Opinion individuelle de Mme. la juge Sebutinde

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O PINION INDIVIDUELLE DE M ME LA JUGE SEBUTINDE

[Traduction]

Objet et but de la Charte des Nations Unies  Maintien de la paix et de la sécurité
internationales  Rôle de la Cour dans le règlement pacifique des différends  Juridiction
obligatoire de la Cour découlant des déclarations faites en vertu de la clause facultative énoncée
au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour, et non de l’existence d’un

différend  Existence d’un différend n’étant que la condition préalable à l’exercice de la
compétence  Article 38 du Statut de la Cour  Détermination objective de l’existence d’un
différend étant une prérogative de la Cour et une question de fond, et non de forme ou de
procédure  Comportement des Parties constituant un élément de preuve pertinent  Nouvelle

condition préalable de la «connaissance, par le défendeur, de ce que ses vues se heurtaient à
l’opposition manifeste du demandeur» étant formaliste et étrangère à la jurisprudence de la Cour.

INTRODUCTION

1. J’ai voté contre le dispositif de l’arrêt car je ne saurais souscrire à la décision de la Cour
consistant à retenir la première exception de l’Inde, ni au raisonnement qui la sous-tend. Selon
moi, la majorité s’est, de manière injustifiable, écartée de l’approche souple et discrétionnaire qui
avait jusqu’alors toujours été celle de la Cour pour déterminer l’existence d’un différend, préférant
introduire un nouveau critère strict et formaliste — celui de la «connaissance» — qui élève le seuil

requis en matière de preuve et posera assurément problème à l’avenir. De surcroît, compte tenu de
l’importance de l’objet de la présente affaire, non seulement pour les Parties en cause mais aussi
pour la communauté internationale dans son ensemble, je regrette que la Cour ait décidé d’adopter
une approche rigide ayant abouti à un règlement expéditif à ce stade précoce de la procédure.
J’exposerai mes vues plus en détail dans la présente opinion individuelle.

R ESPONSABILITÉ DU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA
SÉCURITÉ INTERNATIONALES

2. S’il est un enseignement que la communauté internationale a tiré des tragédies humaines

des première et seconde guerres mondiales, c’est la nécessité d’œuvrer de manière globale et
concertée pour

«préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une
vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances, … proclamer à nouveau

notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la
personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des
nations, grandes et petites, … créer les conditions nécessaires au maintien de la justice
et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit
international…» .

3. Il convient également de rappeler le but qui a présidé de la création des Nations Unies, à
savoir

«[m]aintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures

collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de

1Charte des Nations Unies, 24 octobre 1945, Recueil des traités (RTNU), vol. 1, p. XVI, préambule (ci-après la
«Charte»). - 2 -

réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens
pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international,

l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international,
susceptibles de mener à une rupture de la paix» . 2

Aux termes de la Charte, même si la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité
internationales incombe principalement au Conseil de sécurité et, dans une moindre mesure, à
4 5
l’Assemblée générale , la Cour internationale de Justice , en tant qu’organe judiciaire principal de
l’Organisation des Nations Unies, y contribue également en réglant les différends entre Etats qui lui
sont soumis et en exerçant son rôle consultatif conformément à la Charte et à son Statut . Or, 7

aujourd’hui, le plus grand danger qui pèse sur la paix et la sécurité internationales — et, de fait, sur
l’humanité tout entière — est la menace ou la perspective d’une guerre nucléaire.

L E TNP ET LE DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE

4. Il convient sans doute également de revenir brièvement sur le contexte historique de
l’affaire. Le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui est entré en vigueur
8
en 1970 et dont les objectifs sont de prévenir la prolifération des armes nucléaires et la diffusion
de la technologie y afférente, de promouvoir la coopération en ce qui concerne l’utilisation

pacifique de l’énergie nucléaire et de concourir au désarmement9nucléaire, compte actuellement
191 Etats parties, dont la République des Iles Marshall . L’Inde, quant à elle, n’a pas signé le TNP
(arrêt, paragraphe 17). Nonobstant les objectifs énoncés dans ce traité, il ressort de la pratique des

Etats que, au cours de ces soixante-dix dernières années, certains ont continué à fabriquer, acquérir,
moderniser, expérimenter ou déployer des armes nucléaires, et que la menace de l’éventuelle

utilisation de ces armes va de pair avec leur déploiement. De plus, la pratique des Etats montre
que, loin de les proscrire en toute circonstance, la communauté internationale a en réalité, par voie
de traité et à travers l’action du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, reconnu

que la menace ou l’emploi d’armes nucléaires pouvait même, dans certains cas, se justifier.

5. Au mois de décembre 1994, l’Assemblée générale des Nations Unies a demandé un avis
consultatif à la Cour sur la question de la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires . 10

La question posée par l’Assemblée générale était assez simple : «Est-il permis en droit international
de recourir à la menace ou à l’emploi d’armes nucléaires en toute circonstance ?» Dans son avis, la
Cour a considéré qu’il lui était demandé de «déterminer ce qu’il en [était] de la licéité ou de
11
l’illicéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires» . Après avoir examiné le corpus de

2 Charte, art. 1.
3
Ibid., art. 24 1).
4
Ibid., art. 11.
5 Ibid., art. 92.

6 Statut de la Cour internationale de Justice, 18 avril 1946 (ci-après le «Statut»), art 38.

7 Charte, art. 96, et Statut, art. 65-68.
8
Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, RTNU, vol. 729, p. 161, ouvert à la signature à Londres,
Moscou et Washington le 1 juillet 1968 et entré en vigueur le 5 mars 1970.
9
La République des Iles Marshall a adhéré au TNP le 30 janvier 1995. Voir Bureau des affaires de désarmement
de l’ONU, Marshall Islands : Accession to Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons ; consultable en anglais
à l’adresse suivante : http ://disarmament.un.org/treaties/a/npt/marshallislands/acc/washington.
10
Nations Unies, doc. A/RES/49/75 K, 15 décembre 1994, demande d’avis consultatif de la Cour internationale
de Justice sur la légalité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires.
11
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 263,
par. 20. - 3 -

droit international pertinent (notamment le paragraphe 4 de l’article 2 et l’article 51 de la Charte),
ainsi que les vues d’un grand nombre d’Etats qui lui avaient présenté des exposés écrits, elle s’est

dite d’avis que :

 ni le droit international coutumier ni le droit international conventionnel n’autorisaient
12
spécifiquement la menace ou l’emploi d’armes nucléaires ;

 ni le droit international coutumier ni le droit international conventionnel ne comportaient
d’interdiction complète et universelle de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires en tant
13
que telles ;

 était illicite la menace ou l’emploi de la force au moyen d’armes nucléaires qui serait contraire

à l’article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies, qui ne satisferait pas à toutes les
prescriptions de son article 51, ou qui serait incompatible avec les exigences du droit
international humanitaire applicable dans les conflits armés, ainsi qu’avec les traités qui ont
expressément trait aux armes nucléaires . 14

6. La Cour a toutefois énoncé une exception aux conclusions qu’elle venait de formuler
(même s’il faut préciser que, sur ce point, les juges étaient divisés à égalité de voix) , estimant que,

«[a]u vu de l’état actuel du droit international, ainsi que des éléments de fait dont elle
dispos[ait], [elle] ne [pouvait] … conclure de façon définitive que la menace ou
l’emploi d’armes nucléaires serait licite ou illicite dans une circonstance extrême de
16
légitime défense dans laquelle la survie même d’un Etat serait en cause» .

7. Enfin, même si elle ne semble pas l’avoir fait directement en réponse à la question posée

par l’Assemblée générale, la Cour est allée plus loin en formulant des observations qui, selon moi,
constituent sa véritable contribution à la paix et la sécurité dans le monde pour ce qui est des armes
nucléaires. Aux paragraphes 98-100 de son avis consultatif, elle a ainsi indiqué ce qui suit :

«Compte tenu des questions éminemment difficiles que soulève l’application à
l’arme nucléaire du droit relatif à l’emploi de la force, et surtout du droit applicable
dans les conflits armés, la Cour estime devoir examiner maintenant un autre aspect de

la question posée, dans un contexte plus large.

A terme, le droit international et avec lui la stabilité de l’ordre international
qu’il a pour vocation de régir ne peuvent que souffrir des divergences de vues qui

subsistent aujourd’hui quant au statut juridique d’une arme aussi meurtrière que
l’arme nucléaire. Il s’avère par conséquent important de mettre fin à cet état de
choses : le désarmement nucléaire complet promis de longue date se présente comme
le moyen privilégié de parvenir à ce résultat.

99. La Cour mesure dans ces circonstances toute l’importance de la
consécration par l’article VI du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires
d’une obligation de négocier de bonne foi un désarmement nucléaire … La portée

12 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 266,
point 2) A du dispositif.
13
Ibid., p. 266, point 2) B du dispositif.
14Ibid., p. 266, point 2) C et D du dispositif.

15Par sept voix contre sept, le président ayant dû faire usage de sa voix prépondérante.
16
Ibid., p. 266, point 2) E du dispositif. - 4 -

juridique de l’obligation considérée dépasse celle d’une simple obligation de
comportement ; l’obligation en cause ici est celle de parvenir à un résultat précis  le

désarmement nucléaire dans tous ses aspects  par l’adoption d’un comportement
déterminé, à savoir la poursuite de bonne foi de négociations en la matière.

100. Cette double obligation de négocier et de conclure concerne formellement

les cent quatre-vingt-deux Etats parties au [TNP], c’est-à-dire la très grande majorité
de la communauté internationale … De fait, toute recherche réaliste d’un
désarmement général et complet, en particulier nucléaire, nécessite la coopération de
tous les Etats.»

8. Dans le dispositif de son avis, la Cour a ensuite estimé à l’unanimité qu’«il exist[ait] une
obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au
désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace» . 17

L’avis consultatif de la Cour, bien que n’étant pas juridiquement contraignant, a été bien accueilli
par l’immense majorité des Etats parties au TNP ; il a cependant été moins favorablement reçu par
les Etats dotés d’armes nucléaires, qui considéraient que la Cour avait outrepassé sa fonction
judiciaire en donnant cet avis. En décembre 1996, l’Assemblée générale a adopté une résolution

dans laquelle elle faisait sienne la conclusion de la Cour concernant l’existence d’«une obligation
de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement
nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace», et appelant tous les
Etats à engager immédiatement des négociations multilatérales en vue de parvenir à la conclusion

d’une convention sur les armes nucléaires interdisant «la mise au point, la fabrication, l’essai, le
déploiement, le stockage, le transfert, la menace ou l’emploi de ces armes» et prévoyant leur
élimination .8

9. Hélas, depuis que la Cour a donné son avis consultatif, il y a 20 ans de cela, la
communauté internationale n’a guère progressé sur la voie du désarmement nucléaire, et la
perspective même de négociations en vue de conclure une convention sur les armes nucléaires
semble illusoire. C’est dans ce contexte que la République des Iles Marshall a, le 24 avril 2014,

déposé une requête contre neuf Etats (la Chine, les Etats-Unis d’Amérique, la Fédération de Russie,
la France, l’Inde, Israël, le Pakistan, la Corée du Nord et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d’Irlande du Nord) qui, selon elle, détiendraient actuellement pareilles armes, et auxquels elle
faisait grief d’avoir manqué à leurs obligations relatives aux négociations concernant la cessation

de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et le désarmement nucléaire. Sur ces
neuf Etats, seuls le Pakistan, l’Inde et le Royaume-Uni ont formellement répondu à la requête
des Iles Marshall, ces trois Etats ayant fait une déclaration d’acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut (arrêt, paragraphe 21).

17Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 267,
point 2) F du dispositif.
18
Nations Unies, doc. A/RES/51/45 M, 10 décembre 1996, avis consultatif de la Cour internationale de Justice
sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires. Depuis le prononcé de l’avis consultatif sur les armes
nucléaires, l’Assemblée générale adopte chaque année une résolution quasiment identique. Voer les résolutions de
l’Assemblée générale 52/38 O du 9 décembre 1997 ; 53/77 W du 4 décembre 1998 ; 54/54 Q du 1 décembre 1999 ;
55/33 X du 20 novembre 2000 ; 56/24 S du 29 novembre 2001 ; 57/85 du 22 novembre 2002 ; 58/46 du
8 décembre 2003 ; 59/83 du 3 décembre 2004 ; 60/76 du 8 décembre 2005 ; 61/83 du 6 décembre 2006 ; 62/39 du
5 décembre 2007 ; 63/49 du 2 décembre 2008 ; 64/55 du 2 décembre 2009 ; 65/76 du 8 décembre 2010 ; 66/46 du
2 décembre 2011 ; 67/33 du 3 décembre 2012 ; 68/42 du 5 décembre 2013 ; 69/43 du 2 décembre 2014 ; 70/56 du
7 décembre 2015. - 5 -

L E SEUIL REQUIS AUX FINS DE DÉTERMINER L ’EXISTENCE D ’UN DIFFÉREND
ET LE NOUVEAU CRITÈRE DE LA «CONNAISSANCE »

10. Les Iles Marshall fondaient la compétence de la Cour sur la déclaration qu’elles ont faite

le 15 mars 2013 en vertu de la clause facultative du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, et
déposée le 24 avril 2013, déclaration par laquelle elles reconnaissaient la juridiction obligatoire de
la Cour ; et sur celle que l’Inde a faite le 15 septembre 1974 et déposée le 18 septembre 1974.
19
Selon le demandeur, ces déclarations ne contenaient «aucune réserve pertinente en l’espèce» .
L’Inde, qui n’est pas partie au TNP (arrêt, paragraphe 17), a soulevé un certain nombre
d’exceptions à la compétence de la Cour, soutenant notamment qu’il n’existait pas, le 24 avril

2014, date du dépôt de la requête, de différend d’ordre juridique entre les Parties. Les Iles Marshall
affirmaient au contraire qu’il existait bel et bien un différend au moment où elles avaient déposé
leur requête, lequel avait pour objet la «question de savoir si l’Inde respecte ou non l’obligation que

lui impose le droit international coutumier de poursuivr20de bonne foi et de mener à terme des
négociations conduisant au désarmement nucléaire» . Souscrivant aux vues de l’Inde sur ce point,
la Cour a retenu l’exception d’incompétence susmentionnée (arrêt, paragraphe 56). Je me permets
d’exprimer mon désaccord avec la décision de la majorité ainsi qu’avec le raisonnement qui la

sous-tend, désaccord dont j’exposerai les raisons dans la présente opinion individuelle. Selon moi,
les éléments de preuve qui ont été versés au dossier, s’ils sont appréciés comme il convient à l’aune
des critères bien établis dans la jurisprudence de la Cour, montrent qu’un différend existait bel et

bien entre les Parties avant le dépôt de la requête. Je suis plus particulièrement en désaccord avec
le nouveau critère de la «connaissance» introduit par la majorité, ainsi qu’avec l’approche
formaliste et rigide que la Cour a suivie pour rechercher s’il existait ou non un différend (arrêt,

paragraphes 38-49).

11. L’Inde soutenait que la Cour n’avait pas compétence pour connaître de la demande des

Iles Marshall aux motifs que :

a) au moment du dépôt de la requête des Iles Marshall le 24 avril 2014 ou avant cette date, il

n’existait entre les Parties aucun différend d’ordre21uridique susceptible de permettre à la Cour
d’exercer sa compétence au regard de son Statut ;

b) les Iles Marshall n’avaient jamais porté leur réclamation à l’attention de l’Inde, ni tenté de

mener des négociations diplomatiques avec cette dernière avant d’introduire l’instance devant la
Cour. Par conséquent, il ne pouvait exister entre les Parties aucun désaccord sur un point de
droit et, partant, aucun différend d’ordre juridique ;2

23
c) la demande des Iles Marshall avait un caractère artificiel puisque celles-ci invoquaient «un
vague principe de droit international qu’elle[s] n’énon[çaient] pas expressément» ; 24

d) la demande des Iles Marshall constituait un abus de procédure puisque celles-ci tentaient
d’imposer à l’Inde des obligations établies dans le TNP, traité que cette dernière a toujours
rejeté .

19Requête des Iles Marshall (RIM), p. 38, par. 65.
20
Mémoire des Iles Marshall (MIM), p. 8, par. 13.
21Contre-mémoire des Iles Marshall (CMI), p. 2, par. 3.

22CMI, p. 10, par. 16, et CR 2016/8, p. 31, par. 13-14 (Pellet).
23
CMI, p. 13, par. 20.
24Ibid., p. 16, par. 25. - 6 -

12. Les Iles Marshall, pour leur part, soutenaient qu’il existait bel et bien un différend entre
les Parties au moment du dépôt de la requête , différend ayant pour objet «la question de savoir si

l’Inde respect[ait] son obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations
conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et
27
efficace» . Elles faisaient également valoir qu’elles avaient, à maintes reprises, appelé les Etats
dotés d’armes nucléaires, y compris l’Inde, à respecter leurs obligations internationales et à
négocier en vue du désarmement nucléaire . Le demandeur se référait en particulier à deux de ses

déclarations publiques faites en présence de l’Inde, avant que la requête ne soit déposée. Tout
d’abord, le 26 septembre 2013, lors de la réunion de haut niveau des Nations Unies sur le

désarmement nucléaire, le ministre des affaires étrangères des Iles Marshall avait appelé «tous les
Etats dotés d’armes nucléaires à intensifier leurs efforts pour assumer leurs responsabilités en vue
d’un désarmement effectif réalisé en toute sécurité» . Ensuite, le 13 février 2014, dans le cadre de

la deuxième conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires, tenue à Nayarit, au
Mexique, le représentant des Iles Marshall avait formulé des observations analogues . 30

13. La République des Iles Marshall affirmait que ces déclarations publiques, tout comme
31
d’autres, «illustr[aient] de façon parfaitement claire la teneur [de leur] grief…» et qu’elles
visaient «sans équivoque … tous les Etats détenteurs d’un arsenal nucléaire, dont l’Inde» (les
italiques sont de moi) . Selon le demandeur, le fait que l’Inde ait participé à ces conférences

suffisait pour considérer qu’elle était informée de la réclamation des Iles Marshall, en particulier
parce que les déclarations de ces dernières étaient extrêmement claires concernant l’objet du

différend, à savoir le manquement des Etats dotés d’armes nucléaires à l’obligation d’engager
sérieusement des négociations multilatérales conduisant à un désarmement nucléaire découlant du
TNP ou du droit international coutumier. Le fondement juridique de la réclamation était lui aussi
33
clairement indiqué . Enfin, les Iles Marshall soutenaient que leurs réclamations s’étaient heurtées
à l’opposition manifeste de l’Inde en ce sens que celle-ci, tout en affirmant, pour la forme, être

déterminée à parvenir à un monde exempt d’armes nucléaires, n’avait cessé de «maint[enir] une
ligne de conduite qui consist[ait] à accroître et à améliorer ses forces nucléaires et qui [était]
contraire à l’objectif du désarmement nucléaire» . En outre, le demandeur considérait que l’Inde

avait exprimé son opposition dans sa lettre du 6 juin 2014 et dans son contre-mémoire, dans
lesquels le défendeur rejetait expressément le bien-fondé desdites réclamations , estimant que ce5

25CR 2016/4, p. 21, par. 9 (Salve).

