :

A BSENCE DE DROITS PLAUSIBLES

1. M. le Président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’examinerai les thèses soutenues hier

par M. Koh et Mme Cheek aux fins de tenter d’établir que l’Ukraine avait apporté des éléments

plausibles faisant apparaître une violation de la convention internationale pour la répression du

financement du terrorisme (ci-après la «convention contre le financement du terrorisme»).

1. Arguments qui n’ont donné lieu à aucune observation

2. Il me semble utile de passer en revue tout d’abord les arguments que j’ai avancés mardi

dernier et qui n’ont donné lieu à aucune observation.

3. Tout d’abord, la question du critère de plausibilité n’a reçu aucune réponse — mais à

l’évidence, il ne pouvait en aller autrement. Chacun s’accorde à présent à reconnaître que la Cour

ne peut accepter prima facie les faits tels que l’Ukraine les lui a soumis, mais doit être convaincue

d’être en présence d’une argumentation revêtant sur le fond un caractère suffisamment sérieux,

d’autant qu’en l’espèce, des allégations d’une gravité extrême sont formulées .

4. Or, tout ce que l’on nous a dit, c’est que la Russie se livrait à des «contorsions
2
juridiques» . Rien n’est moins vrai. La Russie a simplement renvoyé au critère de plausibilité

établi de longue date et cherché à l’appliquer aux éléments de preuve que l’Ukraine a soumis à la

Cour.

1CR 2017/2, p. 22-23, par. 2-6 (Wordsworth).

2CR 2017/3, p. 14, par. 6 (Koh). - 3 -

5. Deuxièmement, il n’a pas été contesté que, d’après ses propres éléments de preuve,

l’Ukraine porte au moins à part égale la responsabilité des bombardements aveugles qui causent de

13 multiples morts et blessés parmi les civils. Aucun argument n’a été opposé aux nombreuses cartes

ou données du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (ci-après le «HCDH»)

qui montrent que les pertes civiles liées aux tirs d’artillerie aveugles sont en réalité plus élevées du
3
côté de la ligne de front contrôlé par la RPD/RPL .

6. Tout ce que M. Koh a trouvé à dire, c’est que

«[b]ien évidemment, cette question est largement controversée et les faits,
contestés ; les éléments de preuve pertinents seront assurément examinés lorsque
l’affaire atteindra le stade du fond. Cela étant, tout observateur impartial de la
situation en Ukraine orientale sait que les victimes de ces attaques aveugles étaient, à
4
une écrasante majorité, des civils ukrainiens.»

7. En d’autres termes, M. Koh a cherché à éluder complètement la question en renvoyant à

ce que pourrait penser un «observateur impartial» — observateur qui, pour les besoins de la cause,

n’aurait pas eu accès aux documents du HCDH indispensables pour comprendre cette question, ou

n’aurait pas souhaité les lire. Ou peut-être s’agissait-il d’une observation sur la nationalité des

victimes qui m’échappe. Peu importe. Ce qui est essentiel aujourd’hui, c’est qu’il n’est pas

contesté que l’Ukraine porte au moins à part égale la responsabilité des bombardements aveugles

qu’elle cherche à présent à qualifier de terrorisme. Et ce point est capital : il jette un doute profond

sur la qualification actuellement retenue par l’Ukraine, doute que rien de ce qui a été dit n’est

parvenu, si peu que ce fut, à dissiper.

8. Mme Cheek, pour sa part, n’a pas davantage commenté les cartes du HCDH ni les chiffres

des victimes civiles émanant de cet organisme. Quant aux multiples rapports de l’OSCE que nous

avons soumis à la Cour, et qui montrent que les obus ayant provoqué des morts et des blessés

graves dans la zone contrôlée par la RPD/RPL provenaient de zones sous le contrôle des forces

armées ukrainiennes, c’est-à-dire de l’ouest, un seul — celui qui portait sur des tirs d’artillerie qui

ont frappé un trolleybus à Donetsk le 22 janvier 2015, tuant de nombreux civils — a fait l’objet

d’une contestation. Mme Cheek a en effet affirmé à propos de ces tirs que «dans le rapport de

3
CR 2017/2, p. 28-30 , par. 21-22 (Wordsworth).
4 CR 2017/3, p. 16, par. 13 (Koh). - 4 -

situation cité, l’OSCE n’attribu[ait] pas cette attaque d’artillerie aux forces ukrainiennes» . Or, 5

voici ce que dit ce rapport :

«La mission spéciale d’observation, autrement dit les observateurs de l’OSCE
sur le terrain, a examiné deux points d’impact … A 11 heures, elle a effectué une

analyse balistique aux deux points d’impact, et a déterminé que les obus qui avaient
creusé les deux cratères avaient été tirés depuis le nord-ouest. Elle a aussi déterminé
que l’arme ou les armes utilisées étaient très probablement un mortier ou une pièce
6
d’artillerie» .

14 9. Et voici à présent la carte du HCDH correspondant à une période ultérieure en 2015, où

apparaît la ligne de front qui ne s’était pas déplacée, de sorte que l’on voit bien où se trouve le

«nord-ouest» de Donetsk. Que l’OSCE ne fasse pas expressément mention de la présence de

troupes ukrainiennes n’a à l’évidence aucune espèce d’importance : la direction du tir suffit à

épuiser le sujet. Mme Cheek a aussi renvoyé à un article du Guardian indiquant que l’Ukraine,

pour ce que cela vaut, rejette la responsabilité de ce tir, et que le bus était peut-être hors de portée

d’un tir de mortier . Là non plus, nous n’apprenons rien. L’OSCE affirme que le bus a été touché

par un tir de mortier ou d’artillerie.

10. Le point essentiel, en tout état de cause, c’est que Mme Cheek n’avait rien d’autre à dire.

Pas la moindre allusion aux extraits des rapports de l’OSCE figurant sous l’onglet 24 du dossier de

plaidoiries de la Russie, qui montrent que les tirs d’artillerie aveugles ayant frappé des zones

contrôlées par la RPD/RPL provenaient du nord ou de l’ouest, c’est-à-dire de la direction d’où

8
seraient provenus des tirs effectués par les forces armées ukrainiennes . Pas la moindre

contestation de ce que des bombardements aveugles des forces armées ukrainiennes ont fait

plusieurs victimes civiles. En fait, l’Ukraine cherchait simplement à porter cette question jusqu’à

l’examen au fond.

11. Troisième point qui n’a suscité aucune objection: le fait que ni le CICR ni le HCDH, et

pas davantage l’OSCE, n’aient qualifié de terrorisme les tirs d’artillerie aveugles qui sont au cœur

5
CR 2017/3, p. 41, par. 22 (Cheek).
6 «Spot report by the OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM): Shelling incident on Kuprina Street
in Donetsk City» [Rapport ponctuel de la mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine : tirs d’artillerie sur la
rue Kuprina à Donetsk] (22 janvier 2015).

7CR 2017/3, p. 41, par. 22 (Cheek).
8
CR 2017/2, p. 28, par. 21 a) (Wordsworth). - 5 -

9
de la demande d’indication en mesures conservatoires de l’Ukraine . Tout ce que l’Ukraine, par le

truchement de Mme Cheek, a su nous dire, c’est que :

«[c]eci étant, si l’Ukraine cite ces documents, c’est simplement pour démontrer
que les événements qu’elle invoque se sont effectivement produits ; le point de savoir
s’il s’agit d’actes de terrorisme au regard de la convention est une appréciation d’ordre
juridique qui dépasse le mandat desdits organismes, mais pas celui de la Cour.» 10

12. Deux observations s’imposent ici.

13. Premièrement, si Mme Cheek cite les documents du HCDH et d’autres organismes

simplement pour démontrer que des faits «se sont effectivement produits», cela signifie que

l’Ukraine reconnaît, comme elle y est contrainte pour servir ses objectifs, que les nombreux

bombardements aveugles dont elle est l’auteur et qui ont été recensés par le HCDH se sont

effectivement produits. On pourrait, par exemple, évoquer les multiples victimes civiles causées

15 par le bombardement du poste de contrôle à Olenivka le 27 avril 2016, au sujet duquel Mme Cheek

est restée muette hier, alors que le HCDH a constaté que les obus de mortier avaient été tirés de

l’ouest, ce qui indique que les forces armées ukrainiennes en sont responsables . 11

14. Deuxièmement, Mme Cheek se fourvoie de toute façon. Il ne fait aucun doute que le

HCDH et le CICR en particulier procèdent à la qualification des actes commis au cours du conflit

armé compte dûment tenu du cadre juridique applicable ; ils décrivent des actes et formulent des

recommandations en conséquence. Et si ces qualifications ne sont pas juridiquement

contraignantes, elles reflètent néanmoins bel et bien ce que ces organisations constatent sur le

terrain. Si, en particulier, le CICR considérait que ces événements étaient assimilables à des actes

de terreur, on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il l’ait dit.

2. Cadre juridique de l’application du critère de plausibilité dans la présente espèce

15. Passons à présent au cadre juridique au regard duquel la plausibilité doit être appréciée.

16. En premier lieu , il a été affirmé hier  à plusieurs reprises  que, selon la Russie, dès

lors qu’un conflit armé est en cours, la convention contre le financement du terrorisme ne saurait

s’appliquer. Ainsi de M. Koh soutenant que j’avais prétendu, au premier tour, qu’en temps de

9
CR 2017/2, p. 26-27, par. 16-19 (Wordsworth).
10CR 2017/3, p. 37-38, par. 9 (Cheek).

11CR 2017/2, p. 29, par. 21 c) et p. 31, par. 28 (Wordsworth). - 6 -

conflit armé, le droit international humanitaire était «le seul «corpus juridique [qui] interdit de

répandre la terreur parmi la population civile»» . En réalité, vous voyez sur l’extrait à l’écran que

je n’ai rien dit de tel, me contentant de relever que le HCDH et le CICR observent le conflit à

travers le prisme du droit international humanitaire . 13

14
17. Mme Cheek a procédé de la même manière avec un autre de nos arguments . J’ai

invoqué le litt. b) du paragraphe 1 de l’article 2 et l’article 21 de la convention contre le

financement du terrorisme pour bien montrer que les termes employés dans cet instrument pour

définir l’infraction de terrorisme diffèrent sensiblement de ceux que l’on trouve au paragraphe 2 de

l’article 51 du protocole additionnel I aux conventions de Genève et au paragraphe 2 de l’article 13

du protocole additionnel II aux conventions de Genève et non, à l’évidence, pour faire valoir que la

convention contre le financement du terrorisme ne pourrait pas s’appliquer dès lors que les

dispositions du droit international humanitaire le feraient . La Russie n’a pas pris position quant à

l’éventuelle applicabilité de la convention contre le financement du terrorisme en temps de conflit

armé, et il est révélateur que l’Ukraine en soit réduite à perdre en arguties un temps pourtant

16 compté, au lieu de chercher à contester les arguments qui ont été effectivement avancés.

18. Cela m’amène au paragraphe 1 de l’article 2 de la convention contre le financement du

terrorisme, dont les termes précis ont donné lieu hier à quelque débat — il semble néanmoins qu’en

dernière analyse, il a été admis que le libellé de ce paragraphe est différent et à certains égards plus

strict que celui du paragraphe 2 de l’article 51 du protocole additionnel I et celui du paragraphe 2

de l’article 13 du protocole additionnel II, dans la mesure où il requiert l’intention, d’une part, de

tuer ou de blesser grièvement un civil, et, d’autre part, de viser à intimider une population ou à

contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir

d’accomplir un acte quelconque . 16 Mme Cheek a d’ailleurs renvoyé plusieurs fois audit

17
paragraphe en indiquant qu’il exigeait que l’acte eût un «objectif» , ce qui, soit dit en passant,

12
CR 2017/3, p. 15, par. 10 (Koh). Voir aussi p. 16, par. 12: «Mais là encore, il présente la situation sous un faux
jour en insinuant que conflit armé et actes de terrorisme ne peuvent coexister».
13CR 2017/2, p. 26, par. 16 (Wordsworth).

14СR 2017/3, p. 36, par. 4 (Cheek).
15
CR 2017/2, p. 24, par. 9 (Wordsworth).
16
Ibid.
17CR 2017/3, p. 38, par. 10 et p. 40, par. 19 (Cheek). - 7 -

n’est guère compatible avec la position qu’elle défend par ailleurs, à savoir qu’il convient de mettre

l’accent sur les «termes mêmes» de la Convention . 18

19. De fait, Mme Cheek ne s’est nullement fondée sur les termes mêmes du paragraphe 1 de

l’article 2 de la convention : elle a au contraire fait appel à différentes sources de droit, peut-être

pour y noyer la définition précise d’un acte de terrorisme qui est énoncée. Elle a ainsi porté une

attention particulière à la thèse qui veut que «l’intention» englobe la notion de «dol éventuel» . 19

Or, l’existence de l’intention spécifique de tuer ou de blesser grièvement des civils n’est que la

première des deux conditions indépendantes figurant dans la définition d’un acte de terrorisme

énoncée au paragraphe 1 de l’article 2 de la convention. Et on ne nous a pratiquement rien dit, hier,

à propos de la deuxième condition, essentielle, qui porte sur ce à quoi vise précisément l’acte

allégué.

20. Par exemple, la définition de l’intention dans le Statut de Rome a été invoquée, mais cela

20
ne sert guère l’Ukraine . Le Statut de Rome n’a en effet absolument aucune pertinence en ce qui

concerne la condition de visée spécifique relative au terrorisme : il ne contient aucune référence à

la terreur, les infractions de terrorisme ayant été délibérément exclues de la compétence de la Cour

pénale internationale. Si bien qu’en aucun cas, cet instrument ne vient «tout naturellement à

l’esprit», comme on vous l’a affirmé indûment hier . 21

22
17 21. Passons à présent, si vous le permettez, à l’affaire Galić , dont il a été dit qu’elle était

«fort instructive» et qu’elle avait trait à une campagne de tirs d’artillerie et de bombardements au

23
mortier contre des zones civiles «ce qui n’[était] pas sans rappeler ce que l’Ukraine a[vait] subi» .

Il s’agit là d’une déclaration très inquiétante, qui porte à croire que l’Ukraine ne souhaite nullement

brosser un tableau fidèle des événements sur lesquels elle fonde sa demande.

22. L’affaire Galić, comme chacun sait, portait sur le siège de Sarajevo. Les tirs isolés et les

bombardements dont il était question ont duré 44 mois (selon l’acte d’accusation) ; il s’agissait

18
CR 2017/3, p. 36-37, par. 5-6 (Cheek).
19Ibid., p. 38-40, par. 13-18 (Cheek).

20Ibid., p. 38-39, par. 13 (Cheek).
21
Ibid., p. 39, par. 13 (Cheek).
22Le Procureur c. Stanislav Galić, affaire n° IT-98-29-T, jugement et opinion (5 décembre 2003) ; Le Procureur

c. Stanislav Galić, affaire n° IT-98-29-A, arrêt (30 novembre 2006).
23CR 2017/3, p. 39, par. 15 (Cheek). - 8 -

d’une campagne ininterrompue qui s’est caractérisée par des milliers et des milliers d’actes

individuels de bombardement et de tirs embusqués contre des civils, partout dans une même ville,

comme l’illustre notamment le paragraphe 584 de l’arrêt de la chambre de première instance:

«Tous les habitants des quartiers de Sarajevo tenus par l’ABiH qui ont comparu
devant la Chambre de première instance ont déclaré qu’aucune activité civile et aucun
quartier de Sarajevo aux mains de l’ABiH ne semblaient être à l’abri des tirs isolés et

des bombardements provenant des secteurs tenus par le SRK. La Majorité a entendu
des témoignages fiables selon lesquels les civils étaient pris pour cibles pendant les
enterrements, dans les ambulances, à l’hôpital, dans le tramway ou l’autobus, en
voiture ou à bicyclette, à leur domicile alors qu’ils s’occupaient de leur jardin ou du
feu, ou quand ils enlevaient les ordures en ville.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Il semblerait que les quartiers les plus densément peuplés de Sarajevo étaient
particulièrement exposés aux bombardements indiscriminés ou aveugles.

Ismet Hadžić a indiqué dans son témoignage que tout le quart24r populeux de Dobrinja
avait été pilonné depuis le territoire contrôlé par le SRK.»

23. Cela appelle deux observations.

24. Premièrement, et fort heureusement, cette situation est «sans rappeler ce que l’Ukraine a

subi». L’Ukraine a fait état de quatre cas isolés de bombardements prétendument aveugles à

Marioupol, à Kramatorsk, à Volnovahka et à Avdiivka, dans chacun desquels il apparaît bel et bien

qu’il existait une cible militaire — j’y reviendrai sous peu.

25. Deuxièmement, les passages des décisions des chambres de première instance et d’appel

auxquels Mme Cheek a renvoyé hier ne portaient pas sur des actes aveugles ni sur le fait de

répandre la terreur, mais sur des infractions tout à fait différentes, à savoir des attaques directes

contre des civils . Ainsi, au paragraphe 132 de son arrêt, mentionné par Mme Cheek, la chambre

d’appel a dit que «[l]a Chambre de première instance avait en principe le droit de décider au cas par

18 cas que le caractère indiscriminé d’une attaque pouvait lui permettre de déterminer si celle-ci était

dirigée contre la population civile» .6

26. Indépendamment, bien sûr, du fait de répandre la terreur, le droit international

humanitaire interdit de commettre intentionnellement des actes visant à «soumettre la population

civile ou des personnes civiles à une attaque», comme énoncé à l’article 85 du protocole

24
Le Procureur c. Stanislav Galić, affaire n° IT-98-29-T, jugement et opinion (5 décembre 2003), par. [584].
25CR 2017/3, p. 39, par. 15 (Cheek).

26Le Procureur c. Stanislav Galić, affaire n° IT-98-29-A, arrêt (30 novembre 2006), par. 132. - 9 -

additionnel I aux conventions de Genève. Et c’est dans ce contexte singulièrement différent que la

chambre d’appel, souscrivant aux constatations faites en première instance, a estimé que la notion

d’intention coupable recouvrait celle du dol éventuel — terme toutefois absent de la partie de

28
l’arrêt portant sur l’infraction distincte qui consiste à répandre la terreur .

