Déclaration de M. le juge Gaja

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154-20160317-JUD-01-05-EN
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154-20160317-JUD-01-00-EN
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202
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DÉCLARATION DE M. LE JUGE GAJA
[Traduction]
D’après « la définition du plateau continental énoncée au paragraphe 1
de l’article 76 de la [convention des Nations Unies sur le droit de la mer]
[qui] fait partie du droit international coutumier » (Différend territorial et
maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 666,
par. 118), le droit d’un Etat côtier à un plateau continental étendu n’est
pas subordonné à une quelconque action de la Commission des limites du
plateau continental. Le fait que celle‑ci ait été saisie d’une demande relative
au plateau continental étendu n’a donc aucune incidence sur le fondement
d’une demande de délimitation dudit plateau. Cependant,
s’agissant des limites extérieures du plateau continental, on peut concevoir
que la situation soit modifiée par la saisine de la Commission, dès
lors que celle‑ci a fait une recommandation aux fins de « la fixation [de
ces] limites », conformément au paragraphe 8 de l’article 76 de la convention,
et que l’Etat côtier a agi en conséquence.
Il est compréhensible que la Commission, lorsqu’elle a été appelée
à faire des recommandations pour la fixation des limites extérieures
d’un plateau continental, se soit abstenue jusqu’à présent d’examiner les
demandes relatives à des zones faisant l’objet d’un différend en l’absence
de « l’accord préalable de tous les Etats parties à ce différend »
(article 5 a) de l’annexe I du règlement intérieur de la Commission des
limites du plateau continental).
Il est des situations où la délimitation d’un plateau continental étendu
peut être effectuée sans difficulté par la Cour ou par une autre juridiction
internationale dans l’attente du tracé des limites extérieures dudit plateau.
On peut dire que tel était le cas de la délimitation entre le Bangladesh et
le Myanmar, dont le Tribunal international du droit de la mer a estimé
qu’elle pouvait être faite au moyen d’une ligne se terminant par une flèche
(Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Bangladesh
et le Myanmar dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar),
arrêt du 14 mars 2012, TIDM, par. 505 et 506, point 6). Le plus souvent,
cependant, il convient de procéder d’abord à la fixation des limites extérieures
du plateau continental, parce qu’il serait difficile, autrement, de
parvenir à la « solution équitable » requise par l’article 83 de la convention
des Nations Unies sur le droit de la mer. C’est pourquoi il serait
souhaitable que la Commission modifie son règlement intérieur, afin
d’être en mesure d’examiner aussi les demandes relatives à une délimitation
litigieuse — option que la Cour n’a pas exclue (voir arrêt, par. 113).
En tout état de cause, conformément au paragraphe 10 de l’article 76 de
la convention, la Commission, lorsqu’elle formule des recommandations
délimitation du plateau continental (décl. gaja) 203
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pour la fixation des limites extérieures du plateau continental, « ne préjuge
pas de la question de la délimitation du plateau continental entre des
Etats dont les côtes sont adjacentes ou se font face » (voir également l’article
9 de l’annexe II de la convention) et peut donc le faire nonobstant
l’existence d’un différend à ce sujet.
(Signé) Giorgio Gaja.

