Opinion individuelle de Mme. la juge Sebutinde

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O PINION INDIVIDUELLE DE M ME LA JUGE SEBUTINDE

[Traduction]

Objet et but de la Charte des Nations Unies  Maintien de la paix et de la sécurité
internationales  Rôle de la Cour dans le règlement pacifique des différends  Juridiction
obligatoire de la Cour découlant des déclarations faites en vertu de la clause facultative énoncée
au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour, et non de l’existence d’un

différend  Existence d’un différend n’étant que la condition préalable à l’exercice de la
compétence  Article 38 du Statut de la Cour  Détermination objective de l’existence d’un
différend étant une prérogative de la Cour et une question de fond, et non de forme ou de
procédure  Comportement des Parties constituant un élément de preuve pertinent  Nouvelle

condition préalable de la «connaissance, par le défendeur, de ce que ses vues se heurtaient à
l’opposition manifeste du demandeur» étant formaliste et étrangère à la jurisprudence de la Cour.

INTRODUCTION

1. J’ai voté contre le dispositif de l’arrêt car je ne saurais souscrire à la décision de la Cour
consistant à retenir la première exception du Pakistan, ni au raisonnement qui la sous-tend. Selon
moi, la majorité s’est, de manière injustifiable, écartée de l’approche souple et discrétionnaire qui
avait jusqu’alors toujours été celle de la Cour pour déterminer l’existence d’un différend, préférant
introduire un nouveau critère strict et formaliste — celui de la «connaissance» — qui élève le seuil

requis en matière de preuve et posera assurément problème à l’avenir. De surcroît, compte tenu de
l’importance de l’objet de la présente affaire, non seulement pour les Parties en cause mais aussi
pour la communauté internationale dans son ensemble, je regrette que la Cour ait décidé d’adopter
une approche rigide ayant abouti à un règlement expéditif à ce stade précoce de la procédure.
J’exposerai mes vues plus en détail dans la présente opinion individuelle.

R ESPONSABILITÉ DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA
SÉCURITÉ INTERNATIONALES

2. S’il est un enseignement que la communauté internationale a tiré des tragédies humaines

des première et seconde guerres mondiales, c’est la nécessité d’œuvrer de manière globale et
concertée pour

«préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une
vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances, … proclamer à nouveau

notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la
personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des
nations, grandes et petites, … créer les conditions nécessaires au maintien de la justice
et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit
international…» .

3. Il convient également de rappeler le but qui a présidé de la création des Nations Unies, à
savoir

«[m]aintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures

collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de

1Charte des Nations Unies, 24 octobre 1945, Recueil des traités (RTNU), vol. 1, p. XVI, préambule (ci-après la
«Charte»). - 2 -

réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens
pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international,

l’ajustement ou le règlement de différends ou de situa2ions, de caractère international,
susceptibles de mener à une rupture de la paix» .

Aux termes de la Charte, même si la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité
internationales incombe principalement au Conseil de sécurité et, dans une moindre mesure, à
l’Assemblée générale , la Cour internationale de Justice , en tant qu’organe judiciaire principal de

l’Organisation des Nations Unies, y contribue également en réglant les différends entre Etats qui lui
sont soumis et en exerçant son rôle consultatif conformément à la Charte et à son Statut . Or, 7

aujourd’hui, le plus grand danger qui pèse sur la paix et la sécurité internationales — et, de fait, sur
l’humanité tout entière — est la menace ou la perspective d’une guerre nucléaire.

L E TNP ET LE DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE

4. Il convient sans doute également de revenir brièvement sur le contexte historique de
l’affaire. Le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui est entré en vigueur
en 1970 et dont les objectifs sont de prévenir la prolifération des armes nucléaires et la diffusion

de la technologie y afférente, de promouvoir la coopération en ce qui concerne l’utilisation
pacifique de l’énergie nucléaire et de concourir au désarmement nucléaire, compte actuellement
9
191 Etats parties, dont la République des Iles Marshall . Le Pakistan, quant à lui, n’a pas signé le
TNP (arrêt, paragraphe 17). Nonobstant les objectifs énoncés dans ce traité, il ressort de la pratique
des Etats que, au cours de ces soixante-dix dernières années, certains ont continué à fabriquer,

acquérir, moderniser, expérimenter ou déployer des armes nucléaires, et que la menace de
l’éventuelle utilisation de ces armes va de pair avec leur déploiement. De plus, la pratique des
Etats montre que, loin de les proscrire en toute circonstance, la communauté internationale a en

réalité, par voie de traité et à travers l’action du Conseil de sécurité de l’Organisation des
Nations Unies, reconnu que la menace ou l’emploi d’armes nucléaires pouvait même, dans certains

cas, se justifier.

5. Au mois de décembre 1994, l’Assemblée générale des Nations Unies a demandé un avis 10
consultatif à la Cour sur la question de la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires .
La question posée par l’Assemblée générale était assez simple : «Est-il permis en droit international

de recourir à la menace ou à l’emploi d’armes nucléaires en toute circonstance ?» Dans son avis, la
Cour a considéré qu’il lui était demandé de «déterminer ce qu’il en [était] de la licéité ou de

2 Charte, art. 1.
3
Ibid., art. 24 1).
4
Ibid., art. 11.
5 Ibid., art. 92.

6 Statut de la Cour internationale de Justice, 18 avril 1946 (ci-après le «Statut»), art 38.

7 Charte, art. 96, et Statut, art. 65-68.
8
Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, RTNU, vol. 729, p. 161, ouvert à la signature à Londres,
Moscou et Washington le 1 juillet 1968 et entré en vigueur le 5 mars 1970.

9
La République des Iles Marshall a adhéré au TNP le 30 janvier 1995. Voir Bureau des affaires de désarmement
de l’ONU, Marshall Islands: Accession to Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons ; consultable en anglais
à l’adresse suivante : http ://disarmament.un.org/treaties/a/npt/marshallislands/acc/washington.
10
Nations Unies, doc. A/RES/49/75 K, 15 décembre 1994, demande d’avis consultatif de la Cour internationale
de Justice sur la légalité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires. - 3 -

l’illicéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires» . Après avoir examiné le corpus de

droit international pertinent (notamment le paragraphe 4 de l’article 2 et l’article 51 de la Charte),
ainsi que les vues d’un grand nombre d’Etats qui lui avaient présenté des exposés écrits, elle s’est
dite d’avis que :

 ni le droit international coutumier ni le droit international conventionnel n’autorisaient
spécifiquement la menace ou l’emploi d’armes nucléaires ; 12

 ni le droit international coutumier ni le droit international conventionnel ne comportaient
d’interdiction complète et universelle de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires en tant
que telles ;

 était illicite la menace ou l’emploi de la force au moyen d’armes nucléaires qui serait contraire
à l’article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies, qui ne satisferait pas à toutes les

prescriptions de son article 51, ou qui serait incompatible avec les exigences du droit
international humanitaire applicable dans les conflits armés, ainsi qu’avec les traités qui ont
expressément trait aux armes nucléaires . 14

6. La Cour a toutefois énoncé une exception aux conclusions qu’elle venait de formuler
(même s’il faut préciser que, sur ce point, les juges étaient divisés à égalité de voix) , estimant que,

«[a]u vu de l’état actuel du droit international, ainsi que des éléments de fait dont elle
dispos[ait], [elle] ne [pouvait] … conclure de façon définitive que la menace ou

l’emploi d’armes nucléaires serait licite ou illicite dans une circonstance extrêm16de
légitime défense dans laquelle la survie même d’un Etat serait en cause» .

7. Enfin, même si elle ne semble pas l’avoir fait directement en réponse à la question posée
par l’Assemblée générale, la Cour est allée plus loin en formulant des observations qui, selon moi,
constituent sa véritable contribution à la paix et la sécurité dans le monde pour ce qui est des armes

nucléaires. Aux paragraphes 98-100 de son avis consultatif, elle a ainsi indiqué ce qui suit :

«Compte tenu des questions éminemment difficiles que soulève l’application à
l’arme nucléaire du droit relatif à l’emploi de la force, et surtout du droit applicable

dans les conflits armés, la Cour estime devoir examiner maintenant un autre aspect de
la question posée, dans un contexte plus large.

A terme, le droit international et avec lui la stabilité de l’ordre international
qu’il a pour vocation de régir ne peuvent que souffrir des divergences de vues qui
subsistent aujourd’hui quant au statut juridique d’une arme aussi meurtrière que

l’arme nucléaire. Il s’avère par conséquent important de mettre fin à cet état de
choses : le désarmement nucléaire complet promis de longue date se présente comme
le moyen privilégié de parvenir à ce résultat.

11 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 238,
par. 20.
12
Ibid., p. 266, point 2) A du dispositif.
13Ibid., p. 266, point 2) B du dispositif.

14Ibid., p. 266, points 2) C et D du dispositif.
15
Par sept voix contre sept, le président ayant dû faire usage de sa voix prépondérante.
16Ibid., p. 266, point 2) E du dispositif. - 4 -

99. La Cour mesure dans ces circonstances toute l’importance de la
consécration par l’article VI du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires
d’une obligation de négocier de bonne foi un désarmement nucléaire … La portée

juridique de l’obligation considérée dépasse celle d’une simple obligation de
comportement ; l’obligation en cause ici est celle de parvenir à un résultat précis  le
désarmement nucléaire dans tous ses aspects  par l’adoption d’un comportement

déterminé, à savoir la poursuite de bonne foi de négociations en la matière.

100. Cette double obligation de négocier et de conclure concerne formellement
les cent quatre-vingt-deux Etats parties au [TNP], c’est-à-dire la très grande majorité

de la communauté internationale … De fait, toute recherche réaliste d’un
désarmement général et complet, en particulier nucléaire, nécessite la coopération de
tous les Etats.»

8. Dans le dispositif de son avis, la Cour a ensuite estimé à l’unanimité qu’«il exist[ait] une
obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au
désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace» . 17
L’avis consultatif de la Cour, bien que n’étant pas juridiquement contraignant, a été bien accueilli

par l’immense majorité des Etats parties au TNP ; il a cependant été moins favorablement reçu par
les Etats dotés d’armes nucléaires, qui considéraient que la Cour avait outrepassé sa fonction
judiciaire en donnant cet avis. En décembre 1996, l’Assemblée générale a adopté une résolution
dans laquelle elle faisait sienne la conclusion de la Cour concernant l’existence d’«une obligation

de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement
nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace», et appelant tous les
Etats à engager immédiatement des négociations multilatérales en vue de parvenir à la conclusion
d’une convention sur les armes nucléaires interdisant «la mise au point, la fabrication, l’essai, le

déploiement,18e stockage, le transfert, la menace ou l’emploi de ces armes» et prévoyant leur
élimination .

9. Hélas, depuis que la Cour a donné son avis consultatif, il y a 20 ans de cela, la

communauté internationale n’a guère progressé sur la voie du désarmement nucléaire, et la
perspective même de négociations en vue de conclure une convention sur les armes nucléaires
semble illusoire. C’est dans ce contexte que la République des Iles Marshall a, le 24 avril 2014,
déposé une requête contre neuf Etats (la Chine, les Etats-Unis d’Amérique, la Fédération de Russie,

la France, l’Inde, Israël, le Pakistan, la Corée du Nord et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d’Irlande du Nord) qui, selon elle, détiendraient actuellement pareilles armes, et auxquels elle
faisait grief d’avoir manqué à leurs obligations relatives aux négociations concernant la cessation
de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et le désarmement nucléaire. Sur ces

neuf Etats, seuls le Pakistan, l’Inde et le Royaume-Uni ont formellement répondu à la requête
des Iles Marshall, ces trois Etats ayant fait une déclaration d’acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut (arrêt, paragraphe 21).

17Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 267,
point 2) F du dispositif.
18
Nations Unies, doc. A/RES/51/45 M, 10 décembre 1996, avis consultatif de la Cour internationale de Justice
sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires. Depuis le prononcé de l’avis consultatif sur les armes
nucléaires, l’Assemblée générale adopte chaque année une résolution quasiment identique. Verr les résolutions de
l’Assemblée générale 52/38 O du 9 décembre 1997 ; 53/77 W du 4 décembre 1998 ; 54/54 Q du 1 décembre 1999 ;
55/33 X du 20 novembre 2000 ; 56/24 S du 29 novembre 2001 ; 57/85 du 22 novembre 2002 ; 58/46 du
8 décembre 2003 ; 59/83 du 3 décembre 2004 ; 60/76 du 8 décembre 2005 ; 61/83 du 6 décembre 2006 ; 62/39 du
5 décembre 2007 ; 63/49 du 2 décembre 2008 ; 64/55 du 2 décembre 2009 ; 65/76 du 8 décembre 2010 ; 66/46 du
2 décembre 2011 ; 67/33 du 3 décembre 2012 ; 68/42 du 5 décembre 2013 ; 69/43 du 2 décembre 2014 ; 70/56 du
7 décembre 2015. - 5 -

L E SEUIL REQUIS AUX FINS DE DÉTERMINER L ’EXISTENCE D ’UN DIFFÉREND

ET LE NOUVEAU CRITÈRE DE LA «CONNAISSANCE »

10. Les Iles Marshall fondaient la compétence de la Cour sur la déclaration qu’elles ont faite

le 15 mars 2013 en vertu de19a clause facultative du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, et
déposée le 24 avril 2013 , et sur celle que le Pakistan a faite le 12 septembre 1960 et déposée le
13 septembre 1960 20(arrêt, paragraphe 1), déclarations qui ne contenaient, selon le demandeur,
21
«aucune réserve pertinente en l’espèce» . Néanmoins, le Pakistan a soulevé un certain nombre
d’exceptions à la compétence de la Cour, soutenant notamment qu’il n’existait pas, le
24 avril 2014, date du dépôt de la requête, de différend d’ordre juridique entre les Parties. Les

Iles Marshall affirmaient au contraire qu’il existait bel et bien un différend au moment où elles
avaient déposé leur requête, lequel avait pour objet la «question de savoir si le Pakistan respecte ou
non l’obligation que lui impose le droit international coutumier de poursuivre de bonne foi et de
22
mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire» . Souscrivant aux vues du
Pakistan sur ce point, la Cour a retenu l’exception d’incompétence susmentionnée (arrêt,
paragraphe 56). Je me permets d’exprimer mon désaccord avec la décision de la majorité ainsi

qu’avec le raisonnement qui la sous-tend, désaccord dont j’exposerai les raisons dans la présente
opinion individuelle. Selon moi, les éléments de preuve qui ont été versés au dossier, s’ils sont
appréciés comme il convient à l’aune des critères bien établis dans la jurisprudence de la Cour,

montrent qu’un différend existait bel et bien entre les Parties avant le dépôt de la requête. Je suis
plus particulièrement en désaccord avec le nouveau critère de la «connaissance» introduit par la
majorité, ainsi qu’avec l’approche formaliste et rigide que la Cour a suivie pour rechercher s’il
existait ou non un différend (arrêt, paragraphes 38-48).

11. Le Pakistan a soulevé un certain nombre d’exceptions interdépendantes liées à la

question de l’existence d’un différend. Il soutenait que la Cour n’avait pas compétence pour
connaître de la demande des Iles Marshall aux motifs que :

a) au moment du dépôt de la requête des Iles Marshall le 24 avril 2014 ou avant cette date, il
n’existait entre les Parties aucun différend d’ordre juridique susceptible de permettre à la Cour
d’exercer sa compétence au regard de son Statut ; 23

b) l’existence du prétendu différend n’était établie ni dans la requête ni dans le mémoire des
Iles Marshall ;4

c) le différend allégué n’était pas d’ordre juridique, puisque les demandes des Iles Marshall étaient
fondées sur le TNP et l’avis consultatif de la Cour de 1996, et que le Pakistan n’était lié ni par
l’un ni par l’autre ;

d) la République des Iles Marshall «a[vait] manqué de présenter ses demandes avec suffisamment
de clarté pour que le Pakistan puisse comprendre l’objet du différend allégué» ; 26

19Déclaration faite par les Iles Marshall en vertu de la clause facultative, 24 avril 2013, consultable à l’adresse
suivante : http://www.icj-cij.org/jurisdiction/index.php?p1=5&p2=1&p3=3&code=MH.
20
Déclaration faite par le Pakistan en vertu de la clause facultative, 13 septembre 1960, consultable à l’adresse
suivante : http://www.icj-cij.org/jurisdiction/index.php?p1=5&p2=1&p3=3&code=PK.
21
Requête des Iles Marshall (RIM), p. 36, par. 60.
22Mémoire des Iles Marshall (MIM), p. 17-18, par. 42.

23Contre-mémoire du Pakistan (CMP), p. 6, par. 1.8.
24
CMP, p. 6, par. 1.7 ; p. 6, par. 1.12 ; p. 44, par. 8.6.
25Ibid., p. 44, par. 8.7-8.9. - 6 -

e) les déclarations faites par des responsables marshallais lors de la réunion de haut niveau de
l’Assemblée générale des Nations Unies sur le désarmement nucléaire, le 26 septembre 2013, et

lors de la deuxième conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires, le
13 février 2014, ne visaient pas spécifiquement le Pakistan, ni ne précisaient «l’objet d’un
27
quelconque différend juridique opposant la République des Iles Marshall à celui-ci» ;

f) étant donné qu’il n’y avait pas eu de communications, consultations, ou négociations

diplomatiques préalables entre les Iles Marshall et le Pakistan, il ne pouvait exister entre les 28
Parties aucun désaccord sur un point de droit et, partant, aucun différend d’ordre juridique ;

g) les demandes des Iles Marshall étaient artificielles et de nature conjecturale et que «la Cour n’a
pas pour rôle de se prononcer sur une demande hypothétique ou abstraite fondée sur un
29
préjudice théorique» ;

h) les Iles Marshall n’avaient pas établi l’existence de quelque dommage ou préjudice concret et

imminent pouvant raisonnablement être considéré comme étant dû aux actes ou omissions
reprochés au Pakistan et susceptible de faire l’objet d’un règlement judiciaire ; 30

i) le véritable but de la demande présentée par les Iles Marshall consistait à obtenir l’exécution
des obligations énoncées à l’article VI du TNP, ainsi que «les conclusions judiciaires à

caractè31 général qu[e la Cour] n’avait pas souhaité formuler dans son avis consultatif de
1996» .