27. De fait, l’on vous a renvoyé à des passages de l’affaire Galić qui, dans le meilleur des

cas, pourraient avoir un rapport uniquement avec le premier membre de phrase du paragraphe 1 de

l’article 2 de la convention contre le financement du terrorisme, à savoir un acte destiné à tuer ou à

blesser grièvement un civil. Quant à la référence aux attaques aveugles dans le contexte de

l’examen par la chambre d’appel des infractions en relation avec le fait de répandre la terreur, on

n’en a pas fait état devant vous, probablement parce que ladite chambre souligne que «ce qui

importe c’est que ces actes ou menaces de violence soient commis avec l’intention spécifique de

répandre la terreur parmi la population civile» . 29

28. Rien ne porte à croire que le dol éventuel suffirait à établir cette «intention spécifique».

Et, à l’évidence, nul ne s’attend à ce qu’il en aille autrement. Si le dol éventuel suffisait à établir

l’intention de tuer et de blesser des civils, et pareillement, l’objectif de répandre la terreur,

l’interdiction distincte des bombardements aveugles se muerait progressivement en interdiction

spécifique de répandre la terreur.

29. Partant — et c’est bien pourquoi nous avons renvoyé aux affaires Galić et Dragomir

Milošević 30 au premier tour — les décisions rendues par le Tribunal pénal international pour

l’ex-Yougoslavie (TPIY) démontrent que l’interdiction de procéder à des bombardements aveugles

et celle de répandre la terreur, qui sont juridiquement distinctes, ne sauraient être confondues.

30. L’affaire Gotovina, dont le TPIY a également eu à connaître, est elle aussi utile aux fins

spécifiques des mesures conservatoires. Elle portait sur «une attaque d’artillerie massive contre

19
Knin» et des bombardements «dirigés contre des cibles civiles» dans diverses autres villes et

27 Le Procureur c. Stanislav Galić, affaire n° IT-98-29-A, arrêt (30 novembre 2006), par. 140; Le Procureur

c. Stanislav Galić, affaire n° IT-98-29-T, jugement et opinion (5 décembre 2003), par. 54.
28 Voir Le Procureur c. Stanislav Galić, affaire n° IT-98-29-A, arrêt (30 novembre 2006), par. 79-109.
29
Ibid., par. 102.
30 o
Le Procureur c. Dragomir Milošević, affaire n °IT-98-29/1-A, arrêt (12 novembre 2009). - 10 -

31
villages par les forces armées croates en août 1995 . Alors que M. Gotovina était accusé du chef

de persécution pour des raisons politiques, raciales et religieuses ainsi que de divers autres chefs, le

procureur n’a pas retenu contre lui celui de répandre la terreur. Et ce fait est très important au

regard de ce qui nous occupe aujourd’hui, car le critère appliqué par le procureur du TPIY pour

établir un acte d’accusation est proche de celui de la plausibilité. Aux termes de l’article 47 B) du

règlement de procédure et de preuve du TPIY, en effet, il faut qu’il «existe des éléments de preuve

suffisants pour soutenir raisonnablement qu’un suspect a commis une infraction relevant de la

compétence du Tribunal» . 32

31. Il découle de la décision du procureur de ne pas retenir contre M. Gotovina le chef de

répandre la terreur que ces bombardements aveugles — d’une ampleur semble-t-il bien supérieure

à ceux que l’Ukraine a évoqués devant vous — n’ont pas été considérés comme des actes de

terrorisme, alors même que les éléments de preuve existants suffisaient à donner des motifs

raisonnables de le croire. Et, comme la Cour l’a récemment confirmé en l’affaire de l’Application

de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), le

fait que certains actes n’aient pas été poursuivis devant le TPIY en tant qu’infractions spécifiques

33
revêt une importance juridique particulière .

32. Quant à la décision rendue par la cour de cassation italienne en l’affaire Abdelaziz , il 34

s’agissait de savoir si l’accusé était fondé à affirmer que, «dans une situation de conflit armé, les

actions suicides dites kamikazes ne sauraient être considérées comme des actes de terrorisme

lorsqu’elles sont commises contre des objectifs militaires, même si elles causent de graves

dommages et répandent la peur parmi la population civile» . Le contexte est absolument différent

et, de toute façon, la Russie ne considère pas que la simple présence d’un objectif militaire suffise

toujours à trancher la question de savoir si une attaque donnée peut constituer un acte de

31Le Procureur c. Ante Gotovina, affaire n°IT-01-45-I, acte d’accusation (21 mai 2001), par. 43-44.
32
Règlement de procédure et de preuve du TPIY, IT/32/Rev.50, La Haye (8 juillet 2015), article 47 B).
33
Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (I), p. 75, par. 187.
34 Italy v. Abdelaziz and ors, arrêt n° 1072, 2007, Guida al Diritto, vol. 17, p. 90, ILDC 559 (IT 2007)

(17 janvier 2007), Cour suprême de cassation, première chambre correctionnelle. Voir CR 2017/3, p. 39-40, par. 16-18.
35Ibid., par. 4.1. - 11 -

terrorisme. Ainsi, l’existence de certains objectifs militaires à Sarajevo n’a pas empêché que la

campagne de bombardements incessants constitue un acte de terreur.

33. La question qu’induit le litt. b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la convention contre le
20

financement du terrorisme est celle de savoir s’il y avait intention de tuer ou de blesser des civils à

des fins d’intimidation ou de contrainte. Cela étant, le raisonnement tenu par la juridiction

italienne à cet égard pose un réel problème. S’agissant du deuxième élément crucial de ce critère,

c’est-à-dire les fins visées, la cour de cassation italienne a en effet jugé qu’

«une action contre un objectif militaire [devait] également être considérée comme un

acte de terrorisme si les circonstances particulières montr[ai]ent au-delà de tout doute
raisonnable qu’il [était] inévitable qu’un grave préjudice soit causé à la vie et à
l’intégrité de civils, tout en semant la peur et la panique parmi la population locale» . 36

34. Ce raisonnement ne tient pas compte de l’intégralité du litt. b) du paragraphe 1 de

l’article 2 de la convention, outre qu’il est incompatible avec l’idée largement partagée que la peur

qui naît naturellement parmi les civils pendant les hostilités armées doit être distinguée du fait de

répandre la terreur. Comme elle l’a expliqué en l’affaire Milošević,

«[l]a Chambre de première instance [du TPIY] rappelle en outre que le crime de
terrorisation recouvre uniquement les actes ou menaces de violence qui ont
spécifiquement pour but de répandre la terreur parmi la population civile. Il faut

démontrer que la terreur va au-delà de la peur qui est seulement l’effet accessoire des
opérations menées par des forces armées au cours d’un conflit armé … La Chambre
observe que, dans la quasi-totalité des conflits armés, la population civile est exposée
à un certain niveau de peur et d’intimidation, dont l’intensité augmente en fonction de
la proximité du théâtre des opérations. Cela est particulièrement vrai lorsque le conflit

se déroule dans un milieu urbain, où même des attaques licites contre des combattants
peuvent provoquer une peur et une intimidation intenses au sein de la population
civile ; cependant, l’intention de susciter la peur au-delà de ce niveau doit être établie
pour que le crime de terrorisation soit constitué». 37

38
35. Je vous l’ai dit mardi , et j’y reviendrai sous peu : dans chacun des quatre cas isolés de

prétendus bombardements aveugles — à Marioupol, à Volnovakha, à Kramatorsk et à présent à

Avdiivka —, il semble qu’il y ait eu une certaine forme d’objectif militaire. La présence de tels

objectifs militaires est un facteur pertinent pour apprécier si l’Ukraine a démontré, comme elle est

tenue de le faire, la plausibilité de l’existence de l’intention spécifique et de la visée spécifique

36
Italy v. Abdelaziz and ors, arrêt n° 1072, 2007, Guida al Diritto, vol. 17, p. 90, ILDC 559 (IT 2007)
(17 janvier 2007), Cour suprême de cassation, première chambre correctionnelle, par. 4.1.
37Le Procureur c. Dragomir Milošević, affaire n°IT-98-29/1-T, jugement (12 décembre 2007), par. 888.

38CR 2017/2, p. 31, par. 27-30 (Wordsworth). - 12 -

prévues par le paragraphe 1 de l’article 2 de la convention. Et ce, d’autant plus que l’Ukraine

affirme que ces éléments doivent tous deux être inférés du caractère prétendument aveugle des

bombardements. A cet égard, la Cour se rappellera qu’elle considère généralement que, lorsqu’il

21 n’existe pas de preuve directe qu’ont été commis des actes prohibés assortis de l’élément subjectif

requis, il faut, pour déduire l’existence de cette intention d’une ligne de conduite, que cette

conclusion soit la seule à laquelle l’on puisse raisonnablement parvenir au vu des actes en cause . 39

36. Mme Cheek a aussi renvoyé à un passage de la décision rendue par le tribunal spécial

pour le Liban (STL) en l’affaire Ayyash . Elle entendait par là confirmer que la convention contre

le financement du terrorisme «n’est pas une règle plus «stricte», mais simplement une règle

différente», le droit international humanitaire ne prévoyant pas d’interdiction du financement du

41
terrorisme . On peine vraiment à voir ce qu’apporte cette observation, puisqu’il ressort clairement

du libellé même du paragraphe 1 de l’article 2, et bien évidemment du titre de la convention, qu’il

n’est question que de ce financement.

3. Faits particuliers invoqués

37. Je reviens une fois encore aux faits particuliers invoqués pour démontrer l’existence

plausible d’une violation du paragraphe 1 de l’article 2 de la convention.

38. Premièrement, Volnovakha et Marioupol : Mme Cheek n’a pas répondu à la remarque

42
que j’avais faite , à savoir que l’autobus a été touché à Volnovakha alors qu’il était arrêté à un

43
poste de contrôle de l’armée ukrainienne  vous voyez à présent à l’écran la déclaration de

l’OSCE  et que, malheureusement, toutes les parties, y compris l’Ukraine, semblaient considérer

39
Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (I), p. 67, par. 148.
40
Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n°STL-11-01, Décision préjudicielle sur le droit applicable:
terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications, Tribunal spécial pour le Liban (16 février 2011),
p. 70-71, par. 108.
41
CR 2017/3, p. 37, par. 8 (Cheek).
42CR 2017/2, p. 31, par. 28 (Wordsworth).

43Spot report by the OSCE Special Monitoring Mission (SMM) to Ukraine (14 January 2015): 12 civilians killed
and 17 wounded when a rocket exploded close to a civilian bus near Volnovakha, Kyiv (14 Jan. 2015) [Rapport ponctuel
de la mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine, 14 janvier 2015 : 12 civils tués et 17 blessés lors de
l’explosion d’une roquette à côté d’un autobus transportant des civils près de Volnovakha, Kiev (14 janvier 2015)]. - 13 -

44
les postes de contrôle militaire comme des cibles . Mme Cheek a émis l’hypothèse qu’une telle

attaque pouvait s’inscrire dans le cadre d’une campagne visant à arracher des concessions

politiques, mais pas un seul document  émanant du HCDH, de l’OSCE ou, bien sûr, de n’importe

quel organisme d’information, ukrainien ou non, ou de toute autre source  n’a été présenté à

l’appui de cette thèse . 45 Il me semble que la même hypothèse a été avancée à propos des

46
22 événements à Marioupol . A aucun moment, en revanche, il n’a été indiqué que l’OSCE avait

jugé approprié de consigner à deux reprises dans son rapport ponctuel que les faits s’étaient

produits à 400 mètres environ d’un poste de contrôle des forces armées ukrainiennes . 47

39. Au lieu de cela, mention a été faite d’une déclaration dans laquelle le secrétaire général

adjoint aux affaires politiques de l’Organisation des Nations Unies indiquait que Marioupol avait

été sciemment prise pour cible . Le secrétaire général adjoint n’a cependant pas laissé entendre

qu’il y avait eu acte de terrorisme et, bien évidemment, le Secrétaire général avait pour sa part

qualifié l’événement de pilonnage «aveugle» . 49

40. Deuxièmement, Kramatorsk : il a été dit à ce propos que je me fourvoyais lorsque j’ai

déclaré que les roquettes tirées s’étaient abattues dans un périmètre de 200 à 300 mètres autour

d’un camp militaire ukrainien, situé dans la rue Lénine . Eh bien, voici ce que dit l’OSCE dans le

rapport ponctuel auquel je faisais référence :

«Le 10 février, à 11 h 51, la mission spéciale d’observation de l’OSCE a
entendu une forte explosion à Kramatorsk…Depuis sa position, au n 41 du boulevard

du même nom, la mission spéciale d’observation a estimé que le bruit situait
l’explosion à environ 1,5 km au sud-est, près de l’aéroport de la ville (où les autorités
ukrainiennes avaient installé une base d’«opération antiterroriste»).»

44Voir, par exemple, HCDH, «Report on the human rights situation in Ukraine, 16 February to 15 May 2016»
[rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine, 16 février au 15 mai 2016], par. 20. Voir également Spot

Report by the OSCE SMM to Ukraine: Shelling in Olenivka, Kyiv, 28 April 2016 [Rapport ponctuel de la mission
spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine : tirs d’artilleries à Olenivka, Kiev (28 avril 2016)].
45CR 2017/3, p. 40-41, par. 20 (Cheek).

46Ibid., p. 41, par. 21 (Cheek).

47 Spot report by the OSCE SMM to Ukraine, 24 January 2015: Shelling Incident on Olimpiiska Street in
Mariupol, Mariupol, 24 Jan. 2015 [Rapport ponctuel de la mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine
(24 janvier 2015) : tirs de roquettes sur la rue Olimpiiska à Marioupol (24 janvier 2015)].

48 CR 2017/3, p. 38, par. 12 (Cheek), citant les Documents officiels du Conseil de sécurité, 7368 séance,
Nations Unies doc. S/PV.7368 (26 janvier 2015) (documents à l’appui de la demande en indication de mesures
conservatoires de l’Ukraine (annexe 4)).

49 Déclaration sur l’Ukraine du porte-parole du Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon,
attribuable à ce dernier (24 janvier 2015) (documents à l’appui…(annexe 1)).

50CR 2017/3, p. 41, par. 21 (Cheek). - 14 -

Il s’agit de la base dont Mme Cheek a parlé. Il est ensuite fait mention dans ce rapport

d’explosions à proximité du boulevard Kramatorsk. Mais le rapport se poursuit et il y est alors

question de la rue Lénine, dans laquelle «[l]a mission spéciale d’observation a repéré un second

ensemble de projectiles qui n’avait pas explosé … et qui avait atterri derrière la maison, côté

o
cour,…[précision sur le site] …se trouvant à 2,5 km au nord-est du n 50 du boulevard

Kramatorsk.» Puis, à «12 h 45, à l’entrée d’un camp militaire ukrainien, dans la rue Lénine, la

mission spéciale d’observation a vu un membre des forces armées ukrainiennes en uniforme étendu

51
sur le sol, immobile.» En parlant d’un périmètre de 200 à 300 mètres autour d’un camp militaire

ukrainien, je faisais référence  comme cela ressortait clairement de mes propos  aux tirs

d’artilleries dans la rue Lénine ou à proximité de celle-ci.

41. Il sied peut-être à l’Ukraine de ne faire état que de sa base de l’aéroport, à l’exclusion de

son camp militaire situé à l’intérieur de la ville, mais elle ne saurait faire tout simplement fi de

l’existence de ce dernier.

23 42. Je passe à présent aux événements qui se sont déroulés récemment à Avdiivka. J’ai fait

observer mardi, et personne ne m’avait encore répondu hier, que ces événements s’étaient produits

dans l’ordre suivant : 1) l’Ukraine a d’abord déplacé des chars vers des quartiers résidentiels

d’Adviivka, en violation des lignes de retrait convenues ; 2) des groupes armés de la RPD et la

52
RPL ont ensuite pilonné ces quartiers . M. Koh a dit que le fait que la Russie se focalisât sur des

photographies montrant des chars ukrainiens «en train de défendre» la ville «ne manquait pas

d’ironie» . Ce faisant, il se dispensait de tenir compte de la chronologie des événements, telle

qu’elle ressort des rapports de l’OSCE et des informations de la BBC, et des violations par

l’Ukraine des lignes de retrait, que l’OSCE a mentionnées à de multiples reprises.

43. La situation à Adviivka a été qualifiée hier de situation d’extrême urgence.

Curieusement, ce n’est pas vraiment la situation actuelle que l’on a vous présentée, mais celle du

51 Spot report by the OSCE SMM to Ukraine: Shelling in Kramatorsk, 10 February 2015, Kramatorsk,
10 Feb. 2015 [Rapport ponctuel de la mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine : tirs d’artillerie sur
Kramatorsk (10 février 2015)].

52CR 2017/2, p. 32-33, par. 32-33 (Wordsworth).
53
CR 2017/3, p. 17, par. 14 (Koh). - 15 -

début du mois de février, lorsque ces faits se sont produits et que la mesure requise d’urgence était

le retrait par l’Ukraine de ses forces armées des quartiers résidentiels d’Adviivka.

44. Mme Cheek s’est contentée de dire que la vidéo de la BBC que nous vous avons montrée

ne faisait pas formellement partie du dossier , mais cet argument est difficilement recevable. Ce

n’est en effet qu’à l’audience de lundi que la Russie a appris que l’Ukraine arguait des événements

qui se sont produits à Adviivka , et elle a répondu en conséquence en s’efforçant de vous présenter

des éléments fiables  émanant de l’OSCE et de la BBC  montrant les faits, notamment la

chronologie pertinente. Il est donc regrettable, mais révélateur, que l’Ukraine s’emploie à vous

décourager d’examiner ces éléments.

4. Résolution 2202 (2015) du Conseil de sécurité

45. Je voudrais revenir à présent sur la résolution 2202 (2015) et sur l’approbation par le

Conseil de sécurité des dispositions relatives à l’amnistie et à la grâce figurant dans l’ensemble de

mesures adopté à Minsk. Ces dispositions revêtent une importance manifeste s’agissant de la

question de savoir si les tirs d’artillerie aveugles dont fait état l’Ukraine peuvent plausiblement être

qualifiés d’actes de terrorisme. Seul M. Koh a traité cette question, en ces termes :

«l’Ukraine n’a pas accepté une telle amnistie, laquelle était de toute façon exclue
s’agissant des violations graves. Il n’a assurément jamais été accepté d’amnistie

24 visant à empêcher que des poursuites soient exercées contre ceux qui ont abattu 56
l’avion assurant le vol MH17 ou d’autres auteurs d’actes de terrorisme odieux.» .

