Traduction

Document Number
161-20160920-ORA-01-01-BI
Parent Document Number
161-20160920-ORA-01-00-BI
Bilingual Document File
Bilingual Content

Traduction

Translation

CR 2016/11

CR 2016/11

Mardi 20 septembre 2016 à 10 heures

Tuesday 20 September 2016 at 10 a.m. - 2 -

12 The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open.

The Court meets today to hear Somalia’s first round of oral argument. I now give the floor

to H.E. Ms Mona Al-Sharmani, Deputy-Agent. Your Excellency, you have the floor.

Mme AL-SHARMANI :

INTRODUCTION ET ORGANISATION DES PLAIDOIRIES DE LA S OMALIE

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est pour moi un grand

honneur et un privilège qu’il me soit donné de m’exprimer aujourd’hui devant vous en ma qualité

d’agent adjoint de la République fédérale de Somalie. Le Gouvernement somalien est également

représenté en cette instance par notre coagent, M. Ali Said Faqi, ambassadeur de Somalie au

Royaume de Belgique, et M. Ahmed Dahir, Attorney General de la République fédérale de

Somalie.

2. Permettez-moi de commencer par exprimer des remerciements. Le président de la

Somalie, M. Hassan Sheikh Mohamud, m’a personnellement chargée de vous faire part  de faire

part à la Cour tout entière  de la gratitude de la nation somalienne. C’est la première fois que la

Somalie se présente devant une cour ou un tribunal international en tant que partie. Même à ce

stade précoce de la procédure, nous avons été très touchés de l’efficacité et l’impartialité avec

lesquelles vous avez géré notre affaire, et il ne fait pour nous aucun doute que la Cour saura

 comme le veut son nom  rendre justice conformément au droit international.

3. Nous tenons également à remercier l’agent du Kenya pour les aimables paroles d’accueil

qu’il a eues hier à notre endroit, et à l’assurer, ainsi que les membres de son équipe, de nos

sentiments les meilleurs.

4. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les énormes difficultés

rencontrées par la Somalie ne sont un secret pour personne. Notre histoire récente a été marquée

par l’instabilité, la pauvreté et les conflits. Pendant de longues années, nous avons subi la guerre

civile, les désastres humanitaires et le fléau du terrorisme.

5. Mais un avenir plus radieux est maintenant à notre portée. Depuis 2012, la Somalie a un

gouvernement fédéral qui fonctionne, dirigé par le président Hassan Sheikh Mohamud. Avec le - 3 -

concours de nos partenaires internationaux, nous nous sommes dotés d’une constitution qui compte

l’état de droit et la démocratie parlementaire au nombre de ses principes fondamentaux.

6. Les institutions de l’Etat sont en voie d’être restaurées  le mois prochain auront lieu des

élections présidentielles et législatives  et la vie reprend ses droits dans des villes comme

13 Mogadiscio, Hargeissa, Bossaso, Kismayo, Galkayo, Baidoa et bien d’autres lieux. La petite

entreprise prospère. Une nouvelle génération de Somaliens est en train d’acquérir compétences et

diplômes universitaires et nombre de Somaliens de la diaspora reviennent au pays pour participer à

l’effort de reconstruction.

7. Nous mesurons combien nos frères et sœurs kényans ont contribué à cette évolution et leur

en savons immensément gré. De fait, nous tenons à remercier tous nos partenaires, africains et

autres, qui continuent à nous épauler pour faire avancer notre pays.

8. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, la Somalie est pour la première

fois en position de recourir à un mécanisme de règlement des différends internationaux pour

protéger les droits que lui confère le droit international, notamment sur des espaces maritimes et les

ressources qu’ils renferment. La Somalie étant l’un des pays les plus pauvres au monde, ces

ressources constituent pour elle un précieux patrimoine naturel, essentiel à la prospérité et la

stabilité futures du pays. Ce patrimoine est appelé à jouer un rôle crucial dans la poursuite du

développement de notre pays pour le bien de sa population.

9. Or, le fait que notre frontière maritime avec le Kenya n’est pas clairement définie limite

fortement notre capacité d’explorer ces ressources naturelles, et plus encore de les exploiter. En

l’absence d’une frontière établie, la Somalie a fait preuve de retenue et s’est abstenue de toute

activité dans la zone en litige, comportement que le Kenya n’a pour sa part malheureusement pas

adopté. Il semble considérer cette zone comme sienne. Hier, vous avez entendu son agent affirmer

que «le Kenya exer[çait], sans rencontrer la moindre opposition, sa compétence sur les eaux en

1
litige depuis … 1979» . La Somalie ne souscrit certes pas à cette déclaration, mais elle a le mérite

de bien refléter l’attitude mal inspirée du Kenya. Celui-ci a, de surcroît, accordé des concessions

dans la zone en question, et des activités d’exploration y sont déjà en cours.

1CR 2016/10, p. 7, par. 8 (Muigai). - 4 -

10. Le comportement du Kenya préoccupe vivement la Somalie. Le règlement équitable de

la présente affaire dans le respect de l’état de droit nous permettra, ainsi qu’à d’autres, de savoir ce

qui est légitimement nôtre et de réaliser pleinement notre potentiel.

11. C’est pourquoi les questions qui sont au cœur de la présente affaire passionnent tous les

Somaliens, oublieux des divergences qui peuvent par ailleurs les séparer. Je n’exagère pas en

affirmant qu’aujourd’hui, les regards de toute une nation sont braqués sur nous, et ne se

détourneront que lorsque la Cour aura rendu sa décision finale

14 12. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je sais bien que la question

qui nous amène ici aujourd’hui concerne l’exception d’incompétence soulevée par le Kenya et non

le fond de l’affaire. Nous pensons cependant  et je parle au nom du Gouvernement somalien 

qu’il est important que vous compreniez ce qui a motivé notre décision de saisir la Cour et

mesuriez à quel point la nation somalienne a placé en vous ses espoirs.

13. Hier, l’ambassadeur du Kenya, Mme Muchiri, vous a déclaré que la Somalie s’était

précipitée vers la Cour sans donner aux négociations une chance d’aboutir. Elle a laissé entendre

que l’introduction de la présente instance relevait de la mauvaise foi, allant même jusqu’à nous

2
taxer de «tromper[ie]» .

14. Avec tout le respect que je porte à la Partie adverse, je ne puis qu’exprimer la très vive

indignation qu’inspire à la Somalie cette qualification aussi malheureuse qu’erronée. Faire appel à

la justice internationale ne devrait jamais être considéré comme relevant de la mauvaise foi. Bien

au contraire, introduire une instance devant cette auguste Cour est pour nous un acte de foi : foi en

la capacité de la Somalie de défendre sa souveraineté et ses droits souverains, foi en la justice

internationale, foi en la sagesse de la Cour. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd’hui.

15. Nous ne cherchons rien d’autre que de voir le différend relatif à la frontière maritime qui

nous oppose à nos frères et nos sœurs kényans réglé définitivement et équitablement,

conformément au droit international, notamment à la convention des Nations Unies sur le droit de

la mer : ni plus, ni moins. Pareille issue servira la paix et favorisera la stabilité dans la région et

confirmera le rôle central assumé par la Cour dans le règlement des différends de ce type.

2CR 2016/10, p. 45, par. 14 (Muchiri). - 5 -

16. La Somalie ne s’est pas précipitée prématurément vers la Cour. Avant d’introduire la

présente instance, comme le montrent les éléments de preuve que nous avons versés au dossier,

nous avons négocié de bonne foi, déployant, mais en vain, des efforts et une énergie considérables.

J’ai eu personnellement l’honneur de participer à deux tours intenses de ces négociations. Il ne

s’agissait pas de simples réunions «au niveau technique» comme on vous l’a affirmé hier . De fait,

le deuxième tour était présidé par nos ministres des affaires étrangères respectifs, non moins.

17. Les discussions ont été difficiles et parfois âpres. Les positions des Parties étaient très

éloignées, inconciliables. Le Kenya tenait absolument à ce que la frontière suive un parallèle de

latitude, tandis que la Somalie était convaincue que la jurisprudence de la Cour et d’autres

juridictions internationales appelait une délimitation fondée sur le principe d’équidistance. Nous

ne sommes même pas parvenus à convenir d’une méthode de délimitation, si bien que traiter du

15 tracé de la frontière était hors de question. Un échange de vues a eu lieu, mais il n’en est rien sorti.

Ensuite, le Kenya n’a pas honoré son engagement de participer à une autre réunion  alors qu’il

avait insisté pour qu’elle ait lieu, y voyant une tentative de dernière chance  et ce, sans prévenir

ni fournir ensuite d’explication. Nous n’avons eu connaissance de ses prétendus soucis de sécurité

que lorsqu’il a déposé ses exceptions préliminaires, en octobre 2015.

18. Le conseil du Kenya a demandé hier pourquoi nous avions introduit notre requête si peu

de temps après que le défendeur eut omis de se présenter à cette réunion. La réponse est fort

simple. Ainsi que l’exposera brièvement notre conseil, il était expressément prévu que cette

troisième réunion serait celle de la dernière chance, la dernière occasion de tenter de surmonter nos

divergences. Aucun progrès n’avait été fait lors des rencontres précédente, et le Kenya continuait

de mener des activités unilatérales dans la zone en litige. Ce sentiment d’urgence a encore été

exacerbé par le fait que nous savions que le défendeur pouvait, selon les termes de sa réserve,

retirer à tout moment la déclaration qu’il avait faite en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 et,

partant, nous empêcher à jamais de saisir la Cour.

19. Dans ces conditions, la Somalie a fait ce qu’aurait fait tout Etat prudent ; elle a examiné

les possibilités qui s’offraient à elle et a cherché à parer à toute éventualité. Constatant l’absence

3 CR 2016/10, p. 40, par. 2 (Muchiri). - 6 -

inexpliquée du Kenya au troisième et dernier tour de pourparlers, nous avons estimé n’avoir d’autre

choix que de nous présenter devant la Cour afin de protéger les droits qui nous sont reconnus en

droit international.

20. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, l’exception d’incompétence

soulevée par le Kenya est, comme vous l’avez entendu hier, essentiellement fondée sur l’argument

selon lequel les Parties, en concluant le mémorandum d’accord de 2009, seraient convenues d’avoir

recours à quelque autre mode de règlement des différends au sens de la réserve dont le défendeur a

assorti sa déclaration en vertu du paragraphe 2 de l’article 36. La Somalie n’est pas de cet avis.

21. Selon nous, le mémorandum d’accord avait pour seul et unique but de garantir que rien

ne fasse obstacle à l’examen, par la commission, des demandes présentées par nos deux Etats au

sujet du plateau continental au-delà de 200 milles marins. On en trouve la confirmation dans le

titre même du document, à savoir «Mémorandum d’accord entre le Gouvernement de la

République du Kenya et le Gouvernement fédéral de transition de la République somalienne, afin

d’accorder à chacun non-objection à l’égard des communications à la commission des limites du

plateau continental sur les limites extérieures du plateau continental au-delà de 200 milles

4
16 marins» . Rien n’indique que le mémorandum visait à fixer, ou qu’il a effectivement fixé un mode

convenu de règlement des différends qui écarte la compétence de la Cour.

22. Ainsi que notre conseil vous le montrera dans la matinée, le Kenya et la Somalie n’ont

considéré à aucun moment, que ce soit avant ou après la signature du mémorandum d’accord, que

cet instrument produisait l’effet que le défendeur cherche aujourd’hui à lui attribuer. Comme je l’ai

dit, nous avons bel et bien négocié, et négocié intensément. Les éléments versés au dossier

attestent que nous avons procédé à un échange de vues détaillé sur le fond. Or, jamais, au grand

jamais, le Kenya n’a exprimé l’opinion que ces négociations ne revêtaient qu’un caractère

provisoire et qu’il fallait attendre que la commission rende ses recommandations pour conclure un

éventuel accord. Cela aurait été illogique et contraire au souhait exprimé par le défendeur de

parvenir rapidement à une solution amiable.

4Recueil des traités des Nations Unies (RTNU), vol. 2599, p. 35 (2009) ; MS, vol. III, annexe 6. - 7 -

23. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, la Somalie estime que le

Kenya ne peut penser sérieusement que le mémorandum d’accord emporte engagement

contraignant de recourir à un autre mode de règlement des différends. Il semble plutôt que le

défendeur cherche un moyen d’éviter que la Cour n’exerce sa compétence et ne rende ainsi un arrêt

contraignant. Il est difficile de ne pas en conclure que le Kenya doute de la solidité de sa cause. La

Cour n’a en effet jamais délimité une frontière selon la formule qu’il préconise, et le droit

international applicable, c’est-à-dire la convention de 1982, ne lui enjoint pas de le faire. Les

décisions rendues par d’autres juridictions ou tribunaux arbitraux internationaux ne viennent pas

davantage étayer les arguments peu plausibles du défendeur.

24. Telle pourrait bien être la raison pour laquelle le Kenya se replie à présent sur l’argument

encore plus improbable que la CNUDM elle-même constitue un accord prévoyant le recours à un

autre mode de règlement des différends au sens de la réserve dont il a assorti sa déclaration en vertu

du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut. Cet argument, qui se résumait à une seule phrase dans sa

pièce écrite, occupe maintenant une place bien plus importante dans sa défense. Comme M. Sands

le démontrera, il n’a rien perdu de sa faiblesse.

25. Le Kenya, défendu par une équipe fort compétente et expérimentée, sait que son

argumentation au fond n’est pas solide. Toutefois, s’il parvient à nous contraindre de revenir à la

table des négociations, sans espoir de recours judiciaire, il pourra refuser tout accord tant que nous

ne lui aurons pas cédé une partie considérable de notre ZEE et de notre plateau continental, ce que

ne fera jamais aucun gouvernement somalien qui se respecte. Ainsi, le défendeur peut user de son

17 plus grand pouvoir politique et économique pour nous empêcher d’accéder aux ressources qui nous

reviennent en vertu du droit international.

26. Au surplus, il n’est dans l’intérêt de personne que le tracé de notre frontière maritime

demeure incertain. Ce différend constituera en effet toujours une source de fâcheuses tensions

entre nos deux Etats, et ce, au moment même où ce dont nous avons le plus besoin est un surcroît

de coopération. S’il existe le moindre espoir de parvenir à une solution pérenne et équitable qui

favorise la paix et la sécurité dans la région, c’est ici qu’il réside, dans la grande salle de justice, et

nous nous en remettons aux éminents membres de la Cour. - 8 -

27. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’en viens à présent à

l’organisation de notre premier tour de plaidoiries. Après mon exposé, vous entendrez tout à

l’heure M. Alain Pellet, qui vous exposera pourquoi, du simple point de vue de l’interprétation des

traités, le mémorandum ne constitue pas un accord par lequel les Parties sont convenues de régler

leur différend de délimitation par la seule voie des négociations et d’attendre pour ce faire que la

commission rende ses recommandations.

28. M. Pellet sera suivi de M. Paul Reichler, qui examinera les éléments de preuve relatifs à

l’exception préliminaire soulevée par le Kenya. M. Reichler traitera des circonstances dans

lesquelles le mémorandum d’accord a été conclu et démontrera que nul n’a jamais estimé, à

quelque moment que ce soit, que cet instrument a créé — ou visait à créer — un mécanisme de

règlement des différends. Cette remarque vaut pour la Norvège, qui a joué un rôle important dans

la rédaction et la signature de ce document. M. Reichler montrera que ce dernier avait pour seul

but de permettre à la commission d’examiner les demandes présentées tant par la Somalie que par

le Kenya en ce qui concerne le plateau continental au-delà de 200 milles marins.

29. M. Reichler montrera également que le comportement des Parties après la conclusion du

mémorandum d’accord prouve lui aussi, incontestablement, que ni le Kenya ni la Somalie

n’estimaient que cet instrument avait créé un mode spécifique ou exclusif de règlement du

différend frontalier maritime, et encore moins un mode de règlement qui aurait imposé aux Parties

de suivre exclusivement la voie des négociations et d’attendre pour se mettre d’accord que la

commission rende ses recommandations sur leurs demandes respectives.

30. Enfin, M. Philippe Sands démontrera, d’une part, que le mémorandum n’entre pas dans

les prévisions de la réserve dont le Kenya a assorti sa déclaration en vertu de la clause facultative

et, d’autre part, que, même si cet instrument avait créé une obligation de négocier — ce que la

Somalie rejette catégoriquement —, il aurait largement été satisfait à cette obligation. Il montrera

18 par ailleurs que le nouvel argument que le Kenya a développé sur la base de la CNUDM est bancal.

En tout état de cause, rien ne fait donc échec à la compétence de la Cour.

31. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre

patience et de votre aimable attention. Je vous prie maintenant, Monsieur le président, de bien

vouloir appeler à la barre M. Pellet. - 9 -

The PRESIDENT: Thank you, Ms Al-Sharmani. Professor Alain Pellet has the floor.

Mr. PELLET:

T HE CORRECT INTERPRETATION OF THE MOU

1. Thank you, Mr. President. Mr. President, Members of the Court, later on Professor Sands

will demonstrate that the Memorandum of Understanding — the “MOU” — does not fall within

the scope of Kenya’s reservation to the Court’s jurisdiction. This will require clarifying its

meaning — and that is the task that Mr. Reichler and I will be sharing, following the course marked

out by Articles 31 and 32 of the Vienna Convention on the Law of Treaties. It falls to me to

establish that the interpretation of the MOU put forward by Kenya leads to a result that is

manifestly absurd and unreasonable when the text is interpreted in good faith, in its context and in

the light of its object and purpose. Il maestro will then show that both the subsequent practice of

the Parties and the travaux préparatoires, as well as the circumstances in which the Memorandum

was concluded, fully confirm our interpretation of it.

2. And I ask, Mr. President, for your forgiveness — and that of the spirit of Basdevant: I

shall refer to this Memorandum by its English abbreviation — MOU — since “Memorandum de

compréhension” means absolutely nothing in French, and neither “MOU” nor “M.O.U.” sounds

particularly agreeable in the language of Racine and Baudelaire.

3. Kenya’s entire argument contesting the Court’s jurisdiction to entertain Somalia’s

Application rests on the final paragraph of the MOU — or, more precisely, on a phrase from that
5
paragraph, which it takes out of context :

«La délimitation des frontières maritimes dans la zone en litige, y compris la
19
délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins,»  et voici le
membre de phrase sur lequel j’appelle votre attention : «fera l’objet d’un accord entre
les deux États côtiers sur la base du droit international après que la Commission aura
achevé l’examen des communications séparées effectuées par chacun des deux États
6
côtiers» .

Le Kenya affirme que, dans ce paragraphe,

See CR 2016/10 (Akhavan, paras. 14-22; Forteau, paras. 11-12).

Memorandum of Understanding between the Government of the Republic of Kenya and the Transitional Federal
Government of the Somali Republic to grant each other no-objection in respect of submissions on the outer limits of the
continental shelf beyond 200 nautical miles to the Commission on the Limits of the Continental Shelf, Nairobi
(7 April 2009), United Nations, Treaty Series (UNTS), Vol. 2599, I-46230 (Memorial of Somalia (MS), Vol. III, Ann. 6). - 10 -

«est exposé le mode de règlement du différend qui sera utilisé après l’examen de la
Commission, et ce, à l’égard de l’intégralité de la frontière maritime, tant en deçà
qu’au-delà des 200 milles marins» . 7

4. Disregarding the “general rule of interpretation” (I), this original approach takes no

account of either the context of the provision on which Kenya is relying, or the object and purpose

of the MOU (II), which leads to a result that is manifestly absurd and unreasonable (III).

