Opinion individuelle de M. le juge Bhandari

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160-20161005-JUD-01-11-EN
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160-20161005-JUD-01-00-EN
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O PINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE B HANDARI

Accord avec les conclusions de la majorité  Existence d’un différend étant fondamentale
pour l’exercice de la compétence de la Cour  Documents et pièces de procédure des Parties
n’attestant pas l’existence d’un différend  Cour n’ayant pas compétence  Arrêt n’insistant pas
suffisamment sur l’absence de différend et insistant trop sur la nécessité que le défendeur ait

connaissance du différend  Cour ayant eu tort de n’avoir pas statué sur les autres exceptions
préliminaires  Principe de l’Or monétaire  Décision sollicitée n’entrant pas dans le cadre de
la fonction judiciaire de la Cour.

1. Je souscris aux conclusions de la majorité des Membres de la Cour tendant à retenir

l’exception d’incompétence soulevée par le Royaume-Uni au motif de l’absence de différend. Je
souhaite cependant joindre à l’arrêt l’exposé de mon opinion individuelle pour asseoir sur une base
plus large le raisonnement qui y est développé. Je me propose également d’aborder un autre aspect
de l’affaire, à savoir que, dans le cas d’espèce, la Cour aurait dû répondre aux autres exceptions
préliminaires soulevées par le Royaume-Uni, parce que les questions dont il s’agit dans cette
affaire ne concernent pas les seules Parties, mais l’humanité tout entière. En outre, en se

prononçant sur ces exceptions, la Cour aurait permis de «cristalliser» davantage la controverse en
cause en la présente affaire, étant donné, en particulier, que tous les documents, pièces de
procédure et arguments avaient été versés in extenso au dossier.

2. La question à trancher était de savoir si les documents, les pièces de procédure et le
comportement des Parties permettaient d’établir qu’il existait entre elles, au moment du dépôt de la
requête, un différend répondant aux conditions prévues par les instruments juridiques applicables et

par la jurisprudence de la Cour.

3. En vertu du paragraphe 2 de l’article 36 et du paragraphe 1 de l’article 38 du Statut de la
Cour, celle-ci ne peut exercer sa compétence que s’il existe un différend entre les parties. La
notion de «différend», et plus particulièrement celle de «différend d’ordre juridique», est donc
fondamentale pour l’exercice de la compétence de la Cour. L’arrêt le reconnaît et examine certains

aspects essentiels de la jurisprudence de la Cour à cet égard.

4. Toute analyse de l’existence ou non d’un différend devrait commencer par une définition
de ce dernier terme. Le Black’s Law Dictionary propose les définitions suivantes, susceptibles de
nous guider dans notre analyse.

«Dispute : A conflict or controversy ; a conflict of claims or rights ; an assertion
of a right, claim, or demand on one side, met by contrary claims or allegations on the
other.» [«Différend : conflit ou litige ; conflit de prétentions ou de droits ; affirmation
d’un droit, prétention ou exigence d’une partie qui se heurte aux prétentions ou
allégations contraires d’une autre partie.»]

«Legal dispute : Contest/conflict/disagreement concerning lawful existence of

(1) a duty or right, or (2) compensation by extent or type, claimed by the injured party
for a breach of such duty or right.» [«Différend d’ordre juridique :
contestation/conflit/désaccord concernant l’existence légale 1) d’une obligation ou
d’un droit, ou 2) de la nature ou de l’étendue de la réparation demandée par la partie
lésée pour la rupture d’une obligation ou d’un droit.»] - 2 -

5. Dans l’affaire Géorgie c. Fédération de Russie, pour déterminer s’il existait un différend
juridique entre ces deux Etats au moment du dépôt de la requête, la Cour a procédé à un examen

détaillé des échanges diplomatiques, documents et déclarations pertinents. Elle a effectué une
analyse approfondie des éléments de preuve, qui comprenaient de nombreux exemples de la
pratique officielle géorgienne et russe entre 1992 et 2008. Elle a jugé que la plupart des documents
et déclarations qui lui avaient été soumis ne prouvaient pas l’existence d’un différend, car ils «ne
cont[enaient] aucune critique à l’encontre» du défendeur, ne s’apparentaient pas à une «allégation»
à l’encontre de celui-ci, et n’étaient en aucune autre façon de nature à attester l’existence entre les
parties d’un différend susceptible de faire l’objet d’un règlement judiciaire ; dans cette affaire, la

Cour a également estimé que l’existence d’un différend était une question de fond et non de forme
ou de procédure (Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 2011 (I), p. 84-91, par. 30-46).

6. En l’affaire Belgique c. Sénégal, la Cour a, de la même façon, examiné méthodiquement
les échanges diplomatiques qui avaient précédé le dépôt de la requête afin de vérifier si le Sénégal

avait été dûment avisé du différend. Elle a conclu que, au moment du dépôt de la requête, le
différend qui opposait les parties n’était pas relatif à des manquements à des obligations relevant du
droit international coutumier, et qu’elle n’avait donc pas compétence pour statuer sur les demandes
de la Belgique qui s’y rapportaient (Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader
(Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 433-435, par. 24-26).

7. Dans une autre affaire importante, celle des Concessions Mavrommatis en Palestine, la

Cour permanente internationale de Justice a considéré qu’un différend était «un désaccord sur un
point de droit ou de fait, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts» entre des parties
(Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n° 2, 1924, C.P.J.I. série A n° 2, p. 11). Dans les
affaires du Sud-Ouest africain, la Cour internationale de Justice a énoncé le critère de l’existence
d’un différend, à savoir que la réclamation de l’une des parties doit se heurter à l’opposition
manifeste de l’autre (Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 328).

8. Si l’on applique le Statut et la jurisprudence de la Cour aux documents et pièces de
procédure qui lui ont été présentés, on parvient à l’incontestable conclusion qu’il n’existait pas de
différend entre les Parties et que, compte tenu des faits de l’espèce, la Cour n’avait pas compétence
pour statuer.