46. Permettez-moi de faire quelques observations à ce sujet.

47. Premièrement, si j’ai renvoyé à la résolution 2202, c’est uniquement dans le contexte de

la thèse de l’Ukraine, selon qui les pilonnages aveugles qui auraient touché notamment

Kramatorsk, Volnovakha et Marioupol, doivent être assimilés à des actes de terrorisme . Ces 57

événements sont antérieurs à la résolution 2202 et il va sans dire que tous les auteurs de celle-ci les

auront eu à l’esprit. Je n’ai pas renvoyé à cette résolution à propos du vol MH17, pour lequel elle

ne présente aucun intérêt.

54
CR 2017/3, p. 49, par.46 (Cheek).
55CR 2017/1, p. 22, par.7 (Zerkal).

56CR 2017/3, p. 17, par. 15 (Koh).
57
CR 2017/2, p. 30-31, par. 24-26 (Wordsworth). - 16 -

48. A cet égard, dans le préambule de sa résolution 2202, le Conseil de sécurité réaffirme

expressément sa résolution 2166 (2014), dans laquelle il avait exigé que les responsables de la

destruction de l’avion assurant le vol MH17 soient contraints à répondre de leurs actes. Très

logiquement, il ressort sans équivoque du procès-verbal de la séance que les auteurs de la

résolution 2202 ne visaient pas le vol MH17. Tels sont les propos tenus notamment par le

représentant du Royaume-Uni :

«La résolution que nous avons adoptée aujourd’hui est une réaffirmation de la
résolution 2166 (2014) sur la destruction de l’avion assurant le vol MH17 de la
Malaysia Airlines, dans laquelle le Conseil exigeait que les responsables répondent de
leurs actes et que tous les Etats s’associent pleinement aux efforts déployés pour
établir les responsabilités. Je tiens à être clair sur le fait que l’amnistie prévue dans

l’ensemble des mesu58s de Minsk ne s’applique pas à ceux qui seront convaincus de
ce terrible crime.»

49. J’en viens ainsi à ma seconde observation. Rien d’autre n’a été dit. Il n’a été suggéré

nulle part qu’un autre élément devait être exclu du champ d’application de la résolution. Et c’est là

le point crucial. Il est en effet inconcevable que le Conseil de sécurité ait donné son aval à une

amnistie couvrant des pilonnages aveugles qui auraient eu lieu au cours des mois précédant

immédiatement l’adoption de cette résolution, en réalité dans les semaines qui l’ont immédiatement

précédée  à Kramatorsk, à Volnovakha et à Marioupol, mais également des actes analogues dont

les forces armées ukrainiennes auraient été responsables, tel que les tirs d’artillerie de la rue

Kuprina à Donetsk  si ces actes avaient été considérés comme des actes de terrorisme ou auraient

plausiblement pu être considérés comme tels.

50. M. Koh a affirmé que l’Ukraine n’avait pas accepté une telle amnistie . Or, cette

affirmation n’est étayée par aucun élément de preuve : l’Ukraine n’a fait aucune déclaration en ce

25 sens, que ce soit à l’époque où l’ensemble de mesures a été convenu à Minsk ou devant le Conseil

de sécurité. L’ensemble de mesures veut bien dire ce qu’il dit, à savoir qu’il a été accepté par

l’Ukraine ; il ne saurait être à présent remanié pour épouser étroitement la forme que celle-ci

souhaite aujourd’hui donner à ses prétentions juridiques.

51. Ce qui est clair, c’est que l’ensemble de mesures adoptées à Minsk et l’aval que leur a

donné le Conseil de sécurité confirment la conclusion qu’il est possible de tirer sans risque d’un

58
S/PV.7384 (17 février 2015), p. 3. Voir également la déclaration du représentant de la Nouvelle-Zélande, p. 7.
59CR 2017/3, p. 17, par. 15 (Koh). - 17 -

examen plus détaillé des actes allégués de pilonnage aveugle, à présent qualifiés d’actes de

terrorisme par la seule Ukraine : l’hypothèse du terrorisme n’est en l’espèce pas plausible.

52. M. Koh s’est efforcé de faire valoir que l’élément déterminant résidait dans la prétendue

60
existence de preuves montrant que la Russie avait fourni des armes à la RPD et à la RPL . Cela

me conduit à faire deux remarques.

53. Premièrement, la Russie conteste cette affirmation et souligne le manque de fiabilité des

éléments de preuve soumis par l’Ukraine. L’éminent agent de la Russie reviendra brièvement sur

ce point un peu plus tard.

54. Deuxièmement, M. Koh a fait l’impasse sur la question fondamentale de ces audiences.

Comme nous l’avons dit au premier tour, des éléments à caractère uniquement général relatifs à la

fourniture d’armes dans le cadre d’un conflit armé en cours ne sauraient être d’aucune assistance à

la Cour, car ils ne démontrent en rien que la condition de l’article 2 — que la source des fonds sait

qu’ils seront utilisés précisément pour commettre des actes de terrorisme ou a l’intention de les voir

utilisés à cette fin — est remplie.

5. Elément de la connaissance

55. J’en viens maintenant à cette question de l’élément de la connaissance ou de l’intention,

dont l’Ukraine doit également démontrer la plausibilité de l’existence. Ici, vous êtes invités à relier

artificiellement entre eux de prétendus faits. On vous présente un document qui, vous dit-on,

montre que des fonds ont été fournis à la RPD ou à la RPL, et vous êtes priés d’en inférer que la

source de ces fonds savait qu’ils seraient utilisés, en tout ou partie, pour commettre des actes de

terrorisme ou avait l’intention de les voir utilisés à cette fin. Lundi dernier, l’Ukraine a projeté sur

vos écrans une lettre dans laquelle le dirigeant de la RPL remerciait le député russe

Sergueï Mironov de son assistance, avant d’affirmer que ce document constituait une preuve de

61
financement d’acte de terrorisme . Or, l’on ne peut parvenir à cette conclusion que si l’on ajoute

foi aux propos  non étayés  de l’Ukraine, selon qui la RPL commet des actes de terrorisme,

60CR 2017/3, p. 14, par. 7 (Koh).

61CR 2017/1, p. 47, par. 47 (Cheek). - 18 -

26 motif pris de ce que celle-ci se serait livrée à des actes de pilonnage aveugle, actes dont l’Ukraine,

d’après ses propres éléments de preuve, porte au moins à part égale la responsabilité.

56. Hier, il a été fait référence aux «preuves très solides que l’Ukraine a produites et qui

démontrent que la Russie savait à quel type d’activités la RPD et les groupes similaires se

livreraient avec le soutien qu’elle leur apportait» , mais  une fois de plus  le seul document

cité à l’appui de cette affirmation était le rapport du HCDH du 15 juin 2014. Or, ce document

unique fait état d’allégations qui ne sont pas celles visées par la présente demande en indication de

mesures conservatoires, et ne font pas non plus partie des griefs spécifiques de violations de la

convention contre le financement du terrorisme que l’Ukraine formule à la section IV de sa requête.

Le passage invoqué porte sur des cas d’enlèvement et de détention ; il est sans rapport aucun avec

les tirs d’artillerie aveugles ou toute autre forme de prétendus agissements terroristes mis en avant

dans la demande. Comment, dès lors, était-il censé attester qu’était connue l’intention de

commettre des actes de terrorisme entrant dans le champ de la requête ? Des actes auxquels,

rappelons-le, l’Ukraine est par ailleurs convenue d’appliquer une mesure de grâce et d’amnistie,

avalisée par le Conseil de sécurité… Du reste, l’Ukraine n’a pas même pris la peine de répondre à

la question, pourtant incontournable, de savoir en quoi les actes d’enlèvement ou de détention

allégués seraient constitutifs d’actes destinés à tuer ou à blesser grièvement, seuls à entrer dans le

champ d’application de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2 de la convention.

57. En ce qui concerne Kharkov, l’Ukraine n’est pas revenue sur l’argument que j’avais

développé quant à la faiblesse des éléments dont elle se prévaut pour avancer que le prétendu

financement apporté par la Russie ou par ses ressortissants l’aurait été en connaissance de cause, au

64
sens de la convention . En outre, l’attentat à la bombe perpétré le 29 février 2015 n’a été évoqué

par l’Ukraine dans sa correspondance diplomatique que le 15 septembre 2015. La Russie a par la

suite confirmé qu’elle «souhaitait recevoir de la Partie ukrainienne les documents concrets

contenant les éléments de preuve qui étayaient ses déclarations». Cependant, et bien que la

62
CR 2017/3, p. 44, par. [28] (Cheek).
63HCDH, «Report on the human rights situation in Ukraine» [rapport sur la situation des droits de l’homme en
Ukraine] (15 juin 2014) (documents à l’appui… (annexe 7)).
64
CR 2017/2, p. 35, par. 38-39 (Wordsworth). - 19 -

question ait été discutée par les Parties au cours de leur troisième cycle de négociations, l’Ukraine

n’a fourni aucun complément d’information à cet égard . 65

58. Venons-en maintenant à l’allégation de l’Ukraine, qui prétend que la Russie aurait fourni

les armes utilisées pour abattre l’avion assurant le vol MH17, en sachant qu’elles serviraient à

commettre un acte de terrorisme.

59. Je voudrais ici faire trois remarques.

27 60. Premièrement, M. Koh nous a laissé entrevoir une toute nouvelle ligne d’argumentation

en ce qui concerne le vol MH17, lorsqu’il a plaidé ceci :

«Si la Russie sait que certaines personnes se trouvant sur son territoire ont, par
exemple, aidé à transporter la batterie de missiles Bouk jusqu’en Ukraine puis à la

rapporter sur le sol russe une fois l’avion de la Malaysia Airlines abattu — comme
vous l’avez vu de vos propres yeux —, elle est tenue d’ouvrir contre elles une enquête
et des poursuites au titre de différentes dispositions de la convention.» 66

Or, ce que l’Ukraine reproche à la Russie, ainsi qu’elle l’a exposé on ne peut plus clairement dans

sa requête , sa demande , ou encore à l’audience de lundi dernier , c’est d’avoir financé elle-

même la destruction en vol de l’avion de la Malaysia Airlines. Voilà donc une tentative éloquente

de reformuler au pied levé sa demande — compte tenu de notre réfutation de mardi dernier. Si

l’Ukraine souhaite avancer de nouvelles allégations de violations sur le fondement du paragraphe 1

de l’article 2 de la convention, elle devra informer la Russie en temps utile de l’objet de ses griefs,

de sorte que celle-ci puisse y réagir.

61. Deuxièmement, Mme Cheek a choisi de focaliser l’essentiel de sa plaidoirie sur la

question de savoir s’il était plausible de voir dans la destruction du vol MH17 un acte de

70
destruction intentionnel d’un aéronef civil au sens de la convention de Montréal . Mais c’était là

répondre à un argument que je n’avais pas avancé.

62. Troisièmement, l’argument que j’avais, par contre, bel et bien avancé, à savoir que rien

ne permet d’étayer l’allégation extrêmement grave de l’Ukraine, qui affirme que la Russie aurait

65 o
Voir note diplomatique de l’Ukraine n 72/22-620-915 (13 avril 2016).
66CR 2017/3, p. 19-20, par. 20 (Koh).

67Requête, par. 126.
68
Demande, par. 7 a).
69
CR 2017/1, p. 27, par. 9 (Koh) ; p. 44, par. 34 (Cheek) ; p. 47, par. 48 (Cheek).
70CR 2017/3, p. 42-43, par. 24-26 (Cheek). - 20 -

fourni l’arme ayant prétendument servi à abattre ce vol en sachant qu’elle serait utilisée à cet effet
71
ou dans l’intention qu’elle serve à cette fin, ce qui entrerait dans les prévisions de la convention ,

n’a fait l’objet d’aucune réfutation. J’invite la Cour à lire avec le plus grand soin la transcription

du passage de la plaidoirie de Mme Cheek consacré à l’élément de la «connaissance», aux

72
pages 43-44 du compte rendu d’hier . On n’y trouve aucune mention du vol MH17 ; on n’y trouve

pas davantage mention de la page 5 des conclusions préliminaires de l’équipe d’enquête conjointe

en septembre 2016, non plus que de la vidéo correspondante, pièces que la Russie a versées au

dossier mardi dernier, et qui montrent toutes deux clairement  comme je l’ai déjà dit au premier

tour  que les éléments de preuve émanant de cette source, s’ils devaient être retenus, établissent

28 que la partie, quelle qu’elle soit, qui aurait fourni la batterie Bouk a agi uniquement en réponse à

une série d’attaques armées menées par les forces aériennes ukrainiennes, et aux fins de se

défendre.

63. Comment, s’interrogera-t-on, peut-on le premier jour avancer devant la Cour une

allégation aussi grave, comme si toute l’affaire en dépendait, pour ensuite, au second tour, rester

muet face aux arguments que le conseil de la partie adverse a effectivement développés à propos de

l’exigence, pourtant essentielle, que l’acte incriminé ait été commis en connaissance de cause ?

64. Peu importe, de toute façon, qu’il ne soit pas plausible d’imputer à la Russie une

violation en rapport avec la tragique destruction en vol de l’avion de la Malaysia Airlines. Quand

bien même l’on prendrait en compte l’intégralité des documents de l’équipe d’enquête conjointe

invoqués par l’Ukraine, qui doivent être réputés contenir les faits sur lesquels elle se fonde, la Cour

n’en serait pas moins dépourvue de compétence prima facie. Cela posé, les faits, tels que les

présente l’Ukraine, n’entrent pas dans les prévisions de la convention.

6. Défaut de plausibilité de l’argument relatif à l’article 18 de la convention
contre le financement du terrorisme

65. J’en viens donc à l’absence d’argument plausible permettant d’établir une violation de

l’article 18. Une fois de plus, l’Ukraine n’a nullement réagi à ce que j’ai dit mardi dernier, à savoir

qu’elle accuse la Russie de se livrer, de mauvaise foi, à un simulacre de coopération. Or, aucun

71
CR 2017/2, p. 34, par. 37 (Wordsworth).
72CR 2017/3, p. 43-44, par. 28-29 (Cheek). - 21 -

élément de preuve ne vient étayer pareille accusation. Le seul grief explicite qui ait été formulé à

ce sujet l’a d’ailleurs été en ces termes :

«S’agissant des demandes d’entraide judiciaire, je relève que M. Rogachev a
soutenu que la Fédération de Russie en aurait exécuté 69, sur 79 adressées par
l’Ukraine dans des affaires liées à des actes de terrorisme. En réalité, l’Ukraine a

présenté 51 demandes, dont 18 ont reçu une 73ponse dans un délai raisonnable. Nous
ignorons d’où la Russie tient ses chiffres.»

66. La formulation est pour le moins prudente. L’Ukraine ne précise pas combien de

demandes d’entraide judiciaire ont été exécutées par la Russie, ni même, bien entendu, combien

d’entre elles ont fait l’objet d’une réponse. Le grief semble désormais se résumer à la question de

savoir elles ont fait l’objet d’une réponse dans ce que l’Ukraine estime être — sans plus de

précisions à cet égard — «un délai raisonnable».

67. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre

aimable attention, et vous prierai d’appeler à la barre M. Zimmermann, qui poursuivra la plaidoirie

de la Russie sur la convention contre le financement du terrorisme.

The PRESIDENT: Thank you. I now give the floor to Professor Zimmermann.

M. ZIMMERMANN : Thank you, Mr. President.

I. NTRODUCTION

29 1. Mr. President, Members of the Court, je prends la suite de M. Wordsworth pour revenir

sur la question de la compétence prima facie de la Cour au titre de l’article 24 de la convention

internationale pour la répression du financement du terrorisme (ci-après, la «convention»).

2. Je répondrai en particulier aux arguments de l’Ukraine concernant la portée de la

convention et, plus précisément, la question de savoir si cet instrument couvre la notion de

responsabilité d’un Etat qui serait accusé de financer lui-même des actes de terrorisme allégués.

3. Permettez-moi de répéter là encore que cette question –– qui comprend évidemment celle

de l’applicabilité de l’article 18 de la convention –– se pose uniquement lorsqu’ont été commis des

actes de terrorisme répondant à la définition stricte de l’article 2 de la convention, et que des fonds

73CR 2017/3, p. 46-47, par. 36 (Cheek). - 22 -

ont été fournis dans l’intention qu’ils soient utilisés pour perpétrer les actes en question, ou en

pleine connaissance de cause.

4. Je commencerai toutefois par la question de savoir s’il a été satisfait aux exigences

formelles, mais non moins importantes, qui sont établies à l’article 24 de la convention en matière

de négociation –– je songe ici à l’obligation de tenter de constituer un tribunal arbitral.

II. L’ ABSENCE DE TENTATIVE DE NÉGOCIER DE BONNE FOI

EN VUE DE CONSTITUER UN TRIBUNAL ARBITRAL

5. A cet égard, je relèverai tout d’abord le caractère fallacieux de la référence que le conseil

de l’Ukraine a faite hier 74 à la procédure consacrée aux mesures conservatoires en l’affaire

75
Belgique c. Sénégal .

6. La Cour n’aura pas oublié que, dans cette affaire-là, la Belgique avait soumis une

proposition d’arbitrage, comme l’exigeait la clause compromissoire en cause, et que la partie

adverse n’y avait tout simplement pas réagi. C’est dans ce contexte particulier que la Cour avait

déclaré que la présentation d’une proposition précise n’était requise qu’une fois reçue la réponse de

l’autre partie –– et l’on voit d’ailleurs mal comment il pourrait en être autrement.

7. Mais la situation est différente en l’espèce, étant donné que les Parties avaient déjà eu des

contacts très étroits à ce sujet.