26MIM, p. 8, par. 14, citant Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n° 2, 1924, C.P.J.I., série A, n 2,
p. 11 ; et Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84-85, par. 30.

27MIM, p. 9, par. 15.
28
Ibid., par. 16.
29
Ibid., citant la déclaration de M. Phillip Muller, ministre des affaires étrangères de la République des
Iles Marshall, en date du 26 septembre 2013 (les italiques sont de moi).
30
MIM, p. 10, par. 16, citant la déclaration des Iles Marshall faite à la deuxième conférence sur l’impact
humanitaire des armes nucléaires tenue à Nayarit, au Mexique, les 13-14 février 2014 ; CR 2016/1, p. 18-19, par. 14
(deBrum) et CR 2016/1, p. 37, par. 20 (Condorelli).
31
MIM, p. 9, par. 17.
32
Ibid., par. 17 et 18.
33Ibid., par. 17.

34Ibid., p. 10, par. 19 ; CR 2016/1, p. 19, par. 16 (deBrum).

35MIM, p. 12, par. 22. - 7 -

36
rejet constituait en soi un différend juridique . S’agissant de la question des négociations, les
Iles Marshall faisaient valoir qu’elles n’étaient pas tenues de poursuivre des négociations
diplomatiques avec l’Inde avant de soumettre le différend à la Cour . Enfin, le demandeur s’est

penché sur la question de l’applicabilité au présent différend des articles de la CDI sur la
responsabilité de l’Etat, soulignant que, d’après le commentaire de cette dernière, lesdits articles ne
traitent pas de la compétence des cours internationales . 38 Dans son arrêt, la Cour a retenu
l’exception d’incompétence soulevée par l’Inde selon laquelle aucun différend n’opposait les

Parties avant le dépôt de la requête des Iles Marshall. Avec tout le respect que je dois à mes
collègues, je suis en désaccord avec cette décision ainsi qu’avec le raisonnement qui la sous-tend,
et j’en expose les motifs dans la présente opinion individuelle. Selon moi, les éléments de preuve
qui ont été versés au dossier, s’ils sont appréciés comme il convient à l’aune des critères bien
établis dans la jurisprudence de la Cour, montrent qu’un différend, quoique naissant, existait bel et

bien entre les Parties avant le dépôt de la requête et qu’il s’est cristallisé au cours de la procédure.
Je suis plus particulièrement en désaccord avec le nouveau critère de la «connaissance» introduit
par la majorité, ainsi qu’avec l’approche formaliste et rigide que la Cour a suivie pour rechercher
s’il existait ou non un différend.

14. Premièrement, dans son arrêt, la Cour met l’accent, à raison, sur la mission qui est la
sienne aux termes de l’article 38 de son Statut, à savoir régler les différends entre Etats qui lui sont
soumis (paragraphe 33). Dans des affaires telles que la présente espèce, lorsque les Etats ont fait

des déclarations (assorties ou non de réserves) acceptant la juridiction obligatoire de la Cour en
vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, celle-ci tire sa compétence de ces déclarations et
non de l’existence du différend en tant que telle. Il serait plus juste de dire que l’existence d’un
différend entre les Etats en litige n’est qu’une condition préalable à l’exercice de cette compétence.

15. Deuxièmement, la Cour définit à juste titre un différend comme «un désaccord sur un
point de droit ou de fait, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts» entre des parties
(paragraphe 34 de l’arrêt). Elle précise également, là encore à raison, que c’est à elle (et non aux

Parties) qu’il appartient de déterminer objectivement s’il existe un différend après avoir examiné
les faits ou les éléments de preuve qui lui ont été soumis (paragraphe 36), et qu’il s’agit là d’une
question de fond, et non de forme ou de procédure (paragraphe 35). Troisièmement, il ressort
clairement de la jurisprudence de la Cour que ni la notification, par le demandeur, de sa

réclamation au défendeur, ni une protestation diplomatique officielle ne sont des conditions
préalables à la détermination de l’existence d’un différend (paragraphe 35 de l’arrêt).

16. Si la Cour a raison de rappeler, dans son arrêt, sa jurisprudence relative à la définition

d’un «différend» et de souligner que la détermination de l’existence d’un différend est «une
question de fond, et non de forme ou de procédure», je ne puis souscrire à l’approche suivie par la
majorité ni à l’analyse que cette dernière a effectuée pour parvenir à la conclusion qu’il n’existait
pas de différend entre les Parties à la présente espèce. Je considère non seulement que cette
approche privilégie la forme et la procédure, mais aussi qu’elle est insuffisante pour traiter les

aspects matériels de la réclamation du demandeur, tels que la question du comportement du
défendeur. Compte tenu de l’importance que revêt le désarmement nucléaire pour la communauté
internationale dans son ensemble, j’estime que cette affaire n’aurait pas dû être écartée aussi

36
MIM, p. 12, par. 22, citant Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 19, par. 25 ; et CR 2016/1, p. 34, par. 13 (Condorelli). Les Iles Marshall soutenaient également
que l’accroissement et l’amélioration des capacités nucléaires de l’Inde étaient illustrés par le tir d’essai d’un missile
balistique de portée intermédiaire pouvant déployer des ogives nucléaires que celle-ci a effectué, pendant les audiences, à
partir d’une plate-forme sous-marine. CR 2016/6, p. 8, par. 1-2 (van den Biesen).
37CR 2016/6, p. 15-16, par. 8-9 (Condorelli).

38Iibid., p. 18, par. 14 (Condorelli). - 8 -

facilement sur la base d’une constatation formaliste et procédurale selon laquelle il n’existait aucun
différend entre les Parties en litige. Au lieu de cela, il aurait fallu, pour rechercher si les Parties
avaient des points de vue «nettement opposés» , suivre un raisonnement accordant davantage

d’importance au fond et examiner le comportement des Etats en litige jusqu’au 24 avril 2014, voire
au-delà si nécessaire. Il ressort en effet clairement de la jurisprudence de la Cour de La Haye que
celle-ci a toujours privilégié une approche souple en s’abstenant de tout formalisme ou rigidité
40
procédurale, et ce, déjà du temps de la Cour permanente de Justice internationale . Du reste, tel a
encore récemment été le cas dans l’affaire Croatie c. Serbie . 41

17. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 40 du Statut de la Cour et du paragraphe 2 de
l’article 38 de son Règlement, tout demandeur est tenu d’indiquer «l’objet du différend» dans la
42
requête ainsi que «la nature précise de la demande» . Dans leur requête comme dans leur
mémoire, les Iles Marshall ont ainsi défini leur demande ou l’objet du différend comme étant

«le manquement de la République de l’Inde … à l’obligation qui lui incombe à l’égard
du demandeur (ainsi qu’à l’égard d’autres Etats) de poursuivre de bonne foi et de
mener à terme des négociations devant conduire au désarmement nucléaire dans tous
43
ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace» .

En outre, la réclamation du demandeur était manifestement d’ordre juridique puisqu’elle avait trait

au prétendu manquement de l’Inde à une obligation de droit international coutumier. Quant aux
questions de l’existence et de la nature de l’obligation invoquée, ainsi que des actes constitutifs du
prétendu manquement à ladite obligation, elles relevaient bien évidemment de l’examen de l’affaire

au fond.

18. Il ne suffisait cependant pas, pour démontrer l’existence d’un différend, que les
Iles Marshall aient formulé leurs demandes dans leur requête et leur mémoire — de même qu’il ne
suffit pas, à cet effet, qu’une partie affirme qu’un différend existe ou que l’autre partie le conteste.

En la présente espèce, il devait être démontré que les demandes des Iles Marshall se heurtaient à
l’opposition manifeste de l’Inde ou qu’il existait «un désaccord sur un point de droit ou de fait, une
opposition de thèses juridiques ou d’intérêts» entre les deux Parties , et que tel était le cas au

moment du dépôt de la requête.

39 Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt du 17 mars 2016, par. 50.

40 Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n° 2, 1924, C.P.J.I. série A n° 2, p. 34 ; Certains intérêts
allemands en Haute-Silésie polonaise, compétence, arrêt n° 6, 1925, C.P.J.I. série A n° 6, p. 14.
41
Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 438–441, par. 80-85 ; Application de la convention internationale
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84-85, par. 30.

42 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 602, par. 25 ; Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la
Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 448, par. 29.
43
MIM, p. 4, par. 2 ; voir aussi RIM, p. 6, par. 2.
44
Concessions Mavrommatis en Palestine (arrêt n° 2, 1924, C.P.J.I. série A n° 2, p. 11. Cela a également été
confirmé par la CIJ dans les affaires suivantes : Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84-85, par. 30 ; Applicabilité de l’obligation d’arbitrage en vertu de la section 21 de l’accord
du 26 juin 1947 relatif au siège de l’Organisation des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1988, p. 12,
par. 37-44. - 9 -

19. Comme cela ressort de sa jurisprudence, c’est à la Cour qu’il appartient de déterminer, de

manière objective, s’il existe ou non un différend international entre les parties 45 «circonscri[vant]
le véritable problème en cause et [en] précis[ant] l’objet de la demande» . A cette fin, la Cour doit
réaliser un examen approfondi des faits ou éléments de preuve . Bien que le différend doive, en
principe, exister au moment où la requête lui est soumise , la Cour a, dans certains cas, fait preuve

de davantage de souplesse, estimant qu’il pouvait être tenu compte de faits survenus après le dépôt
de la requête. Dans l’affaire relative à des Actions armées frontalières et transfrontalières
(Nicaragua c. Honduras), elle a ainsi conclu ce qui suit :

«Il peut toutefois être nécessaire, pour déterminer avec certitude quelle était la
situation à la date du dépôt de la requête, d’examiner les événements, et en particulier
les relations entre les parties, pendant une période antérieure à cette date, voire
48
pendant la période qui a suivi.»

20. En outre, bien que la Cour ait dit, dans les affaires du Sud-Ouest africain, que, pour

qu’un différend existe, la demande d’une partie devait se heurter à «l’opposition manifeste» de
l’autre , un simple désaccord de forme ou de procédure sur un point de droit ou de fait ne saurait
constituer pareille opposition. Selon moi, la Cour aurait dû, conformément à la jurisprudence qui

est la sienne et qu’elle a d’ailleurs rappelée dans le présent arrêt (paragraphes 35-37), suivre une
approche privilégiant le fond en considérant que si un Etat adopte une certaine ligne de conduite
pour défendre ses propres intérêts, et qu’un autre Etat proteste, l’opposition manifeste de thèses ou
d’intérêts se trouve établie. Le point de vue selon lequel le comportement des parties en litige doit

être pris en considération pour déterminer s’il existe ou non un différend — point de vue auquel je
souscris — a été fort bien exposé par le juge Gaetano Morelli dans l’opinion dissidente dont il a
joint l’exposé à l’arrêt rendu dans les affaires du Sud-Ouest africain. L’extrait pertinent se lit

comme suit :

«1. … Pour ce qui est du désaccord sur un point de droit ou de fait, il faut faire
remarquer que, si un tel désaccord peut accompagner et accompagne normalement

(mais non pas nécessairement) le différend, il ne s’identifie pas avec lui. En tout cas,
il est tout à fait évident qu’un désaccord sur un point de droit ou de fait, désaccord qui
pourrait être même purement théorique, ne suffit pas pour qu’on puisse considérer

qu’il existe un différend.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2. A mon avis, un différend consiste, non pas dans un conflit d’intérêts en tant
que tel, mais plutôt dans un contraste entre les attitudes respectives des parties par
rapport à un certain conflit d’intérêts. Les attitudes opposées des parties, par rapport à

45 Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 262, par. 29 ; Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 466, par. 30 ; Obligation de négocier un accès à
l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 602, par. 26.

46 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84-85, par. 30.
47
Ibid. ; Questions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident
aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 25-26, par. 43-45 ; Questions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant de
l’incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1998, p. 130-131, par. 42-44.
48
Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt,
C.I.J. Recueil 1988, p. 95, par. 66.
49 Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt,

C.I.J. Recueil 1962, p. 328. - 10 -

un conflit d’intérêts donné, peuvent consister, l’une et l’autre, dans des manifestations
de volonté par lesquelles chacune des parties exige que son propre intérêt soit réalisé.

C’est le cas d’un différend résultant, d’un côté, de la prétention de l’une des parties et,
de l’autre, de la contestation, par l’autre partie, d’une telle prétention. Mais il se peut
aussi que l’une des attitudes opposées des parties consiste, non pas dans une
manifestation de volonté, mais plutôt dans une conduite, par laquelle la partie, qui

adopte une telle conduite, réalise directement son propre intérêt. C’est le cas d’une
prétention suivie, non pas de la contestation d’une telle prétention, mais d’une
conduite de l’autre partie contraire à la même prétention. Et c’est le cas aussi où il y a,
en premier lieu, une conduite de l’une des parties réalisant l’intérêt de celle-ci :
50
conduite à laquelle l’autre partie oppose sa protestation.»

21. Afin de déterminer avec certitude quelle était la situation au moment du dépôt de la

requête des Iles Marshall, il convenait d’examiner le comportement des Parties dans la période qui
avait précédé cette date et au cours de celle qui a suivi. Premièrement, le comportement de l’Inde
contre lequel les Iles Marshall protestaient dans leur requête et leur mémoire était son
«manque[ment] … continu aux obligations qui lui incombent en vertu du droit international

coutumier, en particulier à cel51 de mener de bonne foi des négociations devant … déboucher sur
un désarmement nucléaire» . De plus, les Iles Marshall ont, dans leur requête, mentionné le
programme d’armement nucléaire que l’Inde serait en train de développer . 52 Le demandeur
affirmait que ce programme visait à «accroître et à améliorer» 53l’arsenal nucléaire de l’Inde et

soutenait qu’il n’était pas conforme aux obligations erga omnes, que lui impose le droit
international coutumier, de poursuivre des négociations conduisant au désarmement nucléaire.
L’Inde, quant à elle, invoquait son droit de conserver un arsenal nucléaire pour des raisons de
sécurité nationale et rappelait l’engagement qu’elle avait pris de ne jamais y recourir en premier ou

pour attaquer un Etat quel qu’il soit. Elle soulignait également qu’elle avait toujours voté en faveur
des résolutions des Nations Unies préconisant des négociations internationales en vue du
désarmement nucléaire. Elle citait en outre un certain nombre de déclarations faites par ses hauts

responsables, tant dans des enceintes nationales qu’internationales, rappelant sa détermination à
mener de véritables négociations en ce sens. Les Iles Marshall soutenaient que, en dépit des
habitudes de vote de l’Inde, la ligne de conduite de cette dernière — qui consistait, d’une part, à
participer à la course aux armements nucléaires et, d’autre part, à ne pas poursuivre de négociations

multilatérales en vue du désarmement nucléaire — n’était pas conforme aux obligations qui lui
incombent au regard du droit international coutumier. Sans préjuger la question de savoir si le
comportement de l’Inde décrit plus haut constituait effectivement un manquement à pareilles
obligations (question qui, de toute évidence, relève de l’examen au fond), le point à trancher était

de savoir si, avant le dépôt de la requête contre l’Inde le 24 avril 2014, les points de vue des Parties
étaient nettement opposés quant à l’exécution ou à la non-exécution de certaines obligations
internationales.

22. A cet égard, j’ai examiné les déclarations pertinentes de hauts responsables des deux
Etats. Les Iles Marshall se sont expressément référées aux déclarations qu’elles ont faites
lorsqu’elles ont adhéré au TNP , ainsi qu’à celles qui ont été prononcées au cours de la conférence

d’examen du TNP de 2010, de la réunion de haut niveau des Nations Unies sur le désarmement

50Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1962, opinion dissidente de M. le juge Gaetano Morelli, p. 566-567, par. 1-2.
51
MIM, p. 8, par. 13 ; RIM, p. 9-10, par. 6.
52RIM, p. 16-24, par. 23-34.

53Ibid., p. 38, «Remèdes sollicités», point a).
54
CR 2016/1, p. 16, par. 5 (deBrum), citant la lettre du 22 juin 1995 du représentant permanent des Iles Marshall
auprès de l’Organisation des Nations Unies, accompagnée de l’exposé écrit du Gouvernement des Iles Marshall. - 11 -

nucléaire de 2013 et de la conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires de 2014 . 56

Elles faisaient valoir que ces déclarations suffisaient pour que l’ensemble des Etats dotés d’armes
nucléaires, y compris l’Inde, soient informés de leur position sur la question . 57

23. Tout d’abord, les Iles Marshall ont clairement fait connaître leurs vues à l’ensemble des
puissances nucléaires qui étaient présentes à New York le 26 septembre 2013, lors de la réunion de

haut niveau des Nations Unies sur le désarmement nucléaire, leur ministre des affaires étrangères
ayant appelé «tous les Etats dotés d’armes nucléaires à intensifier leurs efforts pour assumer leurs
responsabilités en vue d’un désarmement effectif réalisé en toute sécurité» . 58

24. Ensuite, le 13 février 2014, lors de la deuxième conférence sur l’impact humanitaire des
armes nucléaires, tenue à Nayarit, au Mexique, les Iles Marshall ont réaffirmé leur position selon

laquelle les Etats dotés d’armes nucléaires manquaient à l’obligation de négocier en vue du
désarmement nucléaire. Elles ont fait la déclaration suivante :

«[L]es Iles Marshall sont convaincues que des négociations multilatérales visant
à créer et à maintenir un monde dépourvu d’armes nucléaires auraient dû être
engagées depuis longtemps. Nous estimons en effet que les Etats possédant un

arsenal nucléaire ne respectent pas leurs obligations à cet égard. L’obligation
d’œuvrer au désarmement nucléaire qui incombe à chaque Etat en vertu de l’article VI
du traité de non-prolifération nucléaire et du droit international coutumier impose
59
l’ouverture immédiate de telles négociations et leur aboutissement.» (Les italiques
sont de moi.)

25. Selon moi, ces déclarations illustrent également l’allégation des Iles Marshall selon
laquelle les Etats dotés d’armes nucléaires, y compris l’Inde, sont tenus de poursuivre des
négociations conduisant au désarmement nucléaire. L’Inde, connue pour être l’un des neuf Etats
60
possédant pareilles armes , était représentée lors de ces réunions. A la réunion du
26 septembre 2013, elle l’était par M. Salman Khurshid, son ministre des affaires étrangères et, à
celle du 13 février 2014, par M. Ashutosh Agrawal, chef de mission adjoint à l’ambassade de

l’Inde au Mexique. Ainsi, bien que les déclarations en question aient été, d’une manière générale,
destinées à «tous les Etats dotés d’armes nucléaires» et que l’Inde n’y soit pas spécifiquement
mentionnée par les Iles Marshall, elle était implicitement incluse dans la catégorie des Etats

possédant des armes nucléaires «qui ne respectent pas leurs obligations internationales consistant à
mener des négociations multilatérales en vue de parvenir à un désarmement nucléaire durable».

55MIM, p. 9, par. 16.
56
Ibid.
57
Ibid., p. 10, par. 18.
58 Ibid., p. 18-19, par. 45, citant la déclaration de M. Phillip Muller, ministre des affaires étrangères de la
République des Iles Marshall en date du 26 septembre 2013 (les italiques sont de moi).