9. Or, dans le présent arrêt, au lieu d’examiner ces aspects de près, la majorité de la Cour a
décidé de s’intéresser principalement au fait que le défendeur n’avait pas connaissance du différend
allégué, considérant qu’«un différend exist[ait] lorsqu’il [était] démontré, sur la base des éléments
de preuve, que le défendeur avait connaissance, ou ne pouvait pas ne pas avoir connaissance, de ce
que ses vues se heurtaient à l’«opposition manifeste» du demandeur» (arrêt, paragraphe 41).

10. La Cour, lorsqu’elle examine la question de sa compétence, est libre de choisir n’importe

quelle exception soulevée par le défendeur, et elle choisit habituellement la plus «directe et
décisive». M. C. Tomuschat a clairement résumé la situation dans son commentaire de l’article 36
du Statut de la Cour dans un manuel intitulé The Statute of the International Court of Justice  A
Commentary (Second Edition) :

«La Cour est libre de choisir les motifs d’incompétence ou d’irrecevabilité sur
la base desquels elle rejettera une affaire. Elle n’est pas tenue de suivre un ordre - 3 -

spécifique, ni de se prononcer sur les questions de compétence avant les questions de

recevabilité. Elle fonde généralement ses décisions sur le motif qu’elle estime le plus
«direct et décisif». Il semblerait logique que la Cour doive se prononcer par ordre de
priorité sur les exceptions d’incompétence. Toutefois, un régime procédural aussi
strict serait d’autant plus fâcheux que la limite entre les deux catégories d’exceptions
dépend dans une certaine mesure d’une appréciation subjective. La Cour choisit donc
1
le motif le plus approprié («direct et décisif») pour rejeter une affaire.»

11. Cette liberté a été affirmée pour la première fois dans l’affaire relative à Certains
emprunts norvégiens (France c. Norvège), dans laquelle la Cour a considéré que sa compétence
était contestée pour deux motifs et qu’elle était libre de fonder sa décision sur le motif qui, selon
elle, était le plus direct et décisif (Certains emprunts norvégiens (France c. Norvège), arrêt, C.I.J.

Recueil 1957, p. 25).

12. Depuis cette affaire, la Cour a régulièrement confirmé cette position (voir, par exemple,
Incident aérien du 27 juillet 1955 (Israël c. Bulgarie), arrêt, C.I.J. Recueil 1959, p. 146 ; Plateau
continental de la mer Egée (Grèce c. Turquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1978, p. 16-17 ; Incident aérien

du 10 août 1999 (Pakistan c. Inde), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 2000, p. 24,
par. 26 ; Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. Belgique), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 298, par. 46).

13. En la présente espèce, lorsqu’elle a retenu le défaut de connaissance du différend chez le
défendeur comme motif principal de rejet de la demande, la Cour semble, sauf le respect que je lui

dois, avoir choisi de ne pas privilégier l’élément le plus «direct et décisif». Ce choix peut entraîner
de graves conséquences, car le demandeur pourra facilement mettre fin à ce défaut de connaissance
en notifiant formellement le différend au défendeur. Dans ce cas, la République des Iles Marshall
pourrait simplement introduire à nouveau la même instance devant la Cour. A mon sens, un tel
résultat n’était guère souhaitable et il aurait fallu l’empêcher. Le véritable motif de rejet de
l’affaire aurait dû être l’absence de différend entre les Parties. La majorité de la Cour n’a examiné

que la première exception préliminaire présentée par le Royaume-Uni et, même dans son examen
de cette exception, elle n’a pas suffisamment mis l’accent sur l’analyse des documents et pièces de
procédure des Parties, qui révélaient qu’il n’existait pas de différend entre elles.

14. Les Parties ont déjà soumis une profusion de documents, pièces de procédure et

arguments. Compte tenu des faits de l’espèce, la Cour aurait dû examiner les autres exceptions
préliminaires du Royaume-Uni. Faute de quoi, une réintroduction de l’instance signifierait que les
efforts, le temps et les moyens que les Parties et la Cour ont dépensés pour régler cette question
l’ont été en pure perte.

15. Un examen minutieux de l’ensemble des documents, pièces de procédure et arguments

aboutit à l’irréfragable conclusion d’une absence de différend entre les Parties. La majorité de la
Cour aurait dû rejeter la requête des Iles Marshall principalement pour ce motif.

1C. Tomuschat, The Statute of the International Court of Justice  A Commentary (Second Edition), p. 707,
par. 138, notes de bas de page supprimées. - 4 -

LES AUTRES EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

16. Compte tenu des faits de l’espèce, la Cour aurait dû examiner les autres exceptions
préliminaires soulevées par le Royaume-Uni. Celles-ci sont reproduites ci-après :

i) La Cour n’a pas compétence parce qu’«il n’existe entre les Iles Marshall et le
Royaume-Uni . . . aucun «différend» susceptible de faire l’objet d’un règlement judiciaire
au sens du paragraphe 2 de l’article 36, du paragraphe premier de l’article 38 et du
paragraphe premier de l’article 40 du Statut de la Cour, du paragraphe premier de

l’article 38 du Règlement, ainsi que des dispositions applicables du droit international
coutumier et de la jurisprudence en la matière» (exceptions préliminaires du
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, 15 juin 2015, ci-après «EPRU»,
par. 6).

ii) La Cour n’a pas «compétence au titre des déclarations faites par les deux Parties en vertu
de la clause facultative, lesquelles constituent la seule base de compétence invoquée par
les Iles Marshall en la présente espèce» (EPRU, par. 7).

iii) Au surplus ou à titre subsidiaire, «les Iles Marshall, par leur déclaration du 24 avril 2013
en vertu de la clause facultative, n’ont accepté la juridiction obligatoire de la Cour
qu’«aux fins du [différend]» aujourd’hui allégué à l’égard du Royaume-Uni. Pareils
différends étant exclus de la compétence de la Cour par l’effet de l’alinéa iii) du
paragraphe premier de la déclaration du Royaume-Uni, la Cour n’a pas compétence pour
connaître des réclamations présentées par les Iles Marshall» (EPRU, par. 8).

iv) La requête est irrecevable ou la Cour n’est pas compétente pour en connaître parce que
des Etats dont les intérêts essentiels sont mis en cause dans la requête ne sont pas parties à
la procédure (EPRU, par. 9).

v) Etant donné qu’un arrêt rendu par la Cour n’aurait aucune conséquence pratique, la
requête n’entre pas dans la fonction judiciaire de la Cour, et celle-ci devrait donc, en tout
état de cause, se déclarer incompétente (EPRU, par. 10).