30 8. De fait, ainsi que la Cour l’a confirmé dans l’affaire Congo c. Rwanda,

«[l]’existence d’un tel désaccord [quant à l’organisation d’un arbitrage] ne peut

résulter que d’une proposition d’arbitrage faite par le demandeur et restée sans réponse
de la part du défendeur ou suivie de l’expression par celui-ci de son intention de ne
pas l’accepter» .76

77
9. Or, dans la présente affaire, c’est –– comme je l’ai déjà dit –– la Fédération de Russie

qui, une fois entamées les négociations sur un éventuel arbitrage, a présenté des propositions écrites

74
CR 2017/3, p. 27, par. 4 (Zionts).
75
Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires,
ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009, p. 139, par. 50-52.
76 Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo
c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 4[1], par. 9[2], faisant référence à Questions
d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie

(Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 17, par. 21 ;
Questions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de
Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 122, par. 20.
77CR 2017/2, p. 49, par. 72 (Zimmermann). - 23 -

très concrètes et développées concernant à la fois l’accord d’arbitrage envisagé et un éventuel

règlement d’arbitrage.

10. J’en reviens ainsi à la proposition de l’Ukraine de porter l’affaire non pas devant un

tribunal arbitral mais directement devant la Cour en priant celle-ci de constituer une chambre

ad hoc, proposition dont le seul but était de faire croire qu’il était satisfait à l’exigence énoncée à

l’article 24 de la convention, selon laquelle il devait exister un différend quant à «l’organisation de

l’arbitrage».

11. Le conseil de l’Ukraine a tenté de se prévaloir à cet égard de propos tenus par un juge

ayant longtemps siégé à la Cour  le juge Oda , des propos dont j’ai bien peur qu’il ait

totalement déformé le sens.

12. Si le juge Oda a déclaré –– à raison, me semble-t-il –– que constituer une chambre

ad hoc revenait «pour l’essentiel … à former un tribunal d’arbitrage», c’est simplement pour

souligner l’influence que le paragraphe 2 de l’article 17 du Règlement de la Cour accorde aux

79
parties à une affaire s’agissant de la composition de la chambre . Le juge Oda l’a lui-même

précisé lorsqu’il a déclaré que «les parties en litige [pouvaient] choisir d’avoir recours soit à une

chambre ad hoc …, soit à l’arbitrage» . «[S]oit … soit» : ce sont les termes du juge Oda.

13. Le président de la chambre ad hoc constituée en l’affaire du Golfe du Maine s’est

exprimé dans le même sens, en confirmant de manière dénuée d’ambiguïté que «[l]a chambre est la

81
Cour» .

31 14. Ce fait ressort en outre très clairement de l’article 27 du Statut de la Cour, et une telle

chambre ne saurait dès lors être assimilée au tribunal arbitral visé à l’article 24 de la convention,

qui est la clause compromissoire pertinente en l’espèce.

15. Donc, au fond, l’Ukraine n’a nullement contribué aux négociations relatives à

l’organisation de l’arbitrage lorsqu’elle a proposé de saisir la Cour en la priant de constituer une

chambre ad hoc.

78
CR 2017/3, p. 32-33, par. 23 (Zionts).
79Ibid.

80Recueil des cours (1993-VII), p. 59 [traduction du Greffe].
81
Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada/Etats-Unis d’Amérique),
C.I.J. Mémoires, vol. VI, p. 4-5. - 24 -

16. La Russie avait pourtant fait expressément savoir à l’Ukraine que son insistance sur ce

point serait –– et je cite une note diplomatique russe :

«contraire au principe même des négociations, qui ne seraient pas considérées comme
de véritables négociations relatives à l’organisation de l’arbitrage ; en d’autres termes,

la proposition de la partie ukrainienne tendant à soumettre le différend à l’arbitrage ne
serait d’emblée pas considérée comme une demande au sens de l’article 24 de la
convention internationale pour la répression du financement du terrorisme» . 82

Mais cet avertissement est resté lettre morte.

17. Or, voilà que l’Ukraine vous dit que tout cela n’a aucune importance de toute façon car,

selon elle, il n’existe à cet égard aucune obligation de tenter de négocier de bonne foi. Selon son

83
conseil, il suffit de «jouer la montre» . Si tel était le cas, l’article 24 de la convention se trouverait

littéralement vidé de tout ce qui fait précisément sa substance et son but.

18. Qu’il me soit également permis de relever à titre incident que l’Ukraine n’a pas dit un

mot sur la question de l’exécution d’une future sentence arbitrale sous l’autorité du Conseil de

sécurité, pas plus que sur sa proposition de s’affranchir à cet égard des modalités de vote prescrites
84
par la Charte , alors que le recours à ce mécanisme d’exécution constituait l’un des principes

fondamentaux sur lesquels, à l’en croire, les Parties devaient impérativement s’entendre.

19. Je vais maintenant me pencher sur la portée de la convention et sur son interprétation,

s’agissant en particulier de la notion de terrorisme soutenu par l’Etat, avant de revenir ensuite plus

longuement sur son article 18.

III. L’interprétation de la convention pour la répression
du financement du terrorisme

20. Monsieur le président, au préalable, je crois que quelques éclaircissements sur les termes

de la convention s’imposent car il semble y avoir une certaine confusion sur le point de savoir si la

notion de responsabilité de l’Etat est — quod non — couverte par celle-ci. Dans ce contexte, il

convient tout d’abord de déterminer quelles sont, pour reprendre la terminologie employée par la

82 Note diplomatique 14426/dng de la Russie, Dossier of documents submitted by the Russian Federation in
connection with Ukraine’s request for the indication of provisional measures, vol. III.1, onglet n 1.

83CR 2017/3, p. 31-34, par. 20 (fin), 21 et 23 (Zionts).
84
CR 2017/2, p. 49, par. 71 (Zimmermann). - 25 -

32 Commission du droit international (CDI) en la matière, les règles primaires qui sont énoncées dans

ladite convention.

21. Premièrement, et il semble que les Parties s’accordent sur ce point, le cas d’un Etat qui

aurait commis lui-même des actes de terrorisme ne relève pas du champ d’application de la

convention .5

22. La Fédération de Russie estime également que l’obligation de ne pas financer de

prétendus actes terroristes, lorsque ledit financement est assuré par un Etat (et, par conséquent, par

ses organes), ne relève pas des obligations primaires contenues dans la convention — je pense que

nous en avons déjà largement apporté la preuve, et je vais continuer dans les minutes à venir.

23. En conséquence, les actes accomplis par un individu dont les agissements sont

imputables à l’Etat en vertu des règles classiques de la responsabilité étatique ne constituent pas,

aux yeux de la Russie, des violations de la convention. Pareils actes n’engagent donc pas non plus

la responsabilité de l’Etat sur le fondement de la convention. Au risque d’énoncer une évidence,

cela ne signifie cependant pas qu’un Etat ne puisse voir sa responsabilité engagée pour de tels actes

en tant qu’ils constituent des violations du droit international coutumier — et peut-être, en

particulier, des violations du principe de non-intervention. Mais il s’agit là, ainsi que la Cour l’a

confirmé à maintes reprises, d’une tout autre question.

24. Monsieur le président, vous vous souviendrez que, lors de mon exposé du premier tour,

avant-hier, j’ai déjà fait précisément référence aux articles 4, 5 et 24 de la convention, ainsi qu’aux

travaux préparatoires de cet instrument, pour prouver que ladite convention ne visait pas la

responsabilité de l’Etat qui financerait lui-même des actes de terrorisme.

25. J’ai également montré que cette conclusion était par ailleurs confirmée :

 par une comparaison de l’article 24 de la convention en cause et de l’article IX de la

Convention sur le génocide,

 par les négociations qui sont actuellement menées pour mettre au point une convention

générale contre le terrorisme, ainsi que

85
Voir CR 2017/3, p. 48, par. 43 (Cheek). - 26 -

 par la pratique ultérieure des Etats mettant en œuvre la convention en cause, sur laquelle je

reviendrai plus en détail dans un instant.

33 26. Permettez-moi tout d’abord de relever que l’Ukraine a volontairement omis de traiter

certaines de ces questions, et qu’elle ne s’est assurément pas penchée sur les termes mêmes et les

travaux préparatoires de l’article 5 de la convention, ni d’ailleurs sur la question de la pratique

ultérieure des Etats.

27. Monsieur le président, j’imagine que l’Ukraine a fait ce choix parce que, en l’instance, la

situation est  du moins à ses yeux — très claire et simple, presque banale, ce pourquoi il est,

86
selon elle, inutile de se livrer à quelque «contorsion juridique» que ce soit . Je vous prie par

avance de m’excuser, mais les choses ne sont peut-être pas aussi simples qu’on a voulu vous le

faire croire, et il se pourrait que le droit m’impose encore quelques «contorsions» lorsque je

procèderai à l’interprétation de la convention à l’aune des règles énoncées dans la jurisprudence de

la Cour.

28. Si l’on suit l’Ukraine, les 187 Etats qui ont adhéré à ce jour à ce que M. Koh a appelé la

convention «générale» 87 «contre le financement du terrorisme» ont, ce faisant, tout simplement

accepté son interprétation de cette convention.

29. Par conséquent, si l’un quelconque de ces 187 Etats fournissait un appui matériel à un

acteur non étatique engagé dans un conflit armé de caractère non international, dans le cadre duquel

des insurgés commettraient ensuite des violations du droit international humanitaire, telles que des

bombardements aveugles, il serait soumis à la juridiction obligatoire de la Cour par l’effet de

l’article 24 de la convention, et serait considéré comme un Etat soutenant le terrorisme.

30. Mais pourquoi s’inquiéter ? demande M. Koh à la Cour. Il n’y a pas d’inquiétude à

avoir, puisque les Etats ont librement souscrit à pareille obligation conventionnelle.

31. Toutefois, M. Koh a également eu l’amabilité de nous rappeler ce que la Cour avait

conclu dans son arrêt en l’affaire Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique, encore qu’il l’ait fait pour

86
CR 2017/3, p. 14, par. 6 (Koh).
87Ibid., p. 20-21, par. 22 (Koh).
88
Ibid., p. 18, par. 17 (Koh). - 27 -

une tout autre raison . Dans cette affaire, la Cour a évidemment conclu non seulement que des

insurgés participant à un conflit armé — les contras — avaient bénéficié du soutien financier des

Etats-Unis , mais aussi que ces groupes armés avaient commis de graves violations de l’article 3

91
34 commun aux quatre conventions de Genève , lesquelles constitueraient, en tout cas d’après

l’interprétation que fait l’Ukraine de la convention pour la répression du financement du terrorisme,

des actes de terrorisme au sens du litt. b) du paragraphe 1 de l’article 2 de celle-ci.

32. En conséquence, de l’avis de l’Ukraine, si une situation analogue à celle qui était en jeu

dans l’affaire Nicaragua devait se présenter aujourd’hui, elle devrait presque automatiquement être

portée devant la Cour en vertu de l’article 24 de la convention, sans que celle-ci n’ait plus besoin

de se fonder sur les déclarations faites en vertu du paragraphe 2 de l’article 36, ni sur un

quelconque traité bilatéral, pour être en mesure d’exercer sa compétence.

33. Ainsi, selon l’Ukraine, les 187 Etats ayant ratifié la convention — à l’exception des

92
quelques-uns qui ont formulé des réserves à l’article 24 — ont, ce faisant, accepté la juridiction

de la Cour en la matière, et auraient aussi accepté d’être soumis à d’éventuelles mesures

conservatoires, dès lors que des arguments plausibles sont avancés quant aux faits.

34. Pareille interprétation est-elle réellement plausible ? Est-il permis d’imprimer cette

teneur générale à la convention, qui a été conclue après de longues négociations ayant suscité de

telles controverses ?

35. Monsieur le président, je rappelle que — comme je l’ai déjà dit avant-hier  la question

de l’inclusion de la notion de terrorisme «soutenu par l’Etat» continue de constituer la pierre

d’achoppement dans le cadre des négociations qui sont actuellement menées sur le projet de future

convention générale contre le terrorisme . 93

89CR 2017/3, p. 18, par. 16 (Koh).

90Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 61, par. 106.
91
Ibid., p. 114, par. 220.
92Sur les 187 Etats qui ont ratifié la convention, 42 ont fait une déclaration en vertu du paragraphe 2 de

l’article 24, voir https://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XVII…;
clang=_fr.
93Voir CR 2017/2, p. 42-43, par. 34-38 (Zimmermann). - 28 -

36. Mais là encore, l’Ukraine a une réponse toute simple : il n’y a aucune inquiétude à avoir

puisque, en tout état de cause, cette question précise a déjà été tranchée, étant donné que les Etats

ont déjà accepté une telle notion, et notamment la compétence de la Cour en la matière, en ratifiant

ce que M. Koh a dit être la convention «générale» «contre le financement du terrorisme».

37. Pour être honnête, je me demande simplement comment les conseillers juridiques qui

participent actuellement au processus de négociation en leur qualité de membres de la Sixième

94
Commission de l’Assemblée générale accueilleraient la situation «claire» — je cite — dépeinte

par l’Ukraine.

38. Compte tenu de ce contexte général, je montrerai à présent que l’interprétation restrictive

de la convention que je prône d’adopter est pleinement conforme à l’objet et au but mêmes de cet

instrument.

1. L’objet et le but de la convention

39. L’Ukraine a affirmé que l’objet et le but de la convention perdraient tout leur sens si cet
35

instrument ne couvrait pas les questions relatives à la responsabilité de l’Etat à raison du

financement d’actes de terrorisme . 95 Cette affirmation générale et largement dépourvue de

fondement est toutefois contredite par une analyse attentive des termes mêmes de la convention.

Permettez-moi donc une nouvelle fois d’en examiner tout d’abord le texte, en commençant par le

préambule.

a) Le préambule de la convention

40. Comme le confirme la jurisprudence de la Cour, l’objet et le but d’un traité ressortent

notamment de son préambule . 96

41. Or, il ressort de son préambule que la convention a été conclue en vue de «réprimer [le
97
terrorisme] en en poursuivant et punissant les auteurs» .

94
CR 2017/3, p. 37, par. 6-7 (Cheek).
95Ibid., p. 47, par. 40 (Cheek).

96Richard K. Gardiner, Treaty Interpretation (2010), p. 217, avec davantage de références.
97
Préambule, par. 12. - 29 -

42. Cet objectif exprès de la convention, qui en indique l’objet et le but, met donc par nature

l’accent sur la responsabilité pénale individuelle, sans englober la notion de responsabilité de

l’Etat.

43. Il est également fait référence, dans le préambule de la convention, à la nécessité de

«renforcer la coopération internationale entre les Etats» . 98

44. L’objectif qui s’en dégage est donc que les Etats coopèrent à la lutte contre les actes de

terrorisme, ce qui présuppose une fois de plus que les actes de financement du terrorisme couverts

par la convention soient commis par des personnes privées.

45. Je souhaiterais à présent passer à l’intitulé même de la convention qui nous occupe.

b) L’intitulé de la convention

46. Si vous le permettez, je commencerai par formuler une brève observation. L’Ukraine,

tout au long de ses exposés, a qualifié la convention internationale pour la répression du

financement du terrorisme de «convention contre le financement du terrorisme» , un raccourci qui

est en soi à la fois révélateur et trompeur. Il est clair que l’intitulé précis de cet instrument

36  «convention internationale pour la répression du financement du terrorisme» –– constitue «le

100
point de départ évident pour déterminer le champ d’application [de ce] traité» .

47. Qui plus est, le but même d’un traité — comme vous venez de le réaffirmer dans votre

arrêt en l’affaire relative à la Délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c. Kenya) —

«peut ressortir de son intitulé» .101

48. En fait, ainsi que cela avait déjà été confirmé dans la sentence rendue en l’Arbitrage

concernant le canal de Beagle, l’intitulé permet de cerner «l’intention qui se dégage du traité dans

102
son ensemble» .

98 Préambule, par. 12.
99
Voir, par exemple, CR 2017/3 (Koh), titre précédant le par. 6.
100
Richard K. Gardiner, Treaty Interpretation (2010), p. 200-201. [Traduction du Greffe.]
101 Délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c. Kenya), exceptions préliminaires, arrêt du
2 février 2017, par. 70 ; voir également Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la
Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires,
arrêt du 17 mars 2016, par. 39 ; Certains emprunts norvégiens (France c. Norvège), arrêt, C.I.J. Recueil 1957, p. 24. - 30 -

49. Il est donc évident, au vu de son intitulé, que la convention en cause n’a pas

 contrairement à ce que l’Ukraine cherche à faire croire  pour but de couvrir le financement du

terrorisme tout court ; elle impose uniquement aux Etats d’en réprimer le financement. Ce libellé

même  «la répression du financement du terrorisme»  présuppose que le champ d’application

de la convention se rapporte à des situations dans lesquelles des personnes ou d’autres entités,

distinctes de la partie contractante et de ses organes, financent le terrorisme, et que ces actes de

financement privé doivent alors être réprimés par les parties contractantes.

50. A contrario, cela signifie également que les actes accomplis par une partie contractante

elle-même, ou par l’un quelconque de ses organes ou entités qui relèvent de la responsabilité de

l’Etat au regard du droit international général, n’entrent pas dans le champ d’application de la

convention.

51. Cette conception restreinte de l’objet et du but de la convention, qui ressort d’emblée de

son propre intitulé, s’impose encore davantage lorsque l’on compare cet intitulé très restrictif à

celui d’autres instruments dénommés de façon similaire, comparaison dont la pertinence a été

reconnue par la Cour dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire des Plates-formes pétrolières sur

l’exception préliminaire soulevée par le défendeur . 103

37 52. De fait, l’intitulé de la «convention européenne pour la répression du terrorisme»

pourrait donner à penser que cet instrument était censé avoir une portée plus vaste par nature que la

convention qui nous intéresse en l’espèce, puisqu’il se rapporte de manière générale à la répression

du terrorisme, et non pas simplement à la répression de son financement.

53. Pourtant, même la convention européenne pour la répression du terrorisme ne couvre pas

les actes de terrorisme allégués engageant la responsabilité internationale d’une partie

contractante ; elle prévoit simplement, tout comme la convention en cause, l’obligation de

contrecarrer les actes commis par des personnes privées et par elles seulement.

102Arbitrage concernant le canal de Beagle entre la République argentine et le Chili, ILR, vol. 52, p. 131 (1979),
par. 18 [traduction du Greffe.] ; voir également Siemens A.G c. la République argentine, affaire CIRDI n° ARB/02/8,
décision sur la compétence du 3 août 2004, par. 81, dans laquelle il a été précisé que, pour interpréter le traité en cause,
«[l]e Tribunal d[evait] s’inspirer de l’objet [de celui-ci], tel qu’il [était] exprimé dans son intitulé» (notes omises)
[traduction du Greffe].

103Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 819, par. 47. - 31 -

54. Il en va de même de la convention interaméricaine contre le terrorisme, qui  malgré

son intitulé encore plus général  ne concerne et ne prévoit là encore que des obligations de

prévenir et de réprimer les activités terroristes menées par des personnes privées, ces actes n’étant

pas attribuables à l’Etat partie concerné.

55. Monsieur le président, peut-il dès lors être affirmé de manière réellement plausible que

l’objet et le but de la convention pour la répression du financement du terrorisme, ainsi que sa

portée, étaient censés aller bien au-delà de ceux de la convention européenne, et bien au-delà de

ceux de la convention interaméricaine, de manière à couvrir également les actes d’un Etat finançant

des agissements terroristes allégués ? Et ce, en dépit du fait que son intitulé dénote d’emblée une

portée nettement plus limitée ?

56. Voilà, Monsieur le président, qui me semble battre encore en brèche l’argument de

M. Koh relatif au «nom ambitieux» de la convention . 104

2. La clause d’exclusion prétendument manquante

57. Cela m’amène directement au point suivant de mon exposé, l’argument avancé hier par

Mme Cheek selon lequel, pour reprendre ses termes, «lorsqu’ils négocient en vue d’un traité, les

105
Etats savent fort bien exclure de son champ d’application certains types d’activités» .

58. Selon cet argument, les négociateurs de la convention pour la répression du financement

du terrorisme, s’ils avaient vraiment voulu exclure de son champ d’application les activités

engageant la responsabilité de l’Etat, auraient prévu une clause expresse à cet effet. C’est là un

38 argument que nos collègues qui représentent l’Ukraine qualifieraient probablement de «diversion».

La question n’est pas de savoir, comme le prétend l’Ukraine, si les Etats entendaient «exclure» les

actes de l’Etat du champ d’application de la convention, mais s’ils ont voulu les y inclure.

59. C’est à cette dernière question qu’il faut répondre, et ce en appliquant les règles

classiques d’interprétation des traités. Il est bien évident que l’historique de la rédaction d’un traité

tient une place importante dans son interprétation, en particulier lorsqu’elle porte sur un point

relevant d’un domaine aussi délicat du droit international, point sur lequel je me suis déjà

10CR 2017/3, p. 21, par. 22 (Koh).

10Ibid., p. 44, par. 41 (Cheek) ; les italiques sont de nous. - 32 -

abondamment exprimé , mais qui, encore une fois, n’a retenu l’attention de l’Ukraine que de

façon tout au plus marginale.

60. Par souci d’exhaustivité, je vais cependant m’arrêter à l’un des cas où l’Ukraine a parlé

des travaux préparatoires de la convention pour la répression du financement du terrorisme.

3. Retour sur l’historique de la rédaction de la convention

61. Hier, Mme Cheek a appelé votre attention sur une déclaration faite devant le comité

spécial par la délégation française, selon laquelle la future convention était censée couvrir «tous les

moyens de financement [privé et public]» . 107

62. Malheureusement, le tableau ainsi présenté à la Cour de cette partie des travaux de

rédaction de la convention pour la répression du financement du terrorisme est incomplet.

63. Il est vrai que la France avait initialement proposé que, dans ce qui est devenu le

paragraphe 2 de l’article premier du texte définitif, le «financement» du terrorisme soit défini

comme étant toute contribution financière, qu’elle soit «publique ou privée» , et c’est là-dessus

que Mme Cheek s’est fondée pour affirmer que le financement par l’Etat d’actes allégués de

terrorisme était bien couvert par la convention. Elle aurait parfaitement raison si cette proposition

avait été retenue.

64. Or, comme vous pouvez le constater à la lecture de l’article premier du texte adopté de la

convention, il n’y est plus question de contributions publiques ni de financement public ; inutile

d’en dire plus. La suppression de toute mention de «financement public» doit être considérée dans

le contexte de la suppression parallèle du paragraphe 5 qui figurait dans le projet d’article 5

présenté par la France.

39 65. Vous vous souviendrez que lors de notre premier tour de plaidoiries , j’ai fait observer

que si le paragraphe 5 du projet d’article 5 avait été retenu, la convention aurait comporté une

clause de sauvegarde quant à la mise en cause de la responsabilité de l’Etat. Cependant, tout

comme la mention du «financement public» qui figurait dans le projet de ce qui est devenu l’article

106
CR 2017/2, p. 35, par. 18 et p. 37, par. 27 et suiv. (Zimmermann).
107CR 2017/3, p. 45, par. 44,(Cheek), renvoyant au document des Nations Unies A/54/37, p. 3.

108Nations Unies, doc. A/C.6/53/9, p. 3, art. 1.
109
CR 2017/2, p. 37, par. 28-29 (Zimmermann). - 33 -

premier de la convention, le paragraphe 5 du projet d’article 5 a été supprimé, pour la raison,

qu’elle nous plaise ou non, que les rédacteurs du texte ont conclu que la convention n’était pas le

lieu approprié où traiter des questions touchant la responsabilité de l’Etat.

66. Avant d’aborder la question de la pratique ultérieure des Etats, je voudrais ajouter

quelques mots au sujet d’une décision rendue par le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) en

l’affaire Ayyash, à laquelle Mme Cheek s’est référée.

4. La décision du Tribunal spécial pour le Liban en l’affaire Le Procureur c . Ayyash

67. Il est évident que M. Woodsworth a déjà montré clairement que la pertinence, en

l’espèce, de la décision du TSL en l’affaire Ayyash était au mieux limitée. Néanmoins, on peut en

retenir que le TSL a considéré lui aussi que la convention pour la répression du financement du

terrorisme était un instrument ayant pour seul objet l’application du droit pénal aux infractions

visées par lui.

68. Tout d’abord, le TSL a déclaré que la convention pour la répression du financement du

terrorisme était «le test décisif pour connaître l’attitude des Etats en matière d’incrimination du

terrorisme» , et non un instrument visant le comportement des Etats réputés soutenir des actes

allégués de terrorisme. De l’avis de la chambre d’appel du TSL, la convention établit des règles de

responsabilité pénale applicables «à des actes qui, sans elle, seraient restés impunis (soit en vertu

du droit pénal, soit de par le droit international humanitaire)» . On voit donc que même du point

de vue du TSL, la convention ne couvre pas les questions se rapportant à la responsabilité de l’Etat.

5. La pratique des Etats dans l’application de la convention pour la répression du
financement du terrorisme

69. Je vais maintenant revenir un peu plus en détail sur une question que j’ai abordée lors de

notre premier tour de plaidoiries, celle de savoir comment les Etats ont présenté leur interprétation

de la convention pour la répression du financement du terrorisme au moment de la soumettre à

l’approbation de leur parlement.

110Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n STL-11-01, Décision préjudicielle sur le droit applicable :
terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications, Tribunal spécial pour le Liban (16 février 2011),
p. 80, par. 108.
111
Ibid. - 34 -

70. Monsieur le président, l’interprétation étroite de la portée exacte de la convention pour la

répression du financement du terrorisme que justifie une analyse minutieuse et approfondie de son

texte et de l’historique de sa rédaction, écartant les hypothèses fumeuses sur ce qu’elle devrait dire,

40 est confirmée par la manière dont les Etats ont présenté cet instrument à leur parlement pour

ratification ; faute de temps, je me limiterai à quelques exemples, mais je peux vous assurer qu’il

en existe bien d’autres.

71. Au moment de soumettre la convention à leur parlement pour ratification, les Etats ont

diversement exprimé l’objet et le but de cet instrument comme étant de faire obligation aux Etats

parties d’ériger le financement privé du terrorisme en infraction pénale, de prendre des mesures

pour le prévenir, ou de coopérer avec les autres Etats parties conformément au principe aut dedere

aut judicare.

72. L’Australie, de même qu’un certain nombre d’autres Etats, a présenté la convention

comme

«faisant obligation aux Etats parties d’ériger en infraction pénale … la … collecte de

fonds aux fins de la perpétration d’actes terroristes, et de coopérer avec les autres Etats
partie à la prévention et à la détection des activités de financement du terrorisme, aux
enquêtes portant sur ces activités et à l’exercice de poursuites contre qui en sont
soupçonnées» .112

73. Dans la même veine, le Gouvernement des Etats-Unis a dit qu’il interprétait la

convention comme :

«faisant obligation … aux Etats parties d’ériger en infractions pénales, dans leur
législation, certains types d’infractions, et également d’extrader ou poursuivre les
113
personnes accusées d’avoir commis ou aidé à commettre de telles infractions» .

74. Toujours dans la même veine, le Gouvernement britannique s’est tout simplement borné

à proposer une série de modifications de sa législation pénale ayant pour but «de permettre au

Royaume-Uni de remplir ses obligations découlant … des dispositions que ces conventions

[relatives à la répression du terrorisme] ont en commun avec des conventions internationales anti

terroristes plus anciennes».

75. Enfin, la Suisse a présenté une interprétation similaire de la convention pour la

répression du financement du terrorisme, selon laquelle celle-ci était un instrument ayant

112
Australie, National Interest Analysis (28 juin 2002), par. 5.
113Etats-Unis, Letter of Submittal, départment d’Etat, Washington (3 octobre 2000), p. VI. - 35 -

exclusivement pour but de réprimer des actes criminels commis par des personnes privées. Je cite

un extrait du document officiel établi à l’appui de la ratification de la convention :

«les Etats doivent ériger [en crime]… les infractions couvertes par cette
convention … En outre, la Convention institue un système cohérent et complet de
coopération internationale régissant les domaines de l’extradition, de l’entraide
judiciaire et du transfèrement de personnes condamnées…» 114

41 76. Il ressort de ces exemples qu’au moment de mettre en vigueur chez eux la convention

pour la répression du financement du terrorisme, les Etats la considéraient comme un instrument de

droit pénal visant des comportements individuels, et non pas un instrument régissant le

comportement des Etats envers les autres Etats.

77. C’est là d’ailleurs l’interprétation de la convention que retient le Fonds monétaire

international dans son manuel d’aide à la rédaction de textes législatifs mettant en application les

instruments internationaux anti-terroristes :

«[l]a Convention contient trois obligations principales pour les Etats parties. Primo,
les Etats parties doivent ériger le financement d’actes de terrorisme en crime au regard
de leur droit interne. Secundo, ils doivent œuvrer en coopération étroite avec les
autres Etats parties et leur prêter une assistance judiciaire pour les questions traitées

par la Convention. Tertio, ils doivent adopter des mesures d’identification et de
signalement d’indices de financement d’actes de terrorisme à la charge des institutions
financières.» 115

78. Cela m’amène aux arrêts rendus par la Cour en 1996 et 2007 en l’affaire relative à

l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide

(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) et à l’argument de l’Ukraine selon lequel

l’engagement direct de la responsabilité de l’Etat qui finance lui-même des actes interdits par la

convention pour la répression du financement du terrorisme est inhérent à l’obligation de coopérer

aux mesures de prévention énoncée à son article 18.

6. L’article 18 de la convention pour la répression du financement du terrorisme et les arrêts

rendus par la Cour en l’affaire Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro

79. L’argument tiré par l’Ukraine des arrêts rendus par la Cour en l’affaire

Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro pour défendre une interprétation indûment élargie de

114Suisse, message relatif aux conventions internationales pour la répression du financement du terrorisme et
pour la répression des attentats terroristes à l’explosif, ainsi qu’à la modification du code pénal et à l’adaptation d’autres
lois fédérales (26 juin 2002), p. 12.

115Fonds monétaire international, La répression du financement du terrorisme international, Manuel d’aide à la
rédaction des instruments législatifs (2003), p. 5. - 36 -

la convention pour la répression du financement du terrorisme en général, et de son article 18 en

particulier est infondé pour plusieurs raisons, dont chacune suffirait seule à l’invalider.

80. Premièrement, lorsqu’elle s’est attachée à définir dans son arrêt de 2007 la portée de

l’obligation de prévenir le génocide, la Cour a pris grand soin de souligner que «[l]e contenu de

l’obligation de prévention varie d’un instrument à l’autre, selon le libellé des dispositions

pertinentes et en fonction de la nature même des actes qu’il s’agit de prévenir» . 116

81. La Cour s’est donc «born[ée] … à déterminer la portée spécifique de l’obligation de

prévention figurant dans la convention contre le génocide» , ainsi que ses conséquences

juridiques.

42 82. Ensuite, la Cour a souligné qu’elle n’entendait pas établir «une jurisprudence générale

qui serait applicable à tous les cas où un instrument conventionnel, ou toute autre norme

118
obligatoire, comporte, à la charge des Etats, une obligation de prévenir certains actes» .

83. Pour revenir sur le plan des faits, permettez-moi de rappeler que l’article 18 de la

convention pour la répression du financement du terrorisme, à la différence de la disposition

pertinente de la convention contre le génocide, n’impose pas aux Etats parties une obligation

générale de prévenir les actes qu’elle interdit.

84. Les Etats parties à la convention pour la répression du financement du terrorisme ont

seulement l’obligation de « coop[érer] pour prévenir» certains actes, et cette obligation comporte

celle de simplement «envisager» de prendre certaines mesures. Selon la jurisprudence de la Cour,

cette différence de libellé devrait suffire à montrer le caractère aberrant de la transposition

sommaire consistant à remplacer simplement le génocide  le crime des crimes  par le

financement d’actes allégués de terrorisme, selon la démarche que M. Koh a pourtant suivie

exactement .119

85. Qui plus est, pour parvenir, dans son arrêt de 2007, à la conclusion que la convention

contre le génocide couvrait des questions se rapportant à la responsabilité de l’Etat, la Cour s’est

116
Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 220, par. 429.
117Ibid. ; les italiques sont de nous.

118Ibid.
119
CR 2017/3, p. 10, par. 18 (Koh). - 37 -

fondée notamment sur le fait que la convention qualifie le génocide de «crime du droit des
120
gens» . Or, la convention pour la répression du financement du terrorisme n’énonce tout

simplement pas cette qualification.

86. En outre, à la différence de ce qui aurait été le cas pour la convention contre le génocide,

limiter la portée de la convention pour la répression du financement du terrorisme aux questions se

rapportant à la responsabilité des personnes physiques et des sociétés n’a rien de paradoxal, comme

le confirme son article 5. En fait, seule cette interprétation étroite fait cadrer pleinement la

convention pour la répression du financement du terrorisme avec les nombreux autres instruments

visant la répression de certains actes qui prévoient une entraide en matière pénale.

87. Autrement dit, retenir l’interprétation de la convention que l’Ukraine voudrait faire

admettre par la Cour impliquerait que toutes les autres conventions qui ont pour but de réprimer

certains actes en faisant obligation aux Etats parties de prendre des mesures préventives devraient

être interprétées exactement de la même manière.

88. J’ajoute qu’il n’y a rien d’extraordinaire à ce que les questions touchant la responsabilité

de l’Etat soient exclues du champ d’application de la convention pour la répression du financement

43 du terrorisme, vu que la responsabilité de l’Etat pour financement d’actes terroristes restera

évidemment régie par d’autres règles de droit international, en particulier le principe de
121
non-intervention, comme le veut la jurisprudence de la Cour .

89. Enfin, l’extension du champ d’application de la convention contre le génocide aux

questions touchant la responsabilité de l’Etat se justifiait du fait que la notion de génocide, qu’elle

soit considérée du point de vue de la responsabilité individuelle ou de la responsabilité de l’Etat.

reste la même. De plus, le concept de génocide retenu dans la convention ne diffère pas de celui

consacré par le droit international coutumier.

90. En revanche, s’agissant du terrorisme, et plus précisément de l’obligation de réprimer le

financement des actes terroristes, la convention pour la répression du financement du terrorisme est

plus qu’un simple instrument de codification de règles préexistantes de droit international, comme

120Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 113, par. 166 ; les italiques sont de nous.

121Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 106, par. 202 et suiv. - 38 -

le confirme la jurisprudence du Tribunal spécial pour le Liban , à laquelle l’Ukraine s’est

elle-même référée.

91. Dès lors, étendre le champ d’application de la convention pour la répression du

financement du terrorisme à des questions touchant la responsabilité de l’Etat pour financement

d’actes allégués de terrorisme ferait de la convention un instrument de codification du droit

international sur des points se rapportant au principe de non-intervention et à des éléments

connexes du jus ad bellum, et impliquerait que ces questions soient soumises à la Cour au titre de la

compétence que lui confère l’article 24 de la convention, ce qui reviendrait à franchir un pas que

les Etats qui l’ont négociée n’ont manifestement pas voulu franchir.

92. Avant de conclure, je vais faire quelques observations sur la question de la clause

compromissoire. Il est vrai, bien évidemment, que les clauses de cet ordre ne peuvent pas

conférer aux Etats parties des droits ou leur imposer des interdictions qui ont leur place dans les

dispositions de fond , mais les clauses de fond d’un traité doivent néanmoins être interprétées

d’une manière qui soit en harmonie avec sa clause compromissoire, comme la Cour l’a fait en

1996 124et en 2007 125en l’affaire relative à la Convention contre le génocide.

44 93. Pour déterminer si les questions touchant la responsabilité de l’Etat sont couvertes, ou

plutôt ne sont pas couvertes, par les dispositions de fond de la convention pour la répression du

financement du terrorisme, il importe donc de s’en tenir à ce que dit le texte et de prendre en

considération le fait que l’article 24, par la volonté de ses rédacteurs, et à la différence de

l’article IX de la convention contre le génocide, ne porte pas sur les questions se rapportant à la

responsabilité de l’Etat pour les actes interdits par la convention qu’il est allégué avoir commis.

122Tribunal spécial pour le Liban, Le Procureur c. Ayyash et autres, affaire n STL-11-01, décision préjudicielle
sur le droit applicable : terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications (16 février 2011),
p. 80-82, par. 108-109.
123
Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 113, par. 166 ; voir également, CR 2017/3, p. 43, par. 38-39
(Cheek).
124
Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 113, par. 166.
125Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II) p. 616, par. 32. - 39 -

126
94. En outre, comme je l’ai déjà dit avant-hier , il faut comparer les textes et tenir compte

de ce que l’article IV de la convention contre le génocide fait expressément mention des violations

de celle-ci commises par des organes de l’Etat, disposition qui n’a pas son pendant dans la

convention pour la répression du financement du terrorisme ; c’est ce qu’a fait la Cour dès 1996 , 127

128
contrairement à ce qu’a prétendu Mme Cheek .