59 Ibid., p. 19, par. 45 ; CR 2016/2, p. 33-34, par. 19 (Condorelli), citant la déclaration des Iles Marshall,
deuxième conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires, Nayarit, Mexique, 13-14 février 2014.
60
Depuis l’entrée en vigueur du TNP en 1970, l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord, bien que n’étant pas
parties à ce traité, ont réalisé des essais nucléaires. La Corée du Nord s’est retirée du traité en 2003. On considère
généralement qu’Israël, tout en laissant délibérément planer l’ambiguïté, détient des armes nucléaires. Les Etats parties
au TNP qui possèdent des armes nucléaires sont les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’Organisation
des Nations Unies, à savoir la Chine, les Etats-Unis d’Amérique, la France, le Royaume-Uni et la Russie. (Quant à
l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas et la Turquie, ce sont des Etats qui partagent des armes nucléaires via
l’OTAN.) - 12 -

26. A mon sens, la «déclaration de Nayarit» précitée faisait assez clairement référence tant à
l’obligation incombant aux Etats dotés d’armes nucléaires de négocier au sujet du désarmement
nucléaire qu’à ce qui constitue selon les Iles Marshall le fondement juridique de ladite obligation, à
savoir «l’article VI du traité de non-prolifération nucléaire et [le] droit international coutumier». A
cet égard, je suis en désaccord avec les conclusions énoncées par la majorité aux paragraphes 45-48

de l’arrêt. Je ne puis souscrire à l’idée selon laquelle les Iles Marshall auraient dû, dans le cadre de
ces conférences multilatérales, désigner nommément chacune des neuf puissances nucléaires pour
que les demandes qu’elles avaient présentées à leur encontre soient valables. Il convient en effet
d’établir une distinction entre un contexte exclusivement bilatéral, où le demandeur doit identifier
le défendeur, et un contexte d’échanges ou de processus multilatéraux tel que celui de la présente
espèce, où chaque membre de la communauté internationale sait que, sur les 191 Etats parties au

TNP, seuls neuf possèdent des armes nucléaires. Soutenir que le demandeur aurait dû, dans ses
déclarations, désigner nommément chacun de ces Etats et préciser, pour chacun d’entre eux, le
comportement dont il tirait grief, revient à privilégier la forme sur le fond. De la même manière, le
fait que la déclaration de Nayarit ait été prononcée au cours d’une conférence portant sur «[la
question] plus large … de l’impact humanitaire des armes nucléaires» n’enlève rien à la clarté de

cette déclaration ni à la protestation que les Iles Marshall y ont exprimée contre le comportement
des Etats dotés d’armes nucléaires. Cet argument lui aussi est par trop formaliste.

27. Il a par ailleurs été avancé que les déclarations que l’Inde a faites publiquement, tant sur
le plan interne que dans des enceintes internationales, témoignaient de la volonté de cet Etat de

négocier en vue du désarmement nucléaire. Tel est peut-être le cas, mais en tout état de cause, les
Iles Marshall ont clairement indiqué, lorsqu’elles se sont efforcées de démontrer l’existence d’une
divergence de vues, qu’elles n’avaient pas d’objection contre le discours de l’Inde en la matière ;
c’est contre le fait que celle-ci n’ait pas poursuivi de négociations de bonne foi qu’elles
protestaient. Là encore, sans préjuger la question de savoir si la stratégie nucléaire de l’Inde

constitue un manquement aux obligations qui lui incombent, les faits susmentionnés montrent
clairement que l’une des Parties (l’Inde) suivait une ligne de conduite visant à défendre ses propres
intérêts, laquelle se heurtait à l’opposition de l’autre Partie (les Iles Marshall), cristallisant ainsi le
différend entres elles.

28. J’ai également pris en considération le comportement que les Parties ont adopté après la
date critique du 24 avril 2014 et qui, selon moi, confirme la thèse du différend préexistant. Dans sa
lettre du 6 juin 2014, l’Inde affirmait que la Cour n’avait pas compétence pour connaître des
demandes des Iles Marshall car elles n’entraient pas dans le cadre de la déclaration qu’elle avait
faite en vertu de la clause facultative et étaient donc irrecevables . L’Inde rappelait également la
position qui avait toujours été la sienne en matière de désarmement nucléaire :

«on peut faire observer qu’il est de notoriété publique que l’Inde poursuit résolument
l’objectif consistant à débarrasser le monde des armes nucléaires par un désarmement
nucléaire international, vérifiable et non discriminatoire. L’Inde estime que cet
objectif peut être atteint en suivant un processus progressif qui repose sur un

engagement universel et un cadre multilatéral convenu au niveau mondial et lui aussi
non discriminatoire. Il est tout aussi notoire que, dans l’attente de ce désarmement
nucléaire international ainsi que pour des raisons de sécurité et de défense nationales,
l’Inde s’attache à constituer et à maintenir un système de dissuasion nucléaire
minimale crédible.» 62 (Les italiques sont de moi.)

61
MIM, annexe 3 : lettre de l’Inde en date du 6 juin 2014, par. 4-5.
62Ibid., par. 2. - 13 -

29. Par conséquent, si les deux Parties convenaient — au moins sur le principe — qu’un
monde exempt d’armes nucléaires était souhaitable, elles avaient des positions différentes
concernant le moment auquel cet objectif devait être atteint et la manière dont il y avait lieu de

procéder. Autrement dit, elles divergeaient sur certains points essentiels. Premièrement, elles
étaient en désaccord quant à l’existence d’une obligation de droit international coutumier imposant
de négocier au sujet du désarmement nucléaire dans ce domaine, et sur le point de savoir si l’Inde
63
avait manqué à cette obligation . Deuxièmement, elles avaient des vues divergentes quant à la
licéité du fait que l’Inde maintienne et améliore son arsenal nucléaire «pour sa défense» et sur le
point de savoir si cela était nécessairement incompatible avec la prétendue obligation internationale
64
de négocier au sujet du désarmement nucléaire . Troisièmement, les Parties n’étaient pas d’accord
sur la nature de l’obligation de désarmement qu’imposerait le droit international. Selon les
Iles Marshall, le droit international coutumier exige que les Etats possédant des armes nucléaires

procèdent à un désarmement dans ce domaine, l’Inde considérant quant à elle que pareille
obligation n’existe pas et qu’il s’agissait d’une tentative à peine voilée, de la part du demandeur, de
lui imposer les obligations énoncées dans le TNP, traité qu’elle a toujours rejeté . L’Inde a ainsi
66
qualifié l’approche des Iles Marshall d’«abus de procédure» . Sans préjuger l’une quelconque des
questions susmentionnées (qui relèvent toutes de l’examen de l’affaire au fond), cette divergence
de vues attestait l’existence d’un différend aux fins de l’établissement de la compétence de la Cour.

L E NOUVEAU CRITÈRE DE LA «CONNAISSANCE » AUX FINS DE DÉTERMINER L ’EXISTENCE

D ’UN DIFFÉREND EST ÉTRANGER À LA JURISPRUDENCE DE LA C OUR

30. A ce jour, jamais la Cour n’avait jugé que, pour qu’elle puisse conclure à l’existence
d’un différend, le demandeur devait démontrer que, avant le dépôt de la requête, le défendeur

«avait connaissance, ou ne pouvait pas ne pas avoir connaissance, de ce que ses vues se heurtaient
à l’opposition manifeste du demandeur» (arrêt, paragraphe 38). Non seulement ce nouveau critère
est étranger à la jurisprudence établie de la Cour, mais il va directement à l’encontre de ce que

celle-ci a dit par le passé, et ce, sans raison convaincante. Chaque fois qu’il lui a fallu rechercher
s’il existait ou non un différend, la Cour a souligné que ce point demandait à être établi
objectivement par elle (et non par les parties), et que sa conclusion à cet égard devait reposer sur
68
un examen de fond et non de forme des faits ou éléments de preuve qui lui avaient été présentés .
Dans les affaires du Sud-Ouest africain, elle a ainsi catégoriquement indiqué ce qui suit :

63CR 2016/1, p. 31 par. 7 (Condorelli), citant les par. 2, 6 et 64 de la requête des Iles Marshall ; CR 2016/1,
p. 31-32, par. 8, citant le par. 2 du mémoire des Iles Marshall.

64CMI, annexe 6 : déclaration faite par M. Salman Khurshid, ministre des affaires étrangères de l’Inde, à la
réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le désarmement nucléaire, 68 Assemblée générale des
Nations Unies, le 26 septembre 2013.

65Concernant le refus constant de l’Inde de signer le TNP, voir : CMI, p. 14, par. 22, citant Documents on India’s
Nuclear Disarmament Policy, vol. II, Gopal Singh et S.K. Sharma (dir. pub.) pour les déclarations faites par le
négociateur de l’Inde, V. C. Trivedi, à la conférence du comité des dix-huit puissances sur le désarmement tenue le
12 août 1965, p. 582-596 ; 15 février 1966, p. 612-627 ; 10 mai 1966, pp. 638-646 ; 23 mai 1967, p. 687-700 ; et
28 septembre. 1967, p. 706-718 ; déclaration faite par le ministre des affaires étrangères, M.C. Chagla, au Parlement le
27 mars 1967, p. 685-687 ; déclarations de S. Exc. M. Azim Husain, à la conférence du comité des dix-huit puissances

sur le désarmement, le 27 février 1968, p. 724-730 et devant la commission politique des Nations Unies, le 14 mai 1968,
p. 741-755 (CMI, annexes 13-20). Le 5 avril 1968, Mme Indira Gandhi, premier ministre, soulignait les lacunes du TNP
et déclarait : «nous serons entièrement guidés par les intérêts bien compris de notre pays, les considérations liées à notre
sécurité nationale» (déclaration du premier ministre, Mme Indira Gandhi, Lok Sabha, 5 avril 1968, p. 739-741) ; voir
CMI, annexe 21.
66
CR 2016/4, p. 21, par. 9 (Gill).
67Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, deuxième phase, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 74.

68Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84, par. 30. - 14 -

«[l]a simple affirmation ne suffit pas pour prouver l’existence d’un différend, tout

comme le simple fait que l’existence d’un différend est contestée ne prouve pas que ce
différend n’existe pas. Il n’est pas suffisant non plus de démontrer que les intérêts des
deux parties à une telle affaire sont en conflit. Il faut démontrer que la réclamation de
l’une des parties se heurte à l’opposition manifeste de l’autre.» 69

Dans l’affaire Nicaragua c. Colombie, la Cour a en outre précisé que, «si la protestation
diplomatique officielle peut constituer un moyen important pour une partie de porter à l’attention
70
de l’autre une prétention, pareille protestation officielle n’est pas une condition nécessaire» .

31. En introduisant le nouveau critère juridique de la «connaissance», la majorité a de fait

élevé le seuil requis en matière de preuve ; le demandeur, mais aussi la Cour elle-même, devront
désormais sonder «l’esprit» de l’Etat défendeur pour savoir si ce dernier avait ou non connaissance
du différend. Selon moi, cette exigence formaliste est non seulement problématique, mais elle est
aussi en contradiction directe avec le principe énoncé dans l’affaire Nicaragua c. Colombie

précitée, puisque la meilleure manière pour le demandeur de s’assurer que le défendeur a
connaissance du différend est de lui adresser, d’une façon ou d’une autre, une notification formelle
ou une protestation diplomatique. De surcroît, ce nouveau critère introduit une certaine subjectivité

dans une question qui devait jusqu’alors être tranchée «objectivement par la Cour».

32. Il convient également de noter que, au paragraphe 73 de l’arrêt rendu en l’affaire

Nicaragua c. Colombie — auquel la majorité se réfère au paragraphe 38 du présent arrêt pour
justifier l’introduction du nouveau critère de la «connaissance» —, la Cour ne faisait qu’exposer
l’analyse factuelle à laquelle elle avait procédé pour déterminer s’il existait un différend dans cette
71
affaire ; elle n’énonçait pas le critère juridique applicable en la matière. Au paragraphe précédent
de ce même arrêt, elle avait d’ailleurs relevé que,

«si la protestation diplomatique officielle peut constituer un moyen important pour

une partie de porter à l’attention de l’autre une prétention, pareille protestation
officielle n’est pas une condition nécessaire. … la Cour, lorsqu’elle détermine s’il
existe ou non un différend, s’attache au «fond, et non [à la] forme»» . 72

Il apparaît donc clairement que, dans cette affaire, la Cour n’envisageait pas de transformer une
constatation spécifique en une exigence juridique formelle de notification préalable. Selon moi, il
serait inopportun de faire de ce qui était manifestement une observation factuelle un critère

juridique strict, ce que la Cour avait alors exclu.

33. De la même manière, l’arrêt rendu en l’affaire Géorgie c. Fédération de Russie , auquel 73

il est également fait référence au paragraphe 38 du présent arrêt pour étayer les vues de la majorité,

69 Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt,

C.I.J. Recueil 1962, p. 328.
70 Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt du 17 mars 2016, par. 72.

71 La citation exacte du par. 73 est la suivante : «la Colombie savait que la promulgation du décret 1946 et son
comportement dans les espaces maritimes que la Cour avait reconnus au Nicaragua dans son arrêt de 2012 se heurtaient à
l’opposition manifeste du Nicaragua». Le cadre juridique applicable à la question de l’existence d’un différend est décrit
dans Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt du 17 mars 2016, p. 24-26, par. 49-52.
72
Ibid., par. 72.
73 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I). - 15 -

n’était pas applicable et doit être distingué de la présente espèce. Cette affaire avait trait à
l’interprétation et à l’application d’un traité particulier (la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale) auquel la Géorgie comme la Russie
étaient parties. L’article 22 de ce traité (la clause compromissoire conférant compétence à la Cour)

prévoit expressément que, avant d’introduire une instance devant la Cour, les parties en litige
doivent d’abord tenter de régler le différend par voie de négociation ou par d’autres moyens
précisés dans la convention . 74 Dans cette affaire, il était donc impératif que le demandeur
démontrât qu’il avait, avant de saisir la Cour, non seulement notifié ses réclamations au défendeur

mais aussi que tous deux avaient tenté de négocier pour parvenir à un règlement. Il était donc
logique que le défendeur eût formellement «connaissance» de la réclamation du demandeur avant
que des négociations puissent avoir lieu. Cette affaire se distingue nettement de la présente espèce,
dans laquelle il n’existait aucune clause compromissoire de ce type imposant des négociations
préalables, une notification formelle ou pareille «connaissance». Selon moi, l’affaire Géorgie

c. Fédération de Russie doit donc être distinguée de la présente instance et ne pouvait être invoquée
à l’appui du critère de la «connaissance».

C ONCLUSION

34. A la lumière des éléments examinés ci-dessus, je considère qu’il existait, à la date du
dépôt de la requête, un différend entre les Parties concernant le manquement allégué de l’Inde à
une obligation de droit international coutumier de poursuivre de bonne foi des négociations
conduisant à un désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict

et efficace.

(Signé) Julia SEBUTINDE .

___________

74L’article 22 de la convention est ainsi libellé :

«Tout différend entre deux ou plusieurs Etats parties touchant l’interprétation ou l’application de
la présente Convention qui n’aura pas été réglé par voie de négociation ou au moyen des procédures
expressément prévues par ladite Convention sera porté, à la requête de toute partie au différend, devant la
Cour internationale de Justice pour qu’elle statue à son sujet, à moins que les parties au différend ne
conviennent d’un autre mode de règlement.»

