Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Kateka

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163-20161207-ORD-01-04-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE AD HOC KATEKA
[Traduction]
1. J’ai voté en faveur du dispositif, bien que j’estime insuffisante la mesure
conservatoire indiquée. Essentiellement, je ne souscris pas à la conclusion
énoncée par la Cour au paragraphe 50, selon laquelle il n’existe pas,
prima facie, de différend entre les Parties susceptible d’entrer dans les prévisions
de la convention contre la criminalité transnationale organisée (ci-après,
la « convention » ou la « convention de Palerme »), et donc de concerner l’interprétation
ou l’application de l’article 4 de celle-ci. Dans un premier temps,
j’exposerai en quoi je me dissocie du raisonnement et de la conclusion de la
Cour quant à sa compétence prima facie en vertu de cet instrument. J’examinerai
ensuite brièvement les autres conditions requises aux fins de l’indication
de mesures conservatoires, avant de conclure par quelques remarques
concernant plus spécifiquement celle que la Cour a prescrite en l’espèce.
2. La Cour déclare à juste titre qu’elle ne peut indiquer des mesures
conservatoires que si les dispositions invoquées par le demandeur semblent
prima facie constituer une base sur laquelle sa compétence pourrait être
fondée, mais n’a pas besoin de s’assurer de manière définitive qu’elle a compétence
quant au fond de l’affaire (ordonnance, par. 31, citant l’affaire relative
à des Questions concernant la saisie et la détention de certains documents
et données (Timor-Leste c. Australie), mesures conservatoires, ordonnance
du 3 mars 2014, C.I.J. Recueil 2014, p. 151, par. 18). Il s’agit là de la première
condition aux fins de l’indication de mesures conservatoires. La deuxième
est que les droits allégués par une partie soient au moins plausibles 1
et qu’un lien existe entre ceux qui font l’objet de l’instance pendante devant
la Cour sur le fond de l’affaire et les mesures conservatoires sollicitées 2. La
troisième est qu’il y ait urgence, c’est-à-dire qu’il existe un risque réel et
imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en litige avant
que la Cour n’ait rendu sa décision définitive 3.
1 Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de
Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), mesures conservatoires,
ordonnance du 18 juillet 2011, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 545, par. 33 ; Certaines activités
menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 18, par. 53 ; Questions
concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires,
ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009, p. 151, par. 56-57.
2 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière
(Costa Rica c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J.
Recueil 2011 (I), p. 18, par. 54 ; Questions concernant l’obligation de poursuivre ou
d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires, ordonnance du 28 mai 2009,
C.I.J. Recueil 2009, p. 151, par. 56.
3 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa
Rica c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J.
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1179
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Compétence PRIMA FACIE
3. L’existence d’une compétence prima facie est l’un des critères dont il
est constant qu’il doit être rempli pour que la Cour puisse indiquer des
mesures conservatoires. C’est notamment à cette condition que pourront
être sauvegardés les droits de chacune des parties, conformément à l’article
41 du Statut de la Cour. Si elle a toute latitude pour décider de prescrire
ou non des mesures conservatoires, la Cour tend généralement à en
indiquer, sauf incompétence manifeste. Le temps consacré à l’examen de
ces mesures étant limité, il n’est, à ce stade de la procédure, pas présenté
d’argumentation détaillée de fait ou de droit.
4. Je ne procéderai pas ici à une analyse approfondie du lien entre compétence
prima facie et compétence au fond. Le degré d’incursion sur le
terrain du fond que peut se permettre la Cour lorsqu’elle cherche à déterminer
si elle a compétence prima facie est une question controversée. Lorsqu’elle
indique des mesures conservatoires, la Cour peut en effet être
amenée à empiéter sur les droits, voire la souveraineté, de l’autre partie,
préjugeant de ce fait le fond de l’affaire. Aussi certains juges ont-ils avancé
qu’elle devait d’abord s’être assurée provisoirement, par un examen sommaire
du dossier, de sa compétence pour statuer sur le fond (Plateau continental
de la mer Egée (Grèce c. Turquie), mesures conservatoires, ordonnance
du 11 septembre 1976, C.I.J. Recueil 1976, opinion individuelle du juge
Mosler, p. 24-25). En l’affaire du Passage par le Grand-Belt (Finlande
c. Danemark), la Cour a considéré l’argument du Danemark selon lequel
des mesures conservatoires ne devaient être indiquées que si la Finlande
pouvait prouver l’existence du droit qu’elle revendiquait, d’une manière
telle qu’il fût permis d’envisager raisonnablement qu’elle l’emporterait
dans la procédure principale (mesures conservatoires, ordonnance du 29 juillet
1991, C.I.J. Recueil 1991, p. 17). Dans son opinion individuelle, le
juge Shahabuddeen a estimé que la Finlande était tenue d’établir
prima facie le bien-fondé de sa thèse, c’est-à-dire de démontrer la possibilité
de l’existence du droit de passage spécifique revendiqué (ibid., p. 31).
5. Certains commentateurs défendent au contraire l’idée d’une procédure
consacrée aux mesures conservatoires indépendante de la procédure
principale. A cet égard, Rosenne relève que la Cour peut indiquer des
mesures conservatoires en l’absence de juges ad hoc, même si ceux-ci ont
déjà été désignés (Shabtai Rosenne, The Law and Practice of the International
Court 1920-2005, vol. III, p. 1443), et fait valoir qu’elle ne saurait
spéculer sur le fond de l’affaire au stade des mesures conservatoires (ibid.,
p. 1425). Aussi devrait-elle se garder de l’écueil que constituerait, s’agissant
de déterminer l’existence de sa compétence prima facie, une barre
placée trop haut. J’estime que le seuil retenu en la matière doit être bas.
Recueil 2011 (I), p. 21, par. 64 ; Questions concernant l’obligation de poursuivre ou
d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires, ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J.
Recueil 2009, p. 152-153, par. 62.
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1180
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6. A mon avis, la question de l’applicabilité de l’article 4 de la convention
a fait l’objet d’un examen par trop sommaire. Dans l’ordonnance, la
Cour renvoie à treize articles de cet instrument et relève que les obligations
qui y sont prévues consistent principalement à contraindre les Etats
parties à introduire dans leur droit interne des dispositions incriminant
certaines infractions de nature transnationale (ordonnance, par. 48). Elle
déclare que l’article 4 a pour objet de garantir que les Etats parties exécuteront
leurs obligations dans le respect des principes de l’égalité souveraine,
de l’intégrité territoriale des Etats et de la non-intervention dans les
affaires intérieures d’autres Etats (ibid., par. 49). Et d’ajouter que cette
disposition n’apparaît pas créer de nouvelles règles de droit international
coutumier concernant les immunités des personnes de rang élevé dans
l’Etat ou incorporer des règles de droit international coutumier concernant
de telles immunités.
7. La Cour parvient à cette conclusion après avoir, aux paragraphes 41
à 46 de l’ordonnance, présenté un bref résumé des positions des Parties.
Or, si elle indique que celles-ci ont exprimé des vues divergentes sur l’article
4 de la convention, elle se range à l’avis du défendeur selon lequel
tout différend qui pourrait surgir au sujet de « l’interprétation ou [de] l’application
» de cette disposition ne pourrait porter que sur la manière dont
les Etats parties exécutent leurs obligations au titre de la convention sans
avoir analysé les arguments correspondants avancés par le demandeur à
l’audience.
8. Compte tenu de l’importance et de la pertinence du paragraphe 49
dans le raisonnement de la Cour, il est opportun d’en citer la suite :
« Or, il appert à la Cour que le différend allégué n’a pas trait à la
manière dont la France a exécuté ses obligations au titre des articles 6,
12, 14 et 18 de la convention invoqués par la Guinée équatoriale ; il
semble en réalité porter sur une question distincte, celle de savoir si
le vice- président équato- guinéen bénéficie en droit international coutumier
d’une immunité ratione personae et, le cas échéant, si la France
y a porté atteinte en engageant des poursuites à son encontre. »
(Ibid.)
Comme je l’ai déjà indiqué au paragraphe 1, la Cour déclare ensuite qu’il
n’existe pas, prima facie, de différend entre les Parties susceptible d’entrer
dans les prévisions de la convention et donc de concerner l’interprétation
ou l’application de l’article 4 de celle-ci. Dès lors, elle conclut qu’elle n’a
pas compétence prima facie en vertu du paragraphe 2 de l’article 35 de
cet instrument pour connaître de la demande de la Guinée équatoriale
relative à l’immunité de son vice-président, M. Teodoro Nguema Obiang
Mangue.
9. Je ne suis pas d’accord avec la Cour lorsqu’elle affirme que l’article 4
de la convention ne porte que sur la manière dont les Etats parties exécutent
leurs obligations au titre de celle-ci. Je ne le suis pas davantage lorsqu’elle
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1181
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déclare que cette disposition n’incorpore pas de règles de droit international
coutumier concernant les immunités des personnes de rang élevé dans l’Etat.
J’ai fait référence à la première condition relative à la compétence prima facie
et j’y reviendrai maintenant en analysant la convention.
10. Lorsqu’elle s’est penchée sur cette condition, la Cour a interprété
l’article 4 comme ne portant que sur la manière dont les Etats parties
exécutent leurs obligations au titre de la convention. Or, à mon sens, elle
ne l’a pas dûment analysé dans son contexte. Elle n’a pas examiné le texte
de l’article 4 lui-même, non plus qu’aucun des autres articles de cet instrument,
de façon un tant soit peu approfondie. Elle s’est contentée de mentionner
treize dispositions de la convention, puis d’observer que celles-ci
concernaient les obligations incombant aux Etats parties d’incriminer certaines
infractions transnationales (ordonnance, par. 49). Comme je l’ai
également déjà indiqué ci-dessus, elle n’a pas par ailleurs analysé en détail
les arguments avancés par les Parties à l’audience.
11. Commençons par relever qu’il ressort des travaux préparatoires
que le paragraphe 1 de l’article 4 de la convention de Palerme est fondé
sur le paragraphe 2 de l’article 2 de la convention des Nations Unies
contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de
1988 (ci-après, la « convention de Vienne »), respectivement intitulés
« Protection de la souveraineté » et « Portée de la Convention ». S’agissant
de cette dernière disposition, le Canada et le Mexique en avaient, ainsi
que consigné dans le document E/CONF/82.C.1/L.1, proposé le libellé
suivant : « Rien dans la présente Convention ne porte atteinte aux principes
de l’égalité souveraine et de l’intégrité territoriale des Etats ou de la
non-intervention dans les affaires intérieures des Etats » (documents officiels
de la conférence des Nations Unies pour l’adoption d’une convention contre
le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes, Vienne,
25 novembre-20 décembre 1988, Nations Unies, doc. E/CONF.82/16,
vol. 1). Le texte proposé figurait sous le titre « Portée de la Convention ».