12. Les Iles Marshall, pour leur part, soutenaient qu’il existait bel et bien un différend entre
les Parties au moment du dépôt de la requête , différend ayant pour objet «la question de savoir si

le Pakistan respect[ait] ou non l’obligation que lui impose le droit international coutumier de
poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement
33
nucléaire» . Elles faisaient également valoir qu’elles avaient, à maintes reprises, appelé les Etats
dotés d’armes nucléaires, y compris le Pakistan, à respecter leurs obligations internationales et à
négocier en vue du désarmement nucléaire . Le demandeur se référait en particulier à deux de ses

déclarations publiques faites en présence du Pakistan, avant que la requête ne soit déposée. Tout
d’abord, le 26 septembre 2013, lors de la réunion de haut niveau des Nations Unies sur le

désarmement nucléaire, le ministre des affaires étrangères des Iles Marshall avait appelé «toutes les
puissances nucléaires [à] intensifier leurs efforts pour faire face à leurs responsabilités à l’égard
d’un désarmement effectif et sûr» . Ensuite, le 13 février 2014, dans le cadre de la deuxième

26
CMP, p.44, par. 8.10.
27
Ibid., p. 45, par. 8.12-8.17 (les italiques sont de moi).
28Ibid., p. 48, par. 8.32.

29Ibid., p. 48-49, par. 8.34-8.36, citant : Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume–Uni), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1963, p. 33.

30Ibid., p. 49, par. 8.37.

31Ibid., par. 8.39.
32
Ibid., p. 17, par. 42, et p. 18, par. 43, citant : Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n° 2, 1924, C.P.J.I.,
série A, n 2, p. 11 ; Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84-85, par. 30 ; et
Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1950, p. 74. Voir aussi CR 2016/2, p. 29, par. 13 ; p. 34, par. 21.

33MIM, p. 17-18, par. 42.

34Ibid., p. 18, par. 45.
35
Ibid., p. 18-19, par. 45, citant la déclaration de M. Phillip Muller, ministre des affaires étrangères de la
République des Iles Marshall, en date du 26 septembre 2013 (les italiques sont de moi). - 7 -

conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires, tenue à Nayarit, au Mexi36e, le
représentant des Iles Marshall avait formulé des observations analogues .

13. La République des Iles Marshall affirmait que ces déclarations publiques, tout comme
d’autres, «illustr[aient] de façon parfaitement claire la teneur [de leur] grief» et qu’elles visaient
«sans équivoque … tous les Etats détenteurs d’un arsenal nucléaire, dont le Pakistan» (les
38
italiques sont de moi) . Selon le demandeur, le fait que le Pakistan ait participé à ces conférences
suffisait pour considérer qu’il était informé de la réclamation des Iles Marshall , en particulier
parce que les déclarations de ces dernières étaient extrêmement claires concernant l’objet du

différend, à savoir le manquement des Etats dotés d’armes nucléaires à l’obligation, découlant du
TNP ou du droit international coutumier, d’engager sérieusement des négociations multilatérales
conduisant à un désarmement nucléaire. Les Iles Marshall estimaient par ailleurs que le fondement
40
juridique de la réclamation était lui aussi clairement indiqué . Enfin, elles soutenaient que leurs
réclamations s’étaient heurtées à l’opposition manifeste du Pakistan en ce sens que celui-ci, tout
en affirmant dans des enceintes internationales, pour la forme, être déterminé à parvenir à un

monde exempt d’armes nucléaires, n’avait cessé, au niveau national, de «maint[enir] une ligne de
conduite qui consist[ait] à accroître et à améliorer ses forces nucléaires» . En outre, le demandeur
considérait que le Pakistan avait exprimé son opposition dans sa note verbale du 9 juillet 2014 et

dans son contre-mémoire, dans lesquels il rejetait expressément le bien-fondé desdites
réclamations . Dans son arrêt, la Cour a retenu l’exception d’incompétence soulevée par le

Pakistan selon laquelle aucun différend n’opposait les Parties avant le dépôt de la requête des
Iles Marshall. Avec tout le respect que je dois à mes collègues, je suis en désaccord avec cette
décision ainsi qu’avec le raisonnement qui la sous-tend, et j’en expose les motifs dans la présente

opinion individuelle. Selon moi, les éléments de preuve qui ont été versés au dossier, s’ils sont
appréciés comme il convient à l’aune des critères bien établis dans la jurisprudence de la Cour,
montrent qu’un différend, quoique naissant, existait bel et bien entre les Parties avant le dépôt de la

requête et qu’il s’est cristallisé au cours de la procédure. Je suis plus particulièrement en désaccord
avec le nouveau critère de la «connaissance» introduit par la majorité, ainsi qu’avec l’approche
formaliste et rigide que la Cour a suivie pour rechercher s’il existait ou non un différend.

14. Premièrement, dans son arrêt, la Cour met l’accent, à raison, sur la mission qui est la
sienne aux termes de l’article 38 de son Statut, à savoir régler les différends entre Etats qui lui sont

soumis (paragraphe 33). Dans des affaires telles que la présente espèce, lorsque les Etats ont fait
des déclarations (assorties ou non de réserves) acceptant la juridiction obligatoire de la Cour en
vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, celle-ci tire sa compétence de ces déclarations et

non de l’existence du différend en tant que telle. Il serait plus juste de dire que l’existence d’un
différend entre les Etats en litige n’est qu’une condition préalable à l’exercice de cette compétence
(arrêt, paragraphe 33).

36 MIM, p. 18-19, par. 45, citant la déclaration des Iles Marshall faite à la deuxième conférence sur l’impact
humanitaire des armes nucléaires tenue à Nayarit, au Mexique, les 13-14 février 2014.
37
Ibid., p. 19, par. 46.
38
Ibid.
39 Ibid.

40 Ibid., p. 19-20, par. 47.
41
Ibid., p. 20, par. 48.
42
Ibid..
43 CR 2016/2, p. 27-28, par. 10, citant CMP, partie 1, p. 6, par. 1.8 et partie 4, p. 14, par. 4.5. - 8 -

15. Deuxièmement, la Cour définit à juste titre un différend comme «un désaccord sur un

point de droit ou de fait, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts» entre des parties (arrêt,
paragraphe 34). Elle précise également, là encore à raison, que c’est à elle (et non aux Parties)
qu’il appartient de déterminer objectivement s’il existe un différend après avoir examiné les faits

ou les éléments de preuve qui lui ont été soumis (paragraphe 36), et qu’il s’agit là d’une question
de fond, et non de forme ou de procédure (paragraphe 35). Troisièmement, il ressort clairement de
la jurisprudence de la Cour que ni la notification, par le demandeur, de sa réclamation au

défendeur, ni une protestation diplomatique officielle ne sont des conditions préalables à la
détermination de l’existence d’un différend (paragraphe 35).

16. Si la Cour a raison de rappeler, dans son arrêt, sa jurisprudence relative à la définition
d’un «différend» et de souligner que la détermination de l’existence d’un différend est «une
question de fond, et non de forme ou de procédure», je ne puis souscrire à l’approche suivie par la

majorité ni à l’analyse que cette dernière a effectuée pour parvenir à la conclusion qu’il n’existait
pas de différend entre les Parties à la présente espèce. Je considère non seulement que cette
approche privilégie la forme et la procédure, mais aussi qu’elle est insuffisante pour traiter les
aspects matériels de la réclamation du demandeur, tels que la question du comportement du

défendeur. Compte tenu de l’importance que revêt le désarmement nucléaire pour la communauté
internationale dans son ensemble, j’estime que cette affaire n’aurait pas dû être écartée aussi
facilement sur la base d’une constatation formaliste et procédurale selon laquelle il n’existait aucun

différend entre les Parties en litige. Au lieu de cela, 44 aurait fallu, pour rechercher si les Parties
avaient des points de vue «nettement opposés» , suivre un raisonnement accordant davantage
d’importance au fond et examiner le comportement des Etats en litige jusqu’au 24 avril 2014, voire

au-delà si nécessaire. Il ressort en effet clairement de la jurisprudence de la Cour de la Haye que
celle-ci a toujours privilégié une approche souple en s’abstenant de tout formalisme ou rigidité
procédurale, et ce, déjà du temps de la Cour permanente de Justice internationale . Du reste, tel a
46
encore récemment été le cas dans l’affaire Croatie c. Serbie .

17. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 40 du Statut de la Cour et du paragraphe 2 de

l’article 38 de son Règlement, tout demandeur est tenu d’indiqu47 «l’objet du différend» dans la
requête ainsi que «la nature précise de la demande» . Dans leur requête comme dans leur
mémoire, les Iles Marshall ont ainsi défini leur demande ou l’objet du différend comme étant le

manquement du Pakistan à l’obligation qui lui incombe à l’égard du demandeur (ainsi qu’à l’égard
d’autres Etats) «de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations devant conduire
au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace» . 48
Il est donc faux de dire, comme le fait le Pakistan, que la République des Iles Marshall «a manqué

de présenter ses demandes avec suffisamment de clarté pour qu[’il] puisse comprendre l’objet du
différend allégué» . En outre, la réclamation du demandeur était manifestement d’ordre juridique
puisqu’elle avait trait au prétendu manquement du Pakistan à une obligation de droit international

44
Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt du 17 mars 2016, par. 50.
45 Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n° 2, 1924, C.P.J.I. série A n° 2, p. 34 ; Certains intérêts
allemands en Haute-Silésie polonaise, compétence, arrêt n° 6, 1925, C.P.J.I. série A n° 6, p. 14.

46 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 438–441, par. 80-85 ; Application de la convention internationale
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84-85, par. 30.

47 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 602, par. 25 ; Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la
Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 448, par. 29.
48
MIM, p. 4, par. 2 ; voir aussi RIM, p. 10, par. 6.
49CMP, p. 44, par. 8.10. - 9 -

coutumier. Quant aux questions de l’existence et de la nature de l’obligation invoquée, ainsi que
des actes constitutifs du prétendu manquement à ladite obligation, elles relevaient bien évidemment
de l’examen de l’affaire au fond . Il ne suffisait cependant pas, pour démontrer l’existence d’un

différend, que les Iles Marshall aient formulé leurs demandes dans leur requête et leur
mémoire  de même qu’il ne suffit pas, à cet effet, qu’une partie affirme qu’un différend existe ou

que l’autre partie le conteste. En la présente espèce, il devait être démontré que les demandes des
Iles Marshall se heurtaient à l’opposition manifeste du Pakistan ou qu’il existait «un désaccord sur
un point de droit ou de fait, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts» entre les deux
51
Parties , et que tel était le cas au moment du dépôt de la requête.

18. Comme cela ressort de sa jurisprudence, c’est à la Cour qu’il appartient de déterminer, de
manière objective, s’il existe ou non un différend international entre les parties en «circonscri[vant]
le véritable problème en cause et [en] précis[ant] l’objet de la demande» . A cette fin, la Cour doit
53
réaliser un examen approfondi des faits ou éléments de preuve . Bien que le différend doive, en
principe, exister au moment où la requête lui est soumise , la Cour a, dans certains cas, fait preuve

de davantage de souplesse, estimant qu’il pouvait être tenu compte de faits survenus après le dépôt
de la requête. Dans l’affaire relative à des Actions armées frontalières et transfrontalières
(Nicaragua c. Honduras), elle a ainsi conclu ce qui suit :

«Il peut toutefois être nécessaire, pour déterminer avec certitude quelle était la
situation à la date du dépôt de la requête, d’examiner les événements, et en particulier

les relations entre les parties, pendant une période antérieure à cette date, voire
pendant la période qui a suivi.» 55

19. En outre, bien que la Cour ait dit, dans les affaires du Sud-Ouest africain, que, pour
qu’un différend existe, la demande d’une partie devait se heurter à «l’opposition manifeste» de
56
l’autre , un simple désaccord de forme ou de procédure sur un point de droit ou de fait ne saurait
constituer pareille opposition. Selon moi, la Cour aurait dû, conformément à la jurisprudence qui

est la sienne et qu’elle a d’ailleurs rappelée dans le présent arrêt (paragraphes 35-40, suivre une
approche privilégiant le fond en considérant que si un Etat adopte une certaine ligne de conduite

50
MIM, p. 21, par. 50-51.
51Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n° 2, 1924, C.P.J.I. série A n° 2, p. 11 (les italiques sont de moi).
Cela a également été confirmé par la CIJ dans les affaires suivantes : Application de la convention internationale sur

l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84-85, par. 30 ; Applicabilité de l’obligation d’arbitrage en vertu de la section 21 de
l’accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l’Organisation des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1988, p. 12,
par. 37-44.
52
Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 262, par. 29 ; Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 466, par. 30 ; Obligation de négocier un accès à
l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 602, par. 26.
53
Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84-85, par. 30.
54
Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84-85, par. 30 ; Questions
d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie
(Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 25-26, par. 43-45 ;
Questions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de
Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 130-131, par. 42-44.

55Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt,
C.I.J. Recueil 1988, p. 95, par. 66.

56Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1962, p. 328. - 10 -

pour défendre ses propres intérêts, et qu’un autre Etat proteste, l’opposition manifeste de thèses ou
d’intérêts se trouve établie. Le point de vue selon lequel le comportement des parties en litige doit

être pris en considération pour déterminer s’il existe ou non un différend — point de vue auquel je
souscris — a été fort bien exposé par le juge Gaetano Morelli dans l’opinion dissidente dont il a
joint l’exposé à l’arrêt rendu dans les affaires du Sud-Ouest africain. L’extrait pertinent se lit

comme suit :

«1. … Pour ce qui est du désaccord sur un point de droit ou de fait, il faut faire
remarquer que, si un tel désaccord peut accompagner et accompagne normalement

(mais non pas nécessairement) le différend, il ne s’identifie pas avec lui. En tout cas,
il est tout à fait évident qu’un désaccord sur un point de droit ou de fait, désaccord qui
pourrait être même purement théorique, ne suffit pas pour qu’on puisse considérer
qu’il existe un différend.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2. A mon avis, un différend consiste, non pas dans un conflit d’intérêts en tant

que tel, mais plutôt dans un contraste entre les attitudes respectives des parties par
rapport à un certain conflit d’intérêts. Les attitudes opposées des parties, par rapport à
un conflit d’intérêts donné, peuvent consister, l’une et l’autre, dans des manifestations

de volonté par lesquelles chacune des parties exige que son propre intérêt soit réalisé.
C’est le cas d’un différend résultant, d’un côté, de la prétention de l’une des parties et,
de l’autre, de la contestation, par l’autre partie, d’une telle prétention. Mais il se peut
aussi que l’une des attitudes opposées des parties consiste, non pas dans une

manifestation de volonté, mais plutôt dans une conduite, par laquelle la partie, qui
adopte une telle conduite, réalise directement son propre intérêt. C’est le cas d’une
prétention suivie, non pas de la contestation d’une telle prétention, mais d’une
conduite de l’autre partie contraire à la même prétention. Et c’est le cas aussi où il y a,

en premier lieu, une conduite de l’une des parties réalisant l’57térêt de celle-ci :
conduite à laquelle l’autre partie oppose sa protestation.»

20. Afin de déterminer avec certitude quelle était la situation au moment du dépôt de la
requête des Iles Marshall, il convenait d’examiner le comportement des Parties dans la période qui
avait précédé cette date et au cours de celle qui a suivi. Premièrement, le Pakistan n’a pas

communiqué à la Cour le contenu de ses politiques internes concernant l’obligation de négocier au
sujet du désarmement nucléaire, affirmant que celles-ci «rel[e]v[ai]ent de [s]a juridiction interne
exclusive» . Toutefois, le comportement du Pakistan contre lequel les Iles Marshall protestaient
dans leur requête et leur mémoire était le «[non-respect [par lui de] l’obligation que lui impose le

droit international coutumier de poursuivre 59 bonne foi et de mener à terme des négociations
conduisant au désarmement nucléaire» . Le défendeur, tout en ne niant pas avoir suivi pareille
ligne de conduite, s’est contenté de déclarer que ni le TNP (puisqu’il n’y est pas partie) ni le droit
international coutumier ne lui imposaient de satisfaire à cette obligation. En outre, les

Iles Marshall protestaient contre le fait que le Pakistan ait développé, au fil des années, son
armement nucléaire , dans le but d’«accroître et [d’]améliorer» son arsenal . Le demandeur1

57
Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1962, opinion dissidente de M. le juge Gaetano Morelli, partie II, p. 566-567, par. 1-2.
58
CMP, p. 5, par. 1.3.
59MIM, p. 17-18, par. 42.
60
RIM, p. 16, par. 22, citant : Zia Mian, «Pakistan», dans Ray Acheson (dir. publ.), Assuring Destruction
Forever: Nuclear Weapon Modernization Around the World (Reaching Critical Will  A Project of the Women’s
International League for Peace and Freedom, 2012), p. 51.
61
RIM, p. 36, «Remèdes sollicités», point a). - 11 -

faisait valoir que ce comportement n’était pas conforme aux obligations internationales du Pakistan
de poursuivre des négociations conduisant au désarmement nucléaire. Là encore, tout en ne
contestant pas expressément avoir développé son arsenal, le Pakistan a invoqué son droit de

conserver des armements nucléaires pour des raisons de sécurité nationale, et rappelé sa poli62que
de défense nationale contre les agressions extérieures ou les menaces de guerre . Il a également
souligné qu’il avait systématiquement voté en faveur des résolutions des Nations Unies préconisant
63
des négociations internationales en vue du désarmement nucléaire . Les Iles Marshall soutenaient
que, en dépit des habitudes de vote du Pakistan, la ligne de conduite de ce dernier — qui consistait,
d’une part, à participer à la course aux armements nucléaires et, d’autre part, à ne pas poursuivre de

négociations multilatérales en vue du désarmement nucléaire — n’était pas conforme aux
obligations qui lui incombent au regard du droit international coutumier. Sans préjuger la question
de savoir si le comportement du Pakistan décrit plus haut constituait effectivement un manquement

à pareilles obligations (question qui, de toute évidence, relève de l’examen au fond), le point à
trancher était de savoir si, avant le dépôt de la requête contre le Pakistan le 24 avril 2014, les points
de vue des Parties étaient nettement opposés quant à l’exécution ou à la non-exécution de certaines

obligations internationales.

21. A cet égard, j’ai examiné les déclarations pertinentes de hauts responsables des deux

Etats. Les Iles Marshall se sont expressément référées aux déclarations qu’elles ont faites
lorsqu’elles ont adhéré au TNP , ainsi qu’à celles qui ont été prononcées au cours de la conférence

d’examen du TNP de 2065, de la réunion de haut niveau des Nations Unies sur le désarmement 66
nucléaire de 2013 et de la conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires de 2014 .
Elles faisaient valoir que ces déclarations suffisaient pour que l’ensemble des Etats dotés d’armes
67
nucléaires, y compris le Pakistan, soient informés de leur position sur la question .

22. Tout d’abord, les Iles Marshall ont clairement fait connaître leurs vues à l’ensemble des

puissances nucléaires qui étaient présentes à New York le 26 septembre 2013, lors de la réunion de
haut niveau des Nations Unies sur le désarmement nucléaire, leur ministre des affaires étrangères
ayant appelé «tous les Etats dotés d’armes nucléaires à intensifier leurs efforts pour assumer leurs
68
responsabilités en vue d’un désarmement effectif réalisé en toute sécurité» .

