Corrigé Traduction
Corrected Translation
CR 2016/8
Mercredi 16 mars 2016 à 10 heures
Wednesday 16 March 2016 at 10 a.m. - 2 -
The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open. The Court meets today to hear the
8
second round of oral argument of India in the case of Obligations concerning Negotiations relating
to Cessation of the Nuclear Arms Race and to Nuclear Disarmament (Marshall Islands v. India).
I now give the floor to Mr. Gill, Co-Agent of the Republic of India.
M. GILL :
IL N’Y A PAS DE COURSE AUX ARMEMENTS ,PAS DE DÉCALAGE ENTRE
LES PAROLES ET LES ACTES DE L ’INDE ,ET PAS DE DIFFÉREND
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, durant les quelques
vingt minutes qui vont suivre, je répondrai à certains des points soulevés par la République des
Iles Marshall dans son second tour de plaidoiries. M. Harish Salve, dont la plaidoirie durera
environ une demi-heure, reviendra sur le fait que la République des Iles Marshall n’a toujours pas
défini précisément le différend, et sur les arguments qu’elle a avancés lors de son second tour de
plaidoiries à propos des réserves formulées par l’Inde en 1974. Lui succèdera M. Alain Pellet, qui
s’exprimera, pendant une trentaine de minutes également, sur l’absence de différend, la présence de
tierces parties et l’applicabilité du principe de l’Or monétaire. Enfin, l’agent de l’Inde,
Mme Neeru Chadha, interviendra pour clore nos plaidoiries et présenter à la Cour les conclusions
de l’Inde.
2. Avant toutes choses, je tiens à préciser, Monsieur le président, que l’Inde, loin d’être sur la
défensive, a accepté de prendre part à cette procédure en toute humilité, par respect du droit
international et de cette noble institution qu’est la Cour, organe judiciaire principal de
l’Organisation des Nations Unies. Bien qu’ayant conscience que la présente affaire, qui ne repose
sur rien, n’aurait jamais dû être portée devant la Cour, l’Inde est ici aujourd’hui en raison de
l’importance qu’elle accorde à la question du désarmement nucléaire et du souci qui a toujours été
— et qui reste — le sien de prendre une part active au débat international sur l’élimination et la
non-prolifération des armes nucléaires. L’Inde reconnaît à chaque nation, petite ou grande, aux
gouvernements ainsi qu’à la société civile, très fortement mobilisée aux côtés de nos
contradicteurs, le droit de s’intéresser à cette question d’importance mondiale. - 3 -
3. Toutefois, ainsi que l’Inde l’a montré dans son contre-mémoire et lors de son premier tour
de plaidoiries, le 10 mars : premièrement, il n’y a pas véritablement de différend entre elle et la
République des Iles Marshall, deuxièmement, la question en cause ne peut faire l’objet d’une
procédure bilatérale et, troisièmement, même si l’affaire devait être jugée, un arrêt de la Cour sur le
fond ne serait d’aucune utilité concrète, certaines parties indispensables étant absentes de la
procédure. Par ailleurs, la République des Iles Marshall, avant de déposer ses requêtes à la plus
grande surprise des défendeurs, n’a nullement tenté d’engager le dialogue avec l’Inde ni, d’ailleurs,
9 avec d’autres Etats, au sujet du manquement à leur obligation de poursuivre de bonne foi des
négociations conduisant au désarmement nucléaire dont elle leur fait grief. Enfin, les réserves
formulées par l’Inde interdisent à la Cour d’exercer sa juridiction en la présente affaire.
4. Je sais bien qu’il n’y a pas lieu, à ce stade, de plaider sur le fond, mais permettez-moi de
faire encore quelques remarques d’ordre plus général, à la lumière du second tour de plaidoiries des
Iles Marshall.
5. Le coagent de la République des Iles Marshall, M. Phon van den Biesen, a commencé son
exposé du 14 mars en soulignant que, pendant que les Iles Marshall présentaient leur premier tour
de plaidoiries, l’Inde se livrait comme si c’était là un fait singulier à un tir d’essai de missile.
Cette affirmation trahit, et c’est un euphémisme, un certain biais. L’Inde concentre ses efforts sur
le développement socioéconomique, dont elle fait sa toute première priorité. Elle ne consacre
qu’une part restreinte et raisonnable de ses ressources nationales moins de 2,5 % de son
PIB à ses dispositifs de légitime défense, comme elle y est fondée en vertu d’un droit commun à
toutes les nations du monde, reconnu dans la Charte des Nations Unies et incontesté en droit
international coutumier. A moins, bien sûr, que nos amis de l’autre côté du prétoire n’estiment que
l’Inde ne peut se prévaloir de ce droit ou du moins que, pour une raison ou pour une autre, le
peuple indien soit un sixième de l’humanité ne peut s’en prévaloir aussi pleinement que
d’autres.
6. Ce même jour, mon cher ami John Burroughs a affirmé que
«le présent différend a[vait] pour objet l’obligation de poursuivre de bonne foi et de
mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses - 4 -
aspects. Il n’a pas pour objet la licéité de la possession d’armes nucléaires, fût-ce à
1
des fins «dissuasives», de l’emploi de telles armes ou de la menace d’y recourir» .
7. Or, quelques minutes avant que M. Burroughs ne prenne la parole, M. van den Biesen
venait, non sans emphase, d’affirmer précisément l’inverse. Se trouve ainsi mise en lumière une
contradiction qui vient porter un coup fatal à la thèse de la République des Iles Marshall. En
évoquant un tir de missile conduit à titre expérimental par l’Inde, alors qu’aucun régime juridique
n’interdit la possession de missiles et la conduite de tels tirs d’essai et que l’Inde agit de manière
parfaitement conforme à ses obligations internationales, nos amis de l’autre côté du prétoire se
trahissent. La capacité de lancer des missiles par sous-marin fait partie intégrante du système de
dissuasion nucléaire minimale crédible de l’Inde. Le maintien d’une capacité de réponse viable est
même un élément clef de sa politique responsable et raisonnable de non-recours en premier à
l’arme nucléaire et de non-recours à ce type d’armes contre les Etats qui n’en sont pas dotés.
L’Inde n’est pas le seul pays à éprouver ses systèmes de défense nationale. Ces essais avant
10 déploiement sont en effet courants et tous les Etats du monde y procèdent. L’Inde n’est pas non
plus le premier Etat à déployer des sous-marins ou des missiles lancés par sous-marin.
8. La question que soulèvent les arguments présentés par M. van den Biesen est la suivante :
la République des Iles Marshall fait-elle grief à l’Inde d’avoir manqué à son obligation de négocier
en vue du désarmement nucléaire ou lui conteste-t-elle le droit de posséder et de conserver une
force de dissuasion nucléaire et ses composantes dans l’attente d’un désarmement nucléaire
mondial ?
9. Et l’on ne saurait escamoter cette question cruciale par de vagues références au
renforcement quantitatif et qualitatif de l’arsenal nucléaire. L’affirmation selon laquelle l’Inde
accélérerait la course aux armements est, Monsieur le président, pure invention de la part de nos
amis. Pareille démarche irait à l’encontre de la doctrine que l’Inde a expressément faite sienne. Ce
n’est pas elle qui a mené des milliers d’essais ni stocké des dizaines de milliers d’armes nucléaires.
L’Inde s’en tient à une politique minimaliste, rationnelle, dictée par les exigences minimales mais
irréductibles de sa sécurité nationale, conformément aux grandes orientations qu’elle a proclamées.
Exemple éloquent de son rejet de toute course à l’armement, l’Inde, depuis 1993, s’est toujours
1CR 2016/6, p. 22, par. 12 (Burroughs) ; les italiques sont de nous. - 5 -
montrée disposée à prendre part à des négociations dans le cadre de la conférence du désarmement,
en vue de conclure un traité interdisant la production de matières fissiles destinées à la fabrication
d’armes nucléaires. Les actes en disent plus que les mots, Monsieur le président. Si l’Inde avait
souhaité remettre au goût du jour la course à l’armement de la guerre froide, pourquoi aurait-elle
œuvré en vue de participer à ces négociations, sur la base des mandats convenus, en 1993, 1995,
1998, 2009 et tout récemment encore, en 2015 ?
10. Monsieur le président, de même que la tentative des Iles Marshall pour établir l’existence
d’un différend portant sur le désarmement nucléaire achoppe sur les éléments du dossier attestant
de manière irréfutable quelles ont été les positions de l’Inde dans le cadre des instances des
Nations Unies compétentes en la matière, cette tentative de reformuler son grief en termes de
prétendue course aux armements fait long feu.
