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CR 2016/12

CR 2016/12

Mercredi 21 septembre 2016 à 16 h 30

Wednesday 21 September 2016 at 4.30 p.m. - 2 -

12 The PRESIDENT : Please be seated. The sitting is open. The Court meet today to

hear Kenya’s second round of oral argument. I now give the floor to Professor Akhavan.

M. AKHAVAN :

O BSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LA THÈSE DE LA S OMALIE

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’ai le plaisir d’ouvrir le second

tour de plaidoiries du Kenya. Je commencerai par quelques observations générales sur les

arguments que nous avons entendus lors du premier tour de plaidoiries de la Somalie. M. Forteau

vous parlera ensuite de l’interprétation du mémorandum d’accord, suivi de M. Boyle qui se

penchera sur l’article 282 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (ci-après «la

CNUDM»), et de M. Lowe, qui examinera à la lumière de la jurisprudence de la Cour la

déclaration faite par le Kenya en vertu de la clause facultative. Notre agent vous présentera ensuite

les conclusions finales du Kenya.

2. Monsieur le président, hier, les conseils de la Somalie ont soigneusement évité la simple

question qui se pose à la Cour, à savoir : l’avant-dernier paragraphe du mémorandum d’accord

a-t-il ou non une quelconque signification ? M. Pellet a longuement parlé de tout sauf des termes

ordinaires de ce texte. Il a contesté l’interprétation qu’en donne le Kenya, mais sans expliquer ce
1
que le paragraphe pourrait bien vouloir dire d’autre . Le seul objectif du mémorandum, a-t-il

répété, est d’«accorder… non-objection» à l’égard des demandes soumises à la Commission des

limites du plateau continental (ci-après «la Commission des limites») . Dans ce cas, pourquoi les

Parties y ont-elles inclus l’avant-dernier paragraphe sur le règlement des différends ? C’est

évidente. Nul besoin de convoquer un séminaire sur le droit des traités pour répondre à cette

question. Les Parties ont inséré ce paragraphe parce qu’il fait partie intégrante de l’accord

qu’exprime le mémorandum. Leur intention était de donner au texte un effet juridique pratique.

3. Monsieur le président, on dit souvent que l’habit ne fait pas le moine, mais M. Pellet

voudrait qu’un titre fasse le traité ! Son argument peut en effet se résumer comme suit : retenez le

1
CR 2016/11, p. 16, par. 1 (Pellet).
2 Ibid., p. 21, par. 13 (Pellet). - 3 -

titre du mémorandum et oubliez le paragraphe qui dessert la thèse de la Somalie. Il ne saurait en

être ainsi.

4. Le mémorandum d’accord établit un mode de règlement cohérent en trois étapes, dont la

première est l’engagement de «non-objection» à l’égard des demandes à la Commission des

limites, la deuxième, la formulation par celle-ci des recommandations attendues, et la troisième, la

conclusion d’un accord final sur l’ensemble des zones en litige. L’expression «fera l’objet d’un

13 accord» après l’examen de la Commission est dépourvue de toute ambiguïté. Pour M. Sands, ce

n’est rien d’autre qu’une «clause standard» reflétant le paragraphe 1 de l’article 74 et le

paragraphe 1 de l’article 83 de la CNUDM . Ceux-ci disposent que la délimitation des frontières

4
maritimes «est effectuée par voie d’accord» . Le seul argument de M. Sands est que le

mémorandum ne contient aucune «clause d’exclusion» écartant la compétence de la Cour . Il est 5

toutefois évident que cela n’est pas pertinent. La réserve du Kenya s’applique dès lors qu’il existe

une procédure agréée autre que la saisine de la Cour . Rien de plus n’est requis. Conformément à

7
sa jurisprudence, la Cour donne plein effet aux réserves . Or, M. Sands a fait totalement

abstraction de cette règle d’interprétation dans son exposé, préférant appliquer un critère novateur

de son invention, à savoir que les déclarations faites en vertu de la clause facultative doivent
8
exclure la compétence «intentionnellement, d’une manière explicite et dépourvue d’ambiguïté» .

Cette nouvelle règle défie toute logique. S’il fallait que la saisine de la Cour soit expressément

exclue par le mémorandum d’accord, la réserve du Kenya serait inutile. Selon cette étrange

logique, une réserve unilatérale serait subordonnée au consentement des autres Etats. La même

logique s’appliquerait aux 34 Etats qui ont fait des réserves analogues, privant celles-ci de tout

3CR 2016/11, p. 54, par. 13 (Sands).

4 CNUDM, art. 74, par. 1 : «La délimitation de la zone économique exclusive entre Etats dont les côtes sont
adjacentes ou se font face est effectuée par voie d'accord conformément au droit international tel qu'il est visé à
l'article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice, afin d'aboutir à une solution équitable», et art. 83, par. 1 : «La
délimitation de la zone économique exclusive entre Etats dont les côtes sont adjacentes ou se font face est effectuée par
voie d'accord conformément au droit international tel qu'il est visé à l'article 38 du Statut de la Cour internationale de
Justice, afin d'aboutir à une solution équitable.»

5CR 2016/11, p. 54, par. 13 (Sands).
6
Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 240.
7
Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 452–53, par. 44 ; Incident aérien du 10 août 1999 (Pakistan c. Inde), compétence de la Cour, arrêt,
C.I.J. Recueil 2000, p. 29–31, par. 36–42 ; exceptions préliminaires du Kenya (ci-après «EPK»), par. 144.
8CR 2016/11, p. 52, par. 8 (Sands). - 4 -

effet. En réalité, M. Sands faisait écho à des propos tenus par le président de la Cour en 2010, qui

confirmaient qu’en vertu de ces réserves-là, «tout autre mécanisme de règlement des différends

convenu entre les parties l’emport[e] sur la compétence générale de la Cour». C’est parfaitement

clair. Il n’y a rien à ajouter.

5. S’agissant des arguments que le Kenya fonde sur les procédures prévues à la partie XV de

la CNUDM, M. Sands a déclaré, avec son sens habituel de la mesure, qu’ils étaient «manifestement

9
voués à l’échec» . Mais la seule raison qu’il oppose est que, selon l’article 282, la juridiction de la

Cour l’emporte en présence de déclarations faites en vertu de la clause facultative qui «concordent,

10
convergent et se recoupent» . Or, rien de tel en l’espèce. Nous avons d’un côté la déclaration de

14 la Somalie, et de l’autre, celle du Kenya. Elles ne sont pas concordantes. Ni convergentes.

L’article 282 ne trouve pas à s’appliquer. C’est, à l’évidence, la partie XV qui est pertinente ; c’est

elle qui constitue la lex specialis procédurale applicable 11 entre les Parties en ce qui concerne la

CNUDM. Cependant, point n’est besoin pour la Cour de rendre une décision d’application

générale sur la base des dispositions de la partie XV. Le mémorandum d’accord étant un accord

bilatéral instituant une procédure agréée, il suffit à exclure sa compétence à l’égard de la présente

affaire.

6. Monsieur le président, la Somalie a formulé quelques allégations factuelles sur lesquelles

il me faut revenir brièvement. Tout d’abord, M. Pellet a laissé entendre que le mode de règlement

prescrit à l’avant-dernier paragraphe du mémorandum entraînait ce qu’il appelle «des effets

pratiques … pervers», au motif que la demande somalienne ne serait pas examinée par la

Commission des limites avant 2033 , selon ses propres calculs. Il ignore apparemment que des

9CR 2016/11, p. 66, par. 48 (Sands).
10
Ibid., p. 61, par. 29 (Sands).
11 Voir, par exemple, Droit de passage sur territoire indien, fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1960, par. 44
(«Une … pratique particulière doit l'emporter sur des règles générales éventuelles») ; Licéité de la menace ou de l’emploi

d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I)p. 240, par. 25 («C’est … à la lex specialis
applicable … qu'il appartient de déterminer…») ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire
palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004(I), p. 177–178, par. 105 ; Beagle Channel Arbitration (Argentina
v. Chile) (1977), [I.L.R., vol. 52], p. 144, par. 39 (la règle generalia specialibus non derogant, en vertu de laquelle … la
disposition générale … s’efface devant … la disposition spéciale) ; Décision du 27 juin 1955 (1955), Nations Unies,
Recueil des sentences arbitrales, vol. XII, p. [388] («il est un principe juridique universel, en matière d’interprétation,
qu’en cas de conflit entre un texte général et un texte spécial, c’est le dernier qui doit l’emporter»).
12
CR 2016/11, p. 30, par. 29 et 30 (Pellet). - 5 -

objections ont été soulevées à l’égard d’au moins 16 demandes antérieures , soit environ la moitié

des communications en attente. Il ignore aussi que la Commission siège désormais durant 21

à 26 semaines par an et qu’elle a considérablement accéléré ses procédures . La demande du

15
Kenya, dont l’examen était initialement prévu en 2022, a finalement été traitée en 2014 . En tout

état de cause, la négociation d’accords de délimitation maritime nécessite aussi plusieurs années, et

dans les circonstances actuelles, un règlement immédiat n’est nullement requis. De fait, si la

Somalie était vraiment pressée de parvenir à un règlement, elle n’aurait pas soulevé d’objection à

la demande kenyane. Sa théorie alarmiste concernant les délais prolongés de la Commission ne

résiste pas à l’examen.

15 7. Ensuite, M. Reichler s’est donné beaucoup de mal pour vous présenter ce qu’il appelle des

«preuves» de «comportement ultérieur» à l’égard du mémorandum d’accord. Il vous a expliqué

que les Parties, pendant une période de quatre mois, avaient eu des discussions préliminaires sur la

délimitation maritime, ce qui démontrait de manière concluante que l’intervention de la

Commission n’était pas une condition préalable ; or, c’est pendant cette même période que la

Somalie a soulevé une objection à l’égard de la demande kenyane. Que répondre à cela ? Il est

évident que les Parties sont libres de conclure un accord frontalier quand bon leur semble, si elles y

consentent l’une et l’autre. Cependant, à défaut d’un tel consentement mutuel, la procédure agréée

établie par le mémorandum qui prévoit l’intervention préalable de la Commission reste applicable.