95. Pour résumer, la Cour a eu raison de conclure que la lecture parallèle de l’article I de la

convention contre le génocide et de ses articles IV et IX justifiait que la responsabilité de l’Etat soit

considérée comme comprise dans le champ d’application de cet instrument, mais l’article 18 de la

convention pour la répression du financement du terrorisme n’est pas une clef magique qui

produirait le même effet s’agissant de la responsabilité de l’Etat pour des actes allégués de

financement du terrorisme, interprétation qui dépasserait largement ce que dit le texte de la

convention.

IV. L’argument de l’urgence

96. Je ne m’arrêterai pas longtemps à la question de l’urgence qu’il y aurait à indiquer des

mesures conservatoires. Je me bornerai à rappeler à la Cour qu’elle ne peut en l’espèce retenir

l’urgence comme critère qu’en présence d’allégations plausibles de violations de la convention

pour la répression du financement du terrorisme proprement dite, et ne saurait le faire sur la foi

d’allégations de violations du droit international humanitaire en tant que tel, alors que de telles

violations ne relèvent pas de sa compétence prima facie.

97. Monsieur le président, j’en viens maintenant à ma conclusion.

V. Observations finales

98. Que les choses soient bien claires : si l’Ukraine avait raison, on pourrait assister à la

multiplication des affaires du type de celle introduite par le Nicaragua au sujet d’Activités militaires

et paramilitaires, ayant pour objet le soutien financier d’insurgés susceptibles de commettre des

violations du droit international humanitaire, affaires que pourraient déclencher, par exemple, les

126CR 2017/2, p. 34, par. 12-13 (Zimmermann).

127Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 616, par. 32.
128
CR 2017/3, p. 43, par. 39 (Cheek). - 40 -

45 soutiens financiers dont bénéficient en Syrie des acteurs non-étatiques, ou des pratiques semblables

constatées ailleurs dans le monde.

99. Il pourrait en aller de même pour des situations comparables à celle qui a donné lieu à

129
l’affaire du Rainbow Warrior, réglée par un tribunal arbitral .

100. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, retenir l’interprétation de

l’article 24 de la convention pour la répression du financement du terrorisme que défend l’Ukraine

reviendrait à fabriquer un passe-partout auquel ne résisterait pas le verrou de la compétence,

ouvrant ainsi toutes grandes les portes du Palais de la Paix à des affaires se rapportant à toutes

sortes de domaines du droit international.

101. Je me permets donc de vous rappeler respectueusement ce qu’a dit le président

Jimenez de Aréchaga en l’affaire du Plateau continental de la mer Egée, à savoir que le pouvoir

dévolu à la Cour en vertu de l’article 41 de son Statut ne consiste pas en un pouvoir de police en

vue d’assurer le maintien de la paix internationale, ni en une compétence générale pour formuler

des recommandations en matière de règlement des différends , mais vise — et vise seulement —

à protéger les droits des parties dans les limites de la compétence de la Cour telles qu’elles sont

définies par la clause compromissoire pertinente, en la présente espèce l’article 24 de la convention

pour la répression du financement du terrorisme.

102. Me voici parvenu au terme de ma plaidoirie. Monsieur le président, Mesdames et

Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre patiente attention.

The PRESIDENT: Thank you, Professor. I think the time has come for us to take the usual

15-minute break. The sitting is suspended.

The Court adjourned from 11.35 a.m. to 11.55 a.m.

The PRESIDENT: Please be seated. I now give the floor to Professor Forteau.

129Affaire concernant les problèmes nés entre la Nouvelle-Zélande et la France relatifs à l’interprétation ou à
l’application de deux accords conclus le 9 juillet 1986, lesquels concernaient les problèmes découlant de l’affaire du
Rainbow Warrior, sentence du 30 avril 1990, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XX, p. 215.

130Plateau continental de la mer Egée (Grèce c. Turquie), mesures conservatoires, ordonnance du
11 septembre 1976, C.I.J. Recueil 1976, p. 16. - 41 -

The PRESIDENT: Please be seated. I now give the floor to Professor Forteau.

Mr. FORTEAU:

THE CLAIM UNDER THE INTERNATIONAL C ONVENTION ON THE ELIMINATION
OF ALL F ORMS OF RACIAL D ISCRIMINATION

46 1. Mr. President, Members of the Court, I have a little more time this morning than I had on

Tuesday, which will enable me to speak at a more satisfactory pace for the interpreters, Members

of the Court and the Registry, to whom I apologize profusely for the rather over-energetic tempo of

my previous presentation.

2. Mr. President, before addressing the questions that still divide the Parties in respect of

CERD, let me begin by noting that there is one point on which they agree: there is no dispute that,

regardless of Crimea’s status, Russia must apply CERD on that territory . This, at a stroke,

deprives of any effect Ukraine’s first two requests for provisional measures.

3. Having clarified that point, I now turn to the heart of the debate between the Parties. As I

had occasion to point out on Tuesday, the accusations levelled against Russia by Ukraine are

exceptionally grave, and it is with those accusations in mind that the Court must assess whether

provisional measures should be indicated. Any provisional measure ordered by the Court in this

phase of the case would inevitably be interpreted and discussed in the light of that grave

accusation, thus lending it a degree of credibility. That is why the Court must be rigorous in

satisfying itself that Ukraine’s accusations are plausible.

4. Ukraine, for its part, is asking you to make a decision blindfolded. As Ukraine’s counsel

repeated several times yesterday  to the extent that it cast serious doubt on the credibility which

they themselves attach to their claim  the Court need not adopt a very stringent standard when

assessing both its prima facie jurisdiction and the conditions attached to the indication of

provisional measures. The Court need only determine whether the Applicant’s interpretation of

CERD is plausible, without going into the facts of the case. As Mr. Gimblett said, “You do not

132
47 need to enter into . . . the merits of this case to conclude that a plausible right needs protection” .

13CR 2017/3, p. 21, para. 24 (Koh); CR 2017/2, p. 54, para. 4 (Agent).

13CR 2017/3, p. 51, para. 2 (Gimblett). - 42 -

Such a statement is clearly contrary to the Court’s jurisprudence, according to which, in the

provisional measures phase, the Court must decide whether the circumstances require the
133
indication of such measures , which means that it must satisfy itself that the claims made are

plausible.

5. In this instance, consideration of what Ukraine has put forward in support of its Request

leads to the conclusion that this threshold has not been reached.

6. Let me remind you that the object of Ukraine’s Request is not to have the Court find that a

specific form of discrimination exists  discrimination, for example, in access to a type of

employment, or discrimination in the rules on inheritance, which would require the Court to adopt

a specific provisional measure aimed at safeguarding a particular right in dispute. What Ukraine is

requesting is of a very different nature: Ukraine is alleging that Russia is pursuing a systematic

campaign of cultural erasure of the Crimean Tatar and ethnic Ukrainian peoples.

7. Professor Koh confirmed yesterday that this is indeed the object of Ukraine’s Request;

according to him, there is “a policy of ‘russification’ that inflicts collective punishment and

pervasive discrimination against other cultures” ; in Ukraine’s view, that systematic campaign

amounts to a “concerted effort” to suppress those communities . 135

8. These grave accusations can be found in the Request for the indication of provisional

measures. Ukraine is not asking the Court to put an end to a specific discriminatory practice, but to

put an end to alleged “acts of political and cultural suppression against” the Crimean Tatar and

ethnic Ukrainian communities.

136
48 9. Under those circumstances, whether Mr. Gimblett likes it or not , the standard of proof

established by the Court for accusations of such gravity applies to the plausibility test.

10. Clearly  and I will have the opportunity to return to this in more detail  that standard

is not met in this instance: is it possible to maintain that a systematic campaign of cultural erasure

is ongoing in Crimea when, as I recalled on Tuesday, Tatar- and Ukrainian-language education is

133
See, in particular, Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v. Senegal),
Provisional Measures, Order of 28 May 2009, I.C.J. Reports 2009, p. 156, para. 76.
13CR 2017/3, p. 21, para. 25 (Koh).

13Ibid., and pp. 21-22, para. 26.
136
CR 2017/3, pp. 56-57, para. 19 (Gimblett). - 43 -

provided in numerous schools and universities, and more than 80 media outlets are authorized to

operate in the Tatar and Ukrainian languages in Crimea? How can Ukraine’s allegations be

reconciled with the constitutional, legislative and administrative measures that have been adopted

since 2014 to ensure the protection of the rights of the Tatar and ethnic Ukrainian communities,

including through the establishment of their languages as official languages of Crimea in the

Crimean Constitution? Ukraine’s only response yesterday to the evidence presented by Russia on

Tuesday was to affirm peremptorily that “we know from the practice of the Soviet Union that there

can be a wide gulf between what is written in law and what happens on the ground” 137and to voice

a string of conjecture supposed to establish that the plausibility threshold is reached in this

instance . I leave it to the Court to assess the merit of those arguments.

11. The only document submitted by Ukraine yesterday to contest the existence of these

constitutional, legislative and administrative achievements is a photograph showing that a sign at

139
the entrance of a building has not yet been translated into the three official languages of Crimea .

Yet the building in question is not an official one. The fact that Ukraine has not produced any

other documents confirms a contrario that the rule of three official languages is indeed being
140
respected in practice, as the many documents submitted by Russia on Tuesday already proved .

49 12. In the light of these preliminary remarks, I should like this morning to return to four

points in particular, in response to the arguments put forward by Ukraine yesterday: first, I will say

a few very brief words about the object and scope of application of CERD, before returning in

greater detail to each of the two preconditions resulting from Article 22 of the Convention, and

finally to the reasons why it is neither necessary nor possible to indicate provisional measures in

this case.

13CR 2017/3, p. 56, para. 17 (Gimblett).

13Ibid., pp. 57 et seq., paras. 21 et seq. (Gimblett).
139
Ibid., p. 56, para. 17 (Gimblett).
14Dossier of documents submitted by the Russian Federation in connection with Ukraine’s Request for the

indication of provisional measures, Vol. 1, Documents Nos. 7.6-7.12. - 44 -

I. Object and scope of application of CERD

13. Yesterday, Professor Koh pretended to misunderstand the clarifications that I provided

on Tuesday about CERD’s scope of application. Contrary to what he asserted , Russia has in no

way admitted violating human rights in Crimea. The relevant point is as follows: CERD is neither

the international covenants of 1966 nor the European Convention on Human Rights, to which the

two States are also parties and which include their own monitoring mechanisms. Nor is CERD an

instrument aimed at strengthening and promoting minority rights. CERD has a clearly delineated

object: to eliminate racial discrimination. That has an important consequence. The Court’s

jurisdiction in this instance is confined to complaints of discrimination in the enjoyment of certain

rights.

14. Ukraine seems to have realized yesterday that this was the precise object of the

Convention, since it acknowledged that it needed to establish the existence of a difference in

treatment between different communities to be able to rely on the Convention. However, the fact is

that to this day Ukraine has not produced a scrap of evidence to demonstrate such a difference in

treatment. Ukraine has merely alleged violations of human rights, in an often dubious manner. For

example, on Monday, Professor Koh accused Russia of having had recourse to “a barbaric

142
Soviet-era practice, subjecting a Tatar leader to involuntary psychiatric detention” . But it would

50 appear that the practice in question also exists in Ukraine: a judge can order a person who is the

subject of a criminal investigation to undergo a psychiatric examination if his or her state of health

warrants it.

15. The only argument relating to discrimination that Ukraine put forward yesterday was

when it cited an extract from a report of May 2016, which alleges that certain paramilitary groups

have escaped prosecution for extremism, while Tatar activists have, for their part, been

prosecuted . However, the principle of non-discrimination cannot serve to legitimize impunity

when the conduct merits sanction. In any event, on Tuesday I cited a recent report of over

141
CR 2017/3, p. 22, paras. 27-28 (Koh).
14CR 2017/1, p. 33, para. 28 (Koh).
143
CR 2017/3, p. 54, para. 12 (Gimblett). - 45 -

100 pages, which shows that the extremist legislation is applied without discrimination . Ukraine144

chose not to comment on that document yesterday.

II. The condition of prior negotiation

16. I now turn to the question of prior negotiations. I shall focus this morning on points of

particular importance at this stage of the proceedings.

17. First of all , it emerges from the diplomatic correspondence exchanged between the two

Parties that they did not address all the issues that form the subject-matter of Ukraine’s

Application. According to the Court’s jurisprudence, this means that the condition of prior

negotiation cannot be regarded as fulfilled.

18. To begin with, Ukraine never made the accusation, in any of the diplomatic Notes

exchanged between 2014 and 2016, that Russia was engaging in a systematic campaign of cultural

erasure of certain communities. This grave accusation, which is at the heart of Ukraine’s Request,

only appeared for the first time in the Application.

19. Furthermore, Ukraine’s diplomatic Notes referred solely to Articles 2 and 5 of the

146
Convention, as Mr. Gimblett himself observed on Monday . In its Application, however, Ukraine

also invoked Articles 3, 4 and 6 of the Convention and made claims on their basis . The Request
51
148
for provisional measures also seeks the protection of rights under Articles 3, 4 and 6 . Since they

were not invoked prior to the Application, these articles and the obligations contained therein could

not have been the subject of prior negotiations.

20. This also casts doubt on the precise scope of the provisional measures sought by Ukraine.

In its written Request for provisional measures, it expressly asked for protection of its rights under

Articles 2, 3, 4, 5 and 6, but there has been no prior negotiation on Articles 3, 4 and 6. On

Monday, Mr. Gimblett told us that Ukraine’s Request was based on “many . . . articles of the

144See, for example, Xenophobia, Freedom of Conscience and Anti-Extremism in Russia in 2015: A collection of
annual reports by the SOVA Center for Information and Analysis, 2016 (http://www.sova-center.ru/files/books/pe16-

text.pdf).
145See CR 2017/3, pp. 26-27, para. 3 (Zionts).

146CR 2017/1, p. 54, para. 3 (Gimblett).
147
Application of Ukraine, paras. 132-133.
148Ukraine’s Request for the indication of provisional measures, para. 17. - 46 -

CERD”, but that he would focus solely on Articles 2 and 5, the only articles to which he then

149
referred . Unless Ukraine clarifies which specific rights it is seeking to protect, the Court is not in

a position to make a clear pronouncement on its Request.

21. The second important observation concerns the applicable standard. Yesterday,

Ukraine’s counsel relied on the Order issued by the Court in 2008 in the Georgia v. Russia case.

However, besides there being no possible comparison between the facts in that case and those in

the present case, as I pointed out on Tuesday, since 2008 the Court has had occasion to examine in

detail the régime applicable to the preconditions established by Article 22 of CERD and, in

particular, the condition of prior negotiation. The situation is therefore not the same as it was

in 2008. Account must now be taken of the important clarifications made by the Court in its

2011 Judgment in the Georgia v. Russia case and in subsequent developments in its jurisprudence.

22. Third, the way Ukraine conducted itself during the negotiations confirms that it did not

believe that its claims called for an urgent response or required measures to be taken urgently for

150
the provisional protection of its rights. To take a few examples :

52 (i) in its Note Verbale of 1 December 2014, Ukraine informed Russia that it believed it had

already exhausted the condition of prior negotiation ; yet Ukraine agreed to extend the

exchanges and discussions for two years, and at no point indicated that its rights under

CERD were at imminent risk of suffering irreparable prejudice;

(ii) Ukraine let a sometimes considerable amount of time pass between two diplomatic

exchanges; for instance, after the round of talks in April 2015, Ukraine only resumed

152
dialogue in August 2015, i.e., four months later ;

(iii) in its Note Verbale of 17 August 2015, Ukraine once again made no mention of urgency:

on the contrary, it recalled that the two Parties “agreed to continue working on

overcoming the differences, through at least one more round of negotiations” (it was then

17 August 2015);

149
CR 2017/1, p. 56, para. 8 (Gimblett).
15See the Documents submitted by the Russian Federation in connection with Ukraine’s Request for the
indication of provisional measures, No. 11.

15See Note No. 72/22-620-2946 of 1 December 2014.
152
See Note No. 72/22-194/510-2006 of 17 August 2015. - 47 -

(iv) a number of months passed before Ukraine sent another Note Verbale: in the Note of

5 April 2016, Ukraine proposed that negotiations should continue and a second round of

talks be held, once again without the least mention of imminent risk of irreparable

153
prejudice ;

(v) Ukraine adopted the same stance in its last Note dated 7 October 2016: no mention of

urgency and, on the contrary  I stress this point  Ukraine proposed continuing

154
consultations .

23. Mr. Zionts nonetheless maintained yesterday that Ukraine had indicated on a number of

155
occasions that there was urgency, though he cited only one example, which is hardly conclusive .

In its Note of 25 April 2016  that is, almost a year ago  Ukraine allegedly objected, on an

urgent basis, to the banning of the Mejlis. But what that Note in fact shows is that Ukraine simply

asked Russia to be ready to comment on the matter at the next round of talks. And in subsequent

53 diplomatic Notes, Ukraine did not ask Russia to suspend the ban on the Mejlis. This casts doubt on

Ukraine’s allegation that it is now urgent to do so.

III. The second precondition of Article 22

24. With your permission, Mr. President, I must now return to the important question of the

second precondition under Article 22 of CERD.

25. Yesterday, Professor Koh contended in this regard that the fact that Article 11 provides

that inter-State complaints “may” be brought to the attention of the CERD Committee means that

referral to that Committee is not a precondition for the Court’s jurisdiction . This argument is

baseless. Article 11 gives a State the possibility of triggering the inter-State complaint procedure.

The drafters could obviously not have it say that if a State party considers that another State party is

violating the Convention, it “must” refer the matter to the Committee. A provision obliging States

parties to refer a matter to a dispute settlement mechanism would have been a startling precedent!

153
See Note No. 72/22-194/510-839 of 5 April 2016.
15See Note No. 72/22-663-2302 of 7 October 2016.
155
CR 2017/3, p. 31, para. 18 (Zionts).
156
Ibid., p. 23, para. 29 (Koh). - 48 -

As we all know, the pertinent legal question is whether Article 22, and not Article 11, imposes an

obligation to have recourse to the Committee before seising the Court.