17. Sur ces cinq exceptions préliminaires, certaines étaient à mon sens directes et décisives,
et, compte tenu des faits et des circonstances de l’espèce, la Cour aurait dû statuer sur elles, afin
que le demandeur ne puisse rouvrir la même procédure ultérieurement. Il s’agissait des exceptions
suivantes :

a) l’exception tirée de l’absence à l’instance de parties indispensables (principe de

l’Or monétaire) ;

b) l’exception tirée des déclarations faites par les Parties en vertu de la clause facultative, qui
excluaient la requête des Iles Marshall ; et

c) le fait que la requête de la République des Iles Marshall n’entrait pas dans le cadre de la
fonction judiciaire de la Cour, qui devait donc refuser d’exercer sa compétence à son égard.

Principe de l’Or monétaire

18. En ce qui concerne le principe de l’Or monétaire, les Iles Marshall ont présenté dans leur
requête un tableau qui indique que l’Inde, le Pakistan et le Royaume-Uni, défendeurs dans les trois
affaires en cause, possèdent moins de 3 % de l’ensemble des armes nucléaires dans le monde - 5 -

(requête des Iles Marshall, p. 9). Les autres pays, qui possèdent plus de 97 % de ces armes,
n’étaient pas présents devant la Cour, laquelle ne pouvait donc exercer sa compétence sur cette

question à leur égard. Or, il aurait été indispensable que ces autres pays, qui possèdent une
proportion aussi considérable de l’arsenal nucléaire mondial, participent à l’instance.

19. Comme l’a déclaré la Cour dans son avis consultatif de 1996 sur les armes nucléaires,
toute recherche réaliste d’un désarmement général et complet nécessite la coopération de tous les
Etats (Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 1996 (I), p. 264, par. 100).

20. Cette exception préliminaire était fondamentale, et la Cour aurait dû statuer sur elle.

Déclarations des Parties en vertu de la clause facultative

21. Dans l’exposé écrit de ses exceptions préliminaires, le Royaume-Uni faisait valoir que si
la Cour devait conclure à l’existence entre les Parties d’un différend susceptible de faire l’objet

d’un règlement judiciaire (ce qu’il conteste), ce différend ne pouvait lui être «dûment
soumis … par la simple mention de situations ou de faits postérieurs au 17 septembre 1991»,
comme l’exigeait la déclaration faite par les Iles Marshall en vertu de la clause facultative. La
raison en était que tout différend dont l’existence pouvait venir à être établie aurait nécessairement
porté sur le comportement qui aurait été celui du Royaume-Uni à partir du 5 mars 1970, date
d’entrée en vigueur du TNP, jusqu’à aujourd’hui. Le défendeur affirmait que, «étant donné que des
éléments constitutifs essentiels du différend échapp[ai]ent à la compétence ratione temporis de [la

Cour], c’est la demande présentée par les Iles Marshall contre [lui] dans son intégralité qui s’en
trouv[ait] exclue» (EPRU, par. 64).

22. Il s’agissait d’une exception préliminaire fondamentale, qui aurait dû être examinée par
la Cour.

Fait que la demande n’entrait pas dans le cadre
de la fonction judiciaire de la Cour

23. Le Royaume-Uni soutenait que la demande n’entrait pas dans le cadre de la fonction
judiciaire de la Cour, qui devait donc refuser d’exercer sa compétence à son égard (EPRU,
par. 104-112). Dans l’exposé écrit de ses exceptions préliminaires, il a déclaré que, «même si elle
estim[ait] qu’elle a[vait] compétence dans une affaire donnée, la Cour p[ouvait] refuser de l’exercer
si elle consid[érait] que pareil exercice serait incompatible avec sa fonction judiciaire»

(EPRU, par. 104). Il se fondait sur la décision rendue en l’affaire du Cameroun septentrional, dans
laquelle la Cour avait observé qu’«[i]l y a[vait] des limitations inhérentes à l’exercice de la
fonction judiciaire dont …, en tant que tribunal, [elle] d[evait] toujours tenir compte… C’est à la
Cour elle-même et non pas aux parties qu’il appartient de veiller à l’intégrité de [s]a fonction
judiciaire» (Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1963, p. 29). Selon le défendeur, en application de cette notion d’intégrité judiciaire,
la Cour devrait refuser d’exercer sa compétence dans des circonstances où elle est dans l’incapacité

de «rendre un arrêt effectivement applicable» (ibid., p. 33).

24. Cette exception préliminaire méritait également que la Cour statue sur elle. - 6 -

25. En faisant droit à la première exception préliminaire soulevée par le Royaume-Uni, la

majorité de la Cour aurait dû dire clairement dans l’arrêt que les documents et pièces de procédure
des Parties ne permettaient pas d’établir qu’existait entre elles un différend au moment du dépôt de
la requête.