C’est aussi simple que cela.

13Voir, par exemple, objections soulevées par les Philippines relativement à la demande de Palau (note verbale
du 4 août 2009); objections soulevées par l’Argentine relativement à la demande du Royaume-Uni concernant notamment
les Malouines (note verbale du 20 août 2009) ; objections soulevées par l’Islande relativement à la demande du

Danemark concernant la région du plateau Féroé–Rockall (note verbale du 5 avril 2011) ; objections soulevées par le
Vénézuela relativement à la demande du Guyana (note verbale du 9 mars 2012) ; objections soulevées par le Japon
relativement à la demande de la Chine concernant un secteur de la mer de Chine orientale (note verbale
du 13 août 2013) ; objections soulevées par le Japon relativement à la demande de la République de Corée (note verbale
du 28 août 2013) ; objections soulevées par la Colombie, Panama et le Costa Rica relativement à la demande du
Nicaragua concernant le secteur sud-ouest de la mer des Caraïbes (notes verbales du 23 septembre 2013 et
du 5 février 2014) ; objections soulevées par la République démocratique du Congo relativement à la demande de
l’Angola (note verbale du 11 avril 2014) ; objections soulevées par la France relativement à la demande du Canada (note
verbale du 17 décembre 2014) ; objections soulevées par les Etats-Unis d’Amérique relativement à la demande des
Bahamas (note verbale du 12 novembre 2014) ; objections soulevées par le Canada relativement à la demande de la
France concernant St-Pierre-et-Miquelon (note verbale du 3 septembre 2014).
14
Décision concernant le volume de travail de la Commission des limites du plateau continental, vingt et unième
réunion, doc. SPLOS/229, 16 juin 2011.
15Etat d’avancement des travaux de la Commission des limites du plateau continental, déclaration du président,

18 avril 2016, CLCS/93, par. 42. - 6 -

8. Outre que l’on pourrait dire que son argument aussi est «voué à l’échec», M. Reichler

s’appuyait sur des documents qui confirment en réalité que le Kenya a toujours vu la négociation

comme étant le mode de règlement prescrit par le mémorandum. Permettez-moi de revenir

rapidement sur ces documents. Je rappellerai, ce faisant, le numéro des onglets du dossier de

plaidoiries de la Somalie sous lesquels ils figurent. Le résumé de la présentation faite par le Kenya

o
à la Commission des limites en 2009 (onglet n 9) était supposé vous démontrer qu’en concluant le

mémorandum, les parties s’engageaient exclusivement à «ne pas faire objection» à l’examen de

16
leurs demandes respectives . Or, dans la phrase qui suit immédiatement celle qui vous était citée,

la déléguée kenyane, Mme Nkoroi, confirme qu’«au moment opportun un mécanisme ser[a] mis en

place pour mener à terme les négociations sur la frontière maritime avec la Somalie»,

conformément au mémorandum d’accord. Il en va de même pour le résumé de la demande que le
o
Kenya a soumise à la Commission en 2009 (onglet n 10). Il y est fait référence au mémorandum

ainsi que, juste avant, au paragraphe 4 de l’article 4 de la loi kényane de 1989 sur les espaces

maritimes, qui dispose que «la zone économique exclusive entre le Kenya et la Somalie sera

délimitée … conformément à un accord conclu entre le Kenya et la Somalie sur la base du droit
17
international» . La déclaration ministérielle conjointe de 2013 (onglet n 11) montre quant à elle

que les Parties s’accordaient sur «la nécessité de réfléchir aux modalités de la démarcation

maritime à entreprendre» et que leurs ministres ont passé en revue «les accords précédents ainsi

que le mémorandum d’accord signé entre le Kenya et la Somalie et examiné également dans quelle

mesure ceux-ci avaient été mis en œuvre» . Autre exemple encore, la note verbale figurant sous

o
l’onglet n 20, dans laquelle le Kenya déclare que, conformément au mémorandum, la délimitation

maritime «fer[a] l’objet d’un accord» entre les Parties, rappelant par ailleurs qu’il demeure attaché

à un règlement «par voie d’accord bilatéral» et qu’il souhaite régler rapidement la question de

l’objection soulevée par la Somalie à l’égard de sa demande à la Commission . Malgré le 19

16Mémoire de la Somalie (ci-après «MS»), vol. III, annexe 61 ; CR 2016/11, p. 39, par. 21 (Reichler).

17MS, vol. III, annexe 59 ; CR 2016/11, p. 39, par. 22 (Reichler).
18
EPK, vol. II, annexe 31 ; CR 2016/11, p. 41, par. 27 (Reichler).
19MS, vol. III, annexe 50 ; CR 2016/11, p. 49, par. 50 (Reichler). - 7 -

16 non-respect du mémorandum par la Somalie, le Kenya est resté convaincu que la délimitation de la

frontière maritime serait effectuée par voie d’accord.

9. Monsieur le président, les conseils de la Somalie n’ont cessé de prétendre que la voie des

négociations avait été épuisée, pour tenter de convaincre la Cour que, si elle n’exerçait pas sa

compétence en l’espèce, les Parties ne parviendraient jamais à s’entendre sur la délimitation

maritime. M. Reichler a affirmé, sans avoir l’air d’y croire lui-même, que le mémorandum était un

accord par lequel les Parties «seraient convenues de ne pas s’entendre», ajoutant qu’il faisait

«obstacle aux négociations ou à un accord rapide» . M. Sands n’a pas hésité à le qualifier

21
d’«impasse» . Quant à M. Pellet, il s’est dit «perplexe» à l’idée que ce qu’il appelle deux Etats

africains «démunis» fassent «traîner les choses» plutôt que de s’en remettre à la compétence de la

22
Cour . Rappelons que le Kenya est un pays à revenu intermédiaire selon la Banque mondiale,

mais là n’est pas la question. Quand bien même la procédure instituée par le mémorandum ne

permettrait pas aux Parties de parvenir à un accord après l’intervention de la Commission des

limites, comme le prédit la Somalie, la perspective d’un règlement négocié ne disparaîtrait pas pour

autant dans des limbes perpétuelles, car les procédures prévues à la partie XV de la CNUDM

trouveraient toujours à s’appliquer. Il resterait toujours un autre mode de règlement même si la

voie du mémorandum est épuisée, à un moment donné dans un proche avenir. Les prédictions

apocalyptiques de M. Sands, annonçant de «très graves répercussions», d’«extrêmes

conséquences», des «résultat[s] … surprenant[s]» et d’autres calamités analogues pour la Cour,

semblent être la manifestation d’une crise de grandiloquence aiguë -- mais qu’une bonne dose de

faits objectifs suffit heureusement à calmer .3

10. A ce propos, comment répondre aux reproches qui sont faits au Kenya, accusé de nourrir

une «hostilité» envers la Cour parce que son argumentation aurait «toutes les chances d’être

écartée» au fond et qui chercherait donc à «justifier la perpétuation de son comportement

24
unilatéral» -- pour reprendre les termes de M. Sands ? Il importe de souligner que la Somalie,

20CR 2016/11, p. 48, par. 48 ; p. 49, par. 51 (Reichler).

21Ibid., p. 57, par. 17 (Sands).
22
Ibid., p. 33, par. 39 (Pellet).
23Ibid., p. 56-57, par. 14 et 16 (Sands).
24
Ibid., p. 51, par. 4 (Sands). - 8 -

dans ses écritures comme dans ses plaidoiries, a passé totalement sous silence la nécessité qu’a le

Kenya de veiller à la sécurité maritime face aux terroristes chabab. Elle n’a pas contesté, ni par des

arguments ni par des éléments de preuve, que l’insécurité dans la zone frontalière posait une

menace fondamentale pour son voisin. La vérité, aussi embarrassante soit-elle pour la Somalie, est

que des centaines de civils kenyans ont été massacrés lors d’attentats terroristes, et qu’empêcher les

combattants chabab de pénétrer dans les espaces maritimes en cause est vital pour le Kenya, ainsi

que celui-ci l’a répété à plusieurs reprises. Nous ne parlons pas ici d’un différend maritime entre la

Suède et la Norvège. Nous parlons d’un contexte de grande insécurité, où la situation encore
17

fragile d’un pays  la Somalie  a une incidence directe sur son voisin  le Kenya. La Somalie

ne nie pas que la marine kenyane patrouille depuis plusieurs années dans les eaux en litige, dans le

cadre de la mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), avec l’aval du Conseil de sécurité

des Nations Unies. Face à une situation aussi complexe, peut-on reprocher au Kenya de vouloir

négocier un règlement au moyen de la procédure convenue dans le mémorandum d’accord ?

11. Monsieur le président, un dernier point appelle un bref commentaire. Mme l’agent
25
adjoint a évoqué «l’attitude mal inspirée du Kenya» à l’égard des espaces maritimes en litige.

Elle a laissé entendre que si le Kenya refusait la compétence de la Cour, c’était parce que «son

26
argumentation au fond n’[était] pas solide» . En réalité, les arguments du Kenya au fond sont très

solides, mais le fond n’est pas pertinent pour la question de la compétence. La Cour l’a clairement

établi dans l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries . Cela n’a pas non plus le moindre

rapport avec les raisons qu’a le Kenya d’insister pour négocier un règlement conformément au

mémorandum d’accord. Ce qui importe ici, c’est seulement de replacer dans un juste contexte ce

que la Somalie dénonce comme étant des actes unilatéraux. Le Kenya a exercé sa compétence dans

les eaux en cause depuis 1979 sans rencontrer d’opposition. Mme l’agent adjoint a fait observer

que la Somalie «ne souscriv[ait] pas» 28 à cette affirmation; mais aucun élément, fût-il ténu, ne

confirme cela dans le mémoire. Et pendant 30 années, jusqu’à la conclusion du mémorandum

25CR 2016/11, p. 11, par. 9 (Al-Sharmani).
26
Ibid., p. 14, par. 25 (Al-Sharmani).
27Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 452.
28
CR 2016/11, p. 11, par. 9 (Al-Sharmani). - 9 -

d’accord en 2009, la Somalie n’a pas émis la moindre protestation. Ainsi qu’il a déjà été dit, la

frontière maritime longeant le parallèle résulte de la pratique anglo-italienne à l’égard de la mer

territoriale, remontant à la période coloniale. Dans ces conditions, quel comportement raisonnable

devrait-on attendre du Kenya ? Lorsqu’un Etat exerce une compétence incontestée pendant 30 ans

et qu’un Etat voisin déclare soudain que leur frontière maritime est en litige, faut-il cesser

immédiatement toutes activités d’exploration ? En particulier celles qui n’ont qu’un caractère

transitoire -- et qui ont d’ailleurs été suspendues elles aussi ? Le Kenya a proposé à la Somalie de

conclure des arrangements provisoires de caractère pratique, conformément au paragraphe 3

commun aux articles 74 et 83 de la CNUDM. N’est-il pas injuste de lui en tenir rigueur, compte

tenu des circonstances, et de lui reprocher un comportement inapproprié ? Nous affirmons au

contraire que son comportement est exemplaire. La version fallacieuse des faits que la Somalie a

18 échafaudée au cours de la présente instance pour convaincre la Cour d’exercer sa compétence au

mépris de la réserve du Kenya est tout simplement dénuée de fondement.

12. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé.

Ce fut pour moi un honneur de plaider devant vous. Je vous prie de bien vouloir appeler

maintenant M. Forteau à la barre.

The PRESIDENT: Thank you, Professor. I give the floor to Professor Forteau.

Mr. FORTEAU

THE INTERPRETATION OF THE 2009 MOU

1. Thank you, Mr. President. Mr. President, Members of the Court, my task this afternoon is

to return to the interpretation of the 2009 MOU. Rest assured, Mr. President, I am not about to

embark on a lecture on the rules applicable to treaty interpretation. I shall merely apply them to the

case at hand, by accurately comparing them to the evidence in the case file — something which

Somalia has failed to do. I will then deal in turn, in response to our opponents’ arguments, with the

context in which the MOU was concluded (I), its scope (II), and the commitments contained - 10 -

therein (III) — it being understood that, contrary to what was suggested by my very dear friend

29
Professor Alain Pellet , the MOU is most definitely a treaty.

I. The context in which the MOU was concluded

2. Let us start with the context in which the MOU was concluded and, more specifically,

with its travaux préparatoires, in the true sense of the term. As is often the case with bilateral

agreements — in contrast to multilateral treaties — the travaux préparatoires of the 2009 MOU are

30
not particularly voluminous . This Court stated in 1995, in the Qatar v. Bahrain case, that, in such

instances, when the material is “fragmentary”, “whatever may have been the motives of each of the

Parties, the Court can only confine itself to the actual terms of the [agreement] as the expression of

19 their common intention . . .” . This, then, takes us back to the text of the treaty, which I shall

come to in a moment.

3. That said, there are, nonetheless, two key elements in the travaux préparatoires of the

2009 MOU that are completely overlooked by Somalia:

 one, the penultimate paragraph of the MOU, regarding delimitation, appeared in earlier

versions of the draft Memorandum; when reading this paragraph, the Parties could not have

misunderstood its meaning or its scope, and yet neither asked for it to be removed from the

draft; this is highly significant;

 two, in the second version of the draft Memorandum, the penultimate paragraph referred to the
32
“area under dispute”, in the singular ; in the final version, it was decided to refer to the

“areas under dispute”. This move from the singular to the plural necessarily has legal

significance.

4. Mr. Reichler, for his part, did not mention anything in the travaux préparatoires which

would contradict the content of the MOU’s penultimate paragraph. He simply made vague

references to the so-called context in which the MOU was concluded, offering a distorted reading

29
CR 2016/11, pp. 17-18, para. 6 (Pellet).
3See Preliminary Objections of Kenya (POK), Anns. 6 to 10.
31
Maritime Delimitation and Territorial Questions between Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain), Jurisdiction
and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 1995, pp. 21-22, para. 41.
32
See the letter from the Registry of the Court, dated 23 March 2016, transmitting Norway’s letter of
21 March 2016. - 11 -

33
of certain documents , as demonstrated by Professor Akhavan a few moments ago. On the other

hand, Mr. Reichler

 failed to respond to the evidence cited by Kenya in its first round of oral argument showing that

the precise circumstances in which the MOU was concluded support Kenya’s interpretation ; 34

 he also failed to mention evidence which proves that the 2009 MOU was concluded not solely

for the purposes of delineation, but also for the purposes of delimitation. In its Note Verbale of

17 August 2011, for example, Norway made an explicit link between the delimitation of the

35
20 Parties’ maritime areas and the conclusion of the 2009 MOU . Likewise, in its Memorial,

Somalia presented the MOU as forming part of “[t]he Parties’ efforts to negotiate a maritime

36
boundary agreement” . What is more, Mr. Reichler was once again unable to cite a single

document which would convincingly establish that the MOU was supposed to have nothing to

do with delimitation.

II. The scope of the MOU

5. I come now, Mr. President, to the scope of the 2009 MOU. As we know, the MOU’s

penultimate paragraph contains two plural forms: it refers to “the delimitation of maritime

boundaries in the areas under dispute”. According to Alain Pellet, these two plurals, however,

have no legal effect, since, he argues, the singular and the plural forms can be “used

37 38
interchangeably” in a treaty. For a jurist with a love of Racine and Baudelaire , this is a very

curious way of interpreting a treaty text!

39
6. It is clear, despite what Professor Sands says , that the use of these two plurals has legal

significance: it is intended to indicate that the commitment set out in the penultimate paragraph of

the MOU concerns the delimitation of all the maritime areas of the two Parties. What is more, this

interpretation is confirmed by other evidence.

33
CR 2016/11, p. 34 et seq., para. 5 et seq. (Reichler).
3See CR 2016/10, pp. 43-45, paras. 30-34 (Forteau).

3POK, Vol. II, Ann. 4, pp. 24-25.

3Memorial of Somalia (MS), para. 3.36 et seq.
37
CR 2016/11, p. 24, para. 18 (2) (Pellet).
3Ibid. p. 16, para. 2 (Pellet).

3Ibid., p. 55, para. 14 (4) (Sands). - 12 -

7. First, Somalia’s claim over the continental shelf happens to have been presented by

Somalia as being inseparable from its claim over the territorial sea and over the areas up to a

distance of 200 nautical miles. The 1972 Law on the Somali Territorial Sea in fact groups all of the

areas up to a distance of 200 nautical miles together, as if they were one single maritime area,

40
regarding them all as forming part of its territorial sea .

8. Somalia has not mentioned the 1972 Law in its dealings with the Court, save for implying
21
41
in its Memorial that it had been repealed in 1988 . However, three pieces of evidence suggest

otherwise:

 in 2011, Norway referred to the 1972 Law, pointing out that it needed to be brought into line

42
with international law, which means that it was apparently still in force at that time ;

 in its preliminary information submitted to the CLCS seven days after the conclusion of the

43
MOU, Somalia itself made reference to its 1972 Law ;

 and when in June 2013, four years after the conclusion of the MOU, Somalia refused to enter

into negotiations with Kenya regarding the maritime delimitation, Somalia stated, in explicit

connection to the MOU, that “[t]he government’s position” on the matter “is” the 1972 Law,

which “defines Somali territorial sea as 200 nautical miles and continental shelf” . 44

9. Furthermore, it is well known that in contemporary international law, the various maritime

areas are “interrelated” as regards their delimitation, as underlined by the Court on a number of

45
occasions . This is particularly true when, as in this case, a single line of delimitation is claimed,

which starts at the Parties’ coasts and runs until the extended continental shelf. In such instances, it

is clear that the various parts of the delimitation are interdependent and must therefore be carried

4See MS, Vol. II, Ann. 9.

4Ibid., Vol. I, para. 3.3.
42
POK, Vol. II, Ann. 4, p. 23.
43
See MS, Vol. III, Ann. 66, section 3.
4POK, Vol. II, Ann. 33.

4See, in particular, Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria:
Equatorial Guinea intervening), Judgment, I.C.J. Reports 2002, p. 441, para. 287. - 13 -

out as a whole . In its Written Statement, Somalia further admitted that it was not possible to

47
separate the various components of the delimitation .

10. Under these circumstances, it is clear that, as regards the areas under dispute between the

22 Parties, the commitment contained in the penultimate paragraph of the 2009 MOU covers the

delimitation of all their maritime areas. This is what the use of the two plurals expressly confirms.

III. The commitments made under the MOU

11. I come now, Mr. President, to the commitments made in the 2009 MOU. According to

Professor Pellet, the interpretation of a treaty implies “not . . separat[ing] from one another the four

key elements set out in Article 31 [of the Vienna Convention]: text, object and purpose, context

48
and subsequent practice” . The problem is that Somalia itself separates the most important of

those four elements — the text of the treaty!

12. In order to achieve this, Somalia uses a ploy that will not fool the Court. It begins by

49
postulating that the 2009 MOU has only one object and purpose — delineation ; on the basis of

that premise, it then endeavours to dismiss the penultimate paragraph of the 2009 MOU, on the

simple pretext that it concerns delimitation and not delineation.

13. This pseudo-legal reasoning is of course flawed.

14. First, as regards its consequences, Somalia’s reasoning does not result in an

interpretation, but deprives of effect a provision of the treaty on the simple pretext that it is not

compatible with the treaty’s object and purpose as defined by Somalia, which is, of course,

prohibited by the law governing treaty interpretation.

15. Second, as regards method, it is clear that to piece together the object and purpose of a

treaty, one cannot simply pick from its text at will, laying emphasis on certain phrases so as better

to overlook others, in a selective manner, as Professor Alain Pellet did yesterday. International law

demands that the MOU be read faithfully and as a whole.