Dans le cas de la convention de Palerme, c’est à l’article 3, intitulé « Champ
d’application », qu’en est précisée la portée. L’objet de la convention de
Vienne est énoncé au paragraphe 1 de son article 2, tandis que, s’agissant de
la convention de Palerme, il est défini en son article premier.
12. Si je me réfère à ces articles, c’est pour montrer que la prudence est
de mise lorsqu’on compare les deux instruments, même lorsque leur libellé
présente des similitudes. Bien que le texte du paragraphe 1 de l’article 4 de
la convention de Palerme soit analogue à celui du paragraphe 2 de l’article
2 de la convention de Vienne, il convient de les considérer dans leur
juste contexte. Les auteurs de la convention de Palerme n’ignoraient pas
que cette disposition figurait dans la convention de Vienne sous l’intitulé
« Portée ». S’ils n’ont pas suivi cet exemple, c’est qu’ils entendaient conférer
un autre sens à l’article 4 de la convention de Palerme. Selon moi, ce
dernier est autonome et peut faire naître des obligations pour les Etats
parties.
13. A propos de l’article 4 de la convention de Palerme, on peut lire
dans les guides législatifs pour l’application de la convention des
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1182
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Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, et des protocoles
s’y rapportant, qu’il s’agit du « principal instrument de protection
de la souveraineté nationale dans le cadre de l’application de la Convention
» et que « [s]es dispositions sont explicites » (Nations Unies, 2005,
E.05.V.2, p. 16, par. 33). A propos du paragraphe 2 de l’article 2 de la
convention de Vienne, voici en revanche ce qu’on lit dans le commentaire
de la convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et
de substances psychotropes de 1988, en référence aux principes de l’égalité
souveraine et de l’intégrité territoriale :
« Il serait futile de vouloir élaborer un répertoire complet des violations
de ces principes qui pourraient résulter d’une application
arbitraire et aveugle des dispositions spécifiques de la Convention.
Les situations pouvant susciter des contestations devront être examinées
et résolues en fonction des circonstances de chaque cas d’espèce
à la lumière de l’évolution du droit international. » (Nations Unies,
1998, E/CN.7/590, p. 46, par. 2.18.)
Le contexte est donc essentiel pour interpréter deux dispositions similaires
de deux instruments distincts. Le fait que l’article 4 de la convention de
Palerme est intitulé « Protection de la souveraineté » et non « Portée de la
Convention », titre retenu dans la convention de Vienne, mérite ainsi
d’être souligné : cette différence n’est pas fortuite ; elle est l’objet d’un
choix délibéré des auteurs de la convention de Palerme, laquelle a été
adoptée en l’an 2000, soit douze ans après celle de Vienne.
14. L’article 4 dispose ce qui suit :
« Protection de la souveraineté
1. Les Etats Parties exécutent leurs obligations au titre de la présente
Convention d’une manière compatible avec les principes de l’égalité
souveraine et de l’intégrité territoriale des Etats et avec celui
de la non- intervention dans les affaires intérieures d’autres Etats.
2. Aucune disposition de la présente Convention n’habilite un Etat
Partie à exercer sur le territoire d’un autre Etat une compétence
et des fonctions qui sont exclusivement réservées aux autorités de
cet autre Etat par son droit interne. »
15. Dans l’affaire qui nous occupe, la disposition pertinente est le paragraphe
1, que les Parties interprètent différemment.
16. La Guinée équatoriale affirme que sa revendication du respect des
principes de l’égalité souveraine et de la non-intervention, ainsi que des
règles d’immunité des Etats qui en découlent, notamment l’immunité de
juridiction pénale étrangère dont jouissent certaines personnes occupant
un rang élevé dans l’Etat, trouve son fondement dans l’article 4 de la
convention de Palerme. Elle soutient en outre que cet article a pour effet
d’incorporer ces principes fondamentaux de l’ordre juridique international
dans la convention. Selon elle, il crée une obligation conventionnelle
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1183
39
de respecter ces principes dans l’application de la convention 4. La Guinée
équatoriale souligne que, en engageant une procédure pénale contre le
vice-président équato-guinéen, la France exerce des poursuites à raison
d’une prétendue infraction dont l’article 6 de la convention impose expressément
l’incrimination. Et d’ajouter que la France cherche également à
mettre en oeuvre d’autres dispositions de la convention, comme l’article 12
(« Confiscation et saisie »), l’article 14 (« Disposition du produit du crime
ou des biens confisqués ») et l’article 18 (« Entraide judiciaire ») 5.
17. La France soutient quant à elle que l’article 4 est une directive
générale qui éclaire la manière dont les autres dispositions du traité
doivent être exécutées. Elle estime que l’objet et le but de la convention ne
sont pas de protéger la souveraineté des Etats parties d’une manière générale,
ni de « conventionnaliser » l’interdiction de l’intervention dans les
affaires intérieures d’autres Etats 6. Elle souligne que la référence à ces
principes à l’article 4 intéresse la manière dont les autres dispositions
doivent être appliquées ; elle peut servir à leur interprétation, mais ne saurait
en aucune manière fonder de façon autonome la compétence de la
Cour. La France affirme que les poursuites contre le vice- président n’ont
pas été engagées sur le fondement de la convention 7 ; elle reconnaît néanmoins
que la demande d’entraide judiciaire (art. 18) qu’elle a adressée à la
Guinée équatoriale reposait quant à elle sur cet instrument 8.
18. Le vice- président de la Guinée équatoriale est inculpé, entre autres,
de blanchiment d’argent, de complicité de blanchiment, de recel de
détournement de fonds publics, de complicité de détournement de fonds
publics, d’abus de biens sociaux, de complicité d’abus de biens sociaux et
de recel de chacune de ces infractions. Dans certains de ces cas, il est donc
poursuivi à raison d’une infraction dont l’article 6 de la convention
impose expressément l’incrimination, à savoir le blanchiment du produit
du crime. D’après les notes interprétatives figurant dans les « Travaux
préparatoires des négociations en vue de l’élaboration de la Convention
des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et des
Protocoles s’y rapportant », ce terme, qui donne son titre à l’article, doit
être tenu pour équivalent à celui de « blanchiment d’argent » (Nations
Unies, 2006, 06.V.5, p. 62). L’infraction en question relève du champ
d’application de la convention en vertu du paragraphe 1 de l’article 3,
non seulement en ce qu’elle est établie conformément à l’un des articles
(5, 6, 8 et 23) qui y sont énumérés — en l’occurrence l’article 6 qui vise le
« blanchiment du produit du crime » —, mais également en tant qu’« infraction
grave » 9.
4 CR 2016/16, p. 11, par. 11-13.
5 Ibid., p. 13, par. 18.
6 CR 2016/15, p. 21-22, par. 11-12.
7 Ibid., p. 22, par. 13.
8 Demande en indication de mesures conservatoires de la République de Guinée équatoriale,
annexe 1, ordonnance de renvoi du 5 septembre 2016, p. 29.
9 L’expression « infraction grave » désigne un acte constituant une infraction passible
d’une peine privative de liberté dont le maximum ne doit pas être inférieur à quatre ans ou
d’une peine plus lourde, alinéa b) de l’article 2 de la convention de Palerme.
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1184
40
19. Pour moi, le blanchiment d’argent relève ici de la catégorie des
infractions de nature transnationale (alinéa b) du paragraphe 1 de l’article
3), en raison de l’implication de sociétés de différents pays, notamment
la société équato-guinéenne Somagui Forrestal, cinq sociétés
suisses 10 et plusieurs autres établies en France (Sarl Foch Services, par
exemple). En ce qui concerne la condition relative à l’implication d’un
« groupe criminel organisé », défini à l’alinéa a) de l’article 2 comme un
groupe structuré de trois personnes ou plus, il convient de relever que,
parmi les accusations portées à l’encontre du vice-président, figure la
« complicité » de blanchiment d’argent. D’après l’Oxford English Dictionary,
la notion de complicité renvoie à la contribution à une activité illicite.
La condition relative à l’implication d’un « groupe criminel organisé »
est donc remplie, puisqu’il faut plus d’une personne pour qu’il y ait complicité.
Si doutes il devait rester, les notes interprétatives des « Travaux
préparatoires des négociations en vue de l’élaboration de la Convention
des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et des
Protocoles s’y rapportant » (Nations Unies, 2006, 06.V.5, p. 62) relatives
à l’alinéa a) de l’article 2 permettraient de les lever. On y lit en effet que
le fait que la définition d’un groupe criminel organisé spécifie un nombre
de personnes donné ne portera pas atteinte aux droits des Etats parties en
vertu du paragraphe 3 de l’article 34 de la convention, lequel dispose que
« [c]haque Etat Partie peut adopter des mesures plus strictes ou plus
sévères que celles qui sont prévues par la présente Convention afin de
prévenir et de combattre la criminalité transnationale organisée ». Il est
donc permis de conclure que l’implication d’un nombre de personnes
inférieur à celui spécifié à l’alinéa a) de l’article 2 ne remettrait pas en
cause l’application de la convention. Partant, l’article 4, seul ou conjointement
avec d’autres articles de celle-ci, tels que l’article 6, vient fonder la
compétence de la Cour.
20. En ce qui concerne les conditions de nature procédurale énoncées
au paragraphe 2 de l’article 35 de la convention (ordonnance, par. 38), je
suis d’avis qu’elles sont remplies, la France ayant catégoriquement refusé
de négocier avec la Guinée équatoriale pour régler le différend, en dépit
des nombreuses offres en ce sens que celle-ci lui a faites. Le paragraphe 56
de l’ordonnance renvoie aux échanges diplomatiques visant à régler le différend
évoqués dans la requête de la Guinée équatoriale 11. Or, il y est
clairement exposé que le ministère français des affaires étrangères a
répondu, le 17 mars 2016, ne pas être « en mesure d’accepter l’offre de
règlement par les voies proposées par la République de Guinée équatoriale
» au motif que « les faits mentionnés [avaient] fait l’objet en France de
décisions de justice et [faisaient] encore l’objet de procédures judiciaires » 12.