Bilingual Content

450
199
SEPARATE OPINION OF JUDGE SEBUTINDE
Object and purpose of the United Nations Charter — Maintenance of
international peace and security — Role of the Court in the peaceful settlement of
disputes — The Court’s compulsory jurisdiction derives from the optional clause
declarations pursuant to Article 36, paragraph 2, of the Court’s Statute and not
from the existence of a dispute — The existence of a dispute is merely the
precondition for the exercise of that jurisdiction — Article 38 of the Statute of the
Court — The objective determination of the existence of a dispute is the prerogative
of the Court and is a matter of substance, not of form or procedure — Conduct of
the Parties is relevant evidence — The new legal prerequisite of “awareness by the
Respondent that its views were positively opposed” is formalistic and alien to the
Court’s jurisprudence.
Introduction
1. I have voted against the operative paragraph of the Judgment
because I am unable to agree with the decision of the Court upholding the
first preliminary objection of India, as well as the underlying reasoning.
In my view, the majority of the Court has unjustifiably departed from the
flexible and discretionary approach that it has hitherto consistently
adopted in determining the existence of a dispute, choosing instead, to
introduce a new rigorous and formalistic test of “awareness” that raises
the evidentiary threshold and that is bound to present the Court with difficulties
in future. Furthermore, given the importance of the subject‑matter
of this case not only to the Parties involved but to the
international community as a whole, I find it regrettable that the Court
has opted to adopt an inflexible approach that has resulted in summarily
disposing of this case at this early stage. I explain my views in more detail
in this separate opinion.
Responsibility for the Maintenance
of International Peace and Security
2. If there is one lesson that the international community learnt from
the human catastrophes that were the First and Second World Wars, it
was the need for a concerted, global effort
“[t]o save succeeding generations from the scourge of war, which
twice in our lifetime has brought untold sorrow to mankind, and to
reaffirm faith in fundamental human rights, in the dignity and worth
450
199
OPINION INDIVIDUELLE DE Mme LA JUGE SEBUTINDE
[Traduction]
Objet et but de la Charte des Nations Unies — Maintien de la paix et de la
sécurité internationales — Rôle de la Cour dans le règlement pacifique des
différends — Juridiction obligatoire de la Cour découlant des déclarations faites en
vertu de la clause facultative énoncée au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de
la Cour, et non de l’existence d’un différend — Existence d’un différend n’étant
que la condition préalable à l’exercice de la compétence — Article 38 du Statut de
la Cour — Détermination objective de l’existence d’un différend étant une
prérogative de la Cour et une question de fond, et non de forme ou de
procédure — Comportement des Parties constituant un élément de preuve
pertinent — Nouvelle condition préalable de la « connaissance, [par le défendeur],
de ce que ses vues se heurtaient à l’« opposition manifeste » du demandeur » étant
formaliste et étrangère à la jurisprudence de la Cour.
Introduction
1. J’ai voté contre le dispositif de l’arrêt car je ne saurais souscrire à la
décision de la Cour consistant à retenir la première exception de l’Inde, ni
au raisonnement qui la sous‑tend. Selon moi, la majorité s’est, de manière
injustifiable, écartée de l’approche souple et discrétionnaire qui avait
jusqu’alors toujours été celle de la Cour pour déterminer l’existence d’un
différend, préférant introduire un nouveau critère strict et formaliste
— celui de la « connaissance » — qui élève le seuil requis en matière de
preuve et posera assurément problème à l’avenir. De surcroît, compte
tenu de l’importance de l’objet de la présente affaire, non seulement pour
les Parties en cause mais aussi pour la communauté internationale dans
son ensemble, je regrette que la Cour ait décidé d’adopter une approche
rigide ayant abouti à un règlement expéditif à ce stade précoce de la
procédure. J’exposerai mes vues plus en détail dans la présente opinion
individuelle.
Responsabilité du maintien
de la paix et de la sécurité internationales
2. S’il est un enseignement que la communauté internationale a tiré des
tragédies humaines des première et seconde guerres mondiales, c’est la
nécessité d’oeuvrer de manière globale et concertée pour
« préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois
en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances,
… proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamen-
451 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
200
of the human person, in the equal rights of men and women and of
nations large and small, and to establish conditions under which justice
and respect for the obligations arising from treaties and other
sources of international law can be maintained . . .” 1.
3. It is also important to recollect the purpose for which the United
Nations was created, namely,
“to maintain international peace and security, and to that end : to take
effective collective measures for the prevention and removal of threats
to peace, and for the suppression of acts of aggression or other
breaches of the peace, and to bring about by peaceful means, and in
conformity with the principles of justice and international law, adjustment
or settlement of international disputes or situations which might
lead to a breach of the peace” 2.
Under the Charter, although the primary responsibility for the maintenance
of international peace and security lies with the Security Council 3,
and to a lesser extent, the General Assembly 4, the International Court of
Justice, as the principal judicial organ of the United Nations 5 does contribute
to the maintenance of international peace and security through its
judicial settlement of such inter‑State disputes as are referred to it for
adjudication 6 and through the exercise of its advisory role in accordance
with the Charter and the Statute of the Court 7. Today there is no greater
threat to international peace and security, or indeed to humanity, than
the threat or prospect of a nuclear war.
The NPT and Nuclear Disarmament
4. It may also be useful to briefly recall the historical background to
the present case. The Treaty on the Non‑Proliferation of Nuclear Weapons
(NPT) which entered into force in 1970 8 and whose objectives are, to
prevent the spread of nuclear weapons and weapons technology ; to promote
co‑operation in the peaceful use of nuclear energy and to further the
goal of achieving nuclear disarmament, currently has 191 States parties
1 United Nations, Charter of the United Nations, 24 October 1945, 1 UNTS XVI,
Preamble (hereinafter the “UN Charter”).
2 UN Charter, Art. 1.
3 Ibid., Art. 24 (1).
4 Ibid., Art. 11.
5 Ibid., Art. 92.
6 United Nations, Statute of the International Court of Justice, 18 April 1946 (hereinafter
the “Statute”), Art. 38.
7 UN Charter, Art. 96 and Statute, Arts. 65-68.
8 Treaty on the Non‑Proliferation of Nuclear Weapons, 729 UNTS 161, opened for
signature at London, Moscow and Washington on 1 July 1968 and entered into force on
5 March 1970.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 451
200
taux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine,
dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des
nations, grandes et petites, … créer les conditions nécessaires au
maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et
autres sources du droit international… » 1.
3. Il convient également de rappeler le but qui a présidé de la création
des Nations Unies, à savoir
« [m]aintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin :
prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter
les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre
rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément
aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement
ou le règlement de différends ou de situations, de caractère
international, susceptibles de mener à une rupture de la paix » 2.
Aux termes de la Charte, même si la responsabilité du maintien de la paix
et de la sécurité internationales incombe principalement au Conseil de
sécurité 3 et, dans une moindre mesure, à l’Assemblée générale 4, la Cour
internationale de Justice, en tant qu’organe judiciaire principal de l’Organisation
des Nations Unies 5, y contribue également en réglant les différends
entre Etats qui lui sont soumis 6 et en exerçant son rôle consultatif
conformément à la Charte et à son Statut 7. Or, aujourd’hui, le plus grand
danger qui pèse sur la paix et la sécurité internationales — et, de fait, sur
l’humanité tout entière — est la menace ou la perspective d’une guerre
nucléaire.
Le TNP et le désarmement nucléaire
4. Il convient sans doute également de revenir brièvement sur le contexte
historique de l’affaire. Le traité sur la non‑prolifération des armes nucléaires
(TNP), qui est entré en vigueur en 1970 8 et dont les objectifs sont de prévenir
la prolifération des armes nucléaires et la diffusion de la technologie y
afférente, de promouvoir la coopération en ce qui concerne l’utilisation
pacifique de l’énergie nucléaire et de concourir au désarmement nucléaire,
1 Charte des Nations Unies, 24 octobre 1945, Recueil des traités (RTNU), vol. 1,
p. XVI, préambule (ci‑après, la « Charte »).
2 Charte des Nations Unies, art. 1.
3 Ibid., art. 24 1).
4 Ibid., art. 11.
5 Ibid., art. 92.
6 Statut de la Cour internationale de Justice, 18 avril 1946 (ci‑après, le « Statut »),
art. 38.
7 Charte des Nations Unies, art. 96, et Statut, art. 65‑68.
8 Traité sur la non‑prolifération des armes nucléaires, RTNU, vol. 729, p. 161, ouvert
à la signature à Londres, Moscou et Washington le 1er juillet 1968 et entré en vigueur le
5 mars 1970.
452 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
201
including the Republic of the Marshall Islands (RMI) 9. India has neither
signed nor ratified the NPT (Judgment, para. 17). However, contrary to
the NPT objectives, State practice demonstrates that for the past nearly
70 years, some States have continued to manufacture, acquire, upgrade,
test and/or deploy nuclear weapons and that a threat of possible use is
inherent in such deployment. Furthermore, State practice demonstrates
that far from proscribing the threat or use of nuclear weapons in all circumstances,
the international community has, by treaty and through the
United Nations Security Council, recognized in effect that in certain
circumstances
the use or threat of use of nuclear weapons may even be
justified.
5. In December 1994 the United Nations General Assembly sought an
advisory opinion from the Court regarding the legality of the threat or
use of nuclear weapons 10. The question posed by the General Assembly
was quite simply “Is the threat or use of nuclear weapons in any circumstance
permitted under international law?” In response, the Court considered
that it was being asked “to determine the legality or illegality of the
threat or use of nuclear weapons” 11. After taking into account the body
of international law (including Article 2, paragraph 4, and Article 51 of
the United Nations Charter) as well as the views of a vast number of
States that filed their written submissions before the Court, the Court
opined that :
— there is no specific authorization of the threat or use of nuclear weapons
in either customary or conventional international law 12;
— there is no comprehensive and universal prohibition of the threat or
use of nuclear weapons as such, in either customary or conventional
international law 13;
— a threat or use of nuclear weapons that was contrary to Article 2,
paragraph 4, or that failed to meet all the requirements of Article 51
of the United Nations Charter ; or that is incompatible with the principles
and rules of international humanitarian law applicable in armed
conflict or that is incompatible with treaties specifically dealing with
nuclear weapons, is illegal 14.
9 The Republic of the Marshall Islands (RMI) acceded to the NPT on 30 January 1995.
See United Nations Office of Disarmament Affairs, Marshall Islands: Accession to Treaty
on the Non‑Proliferation of Nuclear Weapons, available at: http://disarmament.un.org/
treaties/a/npt/marshallislands/acc/washington.
10 UN General Assembly resolution A/RES/49/75 K, 15 December 1994, Request for
an advisory opinion from the International Court of Justice on the legality of the threat or
use of nuclear weapons.
11 Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons, Advisory Opinion, I.C.J. Reports
1996 (I), p. 238, para. 20.
12 Ibid., p. 266, para. 105 (2) A.
13 Ibid., para. 105 (2) B.
14 Ibid., para. 105 (2) C and D.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 452
201
compte actuellement 191 Etats parties, dont la République des Iles
Marshall 9. L’Inde, quant à elle, n’a pas signé le TNP (arrêt, par. 17).
Nonobstant les objectifs énoncés dans ce traité, il ressort de la pratique des
Etats que, au cours de ces soixante‑dix dernières années, certains ont continué
à fabriquer, acquérir, moderniser, expérimenter ou déployer des armes
nucléaires, et que la menace de l’éventuelle utilisation de ces armes va de
pair avec leur déploiement. De plus, la pratique des Etats montre que, loin
de les proscrire en toute circonstance, la communauté internationale a en
réalité, par voie de traité et à travers l’action du Conseil de sécurité de
l’Organisation
des Nations Unies, reconnu que la menace ou l’emploi
d’armes nucléaires pouvait même, dans certains cas, se justifier.
5. Au mois de décembre 1994, l’Assemblée générale des Nations Unies
a demandé un avis consultatif à la Cour sur la question de la licéité de la
menace ou de l’emploi d’armes nucléaires 10. La question posée par l’Assemblée
générale était assez simple : « Est‑il permis en droit international
de recourir à la menace ou à l’emploi d’armes nucléaires en toute circonstance
? » Dans son avis, la Cour a considéré qu’il lui était demandé de
« déterminer ce qu’il en [était] de la licéité ou de l’illicéité de la menace ou
de l’emploi d’armes nucléaires » 11. Après avoir examiné le corpus de droit
international pertinent (notamment le paragraphe 4 de l’article 2 et l’article
51 de la Charte), ainsi que les vues d’un grand nombre d’Etats qui lui
avaient présenté des exposés écrits, elle s’est dite d’avis que :
— ni le droit international coutumier ni le droit international conventionnel
n’autorisaient spécifiquement la menace ou l’emploi d’armes
nucléaires 12 ;
— ni le droit international coutumier ni le droit international conventionnel
ne comportaient d’interdiction complète et universelle de la
menace ou de l’emploi des armes nucléaires en tant que telles 13 ;
— était illicite la menace ou l’emploi de la force au moyen d’armes
nucléaires qui serait contraire à l’article 2, paragraphe 4, de la
Charte des Nations Unies, qui ne satisferait pas à toutes les prescriptions
de son article 51, ou qui serait incompatible avec les exigences
du droit international humanitaire applicable dans les conflits
armés, ainsi qu’avec les traités qui ont expressément trait aux armes
nucléaires 14.
9 La République des Iles Marshall a adhéré au TNP le 30 janvier 1995. Voir Bureau des
affaires de désarmement des Nations Unies, Marshall Islands : Accession to Treaty on the
Non‑Proliferation of Nuclear Weapons ; consultable en anglais à l’adresse suivante : http://
disarmament.un.org/treaties/a/npt/marshallislands/acc/washington.
10 Nations Unies, doc. A/RES/49/75 K, 15 décembre 1994, demande d’avis consultatif
de la Cour internationale de Justice sur la légalité de la menace ou de l’emploi d’armes
nucléaires.
11 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 1996 (I), p. 238, par. 20.
12 Ibid., p. 266, par. 105, point 2) A du dispositif.
13 Ibid., point 2) B du dispositif.
14 Ibid., point 2) C et D du dispositif.
453 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
202
6. However, the Court did make one exception to its findings (albeit in
an evenly divided manner 15) when it opined that :
“in view of the current state of international law, and of the elements
of fact at its disposal, the Court cannot conclude definitively whether
the threat or use of nuclear weapons would be lawful or unlawful in
an extreme circumstance of self‑defence, in which the very survival of
a State would be at stake” 16.
7. Finally, although this does not appear to have been in direct
answer to the question posed by the General Assembly, the Court went
an extra mile in what, in my view, is the real contribution of the Court to
world peace and security as far as the question of nuclear weapons is
concerned. It stated in paragraphs 98 to 100 of the Advisory Opinion, as
follows :
“Given the eminently difficult issues that arise in applying the
law on the use of force and above all the law applicable in armed
conflict to nuclear weapons, the Court considers that it now needs to
examine one further aspect of the question before it, seen in a broader
context.
In the long run, international law, and with it the stability of the
international order which it is intended to govern, are bound to suffer
from the continuing difference of views with regard to the legal status
of weapons as deadly as nuclear weapons. It is consequently important
to put an end to this state of affairs : the long‑promised complete
nuclear disarmament appears to be the most appropriate means of
achieving that result.
In these circumstances, the Court appreciates the full importance
of the recognition by Article VI of the Treaty on the Non-Proliferation
of Nuclear Weapons of an obligation to negotiate in good faith a
nuclear disarmament . . . The legal import of that obligation goes
beyond that of a mere obligation of conduct ; the obligation involved
here is an obligation to achieve a precise result — nuclear disarmament
in all its aspects — by adopting a particular course of conduct,
namely, the pursuit of negotiations on the matter in good faith.
This twofold obligation to pursue and to conclude negotiations
formally concerns the 182 States parties to the [NPT], or, in other
words, the vast majority of the international community . . . Indeed,
any realistic search for general and complete disarmament, especially
nuclear disarmament, necessitates the co‑operation of all States.”
(Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons, Advisory Opinion,
I.C.J. Reports 1996 (I), pp. 263‑264, paras. 98-100.)
15 By seven to seven votes with the President having to use his casting vote.
16 Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons, Advisory Opinion, I.C.J. Reports
1996 (I), p. 266, para. 105 (2) E.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 453
202
6. La Cour a toutefois énoncé une exception aux conclusions qu’elle
venait de formuler (même s’il faut préciser que, sur ce point, les juges
étaient divisés à égalité de voix) 15, estimant que,
« [a]u vu de l’état actuel du droit international, ainsi que des éléments
de fait dont elle dispos[ait], [elle] ne p[ouvai]t … conclure de façon
définitive que la menace ou l’emploi d’armes nucléaires serait licite
ou illicite dans une circonstance extrême de légitime défense dans
laquelle la survie même d’un Etat serait en cause » 16.
7. Enfin, même si elle ne semble pas l’avoir fait directement en réponse
à la question posée par l’Assemblée générale, la Cour est allée plus loin en
formulant des observations qui, selon moi, constituent sa véritable contribution
à la paix et la sécurité dans le monde pour ce qui est des armes
nucléaires. Aux paragraphes 98 à 100 de son avis consultatif, elle a ainsi
indiqué ce qui suit :
« Compte tenu des questions éminemment difficiles que soulève
l’application à l’arme nucléaire du droit relatif à l’emploi de la force,
et surtout du droit applicable dans les conflits armés, la Cour estime
devoir examiner maintenant un autre aspect de la question posée,
dans un contexte plus large.
A terme, le droit international et avec lui la stabilité de l’ordre
international qu’il a pour vocation de régir ne peuvent que souffrir
des divergences de vues qui subsistent aujourd’hui quant au statut
juridique d’une arme aussi meurtrière que l’arme nucléaire. Il s’avère
par conséquent important de mettre fin à cet état de choses : le désarmement
nucléaire complet promis de longue date se présente comme
le moyen privilégié de parvenir à ce résultat.
La Cour mesure dans ces circonstances toute l’importance de la
consécration par l’article VI du traité sur la non‑prolifération des armes
nucléaires d’une obligation de négocier de bonne foi un désarmement
nucléaire… La portée juridique de l’obligation considérée dépasse celle
d’une simple obligation de comportement ; l’obligation en cause ici est
celle de parvenir à un résultat précis — le désarmement nucléaire dans
tous ses aspects — par l’adoption d’un comportement déterminé, à
savoir la poursuite de bonne foi de négociations en la matière.
Cette double obligation de négocier et de conclure concerne formellement
les cent quatre‑vingt‑deux Etats parties au [TNP],
c’est‑à‑dire la très grande majorité de la communauté internationale…
De fait, toute recherche réaliste d’un désarmement général et
complet, en particulier nucléaire, nécessite la coopération de tous les
Etats. » (Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J.
Recueil 1996 (I), p. 263-264, par. 98-100.)
15 Par sept voix contre sept, le président ayant dû faire usage de sa voix prépondérante.
16 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 266, point 2) E du dispositif.
454 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
203
8. The Court then unanimously opined in the operative clause that,
“There exists an obligation to pursue in good faith and to bring to a conclusion
negotiations leading to nuclear disarmament in all its aspects
under strict and effective international control.” 17 The Advisory Opinion
of the Court, although not legally binding, was well received by the vast
majority of NPT States parties, although it was less welcome by those
nuclear‑weapon States that were of the view that the Court had
over‑stepped its judicial function by rendering this Opinion. In December