23. Ensuite, le 13 février 2014, lors de la deuxième conférence sur l’impact humanitaire des
armes nucléaires, tenue à Nayarit, au Mexique, les Iles Marshall ont réaffirmé leur position selon
laquelle les Etats dotés d’armes nucléaires manquaient à l’obligation de négocier en vue du

désarmement nucléaire. Elles ont fait la déclaration suivante :

62 CMP, p. 27, par. 7.42. L’article 245 de la constitution pakistanaise est ainsi libellé : «Les forces armées,
agissant sur instruction du Gouvernement fédéral, défendent le Pakistan contre les menaces de guerre ou agressions

extérieures et, sous réserve des dispositions de la loi, viennent en aide au pouvoir civil, lorsqu’elles ont été appelées à le
faire. La validité d’une instruction formulée par le Gouvernement fédéral en vertu de la première clause ne pourra être
mise en cause devant aucune instance judiciaire.»
63 Ibid., p. 8, par. 2.4.

64 CR 2016/2, p. 11, par. 8 (deBrum), citant la lettre du 22 juin 1995 du représentant permanent des Iles Marshall
auprès de l’Organisation des Nations Unies, accompagnée de l’exposé écrit du Gouvernement des Iles Marshall.

65 MIM, p. 18, par. 45.
66
Ibid., p. 19, par. 45.
67 Ibid., par. 47.

68 Ibid., p. 18-19, par. 45, citant la déclaration de M. Phillip Muller, ministre des affaires étrangères de la
République des Iles Marshall, en date du 26 septembre 2013 (les italiques sont de moi). - 12 -

«[L]es Iles Marshall sont convaincues que des négociations multilatérales visant
à créer et à maintenir un monde dépourvu d’armes nucléaires auraient dû être
engagées depuis longtemps. Nous estimons en effet que les Etats possédant un
arsenal nucléaire ne respectent pas leurs obligations à cet égard. L’obligation

d’œuvrer au désarmement nucléaire qui incombe à chaque Etat en vertu de l’article VI
du traité de non-prolifération nucléaire et du droit international coutumier impose
l’ouverture immédiate de telles négociations et leur aboutissement.» 69 (Les italiques
sont de moi.)

24. Selon moi, ces déclarations illustrent également l’allégation des Iles Marshall selon
laquelle les Etats dotés d’armes nucléaires, y compris le Pakistan, sont tenus de poursuivre des
négociations conduisant au désarmement nucléaire. Le Pakistan, connu pour être l’un des neuf
Etats possédant pareilles armes , était représenté à chacune de ces réunions. A la réunion du

26 septembre 2013, il l’était par S. Exc. M. Muhammad Nawaz Sharif, son premier ministre et, à
celle du 13 février 2014, par S. Exc. M. Aitzaz Ahmed, ambassadeur du Pakistan auprès du
Mexique, et par M. Majid Khan Lodhy, chef de chancellerie à l’ambassade du Pakistan au
Mexique. Ainsi, bien que les déclarations en question aient été, d’une manière générale, destinées

à «tous les Etats dotés d’armes nucléaires» et que le Pakistan n’y soit pas spécifiquement
mentionné par les Iles Marshall, il était implicitement inclus dans la catégorie des Etats possédant
des armes nucléaires qui, selon le demandeur, «ne respectent pas leurs obligations internationales
consistant à mener des négociations multilatérales en vue de parvenir à un désarmement nucléaire
durable».

25. A mon sens, la «déclaration de Nayarit» précitée faisait assez clairement référence tant à
l’obligation incombant aux Etats dotés d’armes nucléaires de négocier au sujet du désarmement
nucléaire qu’à ce qui constitue selon les Iles Marshall le fondement juridique de ladite obligation, à

savoir «l’article VI du traité de non-prolifération nucléaire et [le] droit international coutumier». A
cet égard, je suis en désaccord avec les conclusions énoncées par la majorité au paragraphe 46 de
l’arrêt. Je ne puis souscrire à l’idée selon laquelle les Iles Marshall auraient dû, dans le cadre de
ces conférences multilatérales, désigner nommément chacune des neuf puissances nucléaires pour
que les demandes qu’elles avaient présentées à leur encontre soient valables. Il convient en effet

d’établir une distinction entre un contexte exclusivement bilatéral, où le demandeur doit identifier
le défendeur, et un contexte d’échanges ou de processus multilatéraux tel que celui de la présente
espèce, où chaque membre de la communauté internationale sait que, sur les 191 Etats parties au
TNP, seuls neuf possèdent des armes nucléaires. Soutenir que le demandeur aurait dû, dans ses

déclarations, désigner nommément chacun de ces Etats et préciser, pour chacun d’entre eux, le
comportement dont il tirait grief, revient à privilégier la forme sur le fond. De la même manière, le
fait que la déclaration de Nayarit ait été prononcée au cours d’une conférence portant sur «[la
question] plus large … de l’impact humanitaire des armes nucléaires» n’enlève rien à la clarté de
cette déclaration ni à la protestation que les Iles Marshall y ont exprimée contre le comportement

des Etats dotés d’armes nucléaires. Cet argument lui aussi est par trop formaliste.

69MIM, p. 19, par. 45 ; CR 2016/2, p. 33-34, par. 19 (Condorelli), citant la déclaration des Iles Marshall,
deuxième conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires, Nayarit, Mexique, 13-14 février 2014.

70Depuis l’entrée en vigueur du TNP en 1970, l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord, bien que n’étant pas
parties à ce traité, ont réalisé des essais nucléaires. La Corée du Nord s’est retirée du traité en 2003. On considère
généralement qu’Israël, tout en laissant délibérément planer l’ambiguïté, détient des armes nucléaires. Les Etats parties
au TNP qui possèdent des armes nucléaires sont les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’Organisation
des Nations Unies, à savoir la Chine, les Etats-Unis d’Amérique, la France, le Royaume-Uni et la Russie. (Quant à
l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas et la Turquie, ce sont des Etats qui partagent des armes nucléaires via
l’OTAN.) - 13 -

26. En outre, lors de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le désarmement
nucléaire qui s’est tenue à New York, le premier ministre du Pakistan, S. Exc. M. Nawaz Sharif, a
fait une déclaration exposant la position particulière de son pays en la matière, position qui, selon

moi, était diamétralement opposée à celle exprimée par les Iles Marshall. Dans cette déclaration, le
premier ministre déplorait que les objectifs liés au désarmement nucléaire et le consensus sur le
mécanisme mis en place 35 ans auparavant pour y parvenir aient été écornés ; rappelait
l’attachement de son pays à la finalité globale d’un désarmement nucléaire réalisé de manière

non-discriminatoire et vérifiable, dans le respect du droit de chaque Etat à la sécurité ; et affirmait
que le Pakistan 71nserverait sa politique de dissuasion minimale sans s’engager dans une course
aux armements . Le défendeur a par ailleurs avancé que les déclarations qu’il avait faites
publiquement, tant au niveau national que dans des enceintes internationales, témoignaient de sa
volonté de négocier en vue du désarmement nucléaire. Tel est peut-être le cas, mais en tout état de

cause, les Iles Marshall ont clairement indiqué, lorsqu’elles se sont efforcées de démontrer
l’existence d’une divergence de vues, qu’elles n’avaient pas d’objection contre le discours du
Pakistan en la matière ; c’est contre le fait que celui-ci n’ait pas poursuivi de négociations de bonne
foi qu’elles protestaient. Là encore, sans préjuger la question de savoir si le comportement du

Pakistan constitue un manquement aux obligations qui lui incombent, les faits susmentionnés
montrent clairement que l’une des Parties (le Pakistan) suivait une ligne de conduite visant à
défendre ses propres intérêts, laquelle se heurtait à l’opposition de l’autre Partie (les Iles Marshall).

27. J’ai également pris en considération la ligne de conduite que les Parties ont adoptée
après la date critique du 24 avril 2014. Or, il ressort clairement de la note verbale du Pakistan en
date du 9 juillet 2014 et de son contre-mémoire que les Parties avaient des vues divergentes
concernant la validité juridique des demandes des Iles Marshall, ce qui a cristallisé le différend.

Elles étaient notamment en désaccord quant à l’existence d’une obligation de droit international
coutumier imposant de poursuivre des négociations en vue du désarmement nucléaire, et au
prétendu manquement du Pakistan à cette obligation.

LE NOUVEAU CRITÈRE DE LA «CONNAISSANCE » AUX FINS DE DÉTERMINER L ’EXISTENCE
D ’UN DIFFÉREND EST ÉTRANGER À LA JURISPRUDENCE DE LA C OUR

28. A ce jour, jamais la Cour n’avait jugé que, pour qu’elle puisse conclure à l’existence
d’un différend, le demandeur devait démontrer que, avant le dépôt de la requête, le défendeur

«avait connaissance, ou ne pouvait pas ne pas avoir connaissance, de ce que ses vues se heurtaient
à l’opposition manifeste du demandeur» (arrêt, paragraphe 38). Non seulement ce nouveau critère
est étranger à la jurisprudence établie de la Cour, mais il va directement à l’encontre de ce que
celle-ci a dit par le passé, et ce, sans raison convaincante. Chaque fois qu’il lui a fallu rechercher

s’il existait ou non u72différend, la Cour a souligné que ce point demandait à être établi
objectivement par elle (et non par les parties), et que sa conclusion à cet égard devait reposer sur
un examen de fond et non de forme des faits ou éléments de preuve qui lui avaient été présentés .73
Dans les affaires du Sud-Ouest africain, elle a ainsi catégoriquement indiqué ce qui suit :

«[l]a simple affirmation ne suffit pas pour prouver l’existence d’un différend, tout
comme le simple fait que l’existence d’un différend est contestée ne prouve pas que ce
différend n’existe pas. Il n’est pas suffisant non plus de démontrer que les intérêts des

71
CMP, annexe 1 : Déclaration du 26 septembre 2013 faite par le premier ministre Nawaz Sharif à l’occasion de
la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le désarmement nucléaire à New York.
72Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, deuxième phase, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 74.

73 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84, par. 30. - 14 -

deux parties à une telle affaire sont en conflit. Il faut démontrer que la réclamation de
74
l’une des parties se heurte à l’opposition manifeste de l’autre.»

Dans l’affaire Nicaragua c. Colombie, la Cour a en outre précisé que, «si la protestation
diplomatique officielle peut constituer un moyen important pour une partie de porter à l’attention
75
de l’autre une prétention, pareille protestation officielle n’est pas une condition nécessaire» .

29. En introduisant le nouveau critère juridique de la «connaissance», la majorité a de fait

élevé le seuil requis en matière de preuve ; le demandeur, mais aussi la Cour elle-même, devront
désormais sonder «l’esprit» de l’Etat défendeur pour savoir si ce dernier avait ou non connaissance
du différend. Selon moi, cette exigence formaliste est non seulement problématique, mais elle est

aussi en contradiction directe avec le principe énoncé dans l’affaire Nicaragua c. Colombie
précitée, puisque la meilleure manière pour le demandeur de s’assurer que le défendeur a
connaissance du différend est de lui adresser, d’une façon ou d’une autre, une notification formelle
ou une protestation diplomatique. De surcroît, ce nouveau critère introduit une certaine subjectivité

dans une question qui devait jusqu’alors être tranchée «objectivement par la Cour».

30. Il convient également de noter que, au paragraphe 73 de l’arrêt rendu en l’affaire

Nicaragua c. Colombie — auquel la majorité se réfère au paragraphe 38 du présent arrêt pour
justifier l’introduction du nouveau critère de la «connaissance» —, la Cour ne faisait qu’exposer
l’analyse factuelle à laquelle elle avait procédé pour déterminer s’il existait un différend dans cette
76
affaire ; elle n’énonçait pas le critère juridique applicable en la matière. Au paragraphe précédent
de ce même arrêt, elle avait d’ailleurs relevé que,

«si la protestation diplomatique officielle peut constituer un moyen important pour

une partie de porter à l’attention de l’autre une prétention, pareille protestation
officielle n’est pas une condition nécessaire. … la Cour, lorsqu’elle détermine s’il
existe ou non un différend, s’attache au «fond, et non [à la] forme»» . 77

Il apparaît donc clairement que, dans cette affaire, la Cour n’envisageait pas de transformer une
constatation spécifique en une exigence juridique formelle de notification préalable. Selon moi, il
serait inopportun de faire de ce qui était manifestement une observation factuelle un critère

juridique strict, ce que la Cour avait alors exclu.

31. De la même manière, l’arrêt rendu en l’affaire Géorgie c. Fédération de Russie , auquel 78

il est également fait référence au paragraphe 38 du présent arrêt pour étayer les vues de la majorité,
n’était pas applicable et doit être distingué de la présente espèce. Cette affaire avait trait à
l’interprétation et à l’application d’un traité particulier (la convention internationale sur

l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale) auquel la Géorgie comme la Russie

74 Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt,

C.I.J. Recueil 1962, p. 328.
75 Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt du 17 mars 2016, par. 72.

76La citation exacte du paragraphe 73 est la suivante : «la Colombie savait que la promulgation du décret 1946 et
son comportement dans les espaces maritimes que la Cour avait reconnus au Nicaragua dans son arrêt de 2012 se
heurtaient à l’opposition manifeste du Nicaragua». Le cadre juridique applicable à la question de l’existence d’un
différend est décrit dans Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes
(Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt du 17 mars 2016, p. 24-26, par. 49-52.
77
Ibid., par. 72.
78 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I). - 15 -

étaient parties. L’article 22 de ce traité (la clause compromissoire conférant compétence à la Cour)
prévoit expressément que, avant d’introduire une instance devant la Cour, les parties en litige
doivent d’abord tenter de régler le différend par voie de négociation ou par d’autres moyens
79
précisés dans la convention . Dans cette affaire, il était donc impératif que le demandeur
démontrât qu’il avait, avant de saisir la Cour, non seulement notifié ses réclamations au défendeur
mais aussi que tous deux avaient tenté de négocier pour parvenir à un règlement. Il était donc
logique que le défendeur eût formellement «connaissance» de la réclamation du demandeur avant

que des négociations puissent avoir lieu. Cette affaire se distingue nettement de la présente espèce,
dans laquelle il n’existait aucune clause compromissoire de ce type imposant des négociations
préalables, une notification formelle ou pareille «connaissance». Selon moi, l’affaire Géorgie
c. Fédération de Russie doit donc être distinguée de la présente instance et ne pouvait être invoquée
à l’appui du critère de la «connaissance».

C ONCLUSION

32. A la lumière des éléments examinés ci-dessus, je considère qu’il existait, à la date du

dépôt de la requête, un différend entre les Parties concernant le manquement allégué du Pakistan à
une obligation de droit international coutumier de poursuivre de bonne foi des négociations
conduisant à un désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict
et efficace.

(Signé) Julia SEBUTINDE .

___________

79L’article 22 de la convention est ainsi libellé :

«Tout différend entre deux ou plusieurs Etats parties touchant l’interprétation ou l’application de
la présente Convention qui n’aura pas été réglé par voie de négociation ou au moyen des procédures
expressément prévues par ladite Convention sera porté, à la requête de toute partie au différend, devant la
Cour internationale de Justice pour qu’elle statue à son sujet, à moins que les parties au différend ne
conviennent d’un autre mode de règlement.»