I. Brief reminder of the facts overlooked by Kenya
regarding the “general rule of interpretation”

5. Mr. President, in his presentation yesterday morning, Mathias Forteau spent less than

8
two minutes summarizing the first five paragraphs of the MOU in order to focus exclusively on

the sixth. As for Professor Akhavan, he skipped straight to it, without even bothering with the

9
preceding paragraphs . In so doing, they fail to take any account of the “general rule of

interpretation” set out in Article 31 of the 1969 Vienna Convention, which, I hardly dare remind

you, is an expression of customary international law . 10

6. I would point out in passing, Mr. President, that while I am relying on this provision, I in

no way concede — nor, for that matter, deny — that the MOU is a treaty in force between the

Parties. It is not necessary to adopt a position on this point: one need only interpret this instrument

20 to see that it forms no obstacle to the exercise of the Court’s jurisdiction; and it is recognized and

indisputable that the rule in Article 31 of the Vienna Convention is also applicable, by analogy, to

non-treaty instruments . 11

7Preliminary Objections of Kenya (POK), p. 25, para. 53. See also CR 2016/10 (Forteau, paras. 3-4).

8CR 2016/10 (Forteau, para. 3).
9
Ibid. (Akhavan, paras. 14-15).
1Kasikili/Sedudu Island (Botswana/Namibia), Judgment, I.C.J. Reports 1999 (II), p. 1059, para. 18 (citing

Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahiriya/Chad), Judgment, I.C.J. Reports 1994, p. 21, para. 41; Oil Platforms
(Islamic Republic of Iran v. United States of America), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II),
p. 812, para. 23). See also Arbitral Award of 31 July 1989 (Guinea-Bissau v. Senegal), Judgment, I.C.J. Reports 1991,
p. 70, para. 48; Maritime Delimitation and Territorial Questions between Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain),
Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 1995, p. 18, para. 33; Legality of the Use by a State of Nuclear
Weapons in Armed Conflict, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1996 (I), p. 75, para. 19; Certain Questions of Mutual
Assistance in Criminal Matters (Djibouti v. France), Judgment, I.C.J. Reports 2008, p. 222, para. 123; Maritime Dispute
(Peru v. Chile), Judgment, I.C.J. Reports 2014, p. 28, para. 57.
11
See, for example, the Final Award of 22 July 2009, In the Matter of an Arbitration before a Tribunal
Constituted in accordance with Article 5 of the Arbitration Agreement between the Government of Sudan and the Sudan
People’s Liberation Movement/Army on Delimiting Abyei Area, para. 572; Partial Award of 30 Jan. 2007, Eurotunnel v.
United Kingdom and France, para. 92; Accordance with International Law of the Unilateral Declaration of
Independence in respect of Kosovo, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 2010 (II), p. 442, para. 94. - 11 -

7. Pursuant to the first paragraph of this provision “[a] treaty shall be interpreted in good

faith in accordance with the ordinary meaning to be given to the terms of the treaty in their context

and in the light of its object and purpose”. “Under Article 31 of the Vienna Convention, the

‘ordinary meaning’ of treaty terms may be ascertained only in their context and in the light of the

object and purpose of the treaty.” 12 That, Mr. President, is the general rule of interpretation: it is a

comprehensive and complex norm, whose various elements cannot be detached one by one as if

plucking the petals from a daisy — a rule so well-established that the Court does not need to dwell

13
on it: it applies it as a whole and does not consider an explanation necessary . In its Final Report

on the 1966 Law of Treaties, the International Law Commission explained that,

“by heading the article ‘General rule of interpretation’ in the singular . . . [, the
Commission] intended to indicate that the application of the means of interpretation in

the article would be a single combined operation. All the various elements, as they
were present in any given case, would be thrown into the crucible, and their
interaction would give the legally relevant interpretation. Thus, article 27 [which was
to become Article 31] is entitled ‘General rule of interpretation’ in the singular, not

‘General rules’ in the plural, because the Commission desired to emphasize that the
process of interpretation is a unity and that the provisions of the article form a single,
closely integrated rule.” 14

8. This essential characteristic of Article 31 and its practical consequences were adeptly

recalled in the arbitral award of 12 March 2004 in the Case concerning the audit of accounts

between the Netherlands and France, which vigorously emphasized the unity of the general rule of

21 interpretation set out in Article 31 . This is also consistently reflected in the jurisprudence of the

Court, which has always taken great care not to separate from one another the four key elements set

out in Article 31: text, object and purpose, context and subsequent practice . As stated by the

Permanent Court in 1922: when interpreting a treaty, “it is obvious that the Treaty must be read as

1Report of the Appellate Body of the WTO (21 December 2009), China — Measures Affecting Trading Rights
and Distribution Services for Certain Publications and Audiovisual Entertainment Products, AB-2009-3, para. 348;
emphasis added.

1See, by way of recent examples, Maritime Dispute (Peru v. Chile), Judgment, I.C.J. Reports 2014, p. 28,
para. 57, or Whaling in the Antarctic (Australia v. Japan: New Zealand intervening), Judgment, I.C.J. Reports 2014,
pp. 250-251, para. 55.
14
International Law Commission (ILC), Draft Articles on the Law of Treaties, Yearbook of the ILC, 1966, Vol. II,
pp. 219-220, para. 8 of the commentary to draft Article 27; emphasis added. See also Yearbook of the ILC, 1966, Vol. II,
p. 95 (Observations and proposals of the Special Rapporteur). See also Written Statement of Somalia (WSS), para. 3.12.
15
Case concerning the audit of accounts between the Netherlands and France in application of the Protocol of
25 September 1991 Additional to the Convention for the Protection of the Rhine from Pollution by Chlorides of
3 December 1976, Reports of International Arbitral Awards (RIAA), Vol. XXV, p. 295, para. 62. See also para. 64.
1See, for example, Maritime Dispute (Peru v. Chile), Judgment, I.C.J. Reports 2014, p. 28, para. 57. - 12 -

a whole, and that its meaning is not to be determined merely upon particular phrases which, if

17
detached from the context, may be interpreted in more than one sense” . Furthermore,

“interpretation pursuant to the customary rule codified in Article 31 of the Vienna Convention is

18
ultimately a holistic exercise that should not be mechanically subdivided into rigid components” .

And yet, this is precisely how Kenya is proceeding.

9. Instead of searching for the meaning of the provision to be interpreted, it makes an

assumption, in order then to declare that there is nothing to interpret. It is doing things the wrong

way round: it is necessary first, to interpret in the light of the general rule of Article 31 — and only

then is it possible to determine whether or not the text is clear. When this process is conducted in

good faith, it is plain to see that the MOU is in fact totally unambiguous — but that it means the

opposite of what our friends would like it to mean. If there were any ambiguity, we would then

have to turn to the supplementary means set out in Article 32. We can have recourse to those

means, not to clear up any ambiguity — there is none — but to confirm the interpretation resulting

from the application of the general, comprehensive and complex rule codified in Article 31 . The 19

interpretation advanced by Kenya breaks away from it entirely. It takes no account of either the

object or purpose of the MOU, or its context.

22 II. The text of the MOU in context and in the light of its object and purpose

10. Mr. President, Judge Anzilotti was not always right, but, as regards “Kenyan

20
evidentialism” , one cannot but share the great Italian judge’s puzzlement as to the Interpretation

of the Convention of 1919 concerning Employment of Women during the Night, with regard to

which he wondered:

“how it is possible to say that an article of a convention is clear until the subject and

aim of the convention have been ascertained, for the article only assumes its true

17Competence of the ILO in Regard to International Regulation of the Conditions of Labour of Persons Employed
in Agriculture, Advisory Opinion, 1922, P.C.I.J., Series B, No. 2, p. 22. See also, among others, Constitution of the
Maritime Safety Committee of the Inter-Governmental Maritime Consultative Organization, Advisory Opinion, I.C.J.
Reports 1960, p. 158. See also Arbitral Award of 31 July 1989 (Guinea-Bissau v. Senegal), Judgment, I.C.J.
Reports 1991, dissenting opinion of Judge Weeramantry, p. 133.

18Report of the Appellate Body of the WTO (21 December 2009), China — Measures Affecting Trading Rights
and Distribution Services for Certain Publications and Audiovisual Entertainment Products, AB-2009-3, para. 348.
19
CR 2016/10 (Forteau, paras. 10, 12 and 20; Akhavan, para. 20).
20See, e.g., POK, Vol. I, paras. 57, 130 or 133. See also CR 2016/10 (Akhavan, para. 15; Forteau, paras. 2-4

and 28). - 13 -

import in this convention and in relation thereto. . . . The first question which arises
therefore is what is the subject and aim of the convention in which occurs the article to
be interpreted.” 21

Members of the Court, you yourselves have often firmly insisted on the need, in interpreting any

instrument, to consider its purpose and object . 22

11. As the ILC noted fairly recently, “[i]t is by no means easy to put together in a single

formula all the elements to be taken into account, in each specific case, in determining the object

and purpose of a treaty. Such a process undoubtedly requires more ‘esprit de finesse’ than ‘esprit

23 24
de géométrie’ ” — an esprit de finesse which, I regret to note, our friends and opponents are

sorely lacking with respect to the MOU, when they insist on interpreting “geometrically” a phrase

taken out of its context.

12. In the same recent study, the ILC ventured the following summary:

“The object and purpose of the treaty is to be determined in good faith, taking

account of the terms of the treaty in their context, in particular the title and the
preamble of the treaty. Recourse may also be had to the preparatory work of the treaty

and the circumstances of it25conclusion and, where appropriate, the subsequent
practice of the parties.”

23 Here too the ILC states, “it is not a question of ‘dissecting’ the treaty in minute detail and

examining its provisions one by one, but of extracting the ‘essence’, the overall ‘mission’ of the

26
treaty” . To do this, one must refer not just to a few isolated words or phrases, but rather, as the

Court has done on several occasions, to the very “structure” of the interpreted instrument as

27
reflected in the instrument’s provisions taken as a whole .

Slide 1: The MOU (official title)

21Interpretation of the Convention of 1919 concerning Employment of Women during the Night, Advisory

Opinion, 1932, P.C.I.J., Series A/B, No. 50, p. 383; emphasis added.
22See, in particular, Application of the Convention of 1902 Governing the Guardianship of Infants (Netherlands v.
Sweden), Judgment, I.C.J. Reports 1958, pp. 67-68; Oil Platforms (Islamic Republic of Iran v. United States of

America), Preliminary Objection, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II), p. 813, para. 27, and p. 815, para. 31; Avena and
Other Mexican Nationals (Mexico v. United States of America), Judgment, I.C.J. Reports 2004 (I), p. 48, para. 85.
23Footnote 1630 in the original text: “Blaise Pascal, Pensées, in Oeuvres complètes (Paris, Bibliothèque de

la Pléiade, N.R.F. Gallimard, 1954), p. 1091.”
24ILC, Guide to Practice on Reservations to Treaties, United Nations, doc. A/66/10/Add.1 (2011), para. 1 of the
commentary on guideline 3.1.5.1. “Determination of the object and purpose of the treaty”, pp. 359-360.

25Ibid., guideline 3.1.5.1. “Determination of the object and purpose of the treaty”, p. 359.

26Ibid., para. 2 of the commentary on guideline 3.1.5 “Incompatibility of a reservation with the object and purpose
of the treaty”, p. 351.
27
See, e.g., Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan (Indonesia/Malaysia), Judgment, I.C.J.
Reports 2002, p. 652, para. 51; see also Oil Platforms (Islamic Republic of Iran v. United States of America),
Preliminary Objection, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II), p. 813, para. 27. - 14 -

28
13. The Court has wisely recalled that the object of a treaty “is that indicated in its title” .

And what is it in this case? «Mémorandum d’accord entre le Gouvernement de la République du

Kenya et le Gouvernement fédéral de transition de la République somalienne, afin d'accorder à

chacun non-objection à l'égard des communications à la Commission des limites du plateau

continental sur les limites extérieures du plateau continental au-delà de 200 milles marins.».

I repeat: “to grant to each other no-objection in respect of submissions on the outer limits of the

continental shelf beyond 200 nautical miles to the Commission on the Limits of the Continental

Shelf”. Members of the Court, that is the object of the MOU. It is not to escape the jurisdiction of

this Court as sought by Kenya, which asserted in its objections that «[l]’objet et le but du

mémorandum de 2009 étaient d’établir un accord sur une méthode permettant de fixer de manière

définitive la frontière maritime entre le Kenya et la Somalie, tant en deçà qu’au-delà des 200 milles
29
marins» . As the title of the MOU clearly indicates, its purpose is to enable the CLCS to perform

its function of delineating the continental shelf of each State, notwithstanding their dispute

regarding its lateral delimitation — with each State undertaking not to object to the other’s

submissions. And I understand, in these circumstances, why our friends on the other side of the

Bar have preferred to keep a low profile on this point. Professor Forteau makes just one furtive

24 allusion to the title of the MOU and then goes about things “the wrong way round”: “regardless of

the treaty’s object or purpose, or its title, the fact remains that the 2009 MOU contains a provision

relating to delimitation” . True enough, Mr. President! But what does this provision mean?

Therein lies our problem, and it cannot be resolved unless the terms of this provision are

interpreted “in their context and in the light of” the object and purpose of the treaty.

14. I note in passing that this long, deliberately explicit title was not given to the MOU after

the fact, at the time the MOU was registered by Kenya, but was discussed between the

representatives of the three States involved in its adoption. Originally proposed by Norwegian

Ambassador Longva to the Head of the Legal Division of the Ministry of the Foreign Affairs of

28
Certain Norwegian Loans (France v. Norway), Judgment, I.C.J. Reports 1957, p. 24. See also Oil Platforms
(Islamic Republic of Iran v. United States of America), Preliminary Objection, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II), p. 819,
para. 47.
2POK, pp. 21-22, para. 46.
30
CR 2016/10 (Forteau, para. 17; emphasis in original). - 15 -

Kenya, Mr. Kihwaga, the title was modified at the express request of Somalia, which wished to add

the words “to each other” .31

End of slide 1  Slide 2: The MOU (para. 3)

15. Considering the uncertain nature of the MOU, it is difficult to speak of a preamble in the

strict sense of the word, but it is plain to see that the signatories were encouraged to specify their

32
“major concern” in one paragraph — the third — which is most enlightening and very useful in

helping to “clarify the meaning to be given to its terms” (I note in passing that Kenya counts the

paragraphs differently, but this discrepancy does not affect the reasoning). Paragraph 3 is shown

on the screen. If I may, Mr. President, I shall read it out and comment on it:

 “The two coastal States are conscious that the establishment of the outer limits of the

continental shelf beyond 200 nautical miles is without prejudice [and I stress: “without

prejudice”] to the question of delimitation of the continental shelf between states with opposite

or adjacent coasts”. This is a useful precaution, since although this wording appears in both

Article 76, paragraph 10, of the United Nations Convention on the Law of the Sea and Article 9

25 of Annex II to that Convention, Article 5 (a) of Annex I to the rules of procedure of the CLCS

provides that “[i]n cases where a land or maritime dispute exists, the Commission shall not

consider and qualify a submission made by any of the States concerned in the dispute” in the

absence of “prior consent given by all States that are parties to such a dispute”.

 I now refer back to the MOU: “While the two coastal States have differing interests regarding

the delimitation of the continental shelf in the area under dispute, they have a strong common

interest with respect to the establishment of the outer limits of the continental shelf beyond

200 nautical miles, without prejudice [here again, I stress: “without prejudice”] to the future

delimitation of the continental shelf between them”. Here we have it; this is the very object of

the MOU: to ensure that the delineation — “the establishment of the outer limits” — of the

two States’ continental shelf is not delayed by the absence of a resolution to the dispute over

delimitation. I also note that the two States at least agree on this point; Kenya writes in its

31
See POK, Vol. II, Ann. 14, e-mail from Mr. Hans Wilhelm Longva to Mr. James Kihwaga and letter from
Kenya to Somalia of 29 January 2016.
3Kasikili/Sedudu Island (Botswana/Namibia), Judgment, I.C.J. Reports 1999 (II), p. 1073, para. 43.
33
Ibid., p. 1072. - 16 -

Preliminary Objections: «Il était en effet évident que toute objection entraînerait un gaspillage

considérable, la collecte et l’analyse des informations à soumettre à la Commission étant très

34
onéreuses, et créerait une impasse inextricable.» .

 And the MOU drives this point home: “On this basis the two coastal States are determined to

work together to safeguard and promote their common interest with respect to the

establishment of the outer limits of the continental shelf beyond 200 nautical miles”.

16. The key to this provision is that the two problems — the delimitation of the continental

shelf in the area under dispute, on the one hand, and the seaward delineation of the continental

shelf to which each State is entitled, on the other — these two problems, as I was saying, are

separate, and, except as regards the endpoint of the maritime boundary, the solution for one

problem is not dependent on the solution for the other. Kenya, moreover, agrees: «Il est souligné

au deuxième point du dispositif que le mémorandum est sans préjudice de la délimitation définitive

de la frontière maritime …» . The natural interpretation just keeps on coming back . . .

26 17. Paragraph 3 “is such as to throw light on the interpretation of the other Treaty

provisions” .6

End of slide 2  Slide 3: The MOU (para. 4)

18. The next paragraph begins with largely “explanatory” (as opposed to “normative”)

details. It mentions that the Somali Government intends to submit preliminary information on the

outer limits of its continental shelf beyond 200 nautical miles before the deadline of 13 May 2009,

including with respect to the area under dispute. With this, the purpose of the MOU is reaffirmed

by Somalia — it being understood that this submission:

“shall not prejudice the positions of the two coastal States with respect to the maritime
dispute between them and shall be without prejudice to the future delimitation of
maritime boundaries in the area under dispute, including the delimitation of the

continental shelf beyond 200 nautical miles”.

I have two comments, Mr. President, on this sort of explanatory statement of what follows:

34
POK, p. 22, para. 46.
3Ibid., p. 23, para. 50, emphasis added; see also CR 2016/10 (Forteau, para. 4).
36
Case concerning Oil Platforms (Islamic Republic of Iran v. United States of America), Preliminary Objection,
Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II), p. 815, para. 31; see also, Certain Questions of Mutual Assistance in Criminal
Matters (Djibouti v. France), Judgment, I.C.J. Reports 2008, p. 218, para. 109. - 17 -

(1) On the term “including”: Professor Akhavan concludes that the scope of the MOU “is clearly

not limited to the outer shelf as Somalia claims” . There is no doubt: this indeed means that

the two States will not be able to determine the endpoint of their common maritime

boundary — “including beyond 200 nautical miles” — until the CLCS’s recommendations

have been received.

(2) Our opponents set great store by the plural form used in the terms “maritime boundaries” and

“areas under dispute” . I am not sure that this is of any great importance: it is a quite habitual

manner of speaking, and the plural and singular forms are commonly used interchangeably in

such contexts. What is more, the term “areas under dispute” is used in the plural only twice in

the entire MOU. It appears in the singular in paragraph 2, which describes it as “an

overlapping area of the continental shelf”. The same goes for the next paragraph and the

beginning of paragraph 4, which is currently shown on the screen, and then the singular

27 switches to the plural at the end of this paragraph. We return to the singular throughout the

next paragraph, and then revert back to the plural in the English text of paragraph 6

(admittedly, the only authoritative version — but the French translators, who perhaps have

more Cartesian minds, used the singular!). What does all this mean, Mr. President? First, it no

doubt means that this MOU, drafted in great haste, was probably drafted less “precisely and

meticulously” than our opponents would have us believe . Second, with all due respect to

Mr. Forteau, little can be deduced from the “two plurals” he deems so important.

19. Allow me to continue reading: at the end of paragraph 4, we reach one of the substantive

clauses, which is of interest only to Somalia: “On this understanding the Republic of Kenya has no

objection to the inclusion of the areas under dispute in the submission by the Somali Republic of

preliminary information indicative of the outer limits of the continental shelf beyond

200 nautical miles”.

End of slide 3  Slide 4: The MOU (para. 5)

37
CR 2016/10 (Akhavan, para. 16).
38Ibid.; Forteau, paras. 4, 18 and 20).
39
See CR 2016/10 (Akhavan, para. 16). See also, ibid. (Forteau, para. 20). - 18 -

20. The next paragraph is synallagmatic and constitutes the heart of the MOU. It is agreed

there that “at an appropriate time, . . . each of them will make separate submissions” to the CLCS,

and that these submissions, which may include the area under dispute, will ask the CLCS “to make

recommendations with respect to the outer limits of the continental shelf beyond 200 nautical miles

without regard to the delimitation of maritime boundaries between them” — “without regard

to” — clearly, these two activities are distinct. Then comes the key sentence to which the title of

the MOU refers:

“The two coastal States hereby give their prior consent to the consideration by
the Commission of these submissions in the area under dispute. The submissions
made before the Commission and the recommendations approved by the Commission
thereon shall not prejudice the positions of the two coastal States with respect to the

maritime dispute between them and shall be without prejudice to the future
delimitation of maritime boundaries in the area under dispute, including the
delimitation of the continental shelf beyond 200 nautical miles.”