1996 the General Assembly passed a resolution endorsing the conclusion
of the Court relating to the existence of “an obligation to pursue in
good faith and to bring to a conclusion, negotiations leading to disarmament
in all its aspects under strict and effective international control” and
calling upon all States to immediately commence multilateral negotiations
leading to a nuclear weapons convention prohibiting “the development,
production, testing, deployment, stockpiling, threat or use of
nuclear weapons” and providing for their elimination 18.
9. Regrettably, since the adoption of the Court’s Advisory Opinion
20 years ago, the international community has made little progress towards
nuclear disarmament and even the prospect of negotiations on the conclusion
of a nuclear weapons convention, seems illusory. It is in this context
that on 24 April 2014, the Republic of the Marshall Islands (RMI) filed an
Application against nine respondent States (United States, Russia, United
Kingdom, France, China, India, Pakistan, Israel and North Korea), which
the Applicant maintains currently possess nuclear weapons, alleging a failure
by the respondent States to fulfil obligations concerning negotiations
relating to the cessation of the nuclear arms race at an early date and to
nuclear disarmament. Of the nine respondent States, only Pakistan, India
and the United Kingdom formally responded to the RMI Application,
each of the three States having previously filed declarations pursuant to
Article 36, paragraph 2, of the Statute of the Court recognizing the compulsory
jurisdiction of the Court (Judgment, para. 21).
17 I.C.J. Reports 1996 (I), p. 267, para. 105 (2) F.
18 UN General Assembly resolution A/RES/51/45 M, 10 December 1996, Advisory
Opinion of the International Court of Justice on the legality of the threat or use of
nuclear weapons. The General Assembly has been adopting an almost identical resolution
every year, since the handing down of the Nuclear Weapons Advisory Opinion. See UN
General Assembly resolutions 52/38 O of 9 December 1997; 53/77 W of 4 December 1998;
54/54 Q of 1 December 1999; 55/33 X of 20 November 2000; 56/24 S of 29 November
2001; 57/85 of 22 November 2002; 58/46 of 8 December 2003; 59/83 of 3 December
2004; 60/76 of 8 December 2005; 61/83 of 6 December 2006; 62/39 of 5 December 2007;
63/49 of 2 December 2008; 64/55 of 2 December 2009; 65/76 of 8 December 2010; 66/46
of 2 December 2011; 67/33 of 3 December 2012; 68/42 of 5 December 2013; 69/43 of
2 December 2014; 70/56 of 7 December 2015.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 454
203
8. Dans le dispositif de son avis, la Cour a ensuite estimé à l’unanimité
qu’« il exist[ait] une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à
terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous
ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace » 17. L’avis
consultatif de la Cour, bien que n’étant pas juridiquement contraignant,
a été bien accueilli par l’immense majorité des Etats parties au TNP ; il a
cependant été moins favorablement reçu par les Etats dotés d’armes
nucléaires, qui considéraient que la Cour avait outrepassé sa fonction
judiciaire en donnant cet avis. En décembre 1996, l’Assemblée générale a
adopté une résolution dans laquelle elle faisait sienne la conclusion de la
Cour concernant l’existence d’« une obligation de poursuivre de bonne foi
et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement
nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et
efficace », et appelant tous les Etats à engager immédiatement des négociations
multilatérales en vue de parvenir à la conclusion d’une convention
sur les armes nucléaires interdisant « la mise au point, la fabrication,
l’essai, le déploiement, le stockage, le transfert, la menace ou l’emploi de
ces armes » et prévoyant leur élimination 18.
9. Hélas, depuis que la Cour a donné son avis consultatif, il y a
vingt ans de cela, la communauté internationale n’a guère progressé sur la
voie du désarmement nucléaire, et la perspective même de négociations en
vue de conclure une convention sur les armes nucléaires semble illusoire.
C’est dans ce contexte que la République des Iles Marshall a, le
24 avril 2014, déposé une requête contre neuf Etats (la Chine, les
Etats‑Unis d’Amérique, la Fédération de Russie, la France, l’Inde, Israël,
le Pakistan, la Corée du Nord et le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et
d’Irlande du Nord), qui, selon elle, détiendraient actuellement pareilles
armes, et auxquels elle faisait grief d’avoir manqué à leurs obligations
relatives aux négociations concernant la cessation de la course aux armements
nucléaires à une date rapprochée et le désarmement nucléaire. Sur
ces neuf Etats, seuls le Pakistan, l’Inde et le Royaume‑Uni ont formellement
répondu à la requête des Iles Marshall, ces trois Etats ayant fait une
déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour en vertu
du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut (arrêt, par. 21).
17 C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 267, point 2) F du dispositif.
18 Nations Unies, doc. A/RES/51/45 M, 10 décembre 1996, avis consultatif de la Cour
internationale de Justice sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires.
Depuis le prononcé de l’avis consultatif sur les armes nucléaires, l’Assemblée générale
adopte chaque année une résolution quasiment identique. Voir les résolutions de l’Assemblée
générale 52/38 O du 9 décembre 1997 ; 53/77 W du 4 décembre 1998 ; 54/54 Q
du 1er décembre 1999 ; 55/33 X du 20 novembre 2000 ; 56/24 S du 29 novembre 2001 ;
57/85 du 22 novembre 2002 ; 58/46 du 8 décembre 2003 ; 59/83 du 3 décembre 2004 ;
60/76 du 8 décembre 2005 ; 61/83 du 6 décembre 2006 ; 62/39 du 5 décembre 2007 ;
63/49 du 2 décembre 2008 ; 64/55 du 2 décembre 2009 ; 65/76 du 8 décembre 2010 ; 66/46
du 2 décembre 2011 ; 67/33 du 3 décembre 2012 ; 68/42 du 5 décembre 2013 ; 69/43 du
2 décembre 2014 ; 70/56 du 7 décembre 2015.
455 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
204
The Threshold for Determining the Existence of a Dispute
and the New Criterion of “Awareness”
10. The Marshall Islands bases the jurisdiction of the Court on its
optional clause declaration pursuant to Article 36, paragraph 2, of the
Statute of the Court dated 15 March 2013 and deposited on 24 April
2013, recognizing the compulsory jurisdiction of the Court ; and that of
India dated 15 September 1974 and deposited on 18 September 1974,
which declarations the Marshall Islands claims are “without pertinent
reservation” 19. India, which is not party to the NPT (Judgment, para. 17),
raised a number of preliminary objections against the Court’s jurisdiction,
including the absence of a legal dispute between the Applicant and
Respondent as at 24 April 2014, the date of filing of the Application. The
Marshall Islands disagrees and maintains that a dispute did exist at the
time it filed its Application, the subject‑matter of which is “India’s compliance
or non‑compliance with its obligation under customary international
law to pursue in good faith, and bring to a conclusion, negotiations
leading to nuclear disarmament” 20. In its Judgment, the Court agrees
with India in this regard and upholds its objection to jurisdiction (ibid.,
para. 56). I respectfully disagree with the majority decision as well as
the underlying reasoning, and set out my reasons in this separate opinion.
In my view, the evidence on record when properly tested against the
criteria
well‑established in the Court’s jurisprudence, shows that a dispute
did exist between the Parties before the filing of the Application.
I particularly
disagree with the new criterion of “awareness” that the
majority introduces, as well as the formalistic and inflexible approach
taken in the determination of whether or not a dispute exists (ibid.,
paras. 38‑49).
11. India contends that the Court lacks jurisdiction to entertain the
claim of Marshall Islands on the grounds that :
(a) prior to or at the time the Marshall Islands filed its Application on
24 April 2014, there was no legal dispute in existence between the
Parties that could trigger the Court’s jurisdiction under its
Statute 21;
(b) that the Marshall Islands had never brought its claim to the attention
of India, nor attempted to hold diplomatic negotiations with India
before filing the case with the Court. Consequently, there could be no
conflict of legal positions between the two Parties, and as such no
legal dispute between them 22;
19 Application of the Marshall Islands (AMI), p. 38, para. 65.
20 Memorial of the Marshall Islands (MMI), p. 8, para. 13.
21 Counter-Memorial
of India (CMI), p. 2, para. 3.
22 CMI, p. 10, para. 16 and CR 2016/8, p. 31, paras. 13-14 (Pellet).
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 455
204
Le seuil requis aux fins de déterminer l’existence d’un différend
et le nouveau critère de la « connaissance »
10. Les Iles Marshall fondaient la compétence de la Cour sur la déclaration
qu’elles ont faite le 15 mars 2013 en vertu de la clause facultative
du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, et déposée le 24 avril 2013,
déclaration par laquelle elles reconnaissaient la juridiction obligatoire de
la Cour ; et sur celle que l’Inde a faite le 15 septembre 1974 et déposée le
18 septembre 1974. Selon le demandeur, ces déclarations ne contenaient
« aucune réserve pertinente en l’espèce » 19. L’Inde, qui n’est pas partie au
TNP (arrêt, par. 17), a soulevé un certain nombre d’exceptions à la compétence
de la Cour, soutenant notamment qu’il n’existait pas, le 24 avril
2014, date du dépôt de la requête, de différend d’ordre juridique entre les
Parties. Les Iles Marshall affirmaient au contraire qu’il existait bel et bien
un différend au moment où elles avaient déposé leur requête, lequel avait
pour objet la « question de savoir si l’Inde respecte ou non l’obligation
que lui impose le droit international coutumier de poursuivre de bonne
foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement
nucléaire » 20. Souscrivant aux vues de l’Inde sur ce point, la Cour a retenu
l’exception d’incompétence susmentionnée (ibid., par. 56). Je me permets
d’exprimer mon désaccord avec la décision de la majorité ainsi qu’avec le
raisonnement qui la sous‑tend, désaccord dont j’exposerai les raisons
dans la présente opinion individuelle. Selon moi, les éléments de preuve
qui ont été versés au dossier, s’ils sont appréciés comme il convient à
l’aune des critères bien établis dans la jurisprudence de la Cour, montrent
qu’un différend existait bel et bien entre les Parties avant le dépôt de la
requête. Je suis plus particulièrement en désaccord avec le nouveau critère
de la « connaissance » introduit par la majorité, ainsi qu’avec l’approche
formaliste et rigide que la Cour a suivie pour rechercher s’il existait ou
non un différend (ibid., par. 38-49).
11. L’Inde soutenait que la Cour n’avait pas compétence pour connaître
de la demande des Iles Marshall aux motifs que :
a) au moment du dépôt de la requête des Iles Marshall le 24 avril 2014
ou avant cette date, il n’existait entre les Parties aucun différend d’ordre
juridique susceptible de permettre à la Cour d’exercer sa compétence
au regard de son Statut 21 ;
b) les Iles Marshall n’avaient jamais porté leur réclamation à l’attention
de l’Inde, ni tenté de mener des négociations diplomatiques avec cette
dernière avant d’introduire l’instance devant la Cour. Par conséquent,
il ne pouvait exister entre les Parties aucun désaccord sur un point de
droit et, partant, aucun différend d’ordre juridique 22 ;
19 Requête des Iles Marshall (RIM), p. 39, par. 65.
20 Mémoire des Iles Marshall (MIM), p. 8, par. 13.
21 Contre‑mémoire de l’Inde (CMI), p. 2, par. 3.
22 CMI, p. 10, par. 16, et CR 2016/8, p. 31, par. 13‑14 (Pellet).
456 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
205
(c) that the claim of the Marshall Islands is artificial 23 in as far as the
Applicant cites an “undefined and unstated principle” of customary
international law 24; and
(d) that the claim of the Marshall Islands constitutes an abuse of process
in as far as the Marshall Islands is attempting to impose upon India
the obligations established in the NPT, a treaty that it has systematically
rejected 25.
12. For its part, the Marshall Islands maintains that a dispute did exist
between the Parties at the time the Application was filed 26, the subject‑matter
of which is “India’s non‑compliance with its obligation under customary
international law to pursue in good faith and to bring to a
conclusion, negotiations leading to nuclear disarmament in all its aspects
under strict and effective international control” 27. It argues further that it
has repeatedly called upon nuclear‑weapon States, including India, to
comply with their international obligations and to negotiate nuclear disarmament
28. In particular the Marshall Islands refers to two of its statements
made publicly in the presence of India before the Application was
filed. First, on 26 September 2013, at the UN High‑Level Meeting on
Nuclear Disarmament, the Minister of Foreign Affairs of the Marshall
Islands called upon: “all nuclear weapon States to intensify efforts to
address their responsibilities in moving towards an effective and secure
disarmament” 29. Secondly, on 13 February 2014, during the Second Conference
on the Humanitarian Impact of Nuclear Weapons at Nayarit,
Mexico, the RMI representative made similar remarks 30.
13. The Marshall Islands submits that these and other public
statements
“illustrate with perfect clarity the content of the claim . . .” 31
and that these statements were “unequivocally directed against all States
possessing nuclear arsenals, including India” (emphasis added) 32. The fact
that India participated in those conferences was, according to the
23 CMI, p. 13, para. 20.
24 Ibid., p. 16, para. 25.
25 CR 2016/4, p. 21, para. 9 (Salve).
26 MMI, p. 8, para. 14, citing: Mavrommatis Palestine Concessions, Judgment No. 2,
1924, P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 11; Application of the International Convention on the
Elimination of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), pp. 84‑85, para. 30.
27 MMI, p. 9, para. 15.
28 Ibid., para. 16.
29 Ibid., citing statement by Honourable Mr. Phillip Muller, Minister of Foreign Affairs
of the Republic of the Marshall Islands, 26 September 2013 (emphasis added).
30 Ibid., p. 10, citing Marshall Islands statement, Second Conference on the Humanitarian
Impact of Nuclear Weapons, Nayarit, Mexico, 13‑14 February 2014; CR 2016/1,
pp. 18‑19, para. 14 (deBrum) and CR 2016/1, p. 37, para. 20 (Condorelli).
31 MMI, p. 9, para. 17.
32 Ibid., pp. 9‑10, paras. 17-18.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 456
205
c) la demande des Iles Marshall avait un caractère artificiel 23 puisque
celles‑ci invoquaient « un vague principe de droit international
qu’elle[s] n’énon[çaient] pas expressément » 24 ;
d) la demande des Iles Marshall constituait un abus de procédure puisque
celles‑ci tentaient d’imposer à l’Inde des obligations établies dans le
TNP, traité que cette dernière a toujours rejeté 25.
12. Les Iles Marshall, pour leur part, soutenaient qu’il existait bel et
bien un différend entre les Parties au moment du dépôt de la requête 26,
différend ayant pour objet « la question de savoir si l’Inde respect[ait] son
obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations
conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un
contrôle international strict et efficace » 27. Elles faisaient également valoir
qu’elles avaient, à maintes reprises, appelé les Etats dotés d’armes
nucléaires, y compris l’Inde, à respecter leurs obligations internationales
et à négocier en vue du désarmement nucléaire 28. Le demandeur se référait
en particulier à deux de ses déclarations publiques faites en présence
de l’Inde, avant que la requête ne soit déposée. Tout d’abord, le 26 septembre
2013, lors de la réunion de haut niveau des Nations Unies sur le
désarmement nucléaire, le ministre des affaires étrangères des Iles Marshall
avait appelé « tous les Etats dotés d’armes nucléaires à intensifier leurs
efforts pour assumer leurs responsabilités en vue d’un désarmement effectif
réalisé en toute sécurité » 29. Ensuite, le 13 février 2014, dans le cadre de la
deuxième conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires, tenue
à Nayarit, au Mexique, le représentant des Iles Marshall avait formulé
des observations analogues 30.
13. La République des Iles Marshall affirmait que ces déclarations
publiques, tout comme d’autres, « illustr[aient] de façon parfaitement claire
la teneur [de leur] grief… » 31 et qu’elles visaient « sans équivoque … tous
les Etats détenteurs d’un arsenal nucléaire, dont l’Inde » (les italiques sont
de moi) 32. Selon le demandeur, le fait que l’Inde ait participé à ces confé-
23 CMI, p. 13, par. 20.
24 Ibid., p. 16, par. 25.
25 CR 2016/4, p. 21, par. 9 (Salve).
26 MIM, p. 8, par. 14, citant Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924,
C.P.J.I., série A no 2, p. 11 ; et Application de la convention internationale sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84‑85, par. 30.
27 MIM, p. 9, par. 15.
28 Ibid., par. 16.
29 Ibid., citant la déclaration de M. Phillip Muller, ministre des affaires étrangères
de la République des Iles Marshall, en date du 26 septembre 2013 (les italiques sont de
moi).
30 Ibid., p. 10, citant la déclaration des Iles Marshall faite à la deuxième conférence sur l’impact
humanitaire des armes nucléaires tenue à Nayarit, au Mexique, les 13‑14 février 2014 ;
CR 2016/1, p. 18‑19, par. 14 (deBrum), et CR 2016/1, p. 37, par. 20 (Condorelli).
31 MIM, p. 9, par. 17.
32 Ibid., p. 9‑10, par. 17-18.
457 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
206
Marshall
Islands, sufficient to consider it notified of the claim of the
Marshall
Islands, in particular, because the RMI statements were very
clear on the subject‑matter of the dispute, namely, the failure of
nuclear‑weapon States to seriously engage in multilateral negotiation
leading to nuclear disarmament arising under the NPT and/or customary
international law. The legal basis of the claim was also clearly identified
33. Finally, the Marshall Islands considers that its claims have been
positively opposed by India in that the latter, while rhetorically claiming
to be committed to achieving a nuclear‑free world, has continued to
“engage in a course of conduct consisting of the quantitative build‑up
and qualitative improvement of its nuclear arsenal, which is contrary to
the objective of nuclear disarmament” 34. Furthermore, the Marshall
Islands submits that India positively opposed the Applicant’s claims in its
Letter of 6 June 2014 and in its Counter‑Memorial, where it explicitly
disputed the validity of those claims 35, considering that such denial constitutes
a legal dispute in itself 36. On the issue of negotiations, the Marshall
Islands submits that it was under no obligation to pursue diplomatic
negotiations with India prior to submitting the dispute before the Court 37.
Finally, the Marshall Islands addresses the applicability of the ILC Articles
on State Responsibility to the present dispute and points out that,
according to the ILC commentary, the said Articles do not concern the
jurisdiction of international courts 38. In its Judgment, the Court upholds
India’s preliminary objection to jurisdiction on the ground that there was
no dispute between the Parties prior to the filing of the RMI Application.
I respectfully disagree with that decision as well as the underlying reasoning
and set out my reasons in this separate opinion. In my view, the evidence
on record when properly tested against the criteria well‑established
in the Court’s jurisprudence shows that a dispute did exist, albeit in a
nascent form, between the Parties before the filing of the Application and
that this dispute crystallized during the proceedings. I particularly disagree
with the new criterion of “awareness” that the majority introduces,
as well as the formalistic and inflexible approach taken in the determination
of whether or not a dispute exists.
14. First, the Judgment rightly points out the Court’s function under
33 MMI, p. 9, para. 17.
34 Ibid., p. 10, para. 19; CR 2016/1, p. 19, para. 16 (deBrum).
35 MMI, p. 12, para. 22.
36 Ibid., citing Certain Property (Liechtenstein v. Germany), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 2005, p. 19, para. 25 and CR 2016/1, p. 34, para. 13 (Condorelli).
The Marshall Islands further contends that the qualitative build‑up of the nuclear capabilities
of India is illustrated by its test, during the hearings, of intermediate range,
submarine‑launched
ballistic missiles capable of deploying nuclear warheads. CR 2016/6,
p. 8, paras. 1‑2 (van den Biesen).
37 CR 2016/6, pp. 15‑16, paras. 8-9 (Condorelli).
38 Ibid., p. 18, para. 14 (Condorelli).
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 457
206
rences suffisait pour considérer qu’elle était informée de la réclamation des
Iles Marshall, en particulier parce que les déclarations de ces dernières
étaient extrêmement claires concernant l’objet du différend, à savoir le
manquement des Etats dotés d’armes nucléaires à l’obligation d’engager
sérieusement des négociations multilatérales conduisant à un désarmement
nucléaire découlant du TNP ou du droit international coutumier. Le fondement
juridique de la réclamation était lui aussi clairement indiqué 33.
Enfin, le demandeur soutenait que ses réclamations s’étaient heurtées à
l’opposition manifeste de l’Inde en ce sens que celle‑ci, tout en affirmant,
pour la forme, être déterminée à parvenir à un monde exempt d’armes
nucléaires, n’avait cessé de « maint[enir] une ligne de conduite qui
consist[ait] à accroître et à améliorer ses forces nucléaires et qui [était]
contraire à l’objectif du désarmement nucléaire » 34. En outre, le demandeur
considérait que l’Inde avait exprimé son opposition dans sa lettre du
6 juin 2014 et dans son contre‑mémoire, dans lesquels le défendeur rejetait
expressément le bien‑fondé desdites réclamations 35, estimant que ce rejet
constituait en soi un différend juridique 36. S’agissant de la question des
négociations, le demandeur faisait valoir qu’il n’était pas tenu de poursuivre