26. Mr. Zionts attempted to answer this question, but in a rather surprising way.

27. He first asserted that Russia’s position in the Georgia v. Russia case, according to which

the two conditions are cumulative, had “been rejected by every Member of the Court to decide on

it” . It is true that, at the jurisdiction phase of that case, some Members of the Court noted in their

opinions that Article 22 should be interpreted as imposing two alternative conditions rather than

cumulative ones. But seven other Members of the Court considered that it should also have applied

the second precondition in that case at the provisional measures stage. In particular, they pointed

to the fact that there is a procedure for urgency before the CERD Committee which allows it “to

158
54 intervene more effectively in cases of possible violations of the Convention” . This shows, at the

very least, that the question of prior recourse to the CERD Committee is to be taken seriously, and

that it cannot be simply brushed aside as Ukraine does.

28. Ukraine nonetheless contends that “[l]ittle needs to be said of that argument at this stage,

159
where again the only question is prima facie jurisdiction” . Mr. President, I admit that I lost the

thread of Ukraine’s arguments here. On the one hand, it devotes an entire speech to the question of

negotiations, even though it believes it has satisfied that condition. And on the other, it believes it

need say nothing at all about prior recourse to the Committee, although it admits that it has not

even attempted to exhaust this precondition.

29. The only mention made by Ukraine yesterday was that it “do[es] not believe” that Russia

“has the correct reading of [Article 22]” . 160 But, Mr. President, that is precisely the issue.

Ukraine’s response is particularly inadequate given that Ukraine’s “reading” of Article 22 is

fraught with consequences. As Russia understands it, Ukraine is adopting the legal position taken

by the Applicant in the Georgia v. Russia case, according to which there is no problem with

157CR 2017/3, pp. 34-35, para. 27 (Zionts).

158Application of the International Convention on the Elimination of all Forms of Racial Discrimination
(Georgia v. Russian Federation), Provisional Measures, Order of 15 October 2008, I.C.J. Reports 2008, joint dissenting
opinion of Vice-President Al-Khasawneh and Judges Ranjeva, Shi, Koroma, Tomka, Bennouna and Skotnikov, p. 404,
para. 18.
159
CR 2017/3, p. 34, para. 26 (Zionts).
160
Ibid., p. 34, para. 27 (Zionts). - 49 -

bypassing the CERD Committee, by accepting that a State may take its claim directly to the

International Court of Justice.

30. But to deny the second precondition of Article 22 of its effet utile would be to undermine

the desire of the Convention’s drafters to limit recourse to the Court, a desire of which the Court

161
itself took note in its 2011 Judgment . It would also deprive of any effet utile the inter-State

complaint procedure expressly introduced in Articles 11 to 13 of the Convention, whereas in 2011

the Court stressed the need to respect the principle of effet utile . Lastly, it would seriously affect

55 the competence of the CERD Committee and, more broadly, the institutional balance established

by CERD. As the Court noted in the Diallo case in 2010, the Court should ascribe “great weight”

to the practice of any “independent body that was established specifically to supervise the
163
application of [a] treaty” . Such “great weight” is helpful in avoiding the fragmentation of

international law and differing readings or interpretations of the same convention. It is particularly

necessary here, since a distinct feature of CERD is that it established an inter-State complaint

procedure before such a committee.

31. Further, it would be even more difficult to contemplate bypassing the CERD Committee

in this case, since, for one thing, it has for a number of years been monitoring the treatment of

communities in Crimea; for another  and I speak in the present tense here  since last summer

it has before it Russia’s periodic report, on which the institutional dialogue is to begin with the

Committee next August.

IV. The conditions for imposing provisional measures
have not been fulfilled

32. Assuming (quod non) that the Court has prima facie jurisdiction on the basis of

Article 22 of the Convention, the circumstances are not such as to require the indication of

provisional measures.

16CR 2017/2, p. 65, para. 6 (Forteau).

16Application of the International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination
(Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 125, para. 133.
163
Ahmadou Sadio Diallo (Republic of Guinea v. Democratic Republic of the Congo), Merits, Judgment,
I.C.J. Reports 2010 (II), p. 664, para. 66. - 50 -

33. In this respect, it should be pointed out to begin with that the measures requested by

Ukraine are either extremely vague or clearly excessive.

34. On the first point, it is difficult to grasp exactly what measures Ukraine would like to see

adopted by the Court. The fact is that at no time has Ukraine defined what it means in practice by

its request for the cessation of “acts of political and cultural suppression”. For instance, with

regard to the question of disappearances, since the last disappearance dates back to May 2016 and

has not been attributed to Russia, it is difficult to understand the exact scope of Ukraine’s request.

To take another example, regarding the Ukrainian language, there is likewise complete uncertainty

as to exactly what Ukraine is seeking: is it to modify the system whereby families express their

56 wishes concerning the language in which their children are taught? Is it to increase the number of

Ukrainian-language teachers or classes? In terms of media outlets, more than 80 of these have

been authorized to broadcast or publish in the Tatar and Ukrainian languages. What is Ukraine

specifically asking for here, in the guise of provisional measures, in order to protect its rights?

There is complete uncertainty in this regard.

35. Exceptionally, in the case of the Mejlis, Ukraine is asking the Court to order a measure

that is defined precisely, i.e., to suspend the ban on the Mejlis. But such a measure cannot be

ordered by the Court, for at least three reasons.

36. First of all, the ban on the Mejlis is not based on any motive of racial discrimination. It

therefore falls outside the scope of the Convention. Moreover, it is a well-established principle in

the jurisprudence of the Court that, when it rules on provisional measures “the right of each Party

to dispute the facts alleged against it [and] to challenge the attribution to it of responsibility for

those facts . . . must remain unaffected by its decision” . Ordering a suspension of the decree

banning the Mejlis would, conversely, amount to prejudging the merits of the case, by considering

that this ban was not based on reasonable and objective grounds, but in fact entirely motivated by

an intention to engage in racial discrimination, an intention which, I would add, Ukraine has not

even attempted to establish; it has made do with speculating that the campaign against extremism

is merely a pretext, disguising other motives.

164Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and
Herzegovina v. Yugoslavia), Provisional Measures, Order of 8 April 1993, I.C.J. Reports 1993, p. 22, para. 44. - 51 -

38. Lastly, account should be taken of the consequences that would flow from such a

suspension.

39. The decision of the Supreme Court of Crimea which upheld the ban, and is at tab 56 in

the judges’ folder provided by Russia on Tuesday, sets out the reasons which led the authorities to

take the view that the Mejlis was engaging in extremist activities in Crimea. Those reasons are

thoroughly endorsed by the Supreme Court of Crimea, which, from page 11 to page 19 of the

decision, lists in particular the public statements made by the leaders of the Mejlis, statements

57 which are available on the internet, as the Court observes for each of them. The content of these

statements is explicit: the leaders of the Mejlis described those not resisting Russia as

collaborators, encouraged the idea of declaring war on Russia, believed that their objective was to

liberate Crimea by establishing a blockade, called for a halt to all trade with Crimea, including the

supply of electricity, and even accepted the fact that, through the blockade that was put in place,

165
“we, as activists, as the Mejlis, created a humanitarian catastrophe in Crimea” . Mr. Gimblett has

pointed out, moreover, that the justifications for banning the Mejlis also date back to acts that were

166 167
committed before 2014 and which had led Ukraine itself to take measures against the Mejlis .

40. In his reports of December 2015 and March 2016, covering the critical period in relation

to the banning of the Mejlis, the United Nations High Commissioner for Human Rights expressed

his utmost concern at the consequences of the blockade of Crimea and at the accompanying

violations of rights, in particular because the persons enforcing that blockade had substituted

168
themselves for the competent authorities in an unlawful manner . In his March 2016 report, the

High Commissioner writes as follows, moreover: “The ‘civil blockade’ was operated by activists

who illegally performed law enforcement functions, and was marked by some human rights

16Decision of the Supreme Court of Crimea (29 September 2016), tab 56 in the judges’ folder provided by
Russia, p. 18.

16CR 2017/3, p. 53, para. 11, and p. 58, para. 24 (Gimblett).
167
CR 2017/2, pp. 60-61, paras. 34-35 (Agent).
16Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights, Report on the human rights situation in
Ukraine, 16 August to 15 November 2015, paras. 143-146; Office of the United Nations High Commissioner for Human
Rights, Report on the human rights situation in Ukraine, 16 November 2015 to 15 February 2016, paras. 197-200

(http://www.ohchr.org/EN/Countries/ENACARegion/Pages/UAReports.aspx). - 52 -

169
abuses.” In the light of this evidence, it is difficult to argue that Russia was not manifestly

entitled to ban the Mejlis and to take the necessary steps to protect public order.

41. In his December 2016 report, the High Commissioner for Human Rights returned to

these events, setting out the reasons why the law against extremism had been applied. He made no

claim in the report of this being an example of racial discrimination. Yesterday, however,

58 Mr. Gimblett declared this law against extremism to be “arbitrary”, claiming that it was too broad

in its wording . Even supposing this argument to be justified, it is irrelevant in this instance: an

arbitrary law can only come within the scope of CERD at all if it is applied in a discriminatory

manner on racial grounds, which is not the case here.

42. The High Commissioner for Human Rights further stated this in his December 2016

report, regarding the detention of two persons who had taken part in these extremist activities:

“On 10 October, a Crimean ‘court’ extended the pretrial detention of
Yevhen Panov and Andrii Zakhtei, another arrested suspect, until 10 December.

Earlier, in August, the European Court of Human Rights had refused to order the
extradition of Yevhen Panov to Ukraine, as requested by his family who invoked the
Court’s Rule 39 [on interim measures] and the risk of torture in detention. Instead, the
European Court accepted the position of the Russian Federation that the Russian

authorities will review the complaint171f the accused and investigate the conditions
under which he sustained injuries.”

43. This passage in the High Commissioner’s report is important in two respects:

(i) it shows that, contrary to Ukraine’s speculations, there are no grounds for assuming on

principle that Russia is not complying with its international human rights obligations in

Crimea;

(ii) it also shows that respect for human rights in Crimea is strictly monitored by the European

Court of Human Rights (ECHR), for example, through the possible recourse to interim

measures, albeit rejected in this instance.

44. In the same report of December 2016, and still in respect of the fight against extremism,

the High Commissioner noted “serious concerns” with regard to “[t]he continued prosecution of

169
Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights, Report on the human rights situation in
Ukraine, 16 November 2015 to 15 February 2016, para. 197.
17CR 2017/3, p. 53, para. 11 (Gimblett).
171
Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights, Report on the human rights situation in
Ukraine, 16 August to 15 November 2016, para. 161. - 53 -

Crimean Hizb ut-Tahrir members”, some of whom are Crimean Tatars . However, the High2

Commissioner did not state what those concerns were. I recall here that the organization is banned

and has been considered as extremist by the ECHR. Ukraine made no comment yesterday on the

59 two ECHR judgments I cited on Tuesday. Yet those judgments are most interesting: the applicants

in these cases had their complaints declared inadmissible by the Court on the ground  and it is a

ground that the Court uses only very rarely  that the nature of the activities of Hizb ut-Tahrir

precluded it from lodging any complaint before the ECHR, since its actions are to be seen as aimed

173
at destroying the rights and freedoms set forth in the convention . This is an application of

Article 17 of the European Convention on Human Rights.

45. To conclude this point, in his report of December 2016, the High Commissioner made no

criticism of the decision of the Supreme Court of Crimea to ban the Mejlis. He did observe that, in

his view, none of the 30 Crimean Tatar NGOs had “the same degree of representativeness and

174
legitimacy as the Mejlis and Kurultai” , but he nonetheless did not condemn the decision to

impose a ban . This extract also shows that the Mejlis is not regarded as the only body capable of

representing the Tatars; what is more, the Kurultai, for its part, has not been banned. It is true that

in a report submitted six months earlier, on which Mr. Gimblett relied , the High Commissioner

had noted that the banning of the Mejlis “could be perceived as a collective punishment against the

Crimean Tatar community”. But this statement of fact  moreover expressed in hypothetical and

subjective terms  certainly does not in itself imply that the banning of the Mejlis was a case of

racial discrimination.

46. In view of all these circumstances, nothing therefore justifies the suspension of the ban

on the Mejlis. On the contrary, such a measure would have grave consequences for the security of

172Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights, Report on the human rights situation in
Ukraine, 16 August to 15 November 2016, para. 164.

173See ECHR, Hizb ut-Tahrir and others v. Germany, No. 31098/98 (12 June 2012); Kasymakhunov and
Saybatalov v. Russia, Nos. 26261/05 and 26377/06 (14 March 2013).
174
Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights, Report on the human rights situation in
Ukraine, 16 August to 15 November 2016, para. 169.
175
Ibid., paras. 167-169.
176CR 2017/3, p. 53, para. 10 (Gimblett). - 54 -

Crimea, and would at the same time seriously prejudice Russia’s rights on the merits  supposing

that the Court has jurisdiction in this case, which it does not.

47. Mr. President, if I may, I shall now return to a final series of assertions made by Ukraine

60 yesterday regarding the plausibility of its claim. Ukraine’s leitmotiv has been to recommend that

you do not look too closely at the facts or the merits of the case. It considered that, to establish the

facts, it was sufficient for the Court to refer only to what is contained in the United Nations

General Assembly resolution of December 2016. Mr. President, this clearly does not suffice when

the Court is to decide whether to impose binding obligations on a sovereign State in the form of

provisional measures. The General Assembly is not a fact-finding body; furthermore, the

resolution concerned clearly had a markedly political character; it was adopted by only 70 States,

with 26 voting against and 77 abstentions.

48. In any event, the General Assembly resolution was drafted before the United Nations

High Commissioner for Human Rights submitted his last report. In that report, submitted in

December 2016, the High Commissioner states that on 15 November 2016 the Third Committee of

the General Assembly had already adopted the resolution in question . This has two implications:

the first is that when he submitted his report the High Commissioner knew about the contents of the

resolution, the conclusions of which he was in a position to confirm in his report if they

corresponded to the information he had gathered; the second is that the High Commissioner’s

report of December 2016 is the most recent document. This report cannot of course have any

evidential weight according to the standards laid down by the Court in its jurisprudence, which

favour documents prepared by persons with direct knowledge of the facts or prepared in

accordance with a rigorous legal method . The content of this report is nonetheless noteworthy in

several respects.

49. The following points are particularly enlightening:

(i) In paragraphs 155 to 181 of the report, which concentrate on examining the situation in

Crimea, the term “discrimination” does not appear once.

177Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights, Report on the human rights situation in
Ukraine, 16 August to 15 November 2016, para. 155.

178Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and
Herzegovina v. Serbia and Montenegro, Judgment, I.C.J. Reports 2007 (I), p. 130. para. 213 and p. 135, para. 227. - 55 -

61 (ii) On the other hand, the term “discrimination” is used several times in other sections of the
179
report, but in passages relating to the measures to be taken by the Ukrainian authorities .

(iii) Indeed, the part on the measures to be taken by Ukraine contains an entire section on the

rights of minorities and on discrimination ; the part on Crimea also includes a section on

the rights of minorities, but does not refer to discrimination and remains completely silent

on the subject.

(iv) Furthermore, there is not a single reference in the said report to the idea that a campaign of

cultural erasure is being pursued. If that were indeed the case, it would undoubtedly have

been mentioned by the High Commissioner.

(v) On the other hand, in paragraphs 170 and 171, the High Commissioner does express

concern about the “disproportionate legal and administrative barriers imposed by

Ukraine[, which] feed corruption and unduly restrict freedom of movement” between

mainland Ukraine and Crimea, and emphasizes that this issue has become “particularly

acute”; the report cites in this connection “repeated complaints — both from people from

mainland Ukraine and Crimea”.

(vi) In the section on Crimea, moreover, the report considers respect for several human rights,

including the right to a fair trial and the rights of detainees, without mentioning any

allegation of racial discrimination in the enjoyment of these rights.

(vii) Although in paragraph 178, the High Commissioner cites alleged reports of pressure and

house searches conducted against Crimean Tatar activists and Mejlis members, it states

that this action was taken against individuals “who were advocating for a boycott of the

elections”.

(viii) The final part of the section on Crimea consists of three paragraphs (179 to 181) on the

62 right to education. The High Commissioner notes first that “Crimean Tatar parents appear

to be making use of the possibility of educating their children in the Crimean Tatar

language”; he then puts forward figures relating to this very point — citing a Crimean

179
Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights, Report on the human rights situation in
Ukraine, 16 August to 15 November 2016; see in particular paras. 152-154.
18Ibid. - 56 -

Tatar NGO — which show that almost 1,000 pupils are being educated in the Tatar

language in Crimea, with instruction in that language being offered in one more school

than in 2014; furthermore, the High Commissioner does not raise any concerns about

education in the Tatar language; on the subject of Ukrainian-language instruction, the

report merely confirms that this has been in “continuous decline” since March 2014; at no

point, however, is it asserted that this is the result of “restrictions” imposed by the

181
Crimean authorities — contrary to the claims made by Ukraine on Monday . The only

remark made by the High Commissioner is to cite the Crimean authorities, which contend

that this decline may be attributed to a “lack of interest among parents for continuing

Ukrainian-language instruction”; incidentally, I would point out here that there is no

contradiction between the report submitted by Russia to UNESCO in April 2015, the High

Commissioner’s report and the statistics provided to the Court by Russia relating to the list

of Ukrainian-language schools ; it is simply that the latter document, unlike the other

two, does not concern only pupils educated solely in the Ukrainian language.