11. L’éminent coagent des Iles Marshall a ensuite affirmé que le TNP reconnaissait aux Etats
dotés d’armes nucléaires un droit de possession temporaire de telles armes, mais ne légitimait ni
n’autorisait en rien pareille possession de façon permanente. Or, ce que j’avais quant à moi déclaré
le 10 mars, c’est que, n’étant pas partie au TNP, l’Inde «n’a[vait] pas pris l’engagement de ne pas
posséder d’armes nucléaires». Que les Iles Marshall cherchent au mieux, en entretenant la
confusion et au pire, par un artifice délibéré à entraîner la Cour sur le terrain des questions de
fond ressort, une fois encore, très clairement de ce qu’a dit mon ami John Burroughs le même jour
au nom de la République des Iles Marshall, à savoir que la présente affaire ne vise pas la
possession d’armes nucléaires. Mais trève de faux-fuyants ! Que plaide au juste la Partie adverse ?
11 Met-elle en cause, comme l’a fait le coagent, la possession par l’Inde d’armes nucléaires ou,
comme l’a fait M. Burroughs, le prétendu manquement de l’Inde à son obligation de négocier en
vue du désarmement nucléaire ?
12. Quand bien même l’affaire porterait effectivement sur les négociations l’éminent
coagent de la République des Iles Marshall est d’ailleurs revenu sur ce thème lorsque, dans la
dernière partie de son exposé, il a contesté l’affirmation de l’Inde selon laquelle les négociations
doivent avoir lieu dans le cadre des instances internationales prévues à cet effet , l’on peut se
demander à l’aune de quel critère, si tant est même qu’elle en ait fixé, la République des
Iles Marshall prétend déterminer si nous avons manqué à l’obligation de poursuivre de bonne foi - 6 -
des négociations conduisant au désarmement nucléaire. Là encore, ce ne sont que confusion et
faux-fuyants. Vendredi dernier, à l’audience, la République des Iles Marshall a indiqué, dans sa
réponse au Royaume-Uni, que celui-ci devrait cesser son opposition systématique pour, au
contraire, appuyer systématiquement l’ouverture de telles négociations au sein des instances
compétentes, dont l’Assemblée générale des Nations Unies et la conférence du désarmement . Or, 2
c’est précisément ce que fait déjà l’Inde, Monsieur le président. Et ce sont au contraire les
Iles Marshall qui n’ont, selon nous, pas systématiquement soutenu les recommandations de
l’Assemblée générale des Nations Unies en faveur de négociations conduisant au désarmement
nucléaire, recommandations que l’Inde a coparrainées. M. Tony deBrum a tenté de dédouaner son
pays en invoquant les ressources modestes de la République des Iles Marshall ainsi que les
contraintes persistantes entravant sa capacité d’action autonome. Ce faisant, il a néanmoins omis,
Monsieur le président, de faire la distinction entre absence et abstention ; les représentants des
Iles Marshall étaient bien présents aux sessions des instances en question et ils ont voté — à
mauvais escient, selon nous, jusqu’en 2014 — sur ces résolutions, dans l’exercice du droit
souverain conféré à leur pays.
13. Par ailleurs, si le coagent de la République des Iles Marshall est en désaccord avec le
reste de la communauté internationale quant à l’importance des instances de négociation, pourquoi
donc ses collègues fondent-ils leurs critères de conformité sur les mesures décidées dans ces
enceintes ? Dans quel autre cadre estime-t-il que ces négociations devraient se dérouler et selon
quelles modalités ? Comment entend-il assurer la présence de tous les Etats concernés ? Tout cela
est singulièrement confus. Nous n’avons jamais, Monsieur le président, obtenu de réponses claires,
malgré quatre tentatives.
14. Je le répète, Monsieur le président, il n’existe, en substance, aucun différend entre l’Inde
et la République des Iles Marshall sur le désarmement nucléaire, ainsi que le montrent très
nettement l’historique des votes de l’Inde et sa participation active aux travaux des instances de
l’ONU chargées des questions de désarmement nucléaire. Il n’y a pas non plus de fossé
d’océan, de mer ou de ruisseau, pour reprendre les mots de notre éminent confrère
2CR 2016/5, p. 47, par. 8 (Grief). - 7 -
M. Condorelli entre les paroles et les actes de l’Inde : celle-ci donne suite aux engagements
qu’elle prend devant ces instances en faisant des propositions concrètes et en apportant un appui
12 non moins concret aux négociations dans le cadre de la conférence du désarmement. Ses actes sont
conformes à ses paroles ; il n’y pas une once de décalage entre les premiers et les secondes, pas la
distance d’une goutte d’eau. A moins bien sûr, là encore, que nos amis n’aient arbitrairement
décidé d’évaluer son comportement à l’aune d’une obligation de désarmement unilatéral, alors
même qu’ils affirment que ce dernier n’est pas ce qu’ils espèrent obtenir de l’Inde, du moins pas à
ce stade. Ce serait comme demander au peuple indien de renoncer unilatéralement, pour des
raisons liées au changement climatique, à leurs besoins légitimes en énergie, aussi modestes ou
essentiels soient-ils, indépendamment de la position adoptée par les autres nations et de l’état
d’avancement des travaux dans les instances multinationales compétentes.
15. J’en viens maintenant aux déclarations de Mme Ashton, conseil des Iles Marshall.
Celle-ci a, Monsieur le président, accusé l’Inde d’avoir présenté de manière mensongère
l’explosion nucléaire à des fins pacifiques à laquelle elle avait procédé en mai 1974. Rien de plus
faux que cette allégation. Ce type d’opération était, à l’époque, légitime, et un certain nombre de
pays s’étaient dotés de programmes à cet effet, notamment les Etats-Unis avec leur programme
Plowshare. D’ailleurs le TNP lui-même contenait une disposition, l’article V, aux termes de
laquelle les Etats possédant l’arme nucléaire s’engageaient positivement à mettre à la disposition
des Etats qui n’en étaient pas dotés les avantages pouvant découler de tels essais. J’invite nos amis
de l’autre côté du prétoire à relire attentivement ce que nous avons dit le 10 mars : «[L’Inde] a
montré en 1974 qu’elle avait une capacité nucléaire, mais elle a durant vingt-quatre ans fait preuve
d’une retenue sans égale alors même que les essais se poursuivaient ailleurs et que la prolifération
lui inspirait des préoccupations de plus en plus vives quant à sa sécurité». Il y a une différence
entre montrer sa capacité nucléaire et se livrer à la production et au déploiement d’armes. De fait,
cette différence et le temps qui s’est écoulé avant que l’Inde ne passe à cette seconde étape sont
autant de preuves de l’attitude de pondération et de l’engagement en faveur du désarmement
nucléaire dont l’Inde a fait preuve en dépit de la course aux armements qui s’est poursuivie après la
conclusion du TNP et de la menace permanente que fait peser la prolifération sur sa sécurité. - 8 -
16. Je souhaiterais m’arrêter sur un autre point qui a fait l’objet d’une présentation erronée.
Le coagent de la République des Iles Marshall, M. van den Biesen, déforme les propos de l’Inde
lorsqu’il lui reproche de penser à tort que les négociations sur le désarmement concernent
exclusivement les neuf Etats dotés d’armes nucléaires. J’invite nos amis de l’autre côté de la barre
à se reporter au paragraphe 4 de mon exposé du 10 mars et à réfléchir à la différence entre, d’une
part, les notions de «responsabilité au premier chef» et de «participation active» et, d’autre part,
l’idée que le désarmement relève de la responsabilité de tous les Etats. Je les renvoie par ailleurs
au dernier paragraphe de ma présentation, dans lequel je disais que,
«de par sa nature même, la question du désarmement nucléaire mondial ne saurait être
résolue par la voie d’instances judiciaires mettant en présence deux Etats ou une
poignée d’Etats ; il s’agit d’atteindre un objectif auquel doivent adhérer tous les Etats,
13 et qui ne peut se concrétiser que par la voie de négociations se déroulant en présence
et avec la participation active de tous les Etats concernés, en particulier ceux dont les
intérêts sont le plus en jeu».
17. Monsieur le président, il n’y a pas de responsabilité exclusive attribuée implicitement à
un petit groupe d’Etats. De fait, l’Inde s’est d’emblée opposée à cette vision bifocale, et estime que
tous les Etats doivent œuvrer de concert à la réalisation d’un désarmement nucléaire mondial, non
discriminatoire et vérifiable. Il nous faut établir un processus échelonné procédant d’un
engagement universel — souscrit par tous les Etats — et s’inscrivant dans un cadre multilatéral non
discriminatoire et convenu par tous les Etats également au niveau mondial. Il est également
impératif d’engager un véritable dialogue entre toutes les puissances qui possèdent des armes
nucléaires afin d’instaurer des relations de confiance et de limiter la place que tiennent ces armes
dans les affaires internationales et les doctrines de sécurité. Cela revient simplement à reconnaître,
d’un point de vue pratique, la nécessité de surmonter certaines des difficultés et divergences
existant aujourd’hui ; il ne s’agit pas d’usurper des prerogatives qui reviennent à la communauté
mondiale.