Bilingual Content

743
195
SEPARATE OPINION OF JUDGE SEBUTINDE
Object and purpose of the United Nations Charter — Maintenance of
international peace and security — Role of the Court in the peaceful settlement of
disputes — The Court’s compulsory jurisdiction derives from the optional clause
declarations pursuant to Article 36, paragraph 2, of the Court’s Statute and not
from the existence of a dispute — The existence of a dispute is merely the
precondition for the exercise of that jurisdiction — Article 38 of the Statute of the
Court — The objective determination of the existence of a dispute is the prerogative
of the Court and is a matter of substance, not of form or procedure — Conduct of
the Parties is relevant evidence — The new legal prerequisite of “awareness by the
Respondent that its views were positively opposed” is formalistic and alien to the
Court’s jurisprudence.
Introduction
1. I have voted against the operative paragraph of the Judgment
because I am unable to agree with the decision of the Court upholding the
first preliminary objection of Pakistan, as well as the underlying reasoning.
In my view, the majority of the Court has unjustifiably departed from
the flexible and discretionary approach that it has hitherto consistently
adopted in determining the existence of a dispute, choosing instead, to
introduce a new rigorous and formalistic test of “awareness” that raises
the evidentiary threshold and that is bound to present the Court
with difficulties
in future. Furthermore, given the importance of the
subject‑matter
of this case not only to the Parties involved but to the international
community as a whole, I find it regrettable that the Court
has opted to adopt an inflexible approach that has resulted in summarily
disposing
of this case at this early stage. I explain my views in more detail
in this separate opinion.
Responsibility for the Maintenance
of International Peace and Security
2. If there is one lesson that the international community learnt from
the human catastrophes that were the First and Second World Wars, it
was the need for a concerted, global effort
“[t]o save succeeding generations from the scourge of war, which
twice in our lifetime has brought untold sorrow to mankind, and to
reaffirm faith in fundamental human rights, in the dignity and worth
743
195
OPINION INDIVIDUELLE DE Mme LA JUGE SEBUTINDE
[Traduction]
Objet et but de la Charte des Nations Unies — Maintien de la paix et de la
sécurité internationales — Rôle de la Cour dans le règlement pacifique des
différends — Juridiction obligatoire de la Cour découlant des déclarations faites en
vertu de la clause facultative énoncée au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de
la Cour, et non de l’existence d’un différend — Existence d’un différend n’étant
que la condition préalable à l’exercice de la compétence — Article 38 du Statut de
la Cour — Détermination objective de l’existence d’un différend étant une
prérogative de la Cour et une question de fond, et non de forme ou de procédure —
Comportement des Parties constituant un élément de preuve pertinent — Nouvelle
condition préalable de la « connaissance, [par le défendeur], de ce que ses vues se
heurtaient à l’« opposition manifeste » du demandeur » étant formaliste et étrangère
à la jurisprudence de la Cour.
Introduction
1. J’ai voté contre le dispositif de l’arrêt car je ne saurais souscrire à la
décision de la Cour consistant à retenir la première exception du Pakistan,
ni au raisonnement qui la sous‑tend. Selon moi, la majorité s’est, de
manière injustifiable, écartée de l’approche souple et discrétionnaire qui
avait jusqu’alors toujours été celle de la Cour pour déterminer l’existence
d’un différend, préférant introduire un nouveau critère strict et formaliste
— celui de la « connaissance » — qui élève le seuil requis en matière de
preuve et posera assurément problème à l’avenir. De surcroît, compte
tenu de l’importance de l’objet de la présente affaire non seulement pour
les Parties en cause mais aussi pour la communauté internationale dans
son ensemble, je regrette que la Cour ait décidé d’adopter une approche
rigide ayant abouti à un règlement expéditif à ce stade précoce de la
procédure.
J’exposerai mes vues plus en détail dans la présente opinion
individuelle.
Responsabilité du maintien
de la paix et de la sécurité internationales
2. S’il est un enseignement que la communauté internationale a tiré des
tragédies humaines des première et seconde guerres mondiales, c’est la
nécessité d’oeuvrer de manière globale et concertée pour
« préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois
en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances,
… proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamen-
744 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
196
of the human person, in the equal rights of men and women and of
nations large and small, and to establish conditions under which justice
and respect for the obligations arising from treaties and other
sources of international law can be maintained . . .” 1.
3. It is also important to recollect the purpose for which the United
Nations was created, namely,
“to maintain international peace and security, and to that end: to take
effective collective measures for the prevention and removal of threats
to peace, and for the suppression of acts of aggression or other
breaches of the peace, and to bring about by peaceful means, and in
conformity with the principles of justice and international law, adjustment
or settlement of international disputes or situations which might
lead to a breach of the peace” 2.
Under the Charter, although the primary responsibility for the maintenance
of international peace and security lies with the Security Council 3,
and to a lesser extent, the General Assembly 4, the International Court of
Justice, as the principal judicial organ of the United Nations 5 does contribute
to the maintenance of international peace and security through its
judicial settlement of such inter‑State disputes as are referred to it for
adjudication 6 and through the exercise of its advisory role in accordance
with the Charter and the Statute of the Court 7. Today there is no greater
threat to international peace and security, or indeed to humanity, than
the threat or prospect of a nuclear war.
The NPT and Nuclear Disarmament
4. It may also be useful to briefly recall the historical background to
the present case. The Treaty on the Non‑Proliferation of Nuclear Weapons
(NPT) which entered into force in 1970 8 and whose objectives are, to
prevent the spread of nuclear weapons and weapons technology; to promote
co‑operation in the peaceful use of nuclear energy and to further the
goal of achieving nuclear disarmament, currently has 191 States parties
1 United Nations, Charter of the United Nations, 24 October 1945, 1 UNTS XVI,
preamble (hereinafter the “UN Charter”).
2 UN Charter, Art. 1.
3 Ibid., Art. 24 (1).
4 Ibid., Art. 11.
5 Ibid., Art. 92.
6 United Nations, Statute of the International Court of Justice, 18 April 1946 (hereinafter
the “Statute”), Art. 38.
7 UN Charter, Art. 96 and Statute, Arts. 65-68.
8 Treaty on the Non‑Proliferation of Nuclear Weapons, 729 UNTS 161, opened for
signature at London, Moscow and Washington on 1 July 1968 and entered into force
5 March 1970.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 744
196
taux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine,
dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des
nations, grandes et petites, … créer les conditions nécessaires au
maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et
autres sources du droit international… » 1.
3. Il convient également de rappeler le but qui a présidé de la création
des Nations Unies, à savoir
« [m]aintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin :
prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter
les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre
rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément
aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement
ou le règlement de différends ou de situations, de caractère
international, susceptibles de mener à une rupture de la paix » 2.
Aux termes de la Charte, même si la responsabilité du maintien de la paix
et de la sécurité internationales incombe principalement au Conseil de
sécurité 3 et, dans une moindre mesure, à l’Assemblée générale 4, la Cour
internationale de Justice, en tant qu’organe judiciaire principal de l’Organisation
des Nations Unies 5, y contribue également en réglant les différends
entre Etats qui lui sont soumis 6 et en exerçant son rôle consultatif
conformément à la Charte et à son Statut 7. Or, aujourd’hui, le plus grand
danger qui pèse sur la paix et la sécurité internationales — et, de fait, sur
l’humanité tout entière — est la menace ou la perspective d’une guerre
nucléaire.
Le TNP et le désarmement nucléaire
4. Il convient sans doute également de revenir brièvement sur le contexte
historique de l’affaire. Le traité sur la non‑prolifération des armes nucléaires
(TNP), qui est entré en vigueur en 1970 8 et dont les objectifs sont de prévenir
la prolifération des armes nucléaires et la diffusion de la technologie y
afférente, de promouvoir la coopération en ce qui concerne l’utilisation
pacifique
de l’énergie nucléaire et de concourir au désarmement nucléaire,
1 Charte des Nations Unies, 24 octobre 1945, Recueil des traités (RTNU), vol. 1,
p. XVI, préambule (ci‑après, la « Charte »).
2 Charte des Nations Unies, art. 1.
3 Ibid., art. 24 1).
4 Ibid., art. 11.
5 Ibid., art. 92.
6 Statut de la Cour internationale de Justice, 18 avril 1946 (ci‑après, le « Statut »),
art 38.
7 Charte des Nations Unies, art. 96, et Statut, art. 65‑68.
8 Traité sur la non‑prolifération des armes nucléaires, RTNU, vol. 729, p. 161, ouvert
à la signature à Londres, Moscou et Washington le 1er juillet 1968 et entré en vigueur le
5 mars 1970.
745 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
197
including the Republic of the Marshall Islands (RMI) 9. Pakistan has neither
signed nor ratified the NPT (Judgment, para. 17). However, contrary
to the NPT objectives, State practice demonstrates that for the past nearly
70 years, some States have continued to manufacture, acquire, upgrade,
test and/or deploy nuclear weapons and that a threat of possible use is
inherent in such deployment. Furthermore, State practice demonstrates
that far from proscribing the threat or use of nuclear weapons in all
circumstances,
the international community has, by treaty and through
the United Nations Security Council, recognized in effect that in certain
circumstances the use or threat of use of nuclear weapons may even be
justified.
5. In December 1994 the United Nations General Assembly sought an
advisory opinion from the Court regarding the legality of the threat or
use of nuclear weapons 10. The question posed by the General Assembly
was quite simply “Is the threat or use of nuclear weapons in any circumstance
permitted under international law?” In response, the Court considered
that it was being asked “to determine the legality or illegality of the
threat or use of nuclear weapons” 11. After taking into account the body
of international law (including Article 2, paragraph 4, and Article 51 of
the United Nations Charter) as well as the views of a vast number of
States that filed their written submissions before the Court, the Court
opined that:
— there is no specific authorization of the threat or use of nuclear weapons
in either customary or conventional international law 12;
— there is no comprehensive and universal prohibition of the threat or
use of nuclear weapons as such, in either customary or conventional
international law 13;
— a threat or use of nuclear weapons that was contrary to Article 2,
paragraph 4, or that failed to meet all the requirements of Article 51
of the United Nations Charter; or that is incompatible with the principles
and rules of international humanitarian law applicable in armed
conflict or that is incompatible with treaties specifically dealing with
nuclear weapons, is illegal 14.
9 The Republic of the Marshall Islands (RMI) acceded to the NPT on 30 January 1995.
See United Nations Office of Disarmament Affairs, Marshall Islands: Accession to Treaty
on the Non‑Proliferation of Nuclear Weapons, available at: http://disarmament.un.org/
treaties/a/npt/marshallislands/acc/washington.
10 UN General Assembly resolution A/RES/49/75 K, 15 December 1994, Request for
an advisory opinion from the International Court of Justice on the legality of the threat or
use of nuclear weapons.
11 Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons, Advisory Opinion, I.C.J. Reports
1996 (I), p. 238, para. 20.
12 Ibid., p. 266, para. 105 (2) A.
13 Ibid., para. 105 (2) B.
14 Ibid., para. 105 (2) C and D.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 745
197
compte actuellement 191 Etats parties, dont la République des Iles Marshall 9.
Le Pakistan, quant à lui, n’a pas signé le TNP (arrêt, par. 17). Nonobstant
les objectifs énoncés dans ce traité, il ressort de la pratique des Etats que, au
cours de ces soixante‑dix dernières années, certains ont continué à fabriquer,
acquérir, moderniser, expérimenter ou déployer des armes nucléaires, et que
la menace de l’éventuelle utilisation de ces armes va de pair avec leur déploiement.
De plus, la pratique des Etats montre que, loin de les proscrire en
toute circonstance, la communauté internationale a en réalité, par voie de
traité et à travers l’action du Conseil de sécurité de l’Organisation des
Nations Unies, reconnu que la menace ou l’emploi d’armes nucléaires pouvait
même, dans certains cas, se justifier.
5. Au mois de décembre 1994, l’Assemblée générale des Nations Unies
a demandé un avis consultatif à la Cour sur la question de la licéité de la
menace ou de l’emploi d’armes nucléaires 10. La question posée par l’Assemblée
générale était assez simple : « Est‑il permis en droit international
de recourir à la menace ou à l’emploi d’armes nucléaires en toute circonstance
? » Dans son avis, la Cour a considéré qu’il lui était demandé de
« déterminer ce qu’il en [était] de la licéité ou de l’illicéité de la menace ou
de l’emploi d’armes nucléaires » 11. Après avoir examiné le corpus de droit
international pertinent (notamment le paragraphe 4 de l’article 2 et l’article
51 de la Charte), ainsi que les vues d’un grand nombre d’Etats qui lui
avaient présenté des exposés écrits, elle s’est dite d’avis que :
— ni le droit international coutumier ni le droit international conventionnel
n’autorisaient spécifiquement la menace ou l’emploi d’armes
nucléaires 12 ;
— ni le droit international coutumier ni le droit international conventionnel
ne comportaient d’interdiction complète et universelle de la
menace ou de l’emploi des armes nucléaires en tant que telles 13 ;
— était illicite la menace ou l’emploi de la force au moyen d’armes
nucléaires qui serait contraire à l’article 2, paragraphe 4, de la Charte
des Nations Unies, qui ne satisferait pas à toutes les prescriptions
de son article 51, ou qui serait incompatible avec les exigences du
droit international humanitaire applicable dans les conflits armés,
ainsi qu’avec les traités qui ont expressément trait aux armes
nucléaires 14.
9 La République des Iles Marshall a adhéré au TNP le 30 janvier 1995. Voir Bureau
des affaires de désarmement des Nations Unies, Marshall Islands : Accession to Treaty on
the Non‑Proliferation of Nuclear Weapons ; consultable en anglais à l’adresse suivante :
http://disarmament.un.org/treaties/a/npt/marshallislands/acc/washington.
10 Nations Unies, doc. A/RES/49/75 K, 15 décembre 1994, demande d’avis consultatif
de la Cour internationale de Justice sur la légalité de la menace ou de l’emploi d’armes
nucléaires.
11 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 238, par. 20.
12 Ibid., p. 266, par. 105, point 2) A du dispositif.
13 Ibid., par. 105, point 2) B du dispositif.
14 Ibid., par. 105, points 2) C et D du dispositif.
746 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
198
6. However, the Court did make one exception to its findings (albeit in
an evenly divided manner) 15 when it opined that:
“in view of the current state of international law, and of the elements
of fact at its disposal, the Court cannot conclude definitively whether
the threat or use of nuclear weapons would be lawful or unlawful in
an extreme circumstance of self‑defence, in which the very survival of
a State would be at stake” 16.
7. Finally, although this does not appear to have been in direct answer
to the question posed by the General Assembly, the Court went an extra
mile in what, in my view, is the real contribution of the Court to world
peace and security as far as the question of nuclear weapons is concerned.
It stated in paragraphs 98 to 100 of the Advisory Opinion, as follows:
“Given the eminently difficult issues that arise in applying the
law on the use of force and above all the law applicable in armed
conflict to nuclear weapons, the Court considers that it now needs to
examine one further aspect of the question before it, seen in a broader
context.
In the long run, international law, and with it the stability of the
international order which it is intended to govern, are bound to suffer
from the continuing difference of views with regard to the legal status
of weapons as deadly as nuclear weapons. It is consequently important
to put an end to this state of affairs: the long‑promised complete
nuclear disarmament appears to be the most appropriate means of
achieving that result.
In these circumstances, the Court appreciates the full importance of
the recognition by Article VI of the Treaty on the Non-Proliferation
of Nuclear Weapons of an obligation to negotiate in good faith a
nuclear disarmament... The legal import of that obligation goes beyond
that of a mere obligation of conduct; the obligation involved here is
an obligation to achieve a precise result — nuclear disarmament in all
its aspects — by adopting a particular course of conduct, namely, the
pursuit of negotiations on the matter in good faith.
This twofold obligation to pursue and to conclude negotiations
formally concerns the 182 States parties to the [NPT], or, in other
words, the vast majority of the international community . . . Indeed,
any realistic search for general and complete disarmament, especially
nuclear disarmament, necessitates the co‑operation of all States.”
(Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons, Advisory Opinion,
I.C.J. Reports 1996 (I), pp. 263-264, paras. 98-100.)
15 By seven to seven votes with the President having to use his casting vote.
16 Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons, Advisory Opinion, I.C.J.
Reports 1996 (I), p. 266, para. 105 (2) E.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 746
198
6. La Cour a toutefois énoncé une exception aux conclusions qu’elle
venait de formuler (même s’il faut préciser que, sur ce point, les juges
étaient divisés à égalité de voix) 15, estimant que,
« [a]u vu de l’état actuel du droit international, ainsi que des éléments
de fait dont elle dispos[ait], [elle] ne p[ouvai]t … conclure de façon
définitive que la menace ou l’emploi d’armes nucléaires serait licite
ou illicite dans une circonstance extrême de légitime défense dans
laquelle la survie même d’un Etat serait en cause » 16.
7. Enfin, même si elle ne semble pas l’avoir fait directement en réponse
à la question posée par l’Assemblée générale, la Cour est allée plus loin en
formulant des observations qui, selon moi, constituent sa véritable contribution
à la paix et la sécurité dans le monde pour ce qui est des armes
nucléaires. Aux paragraphes 98 à 100 de son avis consultatif, elle a ainsi
indiqué ce qui suit :
« Compte tenu des questions éminemment difficiles que soulève
l’application à l’arme nucléaire du droit relatif à l’emploi de la force,
et surtout du droit applicable dans les conflits armés, la Cour estime
devoir examiner maintenant un autre aspect de la question posée,
dans un contexte plus large.
A terme, le droit international et avec lui la stabilité de l’ordre
international qu’il a pour vocation de régir ne peuvent que souffrir
des divergences de vues qui subsistent aujourd’hui quant au statut
juridique d’une arme aussi meurtrière que l’arme nucléaire. Il s’avère
par conséquent important de mettre fin à cet état de choses : le désarmement
nucléaire complet promis de longue date se présente comme
le moyen privilégié de parvenir à ce résultat.
La Cour mesure dans ces circonstances toute l’importance de la
consécration par l’article VI du traité sur la non‑prolifération des armes
nucléaires d’une obligation de négocier de bonne foi un désarmement
nucléaire… La portée juridique de l’obligation considérée dépasse celle
d’une simple obligation de comportement ; l’obligation en cause ici est
celle de parvenir à un résultat précis — le désarmement nucléaire dans
tous ses aspects — par l’adoption d’un comportement déterminé, à
savoir la poursuite de bonne foi de négociations en la matière.
Cette double obligation de négocier et de conclure concerne formellement
les cent quatre‑vingt‑deux Etats parties au [TNP],
c’est‑à‑dire la très grande majorité de la communauté internationale…
De fait, toute recherche réaliste d’un désarmement général et
complet, en particulier nucléaire, nécessite la coopération de tous les
Etats. » (Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J.
Recueil 1996 (I), p. 263-264.)
15 Par sept voix contre sept, le président ayant dû faire usage de sa voix prépondérante.
16 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 1996 (I), p. 266, point 2) E du dispositif.
747 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
199
8. The Court then unanimously opined in the operative clause that,
“There exists an obligation to pursue in good faith and to bring to a conclusion
negotiations leading to nuclear disarmament in all its aspects
under strict and effective international control.” 17 The Advisory Opinion