10 Il est allégué dans l’ordonnance de renvoi que ces sociétés appartiennent au viceprésident,
qui en serait l’unique actionnaire.
11 Requête introductive d’instance déposée le 13 juin 2016 par la République de Guinée
équatoriale contre la République française.
12 Ibid., annexe 13.
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1185
41
21. Compte tenu de ce qui précède, j’estime qu’il existe prima facie
entre les Parties un différend susceptible d’entrer dans les prévisions de la
convention et donc de concerner l’interprétation ou l’application de l’article
4 de celle-ci. En vertu du paragraphe 2 de l’article 35 de cet instrument,
la Cour aurait dû connaître de la demande de la Guinée équatoriale
relative à l’immunité ratione personae de son vice- président.
22. La Cour n’ayant examiné que la question de sa compétence
prima facie, je me pencherai brièvement sur les autres conditions relatives
à l’indication de mesures conservatoires, afin de ne rien omettre.
Caractère plausible des droits allégués
et lien entre ces droits et les mesures sollicitées
23. La deuxième condition à remplir aux fins de l’indication de mesures
conservatoires est que les droits allégués par une partie soient au moins
plausibles 13. La Guinée équatoriale affirme que son vice- président, qui est
chargé de la défense nationale et de la sécurité de l’Etat, jouit en cette qualité
de l’immunité ratione personae et que, partant, toute procédure pénale
à son encontre constitue une violation du droit international. Cet argument
procède de la conviction que la procédure engagée en France constitue une
violation du droit de la Guinée équatoriale au respect des principes de l’égalité
souveraine et de la non- intervention, dont découle le droit au respect de
l’immunité de son vice- président 14. Il est fait observer que la qualité de
l’immunité du vice-président est une question de fond. Au stade des mesures
conservatoires, il suffit d’évaluer si l’existence d’un tel droit est plausible.
24. L’immunité du vice- président de la Guinée équatoriale découle des
principes de l’égalité souveraine et de la non- intervention tels qu’établis à
l’article 4 de la convention. En l’affaire relative au Mandat d’arrêt
du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), la Cour
a fait observer ce qui suit :
« [I]l est clairement établi en droit international que, de même que les
agents diplomatiques et consulaires, certaines personnes occupant un
rang élevé dans l’Etat, telles que le chef de l’Etat, le chef du gouvernement
ou le ministre des affaires étrangères, jouissent dans les autres
Etats d’immunités de juridiction, tant civiles que pénales. » (Mandat
d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique),
arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 20-21, par. 51 (les italiques sont de moi).)
13 Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de
Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), mesures conservatoires,
ordonnance du 18 juillet 2011, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 545, par. 33 ; Certaines activités
menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 18, par. 53 ; Questions
concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires,
ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009, p. 151, par. 56-57.
14 CR 2016/14, p. 25, par. 18.
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1186
42
Ce dictum a été confirmé en l’affaire relative à Certaines questions concernant
l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), où la
Cour a réitéré que « certaines personnes occupant un rang élevé dans
l’Etat … jouiss[aient] dans les autres Etats d’immunités de juridiction »
(Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti
c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 236-237, par. 170).
25. Le vice- président de la Guinée équatoriale est le numéro deux du
gouvernement. Il prend rang au- dessus du premier ministre et bénéficie
donc de l’immunité ratione personae. Je suis d’avis que les mesures conservatoires
sollicitées par la Guinée équatoriale sont en rapport avec les
droits qui font l’objet de l’affaire. La demande de suspension des procédures
pénales procède de la conviction que ces procédures constituent une
violation du droit au respect des principes visés à l’article 4 de la convention.
L’existence d’un droit à l’immunité du vice- président au regard de
cet instrument est donc plausible.
Risque de préjudice irréparable et urgence
26. Le dernier critère à remplir pour que la Cour puisse indiquer des
mesures conservatoires est celui de l’urgence, soit l’existence d’un risque
réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en litige
avant que la Cour ne rende son arrêt définitif 15. La Cour ayant compétence
prima facie sur cette question et le vice-président jouissant bel et
bien de l’immunité de juridiction pénale ratione personae en sa qualité de
« personne occupant un rang élevé dans l’Etat », je vais maintenant montrer
qu’il existe un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit
causé à cette immunité.
27. L’existence d’un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable
soit causé aux droits en litige ne fait à vrai dire aucun doute. Conformément
à l’ordonnance de renvoi rendue le 5 septembre 2016 par les
juges d’instruction, le tribunal correctionnel de Paris a fixé des dates en
janvier 2017 pour le procès du vice-président. A l’audience, le conseil de
la France a expliqué le déroulement de la procédure pénale en France. Il
a affirmé que le procès prendrait plusieurs années et que la procédure
d’appel, en France, durerait longtemps. Il a conjecturé que le viceprésident
pourrait ne pas avoir à comparaître en personne et ne serait
peut-être pas condamné à une peine privative de liberté. Mais cela n’enlève
rien au fait qu’il sera jugé en violation de son immunité ratione personae,
et qu’un préjudice irréparable sera ainsi causé aux droits de la
Guinée équatoriale.
15 Questions concernant la saisie et la détention de certains documents et données (Timor-
Leste c. Australie), mesures conservatoires, ordonnance du 3 mars 2014, C.I.J. Recueil 2014,
p. 154, par. 32 ; Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique
c. Sénégal), mesures conservatoires, ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009,
p. 152-153, par. 62.
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1187
43
28. A l’audience, la France a tenté de minorer l’importance du poste et
des fonctions de vice-président. Son conseil a considéré que le viceprésident
occupait le même rang que d’autres ministres. Il a affirmé que
ses fonctions n’étaient pas les mêmes que celles du ministre des affaires
étrangères. Or, comme je l’ai déjà mentionné, le vice-président est le
numéro deux du gouvernement. Il est chargé de la défense et de la sécurité
de l’Etat — des portefeuilles liés à la politique étrangère. Il est donc
amené à se déplacer souvent à l’étranger, dans le cadre de fonctions dont
la procédure pénale en cours viendrait par conséquent entraver l’exercice.
Il ressort par ailleurs clairement de la décision du 24 octobre 2016 que la
procédure pénale se poursuivra au début de l’année prochaine. Il y a donc
urgence, et un préjudice irréparable sera causé aux droits de la Guinée
équatoriale si la mesure sollicitée n’est pas indiquée.
Mesure conservatoire indiquée par la Cour
29. La Cour a indiqué la mesure conservatoire suivante concernant les
locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale :
« La France doit, dans l’attente d’une décision finale en l’affaire,
prendre toutes les mesures dont elle dispose pour que les locaux présentés
comme abritant la mission diplomatique de la Guinée équatoriale
au 42 avenue Foch à Paris jouissent d’un traitement équivalent
à celui requis par l’article 22 de la convention de Vienne sur les relations
diplomatiques, de manière à assurer leur inviolabilité. » (Ordonnance,
par. 99 ; les italiques sont de moi.)
30. J’estime insuffisante la mesure indiquée. Le sens du terme « équivalent
» m’échappe. Suppose-t-il un traitement qui soit en deçà de celui
requis par la convention de Vienne de 1961 ? L’article 22 de cet instrument
est on ne peut plus clair : les locaux de la mission sont inviolables, et
l’Etat accréditaire a l’obligation spéciale de prendre toutes mesures appropriées
afin d’empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis. Au
paragraphe 89 de l’ordonnance, la Cour a noté que les locaux de l’ambassade
avaient été perquisitionnés à plusieurs reprises dans le cadre des procédures
engagées contre le vice-président et conjecturé qu’« il n’[était] pas
inconcevable que l’édifice de l’avenue Foch fasse l’objet d’une nouvelle
perquisition ». Compte tenu de cette éventualité, elle aurait dû indiquer
une mesure dépourvue de toute équivoque, ainsi que l’avait demandé la
Guinée équatoriale (ibid., par. 17), dont l’objet aurait été que « la France
veille à ce que l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris soit traité comme
locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale en France, et,
en particulier, assure son inviolabilité ».
(Signé) James L. Kateka.

Bilingual Content

1178
34
SEPARATE OPINION OF JUDGE AD HOC KATEKA
1. I voted in favour of the dispositif although I find the provisional
measure indicated to be inadequate. Crucially, I do not agree with the
Court’s conclusion in paragraph 50, namely, that, prima facie, a dispute
capable of falling within the provisions of the Convention against Transnational
Organized Crime (Palermo Convention) and therefore concerning
the interpretation or the application of Article 4 of that Convention
does not exist between the Parties. I shall explain my disagreement with
the reasoning and conclusion of the Court on prima facie jurisdiction
regarding the Palermo Convention. I shall then briefly consider the other
requirements for the indication of provisional measures before concluding
with a few remarks on the provisional measure that the Court has
indicated.
2. The Court rightly states that it may indicate provisional measures
only if the provisions relied on by the Applicant appear, prima facie to
afford a basis on which its jurisdiction could be founded, but need not
satisfy itself in a definitive manner that it has jurisdiction as regards the
merits of the case (Order, para. 31, citing Questions relating to the Seizure
and Detention of Certain Documents and Data (Timor Leste v. Australia),
Provisional Measures, Order of 3 March 2014, I.C.J. Reports 2014, p. 151,
para. 18). This is the first condition for granting provisional measures.
The second condition is that the rights asserted by a party should be at
least plausible 1, and a link must exist between the rights which form the
subject of the proceedings before the Court on the merits of the case and
the provisional measures being sought 2. The third condition is that of
urgency, in the sense that there is a real and imminent risk that irreparable
prejudice may be caused to the rights in dispute before the Court has
given its final decision 3.
1 Request for Interpretation of the Judgment of 15 June 1962 in the Case concerning
the Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand) (Cambodia v. Thailand), Provisional
Measures, Order of 18 July 2011, I.C.J. Reports 2011 (II), p. 545, para. 33; Certain
Activities Carried Out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Provisional
Measures, Order of 8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 18, para. 53; Questions
relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v. Senegal), Provisional
Measures, Order of 28 May 2009, I.C.J. Reports 2009, p. 151, paras. 56‑57.
2 Certain Activities Carried Out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua),
Provisional Measures, Order of 8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 18,
para. 54; Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v. Senegal),
Provisional Measures, Order of 28 May 2009, I.C.J. Reports 2009, p. 151, para. 56.