46
See CR 2016/10, p. 39, para. 19 (Forteau).
47WSS, para. 3.70; see also MS, Vol. III, Ann. 51, p. 2.
48
CR 2016/11, p. 19, para. 8 (Pellet).
49
Ibid., p. 13, para. 21 (Al-Sharmani); p. 55, para. 14 (2) (Sands); WSS, paras. 1.7-1.8. - 14 -

16. Before briefly embarking on such an exercise, I would like to make one preliminary

remark. It appears that between its Written Statement and its oral argument, Somalia has changed

its strategy towards interpretation. In its Written Statement, it maintained the untenable position
50
23 that the 2009 MOU has nothing to do with delimitation . Somalia’s position now appears to be

more nuanced: Professor Pellet acknowledged that, “[t]rue enough”, the MOU contains a provision

51
relating to delimitation . In fact, it was hard to deny. What this means is that, however Somalia

attempts to define the object and purpose of the treaty, it will always come up against the same

obstacle: the penultimate paragraph exists and, since pacta sunt servanda, there is no way, and no

reason, to deprive it of its legal effect.

17. Somalia’s new theory is that the MOU’s only effect on delimitation is that delineation is

52
“without prejudice to . . . delimitation” . Yet this new interpretation of the MOU is in flagrant

contradiction with its text.

18. As you will recall, the 2009 MOU, which appears at tab 2 of your folder, is composed of

seven paragraphs.

19. You will first note that the MOU is distinct in that it begins and ends with a clause

relating to delimitation. In the second paragraph of the MOU, the Parties agree to consider that a

dispute exists with respect to delimitation; in the sixth paragraph, they establish the procedure to be

followed for delimitation, relating it to delineation. This is an important element, which shows that

the commitments assumed in respect of delineation are related to the issues concerning

delimitation. Moreover, it is evident that it is because the Parties note, in the second paragraph,

that there is a dispute relating to delimitation, that they establish a procedure for settling

delimitation in the sixth paragraph. The structure of the MOU thus confirms that it concerns both

delimitation and delineation.

Slide 1: paragraph 3 of the 2009 MOU (“The two coastal States . . .”)

20. In the first sentence of the third paragraph of the MOU, the Parties begin by adopting the

wording of Article 76, paragraph 10, of the Montego Bay Convention, that is to say that delineation

50
WSS, paras. 1.7-1.8.
51CR 2016/11, p. 22, para. 13 (Pellet).
52
Ibid., p. 25, para. 20 in fine (Pellet). - 15 -

24 is without prejudice to delimitation. In Somalia’s view, the analysis should stop there — the

exclusive object and purpose of the MOU are this: to state solely that delineation is “without

prejudice to delimitation” .

21. But one must naturally read the rest of the text, which contains important additions and

details that Somalia ignores. A little further on in the same paragraph, the Parties introduce a

second element: “the establishment of the outer limits of the continental shelf beyond 200 nautical

miles” is “without prejudice to the future delimitation of the continental shelf”. This detail echoes

the procedure agreed in the penultimate paragraph, that is, that the Parties decided to establish a

certain temporal link between the procedures. Moreover, it can be inferred from the second

sentence of the same paragraph that the priority for the Parties, in terms of their interest, at the time

they concluded the MOU was delineation rather than delimitation. This element also explains the

order of priority chosen for the procedure agreed in the penultimate paragraph of the MOU.

Slide 2: paragraph 4 of the 2009 MOU (“Before 13 May 2009 . . .”)

22. In the fourth paragraph, the same element is reiterated, and even specified: the

penultimate sentence states that Somalia’s submission to the CLCS will be “without prejudice to

the future delimitation of maritime boundaries”. Once again, and this time with regard to

Somalia’s submission, we find this temporal link between the steps of the delineation and

delimitation process.

Slide 3: paragraph 5 of the 2009 MOU (“The two coastal States agree . . .”)

23. Paragraph 5 continues this crescendo: its last sentence provides that not only the Parties’

submissions, but also “the recommendations approved by the Commission . . . shall be without

prejudice to the future delimitation of maritime boundaries . . .”. This paragraph necessarily means

that delimitation is understood as having to take place after the recommendations are approved.

24. All of this shows that the first five paragraphs of the MOU prefigure the commitment

assumed in the penultimate paragraph. That in itself shows that, contrary to what our opponents

54
25 claim , all of the paragraphs of the MOU are interdependent and point in the same direction: the

53
CR 2016/11, pp. 22-23, para. 15, first point (Pellet).
54Ibid., p. 23, para. 16 (Pellet). - 16 -

object and purpose of the MOU is to organize, in an orderly manner, the procedures for delineation

and delimitation.

Slide 4: paragraph 6 of the 2009 MOU (“The delimitation…”)

25. In the light of this context, the sixth paragraph of the MOU comes as no surprise; it

follows on from the preceding paragraphs, and does so in terms that are so clear that they do not

call for any interpretation. It does not state that delimitation “should be agreed”, or that it should

be “settled”. It states that it “shall be agreed” — and there is no dispute between the Parties as to

the fact that this means that the method chosen for delimitation is negotiation.

26. Nor does the sixth paragraph of the MOU state that delineation is without prejudice to

delimitation — this was already stated in the first sentence of the third paragraph and therefore did

not need to be repeated again in the sixth paragraph. The sixth paragraph has a different object

which already appears in a different form in paragraphs 3, 4 and 5: it contains a legal commitment

under which delimitation “shall be agreed . . . after” the adoption of the CLCS’s recommendations.

In other words, the MOU provides, on the one hand, that delineation is without prejudice to

delimitation, and on the other hand and at the procedural level, that delimitation is subject to prior

delineation. One might not agree with this approach, but, in law, that is not the question: the fact

is that the Parties decided, by means of a legally binding agreement, to follow this procedure.

27. Professor Pellet tried in vain to argue that this did not prevent the Parties from

concluding an agreement before the CLCS’s recommendations were received, or even from seising

55
the Court . Of course, what one agreement has done, another can undo. But to this day, the MOU

has not been replaced with any agreement and it should therefore be given effect, since it has force

of law between the Parties. Moreover, and in any event, delimitation by means of “agreement” is

26 certainly not the same thing as judicial delimitation. From this standpoint, the MOU necessarily

excludes the jurisdiction of the Court, since the agreed procedure is to have recourse to

negotiations. What is more, the agreement to be concluded must come after the CLCS’s

recommendations have been received — this is what distinguishes it from the procedure agreed by

Ghana and Côte d’Ivoire in February 2009, for example, which, with all due respect to our

5CR 2016/11, p. 27, para. 24 (Pellet). - 17 -

56 57
opponents , is therefore not a relevant precedent in this case . This temporal requirement is a

legal condition which must also be given effect.

28. Professor Pellet ultimately claimed that the only purpose of the sixth paragraph is to

finalize the delimitation solely with respect to the terminus of the maritime boundary . This

constitutes an outright revision of the 2009 MOU on Somalia’s part, since the MOU says

absolutely nothing of the sort. It is not limited to the terminus of the maritime boundary — which

it could have specified, but does not. Its penultimate paragraph expressly provides that the

procedure that it establishes concerns “the delimitation of maritime boundaries in the areas under

dispute, including the delimitation of the continental shelf beyond 200 nautical miles”. According

to the explicit terms of the MOU, it is indeed the entire maritime delimitation which is covered by

the particular procedure agreed by Kenya and Somalia in 2009.

29. Mr. President, Members of the Court, this concludes my presentation. I thank you for

your attention, and I should be very grateful, Mr. President, if you would now give the floor to

Professor Alan Boyle.

The PRESIDENT: Thank you. I give the floor to Professor Boyle. Professor, if you please.

M. BOYLE :
27

L’ARTICLE 282 DE LA CNUDM NE DONNE PAS COMPÉTENCE À LA C OUR

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un plaisir que de

comparaître à nouveau devant vous et de répondre à mon cher ami, le professeur Sands, qui a

décidément passé bien trop de temps à lire mes travaux. Mais je serai bref, et centrerai mon exposé

sur l’article 282.

2. M. Sands a soutenu hier que l’interprétation que fait le Kenya de la réserve dont il a

assorti sa déclaration d’acceptation aurait «pour effet de saper le rôle que la Cour p[ourrait] être

5CR 2016/11, p. 35, para. 8 (Reichler).

5See Submission by the Republic of Ghana to the CLCS. Executive Summary, para. 5.2 (available at:
http://www.un.org/depts/los/clcs_new/submissions_files/submission_gha_2…).
58
CR 2016/11, pp. 26-29, paras. 23-28 (Pellet). - 18 -

59
amenée à jouer» dans le règlement des différends de délimitation maritime . Monsieur le

président, le Kenya n’est en rien hostile à la Cour, ni désireux de saper son rôle dans ce domaine.

L’argumentation de la Somalie méconnaît  et compromet, ce faisant  le régime complexe de

règlement des différends établi par la partie XV de la CNUDM, un régime qui a fait ses preuves.

La Somalie pose en effet pour acquis ce que les Etats qui ont négocié ce mécanisme entendaient

précisément éviter : faire du recours à la Cour le mode de règlement par défaut des différends

relatifs à la CNUDM. La Cour joue certes un rôle important dans ce régime, mais pas celui que la

Somalie voudrait vous faire croire.

3. La partie XV a établi ce que l’on appelle  et le terme n’est pas de moi  le règlement

des différends «à la carte», un système qui permet aux Etats de choisir l’instance qu’ils estiment la

60
plus appropriée aux fins de leur différend particulier . C’est au coprésident de la commission

chargée de définir un régime pour la convention, un diplomate kényan, que nous devons, me

semble-t-il, ce système. La saisine de la Cour n’est qu’un des modes de règlement prévus dans la

partie XV, et il est donc totalement vain de faire valoir, comme on l’a entendu hier, que

l’Assemblée générale des Nations Unies a préconisé cette voie dans certaines de ses résolutions.

Les mécanismes spécialisés de règlement des différends ont un rôle à jouer dans les relations

internationales, et si les Etats y ont recours, c’est qu’ils ont de très bonnes raisons de le faire.. La

partie XV est une composante essentielle de la CNUDM, et la Somalie, comme le Kenya, était

partie au consensus qui a permis la négociation et l’adoption de la convention en 1982 . 61

4. Les seules procédures réellement obligatoires dans la partie XV sont celles prévues par

l’article 287 et le paragraphe 1 de l’article 298 ; en substance, ce n’est qu’après  et après

seulement  avoir épuisé les procédures décrites à la section 1, et à l’expiration des délais

28 éventuellement convenus, que les parties à un différend de délimitation maritime relevant de la

CNUDM sont tenues d’accepter le mécanisme de règlement établi à la section 2 de la partie XV.