of the Court, although not legally binding, was well received by the vast
majority of NPT States parties, although it was less welcome by those
nuclear‑weapon States that were of the view that the Court had
over‑stepped its judicial function by rendering this opinion. In December
1996, the General Assembly passed a resolution endorsing the conclusion
of the Court relating to the existence of “an obligation to pursue in
good faith and to bring to a conclusion, negotiations leading to disarmament
in all its aspects under strict and effective international control”
and calling upon all States to immediately commence multilateral
negotiations
leading to a nuclear weapons convention prohibiting “the
development, production, testing, deployment, stockpiling, threat or
use of nuclear weapons” and providing for their elimination 18.
9. Regrettably, since the adoption of the Court’s Advisory Opinion
20 years ago, the international community has made little progress
towards nuclear disarmament and even the prospect of negotiations on
the conclusion of a nuclear weapons convention, seems illusory. It is in
this context that, on 24 April 2014, the RMI filed an Application against
nine respondent States (United States, Russia, United Kingdom, France,
China, India, Pakistan, Israel and North Korea) which the Applicant
maintains currently possess nuclear weapons, alleging a failure by the
respondent States to fulfil obligations concerning negotiations relating to
the cessation of the nuclear arms race at an early date and to nuclear
disarmament. Of the nine respondent States, only Pakistan, India and the
United Kingdom (UK) formally responded to the RMI Application, each
of the three States having previously filed declarations pursuant to Article
36, paragraph 2, of the Statute of the Court recognizing the compulsory
jurisdiction of the Court (Judgment, para. 21).
17 I.C.J. Reports 1996 (I), p. 267, para. 105 (2) F.
18 UN General Assembly resolution A/RES/51/45 M, 10 December 1996, Advisory
Opinion of the International Court of Justice on the legality of the threat or use of
nuclear weapons. The General Assembly has been adopting an almost identical resolution
every year, since the handing down of the Nuclear Weapons Advisory Opinion. See UN
General Assembly resolutions 52/38 O of 9 December 1997; 53/77 W of 4 December 1998;
54/54 Q of 1 December 1999; 55/33 X of 20 November 2000; 56/24 S of 29 November
2001; 57/85 of 22 November 2002; 58/46 of 8 December 2003; 59/83 of 3 December
2004; 60/76 of 8 December 2005; 61/83 of 6 December 2006; 62/39 of 5 December 2007;
63/49 of 2 December 2008; 64/55 of 2 December 2009; 65/76 of 8 December 2010; 66/46
of 2 December 2011; 67/33 of 3 December 2012; 68/42 of 5 December 2013; 69/43 of
2 December 2014; 70/56 of 7 December 2015.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 747
199
8. Dans le dispositif de son avis, la Cour a ensuite estimé à l’unanimité
qu’« il exist[ait] une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à
terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous
ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace » 17. L’avis
consultatif de la Cour, bien que n’étant pas juridiquement contraignant,
a été bien accueilli par l’immense majorité des Etats parties au TNP ; il a
cependant été moins favorablement reçu par les Etats dotés d’armes
nucléaires, qui considéraient que la Cour avait outrepassé sa fonction
judiciaire en donnant cet avis. En décembre 1996, l’Assemblée générale a
adopté une résolution dans laquelle elle faisait sienne la conclusion de la
Cour concernant l’existence d’« une obligation de poursuivre de bonne foi
et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement
nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et
efficace », et appelant tous les Etats à engager immédiatement des négociations
multilatérales en vue de parvenir à la conclusion d’une convention
sur les armes nucléaires interdisant « la mise au point, la fabrication,
l’essai, le déploiement, le stockage, le transfert, la menace ou l’emploi de
ces armes » et prévoyant leur élimination 18.
9. Hélas, depuis que la Cour a donné son avis consultatif, il y a vingt
ans de cela, la communauté internationale n’a guère progressé sur la voie
du désarmement nucléaire, et la perspective même de négociations en vue
de conclure une convention sur les armes nucléaires semble illusoire. C’est
dans ce contexte que la République des Iles Marshall a, le 24 avril 2014,
déposé une requête contre neuf Etats (la Chine, les Etats‑Unis d’Amérique,
la Fédération de Russie, la France, l’Inde, Israël, le Pakistan,
la Corée du Nord et le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande
du Nord), qui, selon elle, détiendraient actuellement pareilles armes, et
auxquels elle faisait grief d’avoir manqué à leurs obligations relatives
aux négociations concernant la cessation de la course aux armements
nucléaires à une date rapprochée et le désarmement nucléaire.
Sur ces neuf Etats, seuls le Pakistan, l’Inde et le Royaume‑Uni ont
formellement
répondu à la requête des Iles Marshall, ces trois Etats
ayant fait une déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire
de la Cour en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut (arrêt,
par. 21).
17 C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 267, point 2) F du dispositif.
18 Nations Unies, doc. A/RES/51/45 M, 10 décembre 1996, avis consultatif de la Cour
internationale de Justice sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires.
Depuis le prononcé de l’avis consultatif sur les armes nucléaires, l’Assemblée générale
adopte chaque année une résolution quasiment identique. Voir les résolutions de l’Assemblée
générale 52/38 O du 9 décembre 1997 ; 53/77 W du 4 décembre 1998 ; 54/54 Q
du 1er décembre 1999 ; 55/33 X du 20 novembre 2000 ; 56/24 S du 29 novembre 2001 ;
57/85 du 22 novembre 2002 ; 58/46 du 8 décembre 2003 ; 59/83 du 3 décembre 2004 ;
60/76 du 8 décembre 2005 ; 61/83 du 6 décembre 2006 ; 62/39 du 5 décembre 2007 ;
63/49 du 2 décembre 2008 ; 64/55 du 2 décembre 2009 ; 65/76 du 8 décembre 2010 ; 66/46
du 2 décembre 2011 ; 67/33 du 3 décembre 2012 ; 68/42 du 5 décembre 2013 ; 69/43 du
2 décembre 2014 ; 70/56 du 7 décembre 2015.
748 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
200
The Threshold for Determining the Existence of a Dispute
and the New Criterion of “Awareness”
10. The RMI bases the jurisdiction of the Court on its optional clause
declaration pursuant to Article 36, paragraph 2, of the Statute of the
Court dated 15 March 2013 and deposited on 24 April 2013 19, and Pakistan’s
optional clause declaration made on 12 September 1960 and deposited
on 13 September 1960 20 (Judgment, para. 1), which declarations the
RMI claims are “without pertinent reservation” 21. However, Pakistan
raised a number of preliminary objections against the Court’s jurisdiction,
including the absence of a legal dispute between the Parties as at
24 April 2014, the date of filing of the Application. The RMI disagrees
and maintains that a dispute did exist at the time it filed its Application,
the subject‑matter of which is “Pakistan’s compliance or non‑compliance
with its obligation under customary international law to pursue in good
faith, and bring to a conclusion, negotiations leading to nuclear
disarmament” 22. In its Judgment, the Court agrees with Pakistan in this
regard and upholds its objection to jurisdiction (Judgment, para. 56). I
respectfully disagree with the majority decision as well as the underlying
reasoning, and set out my reasons in this separate opinion. In my view,
the evidence on record when properly tested against the criteria well‑established
in the Court’s jurisprudence, shows that a dispute did exist between
the Parties before the filing of the Application. I particularly disagree
with the new criterion of “awareness” that the majority introduces, as
well as the formalistic and inflexible approach taken in the determination
of whether or not a dispute exists (Judgment, paras. 38‑48).
11. Pakistan raises a number of interrelated objections as to the existence
of a dispute. It contends that the Court lacks jurisdiction to entertain
the Applicant’s claim on the grounds that:
(a) prior to or at the time the RMI filed its Application on 24 April 2014,
there was no legal dispute in existence between the Parties that could
trigger the Court’s jurisdiction under its Statute 23;
19 Optional Clause Declaration of the Marshall Islands, 24 April 2013, available at:
http://www.icj-cij.org/jurisdiction/index.php?p1=5&p2=1&p3=3&code=MH.
20 Optional Clause Declaration of Pakistan, 13 September 1960, available at: http://
www.icj-cij.org/jurisdiction/index.php?p1=5&p2=1&p3=3&code=PK.
21 Application of the Marshall Islands (AMI), p. 36, para. 60.
22 Memorial of the Marshall Islands (MMI), pp. 17-18, para. 42.
23 Counter-Memorial of Pakistan (CMP), p. 6, para. 1.8.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 748
200
Le seuil requis aux fins de déterminer l’existence d’un différend
et le nouveau critère de la « connaissance »
10. Les Iles Marshall fondaient la compétence de la Cour sur la déclaration
qu’elles ont faite le 15 mars 2013 en vertu de la clause facultative
du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, et déposée le 24 avril 2013 19, et
sur celle que le Pakistan a faite le 12 septembre 1960 et déposée le 13 septembre
1960 20 (arrêt, par. 1), déclarations qui ne contenaient, selon le
demandeur, « aucune réserve pertinente en l’espèce » 21. Néanmoins, le
Pakistan a soulevé un certain nombre d’exceptions à la compétence de la
Cour, soutenant notamment qu’il n’existait pas, le 24 avril 2014, date du
dépôt de la requête, de différend d’ordre juridique entre les Parties. Les
Iles Marshall affirmaient au contraire qu’il existait bel et bien un différend
au moment où elles avaient déposé leur requête, lequel avait pour objet la
« question de savoir si le Pakistan respecte ou non l’obligation que lui
impose le droit international coutumier de poursuivre de bonne foi et de
mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire » 22.
Souscrivant aux vues du Pakistan sur ce point, la Cour a retenu l’exception
d’incompétence susmentionnée (ibid., par. 56). Je me permets d’exprimer
mon désaccord avec la décision de la majorité ainsi qu’avec le
raisonnement qui la sous‑tend, désaccord dont j’exposerai les raisons
dans la présente opinion individuelle. Selon moi, les éléments de preuve
qui ont été versés au dossier, s’ils sont appréciés comme il convient à
l’aune des critères bien établis dans la jurisprudence de la Cour, montrent
qu’un différend existait bel et bien entre les Parties avant le dépôt de la
requête. Je suis plus particulièrement en désaccord avec le nouveau critère
de la « connaissance » introduit par la majorité, ainsi qu’avec l’approche
formaliste et rigide que la Cour a suivie pour rechercher s’il existait ou
non un différend (ibid., par. 38‑48).
11. Le Pakistan a soulevé un certain nombre d’exceptions interdépendantes
liées à la question de l’existence d’un différend. Il soutenait
que la Cour n’avait pas compétence pour connaître de la demande
des Iles Marshall aux motifs que :
a) au moment du dépôt de la requête des Iles Marshall le 24 avril 2014
ou avant cette date, il n’existait entre les Parties aucun différend d’ordre
juridique susceptible de permettre à la Cour d’exercer sa compétence
au regard de son Statut 23 ;
19 Déclaration faite par les Iles Marshall en vertu de la clause facultative, 24 avril
2013, consultable à l’adresse suivante : http://www.icj-cij.org/jurisdiction/index.php?p1
=5&p2=1&p3=3&code=MH.
20 Déclaration faite par le Pakistan en vertu de la clause facultative, 13 septembre
1960, consultable à l’adresse suivante : http://www.icj-cij.org/jurisdiction/index.php?p1=
5&p2=1&p3=3&code=PK.
21 Requête des Iles Marshall (RIM), p. 36, par. 60.
22 Mémoire des Iles Marshall (MIM), p. 17‑18, par. 42.
23 Contre‑mémoire du Pakistan (CMP), p. 6, par. 1.8.
749 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
201
(b) that the alleged dispute is not demonstrated either in the Application
or Memorial of the RMI 24;
(c) that the alleged dispute is not legal in nature because the RMI claims
are based on the NPT and the Court’s 1996 Advisory Opinion, neither
of which is binding on Pakistan 25;
(d) that the RMI “has failed to identify its legal claims with sufficient
clarity for Pakistan to understand the alleged dispute” 26;
(e) that the statements made by Marshallese officials at the UN High‑Level
Meeting on Nuclear Disarmament, on 26 September 2013, and at the
Second Conference on the Humanitarian Impact of Nuclear Weapons,
on 13 February 2014, were not directed specifically at Pakistan
nor did they identify “the subject‑matter of any legal dispute that the
RMI might have with Pakistan” 27;
(f) that since there were no prior communications, consultations or diplomatic
negotiations between the RMI and Pakistan there could be
no conflict of legal positions between the two Parties, and as such no
legal dispute between them 28;
(g) that the claims of the RMI are artificially constructed and speculative
in nature and that “it is not the function of the Court to decide a
hypothetical or abstract claim based on speculative injury” 29;
(h) that the RMI has failed to prove the existence of any concrete or
imminent harm or injury that is genuinely due to the action or inaction
of Pakistan and which is capable of judicial settlement or
redress 30; and
(i) that the actual purpose of the claim submitted by the RMI is to
enforce the obligations established in Article VI of the NPT and to
“attracting judicial statements of a general nature that the Court was
not willing to make in its 1996 Advisory Opinion” 31.
12. For its part, the RMI maintains that a dispute did exist between
the Parties at the time the Application was filed 32, the subject‑matter of
24 CMP, p. 6, para. 1.7, para. 1.12 ; p. 44, para. 8.6.
25 Ibid., p. 44, paras. 8.7‑8.9.
26 Ibid., para. 8.10.
27 Ibid., p. 45, paras. 8.12-8.17 (emphasis added).
28 Ibid., p. 48, para. 8.32.
29 Ibid., pp. 48-49, para. 8.34-8.36; citing: Northern Cameroons (Cameroon v. United
Kingdom), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1963, p. 33.
30 CMP, p. 49, para. 8.37.
31 Ibid., para. 8.39.
32 MMI, p. 17, para. 42 and p. 18, para. 43, citing: Mavrommatis Palestine Concessions,
Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 11; Application of the International
Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v.
Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), pp. 84‑85,
para. 30; and Interpretation of Peace Treaties with Bulgaria, Hungary and Romania, First
Phase, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1950, p. 74. See also CR 2016/2, p. 29, para. 13;
p. 34, para. 21.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 749
201
b) l’existence du prétendu différend n’était établie ni dans la requête ni
dans le mémoire des Iles Marshall 24 ;
c) le différend allégué n’était pas d’ordre juridique, puisque les demandes
des Iles Marshall étaient fondées sur le TNP et l’avis consultatif de la
Cour de 1996, et que le Pakistan n’était lié ni par l’un ni par l’autre 25 ;
d) la République des Iles Marshall « a[vait] manqué de présenter ses
demandes avec suffisamment de clarté pour que le Pakistan puisse
comprendre
l’objet du différend allégué » 26 ;
e) les déclarations faites par des responsables marshallais lors de la réunion
de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le
désarmement nucléaire, le 26 septembre 2013, et lors de la deuxième
conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires, le
13 février 2014, ne visaient pas spécifiquement le Pakistan, ni ne précisaient
« l’objet d’un quelconque différend juridique opposant la République
des Iles Marshall à celui‑ci » 27 ;
f) étant donné qu’il n’y avait pas eu de communications, consultations,
ou négociations diplomatiques préalables entre les Iles Marshall et le
Pakistan, il ne pouvait exister entre les Parties aucun désaccord sur un
point de droit et, partant, aucun différend d’ordre juridique 28 ;
g) les demandes des Iles Marshall étaient artificielles et de nature conjecturale
et que « la Cour n’a pas pour rôle de se prononcer sur une demande
hypothétique ou abstraite fondée sur un préjudice théorique » 29 ;
h) les Iles Marshall n’avaient pas établi l’existence de quelque dommage
ou préjudice concret et imminent pouvant raisonnablement être considéré
comme étant dû aux actes ou omissions reprochés au Pakistan et
susceptible de faire l’objet d’un règlement judiciaire 30 ;
i) le véritable but de la demande présentée par les Iles Marshall consistait
à obtenir l’exécution des obligations énoncées à l’article VI du TNP,
ainsi que « les conclusions judiciaires à caractère général qu[e la Cour]
n’avait pas souhaité formuler dans son avis consultatif de 1996 » 31.
12. Les Iles Marshall, pour leur part, soutenaient qu’il existait bel et
bien un différend entre les Parties au moment du dépôt de la requête 32,
24 CMP, p. 6, par. 1.7 ; p. 6, par. 1.12 ; p. 44, par. 8.6.
25 Ibid., p. 44, par. 8.7‑8.9.
26 Ibid., par. 8.10.
27 Ibid., p. 45, par. 8.12‑8.17 (les italiques sont de moi).
28 Ibid., p. 48, par. 8.32.
29 Ibid., p. 48‑49, par. 8.34‑8.36, citant : Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume–
Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1963, p. 33.
30 CMP, p. 49, par. 8.37.
31 Ibid., par. 8.39.
32 MIM, p. 17, par. 42, et p. 18, par. 43, citant : Concessions Mavrommatis en Palestine,
arrêt n° 2, 1924, C.P.J.I., série A no 2, p. 11 ; Application de la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84‑85, par. 30 ; et Interprétation
des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 74. Voir aussi CR 2016/2, p. 29, par. 13 ; p. 34, par. 21.
750 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
202
which is the Respondent’s “non‑compliance with its obligation under customary
international law to pursue in good faith, and bring to a conclusion,
negotiations leading to nuclear disarmament” 33. The RMI argues
further that it has repeatedly called for nuclear‑weapon States, including
Pakistan, to comply with their international obligations and to negotiate
nuclear disarmament 34. In particular it refers to two of its statements
made publicly in the presence of Pakistan before the Application was
filed. First, on 26 September 2013, at the UN High‑Level Meeting on
Nuclear Disarmament, the Minister of Foreign Affairs of the RMI called
upon: “all nuclear weapons states to intensify efforts to address their
responsibilities in moving towards an effective and secure disarmament” 35.
Secondly, on 13 February 2014, during the Second Conference on the
Humanitarian Impact of Nuclear Weapons at Nayarit, Mexico, the RMI
representative made similar remarks 36.
13. The RMI submits that these and other public statements illustrate
“with perfect clarity the content of the claim” 37 and that these statements
were “unequivocally directed against all States possessing nuclear
arsenals,
including Pakistan” (emphasis added) 38. The fact that Pakistan
participated in those conferences was, according to the RMI, sufficient
to consider it notified of the claim of the RMI 39; in particular, because
the RMI statements were very clear on the subject‑matter of the dispute,
namely, the failure of nuclear‑weapon States to seriously engage in multilateral
negotiations leading to nuclear disarmament arising under the
NPT and/or customary international law. The RMI also considers that
the legal basis of the claim was also clearly identified 40. Finally, the RMI
considers that its claims have been positively opposed by Pakistan 41 in
that the latter, while rhetorically claiming in international fora to be committed
to achieving a nuclear‑free world, domestically “continues to
engage in a course of conduct consisting of quantitative build‑up and
qualitative improvement of its nuclear arsenal” 42. Furthermore, RMI
submits that Pakistan positively opposed the Applicant’s claims in its
Note Verbale of 9 July 2014 and in its Counter‑Memorial, where it explic-
33 MMI, pp. 17‑18, para. 42.
34 Ibid., p. 18, para. 45.
35 Ibid., pp. 18‑19, para. 45, citing statement by Honourable Mr. Phillip Muller,
Minister of Foreign Affairs of the Republic of the Marshall Islands, 26 September 2013;
emphasis added.
36 Ibid., pp. 18‑19, para. 45, citing Marshall Islands statement, Second Conference on
the Humanitarian Impact of Nuclear Weapons, Nayarit, Mexico, 13‑14 February 2014.
37 Ibid., p. 19, para. 46.
38 Ibid.
39 Ibid.
40 Ibid., pp. 19‑20, para. 47.
41 Ibid., p. 20, para. 48.
42 Ibid.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 750
202
différend ayant pour objet « la question de savoir si le Pakistan respect[ait]
ou non l’obligation que lui impose le droit international coutumier de
poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant
au désarmement nucléaire » 33. Elles faisaient également valoir qu’elles
avaient, à maintes reprises, appelé les Etats dotés d’armes nucléaires, y
compris le Pakistan, à respecter leurs obligations internationales et à négocier
en vue du désarmement nucléaire 34. Le demandeur se référait en particulier
à deux de ses déclarations publiques faites en présence du Pakistan,
avant que la requête ne soit déposée. Tout d’abord, le 26 septembre 2013,
lors de la réunion de haut niveau des Nations Unies sur le désarmement
nucléaire, le ministre des affaires étrangères des Iles Marshall avait appelé
« toutes les puissances nucléaires [à] intensifier leurs efforts pour faire face à
leurs responsabilités à l’égard d’un désarmement effectif et sûr » 35. Ensuite,
le 13 février 2014, dans le cadre de la deuxième conférence sur l’impact
humanitaire des armes nucléaires, tenue à Nayarit, au Mexique, le représentant
des Iles Marshall avait formulé des observations analogues 36.
13. La République des Iles Marshall affirmait que ces déclarations