(Signé) Dalveer B HANDARI .
___________

Bilingual Content

1057
228
SEPARATE OPINION OF JUDGE BHANDARI
Concur with the conclusions of the majority — Existence of a dispute is central
to the exercise of the Court’s jurisdiction — On the basis of documents and
pleadings of the Parties, no dispute existed — ICJ lacks jurisdiction — Greater
emphasis ought to have been given that no dispute existed and lesser on the
Respondent’s awareness — Other preliminary objections should have been
adjudicated in the facts of this case — Monetary Gold principle — Judgment falls
outside the judicial functions of the Court.
1. I concur with the conclusions of the majority Judgment upholding
the objection to jurisdiction raised by the United Kingdom based on the
absence of a dispute. However, I wish to append a separate opinion to
expand the basis of the reasoning of the Judgment. I also propose to deal
with another aspect of this case, that in the facts of this case, the Court
ought to have dealt with the other preliminary objections raised by the
United Kingdom because the issues raised in the case affect not only the
Parties, but also the entire humanity. Additionally, adjudicating these
objections would have further crystallized the controversy involved in the
case, particularly when all documents, pleadings and submissions were
placed on record in extenso.
2. The question, which needs to be decided, is whether from the documents,
pleadings and the conduct of the Parties it can be established that
a dispute existed between them at the time of filing the Application in the
terms prescribed by the applicable legal instruments and the Court’s jurisprudence.
3. Under Article 36, paragraph 2, and Article 38, paragraph 1, of the
Statute of the Court, it can only exercise its jurisdiction in case of a dispute
between the parties. The concept of “dispute”, and more specifically
“legal dispute”, is thus central to the exercise of the Court’s jurisdiction.
The majority Judgment acknowledges this and reflects on certain key
aspects from the Court’s jurisprudence on this concept.
4. Any analysis of the existence of a dispute should start with a definition
of the term “dispute”. Black’s Law Dictionary offers the following
definitions, which may help in guiding the analysis:
“Dispute: A conflict or controversy; a conflict of claims or rights;
an assertion of a right, claim, or demand on one side, met by contrary
claims or allegations on the other.”
“Legal dispute: Contest/conflict/disagreement concerning lawful
existence of (1) a duty or right, or (2) compensation by extent
1057
228
OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE BHANDARI
[Traduction]
Accord avec les conclusions de la majorité — Existence d’un différend étant
fondamentale pour l’exercice de la compétence de la Cour — Documents et pièces
de procédure des Parties n’attestant pas l’existence d’un différend — Cour n’ayant
pas compétence — Arrêt n’insistant pas suffisamment sur l’absence de différend et
insistant trop sur la nécessité que le défendeur ait connaissance du différend —
Cour ayant eu tort de n’avoir pas statué sur les autres exceptions préliminaires —
Principe de l’Or monétaire — Décision sollicitée n’entrant pas dans le cadre de la
fonction judiciaire de la Cour.
1. Je souscris aux conclusions de la majorité de la Cour tendant à retenir
l’exception d’incompétence soulevée par le Royaume‑Uni au motif de
l’absence de différend. Je souhaite cependant joindre à l’arrêt l’exposé de
mon opinion individuelle pour asseoir sur une base plus large le raisonnement
qui y est développé. Je me propose également d’aborder un autre
aspect de l’affaire, à savoir que, dans le cas d’espèce, la Cour aurait
dû répondre aux autres exceptions préliminaires soulevées par le
Royaume‑Uni, parce que les questions dont il s’agit dans cette affaire ne
concernent pas les seules Parties, mais l’humanité tout entière. En outre,
en se prononçant sur ces exceptions, la Cour aurait permis de « cristalliser
» davantage la controverse en cause en la présente affaire, étant donné,
en particulier, que tous les documents, pièces de procédure et arguments
avaient été versés in extenso au dossier.
2. La question à trancher était de savoir si les documents, les pièces de
procédure et le comportement des Parties permettaient d’établir qu’il existait
entre elles, au moment du dépôt de la requête, un différend répondant
aux conditions prévues par les instruments juridiques applicables et par la
jurisprudence de la Cour.
3. En vertu du paragraphe 2 de l’article 36 et du paragraphe 1 de l’article
38 du Statut de la Cour, celle‑ci ne peut exercer sa compétence que s’il
existe un différend entre les parties. La notion de « différend », et plus particulièrement
celle de « différend d’ordre juridique », est donc fondamentale
pour l’exercice de la compétence de la Cour. L’arrêt le reconnaît et examine
certains aspects essentiels de la jurisprudence de la Cour à cet égard.
4. Toute analyse de l’existence ou non d’un différend devrait commencer
par une définition de ce dernier terme. Le Black’s Law Dictionary propose
les définitions suivantes, susceptibles de nous guider dans notre analyse.
« Différend : conflit ou litige ; conflit de prétentions ou de droits ;
affirmation d’un droit, prétention ou exigence d’une partie qui se
heurte aux prétentions ou allégations contraires d’une autre partie. »
« Différend juridique : contestation/conflit/désaccord concernant
l’existence légale 1) d’une obligation ou d’un droit, ou 2) de la nature
1058 nuclear arms and disarmament (sep. op. bhandari)
229
or type, claimed by the injured party for a breach of such duty or
right.”
5. In Georgia v. Russian Federation, in determining whether a legal dispute
existed between the Parties at the time of the filing of the Application,
the Court undertook a detailed review of the relevant diplomatic
exchanges, documents and statements. The Court carried out an extensive
analysis of the evidence, covering numerous instances of official Georgian
and Russian practice from 1992 to 2008. The Court found that most of
the documents and statements before it failed to evidence the existence of
a dispute, because they did not contain any “direct criticism” against the
Respondent, did not amount to an “allegation” against the Respondent
or were not otherwise of a character that was sufficient to found a justiciable
dispute between the Parties, and in this case the Court also held
that it is a matter of substance and not a question of form or procedure
(Application of the International Convention on the Elimination of All
Forms of Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation),
Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), pp. 84‑91,
paras. 30‑46).