3 Certain Activities Carried Out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua),
Provisional Measures, Order of 8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 21,
1178
34
OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE AD HOC KATEKA
[Traduction]
1. J’ai voté en faveur du dispositif, bien que j’estime insuffisante la mesure
conservatoire indiquée. Essentiellement, je ne souscris pas à la conclusion
énoncée par la Cour au paragraphe 50, selon laquelle il n’existe pas,
prima facie, de différend entre les Parties susceptible d’entrer dans les prévisions
de la convention contre la criminalité transnationale organisée (ci‑après,
la « convention » ou la « convention de Palerme »), et donc de concerner l’interprétation
ou l’application de l’article 4 de celle‑ci. Dans un premier temps,
j’exposerai en quoi je me dissocie du raisonnement et de la conclusion de la
Cour quant à sa compétence prima facie en vertu de cet instrument. J’examinerai
ensuite brièvement les autres conditions requises aux fins de l’indication
de mesures conservatoires, avant de conclure par quelques remarques
concernant plus spécifiquement celle que la Cour a prescrite en l’espèce.
2. La Cour déclare à juste titre qu’elle ne peut indiquer des mesures
conservatoires que si les dispositions invoquées par le demandeur semblent
prima facie constituer une base sur laquelle sa compétence pourrait être
fondée, mais n’a pas besoin de s’assurer de manière définitive qu’elle a compétence
quant au fond de l’affaire (ordonnance, par. 31, citant l’affaire relative
à des Questions concernant la saisie et la détention de certains documents
et données (Timor‑Leste c. Australie), mesures conservatoires, ordonnance
du 3 mars 2014, C.I.J. Recueil 2014, p. 151, par. 18). Il s’agit là de la première
condition aux fins de l’indication de mesures conservatoires. La deuxième
est que les droits allégués par une partie soient au moins plausibles 1
et qu’un lien existe entre ceux qui font l’objet de l’instance pendante devant
la Cour sur le fond de l’affaire et les mesures conservatoires sollicitées 2. La
troisième est qu’il y ait urgence, c’est-à-dire qu’il existe un risque réel et
imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en litige avant
que la Cour n’ait rendu sa décision définitive 3.
1 Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de
Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), mesures conservatoires,
ordonnance du 18 juillet 2011, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 545, par. 33 ; Certaines activités
menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 18, par. 53 ; Questions
concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires,
ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009, p. 151, par. 56‑57.
2 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière
(Costa Rica c. Nicaragua),
mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J.
Recueil 2011 (I), p. 18, par. 54 ; Questions concernant l’obligation de poursuivre ou
d’extrader
(Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires, ordonnance du 28 mai 2009,
C.I.J. Recueil 2009, p. 151, par. 56.
3 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa
Rica c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J.
1179 immunities and criminal proceedings (sep. op. kateka)
35
Prima Facie Jurisdiction
3. Prima facie jurisdiction is one of the well-established
conditions for
the Court to grant provisional measures. It is one of the requirements for
the preservation of the respective rights of the parties, pursuant to Article
41 of the Court’s Statute. While the Court has discretion whether or
not to grant provisional measures, it normally grants such measures,
unless the absence of jurisdiction is manifest. Owing to the short time
frame for the consideration of provisional measures, there is no detailed
argument of fact and law at this stage of the case.
4. I shall not discuss in detail the question of the relationship between
prima facie jurisdiction and substantive jurisdiction (on the merits). There
is controversy on how far the Court can trespass on the merits in its consideration
of prima facie jurisdiction. In the process of indicating measures
of protection, the Court may encroach on the rights of the other
party and interfere with the latter’s sovereign rights and hence prejudge
the merits. Thus some judges have argued that when the Court indicates
provisional measures, it should have reached the provisional conviction
based on a summary examination of the material before it, that it has
jurisdiction on the merits Aegean Sea Continental Shelf (Greece v. Turkey),
Interim Protection, Order of 11 September 1976, I.C.J. Reports 1976,
pp. 24‑25, separate opinion of Judge Mosler). In the case concerning Passage
through the Great Belt (Finland v. Denmark), the Court refers to
Denmark’s contention that for provisional measures to be granted it is
essential that Finland be able to substantiate the right it claims to a point
where a reasonable prospect of success in the main case exists (Provisional
Measures, Order of 29 July 1991, I.C.J. Reports 1991, p. 17). Judge Shahabuddeen
in his separate opinion in the Passage through the Great Belt
argues that in his view, Finland was obliged to show a prima facie case in
the sense of demonstrating a possibility of existence of the specific right of
passage claimed (ibid., p. 31).
5. Some commentators have argued in favour of the independence of
the provisional measures proceedings from the mainline case proceedings.
In this regard, Rosenne observes that the Court can indicate provisional
measures without the presence of judges ad hoc even if they have been
appointed (Shabtai Rosenne, The Law and Practice of the International
Court 1920‑2005, Vol. III, p. 1443). The same author has argued that the
Court cannot speculate as to the merits of the case at the stage of provisional
measures (ibid., p. 1425). Thus the Court should avoid the drawback
of raising the bar for the existence of prima facie jurisdiction. I am
of the opinion that the threshold for prima facie jurisdiction is low.
para. 64; Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v. Senegal),
Provisional Measures, Order of 28 May 2009, I.C.J. Reports 2009, pp. 152‑153, para. 62.
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1179
35
Compétence prima facie
3. L’existence d’une compétence prima facie est l’un des critères dont il
est constant qu’il doit être rempli pour que la Cour puisse indiquer des
mesures conservatoires. C’est notamment à cette condition que pourront
être sauvegardés les droits de chacune des parties, conformément à l’article
41 du Statut de la Cour. Si elle a toute latitude pour décider de prescrire
ou non des mesures conservatoires, la Cour tend généralement à en
indiquer, sauf incompétence manifeste. Le temps consacré à l’examen de
ces mesures étant limité, il n’est, à ce stade de la procédure, pas présenté
d’argumentation détaillée de fait ou de droit.
4. Je ne procéderai pas ici à une analyse approfondie du lien entre compétence
prima facie et compétence au fond. Le degré d’incursion sur le
terrain du fond que peut se permettre la Cour lorsqu’elle cherche à déterminer
si elle a compétence prima facie est une question controversée. Lorsqu’elle
indique des mesures conservatoires, la Cour peut en effet être
amenée à empiéter sur les droits, voire la souveraineté, de l’autre partie,
préjugeant de ce fait le fond de l’affaire. Aussi certains juges ont‑ils avancé
qu’elle devait d’abord s’être assurée provisoirement, par un examen sommaire
du dossier, de sa compétence pour statuer sur le fond (Plateau continental
de la mer Egée (Grèce c. Turquie), mesures conservatoires, ordonnance
du 11 septembre 1976, C.I.J. Recueil 1976, opinion individuelle du juge
Mosler, p. 24-25). En l’affaire du Passage par le Grand‑Belt (Finlande
c. Danemark), la Cour a considéré l’argument du Danemark selon lequel
des mesures conservatoires ne devaient être indiquées que si la Finlande
pouvait prouver l’existence du droit qu’elle revendiquait, d’une manière
telle qu’il fût permis d’envisager raisonnablement qu’elle l’emporterait
dans la procédure principale (mesures conservatoires, ordonnance du 29 juillet
1991, C.I.J. Recueil 1991, p. 17). Dans son opinion individuelle, le
juge Shahabuddeen a estimé que la Finlande était tenue d’établir
prima facie le bien‑fondé de sa thèse, c’est‑à‑dire de démontrer la possibilité
de l’existence du droit de passage spécifique revendiqué (ibid., p. 31).
5. Certains commentateurs défendent au contraire l’idée d’une procédure
consacrée aux mesures conservatoires indépendante de la procédure
principale. A cet égard, Rosenne relève que la Cour peut indiquer des
mesures conservatoires en l’absence de juges ad hoc, même si ceux‑ci ont
déjà été désignés (Shabtai Rosenne, The Law and Practice of the International
Court 1920‑2005, vol. III, p. 1443), et fait valoir qu’elle ne saurait
spéculer sur le fond de l’affaire au stade des mesures conservatoires (ibid.,
p. 1425). Aussi devrait‑elle se garder de l’écueil que constituerait, s’agissant
de déterminer l’existence de sa compétence prima facie, une barre
placée trop haut. J’estime que le seuil retenu en la matière doit être bas.
Recueil 2011 (I), p. 21, par. 64 ; Questions concernant l’obligation de poursuivre ou
d’extrader
(Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires, ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J.
Recueil 2009, p. 152‑153, par. 62.
1180 immunities and criminal proceedings (sep. op. kateka)
36
6. In my view, the Court’s summary consideration of the applicability
of Article 4 of the Palermo Convention has fallen short of the requisite
examination of the question. The Order refers to 13 articles of the Palermo
Convention and notes that the obligations under the Convention
consist mainly in requiring the States parties to introduce in their domestic
legislation provisions criminalizing certain transnational offences
(Order, para. 48). The Court states that the purpose of Article 4 of the
Convention is to ensure that the States parties to the Convention perform
their obligations in accordance with the principles of sovereign equality,
territorial integrity of States and non-intervention
in the domestic affairs
of other States (ibid., para. 49). The Court adds that the provision does
not appear to create new rules of customary international law concerning
the immunities of holders of high‑ranking office in the State or incorporate
rules of customary international law concerning those immunities.
7. It is observed that the Court reaches the above position after making
a brief summary of the views of the Parties in paragraphs 41 to 46 of
the Order. The Court states that the Parties have expressed differing views
on Article 4 of the Palermo Convention. But it does not analyse the relevant
views of the Applicant in the oral observations before agreeing with
the Respondent that any dispute which might arise with regard to “the
interpretation or application” of Article 4 of the Convention could relate
only to the manner in which the States parties perform their obligations
under the Convention.
8. In view of the importance and relevance of paragraph 49 to the
Court’s reasoning it is worth citing the rest of its text. In this paragraph,
the Court continues that
“[i]t appears to the Court, however, that the alleged dispute does not
relate to the manner in which France performed its obligations under
Articles 6, 12, 14 and 18 of the Convention, invoked by Equatorial
Guinea. The alleged dispute, rather, appears to concern a distinct
issue, namely whether the Vice-President of Equatorial Guinea enjoys
immunity ratione personae under customary international law and, if
so, whether France has violated that immunity by instituting proceedings
against him.» (Ibid.)