publiques, tout comme d’autres, « illustr[aient] de façon parfaitement claire
la teneur [de leur] grief » 37 et qu’elles visaient « sans équivoque … tous les
Etats détenteurs d’un arsenal nucléaire, dont le Pakistan » (les italiques sont
de moi) 38. Selon le demandeur, le fait que le Pakistan ait participé à ces
conférences suffisait pour considérer qu’il était informé de la réclamation
des Iles Marshall 39, en particulier parce que les déclarations de ces dernières
étaient extrêmement claires concernant l’objet du différend, à savoir le
manquement des Etats dotés d’armes nucléaires à l’obligation, découlant
du TNP ou du droit international coutumier, d’engager sérieusement des
négociations multilatérales conduisant à un désarmement nucléaire. Les
Iles Marshall estimaient par ailleurs que le fondement juridique de la réclamation
était lui aussi clairement indiqué 40. Enfin, le demandeur soutenait
que ses réclamations s’étaient heurtées à l’opposition manifeste du Pakistan
41 en ce sens que celui‑ci, tout en affirmant dans des enceintes internationales,
pour la forme, être déterminé à parvenir à un monde exempt d’armes
nucléaires, n’avait cessé, au niveau national, de « maint[enir] une ligne de
conduite qui consist[ait] à accroître et à améliorer ses forces nucléaires » 42.
33 MIM, p. 17‑18, par. 42.
34 Ibid., p. 18, par. 45.
35 Ibid., p. 18‑19, par. 45, citant la déclaration de M. Phillip Muller, ministre des affaires
étrangères de la République des Iles Marshall, en date du 26 septembre 2013 (les italiques
sont de moi).
36 Ibid., p. 18‑19, par. 45, citant la déclaration des Iles Marshall faite à la deuxième
conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires tenue à Nayarit, au Mexique, les
13‑14 février 2014.
37 Ibid., p. 19, par. 46.
38 Ibid.
39 Ibid.
40 Ibid., p. 19‑20, par. 47.
41 Ibid., p. 20, par. 48.
42 Ibid.
751 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
203
itly disputed the validity of those claims 43. In its Judgment, the Court
upholds Pakistan’s preliminary objection to jurisdiction on the ground
that there was no dispute between the Parties prior to the filing of the
RMI Application. I respectfully disagree with that decision as well as the
underlying reasoning and set out my reasons in this separate opinion. In
my view, the evidence on record, when properly tested against the criteria
well‑established in the Court’s jurisprudence, shows that a dispute did
exist, albeit in a nascent form, between the Parties before the filing of the
Application and that this dispute crystallized during the proceedings. I
particularly disagree with the new criterion of “awareness” that the
majority introduces, as well as the formalistic and inflexible approach
taken in the determination of whether or not a dispute exists.
14. First, the Judgment rightly points out the Court’s function under
Article 38 of its Statute, which is to decide such inter‑State disputes as are
referred to it (Judgment, para. 33). In cases such as this one, where States
have made declarations (with or without reservations) recognizing the
compulsory jurisdiction of the Court under Article 36, paragraph 2, of the
Statute, the jurisdiction of the Court emanates from those very declarations
rather than from the existence of a dispute as such. It is more accurate
to say that the existence of a dispute between the contending States is
merely a precondition for the exercise of that jurisdiction (ibid., para. 33).
15. Secondly, the Judgment rightly defines a dispute as “a disagreement
on a point of law or fact, a conflict of legal views or of interests
between parties” (Judgment, para. 34). The Judgment also correctly states
that it is for the Court (and not the parties) to determine objectively
whether a dispute exists after examining the facts or evidence before it
(ibid., para. 36) and that such determination is a matter of substance and
not of procedure or form (ibid., para. 35). Thirdly, it is clear from the
Court’s jurisprudence that neither prior notification by the applicant, of
its claim to the respondent, nor a formal diplomatic protest by the applicant,
are necessary pre‑requisites for purposes of determining the existence
of a dispute (ibid.).
16. While the Judgment correctly rehearses the Court’s jurisprudence
regarding the definition of a “dispute” and the fact that determination of
the existence of a dispute is “a matter of substance, and not a question of
form or procedure”, I disagree with the approach and analysis that the
majority has employed in arriving at the conclusion that there is no dispute
between the Parties. I find that approach to be not only formalistic
and procedural, but also lacking in addressing the substantive aspects of
the Applicant’s claim, such as the conduct of the Respondent. Given the
43 CR 2016/2, pp. 27‑28, para. 10 citing CMP, Part 1, p. 6, para. 1.8 and Part 4, p. 14,
para. 4.5.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 751
203
En outre, le demandeur considérait que le Pakistan avait exprimé son
opposition dans sa note verbale du 9 juillet 2014 et dans son contre‑mémoire,
dans lesquels il rejetait expressément le bien‑fondé desdites réclamations
43. Dans son arrêt, la Cour a retenu l’exception d’incompétence
soulevée par le Pakistan, selon laquelle aucun différend n’opposait les Parties
avant le dépôt de la requête des Iles Marshall. Avec tout le respect que
je dois à mes collègues, je suis en désaccord avec cette décision ainsi qu’avec
le raisonnement qui la sous‑tend, et j’en expose les motifs dans la présente
opinion individuelle. Selon moi, les éléments de preuve versés au dossier,
s’ils sont appréciés comme il convient à l’aune des critères bien établis dans
la jurisprudence de la Cour, montrent qu’un différend, quoique naissant,
existait bel et bien entre les Parties avant le dépôt de la requête et qu’il s’est
cristallisé au cours de la procédure. Je suis particulièrement en désaccord
avec le nouveau critère de la « connaissance » introduit par la majorité, ainsi
qu’avec l’approche formaliste et rigide que la Cour a suivie pour rechercher
s’il existait ou non un différend.
14. Premièrement, dans son arrêt, la Cour met l’accent sur la mission
qui est la sienne aux termes de l’article 38 de son Statut, à savoir régler les
différends entre Etats qui lui sont soumis (arrêt, par. 33). Dans des affaires
telles que la présente, lorsque les Etats ont fait des déclarations (assorties
ou non de réserves) acceptant la juridiction obligatoire de la Cour en vertu
du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, celle‑ci tire sa compétence de ces
déclarations et non de l’existence du différend en tant que telle. Il serait
plus juste de dire que l’existence d’un différend entre les Etats en litige n’est
qu’une condition préalable à l’exercice de cette compétence (ibid., par. 33).
15. Deuxièmement, la Cour définit à juste titre un différend comme
« un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une
opposition de thèses juridiques ou d’intérêts » entre des parties (ibid.,
par. 34). Elle précise également que c’est à elle (et non aux parties) qu’il
appartient de déterminer objectivement s’il existe un différend après avoir
examiné les faits ou les éléments de preuve qui lui ont été soumis (ibid.,
par. 36), et qu’il s’agit là d’une question de fond, et non de forme ou de
procédure (ibid., par. 35). Troisièmement, il ressort de la jurisprudence de
la Cour que ni la notification, par le demandeur, de sa réclamation au
défendeur, ni une protestation diplomatique officielle ne sont des conditions
préalables à la détermination de l’existence d’un différend (ibid.).
16. Si la Cour a raison de rappeler, dans son arrêt, sa jurisprudence relative
à la définition d’un « différend » et de souligner que la détermination de
l’existence d’un différend est « une question de fond, et non de forme ou de
procédure », je ne puis souscrire à l’approche suivie par la majorité ni à
l’analyse que cette dernière a effectuée pour parvenir à la conclusion qu’il
n’existait pas de différend entre les Parties. Je considère non seulement que
cette approche privilégie la forme et la procédure, mais aussi qu’elle est
insuffisante pour traiter les aspects matériels de la réclamation du deman-
43 CR 2016/2, p. 27‑28, par. 10, citant CMP, partie 1, p. 6, par. 1.8, et partie 4, p. 14,
par. 4.5.
752 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
204
importance of nuclear disarmament to the international community at
large, I believe that this is not a case that should have been easily dismissed
on a formalistic or procedural finding that no dispute exists
between the Contending Parties. Instead, a more substantive approach
that analyses the conduct of the contesting States right up until 24 April
2014 and beyond if necessary, should have been undertaken in determining
whether the Parties had “clearly opposite views” 44. The Court’s jurisprudence
clearly demonstrates the Court’s consistent preference for a
flexible approach that steers clear of formality or procedural rigour, right
from the days of the Permanent Court of International Justice 45, and
until more recently in Croatia v. Serbia 46.
17. An applicant is required under Article 40, paragraph 1, of the Statute
and Article 38, paragraph 2, of the Rules of Court to indicate the
“subject of the dispute” in the Application and to specifying therein
the “precise nature of the claim” 47. The RMI did specify its claim or
subject‑matter
of the dispute in its Application and Memorial as the failure
of Pakistan to honour its obligation towards the Applicant (and other
States) “to pursue in good faith, and bring to a conclusion, negotiations
leading to nuclear disarmament in all its aspects under strict and effective
international control” 48. It is therefore not true, as Pakistan alleges, that
the RMI “has failed to identify its legal claims with sufficient clarity for
Pakistan to understand the alleged dispute” 49. Furthermore, the RMI’s
claim is clearly legal in nature in as far as it concerns the alleged non‑performance
by Pakistan, of an obligation under customary international
law. Of course, the existence and nature of the purported obligation, as
well as the acts constituting the alleged breach thereof, are matters that
would have to be examined at the merits phase of the case 50. However, it
is not sufficient, for purposes of demonstrating the existence of a dispute,
for the RMI to articulate its claims in its Application and Memorial. Nor
44 Alleged Violations of Sovereign Rights and Maritime Spaces in the Caribbean Sea
(Nicaragua v. Colombia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2016 (I),
p. 26, para. 50.
45 Mavrommatis Palestine Concessions, Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A, No. 2,
p. 34; Certain German Interests in Polish Upper Silesia, Jurisdiction, Judgment No. 6, 1925,
P.C.I.J., Series A, No. 6, p. 14.
46 Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of
Genocide (Croatia v. Serbia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2008,
pp. 428-441, paras. 80‑85; Application of the International Convention on the Elimination
of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), pp. 84-85, para. 30.
47 Obligation to Negotiate Access to the Pacific Ocean (Bolivia v. Chile), Preliminary
Objection, Judgment, I.C.J. Reports 2015 (II), p. 602, para. 25; Fisheries Jurisdiction
(Spain v. Canada), Jurisdiction of the Court, Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 448, para. 29.
48 MMI, p. 4, para. 2; see also AMI, p. 10, para. 6.
49 CMP, p. 44, para. 8.10.
50 MMI, p. 21, paras. 50-51.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 752
204
deur, tels que la question du comportement du défendeur. Vu l’importance
du désarmement nucléaire pour la communauté internationale, j’estime que
cette affaire n’aurait pas dû être écartée aussi facilement sur la base d’une
constatation formaliste et procédurale selon laquelle il n’existait aucun différend
entre les Parties en litige. Au lieu de cela, il aurait fallu, pour rechercher
si les Parties avaient des points de vue « nettement opposés » 44, suivre
un raisonnement accordant davantage d’importance au fond et examiner le
comportement des Etats en litige jusqu’au 24 avril 2014, voire au-delà si
nécessaire. Il ressort en effet clairement de la jurisprudence de la Cour de La
Haye que celle‑ci a toujours privilégié une approche souple en s’abstenant
de tout formalisme ou rigidité procédurale, et ce, déjà du temps de la Cour
permanente de Justice internationale 45. Du reste, tel a encore récemment
été le cas dans l’affaire Croatie c. Serbie 46.
17. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 40 du Statut de la Cour et du
paragraphe 2 de l’article 38 de son Règlement, tout demandeur est tenu d’indiquer
l’« objet du différend » dans la requête ainsi que la « nature précise de
la demande » 47. Dans leur requête comme dans leur mémoire, les
Iles Marshall ont ainsi défini leur demande ou l’objet du différend comme
étant le manquement du Pakistan à l’obligation qui lui incombe à l’égard du
demandeur (ainsi qu’à l’égard d’autres Etats) « de poursuivre de bonne foi et
de mener à terme des négociations devant conduire au désarmement
nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace
» 48. Il est donc faux de dire, comme le fait le Pakistan, que la République
des Iles Marshall « a manqué de présenter ses demandes avec
suffisamment de clarté pour qu[’il] puisse comprendre l’objet du différend
allégué » 49. En outre, la réclamation du demandeur était manifestement
d’ordre juridique puisqu’elle avait trait au prétendu manquement du Pakistan
à une obligation de droit international coutumier. Quant aux questions
de l’existence et de la nature de l’obligation invoquée, ainsi que des actes
constitutifs du prétendu manquement à ladite obligation, elles relevaient
bien évidemment de l’examen de l’affaire au fond 50. Il ne suffisait cependant
44 Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des
Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I),
p. 26, par. 50.
45 Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n° 2, 1924, C.P.J.I. série A n° 2, p. 34 ;
Certains intérêts allemands en Haute‑Silésie polonaise, compétence, arrêt n° 6, 1925, C.P.J.I.
série A n° 6, p. 14.
46 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Croatie c. Serbie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 438-441,
par. 80‑85 ; Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84‑85, par. 30.
47 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 602, par. 25 ; Compétence en matière de pêcheries
(Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 448, par. 29.
48 MIM, p. 4, par. 2 ; voir aussi RIM, p. 10, par. 6.
49 CMP, p. 44, par. 8.10.
50 MIM, p. 21, par. 50‑51.
753 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
205
is it sufficient merely for one party to assert that a dispute exists or for the
other to deny that it does. It must, in this case, be demonstrated that the
claims of the RMI are positively opposed by Pakistan or that there is “a
disagreement on a point of law or fact, a conflict of legal views or of interests”
between the two Parties 51 and that this was the case at the time the
Application was filed.
18. As stated in the Court’s jurisprudence, it is for the Court to determine
on an objective basis, whether or not an international dispute exists
between the parties by “isolate[ing] the real issue in the case and identify[ing]
the object of the claim” 52. The Court must carry out a substantial examination
or inquiry of the facts or evidence 53. Although the dispute must in
principle, exist at the time the Application is submitted to the Court 54,
there have been cases in which the Court has adopted a more flexible position,
considering that facts arising after the application has been filed may
be taken into account. For example, in the Border and Transborder Armed
Actions (Nicaragua v. Honduras) case, the Court held that:
“It may however be necessary, in order to determine with certainty
what the situation was at the date of filing of the Application, to
examine the events, and in particular the relations between the Parties,
over a period prior to that date, and indeed during the subsequent
period.” 55
51 Mavrommatis Palestine Concessions, 1924, Judgment No. 2, P.C.I.J., Series A, No. 2,
p. 11; emphasis added. It has also been repeated by the ICJ in: Application of the International
Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v.
Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), pp. 84-85,
para. 30; Applicability of the Obligation to Arbitrate under Section 21 of the United Nations
Headquarters
Agreement of 26 June 1947, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1988, pp. 28-30,
paras. 37-44.
52 Nuclear Tests (Australia v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 262, para. 29;
Nuclear Tests (New Zealand v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 466, para. 30;
Obligation to Negotiate Access to the Pacific Ocean (Bolivia v. Chile), Preliminary Objection,
Judgment, I.C.J. Reports 2015 (II), p. 602, para. 26.
53 Application of the International Convention on the Elimination of All Forms of
Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 2011 (I), pp. 84-85, para. 30.
54 Application of the International Convention on the Elimination of All Forms of
Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 2011 (I), pp. 84‑85, para. 30; Questions of Interpretation and Application of
the 1971 Montreal Convention arising from the Aerial Incident at Lockerbie (Libya v. United
Kingdom), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1998, pp. 25‑26, paras. 43‑45;
Questions of Interpretation and Application of the 1971 Montreal Convention arising from
the Aerial Incident at Lockerbie (Libya v. United States of America), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 1998, pp. 130‑131, paras. 42‑44.
55 Border and Transborder Armed Actions (Nicaragua v. Honduras), Jurisdiction and
Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 1988, p. 95, para. 66.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 753
205
pas, pour démontrer l’existence d’un différend, que les Iles Marshall aient
formulé leurs demandes dans leur requête et leur mémoire — de même qu’il
ne suffit pas, à cet effet, qu’une partie affirme qu’un différend existe ou que
l’autre partie le conteste. En la présente espèce, il devait être démontré que
les demandes des Iles Marshall se heurtaient à l’opposition manifeste
du Pakistan ou qu’il existait « un désaccord sur un point de droit ou de
fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts »
entre les deux Parties 51, et que tel était le cas au moment du dépôt de la
requête.
18. Comme cela ressort de sa jurisprudence, c’est à la Cour qu’il appartient
de déterminer, de manière objective, s’il existe ou non un différend
international entre les parties en « circonscri[vant] le véritable problème en
cause et [en] précis[ant] l’objet de la demande » 52. A cette fin, la Cour doit
réaliser un examen approfondi des faits ou éléments de preuve 53. Bien que
le différend doive, en principe, exister au moment où la requête lui est
soumise 54, la Cour a, dans certains cas, fait preuve de davantage de souplesse,
estimant qu’il pouvait être tenu compte de faits survenus après
le dépôt de la requête. Dans l’affaire relative à des Actions armées frontalières
et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), elle a ainsi conclu ce
qui suit :
« Il peut toutefois être nécessaire, pour déterminer avec certitude
quelle était la situation à la date du dépôt de la requête, d’examiner
les événements, et en particulier les relations entre les Parties, pendant
une période antérieure à cette date, voire pendant la période qui
a suivi. » 55
51 Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n° 2, 1924, C.P.J.I. série A n° 2, p. 11
(les italiques sont de moi). Cela a également été confirmé par la CIJ dans les affaires
suivantes : Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84-85, par. 30 ; Applicabilité de l’obligation d’arbitrage en vertu de
la section 21 de l’accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l’Organisation des Nations Unies,
avis consultatif, C.I.J. Recueil 1988, p. 28-30, par. 37‑44.
52 Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 262, par. 29 ;
Essais nucléaires (Nouvelle‑Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 466, par. 30 ;
Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 602, par. 26.
53 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84‑85, par. 30.
54 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84‑85, par. 30 ; Questions d’interprétation et d’application de
la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya
arabe libyenne c. Royaume‑Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 25‑26, par. 43‑45 ; Questions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal
de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats‑Unis
d’Amérique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 130‑131, par. 42‑44.
55 Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence
et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, p. 95, par. 66.
754 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
206
19. Furthermore, although the Court has stated in the South West
Africa cases that in order for a dispute to exist, the claim of one party
must be “positively opposed” by the other 56, such “positive opposition”
should not be perceived as a formal or procedural disagreement on a
point of law or fact only. In my view, the Court should, consistent with
its jurisprudence rehearsed in the Judgment (paras. 34-37), adopt a substantive
approach whereby if one State adopts a course of conduct to
achieve its own interests, which conduct is then protested by the other, a
positive opposition of views or interests is demonstrated. The perspective
that takes into account the conduct of the contesting parties in determining
the existence or otherwise of a dispute, and with which I agree, was