This is more of the same: two distinct processes, neither one dependent on the other — delineation

can be carried out by the CLCS without prejudice to lateral delimitation, and vice versa.

28 End of slide 4 – Slide 3: The MOU (para. 6)

21. And it is now — but only now — that we reach paragraph 6, the only one that Kenya

deigned to read, the provision that, as Rodrigue to Chimène , is the apple of its eye. It must, of

course, be read — but in its context and in the light of its object and purpose:

“The delimitation of maritime boundaries in the areas under dispute, including
the delimitation of the continental shelf beyond 200 nautical miles, shall be agreed
between the two coastal States on the basis of international law after the Commission

has concluded its examination of the separate submissions made by each of the two
coastal States and made its recommendations to two coastal States concerning the
establishment of the outer limits of the continental shelf beyond 200 nautical miles.”

End of slide 5 – Slide 6: Paragraph 6 of the MOU as redrafted by Kenya

22. And here we have the “translation” of paragraph 6 provided by Kenya in paragraph 47 of

its Preliminary Objections:

«Les Parties sont … convenues que, une fois que la Commission aurait achevé
son examen et que la limite extérieure du plateau continental pourrait être établie

définitivement, elles procéderaient à la délimitation de l’intégralité de leur frontière
maritime par la voie de négociations, et non en ayant recours à une procédure
contraignante.» 41

40
See Pierre Corneille, Le Cid.
41POK, p. 22, para. 46; see also p. 60, para. 133. - 19 -

Lost in interpretation, one might say!

23. To be sure, this is certainly not what paragraph 6 says! It says . . . what it says. That is,

that the complete delimitation of the maritime boundaries between the two States shall be carried

out by agreement after the CLCS has made its recommendations. Yes, I know, Mr. President, I

have added a word: the adjective “complete” after “delimitation” and, horresco referens, it is not

in the text. It is not there, but it is necessarily implied. Inserting it adds nothing to the inevitable

meaning of the text but it does facilitate its understanding, taking into account the context of this

provision and the object and purpose of the MOU as a whole. What is more, I am not the one who

has added it; Kenya itself has: an agreement should make it possible to determine the complete

delimitation of the maritime delimitation — «la délimitation de l’intégralité de l[a] frontière

maritime». And yesterday, on several occasions, Kenya acknowledged that this indeed concerns
42
finalization : the MOU in no way prevents the Parties from negotiating an agreement (and that

29 implies that they can conclude one!); however, it cannot be finalized (or “completed”) by fixing its

terminus until the Commission’s recommendations have been received.

24. And that is eminently sensible, Mr. President! It is indeed obvious that the last segment

of the maritime boundary cannot be established definitively, completely or in “full” until the CLCS

has determined that the two States effectively have a maritime entitlement beyond

200 nautical miles. In the absence of overlapping entitlements, the delimitation of the continental

shelf beyond this limit is unnecessary (or, if it has been established, it becomes obsolete). From

this standpoint, there is no disagreement between the Parties, who each acknowledge that both

States do indeed have rights beyond 200 nautical miles and that their entitlements overlap. There is

also no doubt that the endpoint of the delimitation between the Parties depends on the CLCS’s

recommendations. But this does not mean that the Parties cannot decide, by way of agreement, the

direction of the line of delimitation before the CLCS has made its position known, or that the Court

(or an arbitral tribunal) must wait for the CLCS’s recommendations before establishing such a

delimitation. It is simply that, unlike what happens for other maritime areas, the delimitation of the

continental shelf beyond 200 nautical miles does not become definitive — and does not authorize

42CR 2016/10 (Muigai, para. 10; Akhavan, para. 18; Forteau, para. 18; Lowe, paras. 15 and 19). - 20 -

the States to exercise their sovereign rights there — until the CLCS has made its position known

with regard to their entitlements.

End of slide 6 — Slide 7: Agreement between Tanzania and Kenya on the delimitation of
their maritime boundary (23 June 2009 — Art. 2)

25. Proof of this can be found in the practice of numerous States that have concluded

delimitation agreements fixing the boundary of their extended continental shelf before the CLCS

43
has adopted its recommendations . And did Kenya itself not sign an agreement with Tanzania on

23 June 2009 (i.e., two months after the conclusion of the MOU), delimiting the boundary of the
30

exclusive economic zone and the continental shelf between the two States, including beyond

200 nautical miles? Article 2 of that agreement provides that «les Parties conviennent que la ligne

frontière s’étend à l’est du point formant intersection avec les limites extrêmes du plateau

continental et toutes autres limites extrêmes placées sous juridiction nationale pouvant

éventuellement être déterminées par le droit international» . 44

End of slide 7

26. That confirms, if confirmation were needed, that delimitation is in no way dependent on

delineation, as Kenya claimed in its preliminary objections and as it continued to argue yesterday,

46
albeit, to my mind, with a little less conviction. Because, despite what Mathias Forteau said , the

jurisprudence is now logically and firmly established . And, contrary to what was suggested by

my most excellent friend, I do not consider the Court’s Judgment of 17 March 2016, which follows

43
Traité entre l’Australie et l’État indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée concernant la souveraineté et les
frontières maritimes dans la zone située entre les deux pays, y compris la zone connue sous le nom de détroit de Torres,
et des questions connexes, 18 décembre 1978 ; convention de délimitation maritime entre le Gouvernement de l’Australie
et le Gouvernement de la République française (Nouvelle-Calédonie, îles Chesterfield), 4 janvier 1982 ; traité entre le
Gouvernement de l’Australie et le Gouvernement de la République d’Indonésie établissant une limite de zone
économique exclusive et certaines frontières des fonds marins, 14 mars 1997 ; traité entre la République du Venezuela et
la République de Trinité-et-Tobago relatif à la délimitation des régions marines et sous-marines, 18 avril 1990 ; traité
entre le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique et le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique relatif à la
délimitation du plateau continental dans la région occidentale du Golfe du Mexique au-delà de 200 milles marins, 9 juin

2000. Voir aussi Bjarni Már Magnússon, The Continental Shelf Beyond 200 Nautical Miles: Delineation, Delimitation
and Dispute Settlement, Hotei Publishing 2015, p. 209-210.
44Accord entre la République-Unie de Tanzanie et la République du Kenya relatif à la délimitation de la frontière

maritime de la zone économique exclusive et du plateau continental, R.T.N.U., vol. 2603, p. 37, 23 juin 2009, entré en
vigueur le 23 juin 2009 (MS, Vol. III, Ann. 7).
4See POK, Vol. I, p. 16, para. 31; p. 22, para. 47, or p. 66, para. 146.

4CR 2016/10 (Forteau, para. 22).
47
See International Tribunal for the Law of the Sea (ITLOS), Dispute concerning delimitation of the maritime
boundary between Bangladesh and Myanmar in the Bay of Bengal (Bangladesh/Myanmar), Judgment of 14 March 2012,
para. 376; and Bay of Bengal Maritime Boundary Arbitration between Bangladesh and India, Award of 7 July 2014,
para. 456. - 21 -

the same lines, as a departure from the jurisprudence; the Court simply seized the first opportunity

that presented itself to clarify that:

“The procedure before the CLCS relates to the delineation of the outer limits of
the continental shelf, and hence to the determination of the extent of the sea-bed under
national jurisdiction. It is distinct from the delimitation of the continental shelf, which

is governed by Article 83 of UNCLOS and effected by agreement48etween the States
concerned, or by recourse to dispute resolution procedures.”

Slide 8: Paragraph 6 of the MOU as redrafted by Kenya

27. That said, Mr. President, what is certainly not in the text is the point made by Kenya that

31 the Parties have agreed that delimitation “would be a negotiated agreement rather than recourse to

any compulsory procedures”. This is no longer interpretation, Mr. President, it is fantasy, it is

fabrication! The text says nothing of the sort; the context in no way suggests that this is the case;

and it bears absolutely no relation to the objective pursued by the representatives of the two States

when they signed the MOU, which was to have the CLCS establish the outer limits of their

continental shelf beyond 200 miles. And indeed, it is only once Somalia and Kenya have this

delineation that they will be able to reach an agreement delimiting the full extent of their maritime

boundary.

28. And it is, of course, no more correct to claim that this commitment to delimit the full

extent of their common maritime boundary by agreement, once the recommendations of the CLCS

are known,

 precludes such an agreement from being concluded before the CLCS has made its

recommendations: “after” does not mean “only after”, and there is nothing to prevent the

Parties from reaching an agreement beforehand, subject to any subsequent adjustments that

might be necessary should the Commission’s recommendations result in their agreement

encroaching on the international sea-bed — here again, Professor Forteau indulges in wishful

thinking: “the 2009 MOU”, he tells us, “states in addition that the delimitation should be

agreed only after the CLCS has concluded its examination of the submissions of each of the

4Question of the Delimitation of the Continental Shelf between Nicaragua and Colombia beyond 200 nautical
miles from the Nicaraguan Coast (Nicaragua v. Colombia), Judgment of 17 March 2016, para. 112. - 22 -

49
two coastal States and after it has made its recommendations” . Well, no! The word “only” is

pure fantasy, consistent with neither the letter nor the spirit of the text;

 similarly, the MOU does not preclude the conclusion of a partial agreement on the portion of

the continental shelf whose determination is not dependent on the CLCS;

 nor does it preclude the holding of negotiations aimed at reaching a comprehensive agreement,

even if this means not determining the boundary’s endpoint until after the CLCS has made its

recommendations;

 and the MOU does not prevent the Parties from having recourse to judicial or arbitral

settlement, if they are unable to reach an agreement.

32 III. Kenya’s interpretation leads to an absurd and unreasonable result

29. Mr. President, Members of the Court, not only does the interpretation of the MOU

advanced by Kenya fly in the face of the general rule of interpretation, it also leads to a manifestly

absurd and unreasonable result.

30. The interpretation upheld by Kenya has a number of particularly perverse practical

effects which essentially come down to just one thing: it would be extraordinary, not to say

outrageous, for two poor States, which urgently need to exploit their fishery and, possibly, oil

resources, to have agreed to postpone indefinitely the settlement of their boundary dispute 

whose existence the MOU recognizes  at the same time as seeking to bring it to a hasty end. In

support of this general comment, I think four points merit expanding on briefly.

31. First, if Kenya were to be believed, the two coastal States concluded an agreement

establishing a method of dispute settlement of which the Parties cannot avail for a good many

years . Because, let us make no mistake, Professor Akhavan’s predictions on the prospects of the

CLCS pronouncing on Somalia’s claim in the near future are, most unfortunately, wildly

optimistic. For one thing, because it is out of the question for the CLCS to allow States to jump the

queue. Article 51.4ter of its Rules of Procedure leaves no room for doubt: “The submissions shall

be queued in the order they are received.” While it is conceivable  though unlikely  that the

49CR 2016/10 (Forteau, para. 4; see also ibid., para. 6) (emphasis added).

50See WWS, Vol. I, paras. 1.21 and 1.23. - 23 -

plenary of the CLCS will examine Kenya’s submission next year, as a result of Somalia

51
withdrawing its objection , that of Somalia is 74th on the list and, at its current rate of

approximately three recommendations a year, given that 53 submissions have priority over

Somalia’s, that takes us to 2033. May I refer you, Members of the Court, to tab 3 of your folder

52
which provides an overview of the progress of the Commission’s work as at 8 July this year . And

33 the optimism of Kenya’s clever counsel is belied by the United Nations General Assembly which,

again this year, “[notes] with concern the projected timetable of the work of the Commission on

the submissions already received by it” . Is it reasonable to interpret the MOU as barring any

agreement on delimitation  either within or beyond 200 miles  until 2033, thus denying these

two countries, which aspire to rapid economic development, the possibility of exploiting the

resources in the large area in dispute? No, Mr. President, it is not!

32. Secondly, if Kenya were right and if paragraph 6 of the Memorandum barred “recourse to

some other method or methods of settlement”, it would follow that the corresponding terms in

Articles 74 and 83 of UNCLOS (or in any other instrument providing for delimitation by

agreement) should be interpreted as also barring any recourse to a court or to arbitration for the

settlement of a delimitation dispute. This interpretation is so absurd that, to the best of my

knowledge, no State (or even author, which says it all!) has yet advanced it. Might it be upheld by

the Court? No, Mr. President, it will not!

33. Thirdly, another very compelling argument that reveals the unreasonableness of Kenya’s

interpretation is that it rules out the possibility for the Court (or any other compulsory dispute

settlement body) to decide a dispute relating to a maritime delimitation until the CLCS has

pronounced on the delineation of the continental shelf. Now that, Members of the Court, is liable

to seriously dry up one of the main sources of disputes entered on the Court’s List . . .Quite apart

from this consideration  which is nonetheless important!  I do not quite see how our friends on

51 Lettre datée du 7 juillet 2015, adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies,
S. Exc. M. Ban Ki-moon, par le ministre des affaires étrangères et de la promotion des investissements de la République
fédérale de Somalie, S. Exc. M. Abdulsalam H. Omar (MS, vol. III, annexe 52).
52
Demandes adressées à la Commission des limites du plateau continental par l’intermédiaire du Secrétaire
général de l’Organisation des Nations Unies, soumises en application de l’article 76, paragraphe 8, de la Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 (http://www.un.org/depts/los/clcs_new/
commission_submissions.htm)..
53
Oceans and the Law of the Sea (23 September 2015), A/RES/70/235. - 24 -

the other side of the Bar can reconcile this position with the jurisprudence I have just cited and with

their recognition (and the MOU’s express recognition) of the fact that the delineation is without

prejudice to the delimitation: Kenya’s interpretation introduces irreconcilable contradictions into

54
the instrument interpreted . Can we accept that the MOU, which expressly states that it was

concluded “without prejudice to the question of delimitation of the continental shelf”, compelled

34 the signatory States to go through a number of futile procedures solely for the purpose of delaying

or impeding the settlement of their dispute over delimitation? No, Mr. President, we cannot!

34. Fourthly, yesterday, I believe that Kenya reached the heights of absurdity when it stated

that the provision at issue «cela n’exclut pas que les Parties négocient avant l’examen de la

Commission. Cela serait absurde. Elles peuvent négocier avant que la Commission ne formule ses

recommandations ; mais elles ne peuvent finaliser un accord qu’une fois fixé le tracé des limites

extérieures du plateau continental.» . 55 Mr. President, we do not have the same concept of

absurdity: what is absurd, to my mind, is that the Parties concluded an agreement that prohibited

them from concluding an agreement. The idea of a pactum de negociando with a proviso that

nothing should be concluded is completely outlandish! Can we envisage it? No, Mr. President, we

cannot!

35. Mr. President, Members of the Court, the interpretation our opponents want to persuade

us to adopt is unreasonable and would have absurd results. If the Court were to consider it as being

remotely plausible, it would have to have recourse to “supplementary means” of interpretation in

order to determine the actual scope of paragraph 6 of the MOU. But, in this case, the Court is in no

way obliged to go to such lengths: as I believe I have demonstrated, there is a simple line of

reasoning, based on the “general rule of interpretation” in Article 31, that leads us to a logical and

perfectly sensible result.

5See, for example, Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 1961, pp. 32-34; see also Constitution of the Maritime Safety Committee of the Inter-Governmental
Maritime Consultative Organization, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1960, p. 166.

5CR 2016/10, para. 18 (Akhavan). - 25 -

36. Nonetheless, as Article 32 also envisages and as the Court has often allowed, both

56
before and after the Vienna Convention was concluded, even when the text is clear and the

interpretation that might be given to it objective, “a possible confirmation of [the] interpretation” of

35 the text may be sought in the travaux préparatoires and in the circumstances in which the treaty

was concluded. This is what Mr. Reichler will endeavour to do, ex abundanti cautela, in a

moment.

37. Before I ask you to give him the floor, Mr. President, allow me, if you please, to make

one final and more general remark. I must admit that, on the whole, Kenya’s attitude in this case

leaves me puzzled, to say the least. Here we have a developing country, legitimately in a hurry to

develop, which, as I understand it, has good relations with its neighbour, which is also

impoverished and eager to make the best use of its natural resources. And yet, Kenya seems to be

doing its utmost to slow things down and prevent a rapid settlement of the dispute between the two

countries over their common boundary, a dispute that is a major impediment to their development.

This is evidenced by its interpretation of the MOU. The same can be said of the artificial and

sterile preliminary objections it has raised. I admit, Mr. President, that I am missing something.

38. Thank you, Members of the Court, for your very kind attention. Mr. President, would

you please give the floor to Mr. Reichler, either now or after the break.

The PRESIDENT: Thank you, Professor. It is the appropriate time for a 15-minute break,

after which I shall give the floor to Mr. Reichler. The sitting is suspended.

The Court adjourned from 11.10 a.m. to 11.25 a.m.

The PRESIDENT: Please be seated. Mr. Paul Reichler has the floor.

5Competence of the General Assembly for the Admission of a State to the United Nations, Advisory Opinion,

I.C.J. Reports 1950, p. 8; Rights of Nationals of the United States of America in Morocco (France v. United States of
America), Judgment, I.C.J. Reports 1952, p. 209; Aerial Incident of 27 July 1955 (Israel v. Bulgaria), Judgment,
I.C.J Reports 1959, pp.139-140.
5Maritime Delimitation and Territorial Questions between Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain), Jurisdiction
and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 1995, p. 21, para. 40; see also Ambatielos (Greece v. United Kingdom),
Preliminary Objection, Judgment, I.C.J. Reports 1952, p. 45; Border and Transborder Armed Actions (Nicaragua v.
Honduras), Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 1988, pp. 85 et seq. and p. 89; Certain Phosphate
Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1992, p. 247; Kasikili/Sedudu
Island (Botswana/Namibia), Judgment, I.C.J. Reports 1999 (II), pp. 1074-1075, para. 46; Sovereignty over Pulau Ligitan

and Pulau Sipadan (Indonesia/Malaysia), Judgment, I.C.J. Reports 2002, p. 653, para. 53; Application of the
International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation),
Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 128, para. 142. - 26 -

36 M. REICHLER :

LES ÉLÉMENTS DÉMONTRANT L ’INTERPRÉTATION DU MÉMORANDUM D ACCORD
PAR LES P ARTIES

I. Introduction

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est, comme toujours, un

honneur pour moi de me présenter devant vous. Aujourd’hui, j’ai le privilège de plaider au nom de

la République fédérale de Somalie.

2. M. Pellet vous a présenté méticuleusement le texte du mémorandum d’accord. Il vous a

montré, sur la base des principes bien établis de l’interprétation des traités, que cet instrument ne

constitue pas un accord sur un mode de règlement du différend des Parties quant à leur frontière

maritime. Il n’empêche pas non plus celles-ci d’en saisir la Cour.

3. Le rôle qui m’incombe aujourd’hui ne vous surprendra probablement pas. Comme tel est

souvent mon sort, je suis chargé d’analyser les éléments de preuve qui vous sont soumis. Je ne

m’en plains pas, du reste. Je sais quelle est ma place. Je dirai même que j’en suis content, en

particulier dans cette affaire, car les éléments démontrant les intentions des Parties lorsqu’elles ont

signé le mémorandum d’accord, et leur conception de cet instrument, telle qu’elle ressort de leur

pratique, revêtent beaucoup d’importance. En effet, ils peuvent grandement aider la Cour à

déterminer la manière dont il convient d’interpréter le mémorandum d’accord.