Then the Court states, as I already indicated in paragraph 1 above that,
prima facie, a dispute capable of falling within the provisions of the Palermo
Convention and therefore concerning the interpretation or the
application of Article 4 of that Convention does not exist between the
Parties. The Court then concludes that it does not have prima facie jurisdiction
under Article 35, paragraph 2, of the Palermo Convention to
entertain Equatorial Guinea’s request relating to the immunity of
Mr. Teodoro Nguema Obiang Mangue, the Vice‑President of Equatorial
Guinea.
9. I do not share the Court’s view that Article 4 of the Palermo Convention
relates only to the manner in which States parties perform their
obligations under that Convention. Nor do I agree with the Court’s view
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1180
36
6. A mon avis, la question de l’applicabilité de l’article 4 de la convention
a fait l’objet d’un examen par trop sommaire. Dans l’ordonnance, la
Cour renvoie à treize articles de cet instrument et relève que les obligations
qui y sont prévues consistent principalement à contraindre les Etats
parties à introduire dans leur droit interne des dispositions incriminant
certaines infractions de nature transnationale (ordonnance, par. 48). Elle
déclare que l’article 4 a pour objet de garantir que les Etats parties exécuteront
leurs obligations dans le respect des principes de l’égalité souveraine,
de l’intégrité territoriale des Etats et de la non‑intervention dans les
affaires intérieures d’autres Etats (ibid., par. 49). Et d’ajouter que cette
disposition n’apparaît pas créer de nouvelles règles de droit international
coutumier concernant les immunités des personnes de rang élevé dans
l’Etat ou incorporer des règles de droit international coutumier concernant
de telles immunités.
7. La Cour parvient à cette conclusion après avoir, aux paragraphes 41
à 46 de l’ordonnance, présenté un bref résumé des positions des Parties.
Or, si elle indique que celles‑ci ont exprimé des vues divergentes sur l’article
4 de la convention, elle se range à l’avis du défendeur selon lequel
tout différend qui pourrait surgir au sujet de « l’interprétation ou [de] l’application
» de cette disposition ne pourrait porter que sur la manière dont
les Etats parties exécutent leurs obligations au titre de la convention sans
avoir analysé les arguments correspondants avancés par le demandeur à
l’audience.
8. Compte tenu de l’importance et de la pertinence du paragraphe 49
dans le raisonnement de la Cour, il est opportun d’en citer la suite :
« Or, il appert à la Cour que le différend allégué n’a pas trait à la
manière dont la France a exécuté ses obligations au titre des articles 6,
12, 14 et 18 de la convention invoqués par la Guinée équatoriale ; il
semble en réalité porter sur une question distincte, celle de savoir si
le vice-président
équato-guinéen
bénéficie en droit international coutumier
d’une immunité ratione personae et, le cas échéant, si la France
y a porté atteinte en engageant des poursuites à son encontre. »
(Ibid.)
Comme je l’ai déjà indiqué au paragraphe 1, la Cour déclare ensuite qu’il
n’existe pas, prima facie, de différend entre les Parties susceptible d’entrer
dans les prévisions de la convention et donc de concerner l’interprétation
ou l’application de l’article 4 de celle‑ci. Dès lors, elle conclut qu’elle n’a
pas compétence prima facie en vertu du paragraphe 2 de l’article 35 de
cet instrument pour connaître de la demande de la Guinée équatoriale
relative à l’immunité de son vice‑président, M. Teodoro Nguema Obiang
Mangue.
9. Je ne suis pas d’accord avec la Cour lorsqu’elle affirme que l’article 4
de la convention ne porte que sur la manière dont les Etats parties exécutent
leurs obligations au titre de celle‑ci. Je ne le suis pas davantage lorsqu’elle
1181 immunities and criminal proceedings (sep. op. kateka)
37
that Article 4 does not incorporate rules of customary international law
concerning the immunities of holders of high-ranking
office in the State. I
have referred to the first condition of prima facie jurisdiction which I
shall elaborate on by analysing the Palermo Convention.
10. In its consideration of the requirement of prima facie jurisdiction,
the Court has interpreted Article 4 to relate only to the manner in which
States parties perform their obligations under the Convention. In my
view, the Court has not explored Article 4 in its proper context. The
Court has not considered the article itself or any of the other articles of
the Palermo Convention to any considerable extent. The Court merely
cites 13 provisions of the Palermo Convention and then observes that
these articles concern the obligations of States parties to criminalize certain
transnational crimes (Order, para. 49). As also indicated above, the
Court did not deal at length with the views of the Parties made during the
oral observations.
11. At the outset it is noted that the legislative history of Article 4 of
the Palermo Convention shows that its paragraph 1 is based on Article 2,
paragraph 2, of the United Nations Convention against Illicit Traffic in
Narcotic Drugs and Psychotropic Substances of 1988 (Vienna Convention).
Article 4 of the Palermo Convention has the title of “Protection of
sovereignty” while Article 2 of the Vienna Convention has the title of
“Scope of the Convention”. This provision as proposed by Canada and
Mexico in document E/CONF/82.C.1/L.1 read: “Nothing in this Convention
derogates from the principles of the sovereign equality and territorial
integrity of States or that of non‑intervention in the domestic affairs of
States” (Official Records of the UN Conference for the Adoption of a
Convention against Illicit Drugs and Psychotropic Substances, Vienna,
25 November‑20 December 1988, UN doc. E/CONF.82/16, Vol. 1). This
two‑power draft was under the title of scope. In the case of the Palermo
Convention, the scope of application is to be found in Article 3 titled
“Scope of application”. Subparagraph 1 of Article 2 of the Vienna Convention
is on the purpose of the Convention. In the case of the Palermo
Convention the purpose of the Convention is in Article 1.
12. I am citing these articles in order to show that caution should be
taken when comparing the two Conventions even where there is similarity
of language in the Conventions’ provisions. Thus, even though the language
of Article 4, subparagraph 1, of the Palermo Convention is similar
to that of Article 2, subparagraph 2, of the Vienna Convention, the two
should be looked at by taking into account the relevant circumstances.
The drafters of the Palermo Convention were aware that Article 2 (2) of
the Vienna Convention has the title of “scope”. The fact that they did not
adopt the Vienna approach shows that they intended to put a different
interpretation to Article 4. In my view, that article is self‑standing and
can be the basis of obligations for States parties.
13. In the case of Article 4 of the Palermo Convention, the “Legislative
Guides for the Implementation of the UN Convention against Transna-
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1181
37
déclare que cette disposition n’incorpore pas de règles de droit international
coutumier concernant les immunités des personnes de rang élevé dans l’Etat.
J’ai fait référence à la première condition relative à la compétence prima facie
et j’y reviendrai maintenant en analysant la convention.
10. Lorsqu’elle s’est penchée sur cette condition, la Cour a interprété
l’article 4 comme ne portant que sur la manière dont les Etats parties
exécutent leurs obligations au titre de la convention. Or, à mon sens, elle
ne l’a pas dûment analysé dans son contexte. Elle n’a pas examiné le texte
de l’article 4 lui‑même, non plus qu’aucun des autres articles de cet instrument,
de façon un tant soit peu approfondie. Elle s’est contentée de mentionner
treize dispositions de la convention, puis d’observer que celles‑ci
concernaient les obligations incombant aux Etats parties d’incriminer certaines
infractions transnationales (ordonnance, par. 49). Comme je l’ai
également déjà indiqué ci‑dessus, elle n’a pas par ailleurs analysé en détail
les arguments avancés par les Parties à l’audience.
11. Commençons par relever qu’il ressort des travaux préparatoires
que le paragraphe 1 de l’article 4 de la convention de Palerme est fondé
sur le paragraphe 2 de l’article 2 de la convention des Nations Unies
contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de
1988 (ci‑après, la « convention de Vienne »), respectivement intitulés
« Protection de la souveraineté » et « Portée de la Convention ». S’agissant
de cette dernière disposition, le Canada et le Mexique en avaient, ainsi
que consigné dans le document E/CONF/82.C.1/L.1, proposé le libellé
suivant : « Rien dans la présente Convention ne porte atteinte aux principes
de l’égalité souveraine et de l’intégrité territoriale des Etats ou de la
non‑intervention dans les affaires intérieures des Etats » (documents officiels
de la conférence des Nations Unies pour l’adoption d’une convention contre
le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes, Vienne,
25 novembre‑20 décembre 1988, Nations Unies, doc. E/CONF.82/16,
vol. 1). Le texte proposé figurait sous le titre « Portée de la Convention ».
Dans le cas de la convention de Palerme, c’est à l’article 3, intitulé « Champ
d’application », qu’en est précisée la portée. L’objet de la convention de
Vienne est énoncé au paragraphe 1 de son article 2, tandis que, s’agissant de
la convention de Palerme, il est défini en son article premier.
12. Si je me réfère à ces articles, c’est pour montrer que la prudence est
de mise lorsqu’on compare les deux instruments, même lorsque leur libellé
présente des similitudes. Bien que le texte du paragraphe 1 de l’article 4 de
la convention de Palerme soit analogue à celui du paragraphe 2 de l’article
2 de la convention de Vienne, il convient de les considérer dans leur
juste contexte. Les auteurs de la convention de Palerme n’ignoraient pas
que cette disposition figurait dans la convention de Vienne sous l’intitulé
« Portée ». S’ils n’ont pas suivi cet exemple, c’est qu’ils entendaient conférer
un autre sens à l’article 4 de la convention de Palerme. Selon moi, ce
dernier est autonome et peut faire naître des obligations pour les Etats
parties.
13. A propos de l’article 4 de la convention de Palerme, on peut lire
dans les guides législatifs pour l’application de la convention des
1182 immunities and criminal proceedings (sep. op. kateka)
38
tional Organized Crime and the Protocol Thereto” states that “Article 4
is the primary vehicle for protection of national sovereignty in carrying
out the terms of the Convention. Its provisions are self‑explanatory.”
(United Nations, 2005, E.05.V.2, p. 16, para. 33.) On the other hand, the
“Commentary on the United Nations Convention Against Illicit Traffic
in Narcotic Drugs and Psychotropic Substances 1988”, particularly to
Article 2, subparagraph 2, referring to the principles of sovereign equality
and territorial integrity states that
“It would be futile to attempt to draw up a comprehensive catalogue
of possible violations of those principles that might result from
any arbitrary, indiscriminate application of specific provisions of the
Convention. Occurrences that are open to dispute will have to be
approached and resolved on a case‑by‑case basis in the light of the
development of international law, taking into account the particular
circumstances of each incident.” (United Nations, 1998, E/CN.7/590,
p. 46, para. 2.18.)