aptly expressed by Judge Gaetano Morelli in his dissenting opinion in the
South West Africa cases when he stated as follows:
“As to a disagreement upon a point of law or fact, it is to be
observed that, while such a disagreement may be present and commonly
(but not necessarily) is present where there is a dispute, the two
things (disagreement and dispute) are not the same. In any event it is
abundantly clear that a disagreement on a point of law or fact, which
may indeed be theoretical, is not sufficient for a dispute to be regarded
as existing.
�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������
In my opinion, a dispute consists, not of a conflict of interests as
such, but rather in a contrast between the respective attitudes of the
parties in relation to a certain conflict of interests. The opposing attitudes
of the parties, in relation to a given conflict of interests, may
respectively consist of the manifestations of the will by which each of
the parties requires that its own interest be realized. It is the case of
a dispute resulting, on one side, from a claim by one of the parties
and, on the other side, of the contesting of that claim by the other
party. But it may also be that one of the opposing attitudes of the
parties consists, not of a manifestation of the will, but rather of a
course of conduct by means of which the party pursuing that course
directly achieves its own interest. This is the case of a claim which is
followed not by the contesting of the claim but by the adoption of a
course of conduct by the other party inconsistent with the claim. And
this is the case too where there is in the first place a course of conduct
by one of the parties to achieve its own interest, which the other party
meets by a protest.” 57
56 South West Africa (Ethiopia v. South Africa; Liberia v. South Africa), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 328.
57 Ibid.; dissenting opinion of Judge Morelli, pp. 566‑567, Part II, paras. 1‑2.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 754
206
19. En outre, bien que la Cour ait dit, dans les affaires du Sud‑Ouest
africain, que, pour qu’un différend existe, la demande d’une partie devait
se heurter à « l’opposition manifeste » de l’autre 56, un simple désaccord de
forme ou de procédure sur un point de droit ou de fait ne saurait constituer
pareille opposition. Selon moi, la Cour aurait dû, conformément à la
jurisprudence qui est la sienne et qu’elle a d’ailleurs rappelée dans le présent
arrêt (par. 34-37), suivre une approche privilégiant le fond en considérant
que, si un Etat adopte une certaine ligne de conduite pour défendre
ses propres intérêts, et qu’un autre Etat proteste, l’opposition manifeste
de thèses ou d’intérêts se trouve établie. Le point de vue selon lequel le
comportement des parties en litige doit être pris en considération pour
déterminer s’il existe ou non un différend — point de vue auquel je
souscris
— a été fort bien exposé par le juge Gaetano Morelli dans
l’opinion
dissidente dont il a joint l’exposé à l’arrêt rendu dans
les affaires du Sud‑Ouest africain. L’extrait pertinent se lit comme
suit :
« Pour ce qui est du désaccord sur un point de droit ou de fait, il
faut faire remarquer que, si un tel désaccord peut accompagner et
accompagne normalement (mais non pas nécessairement) le différend,
il ne s’identifie pas avec lui. En tout cas, il est tout à fait évident
qu’un désaccord sur un point de droit ou de fait, désaccord qui pourrait
être même purement théorique, ne suffit pas pour qu’on puisse
considérer qu’il existe un différend.
�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������
A mon avis, un différend consiste, non pas dans un conflit d’intérêts
en tant que tel, mais plutôt dans un contraste entre les attitudes
respectives des parties par rapport à un certain conflit d’intérêts. Les
attitudes opposées des parties, par rapport à un conflit d’intérêts
donné, peuvent consister, l’une et l’autre, dans des manifestations de
volonté par lesquelles chacune des parties exige que son propre intérêt
soit réalisé. C’est le cas d’un différend résultant, d’un côté, de la
prétention de l’une des parties et, de l’autre, de la contestation, par
l’autre partie, d’une telle prétention. Mais il se peut aussi que l’une
des attitudes opposées des parties consiste, non pas dans une manifestation
de volonté, mais plutôt dans une conduite, par laquelle la
partie, qui adopte une telle conduite, réalise directement son propre
intérêt. C’est le cas d’une prétention suivie, non pas de la contestation
d’une telle prétention, mais d’une conduite de l’autre
partie
contraire à la même prétention. Et c’est le cas aussi où il y a,
en premier lieu, une conduite de l’une des parties réalisant
l’intérêt de celle‑ci : conduite à laquelle l’autre partie oppose sa
protestation.
» 57
56 Sud‑Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 328.
57 Ibid. ; opinion dissidente de M. le juge Morelli, partie II, p. 566‑567, par. 1‑2.
755 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
207
20. In order to determine with certainty what the situation was at the
date of filing of the RMI Application, it is necessary to examine the conduct
of the Parties over the period prior to that date, and during the
subsequent period. First, Pakistan has not made available to the Court
any of its internal policies regarding the obligation to negotiate nuclear
disarmament, maintaining that these are “issues of exclusive domestic
jurisdiction” 58. However, the conduct of Pakistan that the RMI has
raised issue with in its Application and Memorial is “Pakistan’s non‑compliance
with its obligations under customary international law to pursue
in good faith, and bring to a conclusion, negotiations leading to nuclear
disarmament” 59. Pakistan, while not denying this conduct, has merely
stated that it is not obligated to do so either under the NPT (since it is not
a party thereto) or under customary international law. Furthermore, the
RMI takes issue with Pakistan’s development over the years of its nuclear
weapons 60, describing this conduct as “a quantitative buildup and qualitative
improvement” of Pakistan’s nuclear arsenal 61. The RMI submits
that that conduct is inconsistent with Pakistan’s international obligations
to pursue negotiations towards nuclear disarmament. Again, while not
expressly denying the build‑up of its nuclear arsenal, Pakistan refers to its
right to maintain a nuclear arsenal for reasons of national security and
points to its national defence policy against external aggression or threat
of war 62. It also points to the fact that it has consistently voted in favour
of United Nations resolutions in favour of international negotiations
towards nuclear disarmament 63. The RMI maintains that, notwithstanding
its voting patterns, Pakistan’s course of conduct, consisting on the
one hand of its participation in the nuclear arms race and, on the other
hand, its failure to pursue multilateral negotiations towards nuclear disarmament,
is inconsistent with its obligations under customary international
law. Without prejudging the issue of whether or not Pakistan’s
conduct referred to above actually constitutes a breach of an obligation
under customary international law (an issue clearly for the merits), the
question for determination is whether, before filing its Application against
Pakistan on 24 April 2014, the Parties held clearly opposite views con-
58 CMP, paras. 1.3 and 1.5.
59 MMI, pp. 17-18, para. 42.
60 AMI, p. 16, para. 22, citing: Zia Mian, “Pakistan” in Ray Acheson (ed.), Assuring
Destruction Forever: Nuclear Weapon Modernization Around the World (Reaching Critical
Will – a Project of the Woman’s International League for Peace and Freedom, 2012), p. 51.
61 AMI, p. 36, section entitled “Remedies”, para. (a).
62 CMP, p. 27, para. 7.42. Article 245 of the Pakistani Constitution establishes that:
“The Armed Forces shall, under the directions of the Federal Government, defend Pakistan
against external aggression or threat of war, and, subject to law, act in aid of civil power
when called upon to do so. The validity of any direction issued by the Federal Government
under clause (1) shall not be called in question in any court.”
63 Ibid., p. 8, para. 2.4.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 755
207
20. Afin de déterminer avec certitude quelle était la situation au
moment du dépôt de la requête des Iles Marshall, il convenait d’examiner
le comportement des Parties dans la période qui avait précédé cette date
et au cours de celle qui a suivi. Premièrement, le Pakistan n’a pas communiqué
à la Cour le contenu de ses politiques internes concernant l’obligation
de négocier au sujet du désarmement nucléaire, affirmant que celles‑ci
« rel[e]v[ai]ent de [s]a juridiction interne exclusive » 58. Toutefois, le comportement
du Pakistan contre lequel les Iles Marshall protestaient dans
leur requête et leur mémoire était le « [non‑respect [par lui de] l’obligation
que lui impose le droit international coutumier de poursuivre de bonne
foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement
nucléaire » 59. Le défendeur, tout en ne niant pas avoir suivi pareille ligne
de conduite, s’est contenté de déclarer que ni le TNP (puisqu’il n’y est pas
partie) ni le droit international coutumier ne lui imposaient de satisfaire à
cette obligation. En outre, les Iles Marshall protestaient contre le fait que
le Pakistan ait développé, au fil des années, son armement nucléaire 60,
dans le but d’« accroître et [d’]améliorer » son arsenal 61. Le demandeur
faisait valoir que ce comportement n’était pas conforme aux obligations
internationales du Pakistan de poursuivre des négociations conduisant au
désarmement nucléaire. Là encore, tout en ne contestant pas expressément
avoir développé son arsenal, le Pakistan a invoqué son droit de
conserver des armements nucléaires pour des raisons de sécurité nationale,
et rappelé sa politique de défense nationale contre les agressions
extérieures ou les menaces de guerre 62. Il a également souligné qu’il avait
systématiquement voté en faveur des résolutions des Nations Unies préconisant
des négociations internationales en vue du désarmement
nucléaire 63. Les Iles Marshall soutenaient que, en dépit des habitudes de
vote du Pakistan, la ligne de conduite de ce dernier — qui consistait,
d’une part, à participer à la course aux armements nucléaires et, d’autre
part, à ne pas poursuivre de négociations multilatérales en vue du désarmement
nucléaire — n’était pas conforme aux obligations qui lui
incombent au regard du droit international coutumier. Sans préjuger la
question de savoir si le comportement du Pakistan décrit plus haut consti-
58 CMP, p. 5, par. 1.3 et 1.5.
59 MIM, p. 17‑18, par. 42.
60 RIM, p. 16, par. 22, citant : Zia Mian, « Pakistan », dans Ray Acheson (dir. publ.),
Assuring
Destruction Forever: Nuclear Weapon Modernization Around the World (Reaching
Critical Will — A Project of the Women’s International League for Peace and Freedom, 2012),
p. 51.
61 RIM, p. 36, « Conclusions demandées », point a).
62 CMP, p. 27, par. 7.42. L’article 245 de la Constitution pakistanaise est ainsi libellé :
« Les forces armées, agissant sur instruction du Gouvernement fédéral, défendent
le Pakistan contre les menaces de guerre ou agressions extérieures et, sous réserve des
dispositions de la loi, viennent en aide au pouvoir civil, lorsqu’elles ont été appelées
à le faire. La validité d’une instruction formulée par le Gouvernement fédéral en
vertu de la première clause ne pourra être mise en cause devant aucune instance
judiciaire. »
63 Ibid., p. 8, par. 2.4.
756 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
208
cerning Pakistan’s performance or non‑performance of certain international
obligations.
21. In this regard, I have taken into account relevant statements of
high‑ranking officials of each of the Parties. The RMI specifically mentions
the statements it made when it joined the NPT 64, and those made
during the 2010 NPT Review Conference, the 2013 United Nations
High‑Level Meeting on Nuclear Disarmament 65, and the 2014 Conference
on the Humanitarian Impact of Nuclear Weapons 66. The RMI
argues that those statements were sufficient to make all nuclear‑weapon
States, including Pakistan, aware of the RMI position on the matter 67.
22. First, the views of the RMI on nuclear disarmament were clearly
communicated to all nuclear‑weapon States present in New York on
26 September 2013, at the UN High‑Level Meeting on Nuclear Disarmament,
when the Minister of Foreign Affairs of the RMI called upon: “all
nuclear weapon states to intensify efforts to address their responsibilities
in moving towards an effective and secure disarmament” 68.
23. Secondly, on 13 February 2014, at the Second Conference on the
Humanitarian Impact of Nuclear Weapons at Nayarit, Mexico, the RMI
reiterated its position on the failure of nuclear‑weapon States to pursue
negotiations towards nuclear disarmament when it issued a Declaration
stating that:
“the Marshall Islands is convinced that multilateral negotiations on
achieving and sustaining a world free of nuclear weapons are long
overdue. Indeed we believe that States possessing nuclear arsenals are
failing to fulfil their legal obligations in this regard. Immediate commencement
and conclusion of such negotiations is required by legal
obligation of nuclear disarmament resting upon each and every State
under Article VI of the Non Proliferation Treaty and customary international
law.” 69 (Emphasis added.)
64 CR 2016/2, p. 11, para. 8 (deBrum), citing: Letter dated 22 June 1995 from the
Permanent Representative of the Marshall Islands to the United Nations, together with
Written Statement of the Government of the Marshall Islands.
65 MMI, p. 18, para. 45.
66 Ibid., p. 19, para. 45.
67 Ibid., para. 47.
68 Ibid., pp. 18‑19, para. 45, citing statement by Honourable Mr. Phillip Muller,
Minister of Foreign Affairs of the Republic of the Marshall Islands, 26 September 2013;
emphasis added.
69 Ibid., p. 19, para. 45; CR 2016/2, pp. 33‑34, para. 19 (Condorelli), citing Marshall
Islands statement, Second Conference on the Humanitarian Impact of Nuclear Weapons,
Nayarit, Mexico, 13‑14 February 2014.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 756
208
tuait effectivement un manquement à pareilles obligations (question qui,
de toute évidence, relève de l’examen au fond), le point à trancher était de
savoir si, avant le dépôt de la requête contre le Pakistan le 24 avril 2014,
les points de vue des Parties étaient nettement opposés quant à l’exécution
ou à la non‑exécution de certaines obligations internationales.
21. A cet égard, j’ai examiné les déclarations pertinentes de hauts responsables
des deux Etats. Les Iles Marshall se sont expressément référées
aux déclarations qu’elles ont faites lorsqu’elles ont adhéré au TNP 64,
ainsi qu’à celles qui ont été prononcées au cours de la conférence d’examen
du TNP de 2010, de la réunion de haut niveau des Nations Unies sur
le désarmement nucléaire de 2013 65 et de la conférence sur l’impact humanitaire
des armes nucléaires de 2014 66. Elles faisaient valoir que ces déclarations
suffisaient pour que tous les Etats dotés d’armes nucléaires, y
compris le Pakistan, soient informés de leur position sur la question 67.
22. Tout d’abord, les Iles Marshall ont clairement fait connaître leurs
vues à l’ensemble des puissances nucléaires qui étaient présentes à
New York le 26 septembre 2013, lors de la réunion de haut niveau des
Nations Unies sur le désarmement nucléaire, leur ministre des affaires
étrangères ayant appelé « tous les Etats dotés d’armes nucléaires à intensifier
leurs efforts pour assumer leurs responsabilités en vue d’un désarmement
effectif réalisé en toute sécurité » 68.
23. Ensuite, le 13 février 2014, lors de la deuxième conférence sur l’impact
humanitaire des armes nucléaires, tenue à Nayarit, au Mexique, les
Iles Marshall ont réaffirmé leur position selon laquelle les Etats dotés
d’armes nucléaires manquaient à l’obligation de négocier en vue du désarmement
nucléaire. Elles ont fait la déclaration suivante :
« les Iles Marshall sont convaincues que des négociations multilatérales
visant à créer et à maintenir un monde dépourvu d’armes
nucléaires auraient dû être engagées depuis longtemps. Nous estimons
en effet que les Etats possédant un arsenal nucléaire ne respectent
pas leurs obligations à cet égard. L’obligation d’oeuvrer au
désarmement nucléaire qui incombe à chaque Etat en vertu de l’article
VI du traité de non‑prolifération nucléaire et du droit international
coutumier impose l’ouverture immédiate de telles négociations
et leur aboutissement. » 69 (Les italiques sont de moi.)
64 CR 2016/2, p. 11, par. 8 (deBrum), citant la lettre du 22 juin 1995 du représentant
permanent des Iles Marshall auprès de l’Organisation des Nations Unies, accompagnée de
l’exposé écrit du Gouvernement des Iles Marshall.
65 MIM, p. 18, par. 45.
66 Ibid., p. 19, par. 45.
67 Ibid., par. 47.
68 Ibid., p. 18-19, par. 45, citant la déclaration de M. Phillip Muller, ministre des affaires
étrangères de la République des Iles Marshall, en date du 26 septembre 2013 (les italiques
sont de moi).
69 Ibid., p. 19, par. 45 ; CR 2016/2, p. 32‑33, par. 19 (Condorelli), citant la déclaration
des Iles Marshall, deuxième conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires,
Nayarit, Mexique, 13‑14 février 2014.
757 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
209
24. In my view, those statements also represent the RMI’s claim that
nuclear‑weapon States, including Pakistan, are obliged under the NPT
and/or customary international law, to pursue negotiations leading to
nuclear disarmament. Pakistan, known to be one of nine States that possess
nuclear weapons 70, was represented at each of the above meetings.
At the meeting of 26 September 2013, Pakistan was represented by
H.E. Muhammad Nawaz Sharif, Prime Minister, while at the meeting of
13 February 2014, it was represented by H.E. Aitzaz Ahmed, Ambassador
of Pakistan to Mexico and Mr. Majid Khan Lodhy, Head of Chancery,
Embassy of Pakistan in Mexico. Thus, although the statements were
generally addressed to “all nuclear-weapon States” and Pakistan was not
singled out for mention by the RMI, it was implicitly included in the category
of nuclear‑weapon States that were, according to the RMI, “failing
to fulfil their international obligations to carry out multilateral negotiations
on achieving sustainable nuclear disarmament”.
25. In my view, the “Nayarit Declaration” quoted above did mention
with sufficient clarity both the obligation on nuclear‑weapon States to
negotiate nuclear disarmament as well as the legal basis upon which the
RMI based that obligation, namely, “Article VI of the Non‑Proliferation
Treaty and customary international law”. In this regard I disagree with
the findings of the majority in paragraph 46 of the Judgment. I do not
subscribe to the view that in the context of these multilateral conferences,
it was necessary for the RMI to single out and name each of the nine
nuclear States in order for it to validly express its claim against them. A
distinction ought to be drawn between a purely bilateral setting where the
applicant must single out the respondent, and a setting involving multilateral
exchanges or processes such as the present case, where it is well
known throughout the international community, that amongst the over
191 member States to the NPT, only nine possess nuclear weapons. To
insist that the RMI should in its statements have identified each of these
States by name and mentioned the conduct of each one that it objects to,
is to apply form over substance. Similarly, the fact that the Nayarit Declaration
was made at a conference the subject of which was the “broader
question of the humanitarian impact of nuclear weapons” does not
detract from the clarity of that statement nor of the RMI protestation
70 Since the NPT entered into force in 1970, India, Pakistan and North Korea have all
conducted nuclear tests, although they are not party to the NPT. North Korea withdrew
from the NPT in 2003. Israel is also widely presumed to have nuclear weapons although it
maintains a policy of deliberate ambiguity in this regard. NPT States that possess nuclear
weapons include the permanent five on the United Nations Security Council, namely,
China, France, Russia, United Kingdom and the United States. (Belgium, Germany, Italy,
the Netherlands and Turkey are NATO nuclear‑weapon sharing States.)
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 757
209
24. Selon moi, ces déclarations illustrent également l’allégation des Iles
Marshall selon laquelle les Etats dotés d’armes nucléaires, y compris le
Pakistan, sont tenus de poursuivre des négociations conduisant au désarmement
nucléaire. Le Pakistan, connu pour être l’un des neuf Etats possédant
pareilles armes 70, était représenté à chacune de ces réunions. A la
réunion du 26 septembre 2013, il l’était par S. Exc. M. Muhammad
Nawaz Sharif, son premier ministre et, à celle du 13 février 2014, par
S. Exc. M. Aitzaz Ahmed, ambassadeur du Pakistan auprès du Mexique,
et par M. Majid Khan Lodhy, chef de chancellerie à l’ambassade du
Pakistan au Mexique. Ainsi, bien que les déclarations en question aient
été, d’une manière générale, destinées à « tous les Etats dotés d’armes
nucléaires » et que le Pakistan n’y soit pas spécifiquement mentionné par
les Iles Marshall, il était implicitement inclus dans la catégorie des
Etats possédant des armes nucléaires qui, selon le demandeur, « ne respectent
pas leurs obligations internationales consistant à mener des négociations
multilatérales en vue de parvenir à un désarmement nucléaire
durable ».
25. A mon sens, la « déclaration de Nayarit » précitée faisait assez clairement
référence tant à l’obligation incombant aux Etats dotés d’armes
nucléaires de négocier au sujet du désarmement nucléaire qu’à ce qui
constitue selon les Iles Marshall le fondement juridique de ladite obligation,