6. In Belgium v. Senegal, the Court similarly carried out a systematic
review of the diplomatic exchanges that had preceded the filing of the
Application in order to ascertain if the dispute had been properly notified
to Senegal. The Court, in that case, concluded that at the time of the filing
of the Application, the dispute between the parties did not relate to
breaches of obligation under customary international law and that it had
thus no jurisdiction to decide Belgium’s claims (Questions relating to the
Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v. Senegal), Judgment,
I.C.J. Reports 2012 (II), pp. 433‑435, paras. 24‑26).
7. In another important case, Mavrommatis Palestine Concessions, the
Court considered that a dispute is “a disagreement on a point of law or
fact, a conflict of legal views or of interests” between parties (Mavrommatis
Palestine Concessions, Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A,
No. 2, p. 11). In the South West Africa cases, the Court laid down the
criterion for the existence of a dispute, which is that the claim of one
party be positively opposed by the other (South West Africa (Ethiopia v.
South Africa; Liberia v. South Africa), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 1962, p. 328).
8. On application of the Court’s Statute and its jurisprudence to the
documents and pleadings placed before the Court, the irresistible conclusion
is the absence of any dispute between the Parties, and consequently,
on the facts of this case, the Court lacks jurisdiction to deal with this case.
9. The majority Judgment, instead of looking into these aspects closely,
chose to focus mainly on the lack of awareness of the Respondent of the
impending dispute. The Judgment considers that “a dispute exists when it
is demonstrated, on the basis of the evidence, that the respondent was
armes nucléaires et désarmement (op. ind. bhandari) 1058
229
ou de l’étendue de la réparation demandée par la partie lésée pour la
rupture d’une obligation ou d’un droit. »
5. Dans l’affaire Géorgie c. Fédération de Russie, pour déterminer s’il
existait un différend juridique entre ces deux Etats au moment du dépôt
de la requête, la Cour a procédé à un examen détaillé des échanges diplomatiques,
documents et déclarations pertinents. Elle a effectué une analyse
approfondie des éléments de preuve, qui comprenaient de nombreux
exemples de la pratique officielle géorgienne et russe entre 1992 et 2008.
Elle a jugé que la plupart des documents et déclarations qui lui avaient été
soumis ne prouvaient pas l’existence d’un différend, car ils « ne
cont[enaient] aucune critique à l’encontre » du défendeur, ne s’apparentaient
pas à une « allégation » à l’encontre de celui‑ci et n’étaient en aucune
autre façon de nature à attester l’existence entre les parties d’un différend
susceptible de faire l’objet d’un règlement judiciaire ; dans cette affaire, la
Cour a également estimé que l’existence d’un différend était une question
de fond et non de forme ou de procédure (Application de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 2011 (I), p. 84‑91, par. 30‑46).
6. En l’affaire Belgique c. Sénégal, la Cour a, de la même façon, examiné
méthodiquement les échanges diplomatiques qui avaient précédé le dépôt
de la requête afin de vérifier si le Sénégal avait été dûment avisé du différend.
Elle a conclu que, au moment du dépôt de la requête, le différend qui
opposait les parties n’était pas relatif à des manquements à des obligations
relevant du droit international coutumier, et qu’elle n’avait donc pas compétence
pour statuer sur les demandes de la Belgique qui s’y rapportaient
(Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique
c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 433‑435, par. 24‑26).
7. Dans une autre affaire importante, celle des Concessions Mavrommatis
en Palestine, la Cour permanente de Justice internationale a considéré qu’un
différend était « un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction,
une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts » entre des parties
(Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A
no 2, p. 11). Dans les affaires du Sud‑Ouest africain, la Cour internationale
de Justice a énoncé le critère de l’existence d’un différend, à savoir que la
réclamation de l’une des parties doit se heurter à l’opposition manifeste de
l’autre (Sud‑Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du
Sud), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 328).
8. Si l’on applique le Statut et la jurisprudence de la Cour aux documents
et pièces de procédure qui lui ont été présentés, on parvient à l’incontestable
conclusion qu’il n’existait pas de différend entre les Parties et que, compte
tenu des faits de l’espèce, la Cour n’avait pas compétence pour statuer.
9. Or, dans le présent arrêt, au lieu d’examiner ces aspects de près, la
majorité de la Cour a décidé de s’intéresser principalement au fait que le
défendeur n’avait pas connaissance du différend allégué, considérant
qu’« un différend exist[ait] lorsqu’il [était] démontré, sur la base des élé-
1059 nuclear arms and disarmament (sep. op. bhandari)
230
aware, or could not have been unaware, that its views were ‘positively
opposed’ by the applicant” (Judgment, para. 41).
10. The Court has the freedom to choose any preliminary objection
when examining its own jurisdiction. In doing so, it usually chooses the
most “direct and conclusive one”. Christian Tomuschat summarized the
situation in clear terms in his contribution on Article 36 to the handbook
The Statute of the International Court of Justice — A Commentary (Second
Edition). He stated:
“The Court is free to choose the grounds on which to dismiss a case
either for lack of jurisdiction or as being inadmissible. It does not
have to follow a specific order, nor is there any rule making it compulsory
to adjudge first issues of jurisdiction before relying on lack of
admissibility. The Court generally bases its decisions on the ground
which in its view is ‘more direct and conclusive’. In pure legal logic,
it would seem inescapable that the Court would have to rule by order
of priority on objections related to jurisdiction. However, such a strict
procedural regime would be all the more infelicitous since the borderline
between the two classes of preliminary objections is to some
extent dependent on subjective appreciation. The Court therefore
chooses the ground which is best suited to dispose of the case (‘direct
and conclusive’).” 1
11. This freedom of the Court was first stated in the Certain Norwegian
Loans (France v. Norway) case, where the Court considered that its
jurisdiction was being challenged on two grounds, and that the Court is
free to base its decision on the ground which in its judgment is more