4. Nous considérons que les éléments de preuve étayent pleinement l’interprétation du

mémorandum d’accord faite par la Somalie, que M. Pellet vient de vous présenter. Nous

n’invoquons pas les éléments de preuve pour démontrer l’objet et le but du mémorandum d’accord,

ou pour rappeler le contexte dans lequel cet instrument a vu le jour, au lieu de nous livrer à une

interprétation en bonne et due forme de son texte. Nous les invoquons pour confirmer notre

interprétation. Ces éléments de preuve relèvent de deux catégories, dont chacune porte sur une

période différente : la première est celle des éléments révélant les intentions des Parties à l’époque

de la signature du mémorandum d’accord, en avril 2009, et la seconde, celle des éléments attestant

leur conception et leur interprétation de cet instrument du moment où celui-ci a été signé jusqu’à

l’introduction de la présente instance, en août 2014. - 27 -

II. Les éléments démontrant les intentions des Parties à l’époque de la signature
du mémorandum d’accord

5. Je commencerai par les éléments démontrant les intentions des Parties à l’époque où elles

ont signé le mémorandum d’accord. Un fait important est que ni le Kenya ni la Somalie n’ont

37 conçu ou rédigé cet instrument. Comme l’un des conseils du Kenya l’a reconnu hier, il s’agissait

d’une initiative et d’un texte émanant de la Norvège. Un rappel du contexte aidera à comprendre

les intentions des protagonistes.

6. Au début de l’année 2009, les Etats côtiers n’avaient plus beaucoup de temps pour

soumettre à la Commission des limites du plateau continental (ci-après la «Commission des

limites» ou la «Commission») leur demande concernant la limite extérieure de leur plateau

continental. Certains n’avaient d’ailleurs pas les compétences techniques nécessaires, la

constitution du dossier destiné à la Commission étant une tâche extrêmement complexe. S’ils ne

respectaient pas le délai imparti, ils risquaient de perdre à jamais tout droit au-delà de 200 milles

marins. La situation était particulièrement préoccupante pour les pays d’Afrique. Pour y remédier,

l’Assemblée générale a exhorté les Etats Membres de l’Organisation des Nations Unies à

«aider … les Etats côtiers d’Afrique … à établir les demandes qu’ils d[evaient] présenter à la

Commission sur la détermination de la limite extérieure du plateau continental au-delà de
58
200 milles marins» .

7. La Norvège, et c’est tout à son honneur, a répondu à l’appel, et ce, de différentes

manières. Premièrement, elle a fourni une assistance technique à plusieurs Etats côtiers d’Afrique

de l’Est et de l’Ouest pour les aider à soumettre à temps leur demande à la Commission des

limites . Deuxièmement, le règlement intérieur de la Commission permettant aux Etats de faire

obstacle à l’examen de la demande de leurs voisins en faisant simplement valoir l’existence d’un

différend, la Norvège a facilité la conclusion, entre certains Etats voisins, d’accords dont elle a

rédigé le texte et dans lesquels ceux-ci s’engageaient à ne pas faire objection à l’examen de leurs

60
demandes respectives par la Commission . L’objectif était de permettre à la Commission de

58
Informations préliminaires indicatives sur la limite extérieure du plateau continental de la Somalie et
description de l’état d’avancement du dossier devant être soumis par cet Etat à la Commission des limites du plateau
continental (14 avril 2009), p. 4 ; MS, vol. III, annexe 66.
59EPK, par. 30.
60
Allocution de M. Hans Wilhelm Longva lors de la conférence panafricaine sur les frontières maritimes et le
plateau continental tenue à Accra les 9 et 10 novembre 2009, p. 113 à 115 ; EPK, vol. II, annexe 25. - 28 -

formuler des recommandations sur la limite extérieure du plateau continental, étant entendu que

celles-ci ne préjugeraient en rien les différends susceptibles d’exister en matière de délimitation

maritime.

8. S’agissant de l’Afrique de l’Ouest, par exemple, la Norvège a fourni une assistance

technique aux membres de la CEDEAO pour qu’ils puissent soumettre leur demande à la

Commission des limites ; elle a également facilité la conclusion d’un accord, dont elle a rédigé le

texte, dans lequel ces Etats s’engageaient à ne pas s’opposer à l’examen de leurs demandes
61
respectives par la Commission . Ainsi, bien que le Ghana et la Côte d’Ivoire estent aujourd’hui

devant une chambre spéciale du Tribunal international du droit de la mer au sujet de leur différend

relatif à leur frontière maritime, ces deux Etats ont respecté l’accord de non-objection rédigé par la

Norvège et chacun d’eux s’est abstenu d’objecter à l’examen de la demande soumise par l’autre à

la Commission des limites.

38 9. La Norvège a joué un rôle similaire en Afrique de l’Est. Elle a accepté de fournir une

assistance technique à la Somalie, qui avait besoin de son aide. Celle-ci devait en effet soumettre

ses informations préliminaires à la Commission des limites en mai 2009 au plus tard. Or, à

l’époque, elle n’était pas en mesure de préparer elle-même son dossier. Le nouveau Gouvernement

fédéral de transition venait d’accéder au pouvoir et devait –– tâche herculéenne s’il en est –– créer

un Etat viable à la suite de l’effondrement de l’autorité gouvernementale, de deux décennies de

chaos et de guerre civile et ce, alors que des insurgés militaires contrôlaient une bonne partie du

pays. Grâce à l’aide très précieuse de la Norvège, la Somalie a pu soumettre à temps ses

informations préliminaires à la Commission.

10. Comme elle l’avait fait en Afrique de l’Ouest, la Norvège a là encore cherché à parer aux

objections susceptibles d’être élevées par des Etats voisins pour empêcher la Commission des

limites d’examiner la demande somalienne. C’est pour cette raison qu’elle a proposé aux Parties de

conclure le mémorandum d’accord. Comme elle l’avait fait pour les membres de la CEDEAO, elle

a présenté le mémorandum à la Somalie et au Kenya comme un accord de non-objection destiné à

permettre à la Commission des limites d’examiner leurs demandes sans que l’un ou l’autre ne s’y

61Allocution de M. Hans Wilhelm Longva lors de la conférence panafricaine sur les frontières maritimes et le
plateau continental tenue à Accra les 9 et 10 novembre 2009, p. 113 à 115 ; EPK, vol. II, annexe 25. - 29 -

oppose, et sans préjudice de leur différend relatif à leur frontière maritime. La Norvège ne songeait

nullement au différend frontalier lui-même. Sa seule préoccupation était de garantir l’absence

d’objection des Parties, de sorte que la Commission des limites puisse dûment examiner leurs

demandes.

11. Le Kenya reconnaît que c’est la Norvège, par le truchement de son ambassadeur en

mission spéciale, feu M. Hans Wilhelm Longva, qui a rédigé le mémorandum d’accord et l’a

présenté aux Parties.

12. Des documents de l’époque montrent que M. Longva a tout d’abord présenté un «projet

de mémorandum d’accord» au vice-premier ministre de la Somalie le 10 mars 2009, après s’être

entretenu à cet égard avec la présidente du groupe de travail sur l’établissement de la limite

extérieure du plateau continental du Kenya . Les deux Parties ont annexé à leurs écritures une

copie des courriers que M. Longva a échangés avec le Kenya, d’une part, et avec la Somalie,

d’autre part, au sujet du mémorandum d’accord et de son libellé . Il est révélateur que, dans aucun

des échanges de l’époque, on ne trouve la moindre référence au règlement du différend sur la

délimitation maritime ou à ses modalités.

39 13. La Somalie a proposé une modification au projet de M. Longva, concernant son intitulé.

A sa demande, les termes «à chacun» ont été insérés afin de préciser que les deux Etats visaient à

s’«accorder à chacun non-objection à l’égard des communications…sur les limites extérieures du

64
plateau continental au-delà de 200 milles marins» . Comme M. Pellet l’a expliqué, l’intitulé initial

et le définitif concordent l’un et l’autre avec l’objet et le but principaux de cet instrument, dont ils

constituent le reflet : il s’agissait de faire en sorte qu’aucun des deux Etats n’objecte à l’examen de

la demande de l’autre par la Commission des limites.

14. Au vu du dossier de l’affaire, c’est ainsi que le rédacteur du mémorandum d’accord  la

Norvège  et les deux Etats devant y être parties –– la Somalie et le Kenya –– concevaient l’objet

62Courrier électronique adressé en mars 2009 à Mme Juster Nkoroi par M. Hans Wilhelm Longva ; EPK, vol. II,
annexe 6.
63
Echange de courriers électroniques du 30 mars 2009 entre Mme Edith K. Ngungu et M. Hans Wilhelm Longva,
p. 44, EPK, vol. II, annexe 9 ; échange de courriers électroniques des 30 et 31 mars 2009 entre Mme Edith K. Ngungu et
M. Hans Wilhelm Longva, p. 47, EPK, vol. II, annexe 10 ; courrier électronique (non daté) adressé à M. James Kihwaga
par M. Hans Wilhelm Longva, p. 58, EPK, vol. II, annexe 14 ; courrier électronique en date du 3 avril 2009 adressé à
M. Abdirahman Haji Adan Ibbi par M. Hans Wilhelm Longva, p. 1, EES, vol. II, annexe 20.
64
«Entretien avec M. Hans Wilhelm Longva», GRID-Arendal, 14 octobre 2013, disponible (en anglais) à
l’adresse suivante : http://www.grida.no/marine/news.aspx?id=5828. - 30 -

et le but du texte. M. Longva et la Norvège ont, de fait, bien pris soin de garder leurs distances par

rapport au règlement du différend frontalier et de ne pas s’en mêler, ainsi que de dissocier autant

o
que possible ce différend des demandes des Parties à la Commission. Sous l’onglet n 5 de votre

dossier de plaidoiries, et sur vos écrans, figure le texte d’un entretien accordé par M. Longva et

publié en 2009. Voici ce que celui-ci a déclaré, sous son air jovial, à la suite de son retour au

département juridique du ministère des affaires étrangères en 2008 : «Je suis à présent responsable

d’un projet consistant à aider des Etats côtiers d’Afrique dans l’établissement de la limite extérieure

de leur plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est

65
mesurée la largeur de la mer territoriale.» Il n’a évoqué aucune responsabilité concernant la

délimitation de frontières, le règlement de différends, des zones situés en deçà de 200 milles marins

ou l’exclusion d’un recours à la justice internationale.
o
15. Vous trouverez sous l’onglet n 6, ainsi que sur vos écrans, d’autres observations

formulées par M. Longva en novembre 2009, cette fois lors d’une intervention à la conférence

panafricaine sur les frontières maritimes et le plateau continental. Ces observations éclairent

davantage ses intentions, ainsi que celles de la Norvège :

«Avant de commencer, je tiens à souligner que cette question [du tracé de la
limite extérieure du plateau continental] est distincte de celle de la délimitation du
plateau continental entre Etats dont les côtes sont adjacentes ou se font face.
L’établissement de la limite extérieure du plateau continental est en effet sans

préjudice des questions relatives à la délimitation du plateau continental entre Etats,
c’est-à-dire qu’il n’y porte pas atteinte. Nul besoin donc de résoudre les questions de
délimitation maritime entre Etats voisins avant de commencer à établir la limite
extérieure du plateau continental.» 66

40 Ni M. Longva, ni la Norvège n’ont entrepris de régler les questions relatives à la délimitation

maritime entre le Kenya et la Somalie. Leur seule préoccupation était de faire en sorte que le

différend existant à cet égard n’entrave pas l’examen des demandes des Parties par la Commission

des limites.

16. La Norvège a exposé sa conception de l’objet et du but du mémorandum d’accord conclu

entre le Kenya et la Somalie dans une note verbale en date du 17 août 2011 adressée au Secrétaire

o
général ; ce document figure sous l’onglet n 7 (p. 4), ainsi que sur vos écrans :

65 «Entretien avec M. Hans Wilhelm Longva», GRID-Arendal, 14 octobre 2013, disponible (en anglais) à
l’adresse suivante : http://www.grida.no/marine/news.aspx?id=5828.
66
EPK, annexe 25, p. 1. - 31 -

«En vertu de cet accord, les parties sont convenues qu’elles soumettraient en
temps voulu à la Commission des limites du plateau continental des demandes
séparées qui pourraient porter sur des zones en litige, sans que cela ne préjuge la
délimitation de leurs frontières maritimes, et ont donné leur consentement préalable à
l’examen par la Commission de ces demandes, y compris en ce qui concerne les zones

contestées. Il y est précisé en outre que les demandes présentées à la Commission et
les recommandations que celle-ci formulera à cet égard ne préjugeront pas les
positions des deux Etats côtiers dans le différend maritime qui les oppose, non plus
que les délimitations maritimes à opérer dans les zones en litige, y compris celle du

plateau continental au-delà de 200 milles marins. Ainsi qu’il est prévu au dernier 67
paragraphe, «[l]e présent Mémorandum d’accord entrera en vigueur à sa signature».»

17. De manière révélatrice, en décrivant l’objet et le but du mémorandum, la Norvège a sauté

l’avant-dernier paragraphe et n’a pas dit un mot au sujet du règlement du différend des Parties

quant à leur frontière maritime, se bornant à déclarer que le consentement de chacune à ne pas

s’opposer à l’examen de la demande soumise par l’autre à la Commission des limites était sans

préjudice de leurs positions respectives concernant la frontière. La Norvège n’a pas présenté le

mémorandum comme un accord établissant un mode ou un calendrier précis pour le règlement du

différend frontalier. Elle n’a fait aucune mention du règlement de ce différend ou de ses modalités

éventuelles. A propos de la délimitation, elle n’a déclaré que ceci, comme vous pourrez le lire à la

page 3 de sa note verbale et sur vos écrans :

«Les questions les plus sensibles, sur le plan politique, pourraient être celles
ayant trait à la délimitation maritime entre la Somalie et les Etats côtiers voisins. La
Norvège ne prend pas position à ce sujet et se borne à apporter son assistance en
partant du principe qu’il ne sera en rien préjugé des questions de délimitation maritime
avec d’autres Etats.» 68

18. La Cour n’a aucune raison de ne pas s’en tenir à ce qu’a dit la Norvège. Celle-ci a

elle-même précisé, lorsqu’elle a proposé et recommandé de signer le mémorandum, qu’il ne

s’agissait pas de tenter de régler le différend des Parties concernant leur frontière maritime ou d’en

faciliter le règlement ; elle voulait simplement faire en sorte que les demandes soumises par les

41 Parties à la Commission des limites ne restent pas sans suite. Sa solution consistait donc à

dissocier ces demandes du différend maritime, afin que celles-ci puissent être examinées par la

Commission indépendamment et sans préjudice de celui-là.

67
Note verbale en date du 17 août 2011 adressée au Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies par la
mission permanente de la Norvège auprès de l’Organisation, EPK, vol. II, annexe 4.
68Ibid. - 32 -

19. A l’époque où le mémorandum fut examiné et signé, personne –– ni la Norvège, ni la

Somalie, ni le Kenya –– n’a émis l’avis que cet instrument portait sur le règlement du différend

relatif à la frontière maritime. Une telle intention ne ressort, ni explicitement ni implicitement,

d’aucun des documents de l’époque.

20. La documentation du Kenya le confirme. Vous trouverez ainsi sous l’onglet n 8 un o

document interne établi en août 2009 par le ministère kényan des affaires étrangères au sujet de

l’enregistrement du mémorandum d’accord par le Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies.

Le mémorandum y est présenté comme «concern[ant] les demandes adressées … au sujet des

limites extérieures du plateau continental au-delà de 200 milles marins» . Il n’est fait aucune

mention du règlement du différend.

o
21. De même, sous l’onglet n 9, vous trouverez un résumé de la présentation faite par le

Kenya à la Commission en septembre 2009. Selon ce document, la présidente du groupe de travail

sur l’établissement de la limite extérieure du plateau continental du Kenya, qui avait également été

consultée par M. Longva au sujet du mémorandum, avant sa signature, aurait déclaré que celui-ci

constituait un «arrangemen[t] provisoir[e] d’ordre pratique ... par lequel les parties s’engag[eaient]

à ne pas faire objection à l’examen de leurs demandes respectives» . Il n’est, là encore, nullement

question du règlement du différend.

22. Le résumé de la demande soumise par le Kenya à la Commission des limites, dont un

o
extrait est reproduit sous l’onglet n 10, indique également que les Parties se sont limitées dans le

mémorandum à «s’accorde[r] réciproquement non-objection à l’égard de leurs

71
demandes … concernant la limite extérieure de leur plateau continental respectif» . S’agissant de

la frontière maritime, il y est seulement déclaré que le Kenya et la Somalie délimiteront leur

72
frontière «conformément à un accord … sur la base du droit international» . Il s’agit là d’une

69
Message en date du 20 août 2009 adressé à la direction juridique du ministère des affaires étrangères par
Mme Jacqueline K. Moseti concernant l’enregistrement du mémorandum d’accord entre le Gouvernement du Kenya et le
Gouvernement fédéral de transition de la République somalienne, et accompagné d’une note verbale du Secrétariat de
l’Organisation des Nations Unies en date du 14 août 2009 ; EPK, vol. II, annexe 17.
70
Nations Unies, déclaration du président de la Cermission des limites du plateau continental sur l’état
d’avancement des travaux de la Commission, doc. CLCS/64, 1 octobre 2009, par. 95 ; MS, vol. III, annexe 61.
71
Demande soumise par la République du Kenya à la Commission des limites du plateau continental concernant
la limite de son plateau continental au-delà de 200 milles marins, résumé, avril 2009. MS, vol. III, annexe 59.
72Ibid. - 33 -

simple réaffirmation des obligations mutuelles des Parties au titre du paragraphe 1 de l’article 74 et

du paragraphe 1 de l’article 83 de la CNUDM.

42 23. Le mémorandum d’accord est mentionné dans le même paragraphe du résumé kényan.

De manière intéressante, le Kenya ne le présente pas comme un instrument régissant d’une manière

ou d’une autre les moyens d’établir la frontière ou de parvenir à un accord à cet égard. Les

éléments de preuve de l’époque sont donc révélateurs. Le Kenya n’a indiqué d’aucune façon que,

dans son esprit, le mémorandum imposait certaines obligations s’agissant du règlement du

différend frontalier. Dans toutes ses déclarations de 2009, il a présenté le mémorandum comme un

accord exclusivement destiné à faire en sorte qu’aucune des Parties ne fasse objection à l’examen

du dossier de l’autre par la Commission des limites, sans préjudice des questions de délimitation

maritime. Il n’est jamais allé plus loin.

24. Les déclarations faites à l’époque par la Somalie vont dans le même sens. Les membres

du Gouvernement fédéral de transition ont prêté serment le 22 février 2009, soit quelques semaines

à peine avant que M. Longva leur soumette le projet de mémorandum, le 10 mars. Certains hauts

responsables somaliens ont appris que la Norvège aidait la Somalie à constituer son dossier pour la
73
Commission des limites lorsqu’ils ont reçu le projet de mémorandum . Ils sont donc partis du

principe que ce mémorandum et le dossier somalien destiné à la Commission allaient de pair, et

74
que la conclusion du premier était nécessaire pour que le second puisse être déposé .

25. Dans un courrier électronique envoyé peu après la réunion du 10 mars, le vice-premier

ministre a exprimé sa gratitude à la Norvège pour avoir «effectué tous les travaux nécessaires» à sa

place s’agissant de la préparation du dossier d’informations préliminaires, et a ajouté que le

75
mémorandum d’accord élaboré par celle-ci était essentiel . Cette conception a été confirmée par le

ministre de la planification nationale et de la coopération internationale, qui a déclaré que le

73
Informations préliminaires indicatives sur la limite extérieure du plateau continental de la Somalie et
description de l’état d’avancement du dossier devant être soumis par cet Etat à la Commission des limites du plateau
continental (ci-après les «Informations préliminaires soumises par la Somalie à la Commission des limites»)
(14 avril 2009), p. 4 ; MS, vol. III, annexe 66.
74
Voir EPK, annexe 13, p. 2 (où le ministre somalien de la planification nationale et de la coopération
internationale indique que son gouvernement a dû «signer le mémorandum d’accord avec le Kenya» afin de pouvoir
soumettre son dossier à la Commission des limites) ; EPK, vol. II, annexe 7, p. 1-2 (où il est indiqué que le vice-premier
ministre de la Somalie a exprimé sa gratitude à la Norvège s’agissant du dossier destiné à la Commission, estimant que
«[l]e mémorandum d’accord que [celle-ci] av[ait] élaboré d[evait] être» adopté).
75 Echange de courriers électroniques entre Mme Rina Kristen, M. Abdirahman Haji Adan Ibbi,

M. Hans Wilhelm Longva et Mme Juster Nkoroi (10–22 mars 2009), p. 1-2 ; EPK, vol. II, annexe 7. - 34 -

Gouvernement somalien estimait devoir «signer le mémorandum d’accord avec le Kenya» afin de

76
pouvoir soumettre son dossier à la Commission des limites . Ainsi, dans l’esprit de la Somalie

comme dans celui du Kenya, le mémorandum était directement lié au dossier à soumettre à la

Commission. Il n’était pas considéré comme un accord régissant le mode de règlement du

43 différend frontalier. En résumé, les éléments de preuve relatifs à l’adoption du mémorandum en

2009 étayent pleinement la lecture de ce texte faite par M. Pellet.