à savoir « l’article VI du traité de non‑prolifération nucléaire et [le]
droit international coutumier ». A cet égard, je suis en désaccord avec les
conclusions énoncées par la majorité au paragraphe 46 de l’arrêt. Je ne
puis souscrire à l’idée selon laquelle les Iles Marshall auraient dû, dans le
cadre de ces conférences multilatérales, désigner nommément chacune des
neuf puissances nucléaires pour que les demandes qu’elles avaient présentées
à leur encontre soient valables. Il convient en effet d’établir une distinction
entre un contexte exclusivement bilatéral, où le demandeur doit
identifier le défendeur, et un contexte d’échanges ou de processus multilatéraux
tel que celui de la présente espèce, où chaque membre de la communauté
internationale sait que, sur les 191 Etats parties au TNP, seuls
neuf possèdent des armes nucléaires. Soutenir que le demandeur aurait dû,
dans ses déclarations, désigner nommément chacun de ces Etats et
préciser,
pour chacun d’entre eux, le comportement dont il tirait grief,
revient à privilégier
la forme sur le fond. De la même manière, le fait que
la déclaration de Nayarit ait été prononcée au cours d’une conférence
70 Depuis l’entrée en vigueur du TNP en 1970, l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord,
bien que n’étant pas parties à ce traité, ont réalisé des essais nucléaires. La Corée du
Nord s’est retirée du traité en 2003. On considère généralement qu’Israël, tout en laissant
délibérément planer l’ambiguïté, détient des armes nucléaires. Les Etats parties au
TNP qui possèdent des armes nucléaires sont les cinq membres permanents du Conseil
de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, à savoir la Chine, les Etats‑Unis d’Amérique,
la France, le Royaume‑Uni et la Russie. (Quant à l’Allemagne, la Belgique, l’Italie,
les Pays‑Bas et la Turquie, ce sont des Etats qui partagent des armes nucléaires via
l’OTAN.)
758 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
210
against the conduct of the nuclear‑weapon States expressed therein. That
argument too is unduly formalistic.
26. Furthermore, at the High‑Level Meeting of the General Assembly
on Nuclear Disarmament in New York, the Prime Minister of Pakistan
H.E. Nawaz Sharif made a statement in which he expressed Pakistan’s
peculiar stand on nuclear disarmament which, in my view, was diametrically
opposed to that expressed by the RMI. In that address the Prime
Minister stated the fact that the goals and consensus on the mandate and
machinery to pursue the disarmament reached 35 years previously, had
been eroded; that Pakistan was committed to the global goal of nuclear
disarmament in a non‑discriminatory and verifiable manner, and which
upholds the right of each State to security; and that Pakistan would continue
to adhere to its policy of the credible minimum deterrence without
entering into an arms race 71. Furthermore, it has been argued that Pakistan’s
public statements, both domestically and in international fora,
demonstrate its commitment to negotiations towards nuclear disarmament.
True as that may be, for the purposes of demonstrating the existence
of opposing views, the RMI has made it clear that it has no issues
with Pakistan’s rhetoric in this regard. Its opposition is with regard to
Pakistan’s failure to pursue in good faith those obligations. Again, without
prejudging the issue of whether or not Pakistan’s conduct is in breach
of its international obligations, the above facts clearly demonstrate that
there is a course of conduct by one of the Parties (Pakistan) to achieve its
own interests, which the other Party (RMI) meets by protest.
27. I have also taken into account the course of conduct of the Parties
after the critical date of 24 April 2014. It is clear from Pakistan’s
Note Verbale filed on 9 July 2014 and Counter‑Memorial, that the Parties
hold opposing views as to the legal validity of the claims of RMI, thereby
crystallizing the dispute. In particular, they hold opposing views regarding
the existence of an obligation under customary international law to
pursue negotiations towards nuclear disarmament, as well as regarding
Pakistan’s alleged breach thereof.
71 CMP, Ann. 1: Statement by H.E. Mr. Muhammad Nawaz Sharif, Prime Minister of
the Islamic Republic of Pakistan at the High‑Level Meeting of the General Assembly on
Nuclear Disarmament, 26 September 2013.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 758
210
portant
sur « [la question] plus large … de l’impact humanitaire des
armes nucléaires » n’enlève rien à la clarté de cette déclaration ni à la protestation
que les Iles Marshall y ont exprimée contre le comportement
des Etats dotés d’armes nucléaires. Cet argument, lui aussi, est par trop
formaliste.
26. En outre, lors de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale
sur le désarmement nucléaire qui s’est tenue à New York, le premier
ministre du Pakistan, S. Exc. M. Nawaz Sharif, a fait une déclaration
exposant la position particulière de son pays en la matière, position qui,
selon moi, était diamétralement opposée à celle exprimée par les
Iles Marshall. Dans cette déclaration, le premier ministre déplorait que les
objectifs liés au désarmement nucléaire et le consensus sur le mécanisme
mis en place trente-cinq ans auparavant pour y parvenir aient été écornés
; rappelait l’attachement de son pays à la finalité globale d’un désarmement
nucléaire réalisé de manière non discriminatoire et vérifiable,
dans le respect du droit de chaque Etat à la sécurité ; et affirmait que le
Pakistan conserverait sa politique de dissuasion minimale sans s’engager
dans une course aux armements 71. Le défendeur a par ailleurs avancé que
les déclarations qu’il avait faites publiquement, tant au niveau national
que dans des enceintes internationales, témoignaient de sa volonté de
négocier en vue du désarmement nucléaire. Tel est peut‑être le cas, mais
en tout état de cause, les Iles Marshall ont clairement indiqué, lorsqu’elles
se sont efforcées de démontrer l’existence d’une divergence de vues,
qu’elles n’avaient pas d’objection contre le discours du Pakistan en la
matière ; c’est contre le fait que celui‑ci n’ait pas poursuivi de négociations
de bonne foi qu’elles protestaient. Là encore, sans préjuger la question de
savoir si le comportement du Pakistan constitue un manquement aux
obligations qui lui incombent, les faits susmentionnés montrent clairement
que l’une des Parties (le Pakistan) suivait une ligne de conduite
visant à défendre ses propres intérêts, laquelle se heurtait à l’opposition
de l’autre Partie (les Iles Marshall).
27. J’ai également pris en considération la ligne de conduite que les
Parties ont adoptée après la date critique du 24 avril 2014. Or, il ressort
clairement de la note verbale du Pakistan en date du 9 juillet 2014 ainsi
que de son contre‑mémoire que les Parties avaient des vues divergentes en
ce qui concerne la validité juridique des demandes des Iles Marshall, ce
qui a eu pour conséquence de cristalliser le différend. Elles étaient notamment
en désaccord quant à l’existence d’une obligation de droit international
coutumier imposant de poursuivre des négociations en vue du
désarmement nucléaire, et au prétendu manquement du Pakistan à cette
obligation.
71 CMP, annexe 1 : Déclaration du 26 septembre 2013 faite par le premier ministre
Nawaz Sharif à l’occasion de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le
désarmement nucléaire à New York.
759 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
211
The New Criterion of “Awareness” in Determining
the Existence of a Dispute Is Alien
to the Court’s Jurisprudence
28. Hitherto, the Court has not made it a legal prerequisite for an
applicant to prove that before the application was filed, the respondent
State “was aware or could not have been unaware that its views are positively
opposed by the applicant” State, before making a determination
that a dispute exists (Judgment, para. 38). This new test is not only alien
to the established jurisprudence of the Court but also directly contradicts
what the Court has stated in the past and with no convincing reasons. On
every occasion that the Court has had to examine the issue of whether or
not a dispute exists, it has emphasized that this is a role reserved for its
objective determination 72 (not that of the parties) and that that determination
must involve an examination in substance and not form of the
facts or evidence before the Court 73. For example, the Court has categorically
stated in the South West Africa cases that:
“A mere assertion is not sufficient to prove the existence of a dispute
any more than a mere denial of the existence of the dispute proves its
non‑existence. Nor is it adequate to show that the interests of the two
parties to such a case are in conflict. It must be shown that the claim
of one party is positively opposed by the other.” 74
Also in Nicaragua v. Colombia the Court stated that, “although a formal
diplomatic protest may be an important step to bring a claim of one party
to the attention of the other, such a formal protest is not a necessary condition
[for the existence of a dispute]” 75.
29. By introducing proof of “awareness” as a new legal requirement,
what the majority has done is to raise the evidentiary threshold that will
from now on require not only an applicant, but the Court itself, to delve
into the “mind” of a respondent State in order to find out about its state
of awareness. In my view this formalistic requirement is not only problematic
but also directly contradicts the principle in Nicaragua v. Colombia
quoted above, since the surest way of ensuring awareness is for an
applicant to make some form of formal notification or diplomatic pro-
72 Interpretation of Peace Treaties with Bulgaria, Hungary and Romania, First Phase,
Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1950, p. 74.
73 Application of the International Convention on the Elimination of All Forms of
Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 2011 (I), pp. 84-85, para. 30.
74 South West Africa (Ethiopia v. South Africa; Liberia v. South Africa), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 328.
75 Alleged Violations of Sovereign Rights and Maritime Spaces in the Caribbean Sea
(Nicaragua v. Colombia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2016 (I), p. 32,
para. 72.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 759
211
Le nouveau critère de la « connaissance » aux fins de déterminer
l’existence d’un différend est étranger
à la jurisprudence de la Cour
28. A ce jour, jamais la Cour n’avait jugé que, pour qu’elle puisse
conclure à l’existence d’un différend, le demandeur devait démontrer que,
avant le dépôt de la requête, le défendeur « avait connaissance, ou ne pouvait
pas ne pas avoir connaissance, de ce que ses vues se heurtaient à
l’« opposition manifeste » du demandeur » (arrêt, par. 38). Non seulement
ce nouveau critère est étranger à la jurisprudence établie de la Cour, mais
encore il va directement à l’encontre de ce que celle‑ci a dit par le passé, et
ce, sans raison convaincante. Chaque fois qu’il lui a fallu rechercher s’il
existait ou non un différend, la Cour a souligné que ce point demandait à
être établi objectivement par elle 72 (et non par les parties), et que sa conclusion
à cet égard devait reposer sur un examen de fond et non de forme des
faits ou éléments de preuve qui lui avaient été présentés 73. Dans les affaires
du Sud‑Ouest africain, elle a ainsi catégoriquement indiqué ce qui suit :
« La simple affirmation ne suffit pas pour prouver l’existence d’un
différend, tout comme le simple fait que l’existence d’un différend est
contestée ne prouve pas que ce différend n’existe pas. Il n’est pas
suffisant non plus de démontrer que les intérêts des deux parties
à une telle affaire sont en conflit. Il faut démontrer que la réclamation
de l’une des parties se heurte à l’opposition manifeste de
l’autre. » 74
Dans l’affaire Nicaragua c. Colombie, la Cour a en outre précisé que, « si
la protestation diplomatique officielle peut constituer un moyen important
pour une partie de porter à l’attention de l’autre une prétention,
pareille protestation officielle n’est pas une condition nécessaire » 75.
29. En introduisant le nouveau critère juridique de la « connaissance »,
la majorité a élevé le seuil requis en matière de preuve ; le demandeur mais
aussi la Cour elle‑même devront désormais sonder « l’esprit » de l’Etat
défendeur pour savoir si ce dernier avait ou non connaissance du différend.
Selon moi, cette exigence formaliste est non seulement problématique,
mais aussi en contradiction directe avec le principe énoncé dans
l’affaire Nicaragua c. Colombie précitée, puisque la meilleure manière
pour le demandeur de s’assurer que le défendeur a connaissance du diffé-
72 Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie,
première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 74.
73 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84-85, par. 30.
74 Sud‑Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 328.
75 Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des
Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I),
p. 32, par. 72.
760 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
212
test. The test also introduces subjectivity into an equation previously
reserved “for the Court’s objective determination”.
30. It is also pertinent to note that paragraph 73 of Nicaragua v.
Colombia cited by the majority at paragraph 38 of the Judgment as the
basis for the new “awareness” test, merely sets out the factual assessment
conducted by the Court to determine whether a dispute existed in that
case 76, and not the legal test applicable. In paragraph 72 of Nicaragua v.
Colombia, immediately preceding, the Court had just observed that,
“although a formal diplomatic protest may be an important step to
bring a claim of one party to the attention of the other, such a formal
protest is not a necessary condition . . . in determining whether a
dispute
exists or not, ‘[t]he matter is one of substance, not of form’” 77.
It is clear that the Court in that case was not prepared to turn a specific
factual finding into a formalistic legal requirement of prior notification.
In my view, it would be inappropriate to turn what was clearly a factual
observation into a rigid legal test that was rejected by the Court in that
case.
31. Similarly, Georgia v. Russian Federation 78, also cited in the Judgment
at paragraph 38 in support of the majority view, is inapplicable and
should be distinguished. That case involved the interpretation and application
of a specific treaty (the Convention on the Elimination of All
Forms of Racial Discrimination) to which both Georgia and Russia were
party. Article 22 of that treaty (the compromissory clause conferring
jurisdiction on the Court) has an express requirement that, prior to filing
a case before the Court, the contending parties must first try to settle the
dispute by negotiation or by other processes stipulated in the Convention
79. It was imperative in that case for the Applicant to prove that prior
to seising the Court, it had not only notified the Respondent of its claims
76 The exact quotation of paragraph 73 is “Colombia was aware that its enactment of
Decree 1946 and its conduct in the maritime areas declared by the 2012 Judgment to belong
to Nicaragua were positively opposed by Nicaragua”. The applicable legal framework
regarding the existence of the dispute is quoted at: Alleged Violations of Sovereign Rights
and Maritime Spaces in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Colombia), Preliminary Objections
Judgment, I.C.J. Reports 2016 (I), pp. 26-27, paras. 49‑52.
77 Ibid., para. 72.
78 Application of the International Convention on the Elimination of All Forms of Racial
Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J.
Reports 2011 (I), p. 70.
79 Article 22 of the Convention stipulated that:
“Any dispute between two or more States parties with respect to the interpretation
or application of this Convention, which is not settled by negotiation or by procedures
expressly provided for in this Convention, shall, at the request of any of the
parties to the dispute, be referred to the International Court of Justice for decision,
unless the disputants agree to another mode of settlement.”
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 760
212
rend est de lui adresser, d’une façon ou d’une autre, une notification formelle
ou une protestation diplomatique.
30. Il convient également de noter que, au paragraphe 73 de l’arrêt rendu
en l’affaire Nicaragua c. Colombie — auquel la majorité se réfère au paragraphe
38 du présent arrêt pour justifier l’introduction du nouveau critère de
la « connaissance » —, la Cour ne faisait qu’exposer l’analyse factuelle à
laquelle elle avait procédé pour déterminer s’il existait un différend dans
cette affaire 76 ; elle n’énonçait pas le critère juridique applicable en la matière.
Au paragraphe précédent de ce même arrêt, elle avait d’ailleurs relevé que,
« si la protestation diplomatique officielle peut constituer un moyen
important pour une partie de porter à l’attention de l’autre une prétention,
pareille protestation officielle n’est pas une condition nécessaire
… la Cour, lorsqu’elle détermine s’il existe ou non un différend,
s’attache au « fond, et non [à la] forme » » 77.
Il apparaît donc clairement que, dans cette affaire, la Cour n’envisageait
pas de transformer une constatation spécifique en une exigence juridique
formelle de notification préalable. Selon moi, il serait inopportun de faire
de ce qui était manifestement une observation factuelle un critère juridique
strict, ce que la Cour avait alors exclu.
31. De la même manière, l’arrêt rendu en l’affaire Géorgie c. Fédération
de Russie 78, auquel il est également fait référence au paragraphe 38 du
présent arrêt pour étayer les vues de la majorité, n’était pas applicable et
doit être distingué de la présente espèce. Cette affaire avait trait à l’interprétation
et à l’application d’un traité particulier (la convention internationale
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale)
auquel la Géorgie comme la Russie étaient parties. L’article 22 de ce
traité (la clause compromissoire conférant compétence à la Cour) prévoit
expressément que, avant d’introduire une instance devant la Cour, les
parties en litige doivent d’abord tenter de régler le différend par voie de
négociation ou par d’autres moyens précisés dans la convention 79. Dans
76 La citation exacte du paragraphe 73 est la suivante : « la Colombie savait que la
promulgation du décret 1946 et son comportement dans les espaces maritimes que la Cour
avait reconnus au Nicaragua dans son arrêt de 2012 se heurtaient à l’opposition manifeste
du Nicaragua ». Le cadre juridique applicable à la question de l’existence d’un différend est
décrit dans Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des
Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I),
p. 26‑27, par. 49‑52.
77 Ibid., par. 72.
78 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 70.
79 L’article 22 de la convention est ainsi libellé :
« Tout différend entre deux ou plusieurs Etats parties touchant l’interprétation
ou l’application de la présente Convention qui n’aura pas été réglé par voie de négociation
ou au moyen des procédures expressément prévues par ladite Convention
sera porté, à la requête de toute partie au différend, devant la Cour internationale
de Justice pour qu’elle statue à son sujet, à moins que les parties au différend ne
conviennent d’un autre mode de règlement. »
761 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
213
but that the two had attempted negotiating a settlement. It was therefore
logical that the Respondent formally be made “aware” of the Applicant’s
claim before negotiations could take place. That case is in stark contrast
to the present case where no such compromissory clause exists requiring
prior negotiations or formal notification or “awareness”. Accordingly
Georgia v. Russian Federation is, in my view, distinguishable and
inapplicable as an authority for the “awareness” test.
Conclusion
32. Based on the evidence examined above, my view is that, at the date
on which the Application was filed, there existed a dispute between the
Parties concerning the alleged violation, by Pakistan, of an obligation
under customary international law to pursue in good faith and bring to a
conclusion, negotiations leading to nuclear disarmament in all its aspects
under strict and effective international control.
(Signed) Julia Sebutinde.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 761
213
cette affaire, il était donc impératif que le demandeur démontrât qu’il
avait, avant de saisir la Cour, non seulement notifié ses réclamations au
défendeur mais aussi que tous deux avaient tenté de négocier pour parvenir
à un règlement. Il était donc logique que le défendeur eût formellement
« connaissance » de la réclamation du demandeur avant que des
négociations puissent avoir lieu. Cette affaire se distingue nettement de la
présente espèce, dans laquelle il n’existait aucune clause compromissoire
de ce type imposant des négociations préalables, une notification formelle
ou pareille « connaissance ». Selon moi, l’affaire Géorgie c. Fédération de
Russie doit donc être distinguée de la présente instance et ne pouvait être
invoquée à l’appui du critère de la « connaissance ».
Conclusion
32. A la lumière des éléments examinés ci‑dessus, je considère qu’il
existait, à la date du dépôt de la requête, un différend entre les Parties
concernant le manquement allégué du Pakistan à une obligation de droit
international coutumier de poursuivre de bonne foi des négociations
conduisant à un désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un
contrôle international strict et efficace.
(Signé) Julia Sebutinde.

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Opinion individuelle de Mme. la juge Sebutinde

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