18. Permettez-moi, pour finir, Monsieur le président, d’aborder certaines des questions
politiques qui ont été soulevées par le coagent, M. deBrum. Celui-ci a assuré la Cour des bonnes
intentions qui animaient la République des Iles Marshall lorsqu’elle a accepté sa juridiction
obligatoire et porté devant elle le présent différend contre l’Inde. Il a tenté de la convaincre que
l’historique des votes et du comportement de l’Inde dans le cadre des instances de l’ONU étaient - 9 -
sans pertinence aux fins du présent différend tout en affirmant que celui-ci porte sur les
négociations en vue du désarmement nucléaire, au contraire d’«actes» indéterminés qui
remettraient en question les «paroles» de l’Inde. Or j’ai démontré qu’il n’existe aucun décalage
entre les paroles et les actes de l’Inde. De quoi s’agit-il donc, si ce n’est d’une accusation
politique ?
19. M. deBrum a ensuite qualifié l’Inde de «géant nucléaire», alors que quelque 98 % des
armes nucléaires de la planète ne sont pas de fabrication indienne. Il a également mis en doute la
compassion que nous ont toujours inspirée les souffrances infligées au peuple marshallais. Et de
déclarer que l’arsenal nucléaire de l’Inde menaçait l’humanité — menaçait l’humanité, Monsieur le
président ! —, en dépit de nos engagements en faveur d’une force de dissuasion minimale crédible,
du non-recours en premier et du non-recours à ces armes contre des Etats qui n’en sont pas dotés,
tels que la République des Iles Marshall. Quoi de plus politique, forcé et artificiel que cette
allégation d’une menace pour l’humanité ? Monsieur le président, les souffrances endurées par la
République des Iles Marshall, qui lui ont toujours, depuis 1954, valu toute notre sympathie, et sa
supposée vulnérabilité ne devraient pas être exploitées pour créer de toutes pièces un différend à
des fins politiques, au mépris du Règlement et de la juridiction de la Cour. Ainsi que le rappelle la
République des Iles Marshall, tous sont égaux devant la loi. Petits ou grands, les Etats se doivent
bonne foi et respect mutuels.
14 20. Je vous remercie de votre patience et vous prie de bien vouloir donner à présent la parole
à M. Harish Salve.
The PRESIDENT : Thank you. I now give the floor to Mr. Salve.
M. SALVE :
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je suis heureux d’avoir à nouveau
le privilège de m’adresser à vous au nom de mon pays. Conformément aux règles de la Cour, je
me limiterai aujourd’hui à répondre aux arguments qui ont été avancés au cours des plaidoiries. - 10 -
Une affaire artificielle
1. C’est à Nayarit, au Mexique, qu’en février 2014 les Iles Marshall ont lancé leur vibrant
appel aux Etats dotés d’armes nucléaires. Ce texte disait : «nous réitérons instamment notre appel
à tous les Etats dotés d’armes nucléaires afin qu’ils intensifient leurs efforts et assument leurs
responsabilités dans la recherche d’un désarmement effectif et sûr». Il déplorait que «plus de
45 années se [soient] écoulées depuis la conclusion du traité sur la non-prolifération des armes
nucléaires», faisait valoir que «les négociations multilatérales en vue de parvenir durablement à un
monde exempt d’armes nucléaires se faisaient attendre depuis beaucoup trop longtemps» et
rappelait que «tous les Etats [avaient] une obligation légale de désarmement nucléaire qui leur
impos[ait] d’entamer immédiatement et de mener à bonne fin de telles négociations …».
2. Les Iles Marshall, qui ont à juste titre rappelé au monde les souffrances qui leur ont été
infligées sous couvert d’essais nucléaires, ont exprimé leur indignation devant le fait que, malgré la
conclusion du traité de non-prolifération des armes nucléaires, les négociations en vue de parvenir
à une convention multilatérale relative au désarmement n’avaient pas commencé.
3. Cela n’a pas empêché Mme Chinkin de prétendre que la position des Iles Marshall
consiste à dire qu’«une règle parallèle de droit international coutumier s’est développée grâce à un
3
processus dynamique» . Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, présenter
l’inaction des Etats comme un «processus dynamique» est une parfaite illustration du caractère
artificiel de toute cette affaire.
4. M. van den Biesen a commencé sa plaidoirie en fanfare. Citant des articles de journaux
qui rapportaient que l’Inde avait procédé à l’essai d’un missile balistique à capacité nucléaire et
15 d’un sous-marin nucléaire, il a surenchéri en suggérant que l’Inde s’était presque rendue coupable
d’outrage à la Cour. Or il y a outrage à une cour quand une partie manque de respect à l’égard de
cette cour.
5. M. van den Biesen voudrait accréditer la fiction que le différend en cause vient
uniquement de ce que l’Inde s’abstiendrait de négocier de bonne foi un traité de désarmement
nucléaire, mais il n’explique nullement comment un prétendu différend pendant devant une cour et
visé par une exception d’incompétence peut donner lieu à une allégation d’outrage à la cour.
3CR 2016/6, p. 31, par. 10. - 11 -
6. L’Inde rejette fermement toute suggestion qu’elle se serait rendue coupable de quelque
outrage que ce soit. Elle a toujours déclaré publiquement qu’elle prendrait toutes mesures
nécessaires pour se défendre et fait savoir clairement qu’elle resterait fidèle jusqu’au bout à sa
politique de dissuasion minimale crédible et de non-recours en premier à l’arme nucléaire. Le
comportement de l’Inde est conforme à ces déclarations.
7. Dans ma précédente plaidoirie, j’ai employé le mot de duplicité pour qualifier le
comportement des Iles Marshall.
8. M. van den Biesen, tout en protestant contre ma critique de ce comportement, s’est
exprimé clairement sur quatre points :
a) premièrement, il a déclaré que les Iles Marshall n’avaient nullement l’intention de renoncer à
l’affaire telle qu’elle est présentée dans leur requête—et il a dit cela sans offrir aucune
explication du libellé du paragraphe 47 de leur mémoire.
b) La deuxième chose qu’il nous a dite est que l’Inde persiste dans et je cite «cette
4
prolifération de ses armes nucléaires» . M. van den Biesen veut y voir une preuve du manque
de bonne foi de l’Inde. Il a ajouté qu’il était également vrai que les Iles Marshall considèrent
que le renforcement de l’arsenal nucléaire de l’Inde, tant en quantité qu’en qualité, n’était pas
compatible avec les obligations incombant à cet Etat au titre du droit international coutumier.
c) La troisième chose qu’il nous a dite est que les Iles Marshall ne prétendent pas que l’Inde soit
tenue de désarmer unilatéralement . 5
d) La quatrième chose qu’il nous a dite est que la teneur du point 2) F du paragraphe 105 de l’avis
consultatif de la Cour occupe une place centrale dans l’affaire des Iles Marshall.
16 9. M. Burroughs, qui a suivi M. van den Biesen, a soutenu que même si, pour les besoins de
la démonstration, un différend relatif à la possession d’armes nucléaires par l’Inde était réputé
o
entrer dans le champ d’application de sa réserve n 4, comme c’est le cas selon nous, la juridiction
de la Cour ne serait pas exclue pour autant parce que, et je le cite : «le présent différend a pour
objet l’obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au
désarmement nucléaire dans tous ses aspects. Il n’a pas pour objet la licéité de la possession
4CR 2016/6, p. 9, par. 4.
5Ibid., p. 10, par. 7. - 12 -
d’armes nucléaires, fût-ce à des fins «dissuasives», de l’emploi de telles armes ou de la menace d’y
6
recourir» .
10. Il s’est empressé d’ajouter que les Iles Marshall ne renonçaient à aucune des demandes
formulées dans leur requête. Il n’a pas expliqué comment ces demandes, gardées en réserve pour
les audiences sur le fond, franchirait la barre des exceptions d’incompétence.
11. Les Iles Marshall prient la Cour de juger que l’Inde a manqué et continue de manquer à
ses obligations de droit international coutumier en prenant des mesures visant à accroître,
améliorer et conserver ses forces nucléaires pour une durée illimitée. Elles la prient également de
prescrire à l’Inde de «prendre des mesures pour se conformer, dans un délai d’un an à compter du
prononcé de l’arrêt, aux obligations que lui impose le droit international coutumier en ce qui
concerne la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et le
7
désarmement nucléaire» . La place des négociations dans leur ordre des choses est
secondaire, car les Iles Marshall veulent que la Cour prescrive à l’Inde de prendre des mesures en
vue du désarmement, «parmi lesquelles celle de mener des négociations de bonne foi, si nécessaire
en engageant celles-ci, en vue de conclure une convention relative à un désarmement nucléaire …».