III. Le comportement ultérieur des Parties

26. J’en viens à présent aux éléments de preuve relatifs à la pratique suivie par les Parties

après la signature du mémorandum d’accord.

27. Les négociations bilatérales directes sur la frontière maritime que les Parties ont

planifiées en 2013 et menées en 2014 constituent l’élément le plus important du comportement des

deux Etats au cours de cette période. Or, les propres actes du Kenya viennent directement

contredire son interprétation du mémorandum, qu’il tente de présenter comme un accord par lequel

les Parties seraient convenues d’attendre, pour fixer leur frontière, que la Commission des limites

ait achevé ses travaux. Sous l’onglet n 11, ainsi que sur vos écrans, vous pouvez voir une

déclaration conjointe des ministres des affaires étrangères des deux Etats qui porte la date du

31 mai 2013. Le document est de piètre qualité, ce dont vous voudrez bien m’excuser, mais je

pense qu’il reste lisible. Vous constaterez que, à la page 2, les deux ministres «ont souligné la
77
nécessité de réfléchir aux modalités de la délimitation maritime à entreprendre» . Cette

déclaration a été reprise dans un article de presse en date du 10 juin 2013, dans lequel il était

indiqué que le Kenya avait lui-même «demand[é] ... des pourparlers sur la démarcation des

frontières maritimes» . Le défendeur n’a pas contesté ce point, et il convient de noter qu’il a pris

l’initiative d’inviter la Somalie à négocier en vue de régler le différend relatif à la frontière

76Communiqué de presse de M. Abdirahman Abdishakur, ancien ministre somalien de la planification nationale
et de la coopération internationale de la Somalie, daté du 7 juillet 2012 et publié (en anglais) sur le site d’information
Al Shahid, p. 2 ; EPK, vol. II, annexe 13.
77
Communiqué de presse conjoint de Mme Amina Mohamed, ministre des affaires étrangères du Kenya, et de
Mme Fawzia Yusuf H. Adam, vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale
de la Somalie, en date du 31 mai 2013, p. 2 ; EPK, vol. II, annexe 31.
78
Article en date du 10 juin 2013 intitulé «Le Gouvernement somalien rejette l’appel au dialogue concernant le
différend frontalier avec le Kenya» et publié sur Hiiraan Online, p. 1 ; EPK, vol. II, annexe 32. - 35 -

maritime bien avant que la Commission ait formulé une quelconque recommandation sur le tracé

de la limite extérieure du plateau continental. De fait, cet organe n’avait alors même pas encore

entamé l’examen de la demande de l’un ou l’autre des deux Etats. Il convient également de noter

que la déclaration conjointe en question contredit une autre affirmation du Kenya, à savoir que ce

dernier aurait essentiellement proposé de discuter avec la Somalie dans le but non pas de délimiter

la frontière maritime, mais de convaincre celle-ci de lever son objection auprès de la Commission.

Cette déclaration conjointe date de mai 2013. Or, ce n’est qu’en février 2014, soit neuf mois plus

tard, que la Somalie a élevé son objection auprès de la Commission. Il ressort donc de la

déclaration conjointe que, dans l’esprit du Kenya, le mémorandum d’accord n’empêchait en rien

les Parties de résoudre le différend relatif à leur frontière maritime avant que la Commission se fût

prononcée.

28. Les négociations bilatérales sur la frontière maritime ont été engagées à la suite d’une

réunion tenue le 19 février 2014 par les ministres des affaires étrangères des deux Etats. Des

44 documents de l’époque, notamment une lettre adressée à la ministre kényane des affaires étrangères

o
par son homologue somalien, qui figure sous l’onglet n 12 et s’affiche sur vos écrans, font

apparaître que le Kenya a réaffirmé à cette occasion la «volonté de son gouvernement d’engager

avec celui de la Somalie un dialogue au sujet du différend existant quant à la délimitation de la

79
frontière maritime entre les deux Etats» . A l’issue de la réunion, la ministre kényane des affaires

étrangères a adressé à son homologue somalien une note verbale invitant la Somalie à envoyer une

80
délégation à Nairobi en vue d’ouvrir des négociations sur la frontière maritime . Sur cette base,

les Parties sont convenues de se rencontrer à la fin du mois de mars 2014 afin de tenter de

81
«régler ... le différend ... relatif à la frontière maritime» . Il n’a nullement été fait référence au

mémorandum d’accord, ni à quelque autre obstacle supposé au règlement du différend frontalier ou

79
Lettre MOFA/SER/MO/ /2014 en date du 13 mars 2014 adressée à S. Exc. Mme Amina Mohamed, ministre
des affaires étrangères et du commerce international de la République du Kenya, par S. Exc. M. Abdirahman Beileh,
ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la République fédérale de Somalie, p. 1 ; MS,
vol. III, annexe 43.
80
Voir note verbale MFA. PROT/7/8/1 en date du 7 mars 2014 adressée à l’ambassade de la République fédérale
de Somalie à Nairobi par le ministère des affaires étrangères et du commerce international de la République du Kenya ;
EES, vol. II, annexe 23.
81 Lettre MOFA/SER/MO/ /2014 en date du 13 mars 2014 adressée à S. Exc. Mme Amina Mohamed, ministre
des affaires étrangères et du commerce international de la République du Kenya, par S. Exc. M. Abdirahman Beileh,
ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la République fédérale de Somalie, p. 1 ; MS,

vol. III, annexe 43. - 36 -

au fait que la Commission n’avait pas encore formulé ses recommandations à l’intention de l’une

ou de l’autre des Parties. On ne trouve rien de tel dans l’invitation du Kenya, dans la réponse de la

Somalie ni dans aucune autre correspondance entre les deux Etats.

29. L’importance de ces échanges est évidente. Ils contredisent en effet ce qu’affirme

aujourd’hui le Kenya, à savoir que le mémorandum constituerait un accord par lequel les Parties

seraient convenues d’avoir exclusivement recours à un mode particulier pour régler le différend

relatif à leur frontière maritime, ce qu’elles ne pourraient faire qu’«après que la Commission

aura[it] achevé l’examen des communications séparées effectuées par chacun des deux Etats côtiers

82
et formulé ses recommandations» à leur intention . Il est évident que, en 2013 et en 2014, les

Parties n’estimaient ni l’une ni l’autre que le fait que la Commission n’ait pas encore formulé ses

recommandations les empêchait d’ouvrir des négociations et de tenter de régler le différend par ce

moyen, ou même par tout autre moyen.

30. Le Kenya sait que sa volonté de négocier un accord frontalier avec la Somalie en 2013 et

en 2014 traduit une interprétation du mémorandum d’accord totalement incompatible avec celle

qu’il a adoptée après l’introduction de la présente instance, et que ses conseils ont défendue hier.

Telle est la raison pour laquelle ceux-ci se sont à ce point perdus en explications au sujet de ces

45 négociations frontalières, la tâche ingrate d’en justifier la tenue étant essentiellement revenue à

Mme Muchiri. Monsieur le président, vous vous rappellerez sans doute avoir entendu que les

rencontres de l’époque n’étaient que «deux réunions au niveau technique» . C’est faux. Lors de

la seconde réunion, tenue en juillet 2014, les délégations étaient conduites par les ministres des

affaires étrangères, qui ont tous deux assisté aux pourparlers.

31. Il a également été dit à la Cour que «[l]e but principal n’était pas d’entreprendre des

négociations sur le fond de la question de la frontière maritime» , mais était de «traiter de la

85
violation du mémorandum d’accord» . Là encore, cette affirmation est erronée, et même

totalement démentie par les éléments de preuve. Vous pouvez en effet voir, sous l’onglet n 13 o

82
Mémorandum d’accord de 2009, par. 5 ; MS, vol. III, annexe 6.
83CR 2016/10, p. 46, par. 2 (Muchiri).
84
Ibid., p. 47, par. 5 (Muchiri).
85
Ibid., p. 46, par. 2 (Muchiri). - 37 -

ainsi que sur vos écrans, le compte rendu conjoint de la réunion des 26 et 27 mars 2014, connue

86
comme la «réunion sur la frontière maritime entre le Kenya et la Somalie» . Ce compte rendu

indique clairement que les Parties ont presque exclusivement traité de la frontière maritime, qui a

fait l’objet de discussions approfondies. A titre d’exemple, voici quatre des thèmes abordés, qui

sont énumérés à la page 2, sous l’intitulé «discussions relatives à la frontière maritime» :

«a) Abandon par le Kenya, dans sa proclamation présidentielle de 2005, de la

méthode de l’«équidistance» adoptée par son gouvernement dans la loi de 1972 sur les
eaux territoriales [telle que revisée en 1977] et la loi de 1989 sur les espaces
maritimes ; b) point de départ à retenir pour délimiter la frontière maritime ; c) ligne et
87
points de base ; d) tracé proposé pour la frontière maritime.»

32. Tentant de minorer le rôle et l’importance de ces négociations, Mme Muchiri et d’autres

intervenants ont prétendu que ces dernières n’étaient que «préliminaires» et visaient seulement à

89
«instaurer un climat de confiance» . Ce n’est toutefois pas ainsi que les Parties les ont décrites

dans leur compte rendu conjoint, qui retrace en détail leurs échanges au cours des deux journées de

réunion. Ce compte rendu renvoie notamment à une présentation PowerPoint dont le Kenya a

exposé la teneur à cette occasion, et qui figure sous l’onglet n 14. Comme vous pourrez le

constater, il s’agissait là d’une présentation sérieuse, approfondie et fouillée qui comprenait une

carte du littoral est-africain représentant ce que le défendeur considère comme une concavité

donnant lieu à certaines «circonstances spéciales», ainsi que des modèles et calculs détaillés

46 concernant les côtes et la zone pertinentes. D’autres cartes illustraient la prétendue «iniquité» que

subirait le Kenya si la frontière était tracée en utilisant la méthode de l’équidistance, comme le

préconisait la Somalie à la réunion . Les éléments de preuve que vous avez sous les yeux

contredisent l’argument que vous avez entendu hier, selon lequel la réunion n’aurait en réalité pas

donné lieu à un examen détaillé de la question de la frontière maritime mais aurait essentiellement

porté sur l’objection élevée par la Somalie auprès de la Commission.

86Compte rendu de la réunion sur la frontière maritime entre le Kenya et la Somalie tenue les 26 et 27 mars 2014,
établi conjointement par les Gouvernements kényan et somalien, p. 1 ; MS, vol. III, annexe 31.

87Ibid., p. 2 ; MS, vol. III, annexe 31.
88
CR 2016/10, p. 46, par. 3 (Muchiri).
89
Ibid., p. 47, par. 8 (Muchiri).
90Compte rendu de la réunion sur la frontière maritime entre le Kenya et la Somalie tenue les 26 et 27 mars 2014,
établi conjointement par les Gouvernements kényan et somalien, annexe 3 ; MS, vol. III, annexe 31. - 38 -

33. La conclusion du compte rendu conjoint va dans le même sens :

«Après avoir examiné plusieurs possibilités et méthodes, parmi lesquelles
l’emploi d’une bissectrice, d’une perpendiculaire, d’une ligne médiane ou d’un

parallèle, les deux délégations ne sont pas parvenues à un consensus sur une ligne
frontière maritime qui soit acceptable pour l’un et l’autre des deux Etats. Elles ont par
conséquent résolu d’en référer à leurs autorités respectives [c’est-à-dire à leurs
ministres des affaires étrangères] afin d’obtenir de nouvelles instructions.» 91

34. La Somalie ne conteste ni que le Kenya a cherché à faire inscrire le mémorandum

d’accord à l’ordre du jour de cette réunion, ni qu’il voulait qu’elle lève son objection afin de

permettre à la Commission d’examiner sa demande, mais là n’est pas la question essentielle. Nous

reconnaissons que le mémorandum impose à chacun des deux Etats de ne pas opposer d’objection à

l’examen, par la Commission, de la demande de l’autre. Ce point n’est pas en litige. En l’espèce,

la question essentielle est celle de savoir si, au-delà de ses dispositions relatives à la non-objection,

le mémorandum oblige les Parties à recourir à un mode particulier pour régler leur différend

concernant leur frontière maritime.

35. Sur cette question, le comportement du Kenya en 2013 et 2014 est révélateur. A aucun

moment au cours de cette période, pendant laquelle des négociations bilatérales sur la frontière

maritime ont été proposées et menées, il n’a laissé entendre que le mémorandum d’accord instituait

une méthode, encore moins une méthode exclusive, de règlement du différend frontalier. Bien au

contraire, il soutenait uniquement que cet instrument était un accord de non-objection, auquel la

Somalie devait se conformer. Telle était la seule raison avancée par le Kenya pour justifier

l’inscription du mémorandum d’accord à l’ordre du jour des réunions bilatérales.

36. Le Kenya semble n’avoir découvert que sur le tard, une fois la présente instance engagée,

que le mémorandum d’accord n’admet le règlement du différend relatif à la frontière maritime que

par une seule voie : la négociation, une fois formulées les recommandations de la Commission des

limites. Il reconnaît n’avoir jamais avancé une telle interprétation auparavant. M. Forteau a tenté

47
de justifier cette omission en arguant que le Kenya n’avait eu aucune occasion d’exprimer son
92
point de vue à cet égard par le passé . Cet argument ne tient pas. Si telle était véritablement

l’interprétation que le Kenya avait du mémorandum d’accord avant que la présente instance soit

91
Compte rendu de la réunion sur la frontière maritime entre le Kenya et la Somalie tenue les 26 et 27 mars 2014,
établi conjointement par les Gouvernements kényan et somalien, p. 6 ; MS, vol. III, annexe 31.
92Voir CR 2016/10, p. 42, par. 26 ; p. 45, par. 34 (Forteau). - 39 -

engagée, il l’aurait vraisemblablement fait connaître en 2014, époque à laquelle, si l’on s’en tient à

son point de vue actuel, le mémorandum d’accord était censé empêcher les Parties de mener des

négociations aux fins de régler leur différend frontalier, puisque la Commission des limites n’était

pas encore intervenue.

37. Les négociations de mars 2014 ont été suivies d’un second tour de pourparlers quatre

mois plus tard. Selon Mme Muchiri : «Il est … clair que le Kenya a pris l’initiative de la réunion

93
dans le but de traiter … du mémorandum d’accord.» Là encore, pareille déclaration est contredite

par les documents versés au dossier. Sous l’onglet n 15 de vos dossiers de plaidoiries, ainsi qu’à

l’écran, figure une note verbale que le Kenya a adressée à la Somalie pour la convier à un second

tour de négociations à Nairobi, en juillet 2014. Vous verrez qu’il mentionne expressément les

«négociations entre la République du Kenya et la République fédérale de Somalie sur la

délimitation de leur frontière dans les zones où se chevauchent les espaces maritimes revendiqués

94
par les deux Etats» . Au paragraphe suivant, le Kenya invite la Somalie aux pourparlers dans le

but exprès de «discuter de la question de la délimitation de la frontière dans les zones où se

chevauchent les espaces maritimes revendiqués par les deux pays» . Il n’est fait mention d’aucune

discussion relative au mémorandum d’accord ni même de l’objection élevée par la Somalie à

l’examen de la demande du Kenya par la Commission des limites.

o
38. Sous l’onglet n 16 figure le compte rendu conjoint de cette réunion tenue en juillet 2014.

On vous a dit hier que «les questions de délimitation maritime n’[avaient] été abordées qu’à titre

96
tout à fait préliminaire» . Ce n’est pas ce qui est consigné dans le compte rendu, dont il ressort :

que le but de la réunion se reflétait dans son intitulé («réunion sur la frontière maritime entre le

Kenya et la Somalie») ; que les équipes de négociateurs ont toutes deux fait «des

93
CR 2016/10, p. 47, par. 8 (Muchiri).
94 Compte rendu de la réunion sur la frontière maritime entre le Kenya et la Somalie tenue les 28 et

29 juillet 2014, établi conjointement par les Gouvernements kényan et somalien (juillet 2014) ; MS, vol. III, annexe 32
(les italiques sont de nous).
95Note verbale MFA/REL/13/21A en date du 24 juillet 2014 adressée au ministère des affaires étrangères et de la
promotion des investissements de la République fédérale de Somalie par le ministère des affaires étrangères et du

commerce international de la République du Kenya ; EES, vol. II, annexe 24.
96CR 2016/10, p. 46, par. 2 (Muchiri). - 40 -

présentations … sur la question de la frontière maritime» ; et que d’«intenses discussions» ont eu

lieu entre les Parties, en présence des deux ministres des affaires étrangères . 97

39. Le Kenya a beau tenter aujourd’hui de présenter ce tour de négociations sous un autre

jour, sa tentative est battue en brèche non seulement par le compte rendu conjoint mais également

par son propre compte rendu interne de la réunion, qui est daté du 8 août 2014.

48 40. La Somalie ne disposait pas de ce document au moment où elle a déposé son exposé écrit

en réponse aux exceptions préliminaires soulevées par le Kenya, ce dernier s’étant bien gardé de le

dévoiler lorsqu’il a présenté ces exceptions l’an dernier. La Somalie ne l’a obtenu qu’en juin

dernier avec l’aide de la Cour, après avoir demandé que le Kenya produise tous ses documents

internes relatifs aux négociations de mars et juillet 2014.
o
41. Vous trouverez ce document interne du Kenya sous l’onglet n 17. Il est adressé à la

ministre kényane des affaires étrangères et concerne la «deuxième réunion sur la délimitation», qui

98
y est décrite comme «fais[ant] suite à cell[e] du mois de mars» . Il n’y est absolument pas fait

mention du mémorandum d’accord. Voilà une omission qui, dans un document kényan destiné à

consigner les principaux points discutés à la réunion, est lourde de sens.

42. Ce document rend longuement et exclusivement compte de l’échange de vues intervenu

entre les Parties au sujet de leur différend en matière de délimitation maritime. Il montre

clairement que les Parties sont allées bien au-delà d’un simple échange de «vues préliminaires».

Comme on peut le lire à la page 2 du document, la présentation kényane portait sur le «droit

(maritime) applicable au Kenya, … [l]es facteurs pris en compte pour aboutir à un tracé de la

frontière suivant un parallèle, [puis se] conclu[ait] en exposant la solution retenue (le parallèle)

après application desdits facteurs». Il y est également précisé que le Kenya a invoqué la

99
jurisprudence et la pratique des Etats . On saurait difficilement qualifier de «préliminaire» une

présentation aussi détaillée. Selon ce même compte rendu, la Somalie a présenté des arguments de

97 Compte rendu de la réunion sur la frontière maritime entre le Kenya et la Somalie tenue les 28 et
29 juillet 2014, établi conjointement par les Gouvernements kényan et somalien (juillet 2014) ; MS, vol. III, annexe 32.