59
CR 2016/11, p. 53, par. 10 (Sands).
60Art. 287.
61
Publication des Nations Unies, The Law of the Sea: UN Convention on the Law of the Sea (New York, 1983),
introduction, p. xx-xii ; troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, règlement intérieur,
A/CONF.62/30/Rev.3 (1974), et acte final, partie V, A/CONF.62/121 (1982). - 19 -

5. La question fondamentale, au regard de la partie XV, est donc celle de savoir si le Kenya a

accepté la compétence de la Cour à l’égard du présent différend. Nous ne contestons pas que

l’article 282 s’applique dès lors que les parties à un différend concernant la convention ont

clairement accepté la compétence de la Cour par des déclarations concordantes faites en vertu de la

clause facultative, cette priorité accordée à la Cour l’emportant alors sur toutes les autres

procédures prévues à la section 2. Tous les auteurs cités hier par M. Sands s’accordent sur ce point

parfaitement évident. Toutefois, aucun d’entre eux  je dis bien aucun, moi y compris 

n’abordait la question qui se pose en la présente affaire : l’article 282 trouve-t-il à s’appliquer en

présence d’une déclaration d’acceptation assortie d’une réserve comme celle du Kenya, qui

privilégie d’autres procédures convenues ? Permettez-moi d’insister : aucun des juristes cités par

M. Sands n’a même mentionné ce point. Peut-être la négative leur semblait-elle, comme à moi,

tellement évidente que la question ne méritait tout simplement pas que l’on s’y arrête. Voici

toutefois, pour vous donner une idée, ce que se contente de dire le juge Treves :

«[e]n vertu de l’article 282, s’agissant des différends entre Etats ayant accepté la
compétence de la Cour en vertu de la clause facultative, la priorité juridictionnelle
ainsi conférée au détriment du Tribunal international du droit de la mer s’applique à

tous les cas 62 compétence obligatoire «prévus» dans la partie XV de la
convention» .

Certes, mais cela revient simplement à poser la question ; certainement pas à y répondre.

6. La Somalie affirme que, lorsqu’une déclaration a été faite en vertu du paragraphe 2 de

l’article 36 du Statut, seule une exclusion intentionnelle et dépourvue d’ambiguïté permet

d’écarter la compétence de la Cour. Elle soutient que le Kenya aurait pu et aurait dû exclure

explicitement les différends de délimitation maritime dans sa réserve , et que, faute pour lui de

l’avoir fait, celle-ci ne couvre pas de tels différends et ne trouve donc pas à s’appliquer en la

présente espèce. Cette absence de précision rendrait, selon elle, la déclaration d’acceptation

applicable, ainsi que l’article 282, et donnerait donc compétence à la Cour.

62T. Treves, «Conflicts between the ITLOS and the ICJ», NYU Journal of Int Law & Pol (1999), vol. 31, p. 812
[traduction du Greffe].

63CR 2016/11, p. 54, par. 14 (Sands). - 20 -

29 7. Cette interprétation, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, va à

64
l’encontre de votre jurisprudence sur le paragraphe 2 de l’article 36 . Et jusqu’où faudrait-il

pousser l’explicitation pour n’être pas taxé d’imprécision ? Supposons qu’il existe entre la Somalie

et le Kenya un différend au titre d’un accord relevant de l’OMC : si elle était retenue, la logique de

la Somalie conduirait à considérer que la déclaration qu’a faite le Kenya en vertu du paragraphe 2

de l’article 36 confère compétence obligatoire à la Cour à l’égard des différends relatifs à l’OMC,

alors même que celle-ci dispose d’un mécanisme élaboré et spécialisé de règlement qui lui est

propre. La Somalie prétend-elle réellement que, à moins qu’un Etat n’ait assorti de réserves

autrement plus précises et explicites sa déclaration d’acceptation de la juridiction de la Cour, c’est

celle-ci qui prévaut ? Aucune juridiction n’a jamais retenu pareille interprétation.

8. Imaginons maintenant un différend opposant deux Etats à propos d’activités conduites

dans les grands fonds marins. Selon la partie XI de la CNUDM, ce différend devrait relever de la

65
compétence de la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins . Mais en

sera-t-il vraiment ainsi ? Si l’on retenait la thèse de la Somalie, la déclaration du Kenya fonderait

la compétence obligatoire de la Cour à l’égard de ce différend du simple fait qu’elle ne l’exclut pas

explicitement. Voilà qui ne manquerait pas de surprendre les Etats parties à la CNUDM.

9. La Somalie décrit ensuite un système en boucle, où la réserve kényane et l’article 282

66
renvoient sans fin l’un à l’autre en se rendant mutuellement inopérants . L’idée est certes

amusante, mais, ainsi que l’ont déjà fait observer mes collègues, la partie XV de la CNUDM a,

vis-à-vis du Statut de la Cour, la valeur de lex specialis. Dans son rapport sur la fragmentation du

droit international, la Commission du droit international a relevé que «[l]’idée que le particulier

l’emporte sur le général a une longue histoire en doctrine…». Se référant à Grotius, elle offre deux

64
Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 454, par. 49 : la Cour interprète une déclaration, y compris les réserves qui y figurent «d’une manière naturelle et
raisonnable, en tenant dûment compte de l’intention de l’Etat concerné à l’époque où ce dernier a accepté la juridiction
obligatoire de la Cour», et p. 453, par. 44 : les conditions ou réserves, «de par leur libellé, n’ont … pas pour effet de
déroger à une acceptation de caractère plus large déjà donnée. Elles servent plutôt à déterminer l’étendue de
l’acceptation par l’Etat de la juridiction obligatoire de la Cour ; il n’existe donc aucune raison d’en donner une
interprétation restrictive.Voir également Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002)
(République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 39, par. 88 ;
Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie
c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011, p. 125, par. 131 ; Incident aérien du
10 août 1999 (Pakistan c. Inde), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 2000, p. 31, par. 42, et EPK, par. 144.
65
Art. 187, point a).
66
CR 2016/11, p. 64, par. 43 (Sands). - 21 -

raisons à cela, exposant qu’«[u]ne règle spéciale va plus droit au but … qu’une règle générale et

elle gouverne la matière plus efficacement … que les règles générales. On pourrait exprimer la

30 même chose en disant que les règles spéciales sont mieux à même de prendre en compte les

circonstances particulières» . 67

10. Grotius, si je puis dire, a parfaitement exprimé, il y a près de quatre siècles, la logique

sous-tendant la partie XV de la CNUDM. Celle-ci ne rend pas inopérant, loin s’en faut, le Statut de

la Cour. La Cour joue certes un rôle cohérent dans le cadre de la partie XV. Mais celle-ci établit un

autre système de règlement plus spécialisé et plus diversifié pour toutes les sortes de différends

relatifs à la CNUDM. La partie XV entre donc sans conteste dans les prévisions de la réserve du

Kenya prise dans son sens ordinaire. Et cette réserve doit être interprétée à la lettre : or, selon ses

propres termes, elle exclut  et a été formulée pour exclure  la compétence de la Cour à l’égard

des «différends au sujet desquels les parties en cause auraient convenu ou conviendraient d’avoir

recours à un autre mode ou à d’autres modes de règlement». Cette réserve, ainsi libellée, reconnaît

le rôle important d’autres systèmes et procédures plus spécialisés de règlement des différends . 68

11. Si la partie XV de la CNUDM offre manifestement d’autres modes de règlement plus

spécialisés, pourquoi échapperait-elle aux prévisions de la réserve dont le Kenya a assorti sa

déclaration d’acceptation de la juridiction de la Cour ? Il n’y a tout simplement aucune raison à

cela. Il est difficile de prétendre que cette réserve ne porte que sur les accords qui existaient

en 1965, date à laquelle a été faite la déclaration. Voyez son libellé : l’expression «auraient

convenu ou conviendraient» englobe bien tout accord conclu ultérieurement, comme la CNUDM.

Il est également difficile de prétendre que ce libellé ne saurait couvrir l’ensemble des modes de

règlement des différends prévus par la partie XV, et les termes «un autre ou … d’autres modes de

67
CDI, Fragmentation du droit international : difficultés découlant de la diversification et de l’expansion du droit
international, A/CN.4/L.682, 13 avril 2006, par. 60. Voir également Droit de passage sur territoire indien (Portugal
c. Inde), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1960, p. 44 («Une … pratique particulière doit l’emporter sur des règles générales
éventuelles.») ; Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 240,
par. 25 («c’est … à la lex specialis applicable … qu’il appartient de déterminer …») ; Conséquences juridiques de
l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004, C.I.J. Recueil 2004 (I),
p. 177-178, par. 105 ; Beagle Channel Arbitration (Argentina v. Chile) (1977), I.L.R., vol. 52, p. 144, par. 39 (la règle
generalia specialibus non derogant, en vertu de laquelle … la disposition générale … s’efface devant … la disposition
spéciale) ; Décision du 27 juin 1955 (1955), Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XII, p. 388 («il est un
principe juridique universel, en matière d’interprétation, qu’en cas de conflit entre un texte général et un texte spécial,
c’est le dernier qui doit l’emporter»).
68
M. Wood, «The United Kingdom’s Acceptance of the Compulsory Jurisdiction of the International Court»,
O.K. Fauchald, H. Jakhelln et A. Syse (dir. publ.), Festschrift Carl August Fleischer (2006), p. 637 ; EPK, par. 143. - 22 -

règlement» signifient clairement «autres que la Cour». Il n’y a pas de renvoi en boucle, pour

reprendre l’expression de M. Sands. La seule chose à laquelle renvoie l’article 282, ce sont les

déclarations d’acceptation de la juridiction de la Cour et autres accords qui établissent cette

compétence de manière claire et univoque à l’égard des différends relatifs à la CNUDM, et que cet

article a précisément pour objet de préserver.