Et tout ceci n’empêche pas M. van den Biesen de prétendre devant la Cour que les Iles Marshall ne
demandent pas un désarmement unilatéral.
12. Les conclusions de M. Burroughs admettent franchement les deux éléments suivants :
a) Les Iles Marshall entendent plaider l’affaire en deux phases. La formulation retenue au
paragraphe 47 du mémoire vaut pour la phase des exceptions d’incompétence et doit permettre
aux Iles Marshall de développer des réponses possibles si faibles qu’elles soient à
certaines des exceptions tirées des réserves de l’Inde. La véritable affaire, elle, est mise de côté
pour être plaidée si l’obstacle juridictionnel est franchi.
b) Les Iles Marshall solliciteront les remèdes prévus dans leur requête si elles franchissent la barre
des exceptions d’incompétence. Mais pour le moment, la Cour n’est pas censée leur demander
17 comment ! Et ceci pour la bonne raison que si l’on savait les véritables différends que
6
CR 2016/6, p. 22, par. 12.
7 Requête des Iles Marshall (RIM), 24 avril 2014, p. 26. - 13 -
susciteraient leurs demandes et les remèdes qu’elles sollicitent, leur requête serait condamnée à
échouer.
13. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les remèdes envisagés à
l’article 36 doivent être demandées de bonne foi, et l’un des premiers éléments de la bonne foi est
la franchise dans les plaidoiries. Le comportement des Iles Marshall tout au long de ces plaidoiries
ne répond guère à ce critère et j’ose dire ma critique était justifiée, si sévère qu’elle fût, quand
j’ai dit y voir un abus de procédure.
14. L’arrêt Bolivie c. Chili, loin d’offrir des arguments aux Iles Marshall, est très contrasté.
a) Dans l’affaire Bolivie c. Chili, la Bolivie priait la Cour de juger que «le Chili [devait]
s’acquitter de ladite obligation de bonne foi, de manière prompte et formelle, dans un délai
raisonnable et de manière effective, afin d’octroyer à la Bolivie un accès pleinement souverain à
l’océan Pacifique» .8
b) Dans sa réponse à l’exception d’incompétence, la Bolivie a cependant précisé que « la question
du résultat de ces négociations et celle des modalités précises de l’accès souverain [n’étaient]
pas du ressort de la Cour, mais [devaient] faire l’objet d’un futur accord que les Parties
9
[négocieraient] de bonne foi» .
c) Acceptant cette position, la Cour a conclu, au paragraphe 32 de son arrêt, que le différend
«distinct» qui lui avait été présenté dans la requête résidait dans la question de savoir si le Chili
avait l’obligation de négocier un accès souverain de la Bolivie à la mer et, dans l’hypothèse où
cette obligation existerait, si le Chili y avait manqué.
15. La raison en est que la Bolivie n’a pas recouru à cette double stratégie consistant à
réduire le périmètre de son différend pour mieux se défendre contre des exceptions
d’incompétence, tout en se réservant le droit de demander plus tard des remèdes et des
prescriptions allant bien au-delà de la formulation du différend.
8 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt du
24 septembre 2015, par. 11.
9Ibid., par. 30. - 14 -
16. M. Alain Pellet et moi avons tous les deux répondu, et nous continuerons de répondre,
aux arguments de tout ordre, y compris à titre subsidiaire si nécessaire. M. van den Biesen a
peut-être cru y voir, à tort, un assouplissement de la position de l’Inde.
17. M. van den Biesen soutient et M. Burroughs reconnaît que la requête des Iles Marshall a
pour pivot le paragraphe 105 de l’avis consultatif et la formulation du paragraphe 2) F du dispositif.
18 Pour mieux cerner l’affaire et dégonfler quelques-unes des baudruches de leurs conclusions, je
devrai m’aider brièvement de quelques observations que fait la Cour dans son avis consultatif.
18. Je me contenterai de citer ces observations :
a) Au paragraphe 17, qui traite de l’effet éventuel de cet avis sur les négociations sur le
désarmement, la Cour observe que, «quelles que soient les conclusions auxquelles elle pourrait
parvenir dans l’avis qu’elle donnerait, ces conclusions seraient pertinentes au regard du débat
qui se poursuit à l’Assemblée générale, et apporteraient dans les négociations sur la question un
élément supplémentaire».
b) Au paragraphe 33, la Cour constate que «le droit international existant relatif à la protection et à
la sauvegarde de l’environnement n’interdit pas spécifiquement l’emploi d’armes
nucléaires …»
c) Se référant aux différents traités qui portent sur l’acquisition, la fabrication, la possession, etc.,
d’armes nucléaires, la Cour note qu’ils «témoignent manifestement des préoccupations que ces
armes inspirent de plus en plus à la communauté internationale ; elle en conclut que ces traités
pourraient en conséquence être perçus comme annonçant une future interdiction générale de
10
l’utilisation desdites armes, mais ne comportent pas en eux-mêmes une telle interdiction» .
d) Sur la question de la dissuasion, la Cour constate que les membres de la communauté
internationale sont profondément divisés sur le point de savoir si le non-recours aux armes
nucléaires pendant les cinquante années précédentes constitue l’expression d’une opinio juris.
Dans ces conditions, elle «n’estime pas pouvoir conclure à l’existence d’une telle
opinio juris» .
10Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 253,
par. 62.
11Ibid., p. 254, par. 67. - 15 -
e) Aux paragraphes 70 à 72, la Cour aboutit à la conclusion que les résolutions de l’Assemblée
générale «n’établissent pas encore l’existence d’une opinio juris quant à l’illicéité de l’emploi
12
de ces armes» et que l’apparition d’une règle coutumière prohibant spécifiquement l’emploi
des armes nucléaires «se heurte aux tensions qui subsistent entre, d’une part, une opinio juris
13
naissante et, d’autre part, une adhésion encore forte à la pratique de la dissuasion» .
19 f) Au paragraphe 96, la Cour déclare qu’«elle ne saurait […] perdre de vue le droit fondamental
qu’a tout Etat à la survie, et donc le droit qu’il a de recourir à la légitime défense,
conformément à l’article 51 de la Charte, lorsque cette survie est en cause. Elle ne peut
davantage ignorer la pratique dénommée «politique de dissuasion» à laquelle une partie
appréciable de la communauté internationale a adhéré pendant des années».
g) Le paragraphe 97 constate qu’«[e]n conséquence, au vu de l’état actuel du droit international
pris dans son ensemble, tel qu’elle l’a examiné ci-dessus, ainsi que des éléments de fait à sa
disposition, la Cour est amenée à constater qu’elle ne saurait conclure de façon définitive à la
licéité ou à l’illicéité de l’emploi d’armes nucléaires par un Etat dans une circonstance extrême
de légitime défense dans laquelle sa survie même serait en cause».
h) La Cour reconnaît ensuite qu’il s’avère nécessaire «de mettre fin à cet état de choses : le
désarmement nucléaire complet promis de longue date se présente comme le moyen privilégié
de parvenir à ce résultat» . Elle mesure toute l’importance de la consécration par l’article VI
d’une obligation de négocier de bonne foi un traité de désarmement nucléaire. Elle décrit
comme suit ladite obligation : «l’obligation en cause ici est celle de parvenir à un résultat
précis le désarmement nucléaire dans tous ses aspects par l’adoption d’un comportement
15
déterminé, à savoir la poursuite de bonne foi de négociations en la matière» .
i) Ayant ainsi défini cette obligation, elle s’empresse d’ajouter que «[c]ette double obligation de
négocier et de conclure concerne formellement les cent quatre-vingt-deux Etats parties au traité
12
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 255,
par. 71.
13Ibid., p. 255, par. 73.
14Ibid., p. 263, par. 98.
15
Ibid., p. 264, par. 99. - 16 -
sur la non-prolifération des armes nucléaires, c’est-à-dire la très grande majorité de la
16
communauté internationale» .
19. Trois conclusions irréfragables découlent de ces observations point n’est besoin
d’attendre une audience sur le fond pour connaître ces conclusions sans équivoque.
a) Premièrement, rien dans ces observations n’accrédite l’existence des obligations juridiques
nécessaires pour justifier les mesures sollicitées dans la requête lesquelles mesures
constituent une véritable ingérence dans le programme nucléaire indien.
20 b) Deuxièmement, la Cour a reconnu qu’une partie appréciable de la communauté internationale
adhère au principe de la dissuasion, et que le droit de légitime défense d’un Etat dont la survie
est en jeu est un droit garanti par le droit international coutumier autant que par l’article 51.
c) Troisièmement, l’obligation dont la Cour a constaté l’existence dans l’article VI du TNP est
opposable à tous les Etats qui sont parties à ce traité et qui constituent la grande majorité de
la communauté internationale puisque 182 Etats l’ont signé. L’emploi du mot «formellement»
a ici un caractère dispositif la proposition en sens contraire de Mme Chinkin est tout
simplement fausse , la Cour n’ayant certainement pas entendu suggérer que le traité pourrait
être opposable à des Etats non parties sinon de façon formelle.