98Mémorandum en date du 8 août 2014 adressé à la ministre des affaires étrangères et du commerce international
de la République du Kenya par S. Mokaya-Orina, responsable de la direction du ministère chargée des affaires juridiques
et des relations du Kenya en tant que pays hôte, p. 1.
99
Ibid., p. 2. - 41 -

fond tout aussi détaillés mais en plaidant, elle, pour le recours à la méthode de l’équidistance, se

référant également de manière expresse à la jurisprudence . 100

o
43. Sous l’onglet n 18 figure le compte rendu interne établi par la Somalie au sujet de cette

même réunion. Il concorde avec celui du Kenya en ce qui concerne les questions abordées,

notamment les présentations longues et détaillées faites par chaque Partie à l’appui de ses vues sur

la délimitation de la frontière maritime. Comme cela vous a été dit hier, dans le compte rendu

interne établi par la Somalie au sujet de la réunion de juillet 2014, sont rapportés certains propos de

la ministre kényane des affaires étrangères dont il n’est pas fait mention dans le compte rendu

49 kényan. Ces propos figurent à la page 2  je cite : «au cas où les deux pays échoueraient à trouver

101
un accord, ils pourraient recourir à l’arbitrage international» .

44. Le Kenya a renié ces propos, notamment au moyen d’une déclaration faite par sa

ministre des affaires étrangères le 5 mai 2016, soit 21 mois après l’ouverture de la présente

procédure. La Somalie maintient pour sa part ce qui a été consigné dans son propre compte rendu,

avant que ne soit introduite la présente instance. Elle appelle en particulier l’attention sur les deux

phrases qui précèdent immédiatement celle que le Kenya renie, et dont il convient de relever que la

ministre kényane des affaires étrangères ne conteste pas l’exactitude dans la déclaration qu’elle a

faite tardivement en vue des présentes audiences. Ces deux phrases sont à présent affichées à

l’écran :

«M. Beileh [le ministre somalien des affaires étrangères] a demandé à

Mme Mohamed [son homologue kényane] combien de temps les délégations de leurs
deux pays resteraient embourbées dans d’âpres discussions sans apercevoir la moindre
solution. Mme Mohamed a fait savoir que, même si les positions des deux délégations
étaient éloignées, elle aimerait qu’elles se rencontrent à nouveau et tentent une
102
dernière fois de trouver une solution amiable.»

Qu’elles tentent une dernière fois de trouver une solution amiable.

45. Comme l’agent de la Somalie vous l’a exposé, une troisième et dernière réunion était

prévue mais, sans donner d’explication, la délégation kényane ne s’y est tout simplement pas

100Ibid., p. 1.

101Mme Al-Sharmani et M. Omar, représentants du ministère des affaires étrangères de la République fédérale de
Somalie, compte rendu en date du 5 août 2014 relatif à la réunion entre la République fédérale de Somalie et la
République du Kenya concernant leur différend en matière de délimitation maritime, tenue à Nairobi (Kenya) les 28 et
29 juillet 2014 ; EES, vol. II, annexe 4.
102
Ibid. - 42 -

présentée. Elle n’a pas non plus répondu aux demandes pressantes que la Somalie lui a adressées,

par courriel et par lettre, pour savoir quand ou même si la réunion aurait lieu. Sous l’onglet n 19 o

de votre dossier, ainsi qu’à l’écran, se trouve une lettre en date du 26 août 2014 adressée à la

ministre kényane des affaires étrangères par son homologue somalien. A la page 2, on peut lire ce

qui suit :

«[En outre,] ainsi que vous l’aviez demandé à la fin de la réunion du 29 juillet,
la délégation somalienne avait accepté de tenir une autre série de réunions au sujet du
différend existant, à Mogadiscio les 25 et 26 août. Elle a été profondément déçue que
la délégation kényane ne se soit pas présentée aux dates convenues et que, de ce fait,
103
les réunions n’aient pu avoir lieu.»

46. Cette lettre est restée sans réponse. La décision de saisir la Cour, que la Somalie a prise

à la suite de négociations de fond infructueuses dont les Parties étaient sorties très divisées et sans

espoir de règlement, et compte tenu de l’absence inexpliquée du Kenya à ce qui devait être la

50 dernière réunion, ne saurait donc être qualifiée de précipitée. La Somalie peut encore moins être

accusée de «duplicité» .104

47. Monsieur le président, les exposés que vous avez entendus hier ne concordent tout

simplement pas avec les éléments de preuve qui, comme vous avez pu le constater, se composent

de documents de l’époque dont l’authenticité et la fiabilité ne sont pas contestées, et dont certains

ont été produits et signés par les deux Parties. Il en ressort indéniablement que, en 2013

et 2014  avant l’introduction de cette affaire , le Kenya ne voyait aucune contradiction dans le

fait de proposer et d’engager des négociations visant à régler le différend relatif à la frontière

maritime, bien avant que la Commission ne soit en mesure de formuler ses recommandations, tout

en invoquant le mémorandum d’accord pour inciter la Somalie à lever son objection à l’examen de

sa demande. Et pour cause : sa position n’était alors pas contradictoire. Le Kenya considérait le

mémorandum comme un accord de non-objection à l’égard des demandes des Parties à la

Commission, ni plus ni moins.

48. Le Kenya a beau invoquer le mémorandum pour tenter de se soustraire à la compétence

de la Cour, il sait que ces éléments de preuve le mettent dans une situation difficile, si ce n’est

103Lettre n 2231 en date du 26 août 2014 adressée à S. Exc. Mme Amina Mohamed, ministre des affaires
étrangères de la République du Kenya, par S. Exc. M. Abdirahman Beileh, ministre des affaires étrangères et de la
promotion des investissements de la République fédérale de Somalie ; MS, vol. III, annexe 47.

104CR 2016/10, p. 50, par. 14 (Muchiri). - 43 -

désespérée. Et qui dit circonstances désespérées dit souvent actes ou, à tout le moins, arguments

désespérés, ce qui explique probablement celui qui a été avancé pour la première fois hier.

Précédemment, dans ses exceptions préliminaires, le Kenya soutenait que le mode de règlement du

différend frontalier prévu dans le mémorandum d’accord consistait pour les Parties «à négocier en

vue de parvenir à un accord complet et définitif sur leur frontière maritime une fois que la

Commission des limites aurait examiné leurs demandes respectives» . Il a changé de cap hier.

Selon son nouvel argument, conçu pour accommoder sa cause à une réalité peu favorable, le

mémorandum n’empêchait pas les Parties de négocier le règlement de leur différend maritime

avant l’examen de la Commission ; il les empêchait uniquement de parvenir à un accord. Cela

ferait du mémorandum un document très singulier, pour ne pas dire unique en son genre : il

prévoirait des négociations sur le différend relatif à la frontière maritime, à la condition toutefois

que celles-ci ne débouchent sur aucun accord. Il existe naturellement des instruments dans

lesquels les parties conviennent de s’entendre. Ce serait ici l’inverse : elles seraient convenues de

ne pas s’entendre.

49. Tel n’est évidemment pas le cas. Le nouvel argument du Kenya n’a tout simplement

aucun sens. Ce n’est certainement pas ainsi que le Kenya concevait le mémorandum lors des

négociations de 2014. L’objectif de ces réunions était de parvenir à un accord sur la frontière

51 maritime. Cela ressort clairement des comptes rendus conjoints et de ceux établis isolément par

chaque Partie. L’échange entre les ministres des affaires étrangères, M. Beileh et

Mme Mohamed , le démontre, tout comme la lettre que le premier a ensuite adressée à la

107
seconde . Au terme des réunions du mois de juillet, les ministres sont convenus de se rencontrer

à nouveau et de tenter une dernière fois de trouver une solution amiable. Ils n’ont pas dit :

«Toutefois, nous ne pouvons malheureusement pas parvenir à une solution car le mémorandum ne

nous le permet pas.»

10EPK, par. 73 (les italiques sont de nous).
106
Mme Al-Sharmani et M. Omar, représentants du ministère des affaires étrangères de la République fédérale de
Somalie, compte rendu en date du 5 août 2014 relatif à la réunion entre la République fédérale de Somalie et la
République du Kenya concernant leur différend en matière de délimitation maritime, tenue à Nairobi (Kenya) les 28 et
29 juillet 2014, p. 2 ; EES, vol. II, annexe 4.
107 o
Lettre n 2231 en date du 26 août 2014 adressée à S. Exc. Mme Amina Mohamed, ministre des affaires
étrangères de la République du Kenya, par S. Exc. M. Abdirahman Beileh, ministre des affaires étrangères et de la
promotion des investissements de la République fédérale de Somalie ; MS, vol. III, annexe 47. - 44 -

50. Le comportement du Kenya, même après l’introduction de la présente affaire, contredit

sa nouvelle interprétation du mémorandum. Le 24 octobre 2014, soit deux mois après le dépôt de

la requête de la Somalie, celui-ci a envoyé une note verbale au Secrétaire général de l’Organisation

des Nations Unies. Cette note se trouve sous l’onglet n 20 de votre dossier et s’affiche à l’écran.

A la page 2 de ce document, le Kenya affirme ce qui suit :

«Le Kenya demeure attaché à ce que la question de la délimitation maritime soit
réglée à l’amiable, de préférence par voie d’accord bilatéral avec la République

fédérale de Somalie, ce à quoi il tente toujours de parvenir par des voies plus
légitimes, et il tient à ce sujet à faire savoir que, nonobstant les actes susvisés de la
Somalie [à savoir son objection à l’examen de la demande du Kenya par la
Commission], les deux Etats mènent actuellement des négociations diplomatiques au
sommet en vue de régler rapidement cette question et dans l’intérêt de la coopération
108
pacifique, de la sécurité et de la stabilité de la région.»

51. S’il était besoin de porter le coup de grâce à la nouvelle interprétation kényane du

mémorandum, cette note verbale le fait. Elle a été envoyée alors que la Somalie n’avait pas encore

levé son objection, et après que la Commission eut déclaré ne même pas pouvoir créer une

sous-commission pour examiner la demande du Kenya. En d’autres termes, la Commission ne

pouvait même pas entreprendre son examen. Pourtant, cela n’a pas empêché le Kenya d’assurer au

Secrétaire général qu’il poursuivrait les négociations au sommet pour parvenir à un règlement du

différend relatif à la frontière maritime rapidement  je dis bien «rapidement» et non dix ou vingt

ans plus tard, ni après l’examen de la Commission. De toute évidence, le Kenya ne considérait

alors pas le mémorandum comme un obstacle aux négociations ou à la conclusion rapide d’un

accord.

52. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, mes conclusions seront très

brèves. Les éléments de preuve de l’époque, constitués de déclarations et d’actes du Kenya, de la

52 Somalie et de la Norvège, qui a rédigé le mémorandum et en a facilité la conclusion, montrent de

manière claire et dépourvue de toute ambiguïté qu’aucun d’eux n’a jamais considéré le

mémorandum comme un accord contraignant prescrivant le recours à un mode particulier de

règlement du différend des Parties. Au contraire, tous les protagonistes le prenaient pour ce qu’il

était : une simple tentative de lever les éventuels obstacles à l’examen par la Commission des

108Note verbale n 586/14 en date du 24 octobre 2014 adressée à S. Exc. M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies, par la mission permanente de la République du Kenya auprès de l’Organisation, p. 2 ;
MS, vol. III, annexe 50. - 45 -

demandes de plateau continental étendu présentées par les Parties en obligeant chacune à ne pas

faire objection à l’examen du dossier de l’autre.

53. S’il a été fait référence au différend relatif à la frontière maritime, il était entendu que

c’était pour le dissocier des demandes soumises à la Commission et protéger les positions

respectives des Parties au sujet de la frontière en évitant qu’il leur soit porté préjudice. L’objectif

de l’avant-dernier paragraphe du mémorandum n’était pas de régler le différend frontalier ou de

prescrire un moyen de le faire ; il s’agissait de laisser celui-ci de côté et de le soustraire aux effets

de l’engagement pris par les Parties de ne pas faire objection à l’examen de leurs demandes

respectives par la Commission. Monsieur le président, l’interprétation que les Parties faisaient du

mémorandum, telle qu’elle ressort de leur comportement constant, n’aide pas le Kenya dans sa

tentative d’utiliser cet instrument pour empêcher la Somalie de saisir la Cour de cette affaire.

Comme M. Pellet vous l’a déjà exposé, le texte du mémorandum ne l’aide pas davantage.

54. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre

courtoisie et de la patience avec laquelle vous m’avez écouté, et vous prie de bien vouloir appeler

M. Sands à la barre.

The PRESIDENT: Thank you. I give the floor to Professor Philippe Sands.

M. SANDS :

N I LE MÉMORANDUM D ’ACCORD NI LA PARTIE XV DE LA CNUDM N ENTRENT DANS LES
PRÉVISIONS DE LA RÉSERVE DONT EST ASSORTIE LA DÉCLARATION DU KENYA
FAITE EN VERTU DE LA CLAUSE FACULTATIVE

I. Introduction

1. Mr. President, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est pour moi un honneur que de

plaider devant vous au nom de la République fédérale de Somalie. M. Pellet vous a expliqué

comment il convient d’interpréter le mémorandum d’accord  document fort mince auquel le

Kenya accorde pourtant beaucoup de poids  et M. Reichler a rappelé comment cet instrument a

été négocié et était entendu par les Parties elles-mêmes. Or, ces analyses textuelles et contextuelles

53 confirment l’une comme l’autre que le mémorandum n’est pas un accord visant la délimitation de - 46 -

la frontière maritime entre les Parties, qu’il n’a jamais eu vocation à l’être ni n’a jamais été perçu

comme tel.

2. Je vais répondre à l’argument selon lequel le mémorandum d’accord entre dans les

prévisions de la première réserve à la déclaration que le Kenya a faite en vertu de la clause

facultative, argument par lequel il entend convaincre la Cour qu’elle n’est pas compétente pour

connaître de la requête de la Somalie au titre du paragraphe 2 de l’article 36 de son Statut. Je

montrerai que cet argument est dépourvu de fondement de fait comme de droit.

3. Mais avant de me lancer dans cette démonstration, une observation liminaire me semble

s’imposer. Dans ses exceptions préliminaires, le Kenya a consacré force temps et efforts à

chercher à persuader la Cour de ne pas rendre la décision impartiale et contraignante qui, revêtue

de son autorité, mettrait fin au différend qui depuis si longtemps oppose les Parties au sujet de leur

frontière maritime et vicie leurs relations. Le Kenya semble hostile au prononcé par la Cour d’une

décision faisant autorité, sans toutefois  selon la manière dont on interprète le propos de

M. Boyle – nécessairement rejeter l’idée d’un arbitrage au titre de l’annexe VII de la CNUDM.

4. Cette hostilité que le Kenya semble nourrir envers la Cour s’est de nouveau manifestée

hier — signe, peut-être, que le défendeur prend conscience du défaut de fondement de sa prétention

à une frontière maritime tracée selon un parallèle, dont son équipe de conseils se sera chargée de lui

expliquer qu’elle avait toutes les chances d’être écartée par la Cour. Tout comme est voué à

l’échec, d’ailleurs, l’argument des «mains sales» sur lequel il a malencontreusement tenté de se

fonder dans ses écritures, et qui appelle cette question désabusée : le Kenya s’abrite-t-il ici derrière

les notions de bonne foi et de consentement mutuel à seule fin de justifier la perpétuation de son

comportement unilatéral dans la zone maritime en litige ?

5. Comme l’a expliqué la Somalie dans son exposé écrit, l’invocation par le Kenya de la

réserve dont il a assorti sa déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour  de

même que sa prétention à une frontière maritime coïncidant avec un parallèle, ou encore son

argument relatif aux «mains propres»  achoppe sur un certain nombre d’obstacles d’ordre

juridique et factuel. Aux chapitres II à IV de notre exposé écrit, nous avons détaillé les failles de

son argumentation. «Tout sauf la CIJ à La Haye», vous a dit en substance le Kenya hier  mais

rien d’autre non plus, si ce n’est au prix de délais propres à éterniser le statu quo, prolonger - 47 -

l’incertitude et perpétuer l’instabilité. Faire droit à la revendication du Kenya reviendrait à exclure

toute possibilité pour la Cour, organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies,

d’agir non seulement dans la présente affaire, mais encore dans bien d’autres.

54 II. Le mémorandum d’accord n’entre pas dans les prévisions de la réserve

dont le Kenya a assorti sa déclaration d’acceptation

6. Commençons par la déclaration que le Kenya a faite en vertu de la clause facultative de

l’article 36, paragraphe 2, qui est partie intégrante du cadre juridictionnel dans lequel opère la

Cour. La Somalie et le Kenya participent au système de la clause facultative depuis plus d’un

demi-siècle, l’une comme l’autre ayant fait des déclarations au titre du paragraphe 2 de l’article 36

peu après leur accession à l’indépendance dans les années 1960  datées du 11 avril 1963, pour la

Somalie, et du 19 avril 1965, pour le Kenya. Leur participation de longue date à ce système traduit

leur attachement commun à l’objet et au but du Statut. Ce but, ainsi que l’a relevé la Cour dans

l’affaire LaGrand, est «de permettre à la Cour de remplir les fonctions qui lui sont dévolues par cet

instrument, et en particulier de s’acquitter de sa mission fondamentale, qui est le règlement

judiciaire des différends internationaux au moyen de décisions obligatoires conformément à

109
l’article 59 du Statut» . Tel est le but qui sous-tend la requête de la Somalie, et auquel fait écho

l’aspiration de l’Assemblée générale des Nations Unies à voir «les différends d’ordre juridique …,

de manière générale, … soumis par les parties à la Cour internationale de Justice» . 110

7. Ainsi que l’a expliqué la Cour dans l’affaire Nottebohm, la juridiction obligatoire prévue

au paragraphe 2 de l’article 36 «procède d’un accord préalable qui permet de saisir la Cour sans

accord spécial concernant le différend» . 111 Cet accord préalable découle de l’existence de

déclarations d’acceptation convergentes faites par les Etats concernés. En l’espèce, contrairement à

ce qu’a cherché à faire croire hier le conseil du Kenya, les déclarations de la Somalie et du Kenya

sont convergentes et habilitent bel et bien la Cour à exercer sa compétence.

8. Comme l’a dit la Cour en l’affaire du Nicaragua, les déclarations faites en vertu de la

clause facultative «établissent une série de liens bilatéraux avec les autres Etats qui acceptent la

109
LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 502, par. 102.
110Article 5 de la déclaration de Manille sur le règlement pacifique des différends internationaux, adoptée par
l’Assemblée générale dans sa résolution 37/10 du 15 novembre 1982.
111
Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1953, p. 122. - 48 -

112
même obligation par rapport à la juridiction obligatoire» . Fondamentalement, le système de la

clause facultative implique ainsi une série d’obligations mutuelles et contraignantes, fondées sur le

principe de réciprocité. Ces liens bilatéraux sont le signe d’une reconnaissance partagée du rôle

unique que joue la Cour dans le règlement pacifique des différends interétatiques. La nature

bilatérale des obligations découlant du paragraphe 2 de l’article 36 est déterminante, car il s’ensuit

que le droit d’un Etat à en attraire un autre devant la Cour ne peut lui être dénié que si la

55 compétence de celle-ci a été exclue intentionnellement, d’une manière explicite et dépourvue

d’ambiguïté. Or, en la présente instance, il est parfaitement clair que tel n’a pas été le cas.

9. Penchons-nous maintenant sur la première réserve dont est assortie la déclaration

d’acceptation du Kenya. Cette réserve couvre «[l]es différends au sujet desquels les parties en

cause auraient convenu ou conviendraient d’avoir recours à un autre mode ou à d’autres modes de

règlement».

10. Comme les Parties l’ont indiqué dans leurs écritures, pas moins de 34 autres Etats ont

113
assorti leur déclaration d’acceptation de réserves qui lui sont en substance identiques . Retenir

l’interprétation du Kenya aurait pour effet de saper le rôle que la Cour peut être amenée à jouer en

vertu de ces déclarations, à l’heure où ce rôle n’a jamais été aussi important. Cela marquerait en

outre un tournant dans sa jurisprudence. Comme l’a exprimé le juge Owada en 2010, alors qu’il

était président de la Cour,

«40 Etats ont limité leur déclaration faite en vertu de la clause facultative en
précisant que tout autre mécanisme de règlement des différends convenu entre les
parties l’emporterait sur la compétence générale de la Cour. Dans les rares affaires où
cette condition a été examinée, la Cour a estimé que cela n’interdisait cependant pas
114
de recourir à elle.»