(ix) I would add, still in relation to the issue of education, that Mr. Gimblett was wrong to

accuse Russia of incorrectly citing the CERD Committee’s 2016 report on Ukraine . 183

Russia stands by its citation, which confirms that Crimean Tatars who go to Ukraine

encounter serious difficulties, notably in terms of accessing education in their own

language. This document is of particular importance, since it contains the CERD

Committee’s concluding observations on Ukraine adopted on 23 August last year . 184

50. Finally, it is equally important to note what is not in the High Commissioner’s

December 2016 report:

63 (i) It does not contain a single allegation concerning a so-called campaign of murders,

abductions and disappearances; nor does it make any claims relating to alleged failures to

investigate past disappearances; yesterday, Mr. Gimblett stated in this regard that the

181
CR 2017/1, p. 62, para. 24 (Gimblett).
18CR 2017/3, pp. 55-56, para. 16 (Gimblett).

18Ibid., pp. 51-52, paras. 6-8 (Gimblett).
184
Document CERD/C/UKR/CO/22-23, 4 October 2016, available at http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/
treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CERD/C/UKR/CO/22-23&Lang=En. - 57 -

Russian authorities “do not claim to have resolved the disappearances of Crimean Tartar

185
activists Reshat Ametov in 2014 and Mr. Ibragimov himself in 2016” . In fact, these

investigations remain ongoing, and Mr. Gimblett did not claim that they would not be or

have not been initiated or carried out.

(ii) The High Commissioner’s report does not contain a single allegation regarding the

purported suppression of the media either. Furthermore, it is interesting to note how

Ukraine’s claim has evolved in this regard. During the first round of oral argument, the

186
Applicant asserted that Ukrainian and Tatar media in Crimea has been “dismantled” and

“suppress[ed]” 187 — terms which correspond to the provisional measures sought by

Ukraine, which are aimed at safeguarding it against any political or cultural “suppression”.

Mr. Gimblett was more cautious yesterday, referring only to “restrictions” imposed on the
188
media, which is a significant change in Ukraine’s claim , undoubtedly motivated by the

information presented to the Court by Russia. Mr. Gimblett limited himself here to

claiming that media outlets such as ATR and Advet had not received new licences to

189
operate in Crimea . The fact is that neither ATR nor Advet has submitted a new request

to register since 2015. And this does not mean they are denied access to Crimea:

ATR freely broadcasts its programmes in Crimea from Ukraine, as can be seen from a

number of packages available, in particular on the internet, offering such access in

Crimea; as for Advet, the newspaper is still published in Crimea’s capital and on the

internet, where it is available in Tatar, Russian and English . 190

64 (iii) Lastly, the High Commissioner’s December 2016 report has no mention of any

suppression or restriction of cultural rights.

51. Members of the Court, this all leads to one very simple conclusion: the circumstances of

these proceedings are manifestly neither those of the Georgia v. Russia case, nor the dramatic and

185
CR 2017/3, p. 54, para. 13 (Gimblett).
186
CR 2017/1, pp. 29-30, para. 17 (Koh).
18Ibid., p. 30, para. 19 (Koh).

18CR 2017/3, p. 55, para. 14, heading of point 3 (Gimblett).
189
Ibid.
19www.advet.org. - 58 -

tragic ones that the Applicant unconvincingly attempted to depict yesterday. In these

circumstances, Ukraine’s request for provisional measures cannot be upheld.

52. Mr. President, this concludes my presentation this morning. Members of the Court, I

thank you sincerely for your attention. I should be grateful, Mr. President, if you would now give

the floor to Mr. Roman Kolodkin, the Agent of Russia.

The PRESIDENT: Thank you, Professor. I give the floor to H.E. Mr. Roman Kolodkin, the

Agent of Russia.

M. KOLODKIN :

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, pour conclure les exposés de

cette matinée, je vais résumer la position de Fédération de Russie et vous présenter sa conclusion

finale.

2. Comme nous l’avons dit dès le commencement de nos plaidoiries, la Cour est saisie de

deux différends totalement distincts, que l’Ukraine a fusionnés artificiellement tenter de stigmatiser

non seulement la République populaire de Louhansk (RPL) et la République populaire de Donetsk

(RPD), mais aussi la Russie, en faisant passer les premières pour des entités terroristes, et la

seconde, pour un «soutien du terrorisme» et un «persécuteur» de minorités ethniques.

3. Cette stigmatisation, si elle est avalisée par la Cour, permettra à l’Ukraine de justifier son

opération dite «antiterroriste», qu’elle mène depuis près de trois ans contre ces entités et, en fait,

contre la population des régions qui constituent ces entités.

4. A l’évidence, ce qu’espère l’Ukraine, c’est que la situation dramatique qui règne dans l’est

du pays serve à noircir le tableau en Crimée, de sorte que la Cour soit incitée à indiquer des

mesures conservatoires au sujet des griefs dont elle est saisie s’agissant de la péninsule. Au cours

65 des deux jours passés, nos contradicteurs ont souvent parlé de similitude lorsqu’ils évoquaient la

situation en Crimée. Il n’y a pourtant aucune similitude.

5. Mardi, j’avais fait observer que l’Ukraine cherchait à obtenir de la Cour une décision sur

un prétendu emploi de la force par la Russie  c’est-à-dire sur une question qui échappe à la - 59 -

191
compétence de la Cour . En réponse, M. Koh vous a assuré que l’Ukraine «ne vous demand[ait]

pas non plus  et ne vous demand[erait] pas  de statuer sur la licéité de l’agression russe» . 192

Mme Zerkal a enchéri peu après . Pourtant, quelques heures plus tard, elle déclarait ce qui suit

aux médias :

«[C]e que nous demandons pour le moment, ce sont des mesures conservatoires.
La Cour examinera cette demande et décidera. Il se peut que sa décision ne soit pas
exactement conforme à notre demande. Il n’en reste pas moins très important pour

nous que soient reconnues par un tribunal les violations, par la Russie, de ces deux
instruments du droit international, et que soient reconnus aussi, en fait, ce rôle, cette
194
agression de la Russie contre le territoire ukrainien…»

6. Une simple question se pose dès lors : laquelle de ces deux positions de l’Ukraine est la

vraie ?

7. Hier, l’Ukraine a contesté que le processus de Minsk fût pertinent aux fins de l’espèce,

ajoutant que, de son point de vue, la RPD et la RPL n’étaient pas «officiellement parties» à ce

processus . Cet argument fait toutefois long feu. Il se trouve en effet que les représentants de ces

entités que l’Ukraine qualifie de terroristes ont signé non seulement les accords de Minsk, mais

également plusieurs autres arrangements conclus au titre de ces accords, y compris la récente

décision-cadre du Groupe de contact tripartite relative au retrait des forces et du matériel

196
militaires .

8. L’Ukraine traite avec ces deux entités au sein du Groupe de contact tripartite et des

groupes de travail établis par les accords de Minsk. L’un de ces groupes de travail s’est réuni il y a

191CR 2017/2, p. 12, par. 3 (Kolodkin).

192CR 2017/3, p. 13, par. 4 (Koh).
193
Ibid., p. 61, par. 4 (Zerkal).
194 me
Interview accordée par M Zerkal à Hromadske TV, 8 mars 2017, consultable à
l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=TbGlzu3RmLs (“Тому що зараз ми вимагаємо запобіжні заходи. Суд
розглядає ці запобіжні заходи і приймає своє власне рішення. Можливо, формулювання в цьому рішенні будуть
не такі, як ми вимагаємо. Але сам факт юридичного визнання порушення Росією цих двох міжнародно-правових
документів для нас є дуже важливим як, фактично, визнання цієї ролі, цієї агресії, яку Росія проводить на
території України по відношенню до українських громадян”) [Traduction du Greffe].

195CR 2017/3, p. 17, par. 15 (Koh).
196
OSCE, communiqué de presse : «Special Representative of the OSCE Chairperson-in-Office in Ukraine Sajdik
welcomes Framework Decision on Disengagement of Forces and Hardware» (21 septembre 2016), consultable à
l’adresse: http://www.osce.org/cio/266331. - 60 -

er
66 tout juste huit jours, le 1 mars. Les représentants de l’OSCE, de l’Ukraine, de la Fédération de
197
Russie et de ces entités que l’Ukraine taxe de terroristes y ont tous pris part .

9. Monsieur le président, la Fédération de Russie prend au sérieux les obligations qu’elle

tient des deux conventions. Et l’Ukraine tire de cette vertu un argument supplémentaire pour

justifier les mesures conservatoires qu’elle demande, répétant à l’envi qu’il sera ainsi d’autant plus

simple à la Russie de s’y conformer. Mais cela n’en fait pas un fondement juridique à l’indication

de mesures conservatoires. Pareilles mesures n’ont pas vocation à rappeler aux Etats leurs

obligations.

10. Même si les deux différends sont bien distincts, il faut dans l’un comme dans l’autre,

s’agissant des mesures conservatoires, satisfaire aux mêmes critères bien établis. Ainsi que nous

l’avons démontré tout au long de ces audiences, dans les deux cas, la demande de l’Ukraine n’est

pas conforme à cette exigence.

11. Je ne récapitulerai pas tous les arguments de la Fédération de Russie, mais permettez-moi

de rappeler les points les plus importants de notre position :

12. En ce qui concerne la convention contre le financement du terrorisme, ces points sont les

suivants :

 Premièrement, dans les quelque 800 pages de documents que l’Ukraine a soumis à la Cour, on

ne trouve pas une seule déclaration d’une quelconque instance ou organisation internationale,

ni même d’un autre Etat que l’Ukraine, qui qualifie de terrorisme ou de financement du

terrorisme les faits invoqués par l’Ukraine. Les organisations internationales et le monde entier

voient la situation en Ukraine orientale comme un conflit armé, et les actes des belligérants

comme ce qu’ils sont : des faits de guerre. Par conséquent, l’Ukraine est seule à qualifier de

terrorisme ou de financement du terrorisme les faits sur lesquels elle s’appuie.

 Deuxièmement, ainsi que l’ont démontré nos conseils, la compétence de la Cour même prima

facie n’est pas fondée en l’espèce.

19OSCE, communiqué de presse : «Press Statement of Special Representative of OSCE Chairperson-in-Office
Sajdik after meeting of the Trilateral Contact Group on 1 March 2017» (2 mars 2017), consultable à
l’adresse: http://www.osce.org/cio/302416. - 61 -

 Troisièmement, il n’y a aucun risque qu’un dommage irréparable soit causé aux droits que

l’Ukraine tient spécifiquement de la convention contre le financement du terrorisme, ni aucune

urgence à protéger ces droits.

13. Permettez-moi aussi de revenir brièvement sur les preuves invoquées par l’Ukraine à

l’appui de ses allégations concernant un prétendu passage continu d’armes à travers la frontière.

Ce point n’est pas essentiel à la Cour pour trancher les questions dont elle est saisie, mais je tiens à

en parler car c’est pour nous une source de réelle préoccupation. Mardi dernier, M. Rogachev a

appelé votre attention sur des observations soumises à la Cour européenne des droits de l’homme
67

(CEDH), dans lesquelles la Russie expliquait que l’Ukraine avait produit des preuves controuvées

pour démontrer l’existence d’un prétendu arsenal de provenance russe . Dans ces observations, la

Russie signalait par exemple que l’Ukraine avait repeint un lance-roquettes Grad pour faire croire
199
qu’il était russe, en l’habillant de symboles militaires russes pour mieux dissimuler son origine ,

et que des caisses de matériel militaire avaient également été maquillées de manière à faire croire

200
qu’elles provenaient de Russie . L’Ukraine n’a pas répondu à ces observations devant la CEDH,

bien qu’elle ait disposé de plus d’une année pour ce faire, et elle n’y a pas davantage répondu

devant vous hier. Dans ces conditions, force est de conclure que les preuves de l’Ukraine ne

peuvent être prises pour argent comptant et doivent au contraire être passées au crible. C’est

d’autant plus nécessaire que l’Ukraine n’a pas fait sa demande dans l’urgence ; en réalité, elle l’a

préparée pendant deux ans.

14. Pour ce qui est de la demande formulée relativement à la convention contre la

discrimination raciale, je ferai les remarques suivantes.

15. L’Ukraine demande à la Cour de ne pas croire ce que dit la Russie, de ne pas croire ce

que disent nombre des habitants de Crimée, et de se fonder uniquement sur des documents émanant

d’organisations internationales –– ou encore, comme nous l’avons appris hier, du Département

d’Etat américain. Nous avons déjà fait observer que la résolution de l’Assemblée générale des

198
CR 2017/2, p. 20, par. 16 (Rogachev).
199Ukraine c. Russie, requête n° 20958/14, Observations of the Russian Government on admissibility
(31 décembre 2015), Dossier of documents submitted by the Russian Federation in connection with Ukraine's request for
the indication of provisional measures, volume II, annexe 9, par. 322-329.
200
Ibid., par. 268-287. - 62 -

Nations Unies était un document politique, adopté à l’issue d’un vote serré où deux tiers des Etats

Membres de l’ONU s’étaient abstenus ou avaient émis un vote négatif. Qui plus est, deux des Etats

ayant voté en faveur de la résolution se sont expressément dissociés des paragraphes qui font

référence aux Tatars de Crimée. Nous avons également fait observer que les rapports sur lesquels

s’appuie l’Ukraine ont été établis par des organismes internationaux qui ne sont pas présents en

Crimée, ce qui réduit en l’espèce leur valeur probante. En tout état de cause, ces rapports ne font

aucune mention de la «campagne d’annihilation culturelle» des minorités nationales que dénonce

l’Ukraine.

68 16. En outre, l’Ukraine n’a pas démenti que les informations qu’elle a présentées pour tenter

de démontrer l’existence d’un prétendu exode de la population de Crimée étaient inexactes. La

faiblesse de ses allégations est particulièrement évidente lorsqu’on voit combien de fois ses

conseils ont fait allusion aux déportations illégales de 1944, qui n’ont pas de rapport avec la

présente affaire.

17. L’Ukraine exerce depuis des années une discrimination à l’égard des Tatars de Crimée,

et elle poursuit aujourd’hui cette pratique sur le territoire placé sous son autorité. Elle soutient

aussi un blocus qui est très lourd pour les habitants de Crimée, dont elle prétend pourtant vouloir

assurer la protection.

18. C’est pourquoi nous avons invité la Cour à appliquer le critère de plausibilité et à

examiner d’un peu plus près les faits, étant entendu, bien sûr, qu’il ne s’agit pas d’un examen sur le

fond de l’affaire. Cette analyse s’impose face à l’interprétation «alternative» que donne l’Ukraine

de la réalité.

19. Comme nous l’avons montré dans nos plaidoiries ce matin et mardi dernier, les griefs

que l’Ukraine tire de la convention contre la discrimination raciale ne sont pas plausibles. Et la

Cour n’a pas compétence, pas même prima facie. Et pour finir, l’Ukraine n’a pas démontré

l’existence d’un quelconque risque de préjudice irréparable, ni d’une quelconque urgence.

20. Monsieur le président, avant de présenter notre conclusion finale, j’aimerais faire une

dernière observation. L’Ukraine n’a cessé de répéter que l’objectif de sa demande était de protéger - 63 -

les populations vulnérables, en particulier celles qui vivent dans l’est du pays, pour lesquelles les

201
mesures conservatoires demandées seraient «une question de vie ou de mort» .

21. En même temps, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme

(HCDH) a publié des rapports, versés au dossier par l’Ukraine elle-même, dans lesquels il est

constaté que les forces armées ukrainiennes, notamment des bataillons de volontaires, se livrent à

202
des bombardements aveugles qui font de nombreuses victimes civiles en Ukraine orientale . Ni

M. Koh ni Mme Cheek n’ont su répondre sur ce point. Ces rapports émanent du HCDH, qui est

présent sur le terrain. Ces mêmes rapports font également état de nombreux cas d’exécutions

extrajudiciaires , de torture 204 et de disparitions forcées 205 imputables aux forces armées
69

ukrainiennes, notamment aux bataillons de volontaires, et au service de sécurité ukrainien. Et la

liste des crimes recensés pourrait se poursuivre.

22. Une question simple se pose alors : comment un Etat qui est mêlé à des actes aussi cruels

contre sa propre population peut-il prétendre qu’il cherche à protéger cette même population et

demander justice devant l’organe judiciaire principal de l’ONU ?

23. La situation en Ukraine orientale est dramatique, mais pour protéger la population de

cette région, l’Ukraine devrait commencer à appliquer sérieusement les accords de Minsk qui sont

largement reconnus comme étant la seule solution incontestée au conflit.

24. Monsieur le président, notre conclusion finale est la suivante :

«Conformément à l’article 60 du Règlement de la Cour, la Fédération de
Russie, pour les motifs exposés à l’audience, prie la Cour de rejeter la demande en

indication de mesures conservatoires présentée par l’Ukraine.»

25. Pour terminer, je souhaite exprimer notre gratitude au Greffe et à son personnel pour les

services rendus au cours de ces audiences, sans oublier les interprètes qui ont fait un travail

201CR 2017/3, p. 26, par. 38 (Koh).
202
Par exemple, HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine, 16 May to 15 Aug. 2015, par. 31-32;
HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine, 16 Aug. to 15 Nov. 2016, p. 4 et p. 10, par. 23.
203
Par exemple, HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine, 16 Feb. to 15 May 2015, par. 37-40;
HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine, 16 Aug. to 15 Nov. 2016, par. 31-32.
204Par exemple, HCDH , Report on the Human Rights Situation in Ukraine, 1 Dec. 2014 to 15 Feb. 2015,
par. 37-40; HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine, 16 Feb. to 15 May 2015, par. 42-46 ; HCDH,
Report on the Human Rights Situation in Ukraine, 16 Aug. – 15 Nov. 2015, par. 43-44; HCDH, Report on the Human

Rights Situation in Ukraine, 16 Nov. 2015-15 Feb. 2016, par. 46-48.
205Par exemple, HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine, 1 Dec. 2014 to 15 Feb. 2015, par. 37;
HCDH, Report on the Human Rights Situation in Ukraine, 16 Feb. to 15 May 2015, par. 42. - 64 -

remarquable dans des conditions parfois difficiles. Et, bien sûr, je remercie les Membres de la

Cour pour leur patience et leur attention.

Je vous remercie, Monsieur le président.

The PRESIDENT : Thank you, Excellency. That brings the present series of sittings to a

close. It remains for me to thank the representatives of the two Parties for the assistance they have

given the Court by their oral observations in the course of these hearings. In accordance with

practice, I would ask the Agents to remain at the Court’s disposal.

70 The Court will render its Order on the Request for the indication of provisional measures as

soon as possible. The Agents of the Parties will be advised in due course as to the date of its

delivery at public sitting.

Since the Court has no other business before it today, the sitting is closed.

The Court rose at 12.55 p.m.

___________

Document Long Title

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