Hence the context is very important when interpreting the two similar
provisions to be found in the two Conventions. It bears stressing that
Article 4 of the Palermo Convention appears under the title of “Protection
of sovereignty” and not under “Scope of the Convention” as in the
Vienna Convention. This difference is not accidental but is a deliberate
change in the Palermo Convention which was adopted in the year 2000,
twelve years after the Vienna Convention.
14. Article 4 provides as follows :
“Protection of sovereignty
1. States Parties shall carry out their obligations under this Convention
in a manner consistent with the principles of sovereign equality
and territorial integrity of States and that of non-intervention
in the domestic affairs of other States.
2. Nothing in this Convention entitles a State Party to undertake in
the territory of another State the exercise of jurisdiction and performance
of functions that are reserved exclusively for the authorities
of that other State by its domestic law.”
15. In the present case, the relevant provision is Article 4, subparagraph
1. In this regard, the Parties have shown differences in their interpretation
of that provision.
16. Equatorial Guinea argues that its claims for respect for the principles
of sovereign equality and of non‑intervention, and the rules of State
immunity that derive from these principles, in particular the immunity
from foreign criminal jurisdiction of certain holders of high‑ranking office
in the State are based on the terms of Article 4 of the Palermo Convention.
Equatorial Guinea adds that this article has the effect of incorporating
these fundamental principles of the international legal order into the Convention.
In Equatorial Guinea’s view Article 4 establishes a treaty obliga-
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1182
38
Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, et des protocoles
s’y rapportant, qu’il s’agit du « principal instrument de protection
de la souveraineté nationale dans le cadre de l’application de la Convention
» et que « [s]es dispositions sont explicites » (Nations Unies, 2005,
E.05.V.2, p. 16, par. 33). A propos du paragraphe 2 de l’article 2 de la
convention de Vienne, voici en revanche ce qu’on lit dans le commentaire
de la convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et
de substances psychotropes de 1988, en référence aux principes de l’égalité
souveraine et de l’intégrité territoriale :
« Il serait futile de vouloir élaborer un répertoire complet des violations
de ces principes qui pourraient résulter d’une application
arbitraire et aveugle des dispositions spécifiques de la Convention.
Les situations pouvant susciter des contestations devront être examinées
et résolues en fonction des circonstances de chaque cas d’espèce
à la lumière de l’évolution du droit international. » (Nations Unies,
1998, E/CN.7/590, p. 46, par. 2.18.)
Le contexte est donc essentiel pour interpréter deux dispositions similaires
de deux instruments distincts. Le fait que l’article 4 de la convention de
Palerme est intitulé « Protection de la souveraineté » et non « Portée de la
Convention », titre retenu dans la convention de Vienne, mérite ainsi
d’être souligné : cette différence n’est pas fortuite ; elle est l’objet d’un
choix délibéré des auteurs de la convention de Palerme, laquelle a été
adoptée en l’an 2000, soit douze ans après celle de Vienne.
14. L’article 4 dispose ce qui suit :
« Protection de la souveraineté
1. Les Etats Parties exécutent leurs obligations au titre de la présente
Convention d’une manière compatible avec les principes de l’égalité
souveraine et de l’intégrité territoriale des Etats et avec celui
de la non-intervention
dans les affaires intérieures d’autres Etats.
2. Aucune disposition de la présente Convention n’habilite un Etat
Partie à exercer sur le territoire d’un autre Etat une compétence
et des fonctions qui sont exclusivement réservées aux autorités de
cet autre Etat par son droit interne. »
15. Dans l’affaire qui nous occupe, la disposition pertinente est le paragraphe
1, que les Parties interprètent différemment.
16. La Guinée équatoriale affirme que sa revendication du respect des
principes de l’égalité souveraine et de la non‑intervention, ainsi que des
règles d’immunité des Etats qui en découlent, notamment l’immunité de
juridiction pénale étrangère dont jouissent certaines personnes occupant
un rang élevé dans l’Etat, trouve son fondement dans l’article 4 de la
convention de Palerme. Elle soutient en outre que cet article a pour effet
d’incorporer ces principes fondamentaux de l’ordre juridique international
dans la convention. Selon elle, il crée une obligation conventionnelle
1183 immunities and criminal proceedings (sep. op. kateka)
39
tion to respect these principles when implementing the Convention 4.
Equatorial Guinea stresses that in entertaining criminal proceedings
against the Vice‑President of Equatorial Guinea, France is prosecuting an
alleged crime the criminalization of which is explicitly required by Article
4 of the Palermo Convention. It adds that France is also seeking to
implement other provisions of the Convention, for example, Article 12
(Confiscation and seizure), Article 14 (Disposal of confiscated proceeds of
crime or property) and Article 18 (Mutual legal assistance) 5.
17. For its part, France argues that Article 4 is a general guideline
which clarifies the manner in which the other provisions of the treaty
should be implemented. It adds that the object and purpose of the Palermo
Convention is not to protect the sovereignty of the States parties in
a general sense ; nor is it to codify the prohibition of intervention in the
internal affairs of other States 6. France stresses that the reference to these
principles in Article 6 indicates the manner in which the other provisions
must be applied ; it can be used to interpret them, but in no way can it
serve as an autonomous basis of the Court’s jurisdiction. While contending
that the proceedings against the Vice‑President were not initiated on
the basis of the Palermo Convention 7, France concedes that its request
for mutual legal assistance (Article 18 of the Convention) to Equatorial
Guinea was done on the basis of the Convention 8.
18. The Vice‑President of Equatorial Guinea is charged, inter alia, with
money laundering, complicity in money laundering, handling of misappropriated
public funds, complicity in the misappropriation of public
funds, misuse of corporate assets and complicity in misuse of corporate
assets and concealment of each of these offences. Thus, France, in some
of these charges, is prosecuting an alleged crime, the criminalization of
which is required by Article 6 of the Palermo Convention — criminalization
of the laundering of proceeds of crime. This title to Article 6, according
to the interpretative notes, set out in the “Travaux Préparatoires of
the negotiations for the elaboration of the United Nations Convention
against Transnational Organized Crime and the Protocols thereto”, is
understood to be equivalent to “money laundering” (United Nations,
2006, 06.V.5, p. 62). This crime falls within the scope of application of the
Palermo Convention under Article 3 (1), because it is not only an offence
established in accordance with one of the offences listed, namely that of
“laundering the proceeds of crime” under Article 6 of the Convention,
but is also a “serious crime” 9, among offences established in accordance
with Articles 5, 6, 8 and 23 of the Convention.
4 CR 2016/16, p. 11, paras. 11‑13.
5 Ibid., p. 13, para 18.
6 CR 2016/15, pp. 21‑22, paras. 11‑12.
7 Ibid., p. 22, para 13.
8 Request for the indication of provisional measures by the Republic of Equatorial
Guinea, Annex 1, Referral Order of 5 September 2016, p. 29.
9 Which means conduct constituting an offence punishable by a maximum deprivation
of liberty of at least four years or a more serious penalty, Article 2 (b) of the Palermo
Convention.
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1183
39
de respecter ces principes dans l’application de la convention 4. La Guinée
équatoriale souligne que, en engageant une procédure pénale contre le
vice‑président équato‑guinéen, la France exerce des poursuites à raison
d’une prétendue infraction dont l’article 6 de la convention impose expressément
l’incrimination. Et d’ajouter que la France cherche également à
mettre en oeuvre d’autres dispositions de la convention, comme l’article 12
(« Confiscation et saisie »), l’article 14 (« Disposition du produit du crime
ou des biens confisqués ») et l’article 18 (« Entraide judiciaire ») 5.
17. La France soutient quant à elle que l’article 4 est une directive
générale qui éclaire la manière dont les autres dispositions du traité
doivent être exécutées. Elle estime que l’objet et le but de la convention ne
sont pas de protéger la souveraineté des Etats parties d’une manière générale,
ni de « conventionnaliser » l’interdiction de l’intervention dans les
affaires intérieures d’autres Etats 6. Elle souligne que la référence à ces
principes à l’article 4 intéresse la manière dont les autres dispositions
doivent être appliquées ; elle peut servir à leur interprétation, mais ne saurait
en aucune manière fonder de façon autonome la compétence de la
Cour. La France affirme que les poursuites contre le vice-président
n’ont
pas été engagées sur le fondement de la convention 7 ; elle reconnaît néanmoins
que la demande d’entraide judiciaire (art. 18) qu’elle a adressée à la
Guinée équatoriale reposait quant à elle sur cet instrument 8.
18. Le vice-président
de la Guinée équatoriale est inculpé, entre autres,
de blanchiment d’argent, de complicité de blanchiment, de recel de
détournement de fonds publics, de complicité de détournement de fonds
publics, d’abus de biens sociaux, de complicité d’abus de biens sociaux et
de recel de chacune de ces infractions. Dans certains de ces cas, il est donc
poursuivi à raison d’une infraction dont l’article 6 de la convention
impose expressément l’incrimination, à savoir le blanchiment du produit
du crime. D’après les notes interprétatives figurant dans les « Travaux
préparatoires des négociations en vue de l’élaboration de la Convention
des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et des
Protocoles s’y rapportant », ce terme, qui donne son titre à l’article, doit
être tenu pour équivalent à celui de « blanchiment d’argent » (Nations
Unies, 2006, 06.V.5, p. 62). L’infraction en question relève du champ
d’application de la convention en vertu du paragraphe 1 de l’article 3,
non seulement en ce qu’elle est établie conformément à l’un des articles
(5, 6, 8 et 23) qui y sont énumérés — en l’occurrence l’article 6 qui vise le
« blanchiment du produit du crime » —, mais également en tant qu’« infraction
grave » 9.
4 CR 2016/16, p. 11, par. 11‑13.
5 Ibid., p. 13, par. 18.
6 CR 2016/15, p. 21‑22, par. 11‑12.
7 Ibid., p. 22, par. 13.
8 Demande en indication de mesures conservatoires de la République de Guinée équatoriale,
annexe 1, ordonnance de renvoi du 5 septembre 2016, p. 29.
9 L’expression « infraction grave » désigne un acte constituant une infraction passible
d’une peine privative de liberté dont le maximum ne doit pas être inférieur à quatre ans ou
d’une peine plus lourde, alinéa b) de l’article 2 de la convention de Palerme.