des négociations diplomatiques avec l’Inde avant de soumettre le
différend à la Cour 37. Enfin, il s’est penché sur la question de l’applicabilité
au présent différend des articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat,
soulignant que lesdits articles ne traitent pas de la compétence des cours
internationales 38. Dans son arrêt, la Cour a retenu l’exception d’incompétence
soulevée par l’Inde selon laquelle aucun différend n’opposait les Parties
avant le dépôt de la requête des Iles Marshall. Avec tout le respect que
je dois à mes collègues, je suis en désaccord avec cette décision ainsi
qu’avec le raisonnement qui la sous‑tend, et j’en expose les motifs dans la
présente opinion individuelle. Selon moi, les éléments de preuve versés au
dossier, s’ils sont appréciés comme il convient à l’aune des critères bien
établis dans la jurisprudence de la Cour, montrent qu’un différend, quoique
naissant, existait bel et bien entre les Parties avant le dépôt de la requête et
qu’il s’est cristallisé au cours de la procédure. Je suis particulièrement en
désaccord avec le nouveau critère de la « connaissance » introduit par la
majorité, ainsi qu’avec l’approche formaliste et rigide que la Cour a suivie
pour rechercher s’il existait ou non un différend.
14. Premièrement, dans son arrêt, la Cour met l’accent sur la mission
33 MIM, p. 9, par. 17.
34 Ibid., p. 10, par. 19 ; CR 2016/1, p. 19, par. 16 (deBrum).
35 MIM, p. 12, par. 22.
36 Ibid., citant Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 19, par. 25 ; et CR 2016/1, p. 34, par. 13 (Condorelli). Les
Iles Marshall soutenaient également que l’accroissement et l’amélioration des capacités
nucléaires de l’Inde étaient illustrés par le tir d’essai d’un missile balistique de portée
intermédiaire pouvant déployer des ogives nucléaires que celle‑ci a effectué, pendant
les audiences, à partir d’une plate‑forme sous‑marine. CR 2016/6, p. 8, par. 1‑2 (van
den Biesen).
37 CR 2016/6, p. 15‑16, par. 8‑9 (Condorelli).
38 Ibid., p. 18, par. 14 (Condorelli).
458 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
207
Article 38 of its Statute, which is to decide such inter‑State disputes as are
referred to it (Judgment, para. 33). In cases such as this one, where States
have made declarations (with or without reservations) recognizing the
compulsory jurisdiction of the Court under Article 36, paragraph 2, of
the Statute, the jurisdiction of the Court emanates from those very declarations
rather than from the existence of a dispute as such. It is more
accurate to say that the existence of a dispute between the contending
States is merely a pre‑condition for the exercise of that jurisdiction.
15. Secondly, the Judgment rightly defines a dispute as “a disagreement
on a point of law or fact, a conflict of legal views or of interests
between parties” (Judgment, para. 34). The Judgment also correctly states
that it is for the Court (and not the Parties) to determine objectively
whether a dispute exists after examining the facts or evidence before it
(ibid., para. 36) and that such determination is a matter of substance and
not procedure or form (ibid., para. 35). Thirdly, it is clear from the Court’s
jurisprudence that neither prior notification by the applicant, of its claim
to the respondent, nor a formal diplomatic protest by the applicant, are
necessary prerequisites for purposes of determining the existence of a dispute
(ibid).
16. While the Judgment correctly rehearses the Court’s jurisprudence
regarding the definition of a “dispute” and the fact that determination
of the existence of a dispute is “a matter of substance, and not a question
of form or procedure”, I disagree with the approach and analysis that
the majority has employed in arriving at the conclusion that there is
no dispute between the Parties. I find that approach to be not only
formalistic
and procedural, but also lacking in addressing the substantive
aspects of the Applicant’s claim, such as the conduct of the Respondent.
Given the importance of nuclear disarmament to the international
community
at large, I believe that this is not a case that should have
been easily dismissed on a formalistic or procedural finding that no
dispute
exists between the Contending Parties. Instead, a more substantive
approach that analyses the conduct of the contesting States right up
until 24 April 2014 and beyond if necessary, should have been undertaken
in determining whether the Parties had “clearly opposite views” 39. The
Court’s jurisprudence clearly demonstrates the Court’s consistent preference
for a flexible approach that steers clear of formality or procedural
rigour, right from the days of the Permanent Court of International
Justice 40, and until more recently in Croatia v. Serbia 41.
39 Alleged Violations of Sovereign Rights and Maritime Spaces in the Caribbean Sea
(Nicaragua v. Colombia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2016 (I), p. 26,
para. 50.
40 Op. cit., P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 34; Certain German Interests in Polish Upper
Silesia, Jurisdiction, Judgment No. 6, 1925, P.C.I.J., Series A, No. 6, p. 14.
41 Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of
Genocide (Croatia v. Serbia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2008,
pp. 438‑441, paras. 80‑85; op. cit., I.C.J. Reports 2011 (I), pp. 84‑85, para. 30.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 458
207
qui est la sienne aux termes de l’article 38 de son Statut, à savoir régler les
différends entre Etats qui lui sont soumis (arrêt, par. 33). Dans des affaires
telles que la présente, lorsque les Etats ont fait des déclarations (assorties
ou non de réserves) acceptant la juridiction obligatoire de la Cour en
vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, celle‑ci tire sa compétence
de ces déclarations et non de l’existence du différend en tant que telle. Il
serait plus juste de dire que l’existence d’un différend entre les Etats en
litige n’est qu’une condition préalable à l’exercice de cette compétence.
15. Deuxièmement, la Cour définit à juste titre un différend comme
« un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une
opposition de thèses juridiques ou d’intérêts » entre des parties (arrêt,
par. 34). Elle précise également que c’est à elle (et non aux Parties) qu’il
appartient de déterminer objectivement s’il existe un différend après avoir
examiné les faits ou les éléments de preuve qui lui ont été soumis (ibid.,
par. 36), et qu’il s’agit là d’une question de fond, et non de forme ou de
procédure (ibid., par. 35). Troisièmement, il ressort de la jurisprudence de
la Cour que ni la notification, par le demandeur, de sa réclamation au
défendeur, ni une protestation diplomatique officielle ne sont des conditions
préalables à la détermination de l’existence d’un différend (ibid.).
16. Si la Cour a raison de rappeler, dans son arrêt, sa jurisprudence relative
à la définition d’un « différend » et de souligner que la détermination de
l’existence d’un différend est « une question de fond, et non de forme ou de
procédure », je ne puis souscrire à l’approche suivie par la majorité ni à
l’analyse que cette dernière a effectuée pour parvenir à la conclusion qu’il
n’existait pas de différend entre les Parties. Je considère non seulement que
cette approche privilégie la forme et la procédure, mais aussi qu’elle est
insuffisante pour traiter les aspects matériels de la réclamation du demandeur,
tels que la question du comportement du défendeur. Vu l’importance
du désarmement nucléaire pour la communauté internationale, j’estime que
cette affaire n’aurait pas dû être écartée aussi facilement sur la base d’une
constatation formaliste et procédurale selon laquelle il n’existait aucun différend
entre les Parties en litige. Au lieu de cela, il aurait fallu, pour rechercher
si les Parties avaient des points de vue « nettement opposés » 39, suivre
un raisonnement accordant davantage d’importance au fond et examiner le
comportement des Etats en litige jusqu’au 24 avril 2014, voire au-
delà si
nécessaire. Il ressort en effet clairement de la jurisprudence de la Cour de
La Haye que celle‑ci a toujours privilégié une approche souple en s’abstenant
de tout formalisme ou rigidité procédurale, et ce, déjà du temps de la
Cour permanente de Justice internationale 40. Du reste, tel a encore récemment
été le cas dans l’affaire Croatie c. Serbie 41.
39 Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des
Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I),
p. 26, par. 50.
40 Op. cit., C.P.J.I. série A no 2, p. 34 ; Certains intérêts allemands en Haute‑Silésie polonaise,
compétence, arrêt no 6, 1925, C.P.J.I. série A no 6, p. 14.
41 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Croatie c. Serbie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 438-441,
par. 80‑85 ; op. cit., C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84‑85, par. 30.
459 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
208
17. An applicant is required under Article 40, paragraph 1, of the
Statute
and Article 38, paragraph 2, of the Rules of Court to indicate
the “subject of the dispute” in the Application and to specifying
therein the “precise nature of the claim” 42. The Marshall Islands did specify
its claim or subject‑matter of the dispute in its Application and
Memorial
as
“the failure of India to honour its obligation towards the Applicant
(and other States) to pursue in good faith and bring to a conclusion,
negotiations leading to nuclear disarmament in all its aspects under
strict and effective international control” 43.
Furthermore, the Marshall Islands claim is clearly legal in nature in as far
as it concerns the alleged non‑performance by India of an obligation
under customary international law. Of course the existence and
nature of the purported obligation, as well as the acts constituting the
alleged breach thereof, are matters to be examined at the merits phase of
the case.
18. However, it is not sufficient, for purposes of demonstrating
the existence
of a dispute, for the Marshall Islands to articulate its
claims in its Application and Memorial. Nor is it sufficient merely for one
party to assert that a dispute exists or for the other to deny that it does.
It must, in this case, be demonstrated that the claims of the Marshall
Islands are positively opposed by India or that there is “a disagreement on
a point of law or fact, a conflict of legal views or of interests” between the
two Parties
44 and that this was the case at the time the Application was
filed.
19. As stated in the Court’s jurisprudence, it is for the Court to determine
on an objective basis, whether or not an international dispute exists
between the Parties by “isolat[ing] the real issue in the case and identify[ing]
the object of the claim” 45. The Court must carry out a substantial exami-
42 Obligation to Negotiate Access to the Pacific Ocean (Bolivia v. Chile), Preliminary
Objection, Judgment, I.C.J. Reports 2015 (II), p. 602, para. 25; Fisheries Jurisdiction
(Spain v. Canada), Jurisdiction of the Court, Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 448,
para. 29.
43 MMI, p. 8, para. 13; see also AMI, p. 6, para. 2.
44 Mavrommatis Palestine Concessions, 1924, Judgment No. 2, P.C.I.J., Series A, No. 2,
p. 11; emphasis added. It has also been repeated by the ICJ in: Application of the International
Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v.
Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), pp. 84‑85,
para. 30; Applicability of the Obligation to Arbitrate under Section 21 of the United Nations
Headquarters Agreement of 26 June 1947, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1988, pp. 28‑30,
paras. 37-44.
45 Nuclear Tests (Australia v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 262, para. 29;
Nuclear Tests (New Zealand v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 466, para. 30;
Obligation to Negotiate Access to the Pacific Ocean (Bolivia v. Chile), Preliminary Objection,
I.C.J. Reports 2015 (II), p. 602, para. 26.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 459
208
17. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 40 du Statut de la Cour et
du paragraphe 2 de l’article 38 de son Règlement, tout demandeur est
tenu d’indiquer l’« objet du différend » dans la requête ainsi que la « nature
précise de la demande » 42. Dans leur requête comme dans leur mémoire,
les Iles Marshall ont ainsi défini leur demande ou l’objet du différend
comme étant
« le manquement de la République de l’Inde … à l’obligation qui lui
incombe à l’égard du demandeur (ainsi qu’à l’égard d’autres Etats)
de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations
devant conduire au désarmement nucléaire dans tous ses aspects,
sous un contrôle international strict et efficace » 43.
En outre, la réclamation du demandeur était manifestement d’ordre juridique
puisqu’elle avait trait au prétendu manquement de l’Inde à une
obligation de droit international coutumier. Quant aux questions de
l’existence et de la nature de l’obligation invoquée, ainsi que des actes
constitutifs du prétendu manquement à ladite obligation, elles relevaient
bien évidemment de l’examen de l’affaire au fond.
18. Il ne suffisait cependant pas, pour démontrer l’existence d’un différend,
que les Iles Marshall aient formulé leurs demandes dans leur requête
et leur mémoire — de même qu’il ne suffit pas, à cet effet, qu’une partie
affirme qu’un différend existe ou que l’autre partie le conteste. En la présente
espèce, il devait être démontré que les demandes des Iles Marshall se
heurtaient à l’opposition manifeste de l’Inde ou qu’il existait « un désaccord
sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de
thèses juridiques ou d’intérêts » entre les deux Parties 44, et que tel était le
cas au moment du dépôt de la requête.
19. Comme cela ressort de sa jurisprudence, c’est à la Cour qu’il appartient
de déterminer, de manière objective, s’il existe ou non un différend
international entre les parties en « circonscri[vant] le véritable problème
en cause et [en] précis[ant] l’objet de la demande » 45. A cette fin, la Cour
42 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception
préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 602, par. 25 ; Compétence en matière de
pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 448,
par. 29.
43 MIM, p. 8, par. 13 ; voir aussi RIM, p. 6, par. 2.
44 Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 11
(les italiques sont de moi). Cela a également été confirmé par la CIJ dans les affaires
suivantes : Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84‑85, par. 30 ; Applicabilité de l’obligation d’arbitrage en vertu de
la section 21 de l’accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l’Organisation des Nations Unies,
avis consultatif, C.I.J. Recueil 1988, p. 28‑30, par. 37‑44.
45 Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 262, par. 29 ;
Essais nucléaires (Nouvelle‑Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 466, par. 30 ;
Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 602, par. 26.
460 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
209
nation or inquiry of the facts or evidence 46. Although the dispute must, in
principle, exist at the time the Application is submitted to the Court 47,
there have been cases in which the Court has adopted a more flexible
position, considering that facts arising after the application has been filed
may be taken into account. For example, in the Border and Transborder
Armed Actions (Nicaragua v. Honduras) case, the Court held that :
“It may however be necessary, in order to determine with certainty
what the situation was at the date of filing of the Application, to
examine the events, and in particular the relations between the Parties,
over a period prior to that date, and indeed during the subsequent
period.” 48
20. Furthermore, although the Court has stated in the South West
Africa cases that in order for a dispute to exist, the claim of one party
must be “positively opposed” by the other 49, such “positive opposition”
should not be perceived as a formal or procedural disagreement on a
point of law or fact only. In my view, the Court should, consistent with
its jurisprudence rehearsed in the Judgment (paras. 34-37), adopt a substantive
approach whereby if one State adopts a course of conduct to
achieve its own interests, which conduct is then protested by the other, a
positive opposition of views or interests is demonstrated. The perspective
that takes into account the conduct of the contesting parties in determining
the existence or otherwise of a dispute, and with which I agree, was
aptly expressed by Judge Gaetano Morelli in his dissenting opinion in the
South West Africa cases when he stated as follows :
“As to a disagreement upon a point of law or fact, it is to be
observed that, while such a disagreement may be present and commonly
(but not necessarily) is present where there is a dispute, the two
things (disagreement and dispute) are not the same. In any event it is
abundantly clear that a disagreement on a point of law or fact, which
46 Application of the International Convention on the Elimination of All Forms of
Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 2011 (I), pp. 84‑85, para. 30.
47 Ibid.; Questions of Interpretation and Application of the 1971 Montreal Convention
arising from the Aerial Incident at Lockerbie (Libyan Arab Jamahiriya v. United Kingdom),
Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1998, pp. 25‑26, paras. 43‑45; Questions
of Interpretation and Application of the 1971 Montreal Convention arising from the Aerial
Incident at Lockerbie (Libyan Arab Jamahiriya v. United States of America), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1998, pp. 130‑131, paras. 42‑44.
48 Border and Transborder Armed Actions (Nicaragua v. Honduras), Jurisdiction and
Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 1988, p. 95, para. 66.
49 South West Africa (Ethiopia v. South Africa; Liberia v. South Africa) Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 328.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 460
209
doit réaliser un examen approfondi des faits ou éléments de preuve 46.
Bien que le différend doive, en principe, exister au moment où la requête
lui est soumise 47, la Cour a, dans certains cas, fait preuve de davantage de
souplesse, estimant qu’il pouvait être tenu compte de faits survenus après
le dépôt de la requête. Dans l’affaire relative à des Actions armées frontalières
et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), elle a ainsi conclu ce
qui suit :
« Il peut toutefois être nécessaire, pour déterminer avec certitude
quelle était la situation à la date du dépôt de la requête, d’examiner
les événements, et en particulier les relations entre les Parties, pendant
une période antérieure à cette date, voire pendant la période qui
a suivi. » 48
20. En outre, bien que la Cour ait dit, dans les affaires du Sud‑Ouest
africain, que, pour qu’un différend existe, la demande d’une partie devait
se heurter à « l’opposition manifeste » de l’autre 49, un simple désaccord de
forme ou de procédure sur un point de droit ou de fait ne saurait constituer
pareille opposition. Selon moi, la Cour aurait dû, conformément à la
jurisprudence qui est la sienne et qu’elle a d’ailleurs rappelée dans le présent
arrêt (par. 34‑37), suivre une approche privilégiant le fond en considérant
que, si un Etat adopte une certaine ligne de conduite pour défendre
ses propres intérêts, et qu’un autre Etat proteste, l’opposition manifeste
de thèses ou d’intérêts se trouve établie. Le point de vue selon lequel le
comportement des parties en litige doit être pris en considération pour
déterminer s’il existe ou non un différend — point de vue auquel je souscris
— a été fort bien exposé par le juge Gaetano Morelli dans l’opinion
dissidente dont il a joint l’exposé à l’arrêt rendu dans les affaires du
Sud‑Ouest africain. L’extrait pertinent se lit comme suit :
« Pour ce qui est du désaccord sur un point de droit ou de fait, il
faut faire remarquer que, si un tel désaccord peut accompagner et
accompagne normalement (mais non pas nécessairement) le différend,
il ne s’identifie pas avec lui. En tout cas, il est tout à fait évident
qu’un désaccord sur un point de droit ou de fait, désaccord qui pour-
46 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84‑85, par. 30.
47 Ibid. ; Questions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971
résultant de l’incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume‑Uni),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 25‑26, par. 43‑45 ; Questions d’interprétation
et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident
aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats‑Unis d’Amérique), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 130‑131, par. 42‑44.
48 Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence
et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, p. 95, par. 66.
49 Sud‑Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 328.
461 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
210
may indeed be theoretical, is not sufficient for a dispute to be regarded
as existing.
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In my opinion, a dispute consists, not of a conflict of interests as
such, but rather in a contrast between the respective attitudes of the
parties in relation to a certain conflict of interests. The opposing attitudes
of the parties, in relation to a given conflict of interests, may
respectively consist of the manifestations of the will by which each of
the parties requires that its own interest be realized. It is the case of
a dispute resulting, on one side, from a claim by one of the parties
and, on the other side, of the contesting of that claim by the other
party. But it may also be that one of the opposing attitudes of the
parties consists, not of a manifestation of the will, but rather of a
course of conduct by means of which the party pursuing that course
directly achieves its own interest. This is the case of a claim which is
followed not by the contesting of the claim but by the adoption of a
course of conduct by the other party inconsistent with the claim. And
this is the case too where there is in the first place a course of conduct