20. Même en supposant, à titre d’hypothèse, que les Iles Marshall soient fondées à soutenir, à
la présente audience, que la Cour devrait considérer que le différend est centré sur l’article VI du
TNP, leur requête serait alors non seulement condamnée à l’échec, mais encore impuissante à
produire avec un minimum de cohérence un véritable différend entre les Parties, et incapable de
prospérer hors la présence d’autres Etats.
21. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je soutiens que ce ne sont pas
là de bons moyens de défense contre des exceptions d’incompétence. Jeter un voile opaque sur les
véritables différends ne suffit pas pour contourner des réserves. Dans mes observations initiales, je
vous ai lu des extraits des déclarations et de la prescription sollicités par les Iles Marshall; j’engage
les membres de la Cour à les lire une fois de plus et à se demander si M. van den Biesen,
16 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 264,
par. 100. - 17 -
M. Burroughs et Mme Chinkin leur ont exposé le moindre principe sur lequel pourraient reposer
ces remèdes.
Défaut de négociations préalables au dépôt de la requête
22. M. Condorelli a déployé les ressources considérables qui sont les siennes pour faire
oublier mes conclusions sur la nécessité de négociations préalables, en prétendant que l’Inde avait
maintenant un différend avec la Cour. Il avait en effet besoin d’une proposition aussi extrême pour
détourner l’attention de conclusions qu’il considérait peut-être comme irréfragables.
21 23. La nécessité de négociations préalables comporte deux dimensions la première
dimension fait de ces négociations une condition nécessaire de la juridiction de la Cour, tandis que
la seconde est un critère permettant de distinguer si un différend véritable a surgi entre des Etats.
24. Avec la permission de la Cour, je rappellerai ce que j’ai dit dans mes observations
liminaires, à savoir qu’un bon moyen de déterminer s’il existe un différend véritable entre deux
Etats consiste à examiner s’il y a eu des tentatives de règlement de ce différend. C’est ce que
j’appelle la deuxième dimension de l’argument des négociations préalables.
25. Le problème qui se posait à M. Condorelli était celui de la contradiction inhérente à la
position des Iles Marshall. En effet, si les traités multilatéraux constituent le seul moyen de
résoudre le problème du désarmement nucléaire comme le prétend l’Inde , il n’en faudra pas
plus pour assurer l’échec de la requête. Pour surmonter cet obstacle, les Iles Marshall soutiennent
qu’afin de faire avancer le projet de désarmement nucléaire, on doit essayer, même dans un cadre
bilatéral, de trouver un accord et de parvenir à un traité qui pourrait alors servir de base à un
consensus mondial. Cette proposition appelle la question de savoir si, conformément à ce qu’elles
préconisent, les Iles Marshall ont-elles mêmes jamais essayé de lancer un tel processus. Et, dans la
continuité de cet argument, si les Iles Marshall n’ont pas pris l’initiative d’inviter d’autres pays à
discuter du désarmement, peut-on dire qu’un différend s’est véritablement élevé ? M. Condorelli
s’est probablement rendu compte que la seule façon d’échapper à cette contradiction était de
donner une fausse représentation du raisonnement. - 18 -
Indétermination des manquements de l’Inde à ses prétendues obligations
26. M. Palchetti a soutenu qu’un Etat peut manquer de différentes manières à son obligation
de négocier. Pour le citer :
«Il peut rejeter toutes les invitations tendant à entamer des négociations sur le
désarmement nucléaire. Il peut voter contre toutes les propositions tendant à engager
un processus à cet effet dans le cadre d’une organisation internationale. Il peut
adopter un comportement qui, au lieu de servir l’objectif consistant à mener à bien une
17
négociation, tend à y faire échec.»
27. Or la requête ne précise pas lesquels de ces manquements pourraient être reprochés à
l’Inde et pour cause, puisque aucun ne le pourrait.
28. Le coagent des Iles Marshall a conclu sa plaidoirie en affirmant, entre autres choses,
que : «Les Iles Marshall n’ont pas prétendu que les votes de l’Inde à l’Organisation des
18
22 Nations Unies constituaient un manquement à ses obligations . C’est là, Monsieur le président, un
autre exemple du caractère complétement artificiel de l’affaire dont est saisie la Cour.
Réserves — Principes d’interprétation
29. J’en viens maintenant aux réserves et me limiterai à répondre aux plaidoiries orales en
formulant les observations suivantes. M. Burroughs a tenté de ressusciter l’idée qu’une déclaration
faite en vertu de l’article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour limite, par sa nature même, les
réserves dont elle peut être assortie ; or cette idée, permettez-moi de le rappeler, a été rejetée par la
Cour. Dans les affaires de la Compétence en matière de pêcheries, de l’Anglo-Iranian et de la mer
Egée, la Cour a pris soin, pour interpréter une réserve, d’examiner non seulement sa formulation,
mais encore les circonstances dans lesquelles elle a été formulée.
30. L’Inde se repose sur le texte de sa déclaration. M. Burroughs n’a pu citer aucun arrêt qui
aurait interprété une réserve clairement formulée au motif qu’elle manquerait à l’obligation de
bonne foi imposée aux déclarations faites en vertu de l’article 36.
o
Réserve n 4
31. Cette réserve de l’Inde exclut de la juridiction de la Cour tout différend né d’une ou de
plusieurs mesures qu’elle pourrait prendre en rapport avec des situations «qui concernent ou ont
17CR 2016/6, p. 36, par. 10.
18Ibid., p. 37, par. 4. - 19 -
concerné l’Inde ou peuvent la concerner dans l’avenir». L’Inde a déclaré que son programme
d’armement nucléaire répondait à une menace présumée, en même temps qu’elle adoptait une
politique de non-recours en premier à l’arme nucléaire, et elle soutient que le simple libellé de sa
réserve le lui permettait.
32. M. Burroughs n’avait manifestement rien à opposer à la formulation de cette réserve, à
son simple libellé d’où son indéfendable proposition de restreindre ce simple libellé en lui
appliquant des principes d’interprétation qui valent tout au plus pour des lois nationales, et encore à
condition que ce soit dans des circonstances différentes.
33. Son argument voulant que l’Inde n’ait fourni aucun élément pour étayer son
interprétation de cette réserve est également sans fondement, puisque l’Inde se repose sur le simple
libellé de sa déclaration. Ni l’ancienne déclaration indienne, que la Cour a interprétée dans
l’affaire relative au Procès de prisonniers de guerre pakistanais, ni la déclaration d’El Salvador
n’offrent un contexte valide pour interpréter la présente réserve.
o
Réserve n 5
23 34. L’Inde soutient que la déclaration des Iles Marshall faite en vertu de l’article 36 était en
réalité exclusivement destinée à la présente affaire, et que leur assertion voulant que cette
déclaration ait eu pour raison d’être de leur permettre d’introduire une instance relative au
changement climatique est tout simplement fausse, puisque aucune instance en ce sens n’a encore
été introduite.
35. L’Inde maintient sa position voulant que ce comportement des Iles Marshall vise à
contourner sa réserve n 5. Ce n’est pas en citant des arrêts sur l’interprétation de ce genre de
réserves qu’on pourra renverser cette position.
Réserve n 7
36. Le conseil des Iles Marshall a suggéré que le différend en cause n’est pas exclu par la
o
réserve n 7 puisqu’il n’a pas pour objet d’appliquer le TNP à l’Inde. Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les membres de la Cour, cette réserve vise l’interprétation et l’application
d’un traité multilatéral. - 20 -
37. Dans mes premières conclusions, j’ai analysé les raisons pour lesquelles un éventuel arrêt
faisant suite à la requête devrait nécessairement conduire à interpréter l’article VI du TNP.
38. Cette conclusion n’a reçu aucune réponse. Mme Chinkin a affirmé :
a) premièrement, que les Iles Marshall ne cherchent pas à faire appliquer le traité à l’Inde ;
b) deuxièmement, que l’affaire n’est pas centrée sur l’article VI, et qu’une règle parallèle de droit
international coutumier s’est développée grâce à un processus dynamique.
39. Les conclusions de l’Inde et la réponse des Iles Marshall ressemblent à deux navires qui
se croisent dans la nuit. L’Inde a soutenu que l’interprétation et l’application du TNP,
indispensables pour statuer en l’espèce, tombaient sous le coup de la réserve et cet argument n’a
obtenu aucune réponse.