direct and conclusive (Certain Norwegian Loans (France v. Norway),
Judgment, I.C.J. Reports 1957, p. 25).
12. This position has consistently been taken by the Court in the years
since the Certain Norwegian Loans matter (see, for example, Aerial Incident
of 27 July 1955 (Israel v. Bulgaria), Judgment, I.C.J. Reports 1959,
p. 146; Aegean Sea Continental Shelf (Greece v. Turkey), Judgment,
I.C.J. Reports 1978, pp. 16‑17; Aerial Incident of 10 August 1999 (Pakistan
v. India), Jurisdiction, Judgment, I.C.J. Reports 2000, p. 24, para. 26;
and Legality of Use of Force (Serbia and Montenegro v. Belgium), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2004 (I), p. 298, para. 46).
13. In the instant case, by choosing the lack of awareness on the part
of the Respondent as the main ground for the dismissal of the claim, it
appears, with respect, that the Court has chosen not to give emphasis to
the most “direct and conclusive” element of that ground for the dismissal
of the claim. The consequence is serious: lack of awareness on the part of
the Respondent can be easily cured by the Applicant by giving proper
notice of the dispute to the Respondent. In that case, the Marshall Islands
1 Christian Tomuschat, The Statute of the International Court of Justice — A Commentary
(Second Edition), p. 707, para. 138, footnotes omitted.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. bhandari) 1059
230
ments de preuve, que le défendeur avait connaissance, ou ne pouvait pas
ne pas avoir connaissance, de ce que ses vues se heurtaient à l’« opposition
manifeste » du demandeur » (arrêt, par. 41).
10. La Cour, lorsqu’elle examine la question de sa compétence, est
libre de choisir n’importe quelle exception soulevée par le défendeur, et
elle choisit habituellement la plus « directe et décisive ». Christian
Tomuschat a clairement résumé la situation dans son commentaire de
l’article 36 du Statut de la Cour dans un manuel intitulé The Statute of
the International Court of Justice — A Commentary :
« La Cour est libre de choisir les motifs d’incompétence ou d’irrecevabilité
sur la base desquels elle rejettera une affaire. Elle n’est pas
tenue de suivre un ordre spécifique, ni de se prononcer sur les questions
de compétence avant les questions de recevabilité. Elle fonde
généralement ses décisions sur le motif qu’elle estime le plus « direct
et décisif ». Il semblerait logique que la Cour doive se prononcer par
ordre de priorité sur les exceptions d’incompétence. Toutefois, un
régime procédural aussi strict serait d’autant plus fâcheux que la
limite entre les deux catégories d’exceptions dépend dans une
certaine
mesure d’une appréciation subjective. La Cour choisit donc
le motif le plus approprié (« direct et décisif ») pour rejeter une
affaire. » 1
11. Cette liberté a été affirmée pour la première fois dans l’affaire relative
à Certains emprunts norvégiens (France c. Norvège), dans laquelle la
Cour a considéré que sa compétence était contestée pour deux motifs et
qu’elle était libre de fonder sa décision sur le motif qui, selon elle, était le
plus direct et décisif (Certains emprunts norvégiens (France c. Norvège),
arrêt, C.I.J. Recueil 1957, p. 25).
12. Depuis cette affaire, la Cour a régulièrement confirmé cette position
(voir, par exemple, Incident aérien du 27 juillet 1955 (Israël c. Bulgarie),
arrêt, C.I.J. Recueil 1959, p. 146 ; Plateau continental de la mer
Egée (Grèce c. Turquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1978, p. 16‑17 ; Incident
aérien du 10 août 1999 (Pakistan c. Inde), compétence de la Cour,
arrêt, C.I.J. Recueil 2000, p. 24, par. 26 ; Licéité de l’emploi de la force
(Serbie‑et‑Monténégro c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 298, par. 46).
13. En la présente espèce, lorsqu’elle a retenu le défaut de connaissance
du différend chez le défendeur comme motif principal de rejet de la
demande, la Cour semble, sauf le respect que je lui dois, avoir choisi de ne
pas privilégier l’élément le plus « direct et décisif ». Ce choix peut entraîner
de graves conséquences, car le demandeur pourra facilement mettre
fin à ce défaut de connaissance en notifiant formellement le différend au
défendeur. Dans ce cas, la République des Iles Marshall pourrait simple-
1 C. Tomuschat, The Statute of the International Court of Justice — A Commentary
(2e éd.), p. 707, par. 138 ; notes de bas de page omises.
1060 nuclear arms and disarmament (sep. op. bhandari)
231
could simply bring the case again before the Court. In my view, that
would be an undesirable result and should be discouraged. The real
ground for the dismissal of the case ought to have been the absence of a
dispute between the Parties. The majority Judgment has only dealt with
preliminary objection number one, and even while dealing with that
objection greater emphasis was not placed on the analysis of the documents
and pleadings of the Parties, which reveals that there is no dispute
between them.
14. The Parties have already submitted documents, pleadings and submissions
in extenso. In the facts of this case, this Court ought to have
examined the other preliminary objections. Otherwise, a re‑submission of
the case again would entail a waste of the efforts, time and resources
already spent by the Parties and the Court in adjudicating this matter.
15. On careful consideration of all documents, pleadings and submissions
the irresistible conclusion is that no dispute exists between the Parties.
The majority Judgment ought to have rejected the Marshall Islands’
Application mainly on this ground.
Other Preliminary Objections
16. In the facts of this case the Court should have examined the other
preliminary objections taken by the Respondent. All five preliminary
objections advanced by the United Kingdom are reproduced below:
(i) The Court lacks jurisdiction because “there is no justiciable ‘dispute’
between the Marshall Islands and the United Kingdom . . . within the
meaning of this term in Articles 36 (2), 38 (1) and 40 (1) of the Court’s
Statute, Article 38 (1) of the Rules, and relevant applicable customary
international law and jurisprudence” (Preliminary Objections of
the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland of
15 June 2015, hereinafter “POUK”, para. 6).
(ii) The Court lacks jurisdiction “pursuant to the Optional Clause
Declarations
of the United Kingdom and the Marshall Islands, these
Declarations being the sole basis relied upon by the Marshall
Islands to found the jurisdiction of the Court” (POUK, para. 7).
(iii) Additionally or alternatively, “the Marshall Islands, by its Optional
Clause Declaration of 24 April 2013, accepted the compulsory jurisdiction
of the Court only ‘for the purpose of the dispute’ that it now
alleges with the United Kingdom. As such disputes are excluded from