12. Ne reste donc que l’argument précédent, à savoir que la réserve du Kenya n’est tout
31

simplement pas assez précise pour exclure explicitement votre compétence. Parce qu’il n’y est pas

fait mention des différends maritimes. Mais pourquoi s’arrêter là ? L’on pourrait dire aussi qu’elle

ne mentionne pas le plateau continental étendu, ni la mer territoriale, ni les récifs de corail ou la

chasse à la baleine à des fins scientifiques. A quel degré de précision M. Sands serait-il satisfait ?

Un tel argument ne saurait être sérieusement débattu entre spécialistes du droit international. Une

formulation générale peut recouvrir de nombreux cas particuliers sans qu’il soit nécessaire de les

mentionner tous. Nul besoin non plus de s’aligner sur la déclaration de l’Australie, que M. Sands

nous cite en exemple.

13. Le Kenya fait donc valoir que par sa déclaration d’acceptation, rédigée bien avant

l’adoption de la CNUDM et dans un contexte très différent, il n’a jamais eu l’intention de

reconnaître la juridiction obligatoire de la Cour à l’égard de différends relevant pleinement et sans

conteste du ressort plus spécialisé des procédures établies par la partie XV, et que l’on ne saurait

davantage voir aujourd’hui une telle intention dans le libellé clair et univoque de cette déclaration.

14. Je rappellerai, en conclusion, que l’Australie et le Japon, bien qu’ayant fait l’un et l’autre

des déclarations en vertu du paragraphe 2 de l’article 36, ont choisi de ne pas soumettre à la Cour

le différend qui les opposait dans l’affaire du Thon à nageoire bleue . Ce choix n’était peut-être

pas très avisé de la part de l’Australie, mais il montre incontestablement que la déclaration

d’acceptation de ce pays est assortie d’une réserve identique à celle du Kenya, alors que la

déclaration du Japon exclut les différends soumis à une clause obligatoire d’arbitrage ou de

règlement judiciaire. Ainsi, même ces deux Etats, qui figurent parmi les plus fervents partisans de

la Cour, reconnaissent que les régimes spécialisés de règlement des différends ont aussi un rôle à

69Affaire du thon à nageoire bleue entre l’Australie et le Japon et entre la Nouvelle-Zélande et le Japon, décision
du 4 août 2000, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XXIII, première partie. - 23 -

jouer. C’est ce même point de vue que défend le Kenya s’agissant de la compétence de la Cour à

l’égard du présent différend.

15. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, si vous n’avez pas de

question, je clos ainsi mon intervention d’aujourd’hui. Je vous prie de bien vouloir appeler à

présent le professeur Lowe à la barre.

The PRESIDENT : Thank you, Professor. I give the floor to Professor Lowe.

M. LOWE :

32 R ÉSUMÉ

1. Je vous remercie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour. Il m’échet

de résumer une fois de plus les arguments du Kenya, et de clore notre plaidoirie.

2. Au premier tour, la Somalie a avancé deux arguments.

3. Le premier, développé par M. Sands, est que l’article 282 de la convention des

Nations Unies sur le droit de la mer (la «CNUDM» ou «convention») a pour effet de soustraire le

présent différend à l’application de la partie XV et d’assurer la primauté sur cette dernière des

déclarations des Parties faites en vertu de la clause facultative, et que la Cour se trouve ainsi

compétente pour connaître de la présente instance.

4. Le second consiste à affirmer que le mémorandum n’est rien de plus qu’un accord par

lequel le Kenya et la Somalie sont convenus de ne pas s’opposer à l’examen par la Commission des

limites du plateau continental de leurs demandes respectives. Aux dires de M. Reichler, il n’était

70
pas considéré comme un accord régissant le mode de règlement du différend frontalier .

5. Je répondrai à chacun de ces arguments, puis reviendrai sur l’affirmation de la Somalie

selon laquelle la Cour devrait, pour des raisons d’opportunité, se déclarer compétente afin de ne pas

compromettre son activité future.

70CR 2016/11, p. 10-15, par. 5-25 (Reichler). - 24 -

L’article 282 de la CNUDM

6. Je commencerai par l’argument tiré de l’article 282 de la convention. M. Boyle a traité de

l’allégation de la Somalie selon laquelle «la partie XV de la CNUDM n’a pas et ne saurait avoir

d’incidence sur l’accord contraignant établi par les déclarations du Kenya et de la Somalie au titre

71
de la clause facultative, déclarations qui concordent» .

7. Or, point n’est besoin de longs raisonnements : les deux déclarations ne concordent pas.

En 1965, le Kenya a exclu de la juridiction obligatoire de la Cour les différends au sujet desquels

les parties en cause auraient convenu ou conviendraient d’avoir recours «à un autre mode ou à

d’autres modes de règlement»  «autres» que la CIJ, s’entend. Pas la Somalie. En 1989,

lorsqu’ils ont ratifié la convention, la Somalie et le Kenya sont convenus que les différends relatifs

à la délimitation maritime seraient régis par la partie XV de la CNUDM. En ne choisissant pas,

comme le leur permettait l’article 287, de s’adresser à la CIJ pour le règlement de leurs litiges, les

deux Etats ont accepté de soumettre leurs différends concernant la délimitation maritime aux

procédures visées à la partie XV  soit les modes de règlements «autres» que la CIJ. Le présent

différend entre donc dans les prévisions de la déclaration d’acceptation de la Somalie, mais pas de

celle du Kenya. C’est aussi simple que ça.

33 8. Bien entendu, si le différend entrait dans les prévisions des déclarations des deux Etats,

l’article 282 de la convention pourrait préserver la compétence de la Cour. Tel était l’argument

développé par les auteurs qu’a cités M. Sands. Mais il n’entre pas dans les prévisions de ces deux

déclarations. Le Kenya a exclu une catégorie de différends que la Somalie n’a pas écartée.

9. Au paragraphe 42 de son exposé, M. Sands a invoqué l’article 282 dans l’espoir

d’escamoter la réserve dont le Kenya a assorti sa déclaration  au motif qu’elle serait supplantée

72
ou ne «primerait» pas . Il entend vous convaincre que, si la déclaration du Kenya renvoie le

différend à l’«autre mode … de règlement» convenu dans la partie XV de la convention,

l’article 282, compris dans cette même partie, renvoie à son tour le différend devant la CIJ, par

l’effet des déclarations prétendument «convergentes» faites par le Kenya et la Somalie en vertu de

la clause facultative.

71
CR 2016/11, p. 61, par. 29 (Sands).
72Ibid., p. 63, par. 42 (Sands). - 25 -

10. La Somalie règle le problème que soulève ce perpétuel renvoi en affirmant de manière

péremptoire que «la juridiction établie par les déclarations convergentes faites en vertu de la clause

facultative a … préséance sur les procédures de règlement des différends prévues dans la partie XV

de la CNUDM» . Mais au nom de quoi ? Au nom de quoi renverser le principe, bien établi en

74
droit international , de la lex specialis ? Pourquoi un différend relatif à l’interprétation ou à

l’application d’articles de la CNUDM consacrés à la délimitation ne relèverait-il pas des

dispositions générales de la convention établissant les procédures à suivre aux fins du règlement de

différends auxquelles le Kenya et la Somalie ont souscrit plusieurs décennies après avoir accepté la

juridiction obligatoire de la Cour  en sus de constituer la lex specialis, la CNUDM n’est-elle pas

le traité postérieur au sens de l’article 30 de la convention de Vienne sur le droit des traités ?

11. La Somalie n’offre aucune réponse  elle ne met en avant aucun principe, n’invoque

aucun précédent, n’excipe pas même de questions d’opportunité, si ce n’est pour mettre la Cour en

garde contre la perte de clients potentiels auquel elle se condamnerait en faisant droit à

l’argumentation kényane, un point sur lequel je reviendrai dans un instant.

12. Mais en réalité, point n’est besoin pour la Cour de se prononcer sur cette question, car

son incompétence pour connaître de l’affaire tient fondamentalement et avant tout à une autre

raison, qui est que les Parties sont convenues de régler le différend relatif à leur frontière maritime

34 non par la voie du règlement judiciaire, mais par celle de la négociation. Tel est en effet

l’engagement qu’elles ont pris aux termes du mémorandum d’accord.

La nature du mémorandum d’accord

13. J’en viens donc au deuxième grand argument de la Somalie. Dans son mémoire, aux

paragraphes 3.38 à 3.42, la Somalie a présenté son analyse du mémorandum d’accord et reproduit

73
CR 2016/11, p. 61, par. 32 (Sands).
74 Droit de passage sur territoire indien (Portugal c. Inde), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1960, p. 44
(«Une … pratique particulière doit l’emporter sur des règles générales éventuelles») ; Licéité de la menace ou de l’emploi
d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (Ip. 240, par. 25 («C’est … à la lex specialis
applicable … qu’il appartient de déterminer [ce qui constitue une privation arbitraire de la vie]) ; Conséquences
juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 177-178, par. 105 ; Beagle Channel Arbitration (Argentina v. Chile), 1977, I.L.R., vol. 52,
p. 144, par. 39 («la règle generalia specialibus non derogant, en vertu de laquelle … la disposition générale cède le pas à

la … disposition spécifique») ; Décision du 27 juin 1955, Recueil des sentences arbitrales, vol. XII, 1955, p. 388 («il est
un principe juridique universel, en matière d’interprétation, qu’en cas de conflit entre un texte général et un texte spécial,
c’est le dernier qui doit l’emporter»). - 26 -

le libellé du paragraphe 6  le paragraphe qui prévoit que les frontières maritimes entre le Kenya

et la Somalie feront l’objet d’un accord entre les deux Etats après que la Commission des limites

du plateau continental aura formulé ses recommandations concernant leurs demandes respectives.

La Somalie n’a nullement laissé entendre que le paragraphe 6 serait superflu, étranger à l’objet du

mémorandum d’accord ou encore qu’il serait à interpréter autrement que dans son sens naturel.

14. Dans son mémoire, la Somalie contestait l’«opposabilité» du mémorandum d’accord au

motif qu’elle avait «voté contre [s]a ratification», semblant ainsi impliquer que le droit

international permettait de faire abstraction de l’existence de cet instrument.