40. Quant à la deuxième assertion de Mme Chinkin, j’ai dit dans ma première plaidoirie qu’il
était difficile de la prendre au sérieux. Il faudrait beaucoup d’imagination pour l’admettre et pour
croire que les Iles Marshall pourraient réussir en dépit de la façon dont elles plaident leur
affaire—à prouver l’existence d’un «processus dynamique» dont il n’est même pas fait mention
dans leur mémoire.
Réserve n 11
24
41. L’idée que des droits relevant du droit international coutumier soient apparus en 1996
quand la Cour a donné son avis consultatif est erronée. La Cour ne crée pas de règles de droit
international coutumier elle les reconnaît.
o
42. La réserve n 11 exclut tout différend dont le fondement ou l’origine existaient avant la
date de la déclaration même si la cause immédiate qui a déclenché le différend est apparue
postérieurement à cette déclaration.
43. On a essayé, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, de déformer
l’argument de l’Inde en faisant croire que celle-ci invoque l’origine de la cause du différend au
lieu d’admettre qu’elle soutenait que les causes et les origines du différend, soit en fait le
fondement du différend, existaient avant la date de la déclaration. Ce genre de déformation,
Monsieur le président, n’est pas pour aider la Cour. - 21 -
44. Dans mes observations liminaires du premier tour, j’avais identifié les différends
«dissimulés sous un voile» quand je vous ai lu le texte des déclarations de la Cour et autres
remèdes sollicités par les Iles Marshall. Ils concernent tous le programme d’armement nucléaire de
l’Inde qui a été, comme il est dit dans la requête, un processus continu au fil des années. L’Inde a
refusé d’adhérer au traité sur la non-prolifération nucléaire en 1968 et soutient aujourd’hui que son
statut d’Etat doté d’armes nucléaires remonte au moins à cette date. C’est dans cette affirmation de
la position déclarée de l’Inde et dans son refus d’adhérer au TNP que se trouvent les origines et les
fondements du différend. Ces origines et ces fondements sont tous antérieurs à la date de la
déclaration.
45. Les différends évoqués dans les jugements déclaratoires et autres remèdes que les
Iles Marshall demandent dans leur requête tomberaient d’ailleurs sous le couperet du principe de
réciprocité, puisque les faits en cause ne sont pas postérieurs mais antérieurs à 1991 et se
trouveraient de ce fait exclus, ne serait-ce qu’en application du simple libellé de la réserve des
Iles Marshall.
C ONCLUSION
46. Il suffit de lire les conclusions finales du coagent des Iles Marshall pour comprendre que
c’est en réalité au programme d’armement nucléaire de l’Inde que s’opposent les Iles Marshall, et
qu’elle sollicitent des remèdes qui entraveraient ce programme, tout en essayant de camoufler leur
cause réelle afin de pouvoir surmonter l’obstacle de l’exception d’incompétence fondée sur une
réserve. Si elles recourent à ce camouflage, c’est aussi parce qu’elles ne réussissent à trouver
aucun moyen de droit susceptible de faire triompher leur cause réelle.
25 47. Je compte que la Cour confirmera toutes les exceptions que j’ai formulées dans mes
observations liminaires, et pour ces motifs l’Inde demande que la requête en cause soit rejetée.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les membres de la Cour, je vous remercie. Je vous
prie de donner maintenant la parole à M. Pellet.
The PRESIDENT : Thank you. I give the floor to Mr. Alain Pellet.
Mr. PELLET: Thank you, Mr. President. - 22 -
T HE ABSENCE OF A DISPUTE ,THE M ONETARY G OLD PRINCIPLE AND THE ABSENCE
OF ANY PRACTICAL CONSEQUENCES OF A JUDGMENT ON THE MERITS
1. Mr. President, Members of the Court, in a recent presentation, Professor Remiro Brotóns,
in the flowery language he uses with such panache, sympathized with you for the repetitive nature
of the pleadings you were having to endure. I cannot reproduce his inimitable accent, but this is
what he said: “no one in their right mind, however much they love cinema, watches the same film
twice in one week, unless it is absolutely exceptional . . . It would be arrogant of us to think that
you are eagerly awaiting another showing of the film . . .”19 Especially as, in this case, it would
actually be the fourth time you were seeing it. Not exactly the same film either, but, like the
woman who haunted Verlaine’s “Familiar Dream”, “never the same exactly, nor, exactly,
20
different” .
2. Our opponents may have made adjustments to their positions, but our cast remains
unchanged; Mr. Salve has presented our arguments concerning, firstly, the uncertainty surrounding
the subject-matter of the Application, and, secondly, India’s objections based on the reservations in
its optional clause declaration; it falls to me, as it did last week, to show that no dispute exists
not one covered by the Application, that is between India and the Marshall Islands, that the
Court cannot uphold the Marshall Islands’ claims in the bilateral context in which it has brought the
proceedings, and that, in that context, a judgment on the merits would have no practical effect
whatsoever.
26 I. Absence of a dispute between the Parties
3. Mr. President, as our Co-Agent and Mr. Salve have shown, our opponents are pleading
two very different cases, sometimes simultaneously, because it has happened that the same counsel
21
has dealt with both within the space of a few minutes in the same presentation . One of these
cases is very broad and was summed up by Professor Palchetti thus: «[L’objet du différend] porte
exclusivement sur la responsabilité encourue par l’Inde en raison de son comportement illicite en
19CR 2015/27, pp. 18-19, para. 1 (Brotóns).
20Paul Verlaine, “Mon rêve familier [My familiar dream]”, Poèmes saturniens (Mélancholia), Lemerre, 1866.
21
See, for example, CR 2016/6, p. 36, para. 10, and p. 37, para. 13 (Palchetti), and p. 27, para. 27, and p. 28,
para. 31 (Ashton). - 23 -
matière de désarmement nucléaire.» 22 this also reflects the claims made by the Marshall Islands
at the end of its Application. According to the arguments put forward in the other case, which is
much narrower, the present proceedings do not cover that aspect at all, and are confined solely to
the pursuance in good faith of negotiations leading to nuclear disarmament . 23
4. In this narrower case, Mr. President, we do indeed maintain that there is no dispute
between the Parties: India, like the Marshall Islands, is deeply concerned that negotiations should
lead, as quickly as possible, to total and controlled nuclear disarmament. I have the impression that
the Marshall Islands disputes whether India has the right to be genuinely supportive of such a
project. Unlike the other Party, however, India has constantly and vigorously supported calls for
such negotiations. With your permission, Mr. President, I have two short sets of observations to
make on this point.
5. First of all, I note that our opponents have been remarkably quiet about the
Marshall Islands’ reserved attitude to say the least on the follow-up to the 1996 Opinion, to
which they now attach such great importance. At the very most, Mr. deBrum has put forward an
explanation which I would venture to say is rather facile but I will not go over that again,
Mr. Gill has already discussed it. I would simply point out that, contrary to what the
Marshall Islands’ Co-Agent suggested, in general terms, his country was not absent when the votes
in question were taken; it abstained or even voted against , before its belated but welcome
25
27 conversion to the cause it now supports. But this U-turn did not occur until 2013 , the year when
the Marshall Islands also formulated their optional declaration accepting the Court’s compulsory
jurisdiction. This was certainly not a random coincidence. Now, both States are on the same
wavelength.
6. This is, at any rate, our version of events and one by which we stand. Unfortunately,
our opponents deny us the right to say this and, even though they put it rather more tactfully, they
are clearly accusing India of lying. As Professor Condorelli put it so nicely (and here again I
22
CR 2016/6, p. 36, para. 10 (Palchetti); see also p. 27, para. 27 (Ashton).
2See, for example, CR 2016/1, p. 37, para. 20 (Condorelli); p. 49, para. 15 (Burroughs), and CR 2016/6, p. 20,
para. 8 (Burroughs); p. 28, para. 31 (Ashton); p. 30, para. 5 (Chinkin), and p. 37, para. 13 (Palchetti).
2See doc. A/58/PV.71, p. 13.
25
See doc. A/68/PV.60, p. 19. - 24 -
cannot imitate his accent): “Tra il dire e il fare c’é in mezzo il mare”, which in English would
translate not quite so colourfully as something like “there is a world of difference between
saying and doing”. This leads me to my second set of observations.
7. Mr. President, the Marshall Islands vigorously claims for itself the right to sovereign
equality . It is right to do so. One of the consequences flowing from that principle is the mutual
respect owed between States and, in particular, to use the famous expression from the Lac Lanoux
case, the “well-established general principle of law according to which bad faith cannot be
27
presumed” . For our opponents to impugn India’s motives as they are doing is tantamount to an
allegation of bad faith . 28 Here, I will echo Professor Condorelli’s words, with just a slight
alteration, Mr. President: “Tra il dire e il provare c’é in mezzo il mare” it is not enough to
claim, it must be proved.