the jurisdiction of the Court by operation of paragraph 1 (iii) of the
United Kingdom’s Optional Clause Declaration, the Court has no
jurisdiction to decide on the claims in question” (ibid., para. 8).
armes nucléaires et désarmement (op. ind. bhandari) 1060
231
ment introduire à nouveau la même instance devant la Cour. A mon sens,
un tel résultat n’était guère souhaitable et il aurait fallu l’empêcher. Le
véritable motif de rejet de l’affaire aurait dû être l’absence de différend
entre les Parties. La majorité de la Cour n’a examiné que la première
exception préliminaire présentée par le Royaume-Uni et, même dans son
examen de cette exception, elle n’a pas suffisamment mis l’accent sur
l’analyse des documents et pièces de procédure des Parties, qui révélaient
qu’il n’existait pas de différend entre elles.
14. Les Parties ont déjà soumis une profusion de documents, pièces de
procédure et arguments. Compte tenu des faits de l’espèce, la Cour aurait
dû examiner les autres exceptions préliminaires du Royaume-Uni. Faute
de quoi, une réintroduction de l’instance signifierait que les efforts, le
temps et les moyens que les Parties et la Cour ont dépensés pour régler
cette question l’ont été en pure perte.
15. Un examen minutieux de l’ensemble des documents, pièces de procédure
et arguments aboutit à l’irréfragable conclusion d’une absence de
différend entre les Parties. La majorité de la Cour aurait dû rejeter la
requête des Iles Marshall principalement pour ce motif.
Les autres exceptions préliminaires
16. Compte tenu des faits de l’espèce, la Cour aurait dû examiner les
autres exceptions préliminaires soulevées par le Royaume‑Uni. Celles‑ci
sont reproduites ci‑après :
i) La Cour n’a pas compétence parce qu’« il n’existe entre les Iles Marshall
et le Royaume‑Uni ... aucun « différend » susceptible de faire l’objet
d’un règlement judiciaire au sens du paragraphe 2 de l’article 36, du
paragraphe premier de l’article 38 et du paragraphe premier de l’article
40 du Statut de la Cour, du paragraphe premier de l’article 38 du
Règlement, ainsi que des dispositions applicables du droit international
coutumier et de la jurisprudence en la matière » (exceptions préliminaires
du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du
Nord, 15 juin 2015, ci‑après « EPRU », par. 6).
ii) La Cour n’a pas « compétence au titre des déclarations faites par les
deux Parties en vertu de la clause facultative, lesquelles constituent la
seule base de compétence invoquée par les Iles Marshall en la présente
espèce » (EPRU, par. 7).
iii) Au surplus ou à titre subsidiaire, « les Iles Marshall, par leur déclaration
du 24 avril 2013 en vertu de la clause facultative, n’ont accepté la
juridiction obligatoire de la Cour qu’« aux fins du [différend] »
aujourd’hui allégué à l’égard du Royaume‑Uni. Pareils différends
étant exclus de la compétence de la Cour par l’effet de l’alinéa iii) du
paragraphe premier de la déclaration du Royaume‑Uni, la Cour n’a
pas compétence pour connaître des réclamations présentées par les
Iles Marshall » (EPRU, par. 8).
1061 nuclear arms and disarmament (sep. op. bhandari)
232
(iv) The Application is inadmissible and/or that the Court lacks jurisdiction
to address the claim on the ground of the absence from the proceedings
of States whose essential interests are engaged by it (POUK, para. 9).
(v) Any judgment of the Court would have no practical consequences,
the Application falls outside the judicial function of the Court and
the Court should therefore decline to exercise jurisdiction in any
event (POUK, para. 10).
17. Out of these five preliminary objections, in my considered view, some
preliminary objections are direct and conclusive, which in the facts and circumstances
should have been adjudicated by the Court so that the Applicant
may not be able to re‑open the same proceedings later on. These are:
(a) Monetary Gold principle, i.e., the absence of essential parties not party
to the instant proceedings;
(b) the Marshall Islands claim is excluded in consequence of the Optional
Clause Declaration of the Parties; and
(c) the Marshall Islands’ claim falls outside the judicial function of the
Court and the Court should therefore decline to exercise jurisdiction
over the Claim.
Monetary Gold Principle
18. As to Monetary Gold, the Applicant in its Application submitted a
chart, which indicates that India, Pakistan and the United Kingdom,
Respondents in these three proceedings put together, possess less than
3 per cent of the total nuclear weapons in the world (Application of the
Marshall Islands, p. 9). The other countries, who possess the other more
than 97 per cent of the nuclear weapons in the world, are not before the
Court and consequently the Court is precluded from exercising its jurisdiction
in this matter with respect to those States (the States possessing
97 per cent of the nuclear weapons). Therefore, it is indispensable to have
the participation of the other countries who possess such a large quantity
of the world’s nuclear weapons.
19. The Court considered in its 1996 Advisory Opinion on nuclear
weapons that any realistic search for general and complete disarmament
would require the co‑operation of all States (Legality of the Threat or Use
of Nuclear Weapons, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1996 (I), p. 264,
para. 100).
20. This preliminary objection is substantial in character and it ought
to have been adjudicated by the Court.
The Parties’ Optional Clause Declarations
21. In its submission on preliminary objections, the United Kingdom
argued that, if the Court were to find that there was a justiciable dispute
between the Parties (which it denies), in that case it would not be a dis-
armes nucléaires et désarmement (op. ind. bhandari) 1061
232
iv) La requête est irrecevable ou la Cour n’est pas compétente pour en
connaître parce que des Etats dont les intérêts essentiels sont mis en
cause dans la requête ne sont pas parties à la procédure (EPRU, par. 9).
v) Etant donné qu’un arrêt rendu par la Cour n’aurait aucune conséquence
pratique, la requête n’entre pas dans la fonction judiciaire de
la Cour, et celle‑ci devrait donc, en tout état de cause, se déclarer
incompétente (EPRU, par. 10).
17. Sur ces cinq exceptions préliminaires, certaines étaient à mon sens
directes et décisives et, compte tenu des faits et des circonstances de l’espèce,
la Cour aurait dû statuer sur elles, afin que le demandeur ne puisse rouvrir
la même procédure ultérieurement. Il s’agissait des exceptions suivantes :
a) l’exception tirée de l’absence à l’instance de parties indispensables
(principe de l’Or monétaire) ;
b) l’exception tirée des déclarations faites par les Parties en vertu de la
clause facultative, qui excluaient la requête des Iles Marshall ; et