15. La Somalie a désormais renoncé à cette position. Elle affirme à présent que le

mémorandum, dont elle semble maintenant admettre la validité juridique, est  selon les mots de

M. Reichler  un «accord visant exclusivement à ce qu’aucune des Parties ne fasse objection à

l’examen du dossier de l’autre par la Commission des limites» . 75 Tels sont, vous ont dit

MM. Reichler et Pellet, «l’objet et le but» du mémorandum d’accord.

16. Ni M. Reichler ni M. Pellet n’a évoqué la possibilité que le mémorandum ait plusieurs

buts et objets, comme c’est généralement le cas des traités. Ni l’un ni l’autre n’a expliqué

pourquoi, si le mémorandum n’était rien de plus qu’un accord de non-objection, ses auteurs ne s’en

sont pas tenus au paragraphe 5, mais en ont ajouté un sixième. Ni l’un ni l’autre n’a expliqué

pourquoi le paragraphe 6 ne pourrait être interprété suivant son sens ordinaire : les frontières

maritimes entre le Kenya et la Somalie feront l’objet d’un accord entre les deux Etats après que la

Commission des limites aura formulé ses recommandations. Pour la Somalie, le paragraphe 6,

c’est l’«éléphant dans la pièce», comme le dit l’expression anglaise : sa présence dans le

mémorandum d’accord est un mystère que l’on contemple les yeux ronds, en se grattant la tête,

sans parvenir à se l’expliquer.

17. Mais comme l’a relevé M. Forteau, le paragraphe 6 a figuré dans les versions

préliminaires du mémorandum d’accord, et il a fait l’objet d’amendements au cours du processus

de rédaction. On ne saurait prétendre que les Parties n’en avaient pas connaissance, ou ne le

considéraient pas comme pertinent ou digne d’attention. Il n’est pas complexe ni obscur — non

7CR 2016/11, p. 40, par. 23 (Reichler). - 27 -

35 plus, d’ailleurs, que le reste du mémorandum, dont le texte tout entier est concis, simple et clair. Il

n’y a aucune raison de penser que les Parties n’avaient pas conscience des obligations qui

découleraient pour elles de cette disposition, ou qu’elles auraient pu se méprendre sur l’engagement

qu’elles prenaient ainsi de fixer leurs frontières maritimes non pas en saisissant la CIJ, mais par

voie d’accord, une fois formulées que la Commission des limites aurait formulé ses

recommandations.

18. Le mémorandum d’accord impose aux Parties de rechercher un accord sur leurs

frontières maritimes. Or, selon le Kenya, un Etat ne peut mettre fin à une obligation de négocier

juridiquement contraignante simplement en se contentant de déclarer que les négociations sont au

point mort ou que leur poursuite serait vaine. En réalité, la Somalie souhaite aller au-delà et

exclure, en obtenant de la Cour une décision contraignante sur la frontière, toute possibilité de

délimitation négociée à l’avenir – une approche qui permettrait aux Etats de suspendre comme bon

leur semblerait leurs obligations juridiques de négocier.

19. M. Sands a soutenu que, quand bien même le mémorandum d’accord aurait rendu

obligatoire la tenue des négociations, celles-ci ont été épuisées . Or cette affirmation est démentie

par les faits. La Somalie prétend que les réunions bilatérales n’étaient pas d’ordre «technique» ni

«préliminaire». Mais le document de mars 2014 est le compte rendu conjoint de la toute première

rencontre entre les équipes, où chacune a exposé ses vues sur les questions de délimitation ; or, au

premier paragraphe, cette rencontre y est bien qualifiée de réunion «au niveau technique»  le

document pertinent figure à l’onglet 10 de vos dossiers de plaidoiries. Le compte rendu conjoint de

la seconde réunion, qui s’est tenue en juillet 2014, indique que les deux représentants nationaux

étaient présents en leur qualité de chefs de leurs équipes techniques respectives  je vous renvoie à

cet égard à l’onglet 11.

20. Il est vrai que des ministres ont assisté à la réunion de juillet, dans le dessein de favoriser

un climat de confiance. Mais rien n’indique que, au cours du mois qui s’est écoulé entre cette

réunion des 28-29 juillet 2014 et le dépôt par la Somalie de sa requête, le 28 août, l’un ou l’autre

d’entre eux ait évoqué cette question avec son gouvernement, afin d’arrêter une position officielle

76CR 2016/11, p. 57-59, par. 16-22 (Sands). - 28 -

 ni, a fortiori, une position définitive  sur le différend frontalier, ou que les deux

gouvernements aient communiqué sur cette question au niveau politique. C’est même le contraire

qui ressort du dossier.

21. Dans le compte rendu de la réunion de juillet, il est consigné que les Parties se

rencontreront une nouvelle fois les 25 et 26 août à Mogadiscio en vue «tenter de combler le fossé

qui [les] sépare». La note interne du Kenya en date du 8 août, qui figure à l’onglet 12 de vos

dossiers de plaidoiries, montre que les délégations «sont convenues qu’il était nécessaire, afin

36 d’aller de l’avant, d’encadrer plus précisément le déroulement des réunions» et «que la prochaine

réunion servirait à définir les principes devant présider aux négociations». A l’évidence, le 25 août

 soixante-douze heures avant que la Somalie n’introduise sa requête , les Parties continuaient

de partir du principe qu’il restait possible de combler ce fossé, et s’apprêtaient à entreprendre cette

tâche. Tel était du moins le postulat du Kenya. Messieurs Sands et Reichler ont tous deux cité une

remarque du ministre somalien des affaires étrangères en date du 5 août 2014 déclarant, à propos

de ces discussions, ne pas «apercevoir la moindre solution» , mais il n’a nullement été porté à la

connaissance du Kenya que la situation était considérée comme sans issue.

22. La Somalie a par ailleurs fait grand cas de l’absence inexpliquée du Kenya à la réunion

du mois d’août. Or, notre coagent vous en a donné les raisons : la délégation a reçu en dernière

minute l’ordre de ne pas se rendre à Mogadiscio  ordre qui résonne autrement qu’un ordre de ne

pas se rendre, par exemple, à La Haye, l’on en conviendra — car il y avait des motifs sérieux et

précis de croire que sa sécurité n’y serait pas garantie. Le Kenya aurait-il dû s’en expliquer? Oui.

Il est regrettable qu’il ne l’ait pas fait, à tous le moins dans les soixante-douze heures qui ont

précédé l’introduction de la requête ; qu’il s’en soit abstenu après le dépôt de celle-ci peut être

considéré comme reflétant l’état des relations bilatérales que la Somalie venait si brutalement de

modifier. La Somalie aurait-elle dû s’enquérir de ce qu’il était advenu de la délégation kényane ?

Peut-être. Mais tout cela ne change rien au fait qu’il restait possible de négocier, et que les Parties

s’apprêtaient à tenter de combler le fossé qui les séparait.

77CR 2016/11, p. 59, par. 22 (Sands) ; ibid., p. 47, par. 44 (Reichler). - 29 -

23. D’un point de vue objectif, rien ne permet de conclure que les discussions étaient dans

l’impasse. D’un point de vue subjectif, le Kenya demeurait disposé à participer à des discussions

sur les frontières maritimes en 2014, et il demeure disposé à le faire aujourd’hui.

24. Dans le mémorandum d’accord, la Somalie a pris l’engagement juridiquement

contraignant de fixer ses frontières maritimes avec le Kenya par voie d’accord. Elle ne peut

simplement décider de passer outre à cet engagement  comme elle n’aurait du reste pas dû passer

outre à son engagement de ne pas objecter à l’examen, par la Commission des limites, de la

demande soumise par le Kenya. La Somalie semble s’estimer libre de faire litière des deux

engagements qu’elle a contractés au titre du mémorandum d’accord, en les traitant tous deux

comme «non opposables».

37 Economie générale du règlement des différends

25. Enfin, Monsieur le président, permettez-moi de revenir sur un autre volet de

l’argumentation de la Somalie. Celle-ci a tenté de frapper les esprits en agitant la menace «de très

graves répercussions» 78 et de conséquences «extrêmes … qui n’avaient certainement pas [été]

79
prévues» , dans l’hypothèse où son interprétation des faits et droits ne serait pas retenue. Elle

prédit que la Cour serait privée de compétence à l’égard de nombreuses affaires.

26. Nous ne supposons bien sûr pas un seul instant que la décision de la Cour puisse d’une

quelconque façon être motivée par le souci d’étendre sa compétence ou d’augmenter le nombre

d’affaires inscrites à son rôle, mais cet argument n’en appelle pas moins une réponse.

27. Je commencerai par relever que tous les mécanismes ne permettent pas de régler avec un

même degré d’efficacité tous les différends. Tel litige se prêtera mieux à tel mode de règlement

qu’à tel autre.

28. Ainsi, il sera peut-être plus judicieux de soumettre un différend mettant en cause

l’adéquation ou l’opportunité de mesures destinées à lutter contre la pollution ou à assurer la

conservation de ressources halieutiques à un tribunal composé non pas exclusivement de juristes,

mais également de scientifiques et d’experts techniques, tel que prévu à l’annexe VIII de la

78
CR 2016/11, p. 57, par. 16 (Sands).
79Ibid., p. 56, par. 14 (Sands). - 30 -

CNUDM. Dans le cas d’un différend relatif à la délimitation maritime mettant en jeu non

seulement l’emplacement de la ligne frontière, mais également des arrangements transfrontaliers

visant à garantir le maintien de l’ordre, il sera peut-être préférable de recourir à la négociation

plutôt qu’à une instance judiciaire internationale.

29. C’est pourquoi la CNUDM, par exemple, autorise les Etats parties à choisir entre

différents mécanismes aux fins du règlement des différentes catégories de litiges liés à la

convention  selon le système que M. Boyle a qualifié de «à la carte». Vous trouverez aux

articles 279 à 287, et 297 à 299 de la CNUDM les dispositions pertinentes, qui prévoient, entre

autres modes de règlement, le recours à l’arbitrage, à un arbitrage spécial «technique», à la

conciliation volontaire ou obligatoire, au Tribunal du droit de la mer, ou à la Cour.

30. Il en va de même devant la Cour de céans: un Etat peut décider à l’avance que toutes les

catégories, tous les différends d’un certain type pourront être soumis à votre haute juridiction à la

demande de l’une des parties en cause. Il pourra le faire en formulant une déclaration en vertu de

la clause facultative ou en acceptant d’être lié par la clause compromissoire d’une convention.