by one of the parties to achieve its own interest, which the other party
meets by a protest.” 50
21. In order to determine with certainty what the situation was at the
date of filing of the RMI Application, it is necessary to examine the conduct
of the Parties over the period prior to that date, and during the
subsequent period. First, the conduct of India that the Marshall Islands
has raised issue within its Application and Memorial is “India’s continuing
breach of its obligations under customary international law to pursue
in good faith, and bring to a conclusion, negotiations leading to nuclear
disarmament” 51. Furthermore, the Marshall Islands has in its Application
cited India’s nuclear weapons program which India is reportedly
expanding 52. The Marshall Islands refers to this program as “a quantitative
build-up and qualitative improvement” 53 of India’s nuclear arsenal
and submits that it is inconsistent with India’s erga omnes obligations
under customary international law to pursue negotiations towards nuclear
disarmament. On its part, India refers to its right to maintain a nuclear
arsenal for reasons of national security and points to its assurances that it
would never use its arsenal for aggression or “first‑use” towards any
State. It also points to the fact that it has always voted in favour of
United Nations resolutions in favour of international negotiations
towards nuclear disarmament. It also cites a number of statements by its
high‑ranking officials in both domestic and international fora reiterating
50 South West Africa (Ethiopia v. South Africa; Liberia v. South Africa) Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1962; dissenting opinion of Judge Morelli,
pp. 566‑567, Part II, paras. 1‑2.
51 MMI, p. 8, para. 13; AMI, pp. 9‑10, para. 6.
52 AMI, pp. 16‑24, paras. 23-34.
53 Ibid., p. 38, section “Remedies”, para. (a).
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 461
210
rait être même purement théorique, ne suffit pas pour qu’on puisse
considérer qu’il existe un différend.
�����������������������������������������������������������������������������������������������������������������
A mon avis, un différend consiste, non pas dans un conflit d’intérêts
en tant que tel, mais plutôt dans un contraste entre les attitudes
respectives des parties par rapport à un certain conflit d’intérêts. Les
attitudes opposées des parties, par rapport à un conflit d’intérêts
donné, peuvent consister, l’une et l’autre, dans des manifestations de
volonté par lesquelles chacune des parties exige que son propre intérêt
soit réalisé. C’est le cas d’un différend résultant, d’un côté, de la
prétention de l’une des parties et, de l’autre, de la contestation, par
l’autre partie, d’une telle prétention. Mais il se peut aussi que l’une
des attitudes opposées des parties consiste, non pas dans une manifestation
de volonté, mais plutôt dans une conduite, par laquelle la
partie, qui adopte une telle conduite, réalise directement son propre
intérêt. C’est le cas d’une prétention suivie, non pas de la contestation
d’une telle prétention, mais d’une conduite de l’autre partie
contraire à la même prétention. Et c’est le cas aussi où il y a, en premier
lieu, une conduite de l’une des parties réalisant l’intérêt de
celle‑ci : conduite à laquelle l’autre partie oppose sa protestation. » 50
21. Afin de déterminer avec certitude quelle était la situation au moment
du dépôt de la requête des Iles Marshall, il convenait d’examiner le comportement
des Parties dans la période qui avait précédé cette date et au
cours de celle qui a suivi. Premièrement, le comportement de l’Inde contre
lequel les Iles Marshall protestaient dans leur requête et leur mémoire était
son « manque[ment] … contin[u] aux obligations qui lui incombent en vertu
du droit international coutumier, en particulier à celle de mener de bonne
foi des négociations devant … déboucher sur un désarmement nucléaire » 51.
De plus, les Iles Marshall ont, dans leur requête, mentionné le programme
d’armement nucléaire que l’Inde serait en train de développer 52. Le demandeur
affirmait que ce programme visait à « accroître et à améliorer » 53
l’arsenal nucléaire de l’Inde et soutenait qu’il n’était pas conforme aux obligations
erga omnes, que lui impose le droit international coutumier, de
poursuivre des négociations conduisant au désarmement nucléaire. L’Inde,
quant à elle, invoquait son droit de conserver un arsenal nucléaire pour des
raisons de sécurité nationale et rappelait l’engagement qu’elle avait pris de
ne jamais y recourir en premier ou pour attaquer un Etat quel qu’il soit.
Elle soulignait également qu’elle avait toujours voté en faveur des résolutions
des Nations Unies préconisant des négociations internationales en vue
du désarmement nucléaire. Elle citait en outre un certain nombre de décla-
50 Sud‑Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, opinion dissidente de M. le juge Morelli,
p. 566‑567, partie II, par. 1‑2.
51 MIM, p. 8, par. 13 ; RIM, p. 11, par. 6.
52 RIM, p. 16‑24, par. 23‑34.
53 Ibid., p. 38, « Conclusions demandées », point a).
462 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
211
India’s commitment to meaningful negotiations towards nuclear disarmament.
The Marshall Islands maintains that notwithstanding its voting
patterns, India’s course of conduct consisting, on the one hand, of its
participation in the nuclear arms race and, on the other hand, its failure
to pursue multilateral negotiations towards nuclear disarmament, is
inconsistent with its obligations under customary international law. Without
prejudging the issue of whether or not India’s conduct referred to
above actually constitutes a breach of an obligation under customary
international law, (an issue clearly for the merits) the question for determination
is whether, before filing its Application against India on 24 April
2014, the Parties held clearly opposite views concerning India’s performance
or non‑performance of certain international obligations.
22. In this regard, I have taken into account relevant statements of
high‑ranking officials of each of the Parties. The Marshall Islands specifically
mentions the statements it made when it joined the NPT 54, and
those made during the 2010 NPT Review Conference, the 2013 United
Nations High‑Level Meeting on Nuclear Disarmament 55, and the
2014 Conference on the Humanitarian Impact of Nuclear Weapons 56.
The Marshall Islands argues that those statements were sufficient to make
all nuclear‑weapon States, including India, aware of the Marshall Islands
position on the matter 57.
23. First, the views of the Marshall Islands on nuclear disarmament
were clearly communicated to all nuclear‑weapon States present in New
York on 26 September 2013, at the UN High‑Level Meeting on Nuclear
Disarmament, when the Minister of Foreign Affairs of the Marshall
Islands called upon: “all nuclear weapon States to intensify efforts to
address their responsibilities in moving towards an effective and secure
disarmament” 58.
24. Secondly, on 13 February 2014, at the Second Conference on the
Humanitarian Impact of Nuclear Weapons at Nayarit, Mexico, the Marshall
Islands reiterated its position on the failure of nuclear‑weapon States
to pursue negotiations towards nuclear disarmament when it issued a
Declaration stating that :
“the Marshall Islands is convinced that multilateral negotiations on
achieving and sustaining a world free of nuclear weapons are long
54 CR 2016/1, p. 16, para. 5 (deBrum), citing: Letter dated 22 June 1995 from the
Permanent Representative of the Marshall Islands to the United Nations, together with
Written Statement of the Government of the Marshall Islands.
55 MMI, p. 9, para. 16.
56 Ibid.
57 Ibid., p. 10, para. 18.
58 Ibid., p. 9, para. 16, citing statement by Hon. Mr. Phillip Muller, Minister of Foreign
Affairs of the Republic of the Marshall Islands, 26 September 2013 (emphasis added).
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 462
211
rations faites par ses hauts responsables, tant dans des enceintes nationales
qu’internationales, rappelant sa détermination à mener de véritables négociations
en ce sens. Les Iles Marshall soutenaient que, en dépit des habitudes
de vote de l’Inde, la ligne de conduite de cette dernière — qui consistait,
d’une part, à participer à la course aux armements nucléaires et, d’autre
part, à ne pas poursuivre de négociations multilatérales en vue du désarmement
nucléaire — n’était pas conforme aux obligations qui lui incombent
au regard du droit international coutumier. Sans préjuger la question de
savoir si le comportement de l’Inde décrit plus haut constituait effectivement
un manquement à pareilles obligations (question qui, de toute évidence,
relève de l’examen au fond), le point à trancher était de savoir
si, avant le dépôt de la requête contre l’Inde le 24 avril 2014, les points de
vue des Parties étaient nettement opposés quant à l’exécution ou à la non‑exécution
de certaines obligations internationales.
22. A cet égard, j’ai examiné les déclarations pertinentes de hauts responsables
des deux Etats. Les Iles Marshall se sont expressément référées
aux déclarations qu’elles ont faites lorsqu’elles ont adhéré au TNP 54,
ainsi qu’à celles qui ont été prononcées au cours de la conférence d’examen
du TNP de 2010, de la réunion de haut niveau des Nations Unies sur
le désarmement nucléaire de 2013 55 et de la conférence sur l’impact humanitaire
des armes nucléaires de 2014 56. Elles faisaient valoir que ces déclarations
suffisaient pour que tous les Etats dotés d’armes nucléaires, y
compris l’Inde, soient informés de leur position sur la question 57.
23. Tout d’abord, les Iles Marshall ont clairement fait connaître leurs
vues à l’ensemble des puissances nucléaires qui étaient présentes à
New York le 26 septembre 2013, lors de la réunion de haut niveau des
Nations Unies sur le désarmement nucléaire, leur ministre des affaires
étrangères ayant appelé « tous les Etats dotés d’armes nucléaires à intensifier
leurs efforts pour assumer leurs responsabilités en vue d’un désarmement
effectif réalisé en toute sécurité » 58.
24. Ensuite, le 13 février 2014, lors de la deuxième conférence sur l’impact
humanitaire des armes nucléaires, tenue à Nayarit, au Mexique, les
Iles Marshall ont réaffirmé leur position selon laquelle les Etats dotés
d’armes nucléaires manquaient à l’obligation de négocier en vue du désarmement
nucléaire. Elles ont fait la déclaration suivante :
« les Iles Marshall sont convaincues que des négociations multilatérales
visant à créer et à maintenir un monde dépourvu d’armes
54 CR 2016/1, p. 16, par. 5 (deBrum), citant la lettre du 22 juin 1995 du représentant
permanent des Iles Marshall auprès de l’Organisation des Nations Unies, accompagnée de
l’exposé écrit du Gouvernement des Iles Marshall.
55 MIM, p. 9, par. 16.
56 Ibid.
57 Ibid., p. 10, par. 18.
58 Ibid., p. 9, par. 16, citant la déclaration de M. Phillip Muller, ministre des affaires
étrangères de la République des Iles Marshall en date du 26 septembre 2013 (les italiques
sont de moi).
463 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
212
overdue. Indeed we believe that States possessing nuclear arsenals are
failing to fulfil their legal obligations in this regard. Immediate commencement
and conclusion of such negotiations is required by legal
obligation of nuclear disarmament resting upon each and every State
under Article VI of the Non Proliferation Treaty and customary international
law.” 59 (Emphasis added.)
25. In my view, those statements also represent the RMI’s claim that
nuclear‑weapon States, including India, are obliged under the NPT and/
or customary international law, to pursue negotiations leading to nuclear
disarmament. India, known to be one of nine States that possess nuclear
weapons 60, was represented at that meeting. At the meeting of 26 September
2013, India was represented by Mr. Salman Khurshid, External
Affairs Minister of India ; while at the meeting of 13 February 2014 it was
represented by Mr. Ashutosh Agrawal, Deputy Head of the Indian
Embassy in Mexico. Thus, although the statements were generally
addressed to “all nuclear weapon States” and India was not singled out
for mention by the RMI, it was implicitly included in the category of
nuclear‑weapon States that were “failing to fulfil their international obligations
to carry out multilateral negotiations on achieving sustainable
nuclear disarmament”.
26. In my view, the “Nayarit Declaration” quoted above did mention
with sufficient clarity both the obligation on nuclear‑weapon States to
negotiate nuclear disarmament as well as the legal basis upon which the
Marshall Islands based that obligation, namely, “Article VI of the
Non‑Proliferation Treaty and customary international law”. In this
regard, I disagree with the findings of the majority in paragraphs 45‑48 of
the Judgment. I do not subscribe to the view that in the context of these
multilateral conferences, it was necessary for the Marshall Islands to single
out and name each of the nine nuclear States in order for it to validly
express its claim against them. A distinction ought to be drawn between a
purely bilateral setting where the applicant must single out the respondent,
and a setting involving multilateral exchanges or processes such as
the present case, where it is well known throughout the international
community, that amongst the over 191 member States to the NPT, only
59 MMI, p. 9, para. 16; CR 2016/2, pp. 32‑33, para. 19 (Condorelli), citing Marshall
Islands statement, Second Conference on the Humanitarian Impact of Nuclear Weapons,
Nayarit, Mexico, 13‑14 February 2014.
60 Since the NPT entered into force in 1970, India, Pakistan and North Korea have all
conducted nuclear tests, although they are not party to the NPT. North Korea withdrew
from the NPT in 2003. Israel is also widely presumed to have nuclear weapons although it
maintains a policy of deliberate ambiguity in this regard. NPT States that possess nuclear
weapons include the permanent five on the United Nations Security Council, namely
China, France, Russia, United Kingdom and the United States. (Belgium, Germany, Italy,
the Netherlands and Turkey are NATO nuclear‑weapon sharing States.)
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 463
212
nucléaires auraient dû être engagées depuis longtemps. Nous estimons
en effet que les Etats possédant un arsenal nucléaire ne respectent
pas leurs obligations à cet égard. L’obligation d’oeuvrer au
désarmement nucléaire qui incombe à chaque Etat en vertu de l’article
VI du traité de non‑prolifération nucléaire et du droit international
coutumier impose l’ouverture immédiate de telles négociations
et leur aboutissement. » 59 (Les italiques sont de moi.)
25. Selon moi, ces déclarations illustrent également l’allégation des Iles
Marshall selon laquelle les Etats dotés d’armes nucléaires, y compris
l’Inde, sont tenus de poursuivre des négociations conduisant au désarmement
nucléaire. L’Inde, connue pour être l’un des neuf Etats possédant
pareilles armes 60, était représentée lors de ces réunions. A la réunion du
26 septembre 2013, elle l’était par M. Salman Khurshid, son ministre des
affaires étrangères et, à celle du 13 février 2014, par M. Ashutosh Agrawal,
chef de mission adjoint à l’ambassade de l’Inde au Mexique. Ainsi, bien
que les déclarations en question aient été, d’une manière générale, destinées
à « tous les Etats dotés d’armes nucléaires » et que l’Inde n’y soit pas
spécifiquement mentionnée par les Iles Marshall, elle était implicitement
incluse dans la catégorie des Etats possédant des armes nucléaires « qui ne
respectent pas leurs obligations internationales consistant à mener des
négociations multilatérales en vue de parvenir à un désarmement nucléaire
durable ».
26. A mon sens, la « déclaration de Nayarit » précitée faisait assez clairement
référence tant à l’obligation incombant aux Etats dotés d’armes
nucléaires de négocier au sujet du désarmement nucléaire qu’à ce qui
constitue selon les Iles Marshall le fondement juridique de ladite obligation,
à savoir « l’article VI du traité de non‑prolifération nucléaire et [le]
droit international coutumier ». A cet égard, je suis en désaccord avec les
conclusions énoncées par la majorité aux paragraphes 45‑48 de l’arrêt. Je
ne puis souscrire à l’idée selon laquelle les Iles Marshall auraient dû, dans
le cadre de ces conférences multilatérales, désigner nommément chacune
des neuf puissances nucléaires pour que les demandes qu’elles avaient présentées
à leur encontre soient valables. Il convient en effet d’établir une
distinction entre un contexte exclusivement bilatéral, où le demandeur
doit identifier le défendeur, et un contexte d’échanges ou de processus
multilatéraux tel que celui de la présente espèce, où chaque membre de la
59 MIM, p. 9, par. 16 ; CR 2016/2, p. 32‑33, par. 19 (Condorelli), citant la déclaration
des Iles Marshall, deuxième conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires,
Nayarit, Mexique, 13‑14 février 2014.
60 Depuis l’entrée en vigueur du TNP en 1970, l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord,
bien que n’étant pas parties à ce traité, ont réalisé des essais nucléaires. La Corée du Nord
s’est retirée du traité en 2003. On considère généralement qu’Israël, tout en laissant délibérément
planer l’ambiguïté, détient des armes nucléaires. Les Etats parties au TNP qui
possèdent des armes nucléaires sont les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de
l’Organisation des Nations Unies, à savoir la Chine, les Etats‑Unis d’Amérique, la France,
le Royaume‑Uni et la Russie. (Quant à l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, les Pays‑Bas et la
Turquie, ce sont des Etats qui partagent des armes nucléaires via l’OTAN.)
464 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
213
nine possess nuclear weapons. To insist that the Marshall Islands should
in its statements have identified each of these States by name and mentioned
the conduct of each one that it objects to, is to apply form over
substance. Similarly, the fact that the Nayarit Declaration was made at a
conference the subject of which was the “broader question of the humanitarian
impact of nuclear weapons” does not detract from the clarity of
that statement nor of the Marshall Islands protestation against the conduct
of the nuclear‑weapon States expressed therein. That argument too
is unduly formalistic.
27. Furthermore, it has been argued that India’s public statements
both domestically and at international fora demonstrate its commitment
to negotiations towards nuclear disarmament. True as that may be, for
the purposes of demonstrating the existence of opposing views, the Marshall
Islands has made it clear that it has no issues with India’s rhetoric in
this regard. Its opposition is with regard to India’s failure to pursue in
good faith those obligations. Again, without prejudging the issue of
whether or not India’s nuclear policy is in breach of its international obligations,
the above facts clearly demonstrate that there is a course of conduct
by one of the Parties (India) to achieve its own interests, which the
other Party (Marshall Islands) meets by protest, thus crystalizing the dispute
between the Parties.
28. I have also taken into account the Parties’ conduct after the critical
date of 24 April 2014, which in my view, confirms a pre‑existing dispute.
In its Letter filed on 6 June 2014, India asserts that the Court lacks jurisdiction
to entertain the Applicant’s claims as they fall outside the scope of
its optional clause declaration and are inadmissible 61. In addition, India
reiterates its own unique stand on nuclear disarmament, stating :
“it is well‑known that India is committed to the goal of a nuclear-weapon-
free world through global, verifiable and non‑discriminatory
nuclear disarmament. India believes that this goal can be achieved
through a step-by-step process underwritten by a universal commitment
and an agreed global and non‑discriminatory multilateral
framework. It is also well‑known that pending global nuclear disarmament,
India is committed for reasons of national security and self‑defence
to building and maintaining a credible minimum nuclear
deterrent.” 62 (Emphasis added.)
61 MMI, Ann. 3: Letter of India of 6 June 2014, paras. 4‑5.
62 Ibid., para. 2.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 464
213
communauté internationale sait que, sur les 191 Etats parties au TNP,
seuls neuf possèdent des armes nucléaires. Soutenir que le demandeur
aurait dû, dans ses déclarations, désigner nommément chacun de ces
Etats et préciser, pour chacun d’entre eux, le comportement dont il tirait
grief, revient à privilégier la forme sur le fond. De la même manière, le
fait que la déclaration de Nayarit ait été prononcée au cours d’une conférence
portant sur « [la question] plus large … de l’impact humanitaire des
armes nucléaires » n’enlève rien à la clarté de cette déclaration ni à la
protestation que les Iles Marshall y ont exprimée contre le comportement
des Etats dotés d’armes nucléaires. Cet argument, lui aussi, est par trop
formaliste.
27. Il a par ailleurs été avancé que les déclarations que l’Inde a faites
publiquement, tant sur le plan interne que dans des enceintes internationales,
témoignaient de la volonté de cet Etat de négocier en vue du désarmement
nucléaire. Tel est peut‑être le cas, mais, en tout état de cause, les
Iles Marshall ont clairement indiqué, lorsqu’elles se sont efforcées de
démontrer l’existence d’une divergence de vues, qu’elles n’avaient pas
d’objection contre le discours de l’Inde en la matière ; c’est contre le fait
que celle‑ci n’ait pas poursuivi de négociations de bonne foi qu’elles
protestaient.
Là encore, sans préjuger la question de savoir si la stratégie
nucléaire de l’Inde constitue un manquement aux obligations qui lui
incombent, les faits susmentionnés montrent clairement que l’une
des Parties
(l’Inde) suivait une ligne de conduite visant à défendre ses
propres intérêts, laquelle se heurtait à l’opposition de l’autre Partie (les
Iles Marshall), cristallisant ainsi le différend entres elles.
28. J’ai également pris en considération le comportement que les Parties
ont adopté après la date critique du 24 avril 2014 et qui, selon moi,