11. Il est très difficile de voir comment il pourrait en aller autrement en l’espèce. Comment

le mémorandum pourrait-il raisonnablement être interprété comme valant accord de recourir à un

autre mode de règlement, ou simplement d’exclure le droit de saisir la Cour ?

112
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 418, par. 60.
113EPK, par. 142 ; OES, par. 1.29.
114
Président de la Cour internationale de Justice, Introduction au séminaire consacré à la compétence
contentieuse de la Cour internationale de Justice, 26 octobre 2010. - 49 -

12. Toute l’argumentation du Kenya repose sur l’interprétation d’une seule phrase, simple

expression d’une aspiration mais qui, selon lui, exclut le règlement judiciaire du différend opposant

les Parties à propos de leur frontière maritime. Cette unique phrase se trouve dans un document qui

vise à première vue exclusivement le tracé de la limite extérieure du plateau continental. Or, sans

que rien, dans le texte ou le contexte, ne vienne l’étayer, le Kenya chercher à lui conférer valeur

d’accord contraignant imposant de délimiter exclusivement par voie de négociations bilatérales la

totalité de la frontière dans la zone maritime en litige  y compris la mer territoriale, la ZEE et le

plateau continental en deçà de 200 milles marins dont le mémorandum d’accord ne fait pourtant

aucune mention. D’après le Kenya, cette phrase exclut toute saisine de la Cour sur toute question

de délimitation maritime.

56 13. Or, comme l’a noté M. Pellet, cette phrase unique est très proche du libellé des

paragraphe 1 des articles 74 et 83 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Il

s’agit d’une clause standard, n’allant pas au-delà des dispositions générales du droit international

qui s’imposent aux Parties depuis qu’elles ont ratifié la convention. La phrase en question ne

développe, complète, modifie ni n’étend en rien ces obligations de nature générale. Elle ne dit rien

du droit de saisir la Cour, de la clause facultative, ni d’autres modes possibles de règlement

judiciaire ou arbitral. Elle ne contient aucune clause d’exclusion  explicite ou implicite  ni

aucune précision quant à la forme, la durée et la portée des prétendues négociations obligatoires.

Cette petite phrase est décidément trop frêle pour le lourd fardeau que le Kenya voudrait lui faire

supporter.

14. Nous invitons la Cour à apprécier la laborieuse argumentation du Kenya en gardant à

l’esprit les quelques points suivants :

1) Premièrement, la déclaration qu’a faite le Kenya en vertu de la clause facultative ne prévoit

aucune exclusion expresse applicable aux différends relatifs à la délimitation maritime en

général ou au différend particulier qui l’oppose à la Somalie. S’il avait voulu exclure pareils

différends des prévisions de sa déclaration au titre du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, il

avait tout loisir de le faire à n’importe quel moment durant les cinq décennies qui se sont

écoulées depuis le dépôt de cette déclaration en 1965, comme l’ont fait nombre d’autres - 50 -

Etats . Dans sa déclaration, le Kenya s’est d’ailleurs expressément «réserv[é] le droit de

57 compléter, modifier ou retirer à tout moment [ses] réserves». Or il n’en a rien fait, ni

avant 2009, ni en 2009, ni en 2014.

2) Deuxièmement, s’il avait été conçu dans l’intention d’exclure la détermination par la voie

judiciaire de la frontière maritime contestée et de faire de la négociation le mode exclusif de

règlement du différend, le mémorandum d’accord, en toute logique, comportait des dispositions

expresses et univoques à cet effet, vu les conséquences importantes qu’aurait pareille

interprétation pour les deux Parties. Il n’en est rien. Son libellé ne donne nullement à penser

qu’il avait vocation à exclure ou prescrire un mode quelconque de règlement du différend

frontalier. Son intitulé et son contenu indiquent au contraire qu’il porte uniquement sur le tracé

de la limite extérieure du plateau continental. Il n’était pas censé concerner  et ne concerne

pas  les questions de délimitation ni le règlement des différends s’y rapportant.

3) Troisièmement, ainsi que l’a souligné M. Reichler, les travaux préparatoires ayant abouti à la

signature du mémorandum ne fournissent aucun élément tendant à prouver que l’une ou l’autre

des Parties avait l’intention d’exclure la délimitation par la voie judiciaire de la frontière

maritime en litige. Le Kenya n’a produit aucun élément de preuve de l’époque  absolument

115Voir, par exemple, les déclarations faites en vertu de la clause facultative par l’Australie (qui exclut
notamment «tout différend relatif à la délimitation de zones maritimes, y compris la mer territoriale, la zone économique
exclusive et le plateau continental, ou en rapport avec cette délimitation ou découlant de l’exploitation de toute zone objet
d’un différend adjacente à une telle zone maritime en attente de délimitation ou en faisant partie, concernant une telle
exploitation ou en rapport avec celle-ci»), Djibouti (qui exclut notamment les «différends avec la République de Djibouti
concernant ou portant sur … b) la mer territoriale, le plateau continental et les rebords externes, la zone exclusive de
pêche, la zone économique exclusive et les autres zones relevant de la juridiction maritime nationale y compris pour ce

qui concerne la réglementation et le contrôle de la pollution des mers et l’exécution de recherches scientifiques par des
navires étrangers … et e) la fixation et la délimitation de ses frontières maritimes»), la Grèce (qui exclut notamment «tout
différend concernant les frontières de l'Etat ou la souveraineté sur le territoire de la République hellénique, y compris tout
différend portant sur la largeur et les limites de sa mer territoriale…»), le Honduras (qui exclut notamment les «différends
ayant trait : i) aux questions territoriales concernant la souveraineté sur les îles, les bancs et les cayes ; les eaux
intérieures, les golfes et la mer territoriale, leur statut et leurs limites ; ii) à tous les droits de souveraineté ou de
juridiction concernant la zone contiguë, la zone économique exclusive et le plateau continental, leurs statuts et leurs
limites»), l’Inde (qui exclut notamment les «différends avec l’Inde concernant ou portant sur … b) la mer territoriale, le
plateau continental et les rebords externes, la zone exclusive de pêche, la zone économique exclusive et les autres zones
relevant de la juridiction maritime nationale y compris pour ce qui concerne la réglementation et le contrôle de la
pollution des mers et l’exécution de recherches scientifiques par des navires étrangers ; … et e) la fixation et la
délimitation de ses frontières maritimes»), Malte (qui exclut notamment les «différends auxquels Malte est partie et
concernant : a) son territoire, y compris ses eaux territoriales, et leur statut ; b) son plateau continental ou toute autre zone
de juridiction maritime et leurs ressources ; c) la détermination ou la délimitation de tout élément mentionné ci-dessus»),
le Nigéria (qui exclut notamment tout «différend port[ant] sur l’attribution, la délimitation ou la démarcation d’un
territoire (qu’il s’agisse d’un territoire terrestre, maritime ou lacustre ou d’une partie de l’espace aérien sus-jacent) sauf si
le Gouvernement nigérian accepte expressément la juridiction de la Cour et dans les limites de cette acceptation») et les
Philippines (qui exclut notamment les différends «concern[ant] le territoire de la République des Philippines, y compris

ses eaux territoriales et ses eaux intérieures»). - 51 -

aucun  donnant à penser que les Parties entendaient renoncer à s’adresser à la Cour  ou à

toute autre juridiction  en faveur de la négociation perpétuelle.

4) Quatrièmement, la tentative que fait le Kenya pour présenter le mémorandum comme un

instrument ayant établi une procédure obligatoire de délimitation de la frontière maritime entre

les Parties achoppe  irrémédiablement, selon nous  sur le fait que ce document ne

mentionne aucunement la frontière maritime en deçà de 200 milles marins. Il ne fait pas la

moindre référence, ni expresse, ni implicite, à la ZEE ou à la mer territoriale. S’il avait été

rédigé dans l’intention d’exclure la compétence de la Cour à l’égard de la délimitation de ces

deux zones, et de faire des négociations bilatérales le seul mode de règlement applicable à cette

délimitation, son texte aurait sans aucun doute, selon nous, expressément mentionné ces espaces

maritimes. Or il n’en est nullement question. De fait, dans la définition qu’il donne de la zone

maritime en litige, le mémorandum ne fait mention que du plateau continental, ce qui est

conforme, ainsi que l’a exposé M. Pellet avec une grande clarté, à l’objet particulier de ce

document, exclusivement destiné à établir les procédures à suivre pour établir le tracé de la

limite extérieure du plateau continental.

58 5) Cinquièmement, la Cour aura relevé que, lors des longues négociations menées avec la Somalie

en 2014, le Kenya n’a jamais, à aucune occasion, soutenu que le mémorandum entrait dans les

prévisions de la première réserve dont il a assortie sa déclaration en vertu de la clause

facultative. S’il avait estimé que tel était le cas, il l’aurait sans aucun doute affirmé. Il n’en a

rien fait.

6) Sixièmement, et cette observation renvoie au point précédent, aucun élément de preuve

n’indique que, avant le dépôt de ses exceptions préliminaires le 7 octobre 2015, le Kenya ait

jamais affirmé, que ce soit à l’intérieur ou hors de ses frontières, qu’il voyait dans le

mémorandum un accord prévoyant de régler le différend relatif à la frontière maritime par la

seule négociation, à l’exclusion de tout autre mode de règlement pacifique. Ce n’est qu’après

l’introduction par la Somalie de la présente instance devant la Cour que le Kenya a tenté de

présenter le document sous cet angle nouveau et différent. Cette requalification radicale est une

pure invention de sa part, issue de l’imagination fertile de ses conseils dont la mission, une fois

retenus pour l’assister dans cette affaire, était de créer de toutes pièces une clause d’exclusion. - 52 -

7) Septièmement, si, quod non, le Kenya avait raison d’affirmer que le texte du mémorandum a

établi un accord par lequel les Parties sont convenues «d’avoir recours à un autre mode ou à

d’autres modes de règlement», il faudrait semble-t-il en déduire que le libellé identique, en

substance, des articles 74 et 83 de la CNUDM a le même effet, ce qui aurait d’extrêmes

conséquences que n’avaient certainement pas prévues ses rédacteurs, non plus que les Etats qui

y sont parties. Si on suivait la logique du Kenya, les articles 74 et 83 auraient pour effet

d’exclure automatiquement la compétence de la Cour au titre du paragraphe 2 de l’article 36 de

son Statut à l’égard de tout différend relatif à la délimitation de la ZEE ou du plateau

continental d’un Etat qui serait partie à la CNUDM et dont la déclaration en vertu de la clause

facultative serait assortie d’une réserve libellée en des termes similaires à ceux employés par le

Kenya dans la sienne. Ce résultat serait  pour employer une litote  tout à fait surprenant.

Etant donné qu’au moins trente-trois autres Etats parties à la CNUDM et ayant fait une

déclaration en vertu de la clause facultative ont assorti celle-ci d’une réserve identique ou

similaire à celle du Kenya, le raisonnement de ce dernier, si vous le reteniez, aurait semble-t-il

pour conséquence d’exclure la compétence de la Cour à l’égard des différends de délimitation

maritime pour près de la moitié des soixante-douze Etats qui ont accepté sa juridiction

obligatoire en vertu du paragraphe 2 de l’article 36.

15. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, telle est la conséquence que le

Kenya voudrait voir la Cour s’infliger à elle-même en retenant la conclusion qu’il cherche à lui

faire admettre. Il est inconcevable que de si nombreux Etats l’aient ainsi dépouillée par

inadvertance de sa compétence.

59 III. En tout état de cause, les Parties ont satisfait à une
éventuelle obligation de négocier

16. Bref, nous soutenons que le mémorandum d’accord n’entre pas dans le champ

d’application de la réserve dont le Kenya a assorti sa déclaration au titre de la clause facultative.

Ses arguments sont intenables, il le sait certainement, et les suivre aurait de très graves

répercussions sur le rôle futur de la Cour, en particulier, mais pas seulement, dans le règlement des

différends relatifs aux frontières maritimes. - 53 -

17. A supposer même, pour les besoins de démonstration, que le mémorandum ait été conçu

comme un accord contraignant susceptible de relever des prévisions de ladite réserve, la Cour ne

serait pas pour autant privée de sa compétence pour connaître de la requête de la Somalie. La

raison en est simple : si le mémorandum d’accord avait créé une quelconque obligation de régler

par la négociation le différend relatif à la frontière maritime, cette obligation ne serait tout au plus

qu’une obligation de moyen, et non de résultat. Le mémorandum n’a pas été conçu comme un

pactum de contrahendo, un accord tendant à parvenir à un accord, mais tout au plus comme un

pactum de negociando, un accord tendant à rechercher un accord. Comme l’a expliqué

M. Reichler, c’est exactement ce que les Parties ont fait pendant une période de sept mois en 2014,

mais en vain. Après des discussions de haut niveau, intensives mais finalement infructueuses, les

négociations ont abouti à une impasse. Les Parties, en ayant pris acte, étaient néanmoins

convenues de tenir un réunion de la dernière chance pour tenter de trouver une solution amiable,

qui n’a jamais eu lieu parce que le Kenya, sans prévenir, ne s’est simplement pas présenté et a, par

la suite  comme cela vous a été dit  refusé de répondre à la demande d’explication de la

Somalie. Dès lors, toute obligation de négocier qu’aurait imposé le mémorandum d’accord étant

éteinte, cet instrument ne pouvait pas faire jouer la réserve émise par le Kenya.

18. Dans l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, la Cour permanente de

Justice internationale a fait observer ce qui suit :

«Une négociation ne suppose pas toujours et nécessairement une série plus ou
moins longue de notes et de dépêches ; ce peut être assez qu’une conversation ait été

entamée ; cette conversation a pu être très courte : tel est le cas si elle a rencontré un
point mort, si elle s’est heurtée finalement à un non possumus ou à un non nolumus
péremptoire de l’une des Parties et qu’ainsi il est apparu avec évidence que le
différend n’est pas susceptible d’être réglé par une négociation diplomatique.» 116

19. De surcroît, ainsi que l’a expliqué la Cour en l’affaire Nicaragua c. Honduras, «[i]l suffit

60 que la procédure initiale se soit trouvée à un point mort dans des conditions telles que ni sa

continuation ni sa reprise n’ait été effectivement envisagée à la date où une nouvelle procédure est

engagée» . Même s’ils ont été prononcés dans un contexte différent, ces mots décrivent bien la

situation qui se présente en l’espèce.

11Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n 2, 1924, C.P.J.I., série A, n 2, p. 13.

11Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt,
C.I.J. Recueil 1988, p. 100, par. 80. - 54 -

20. La Cour a précisé que la notion de «négociation» impliquait «que l’une des parties tente

118
vraiment d’ouvrir le débat avec l’autre partie en vue de régler le différend» . On voit mal

comment il pourrait être dit que des négociations n’ont pas eu lieu, même si le Kenya tente

aujourd’hui de présenter les faits sous un autre jour. Il est également vrai que les deux parties

avaient conscience d’être engagées dans des négociations et qu’elles savaient par ailleurs que

celles-ci ne menaient et ne mèneraient  concrètement  nulle part et qu’il n’y avait pas d’espoir

de sortir de cette impasse.

21. En résumé, les négociations entre les Parties ont commencé en mars 2014. Le premier

tour de négociations, qui a eu lieu à Nairobi, portait, selon le titre de l’ordre du jour, sur «la

frontière maritime Kenya-Somalie» . 119 Lors de cette réunion, les délégations des Parties ont

exposé leurs positions respectives sur la délimitation de la frontière maritime. La délégation

kényane a projeté une présentation Powerpoint détaillée comportant une série de pages qui

illustraient l’argumentation défendue par le Kenya pour obtenir que la frontière soit tracée selon un

parallèle de latitude. Parmi les sujets abordés par les deux délégations figuraient les raisons pour

lesquelles le Kenya, en 2005, soit une décennie plus tôt, avait renoncé à l’idée d’une frontière fixée

selon le principe d’équidistance, l’emplacement de la ligne de base et des points de base, et le tracé

possible de la frontière maritime . Il ressort du compte rendu conjoint de la réunion que malgré

ces échanges approfondis, les délégations n’«ont pas été en mesure de parvenir à un consensus sur

un projet de tracé de la frontière maritime acceptable pour les deux pays et susceptible d’être

121
adopté» .

22. Ayant consulté leurs autorités de tutelle respectives, les délégations se sont de nouveau

rencontrées pour un autre tour de négociations de haut niveau qui s’est tenu à Nairobi en

61 juillet 2014. Les pourparlers ont eu lieu à un niveau très élevé, en présence des ministres des

affaires étrangères des deux pays : pour reprendre les termes employés par le Kenya, ils se sont

118Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 132, par. 157.

119 Gouvernement somalien et Gouvernement kényan, Compte rendu conjoint de la réunion concernant la
frontière maritime Kenya-Somalie, 26-27 mars 2014 (1 avril 2014), annexe 2, p. 1-2 ; MS, vol. III, annexe 31.
120
Ibid., p. 2.
121
Ibid., p. 6. - 55 -

122
tenus «au sommet» . Cependant, le Kenya a continué d’insister pour que le tracé de la frontière

coïncide avec un parallèle, tandis que la Somalie persistait à faire valoir que, conformément à la

CNUDM et aux principes de droit international général reconnus, il fallait établir le tracé selon la

méthode de l’équidistance. Malgré d’intenses discussions, les Parties n’ont pas fait le moindre

progrès vers la fixation convenue d’une quelconque partie de la frontière, et ne sont pas même

parvenues à s’accorder sur la méthode de délimitation. Un commentaire du ministre somalien des

affaires étrangères qui, exprimant sa frustration à l’issue des pourparlers, a demandé «combien de

temps les délégations [des] deux pays resteraient embourbées dans d’âpres discussions sans

apercevoir la moindre solution» , montre bien que les Parties avaient abouti à une impasse.

23. Permettez-moi d’ouvrir ici une parenthèse. Nos collègues kényans se sont étonnés de ce

que notre agent ait rédigé la note relative aux négociations de juillet 2014 en anglais plutôt qu’en

somali. L’annexe 24 du mémoire de la Somalie reproduit un autre document rédigé en anglais

remis par notre agent le 1 avril 2014, ce qui montre que cette langue est en fait la langue de travail

de l’agent, qui a vécu et travaillé à l’étranger durant de nombreuses années et a maintes fois remis

124
des rapports établis en anglais .

24. Malgré cette impasse, un troisième tour de négociations était prévu à Mogadiscio,

comme vous le savez à présent : c’était la dernière occasion de rechercher un terrain d’entente.

Contrairement à ce qui vous a été dit hier, ces négociations étaient considérées par les deux Parties

non pas comme simplement l’une des nombreuses rencontres qui pourraient avoir lieu à l’avenir,

mais comme la «dernière» 125  j’ai bien dit la dernière  tentative de trouver une solution

amiable. Or, ainsi qu’a pu le lire la Cour dans nos écritures, la délégation kényane ne s’est pas

122 o
Note verbale n 586/14 datée du 24 octobre 2014, adressée au Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies, S. Exc. M. Ban Ki-moon, par la mission permanente de la République du Kenya auprès de l’Organisation,
p. 2 ; MS, vol. III, annexe 50.
123
Mme Al-Sharmani et M. Omar, représentants du ministère des affaires étrangères de la République fédérale de
Somalie, Compte rendu en date du 5 août 2014 relatif à la réunion entre la République fédérale de Somalie et la
République du Kenya concernant leur différend en matière de délimitation maritime, tenue à Nairobi (Kenya) les 29 et
29 juillet 2014, p. 2 ; EES, vol. II, annexe 4.
124 er
Note en date du 1 avril 2014 à l’usage du ministre somalien des affaires étrangères relative à la réunion entre
la République fédérale de Somalie et la République du Kenya sur leur différend concernant leur frontière maritime, tenue
à Nairobi (Kenya) les 26 et 27 mars 2014 ; MS, annexe 24.
125
Mme Al-Sharmani et M. Omar, représentants du ministère des affaires étrangères de la République fédérale de
Somalie, compte rendu en date du 5 août 2014 relatif à la réunion entre la République fédérale de Somalie et la
République du Kenya concernant leur différend en matière de délimitation maritime, tenue à Nairobi (Kenya) les 29 et
29 juillet 2014 ; EES, annexe 4. - 56 -

62 présentée. Aucune justification et aucun préavis n’ont été fournis : les membres de la délégation ne
126
sont tout simplement pas venus, sans prévenir ni donner après coup la moindre explication . Les

deux premiers tours de pourparlers n’ayant débouché sur aucune avancée, et le troisième ayant

avorté du fait de l’absence du Kenya, il était évident pour la Somalie que les négociations avaient

abouti à une impasse.