Mais il pourra aussi, en joignant à sa déclaration d’acceptation des réserves, et en s’abstenant de

signer certains traités, choisir d’exclure de la compétence de la Cour les différends relevant d’une

catégorie donnée. Ou bien décider au cas par cas, en s’abstenant de faire pareille déclaration. Ou

38 encore assortir son acceptation de la juridiction de la Cour de conditions  des restrictions de

nature temporelle, par exemple.

31. C’est à chaque Etat de décider du mécanisme par lequel tel ou tel différend sera réglé. Et

force est de constater qu’au cours du dernier siècle, les frontières maritimes ont bien plus souvent

été fixées par voie de négociation que par décision judiciaire  ce qui nous donne assurément une

indication du mécanisme que les Etats jugent le plus adapté et le plus satisfaisant à cet effet. A

l’heure où la tendance, dans la communauté juridique, est de promouvoir le recours aux procédures

de règlement non judiciaires, en lieu et place de la procédure contentieuse, la Somalie semble

naviguer à contre-courant. - 31 -

32. M. Sands a aussi affirmé que le mémorandum était libellé en des termes «standard», et

que, s’il a pour effet d’écarter la compétence de la Cour, l’obligation d’effectuer la délimitation

maritime par voie d’accord prévue aux articles 74 et 83 de la CNUDM aurait alors ce même effet

dans tous les cas ; or, il n’en est rien. S’il s’avère qu’un tel accord est impossible, les parties sont

libres, au regard des articles 74 et 83, de recourir à un autre mode de règlement ; c’est même une

possibilité que le paragraphe 2 de l’article 283 de la CNUDM leur impose d’envisager. Le

mémorandum d’accord a déterminé selon quelles modalités  par voie d’accord  et à quel

moment  après que la commission des limites aurait formulé ses recommandations  se ferait la

délimitation. Le moment n’est pas encore venu ; et il n’a pas été laissé aux négociations une

véritable chance d’aboutir. Voilà ce qui distingue le mémorandum d’accord des articles 74 et 83 de

la CNUDM.

33. J’observerai en second lieu que c’est à chaque Etat de décider dans quelle mesure

exactement il entend consentir à la compétence de juridictions internationales. Ce droit est

fondamental en ce qui concerne la compétence de la Cour. Ainsi qu’on peut le lire dans son propre

Guide pratique sur la reconnaissance de la compétence de la Cour internationale de Justice,

«[l]a nature de la compétence de la Cour étant strictement consensuelle, les Etats sont
libres d’inclure des réserves dans leurs déclarations... Les réserves … protègent l’Etat
déclarant  dans la mesure indiquée par les réserves  contre toute implication non
81
désirée dans les procédures judiciaires.»

34. Citant l’arrêt rendu en l’affaire des Activités armées, la Cour a de nouveau réaffirmé en

ces termes dans l’affaire Géorgie c. Russie que «les conditions auxquelles [le consentement

82
39 exprimé] est éventuellement soumis doivent être considérées comme en constituant les limites» .

Aussi n’y a-t-il pas lieu, comme vous l’avez indiqué dans l’affaire de la Compétence en matière de

83
pêcheries, de donner de ces réserves une interprétation restrictive . Les réserves ne dérogent pas à

l’acceptation plus générale de la compétence de la Cour : elles définissent les paramètres de

80CR 2016/11, p. 54, par. 13 (Sands).

81http://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/68/963&referer=/en….
82
Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo
c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 39, par. 88 ; Application de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 125, par. 131.
83
Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 452, par. 44 ; EPK, vol. I, par. 144. - 32 -

l’acceptation par un Etat de la juridiction obligatoire de la Cour, et celle-ci, lorsqu’elle les

interprète, «doit rechercher l'interprétation qui est en harmonie avec la manière naturelle et

raisonnable de lire le texte», «en tenant dûment compte de l'intention de 1'Etat concerné à l'époque

84
où ce dernier a accepté [s]a juridiction obligatoire» .

35. Entre les Etats et la Cour se conclut un pacte solennel : la Cour respecte les limites du

consentement de chaque Etat à sa juridiction et, dans ces limites, l’Etat respecte les attributions de

la Cour et les obligations qu’il tient de son Statut. Comme l’a fort justement dit l’agent adjoint de
85
la Somalie, la CIJ «rend … justice conformément au droit international» , et les limites du

consentement des Etats à sa juridiction font partie intégrante du droit international.

36. La Somalie souhaiterait vous voir remettre en question cet équilibre, et vous déclarer

compétents pour connaître d’un différend qu’elle est convenue avec le Kenya, aussi bien dans le

cadre du mémorandum que de la CNUDM, de régler par des voies autres que la saisine de la Cour.

Ce n’est pas manquer de respect envers cette institution, garante ultime de la primauté du droit au

sein de la communauté internationale, que d’espérer que la Somalie se verra intimer de s’en tenir

aux accords qu’elle a contractés et qu’il sera donné effet aux termes de la déclaration par laquelle le

Kenya a accepté la juridiction obligatoire de la Cour.

37. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, à moins que vous n’ayez des

questions à me soumettre, je conclurai là ma plaidoirie au nom de la République du Kenya, et vous

prierai d’inviter maintenant à la barre l’honorable agent du Kenya.

The PRESIDENT: Thank you, Professor. I give the floor to the Honourable

Mr. Githu Muigai, Agent of the Republic of Kenya. Your Excellency, you have the floor.

M. MUIGAI :
40

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour moi que

de m’adresser de nouveau à vous en cette instance pour présenter les conclusions finales du Kenya.

84Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998,
p. 454, par. 47, 49.

85CR 2016/11, p. 10, par. 2 (Al-Sharmani). - 33 -

2. Ainsi que je l’ai dit lundi dans ma déclaration liminaire, le Kenya a le plus grand respect

pour la Cour et est attaché au règlement pacifique des différends conformément au droit

international. En l’espèce, le défendeur et le demandeur sont cependant convenus de

recourir à d’autres modes de règlement que la saisine de la Cour, de sorte que le différend entre

dans les prévisions de la réserve formulée par le Kenya à son acceptation de la juridiction de la

Cour. Les exceptions préliminaires qu’il a soulevées sont fondées sur le principe de la bonne foi

dans l’exécution des accords internationaux et celui du respect des limites du consentement des

Etats à la juridiction de la Cour.

3. Le présent différend frontalier maritime s’inscrit dans un contexte politique sensible. La

Somalie commence juste à sortir d’une longue période d’instabilité consécutive à une guerre civile,

une catastrophe humanitaire et la forte prévalence du terrorisme. Elle est en particulier dépourvue

de moyens de police maritime. Le Kenya s’inquiète vivement de la sécurité maritime dans la

région, où les terroristes Chabab qui, se servant de la mer pour se livrer à leurs opérations, font

peser sur lui et sur ses voisins une menace permanente. Il a déjà perdu nombre de soldats dans sa

lutte contre les forces Chabab, et des centaines de civils kényans ont été tués. La délimitation de la

frontière maritime entre le Kenya et la Somalie exige que soient menées de délicates négociations

bilatérales, qui couvrent non seulement des questions purement juridiques, mais aussi nos

préoccupations bien réelles d’ordre politique et sécuritaire, ainsi que des arrangements pratiques

permettant d’y répondre. En 2014, après la période de transition marquée par l’instabilité que

venait de traverser la Somalie, nous avons engagé avec elle ces pourparlers préliminaires au niveau

technique qui ont tourné court en raison de l’introduction de la présente instance.

4. Le Kenya ne recherche nullement l’impasse ou l’incertitude perpétuelle. Nous aspirons à

trouver une solution permanente qui favorise la paix et la sécurité dans la région. Nous sommes

convaincus que cette solution sera l’aboutissement d’un processus graduel, souple et protéiforme.

Le Kenya était disposé en 2014 à discuter de la frontière maritime, et il reste prêt à poursuivre les

négociations de bonne foi. Nous persistons à croire qu’avec de la bonne volonté, les Parties

finiront par se mettre d’accord.

5. Monsieur le président, le Kenya a volontairement suspendu ses activités transitoires

d’exploration dans la zone litigieuse en gage de sa bonne foi. En mai, nous avons invité la Somalie - 34 -

à conclure des arrangements temporaires dans l’attente d’un accord sur la frontière maritime et

nous restons disposés à en discuter avec elle. Le présent différend peut être l’occasion pour nos

deux pays d’ouvrir une ère nouvelle dans leurs relations, rendue possible par leur attachement aux

accords bilatéraux. Je reste convaincu que les Parties parviendront à trouver une solution amiable
41

conforme aux obligations que leur impose le mémorandum d’accord de 2009.

Conclusions finales

6. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vais à présent donner lecture

des conclusions finales du Kenya.

«La République du Kenya prie respectueusement la Cour de dire et juger que :

elle n’a pas compétence à l’égard des demandes présentées par la Somalie contre le
Kenya, qui sont en outre irrecevables et sont en conséquence rejetées.»

7. Monsieur le président, je remercie sincèrement la Cour pour sa patience et la grande

attention qu’elle nous a accordée en la présente affaire. Je remercie également le greffier et ses

proches collaborateurs pour le professionnalisme exemplaire avec lequel ils ont conduit cette

procédure, ainsi que les interprètes, dactylographes et traducteurs du Greffe pour leur excellent

travail. Je dois malheureusement retourner au Kenya ce soir même, appelé par d’autres affaires

d’Etat urgentes. Notre coagent, Mme Muchiri, assistera toutefois à la dernière audience vendredi.

Je vous remercie de votre compréhension et présente mes sincères excuses à la Cour et à la

délégation somalienne.

8. Monsieur le président, voilà qui clôt les plaidoiries du Kenya. Je vous remercie.

The PRESIDENT: Thank you, Excellency. The Court takes note of the final submissions

which you have just read out on behalf of Kenya. Somalia will present its second round of oral

argument on Friday 23 September, at 10 a.m. The Court is adjourned.

The Court rose at 5.55 p.m.

___________

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