8. And this is precisely what our friends on the other side of the Bar are incapable of doing.
First of all, no doubt, because in reality we are still at the “talking” stage. It is not about the act of
disarming the Marshall Islands is categorical on this point: «le différend, en l’espèce, porte sur
la question de savoir si l’Inde manque à l’obligation que lui impose le droit coutumier de
29
poursuivre de bonne foi des négociations conduisant au désarmement nucléaire» . It is indeed
true, Mr. President, Members of the Court, that «les actes sont plus éloquents que tous les
discours» . But the Marshall Islands is not dealing with disarmament, which is and has to be all
28 about taking action. It is asking the Court to order the Republic of India to take the initiative on
negotiations though it is not really clear with whom. Consequently, why should India be
expected to do anything other than push as much as possible for negotiations to take place?
9. In actual fact, what the Marshall Islands is really criticizing India for is not “getting ahead
of the game”, if I might put it that way, by disarming unilaterally. That claim cannot be upheld:
26
CR 2016/1, p. 15, para. 3 (deBrum), and CR 2016/6, p. 39, para. 7 (deBrum).
27Affaire du lac Lanoux (Espagne, France), Award of 16 November 1957, United Nations, Reports of
International Arbitral Awards (RIAA), Vol. XII, p. 305.
28See CR 2016/6, p. 9, para. 4 (van den Biesen). See also CR 2016/1, p. 19, para. 15 (deBrum).
29
CR 2016/1, p. 28, para. 31 (Ashton).
30CR 2016/6, p. 38, para. 4 (deBrum). - 25 -
1. there is no rule of customary international law which requires India to do so, nor does the
31
Marshall Islands claim otherwise ; paragraph B of the operative part of the 1996 Advisory
Opinion is completely clear: “[t]here is in neither customary nor conventional international law
32
any comprehensive and universal prohibition of the threat or use of nuclear weapons as such” ;
2. by its conduct, India is in no way defeating the object and purpose of the negotiations for which
it is hoping and praying (if I may allude, by analogy, to Article 18 of the Vienna Convention on
the Law of Treaties): at the end of those negotiations, all of India’s nuclear weapons, old and
new, of whatever type, would obviously be destroyed; and
3. in any event, our opponents assure us hand on heart that this is not the purpose of their
Application; it relates solely to the obligation to promote negotiations in good faith, in order to
achieve that goal.
10. As our Co-Agent noted a little while ago, India has completely devoted itself to this since
it entered the nuclear era. I would point out, incidentally, that the Marshall Islands has not been so
particular in this respect: clearly, no matter how hard our friends tried, they could not find
anything better, in seeking to prove that they had fulfilled the same obligation by which they are
equally bound (erga omnes oblige . . .) as I was saying, they could not come up with anything
29 better than the statement made by the Marshallese Senator Jeban Riklon last February at the
Nayarit conference.
[Slide: Invitations to negotiate?]
11. Members of the Court, you must know almost by heart the short extract from the speech
made by the Marshall Islands’ representative on that occasion, since our opponents have pinned all
33
their hopes on it and cited it ad nauseam . I will therefore not read it out again, but it is shown on
the screens .34
31See, in particular, CR 2016/6, pp. 9-10, para. 7 (van den Biesen).
32Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1996 (I), p. 266,
para. 105 (2) (B).
33
See MMI, p. 19, para. 16; CR 2016/1, p. 18, para. 4 (deBrum), pp. 36-37, paras. 19-20, and p. 38, para. 22
(Condorelli), and CR 2016/6, p. 15, para. 6 (Condorelli).
34Statement of the Marshall Islands, Second Conference on the Humanitarian Impact of Nuclear Weapons,
Nayarit, Mexico, 13-14 February 2014, available at: http:/www.reachingcriticalwill.org/images/documents/Disarmament-
fora/nayarit-2014/statements/MarshallIslands.pdf. - 26 -
12. Well, if that statement constitutes an invitation to negotiate, then India has fulfilled that,
and much more. I will let you be the judge, Members of the Court:
«Nous proposons que les négociations commencent dès la première étape, afin
que le TNP, qui expire en 1995, soit remplacé par un nouveau traité. Celui-ci devrait
donner effet, d’une part, à l’engagement contraignant souscrit par les puissances
nucléaires d’éliminer toutes les armes nucléaires d’ici l’année 2010 et, d’autre part, à
celui contracté par les Etats non dotés de telles armes de ne pas s’en équiper.» 35
Ces propos remontent à 1988.
«Nous croyons que tous les pays favorables aux négociations multilatérales sur
le désarmement nucléaire devraient poursuivre cet objectif lors de la Conférence du
désarmement, qui rassemble tous les pays concernés… Nous les exhortons à déployer
tous les efforts nécessaires en vue de l’adoption, pour cette Conférence, d’un
programme de travail donnant la priorité aux négociations sur le désarmement
nucléaire.» 36
Cette déclaration date de 2013. Et celle que je m’apprête à citer a été faite en juin de l’année
dernière au nom du Groupe des 21 devant la conférence du désarmement.
«[L]e Groupe des 21 engage à entamer d’urgence des négociations sur le
désarmement nucléaire au sein de la Conférence du désarmement, en particulier sur
une convention globale relative aux armes nucléaires interdisant la détention, la mise
30 au point, la fabrication, l’acquisition, la mise à l’essai, l’accumulation, le transfert et
37
l’emploi ou la menace de l’emploi de ces armes, et prévoyant leur destruction.»
These three quotations are taken from official statements made by senior Indian officials. They
show India’s totally unambiguous commitment to negotiations leading to complete nuclear
disarmament. It is difficult to see how the Marshall Islands could criticize India regarding the
subject-matter of the dispute as it now defines it.
13. That being so, surely at least minimal talks should have been held to make India aware
that it had a bilateral dispute with the Marshall Islands. I would like to remove any ambiguity on
this point, Mr. President. I know perfectly well that the exhaustion of prior negotiations on a
dispute is not a condition for seising the Court in the absence of express provisions. But here
again, my opponent and friend is trying, skilfully but fruitlessly, to get around the problem:
3A World Free of Nuclear Weapons: An Action Plan, submitted on 9 June 1988 to the Third Special Session on
Disarmament of the United Nations General Assembly, p. 6 (CMI, Ann. 4).
3Statement by Ambassador Sujata Mehta, Permanent Representative of India to the Conference on Disarmament,
to the Open Ended Working Group on taking forward multilateral nuclear disarmament negotiations, Geneva,
15 May 2013, available at: http://www.reachingcriticalwill.org/images/documents/Disarmament-fora/O…
/statements/15May_India.pdf.
37
Statement on “Follow-up to the 2013 High Level Meeting of the General Assembly on Nuclear Disarmament”
delivered on 30 June 2015 on behalf of the Group of 21 by Mr. Venkatesh Varma, Permanent Representative of India to
the Conference on Disarmament, at the Plenary Meeting of the Conference on Disarmament, para. 15 (CMI, Ann. 12). - 27 -
first of all, Professor Condorelli desperately clings to the precedent constituted by the
Judgment in the Cameroon v. Nigeria case, the meaning of which he over-interprets . In it, 38
the Court does not state that it is pointless or unnecessary to hold negotiations prior to the
institution of proceedings; what it says, which is very different, is that there is no “general rule
to be found to the effect that the exhaustion of diplomatic negotiations constitutes a
precondition for a matter to be referred to the Court” 39 where it is “seised on the basis of
40
declarations made under Article 36, paragraph 2, of the Statute” . In the present case,
however, India would have found it very difficult to exhaust diplomatic negotiations which had
never begun. I would add that the common sense principle, according to which a dispute
should at least be “clearly defined by means of diplomatic negotiations” , was not only41
31 mentioned in Judgment No. 2 of the Permanent Court; this Court, too, has referred to it, for
instance in the Right of Passage over Indian Territory case;42
secondly, and in any event, the problem here is not in establishing whether prior negotiations
took place in order to settle the dispute clearly, they did not. It is not even in finding out
whether talks took place to define the dispute clearly, they did not. It is in knowing whether
the Marshall Islands brought the very existence of this alleged dispute to India’s attention
clearly, it did not. Yet, Mr. President, this is a purely common sense requirement. As the PCIJ
noted:
“It would no doubt be desirable that a State should not proceed to take as
serious a step as summoning another State to appear before the Court without having
previously, within reasonable limits, endeavoured to make it quite clear that a
difference of43iews is in question which has not been capable of being otherwise
overcome.”
38CR 2016/6, pp. 15-16, para. 8 (Condorelli).
39Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 303, para. 56; emphasis added.
40
Ibid., p. 322, para. 109.
41
Mavrommatis Palestine Concessions, Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 15.
42Right of Passage over Indian Territory (Portugal v. India), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J.
Reports 1957, pp. 148-149.