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DECLARATION OF JUDGE GAJA
Under “the definition of the continental shelf set out in Article 76,
paragraph 1, of UNCLOS [which] forms part of customary international
law” (Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Judgment,
I.C.J. Reports 2012 (II), p. 666, para. 118), a coastal State’s entitlement
to an extended continental shelf does not depend on an assessment
by the Commission on the Limits of the Continental Shelf (CLCS). Thus,
the basis of a claim concerning the delimitation of an extended continental
shelf does not change because of a submission to the CLCS in respect
of that shelf. However, with regard to the outer limits, one would conceivably
face a situation that is new in relation to that existing before the
submission once the CLCS made a recommendation for “the establishment
of the outer limits of [the] continental shelf” under Article 76, paragraph
8, of UNCLOS and the coastal State acted upon it.
It is understandable that, when making recommendations on the establishment
of the outer limits of the continental shelf, the CLCS has so far
refrained from examining submissions concerning areas under dispute in
the absence of “prior consent given by all States that are parties to such a
dispute” (Art. 5 (a) of Ann. I to the Rules of Procedure adopted by
the CLCS).
There may be cases where a delimitation involving an extended continental
shelf could be effected without difficulty by the Court or an international
tribunal pending the delineation of the outer limits of the
continental shelf. One such case arguably concerned the delimitation
between Bangladesh and Myanmar, where the International Tribunal for
the Law of the Sea (ITLOS) found that it could make the delimitation by
tracing a line with an arrow (Dispute concerning Delimitation of the Maritime
Boundary between Bangladesh and Myanmar in the Bay of Bengal
(Bangladesh/Myanmar), Judgment of 14 March 2012, ITLOS, paras. 505
and 506 (6)). However, in most instances the delineation of the outer limits
should come first, because it would otherwise be difficult to pursue the
“equitable solution” required by Article 83 of UNCLOS. It would therefore
be appropriate for the CLCS to modify its Rules of Procedure and
consider submissions also when the delimitation is under dispute, an
option left open by the Court (Judgment, para. 113). In any event, under
Article 76, paragraph 10, of UNCLOS, the CLCS, when making recommendations
on the establishment of the outer limits of the continental
shelf, does so “without prejudice to the question of the delimitation of the
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DÉCLARATION DE M. LE JUGE GAJA
[Traduction]
D’après « la définition du plateau continental énoncée au paragraphe 1
de l’article 76 de la [convention des Nations Unies sur le droit de la mer]
[qui] fait partie du droit international coutumier » (Différend territorial et
maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 666,
par. 118), le droit d’un Etat côtier à un plateau continental étendu n’est
pas subordonné à une quelconque action de la Commission des limites du
plateau continental. Le fait que celle‑ci ait été saisie d’une demande relative
au plateau continental étendu n’a donc aucune incidence sur le fondement
d’une demande de délimitation dudit plateau. Cependant,
s’agissant des limites extérieures du plateau continental, on peut concevoir
que la situation soit modifiée par la saisine de la Commission, dès
lors que celle‑ci a fait une recommandation aux fins de « la fixation [de
ces] limites », conformément au paragraphe 8 de l’article 76 de la convention,
et que l’Etat côtier a agi en conséquence.
Il est compréhensible que la Commission, lorsqu’elle a été appelée
à faire des recommandations pour la fixation des limites extérieures
d’un plateau continental, se soit abstenue jusqu’à présent d’examiner les
demandes relatives à des zones faisant l’objet d’un différend en l’absence
de « l’accord préalable de tous les Etats parties à ce différend »
(article 5 a) de l’annexe I du règlement intérieur de la Commission des
limites du plateau continental).
Il est des situations où la délimitation d’un plateau continental étendu
peut être effectuée sans difficulté par la Cour ou par une autre juridiction
internationale dans l’attente du tracé des limites extérieures dudit plateau.
On peut dire que tel était le cas de la délimitation entre le Bangladesh et
le Myanmar, dont le Tribunal international du droit de la mer a estimé
qu’elle pouvait être faite au moyen d’une ligne se terminant par une flèche
(Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Bangladesh
et le Myanmar dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar),
arrêt du 14 mars 2012, TIDM, par. 505 et 506, point 6). Le plus souvent,
cependant, il convient de procéder d’abord à la fixation des limites extérieures
du plateau continental, parce qu’il serait difficile, autrement, de
parvenir à la « solution équitable » requise par l’article 83 de la convention
des Nations Unies sur le droit de la mer. C’est pourquoi il serait
souhaitable que la Commission modifie son règlement intérieur, afin
d’être en mesure d’examiner aussi les demandes relatives à une délimitation
litigieuse — option que la Cour n’a pas exclue (voir arrêt, par. 113).
En tout état de cause, conformément au paragraphe 10 de l’article 76 de
la convention, la Commission, lorsqu’elle formule des recommandations
203 delimitation of the continental shelf (decl. gaja)
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continental shelf between States with opposite or adjacent coasts” (see
also Art. 9 of Ann. II to UNCLOS), and therefore irrespective of the
existence of a dispute on delimitation.
(Signed) Giorgio Gaja.
délimitation du plateau continental (décl. gaja) 203
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pour la fixation des limites extérieures du plateau continental, « ne préjuge
pas de la question de la délimitation du plateau continental entre des
Etats dont les côtes sont adjacentes ou se font face » (voir également l’article
9 de l’annexe II de la convention) et peut donc le faire nonobstant
l’existence d’un différend à ce sujet.
(Signé) Giorgio Gaja.

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Déclaration de M. le juge Gaja

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