1184 immunities and criminal proceedings (sep. op. kateka)
40
19. In my view this crime of money laundering falls into the category
of crimes that are transnational in nature — Article 3 (1) (b) — because
of the involvement of several companies from different countries, such as
Equatorial Guinea (for example, Somagui Forrestal), five companies
from Switzerland 10, and several companies based in France (such as Sarl
Foch Services). Regarding the requirement of an “organized criminal
group”, which is defined as a structured group of three or more persons
— Article 2 (a) — it is noted that some of the offences brought
against the Vice-President
include “complicity” in money laundering.
According to the Oxford English Dictionary, “complicity” means the fact
or condition of being involved with others in an unlawful activity. Thus
the criterion for an “organized criminal group” is met because it takes
more than one person for there to be complicity. In case of any doubt, the
situation is clarified by the interpretative notes of Article 2 (a), concerning
organized criminal group, which are set out in the “Travaux Préparatoires
of the negotiations for the elaboration of the United Nations
Convention against Transnational Organized Crime and the Protocols
thereto (United Nations, 2006, 06.V.5, p. 62). The notes state that the
inclusion of a specific number of persons in the definition of organized
criminal group would not prejudice the rights of States parties pursuant
to Article 34 (3) of the Palermo Convention. That article states that
“[e]ach State party may adopt more strict or severe measures than those
provided for by the Convention for preventing and combating transnational
organized crime”. One can infer from this analysis of the Palermo
Convention that fewer persons than those mentioned in Article
2 (a)
would not affect the application of the Convention. Hence, Article 4
whether on its own or in combination with other articles of the Convention,
such as Article 6, provides the basis for the Court’s jurisdiction.
20. As for the procedural conditions set out in Article 35 (2) of the
Palermo Convention (Order, para. 38), I am of the view that these conditions
are met because France categorically refused to negotiate with
Equatorial Guinea for the settlement of the dispute in spite of the numerous
offers by the Applicant to settle the dispute. Paragraph 56 of the
Order refers to Equatorial Guinea’s Application 11 concerning the diplomatic
exchanges aimed at settling the dispute. It is stated clearly that on
17 March 2016, the French Ministry of Foreign Affairs responded that it
was “unable to accept the offer of settlement by the means proposed by
the Republic of Equatorial Guinea” on the grounds that “the facts mentioned
. . . have been the subject of court decisions in France and remain
the subject of ongoing legal proceedings” 12.
10 It is alleged by the indictment that these companies belong to the Vice-President
as
sole shareholder.
11 Application instituting proceedings filed on 13 June 2016 by the Republic of Equatorial
Guinea, against the French Republic.
12 Ibid., Ann. 13.
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1184
40
19. Pour moi, le blanchiment d’argent relève ici de la catégorie des
infractions de nature transnationale (alinéa b) du paragraphe 1 de l’article
3), en raison de l’implication de sociétés de différents pays, notamment
la société équato‑guinéenne Somagui Forrestal, cinq sociétés
suisses 10 et plusieurs autres établies en France (Sarl Foch Services, par
exemple). En ce qui concerne la condition relative à l’implication d’un
« groupe criminel organisé », défini à l’alinéa a) de l’article 2 comme un
groupe structuré de trois personnes ou plus, il convient de relever que,
parmi les accusations portées à l’encontre du vice‑président, figure la
« complicité » de blanchiment d’argent. D’après l’Oxford English Dictionary,
la notion de complicité renvoie à la contribution à une activité illicite.
La condition relative à l’implication d’un « groupe criminel organisé »
est donc remplie, puisqu’il faut plus d’une personne pour qu’il y ait complicité.
Si doutes il devait rester, les notes interprétatives des « Travaux
préparatoires des négociations en vue de l’élaboration de la Convention
des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et des
Protocoles s’y rapportant » (Nations Unies, 2006, 06.V.5, p. 62) relatives
à l’alinéa a) de l’article 2 permettraient de les lever. On y lit en effet que
le fait que la définition d’un groupe criminel organisé spécifie un nombre
de personnes donné ne portera pas atteinte aux droits des Etats parties en
vertu du paragraphe 3 de l’article 34 de la convention, lequel dispose que
« [c]haque Etat Partie peut adopter des mesures plus strictes ou plus
sévères que celles qui sont prévues par la présente Convention afin de
prévenir et de combattre la criminalité transnationale organisée ». Il est
donc permis de conclure que l’implication d’un nombre de personnes
inférieur à celui spécifié à l’alinéa a) de l’article 2 ne remettrait pas en
cause l’application de la convention. Partant, l’article 4, seul ou conjointement
avec d’autres articles de celle‑ci, tels que l’article 6, vient fonder la
compétence de la Cour.
20. En ce qui concerne les conditions de nature procédurale énoncées
au paragraphe 2 de l’article 35 de la convention (ordonnance, par. 38), je
suis d’avis qu’elles sont remplies, la France ayant catégoriquement refusé
de négocier avec la Guinée équatoriale pour régler le différend, en dépit
des nombreuses offres en ce sens que celle‑ci lui a faites. Le paragraphe 56
de l’ordonnance renvoie aux échanges diplomatiques visant à régler le différend
évoqués dans la requête de la Guinée équatoriale 11. Or, il y est
clairement exposé que le ministère français des affaires étrangères a
répondu, le 17 mars 2016, ne pas être « en mesure d’accepter l’offre de
règlement par les voies proposées par la République de Guinée équatoriale
» au motif que « les faits mentionnés [avaient] fait l’objet en France de
décisions de justice et [faisaient] encore l’objet de procédures judiciaires » 12.
10 Il est allégué dans l’ordonnance de renvoi que ces sociétés appartiennent au vice-président,
qui en serait l’unique actionnaire.
11 Requête introductive d’instance déposée le 13 juin 2016 par la République de Guinée
équatoriale contre la République française.
12 Ibid., annexe 13.
1185 immunities and criminal proceedings (sep. op. kateka)
41
21. In light of the above, I am of the opinion that, prima facie, a dispute
capable of falling within the provisions of the Palermo Convention
and thus concerning the interpretation or application of Article 4 of the
Convention, exists between the Parties. Pursuant to Article 35 (2) the
Court should have entertained the request by Equatorial Guinea relating
to the immunity ratione personae of the Vice‑President.
22. As the Court examined only the question of prima facie jurisdiction,
I shall briefly look at the other requirements for the indication of
provisional measures in order to complete the picture.
Plausible Character of the Alleged Rights
and Their Link to the Measures Sought
23. The second condition that has to be met for the granting of provisional
measures is that the rights asserted by a party should be at least
plausible 13. Equatorial Guinea argues that the Vice‑President enjoys
immunity ratione personae in his capacity of being in charge of National
Defence and State Security and as such the criminal proceedings against
him constitute a violation of international law. This request reflects the
claim that the proceedings in France violate Equatorial Guinea’s right to
respect for the principles of sovereign equality and non‑intervention from
which the right to respect for the immunity its Vice-President
derives 14. It
is observed that the status of the immunity of the Vice‑President is a matter
for the merits. It suffices for the purposes of the provisional measures
stage, to assess whether this right exists plausibly.
24. The immunity of the Vice‑President of Equatorial Guinea flows
from the principles of sovereign equality and non-intervention
as established
in Article 4 of the Palermo Convention. In the Arrest Warrant of
11 April 2000 (Democratic Republic of the Congo v. Belgium) case, it was
held that :
“in international law it is firmly established that, as also diplomatic
and consular agents, certain holders of high-ranking
office in a State,
such as the Head of State, Head of Government and Minister for
Foreign Affairs, enjoy immunities from jurisdiction in other States,
both civil and criminal” (Arrest Warrant of 11 April 2000 (Democratic
Republic of the Congo v. Belgium), Judgment, I.C.J. Reports 2002,
pp. 20‑21, para. 51 (emphasis added)).
13 Request for Interpretation of the Judgment of 15 June 1962 in the Case concerning
the Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand) (Cambodia v. Thailand) Provisional
Measures, Order of 18 July 2011, I.C.J. Reports 2011 (II), p. 545, para. 33; Certain Activities
Carried Out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Provisional
Measures, Order of 8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 18, para. 53; Questions
relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v. Senegal), Provisional
Measures, Order of 28 May 2009, I.C.J. Reports 2009, p. 151, paras. 56‑57.
14 CR 2016/14, p. 25, para. 18.
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1185
41
21. Compte tenu de ce qui précède, j’estime qu’il existe prima facie
entre les Parties un différend susceptible d’entrer dans les prévisions de la
convention et donc de concerner l’interprétation ou l’application de l’article
4 de celle‑ci. En vertu du paragraphe 2 de l’article 35 de cet instrument,
la Cour aurait dû connaître de la demande de la Guinée équatoriale
relative à l’immunité ratione personae de son vice-président.
22. La Cour n’ayant examiné que la question de sa compétence
prima facie, je me pencherai brièvement sur les autres conditions relatives
à l’indication de mesures conservatoires, afin de ne rien omettre.
Caractère plausible des droits allégués
et lien entre ces droits et les mesures sollicitées
23. La deuxième condition à remplir aux fins de l’indication de mesures
conservatoires est que les droits allégués par une partie soient au moins
plausibles 13. La Guinée équatoriale affirme que son vice-président,
qui est
chargé de la défense nationale et de la sécurité de l’Etat, jouit en cette qualité
de l’immunité ratione personae et que, partant, toute procédure pénale
à son encontre constitue une violation du droit international. Cet argument
procède de la conviction que la procédure engagée en France constitue une
violation du droit de la Guinée équatoriale au respect des principes de l’égalité
souveraine et de la non-intervention,
dont découle le droit au respect de
l’immunité de son vice-président
14. Il est fait observer que la qualité de
l’immunité du vice‑président est une question de fond. Au stade des mesures
conservatoires, il suffit d’évaluer si l’existence d’un tel droit est plausible.
24. L’immunité du vice-président
de la Guinée équatoriale découle des
principes de l’égalité souveraine et de la non-intervention
tels qu’établis à
l’article 4 de la convention. En l’affaire relative au Mandat d’arrêt
du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), la Cour
a fait observer ce qui suit :
« [I]l est clairement établi en droit international que, de même que les
agents diplomatiques et consulaires, certaines personnes occupant un
rang élevé dans l’Etat, telles que le chef de l’Etat, le chef du gouvernement
ou le ministre des affaires étrangères, jouissent dans les autres
Etats d’immunités de juridiction, tant civiles que pénales. » (Mandat
d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique),
arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 20‑21, par. 51 (les italiques sont de moi).)