c) le fait que la requête de la République des Iles Marshall n’entrait pas
dans le cadre de la fonction judiciaire de la Cour, qui devait donc
refuser d’exercer sa compétence à son égard.
Principe de l’Or monétaire
18. En ce qui concerne le principe de l’Or monétaire, les Iles Marshall
ont présenté dans leur requête un tableau qui indique que l’Inde, le Pakistan
et le Royaume‑Uni, défendeurs dans les trois affaires en cause, possèdent
moins de 3 % de l’ensemble des armes nucléaires dans le monde
(requête des Iles Marshall, p. 9). Les autres pays, qui possèdent plus de
97 % de ces armes, n’étaient pas présents devant la Cour, laquelle ne pouvait
donc exercer sa compétence sur cette question à leur égard. Or, il
aurait été indispensable que ces autres pays, qui possèdent une proportion
aussi considérable de l’arsenal nucléaire mondial, participent à l’instance.
19. Comme l’a déclaré la Cour dans son avis consultatif de 1996 sur les
armes nucléaires, toute recherche réaliste d’un désarmement général et
complet nécessite la coopération de tous les Etats (Licéité de la menace ou
de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I),
p. 264, par. 100).
20. Cette exception préliminaire était fondamentale, et la Cour aurait
dû statuer sur elle.
Déclarations des Parties en vertu de la clause facultative
21. Dans l’exposé écrit de ses exceptions préliminaires, le Royaume‑Uni
faisait valoir que, si la Cour devait conclure à l’existence entre les Parties
d’un différend susceptible de faire l’objet d’un règlement judiciaire (ce
1062 nuclear arms and disarmament (sep. op. bhandari)
233
pute “that is properly amenable to adjudication by the Court simply by
reference to situations or facts subsequent to 17 September 1991”, as
required by the Marshall Islands’ Optional Clause Declaration. This is so
because any dispute that could be found to exist would necessarily turn
on the alleged continuous conduct of the United Kingdom stretching
from the entry into force of the NPT on 5 March 1970 until the present.
The Respondent argues that given that “a material component of the dispute
falls outside the Court’s jurisdiction ratione temporis, the Marshall
Islands’ claim against the United Kingdom falls outside the jurisdiction
of the Court in toto” (POUK, para. 64).
22. This is a substantial objection in character, and it should have been
considered by the Court.
The Claim Falls Outside the Jurisdiction
of the Court
23. The United Kingdom argues that the claim falls outside the judicial
function of the Court and the Court should therefore decline to exercise
jurisdiction over the claim (POUK, paras. 104‑112). In its
Counter‑Memorial, the Respondent submitted that “even if the Court
finds that it has jurisdiction in a particular case, it may decline to exercise
that jurisdiction if it considers that to do so would be incompatible
with its function” (ibid., para. 104). Reliance was placed on this Court’s
decision in the Northern Cameroons case, where the Court considered
that
“[t]here are inherent limitations on the exercise of the judicial function
which the Court, as a court of justice, can never ignore . . . The Court
itself, and not the parties, must be the guardian of the Court’s judicial
integrity.” (Northern Cameroons (Cameroon v. United Kingdom), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1963, p. 29.)
In application of this concept of judicial integrity, the Respondent argued
that the Court should decline to exercise its jurisdiction in circumstances
where it would not be in a position to “render a judgment capable of
effective application” (ibid., p. 33).
24. This preliminary objection also deserved adjudication.
25. The majority Judgment ought to have held clearly that, on the
basis of documents and pleadings of the Parties, no dispute existed
between the Parties at the time of filing the Application while upholding
the United Kingdom’s first preliminary objection.
(Signed) Dalveer Bhandari.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. bhandari) 1062
233
qu’il conteste), ce différend ne pouvait lui être « dûment soumis … par
la simple mention de situations ou de faits postérieurs au 17 septembre
1991 », comme l’exigeait la déclaration faite par les Iles Marshall
en vertu de la clause facultative. La raison en était que tout différend dont
l’existence pouvait venir à être établie aurait nécessairement porté sur
le comportement qui aurait été celui du Royaume‑Uni à partir du
5 mars 1970, date d’entrée en vigueur du TNP, jusqu’à aujourd’hui. Le
défendeur affirmait que, « étant donné que des éléments constitutifs essentiels
du différend échapp[ai]ent à la compétence ratione temporis de [la
Cour], c’est la demande présentée par les Iles Marshall contre [lui] dans
son intégralité qui s’en trouv[ait] exclue » (EPRU, par. 64).
22. Il s’agissait d’une exception préliminaire fondamentale, qui aurait
dû être examinée par la Cour.
Fait que la demande n’entrait pas dans le cadre
de la fonction judiciaire de la Cour
23. Le Royaume‑Uni soutenait que la demande n’entrait pas dans le
cadre de la fonction judiciaire de la Cour, qui devait donc refuser d’exercer
sa compétence à son égard (EPRU, par. 104‑112). Dans l’exposé écrit
de ses exceptions préliminaires, il a déclaré que, « même si elle estim[ait]
qu’elle a[vait] compétence dans une affaire donnée, la Cour p[ouvait] refuser
de l’exercer si elle consid[érait] que pareil exercice serait incompatible
avec sa fonction judiciaire » (EPRU, par. 104). Il se fondait sur la décision
rendue en l’affaire du Cameroun septentrional, dans laquelle la Cour avait
observé que
« [i]l y a[vait] des limitations inhérentes à l’exercice de la fonction
judiciaire dont …, en tant que tribunal, [elle] d[evait] toujours tenir
compte… C’est à la Cour elle‑même et non pas aux parties qu’il
appartient de veiller à l’intégrité de [s]a fonction judiciaire. » (Cameroun
septentrional (Cameroun c. Royaume‑Uni), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1963, p. 29.)
Selon le défendeur, en application de cette notion d’intégrité judiciaire, la
Cour devrait refuser d’exercer sa compétence dans des circonstances où
elle est dans l’incapacité de « rendre un arrêt effectivement applicable »
(ibid., p. 33).
24. Cette exception préliminaire méritait également que la Cour statue
sur elle.
25. En faisant droit à la première exception préliminaire soulevée par
le Royaume-Uni, la majorité de la Cour aurait dû dire clairement dans
l’arrêt que les documents et pièces de procédure des Parties ne permettaient
pas d’établir qu’existait entre elles un différend au moment du
dépôt de la requête.
(Signé) Dalveer Bhandari.

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. le juge Bhandari

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