25. La situation qui régnait à la date du dépôt de la requête de la Somalie rappelle par

conséquent les circonstances de l’introduction de l’affaire du Droit de passage, à propos desquelles

la Cour a dit ce qui suit :

«Alors que les échanges diplomatiques qui ont eu lieu entre les deux

Gouvernements font ressortir l’existence d’un différend entre eux à l’égard du
principal point de droit actuellement soumis à la Cour, … un examen de la
correspondance montre que les négociations étaient arrivées à une impasse.» 127

26. Si la thèse du Kenya était correcte, les Parties seraient tenues de s’engager dans un

processus de négociation sans fin, nonobstant l’impasse inextricable à laquelle ont abouti les

tentatives d’entente. Les Parties devraient continuer de négocier  et seulement de négocier  en

faisant abstraction de l’écart béant qui sépare leurs positions et des activités unilatérales que

poursuit le Kenya dans la zone en litige, intransigeante et déraisonnable que puisse être l’attitude

des négociateurs kényans. Elles devraient continuer de négocier, prétend le Kenya, alors même

que l’une d’elles ne s’est pas présentée à la dernière réunion censée marquer la fin des

négociations. Bref, selon nous, position du Kenya est la meilleure recette à suivre si l’on veut créer

un blocage garantissant que le conflit durera indéfiniment.

IV. L’argument subsidiaire du Kenya : la partie XV de la CNUDM

27. Monsieur le président, le Kenya semble avoir maintenant pris conscience de la faiblesse

de son argument principal, et c’est pourquoi il a décidé d’en avancer un autre, subsidiaire et peu

brillant, qui serait fondé sur la partie XV de la CNUDM. Il n’y consacrait qu’un paragraphe dans

ses exceptions préliminaires, où il affirmait  sans plus d’explications ni de précisions  que «les

126EES, par. 2.72.

127 Droit de passage sur le territoire indien (Portugal c. Inde), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1957, p. 149. - 57 -

modes de règlement visés à la partie XV de cette convention auraient également pour effet de faire
128
jouer la réserve du Kenya et d’exclure la compétence de la Cour» .

63 28. Hier, vous avez entendu les conseils du Kenya, MM. Boyle et Lowe, chercher à étoffer

cet argument, ou plutôt ce non-argument. Ils l’ont certes monté en épingle, à tel point, d’ailleurs,

que l’on en vient à se demander s’il ne faut pas voir là un aveu de la faiblesse de leur

argument principal, mais cette insistance sur l’argument subsidiaire ne le rend pas plus plausible.

29. Permettez-moi d’être direct : cet argument est vain, car la partie XV de la CNUDM n’a

pas et ne saurait avoir d’incidence sur l’accord contraignant établi par les déclarations du Kenya et

de la Somalie au titre de la clause facultative, déclarations qui concordent, convergent et se

recoupent. Si le Kenya avait raison, cela écarterait la compétence de la Cour à l’égard des

différends maritimes entre les Etats parties à la CNUDM ayant assorti leur déclaration en vertu de

la clause facultative d’une réserve similaire à celle du Kenya.

30. L’accord qui découle des déclarations concordantes faites par les Parties en vertu du

paragraphe 2 de l’article 36 du Statut  car, encore une fois, elles concordent, convergent et se

recoupent bel et bien  l’emporte sur les procédures de règlement des différends prévues à

l’article 287 de la CNUDM. L’article 282 de la convention établit clairement le lien entre ces

dispositions, point que nous avons souligné dans notre requête et auquel le Kenya n’a pas apporté

de réponse crédible, que ce soit dans ses écritures ou dans ses plaidoiries d’hier .9

31. L’article 282 est ainsi libellé :

«Lorsque les Etats Parties qui sont parties à un différend relatif à l’interprétation
ou à l’application de la convention sont convenus, dans le cadre d’un accord général,

régional ou bilatéral ou de toute autre manière, qu’un tel différend sera soumis, à la
demande d’une des parties, à une procédure aboutissant à une décision obligatoire,
cette procédure s’applique au lieu de celles prévues dans la présente partie, à moins
que les parties en litige n’en conviennent autrement.»

32. Nombre d’éminents commentateurs ont maintes fois affirmé que l’article 282 avait pour

effet de garantir que la juridiction établie par les déclarations convergentes faites en vertu de la

clause facultative primait sur les procédures de règlement des différends prévues à la partie XV de

la CNUDM.

128
EPK, par. 147.
129Voir RS, par. 5 : «La compétence de la Cour au titre du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut est confirmée
par l’article 282 de la CNUDM...» - 58 -

33. A titre d’exemple, dans son récent manuel intitulé International Law of the Sea,

M. Tanaka a écrit ce qui suit :

«Il ne fait guère de doute que l’acceptation formulée au titre de la clause
facultative figurant au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour internationale
de Justice établit «une procédure aboutissant à une décision obligatoire» au sens de
64 l’article 282. Il semble en découler que, entre deux Etats qui ont souscrit à la clause

facultative, la juridiction de la Cour prime les procédures prévues à la partie XV de la
[CNUDM], par le jeu de l’article 282.» 130

34. M. Treves partage cette analyse. Selon ses termes, «l’acceptation par toutes les parties à

un différend de la juridiction obligatoire de la Cour au titre du paragraphe 2 de l’article 36 de son

Statut peut être considérée comme un «accord» au sens de l’article 282». Et de poursuivre :

«[L]’élément consensuel  qui semble être l’exigence fondamentale du paragraphe 2 de

l’article 36  existe indéniablement, si bien que l’on peut raisonnablement conclure que les parties

ont choisi une procédure dont elles sont convenues d’une «autre manière». M. Treves affirme donc

que lorsque les deux parties en litige ont souscrit à la clause facultative, le Tribunal international du

droit de la mer «devrait se déclarer incompétent» pour connaître du différend, en conséquence de

l’application de l’article 282 .131

35. M. le juge Rao a confirmé cette interprétation du lien entre la partie XV de la CNUDM et

le paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour en ces termes : «L’accord visé à l’article 282

peut être contracté «de toute autre manière», par exemple par des déclarations distinctes, telles que

celles faites au titre du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la CIJ.» 132

36. Ces commentaires faisant autorité concordent pleinement avec celui sur la CNUDM que

nous avons cité au paragraphe 3.83 de notre exposé écrit :

«L’article 282 précise qu’il peut être convenu de soumettre un différend à une
procédure donnée «de toute autre manière». Cette précision visait en particulier les
déclarations d’acceptation de la juridiction de la Cour internationale de Justice faites
133
en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de celle-ci.»

130Y. Tanaka, The International Law of the Sea (Cambridge University Publishing, 2 éd., 2015), p. 423-424
[traduction du Greffe].
131
T. Treves, Conflicts between the International Tribunal for the Lawoof the Sea and the International Court of
Justice, New York University Journal of International Law and Politics, vol. 31, n 4 (été 1999), p. 809 [traduction du
Greffe].
132
P. C. Rao, «Law of the Sea, Settlement of Disputes», Max Planck Encyclopaedia of Public International Law,
par. 11 [traduction du Greffe].
133MM. H. Nordquist, S. Nandan et S. Rosenne (dir. publ.), United Nations convention on the Law of the Sea
1982, A Commentary, vol. V (1989), p. 26-27 [traduction du Greffe]. - 59 -

37. C’était aussi l’avis de M. Boyle, du moins jusqu’à hier. Dans un article à ce sujet publié

en 1999, il a écrit ce qui suit : «Ainsi, deux Etats ayant fait des déclarations dans des termes

similaires en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour demeureront soumis à la

juridiction obligatoire de la Cour, même pour les différends relatifs à la CNUDM.» 134

65 38. M. Boyle semble avoir renié cette opinion hier.

39. Il a commencé par reconnaître, à bon droit, que si deux Etats avaient fait des déclarations

«identiques» en vertu de la clause facultative, alors, «[p]ar le jeu de l’article 282, le mode de

règlement convenu dans [celles-ci] primerait toute autre procédure prévue à la partie XV de la

CNUDM» . Dans son exemple hypothétique, M. Boyle a reconnu à juste titre que les parties à la

convention entendaient que la compétence de la Cour en vertu de la clause facultative prime les

autres modes de règlement des différends prévus à la partie XV.

40. M. Boyle a ensuite cherché à distinguer la présente affaire d’un cas où des déclarations

«identiques» auraient été faites en vertu de la clause facultative et, avec tout le respect que je lui

dois, c’est là qu’il se fourvoie. Il affirme que la réserve du Kenya signifie que les Parties n’ont pas

fait des déclarations «convergentes» et que par conséquent «les conditions énoncées dans
136
[l’]article [282] ne sont pas remplies en l’espèce» .

41. Nous ne savons pas au juste si, en avançant cet argument, M. Boyle laisse maintenant

entendre que la Cour n’a compétence en vertu de la clause facultative que si les déclarations sont

libellées dans les mêmes termes. Si tel est le cas, il a bien évidemment tort, comme il ressort de la

jurisprudence constante de la Cour.

42. Pour faire jouer sa réserve en l’espèce, le Kenya doit établir que, du fait qu’elles ont

signé la CNUDM, les deux Parties sont convenues de soumettre leur différend frontalier maritime

aux procédures de règlement prévues à la partie XV de la convention. Or, la partie XV établit

certes de telles procédures, mais elle ménage, en son article 282, une exception expresse lorsque les

deux Etats en litige sont convenus que leur différend doit être soumis à une autre procédure

aboutissant à une décision obligatoire. Comme nous l’avons vu, il est largement admis que cette

134A. E. Boyle, «Problems of Compulsory Jurisdiction and the Settlement of Disputes Relating to Straddling Fish
Stocks», International Journal of Marine and Coastal Law, vol. 14, n 1 (1999), p. 7 [traduction du Greffe].

135CR 2016/10, p. 50, par. 7 (Boyle).
136
Ibid., p. 51, par. 9 (Boyle). - 60 -

exception vaut pour les situations où les deux Etats ont fait une déclaration en vertu de la clause

facultative. En conséquence, afin de convaincre la Cour qu’elle n’n pas compétence en vertu de la

clause facultative, le Kenya est contraint de s’appuyer sur un traité  la CNUDM elle-même 

qui pourtant renvoie manifestement à la clause facultative et donne manifestement la primauté à la

66 juridiction fondée sur cette clause. Il en est venu à affirmer que la CNUDM fait jouer sa réserve,

tout en invoquant celle-ci pour exclure l’application d’une disposition de cette même convention.

43. C’est là ce que l’on pourrait appeler une système à renvois croisés, ou encore un système

en boucle, une sorte de jeu de ping-pong sans fin entre les deux instruments. Quoi qu’il en soit,

l’idée maîtresse est que chaque instrument rend l’autre inopérant. Cet argument a certes l’avantage

de faire tourner les têtes, mais peut-être pas dans le sens recherché.

44. En l’espèce, il n’y a nul doute que les deux conditions fixées par l’article 282 sont

remplies. La première  que les parties soient convenues de soumettre leur différend à une

procédure aboutissant à une décision obligatoire  est remplie par les déclarations convergentes

faites par le Kenya et la Somalie au titre de la clause facultative. La seconde  que la juridiction

choisie par les parties ait autorité pour interpréter et appliquer la CNUDM aux fins du règlement du

différend  l’est aussi indéniablement. La Cour a compétence pour interpréter et appliquer la

CNUDM. C’est en effet une fonction dont elle s’est acquittée sans difficulté dans de nombreuses

137
affaires récentes . La Somalie et le Kenya ont tous deux ratifié la convention et sont donc

réciproquement liés par ses dispositions. Dans sa requête, la Somalie a indiqué expressément que

«[l]a convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 … constitu[ait] le droit applicable

138
au présent différend» . Elle y demande explicitement à la Cour d’établir la frontière maritime

contestée en appliquant les articles 15, 74 et 83 de la CNUDM . Sa requête relève donc tout à fait

de l’article 282.

137Voir, par exemple, Différend maritime (Pérou c. Chili), arrêt, C.I.J. Recueil 2014, p. 3 ; Différend territorial
et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 624 ; Délimitation maritime en mer Noire
(Roumanie c. Ukraine), arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 61.

138RS, par. 3.
139
Ibid., par. 18 et 33. - 61 -

V. Le principe des «mains sales» invoqué par le Kenya comme motif
de son exception d’irrecevabilité de la requête de la Somalie

45. J’examinerai enfin la tentative malheureuse du Kenya consistant à invoquer le principe

des «mains sales» pour convaincre la Cour de déclarer irrecevable la requête de la Somalie. Dans

ses exceptions préliminaires, le Kenya vitupérait les mesures prises par la Somalie à l’égard de la

demande qu’il avait soumise à la commission des limites du plateau continental, l’accusant d’avoir

violé le mémorandum d’accord en cherchant à régler la question de la délimitation avant que la

commission n’ait fixé la limite extérieure du plateau continental. Le Kenya soutenait que ce

67 comportement rendait irrecevable la requête de la Somalie. Dans ses écritures, il avançait cet

argument sans grande conviction, y consacrant juste quatre brefs paragraphes à la fin de l’exposé

de ses exceptions préliminaires. Hier, dans ses plaidoiries, il y a fait tout au plus, en passant, une

140
référence indirecte .

46. Nous comprenons fort bien que le Kenya ne se soit pas attardé sur cet argument et n’en

ait rien dit hier : il est manifestement indéfendable. Premièrement, il s’appuie sur l’amalgame

erroné entre délimitation et tracé que l’on rencontre partout dans les exceptions préliminaires du

Kenya. Deuxièmement, la Somalie ne cherche pas à invoquer le mémorandum d’accord comme

fondement de la compétence de la Cour : même si elle avait violé cet instrument  ce qui n’est pas

le cas  cela ne l’empêcherait pas de se prévaloir des droits totalement distincts qui sont les siens

au titre du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut. Troisièmement, il n’existe aucun précédent de

l’application du principe des «mains sales» au règlement d’un différend entre Etats. En effet,

chaque fois que la Cour a été invitée à appliquer ce principe, elle a refusé de le faire. Comme

l’indique la dernière édition de Brownlie’s Principles of Public International Law  texte qui, je

me permets de l’ajouter, est admirablement fidèle à l’esprit et à la démarche de l’éminent auteur

des précédentes éditions  «[l]a Cour internationale de Justice n’a jamais appliqué le principe,

même dans les affaires où elle aurait pu le faire» . Et, quatrièmement, que ce principe puisse ou

140Voici ce que M. Akhavan a déclaré : «si les Parties conviennent d’un mode de règlement, elles doivent
exécuter leurs obligations de bonne foi. Ce seul point rend la thèse de la Somalie irrecevable.» (CR 2016/10, p. 22,
par. 22 (Akhavan)). Toutefois, dans ses observations liminaires, M. Akhavan a semblé désavouer tout argument fondé
sur l’irrecevabilité de la demande de la Somalie, s’attachant plutôt exclusivement à la question de la compétence de la
Cour à l’égard du différend : «[l]a Cour n’a qu’une seule question à trancher : celle de savoir si elle a compétence pour
connaître du différend qui oppose le Kenya et la Somalie au sujet de leur frontière maritime.» (CR 2016/10, p. 16, par. 3
(Akhavan)).
141 e
J. Crawford (ed.), Brownlie’s Principles of Public International Law, 8 édition, 2012, p. 701, note de bas de
page 66. - 62 -

non être jamais appliqué dans le contexte d’une affaire opposant des Etats, la jurisprudence de la

Cour confirme que les accusations de mauvaise foi du type de celles qui sont portées contre la

Somalie ne sauraient faire obstacle à la recevabilité d’une requête . 142

47. En tout état de cause, les allégations du Kenya sont totalement dénuées de fondement

factuel. La décision prise par la Somalie d’élever une objection à la demande soumise par le Kenya

à la commission des limites du plateau continental était une mesure raisonnable eu égard à la

situation ; elle a été prise en désespoir de cause pour faire pièce à la revendication obstinée et

injustifiée par le Kenya d’une frontière coïncidant avec un parallèle et à ses activités unilatérales

dans la zone en litige, non moins persistantes et injustifiées, qui ont fatalement compromis les

chances de parvenir à un accord définitif, allant en cela à l’encontre du paragraphe 3 de l’article 74

et du paragraphe 3 de l’article 83 de la CNUDM. La Somalie a agi raisonnablement étant donné le

68 comportement unilatéral du Kenya : elle s’est adressée à la Cour. Quoi de plus raisonnable que de

saisir la Cour ? La Somalie ayant par la suite levé son objection, la commission est maintenant

saisie de la demande du Kenya, dont l’examen n’a pas été sensiblement retardé. Le Kenya n’a subi

aucun préjudice, et nous proclamons que la Cour ne saurait nous opposer porte close.

Conclusion

48. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, nous espérons que vous

apprécierez les exceptions préliminaires du Kenya pour ce qu’elles sont réellement : une tentative

de prolonger un statu quo inique qu’aucun principe ne justifie. Pour écarter le règlement judiciaire

du présent différend, le Kenya prétend imposer d’interminables et vaines négociations. Il invoque

pour ce faire un mémorandum d’accord qui n’a rien à voir avec la question de la délimitation et

cherche à étayer ces conclusions en avançant deux arguments subsidiaires qui sont manifestement

voués à l’échec.

49. La situation n’est certes pas exempte d’ironie : le Kenya insiste pour des négociations

sans fin et porte des accusations de mauvaise foi dans le but d’exclure une possibilité réaliste de

règlement du différend et, ce faisant  il faut le dire , semble prêt à sacrifier la Cour, en la

142
Voir Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unisd’Amérique), arrêt,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 38, par. 47 : «même s’il était démontré que la pratique du Mexique en ce qui concerne
l’application de l’article 36 n’était pas exempte de critique, les Etats-Unis ne pourraient s’en prévaloir comme exception à
la recevabilité de la demande mexicaine». - 63 -

privant du rôle important qui lui revient dans la résolution du présent différend de délimitation

maritime et, par voie de conséquence, de jouer à l’avenir le même rôle dans de nombreux autres

différends de ce type, voire même d’une autre nature. Le résultat que recherche le Kenya n’est

défendable ni juridiquement, ni politiquement, et aurait des conséquences pratiques désastreuses.

La Cour détient l’espoir de mettre fin à l’incertitude et, par-là, fait entrevoir la perspective

séduisante d’une réduction de l’instabilité dans une région qui aspire ardemment à aller de l’avant.

La Cour a compétence en l’espèce, et nous comptons sur elle pour l’exercer. Monsieur le

président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est sur ces propos que je clos le premier tour de

plaidoiries de la Somalie. Je tiens à vous remercier, au nom de mes collègues, de votre aimable et

patiente attention.

The PRESIDENT: Thank you, Professor. That brings today’s sitting to an end and

concludes the first round of oral argument. The Court will meet again tomorrow, Wednesday

21 September, at 4.30 p.m., to hear Kenya’s second round of oral argument. At the end of the

sitting, Kenya will present its final submissions.

Somalia, for its part, will take the floor on Friday 23 September, at 10 a.m., for its second

round of oral argument. At the end of that sitting, Somalia will present its final submissions.

I would point out that, in accordance with Article 60, paragraph 1, of the Rules of Court, the

oral statements are to be as succinct as possible. I would add that the purpose of the second round

69 of oral argument is to enable each of the Parties to reply to the arguments put forward orally by the

opposing Party or to the questions put by Members of the Court. The second round must therefore

not be a repetition of the arguments already set forth by the Parties, which, moreover, are not

obliged to use all the time allotted to them.

Thank you. The Court is adjourned.

The Court rose at 1.05 p.m.

___________

Document Long Title

Traduction

Links