13 Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de
Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), mesures conservatoires,
ordonnance du 18 juillet 2011, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 545, par. 33 ; Certaines activités
menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 18, par. 53 ; Questions
concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires,
ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009, p. 151, par. 56‑57.
14 CR 2016/14, p. 25, par. 18.
1186 immunities and criminal proceedings (sep. op. kateka)
42
This dictum was reaffirmed in the Certain Questions of Mutual Assistance
in Criminal Matters (Djibouti v. France) case, which reiterated that “certain
holders of high-ranking
office in a State . . . enjoy immunities from
jurisdiction in other States” (Certain Questions of Mutual Assistance in
Criminal Matters (Djibouti v. France), Judgment, I.C.J. Reports 2008,
pp. 236‑237, para. 170).
25. The Vice‑President of Equatorial Guinea is number two in the
Government. He is above the Prime Minister. He is thus entitled to
immunity ratione personae. I am of the view that the provisional measures
requested by Equatorial Guinea are linked to the rights which are the
object of the case. The request to suspend the criminal proceedings reflects
the claim that these proceedings violate the right to respect the principles
reflected in Article 4 of the Palermo Convention. Therefore there is a
plausible right to immunity for the Vice‑President under the Palermo
Convention.
Risk of Irreparable Prejudice and Urgency
26. The final criterion that has to be met in order for the Court to
indicate provisional measures is that of urgency, in the sense that there is
a real and imminent risk that irreparable prejudice may be caused to the
right in dispute before the Court has given its final decision 15. Given that
the Court has prima facie jurisdiction on this issue and that the Vice-President
indeed enjoys immunity ratione personae from criminal jurisdiction
as a “holder of high-ranking
office in a State”, it will now be shown
that there is a real and imminent risk that irreparable prejudice may be
caused to this immunity.
27. It is clear that there is a real and imminent risk that irreparable
prejudice will be caused to the rights in dispute. Following the Order of
5 September 2016 by the investigating judges, the Paris Tribunal correctionnel
has fixed dates in January 2017 for the criminal trial against the
Vice‑President. Counsel for France during the oral observations gave an
explanation of the French criminal proceedings. He contended that the
trial in France would take years. The appeal process was long in France.
He speculated that the Vice‑President may not be summoned to appear in
person ; that he may not be given a custodial sentence. Such arguments do
not take away the fact that the Vice-President
will be tried in contravention
of his immunity ratione personae. Irreparable prejudice will be done
to the rights of Equatorial Guinea.
15 Questions relating to the Seizure and Detention of Certain Documents and
Data (Timor‑Leste v. Australia), Provisional Measures, Order of 3 March 2014,
I.C.J. Reports 2014, p. 154, para. 32; Questions relating to the Obligation to Prosecute
or Extradite
(Belgium v. Senegal), Provisional Measures, Order of 28 May 2009,
I.C.J. Reports 2009, pp. 152‑153, para. 62.
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1186
42
Ce dictum a été confirmé en l’affaire relative à Certaines questions concernant
l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), où la
Cour a réitéré que « certaines personnes occupant un rang élevé dans
l’Etat … jouiss[aient] dans les autres Etats d’immunités de juridiction »
(Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti
c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 236‑237, par. 170).
25. Le vice-président
de la Guinée équatoriale est le numéro deux du
gouvernement. Il prend rang au-
dessus
du premier ministre et bénéficie
donc de l’immunité ratione personae. Je suis d’avis que les mesures conservatoires
sollicitées par la Guinée équatoriale sont en rapport avec les
droits qui font l’objet de l’affaire. La demande de suspension des procédures
pénales procède de la conviction que ces procédures constituent une
violation du droit au respect des principes visés à l’article 4 de la convention.
L’existence d’un droit à l’immunité du vice-président
au regard de
cet instrument est donc plausible.
Risque de préjudice irréparable et urgence
26. Le dernier critère à remplir pour que la Cour puisse indiquer des
mesures conservatoires est celui de l’urgence, soit l’existence d’un risque
réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en litige
avant que la Cour ne rende son arrêt définitif 15. La Cour ayant compétence
prima facie sur cette question et le vice‑président jouissant bel et
bien de l’immunité de juridiction pénale ratione personae en sa qualité de
« personne occupant un rang élevé dans l’Etat », je vais maintenant montrer
qu’il existe un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit
causé à cette immunité.
27. L’existence d’un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable
soit causé aux droits en litige ne fait à vrai dire aucun doute. Conformément
à l’ordonnance de renvoi rendue le 5 septembre 2016 par les
juges d’instruction, le tribunal correctionnel de Paris a fixé des dates en
janvier 2017 pour le procès du vice‑président. A l’audience, le conseil de
la France a expliqué le déroulement de la procédure pénale en France. Il
a affirmé que le procès prendrait plusieurs années et que la procédure
d’appel, en France, durerait longtemps. Il a conjecturé que le vice-président
pourrait ne pas avoir à comparaître en personne et ne serait
peut‑être pas condamné à une peine privative de liberté. Mais cela n’enlève
rien au fait qu’il sera jugé en violation de son immunité ratione personae,
et qu’un préjudice irréparable sera ainsi causé aux droits de la
Guinée équatoriale.
15 Questions concernant la saisie et la détention de certains documents et données (Timor-
Leste c. Australie), mesures conservatoires, ordonnance du 3 mars 2014, C.I.J. Recueil 2014,
p. 154, par. 32 ; Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique
c. Sénégal), mesures conservatoires, ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009,
p. 152‑153, par. 62.
1187 immunities and criminal proceedings (sep. op. kateka)
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28. In its oral observations, France attempted to downplay the
position
of the Vice‑President and his functions. Counsel ranked the
Vice‑President
along with other Ministers. He argued that the Vice‑
President’s functions are not the same as those of the Minister for
Foreign
Affairs. But as already explained above the Vice‑President is
number two in the Government. Being in charge of defence and State
security indicates that these portfolios are aspects of foreign policy.
His functions require him to travel often. His functions would thus be
compromised
by the ongoing criminal proceedings. It is clear from the
decision of 24 October 2016 that the criminal proceedings will continue
early next year. There is urgency and the rights of Equatorial Guinea
will suffer irreparable prejudice if the measure requested is not ordered.
The Provisional Measure Indicated by the Court
29. The Court has indicated a provisional measure concerning the
premises of the diplomatic mission of Equatorial Guinea. The measure
states that
“France shall, pending a final decision in the case, take all measures
at its disposal to ensure that the premises presented as housing the
diplomatic mission of Equatorial Guinea at 42 Avenue Foch in Paris
enjoy treatment equivalent to that required by Article 22 of the Vienna
Convention on Diplomatic Relations, in order to ensure their inviolability”
(Order, para. 99 ; emphasis added).
30. I find the way the measure is framed to be inadequate. I do not
understand the meaning of the term “equivalent”. Does it imply treatment
less than is required by the 1961 Vienna Convention ? Article 22 of
the Vienna Convention is very clear. The premises of the mission shall be
inviolable. The provision adds that the receiving State is under a special
duty to take all appropriate steps to protect the mission against any intrusion.
In paragraph 89 of the Order, the Court notes that the premises of
the Embassy have been searched a number of times in the context of the
proceedings brought against the Vice‑President and that “it is not inconceivable
that the building on Avenue Foch will be searched again”. Given
this possibility the Court should have issued a measure that is unequivocal
as requested by Equatorial Guinea (ibid., para. 17), namely, that
“France ensure that the building located at 42 Avenue Foch in Paris is
treated as premises of Equatorial Guinea’s diplomatic mission in France
and, in particular, assure its inviolability . . .”.
(Signed) James L. Kateka.
immunités et procédures pénales (op. ind. kateka) 1187
43
28. A l’audience, la France a tenté de minorer l’importance du poste et
des fonctions de vice‑président. Son conseil a considéré que le vice-président
occupait le même rang que d’autres ministres. Il a affirmé que
ses fonctions n’étaient pas les mêmes que celles du ministre des affaires
étrangères. Or, comme je l’ai déjà mentionné, le vice‑président est le
numéro deux du gouvernement. Il est chargé de la défense et de la sécurité
de l’Etat — des portefeuilles liés à la politique étrangère. Il est donc
amené à se déplacer souvent à l’étranger, dans le cadre de fonctions dont
la procédure pénale en cours viendrait par conséquent entraver l’exercice.
Il ressort par ailleurs clairement de la décision du 24 octobre 2016 que la
procédure pénale se poursuivra au début de l’année prochaine. Il y a donc
urgence, et un préjudice irréparable sera causé aux droits de la Guinée
équatoriale si la mesure sollicitée n’est pas indiquée.
Mesure conservatoire indiquée par la Cour
29. La Cour a indiqué la mesure conservatoire suivante concernant les
locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale :
« La France doit, dans l’attente d’une décision finale en l’affaire,
prendre toutes les mesures dont elle dispose pour que les locaux présentés
comme abritant la mission diplomatique de la Guinée équatoriale
au 42 avenue Foch à Paris jouissent d’un traitement équivalent
à celui requis par l’article 22 de la convention de Vienne sur les relations
diplomatiques, de manière à assurer leur inviolabilité. » (Ordonnance,
par. 99 ; les italiques sont de moi.)
30. J’estime insuffisante la mesure indiquée. Le sens du terme « équivalent
» m’échappe. Suppose-t-il un traitement qui soit en deçà de celui
requis par la convention de Vienne de 1961 ? L’article 22 de cet instrument
est on ne peut plus clair : les locaux de la mission sont inviolables, et
l’Etat accréditaire a l’obligation spéciale de prendre toutes mesures appropriées
afin d’empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis. Au
paragraphe 89 de l’ordonnance, la Cour a noté que les locaux de l’ambassade
avaient été perquisitionnés à plusieurs reprises dans le cadre des procédures
engagées contre le vice‑président et conjecturé qu’« il n’[était] pas
inconcevable que l’édifice de l’avenue Foch fasse l’objet d’une nouvelle
perquisition ». Compte tenu de cette éventualité, elle aurait dû indiquer
une mesure dépourvue de toute équivoque, ainsi que l’avait demandé la
Guinée équatoriale (ibid., par. 17), dont l’objet aurait été que « la France
veille à ce que l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris soit traité comme
locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale en France, et,
en particulier, assure son inviolabilité ».
(Signé) James L. Kateka.

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Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Kateka

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