confirme la thèse du différend préexistant. Dans sa lettre du 6 juin 2014,
l’Inde affirmait que la Cour n’avait pas compétence pour connaître des
demandes des Iles Marshall car elles n’entraient pas dans le cadre de la
déclaration qu’elle avait faite en vertu de la clause facultative et étaient
donc irrecevables 61. L’Inde rappelait également la position qui avait toujours
été la sienne en matière de désarmement nucléaire :
« on peut faire observer qu’il est de notoriété publique que l’Inde poursuit
résolument l’objectif consistant à débarrasser le monde des armes
nucléaires par un désarmement nucléaire international, vérifiable et non
discriminatoire. L’Inde estime que cet objectif peut être atteint en suivant
un processus progressif qui repose sur un engagement universel et
un cadre multilatéral convenu au niveau mondial et lui aussi non discriminatoire.
Il est tout aussi notoire que, dans l’attente de ce désarmement
nucléaire international ainsi que pour des raisons de sécurité et de
défense nationales, l’Inde s’attache à constituer et à maintenir un système
de dissuasion nucléaire minimale crédible. » 62 (Les italiques sont de moi.)
61 MIM, annexe 3 : lettre de l’Inde en date du 6 juin 2014, par. 4‑5.
62 Ibid., par. 2.
465 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
214
29. Thus while both Parties are at least in nominal agreement regarding
the desirability of a nuclear‑free world, they have different notions
regarding how and when to achieve that goal. Both Parties hold opposing
views on certain key issues. First, they disagree on the existence of an
obligation under customary international law to negotiate nuclear disarmament
and on whether India has breached that obligation 63. Secondly
they hold opposing views regarding the legality of India’s maintenance
and improvement of a nuclear arsenal for “defense purposes” and whether
it is necessarily incompatible with the alleged international obligation to
negotiate nuclear disarmament 64. Thirdly, the Parties disagree on the
nature of the alleged obligation to disarm under international law. While
the Marshall Islands considers that customary international law requires
States possessing nuclear weapons to disarm, India considers that there is
no such obligation under customary international law and that invoking
them is only a thinly veiled attempt by the Marshall Islands to impose
upon India the obligations established in the NPT, a treaty that it has
systematically rejected 65. India described the Marshall Islands’ approach
as “an abuse of process” 66. Without prejudging any of the above questions
(all of which are issues to be addressed at the merits stage), this
divergence of opinions confirms the existence of a dispute for the purposes
of determining the Court’s jurisdiction.
63 CR 2016/1, p. 31, para. 7 (Condorelli), citing paragraphs 2, 6 and 64 of the RMI
Application; CR 2016/1, pp. 31‑32, para. 8, citing paragraph 2 of the Memorial of RMI.
64 CMI, Ann. 6: Statement by Salman Khurshid, Minister of External Affairs of India,
at the High‑Level Meeting of the General Assembly on Nuclear Disarmament, 68th United
Nations General Assembly in New York, 26 September 2013.
65 For India’s consistent refusal to sign and ratify the NPT see: CMI, p. 14, para. 22
citing Documents on India’s Nuclear Disarmament Policy, Volume II, Eds. Gopal Singh
and S. K. Sharma for statements made by India’s negotiator V. C. Trivedi at the Conference
of the Eighteen‑Nation Committee on Disarmament of 12 August 1965, pp. 582‑596;
15 February 1966, pp. 612‑627; 10 May 1966, pp. 638‑646; 23 May 1967, pp. 687‑700; and
28 September 1967, pp. 706‑718; Statement by External Affairs Minister, M. C. Chagla in
Parliament on 27 March 1967, pp. 685‑687; Statements by Ambassador Azim Husain in
the Eighteen‑Nation Committee on Disarmament on 27 February 1968, pp. 724‑730 and
in the Political Committee of the United Nations on 14 May 1968, pp. 741‑755, (CMI,
Anns. 13‑20). On 5 April 1968, Prime Minister Indira Ghandi highlighted the shortcomings
of the NPT and stated that “we shall be guided entirely by our self‑enlightenment
and the considerations of national security”, statement by Prime Minister Indira Ghandi,
Lok Sabha, 5 April 1968, pp. 739‑741; see CMI, Ann. 21.
66 CR 2016/4, p. 21, para. 9 (Salve).
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 465
214
29. Par conséquent, si les deux Parties convenaient — au moins sur le
principe — qu’un monde exempt d’armes nucléaires était souhaitable,
elles avaient des positions différentes concernant le moment auquel cet
objectif devait être atteint et la manière dont il y avait lieu de procéder.
Autrement dit, elles divergeaient sur certains points essentiels. Premièrement,
elles étaient en désaccord quant à l’existence d’une obligation de
droit international coutumier imposant de négocier au sujet du désarmement
nucléaire dans ce domaine, et sur le point de savoir si l’Inde avait
manqué à cette obligation 63. Deuxièmement, elles avaient des vues divergentes
quant à la licéité du fait que l’Inde maintienne et améliore son
arsenal nucléaire « pour sa défense » et sur le point de savoir si cela était
nécessairement incompatible avec la prétendue obligation internationale
de négocier au sujet du désarmement nucléaire 64. Troisièmement, les Parties
n’étaient pas d’accord sur la nature de l’obligation de désarmement
qu’imposerait le droit international. Selon les Iles Marshall, le droit
international
coutumier exige que les Etats possédant des armes
nucléaires procèdent à un désarmement dans ce domaine, l’Inde considérant
quant à elle que pareille obligation n’existe pas et qu’il s’agissait
d’une tentative à peine voilée, de la part du demandeur, de lui imposer
les obligations énoncées dans le TNP, traité qu’elle a toujours rejeté 65.
L’Inde a ainsi qualifié l’approche des Iles Marshall d’« abus de procédure
» 66. Sans préjuger l’une quelconque des questions susmentionnées
(qui relèvent toutes de l’examen de l’affaire au fond), cette divergence
de vues attestait l’existence d’un différend aux fins de l’établissement de
la compétence de la Cour.
63 CR 2016/1, p. 31, par. 7 (Condorelli), citant les paragraphes 2, 6 et 64 de la requête
des Iles Marshall ; CR 2016/1, p. 31‑32, par. 8, citant le paragraphe 2 du mémoire des
Iles Marshall.
64 CMI, annexe 6 : déclaration faite par M. Salman Khurshid, ministre des affaires
étrangères de l’Inde, à la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le désarmement
nucléaire, 68e Assemblée générale des Nations Unies à New York, le 26 septembr
2013.
65 Concernant le refus constant de l’Inde de signer le TNP, voir : CMI, p. 14,
par. 22, citant Documents on India’s Nuclear Disarmament Policy, vol. II, Gopal Singh
et S. K. Sharma (dir. publ.), pour les déclarations faites par le négociateur de l’Inde,
V. C. Trivedi, à la conférence du comité des dix‑huit puissances sur le désarmement
tenue le 12 août 1965, p. 582‑596 ; le 15 février 1966, p. 612‑627 ; le 10 mai 1966,
p. 638‑646 ; le 23 mai 1967, p. 687‑700 ; et le 28 septembre 1967, p. 706‑718 ; déclaration
faite par le ministre des affaires étrangères, M. C. Chagla, devant le Parlement le
27 mars 1967, p. 685‑687 ; déclarations de M. Azim Husain, ambassadeur, devant le
comité des dix‑huit puissances sur le désarmement tenue le 27 février 1968, p. 724‑730,
et devant la commission politique
des Nations Unies, le 14 mai 1968, p. 741‑755 (CMI,
annexes 13‑20). Le 5 avril 1968, Mme Indira Gandhi, premier ministre, soulignait les
lacunes du TNP et déclarait : « nous serons entièrement guidés par les intérêts bien compris
de notre pays, les considérations liées à notre sécurité nationale » (déclaration du premier
ministre, Mme Indira Gandhi, Lok Sabha, 5 avril 1968, p. 739‑741) ; voir CMI,
annexe 21.
66 CR 2016/4, p. 21, par. 9 (Salve).
466 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
215
The New Criterion of “Awareness” in Determining
the Existence of a Dispute Is Alien
to the Court’s Jurisprudence
30. Hitherto, the Court has not made it a legal prerequisite for an
applicant to prove that before the application was filed, the respondent
State “was aware or could not have been unaware that its views were
positively opposed by the applicant”, before making a determination that
a dispute exists (Judgment, para. 38). This new test is not only alien to the
established jurisprudence of the Court but also directly contradicts what
the Court has stated in the past and with no convincing reasons. On every
occasion that the Court has had to examine the issue of whether or not a
dispute exists, it has emphasized that this is a role reserved for its objective
determination 67 (not that of the parties) and that that determination
must involve an examination in substance and not form, of the facts or
evidence before the Court 68. For example, the Court has categorically
stated in the South West Africa cases that :
“A mere assertion is not sufficient to prove the existence of a dispute
any more than a mere denial of the existence of the dispute proves its
non‑existence. Nor is it adequate to show that the interests of the two
parties to such a case are in conflict. It must be shown that the claim
of one party is positively opposed by the other.” 69
Also in Nicaragua v. Colombia the Court stated that, “although a formal
diplomatic protest may be an important step to bring a claim of one party
to the attention of the other, such a formal protest is not a necessary condition
[for the existence of a dispute]” 70.
31. By introducing proof of “awareness” as a new legal requirement,
what the majority has done is to raise the evidentiary threshold that will
from now on require not only an applicant, but the Court itself, to delve
into the “mind” of a respondent State in order to find out about its state
of awareness. In my view, this formalistic requirement is not only problematic
but also directly contradicts the principle in Nicaragua v. Colombia
quoted above, since the surest way of ensuring awareness is for an
applicant to make some form of formal notification or diplomatic protest.
The test also introduces subjectivity into an equation previously
reserved “for the Court’s objective determination”.
67 Interpretation of Peace Treaties with Bulgaria, Hungary and Romania, First Phase,
Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1950, p. 74.
68 Application of the International Convention on the Elimination of All Forms of
Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 2011 (I), pp. 84‑85, para. 30.
69 South West Africa (Ethiopia v. South Africa; Liberia v. South Africa), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 328.
70 Alleged Violations of Sovereign Rights and Maritime Spaces in the Caribbean Sea (Nicaragua
v. Colombia) Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2016 (I), p. 32, para. 72.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 466
215
Le nouveau critère de la « connaissance » aux fins de déterminer
l’existence d’un différend est étranger
à la jurisprudence de la Cour
30. A ce jour, jamais la Cour n’avait jugé que, pour qu’elle puisse
conclure à l’existence d’un différend, le demandeur devait démontrer que,
avant le dépôt de la requête, le défendeur « avait connaissance, ou ne pouvait
pas ne pas avoir connaissance, de ce que ses vues se heurtaient à
l’« opposition manifeste » du demandeur » (arrêt, par. 38). Non seulement
ce nouveau critère est étranger à la jurisprudence établie de la Cour, mais
encore il va directement à l’encontre de ce que celle‑ci a dit par le passé, et
ce, sans raison convaincante. Chaque fois qu’il lui a fallu rechercher s’il
existait ou non un différend, la Cour a souligné que ce point demandait à
être établi objectivement par elle 67 (et non par les parties), et que sa conclusion
à cet égard devait reposer sur un examen de fond et non de forme des
faits ou éléments de preuve qui lui avaient été présentés 68. Dans les affaires
du Sud‑Ouest africain, elle a ainsi catégoriquement indiqué ce qui suit :
« La simple affirmation ne suffit pas pour prouver l’existence d’un
différend, tout comme le simple fait que l’existence d’un différend est
contestée ne prouve pas que ce différend n’existe pas. Il n’est pas
suffisant non plus de démontrer que les intérêts des deux parties à
une telle affaire sont en conflit. Il faut démontrer que la réclamation
de l’une des parties se heurte à l’opposition manifeste de l’autre. » 69
Dans l’affaire Nicaragua c. Colombie, la Cour a en outre précisé que, « si
la protestation diplomatique officielle peut constituer un moyen important
pour une partie de porter à l’attention de l’autre une prétention,
pareille protestation officielle n’est pas une condition nécessaire » 70.
31. En introduisant le nouveau critère juridique de la « connaissance »,
la majorité a élevé le seuil requis en matière de preuve ; le demandeur mais
aussi la Cour elle‑même devront désormais sonder « l’esprit » de l’Etat
défendeur pour savoir si ce dernier avait ou non connaissance du différend.
Selon moi, cette exigence formaliste est non seulement problématique,
mais aussi en contradiction directe avec le principe énoncé dans
l’affaire Nicaragua c. Colombie précitée, puisque la meilleure manière
pour le demandeur de s’assurer que le défendeur a connaissance du différend
est de lui adresser, d’une façon ou d’une autre, une notification formelle
ou une protestation diplomatique.
67 Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie,
première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 74.
68 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84‑85, par. 30.
69 Sud‑Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 328.
70 Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes
(Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 32, par. 72.
467 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
216
32. It is also pertinent to note that paragraph 73 of Nicaragua v.
Colombia cited by the majority at paragraph 38 of the Judgment as the
basis for the new “awareness” test, merely sets out the factual assessment
conducted by the Court to determine whether a dispute existed in that
case 71, and not the legal test applicable. In paragraph 72 of Nicaragua v.
Colombia, immediately preceding, the Court had just observed that,
“although a formal diplomatic protest may be an important step
to bring a claim of one party to the attention of the other, such a
formal protest is not a necessary condition . . . in determining whether
a dispute exists or not, ‘[t]he matter is one of substance, not of
form’” 72.
It is clear that the Court in that case was not prepared to turn a specific
factual finding into a formalistic legal requirement of prior notification.
In my view, it would be inappropriate to turn what was clearly a factual
observation into a rigid legal test that was rejected by the Court in that
case.
33. Similarly, Georgia v. Russian Federation 73, also cited in the Judgment
at paragraph 38 in support of the majority view, is inapplicable and
should be distinguished. That case involved the interpretation and application
of a specific treaty (the Convention on the Elimination of All
Forms of Racial Discrimination) to which both Georgia and Russia were
party. Article 22 of that treaty (the compromissory clause conferring
jurisdiction on the Court) has an express requirement that prior to filing
a case before the Court, the contending parties must first try to settle the
dispute by negotiation or by other processes stipulated in the Convention
74. It was imperative in that case for the Applicant to prove that prior
to seising the Court, it had not only notified the Respondent of its claims
but that the two had attempted negotiating a settlement. It was therefore
71 The exact quotation of paragraph 73 is “Colombia was aware that its enactment
of Decree 1946 and its conduct in the maritime areas declared by the 2012 Judgment to
belong to Nicaragua were positively opposed by Nicaragua”. The applicable legal framework
regarding the existence of the dispute is quoted at: Alleged Violations of Sovereign
Rights and Maritime Spaces in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Colombia), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2016 (I), pp. 26‑27, paras. 49‑52.
72 Ibid., para. 72.
73 Application of the International Convention on the Elimination of All Forms of
Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 2011 (I), p. 70.
74 Article 22 of the Convention stipulated that:
“Any dispute between two or more States parties with respect to the interpretation
or application of this Convention, which is not settled by negotiation or by procedures
expressly provided for in this Convention, shall, at the request of any of the
parties to the dispute, be referred to the International Court of Justice for decision,
unless the disputants agree to another mode of settlement.”
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 467
216
32. Il convient également de noter que, au paragraphe 73 de l’arrêt
rendu en l’affaire Nicaragua c. Colombie — auquel la majorité se réfère au
paragraphe 38 du présent arrêt pour justifier l’introduction du nouveau
critère de la « connaissance » —, la Cour ne faisait qu’exposer l’analyse
factuelle à laquelle elle avait procédé pour déterminer s’il existait un différend
dans cette affaire 71 ; elle n’énonçait pas le critère juridique applicable
en la matière. Au paragraphe précédent de ce même arrêt, elle avait
d’ailleurs relevé que,
« si la protestation diplomatique officielle peut constituer un moyen
important pour une partie de porter à l’attention de l’autre une prétention,
pareille protestation officielle n’est pas une condition nécessaire
… la Cour, lorsqu’elle détermine s’il existe ou non un différend,
s’attache au « fond, et non [à la] forme » » 72.
Il apparaît donc clairement que, dans cette affaire, la Cour n’envisageait
pas de transformer une constatation spécifique en une exigence juridique
formelle de notification préalable. Selon moi, il serait inopportun de faire
de ce qui était manifestement une observation factuelle un critère juridique
strict, ce que la Cour avait alors exclu.
33. De la même manière, l’arrêt rendu en l’affaire Géorgie c. Fédération
de Russie 73, auquel il est également fait référence au paragraphe 38 du
présent arrêt pour étayer les vues de la majorité, n’était pas applicable et
doit être distingué de la présente espèce. Cette affaire avait trait à l’interprétation
et à l’application d’un traité particulier (la convention internationale
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale)
auquel la Géorgie comme la Russie étaient parties. L’article 22 de ce
traité (la clause compromissoire conférant compétence à la Cour) prévoit
expressément que, avant d’introduire une instance devant la Cour, les
parties en litige doivent d’abord tenter de régler le différend par voie de
négociation ou par d’autres moyens précisés dans la convention 74. Dans
cette affaire, il était donc impératif que le demandeur démontrât qu’il
71 La citation exacte du paragraphe 73 est : « la Colombie savait que la promulgation du
décret 1946 et son comportement dans les espaces maritimes que la Cour avait reconnus au
Nicaragua dans son arrêt de 2012 se heurtaient à l’opposition manifeste du Nicaragua ». Le
cadre juridique applicable à la question de l’existence d’un différend est décrit dans Violations
alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 26‑27, par. 49‑52.
72 Ibid., par. 72.
73 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 70.
74 L’article 22 de la convention est ainsi libellé :
« Tout différend entre deux ou plusieurs Etats parties touchant l’interprétation
ou l’application de la présente Convention qui n’aura pas été réglé par voie de négociation
ou au moyen des procédures expressément prévues par ladite Convention
sera porté, à la requête de toute partie au différend, devant la Cour internationale
de Justice pour qu’elle statue à son sujet, à moins que les parties au différend ne
conviennent d’un autre mode de règlement. »
468 nuclear arms and disarmament (sep. op. sebutinde)
217
logical that the Respondent formally be made “aware” of the Applicant’s
claim before negotiations could take place. That case is in stark contrast
to the present case where no such compromissory clause exists requiring
prior negotiations or formal notification or “awareness”. Accordingly
Georgia v. Russian Federation is, in my view, distinguishable and inapplicable
as an authority for the “awareness” test.
Conclusion
34. Based on the evidence examined above, my view is that at the date
on which the Application was filed, there existed a dispute between the
Parties concerning the alleged violation, by India, of an obligation under
customary international law to pursue in good faith and bring to a conclusion
negotiations leading to nuclear disarmament in all its aspects
under strict and effective international control.
(Signed) Julia Sebutinde.
armes nucléaires et désarmement (op. ind. sebutinde) 468
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avait, avant de saisir la Cour, non seulement notifié ses réclamations au
défendeur mais aussi que tous deux avaient tenté de négocier pour parvenir
à un règlement. Il était donc logique que le défendeur eût formellement
« connaissance » de la réclamation du demandeur avant que des
négociations puissent avoir lieu. Cette affaire se distingue nettement de la
présente espèce, dans laquelle il n’existait aucune clause compromissoire
de ce type imposant des négociations préalables, une notification formelle
ou pareille « connaissance ». Selon moi, l’affaire Géorgie c. Fédération de
Russie doit donc être distinguée de la présente instance et ne pouvait être
invoquée à l’appui du critère de la « connaissance ».
Conclusion
34. A la lumière des éléments examinés ci‑dessus, je considère qu’il
existait, à la date du dépôt de la requête, un différend entre les Parties
concernant le manquement allégué de l’Inde à une obligation de droit
international coutumier de poursuivre de bonne foi des négociations
conduisant à un désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un
contrôle international strict et efficace.
(Signé) Julia Sebutinde.

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Opinion individuelle de Mme. la juge Sebutinde

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