43Interpretation of Judgments Nos. 7 and 8 (Factory at Chorzów), Judgment No. 11, 1927, P.C.I.J., Series A,
No. 13, pp. 10-11. - 28 -
14. I note, furthermore, that Professor Condorelli, no doubt aware of the incongruity of his
44
proposal that the “Nayarit statement” constitutes notice of the existence of a dispute , has no
hesitation in announcing now that “there is nothing to prevent the notice of claim by the injured
45
State being given not prior to seising the Court, but precisely by seising it” . Mr. President, it is
quite simply inconceivable that a State should be able, if I might put it this way, to “afford itself the
luxury” of a public platform to set out its general political views by instituting proceedings, rather
randomly, against one or more States before this Court. This is, very clearly, what the
Marshall Islands is doing by claiming to have virtually identical bilateral disputes with nine
nuclear-weapon States even though their positions on the claims made against them are very
46
different . Nevertheless, all these disputes are supposed to have crystallized and, at the same time,
been defined by the Marshall Islands’ statement at Nayarit, two months before it seised the Court.
32 II. Absence of indispensable parties
15. That also underlines, Mr. President, the totally artificial nature of the Marshall Islands’
Application, and it explains why our opponents are finding it so difficult to explain the relationship
that exists between the allegedly bilateral case they have brought before you and the necessarily
collective dimension of the negotiations which lie at the heart of it. This collective dimension
brings us back to the Monetary Gold principle.
16. Nauru first of all. Professor Palchetti accused me of preferring dissenting opinions to the
majority that is fair enough, even if the dissenting judges happen to be right. But in the
48
present case, my opponent had to acknowledge that I had accepted the Court’s reasoning , and this
is indeed the case: in order to rule on the Respondent’s responsibility, the Court would necessarily
have to determine whether the absence of negotiations, for which the Marshall Islands criticizes
India, is the Marshall Islands’ fault, India’s fault, or is the consequence of the ill-will or inertia of
the other nuclear-weapon States. We are in a Monetary Gold or East Timor situation.
44
CR 2016/1, pp. 36-37, paras. 19-20, and CR 2016/6, p. 15, para. 6 (Condorelli).
4Ibid., p. 18, para. 14 (Condorelli).
4CR 2016/1., p. 11, para. 12 (van den Biesen).
47
CR 2016/6, p. 34, para. 3, and pp. 34-35, para. 5 (Palchetti).
4Ibid., para. 6; see CR 2016/4, pp. 43-45, paras. 16-19 (Pellet). - 29 -
17. Moving on to the erga omnes character of the obligation to negotiate, Mr. President, I
believe that Professor Palchetti is right in thinking that the mere fact that this is an erga omnes
49
obligation is not sufficient to lead to the application of the Monetary Gold principle . But there is
another specific feature of this obligation which does call for it: it is an obligation which cannot be
fulfilled on one’s own. However much the Marshall Islands might claim that it has never requested
50
the Court to exercise its jurisdiction over States which are not present , the Court would have to do
so if, by some remote chance, it recognized its jurisdiction. When a country insists that
negotiations must take place and the potential participants decline to do so, is it legitimate to
presume that our country is not acting in good faith?
18. The Applicant seeks to avoid the inevitable consequence of a negative response to that
question by suggesting that the Court should declare that, if not this objection precisely, then at
51
33 least the objections raised by India overall are not exclusively preliminary in nature . Acting on
that suggestion would be to accept that a State may file an application against any other State while
remaining vague about the exact subject-matter of its claims and the precise scope of the rule it
invokes, but nevertheless benefiting from the excellent platform usually afforded by hearings
before the Court, and while obliging the other party, which has no choice in the matter, to defend
itself against accusations which even a superficial examination in limine litis shows to be
unfounded and artificial, not to say totally abusive. Agreeing to consider the case on the merits
would be to flout the requirement, now firmly enshrined in the Court’s jurisprudence and
welcomed by many arbitral tribunals, that “in order to determine, even prima facie, whether a
dispute . . . exists [between the Parties], the Court cannot limit itself to noting that one of the
Parties maintains” that such is the case “while the other denies it; and whereas in the present case
49
CR 2016/6, p. 35, paras. 6-7 (Palchetti).
5Ibid., para. 6.
51
Ibid., p. 23, para. 14 (Burroughs), and p. 33, para. 16 (Chinkin). - 30 -
the Court must ascertain whether . . . the dispute is one which the Court has jurisdiction ratione
52
materiae to entertain . . .” .
19. Since then, as an ICSID tribunal noted in 2011:
«117. Il est devenu courant … pour les tribunaux [relatifs aux investissements]
d’invoquer une norme dite «prima facie» en matière de questions juridictionnelles et
d’étayer leur analyse sur la jurisprudence d’autres juridictions internationales,
notamment la Cour internationale de Justice …
118. … Le tribunal dont la compétence est contestée trouve ainsi le moyen de se
prononcer sur la question de la compétence sans pour autant préjuger du fond.» 53
20. I am aware, Members of the Court, that you have little appetite for ICSID jurisprudence.
But I made so bold as to mention it because, in this instance, the Court’s own jurisprudence has
34 been a source of inspiration for many other judicial and arbitral bodies and was the origin, it seems
to me, of a now well-established general procedural principle. The Marshall Islands’ assertions
regarding the existence of a dispute between itself and India certainly do not pass the prima facie
test.
21. Mr. President, whatever our opponents might say, they are requesting the Court to
deliver a judgment which has no purpose and no effect. No purpose, because India is already
fulfilling completely and in good faith the obligation to which they ask the Court to declare it
subject. No effect, because, girded with the principle of res judicata, the Court’s judgment will
bind India by ordering it to comply with an obligation which it is already meeting in full, and the
Marshall Islands, which, it seems, has finally realized the need for negotiations leading to nuclear
disarmament.
52Legality of the Use of Force (Yugoslavia v. Belgium), Provisional Measures, Order of 2 June 1999, I.C.J.
Reports 1999 (I), p. 137, para. 38, referring to the case of Oil Platforms (Islamic Republic of Iran v. United States of
America), Preliminary Objection, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II), p. 810, para. 16; see also Oil Platforms (Islamic
Republic of Iran v. United States of America), Preliminary Objection, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II), separate
opinion of Judge Higgins, pp. 856-858, paras. 34-38 and, on provisional measures, Pulp Mills on the River Uruguay
(Argentina v. Uruguay), Provisional Measures, Order of 13 July 2006, I.C.J. Reports 2006, separate opinion of
Judge Abraham, pp. 138-141, paras. 5-10; Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v.
Senegal), Provisional Measures, Order of 28 May 2009, I.C.J. Reports 2009, p. 151, para. 57; Certain Activities carried
out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Provisional Measures, Order of 8 March 2011, I.C.J.
Reports 2011 (I), p. 18, para. 53 and, in the same case, Order of 22 November 2013, I.C.J. Reports 2013, p. 360, para. 24,
or Request for Interpretation of the Judgment of 15 June 1962 in the Case concerning the Temple of Preah Vihear
(Cambodia v. Thailand) (Cambodia v. Thailand), Provisional Measures, Order of 18 July 2011, I.C.J. Reports 2011 (II),
p. 545, para. 33.
53Decision on annulment, 1 March 2011, Duke Energy International Peru Investments No. 1 Ltd. v. Peru, ICSID
case No. ARB/03/28, paras. 117-118. See also, for example, decision on jurisdiction, 1 December 2008, Chevron
Corporation (USA) and Texaco Petroleum Company (USA) v. The Republic of Ecuador, PCA case No. 34877,
paras. 109-110, citing decision on preliminary objections, Pan American Energy LLC and BP Argentina Exploration
Company v. Argentine Republic, ICSID case No. ARB/03/13, 27 July 2006, para. 50. - 31 -
22. Finally or almost a few words on the Marshall Islands’ submissions. I will not go
back over the fact that these submissions have been implicitly but heavily cut down to size in the
course of these preliminary objections Mr. Salve has already argued this point in sufficient
detail. I would simply reiterate, Mr. President, that the Marshall Islands could not in good faith
repeat claims (b), (c) and (d) (we have put these in tab 2 of the judges’ folders): they are clearly
outside the framework of the present case as defined in particular by one of the Marshall Islands’
Co-Agents, Mr. van den Biesen. Citing myself, he said that India “[was] fully aware of the precise
subject-matter of this case and there is after all no confusion possible on India’s part
regarding what this case is about” . If the Marshall Islands were to reconsider this welcome
concession if there were to be another phase, which I hope the Court will not allow this
U-turn would undoubtedly constitute what is known as an estoppel in common law countries. In
any event, it would be contrary to the most elementary good faith.
23. Mr. President, just this once I will leave the last word to my opponent and friend,
Phon van den Biesen: «Cet échec [il parlait des instances régulières de désarmement] est
35 essentiellement dû au fait que les négociations sur le désarmement se sont heurtées à l’obstruction
des Etats parties au traité qui sont dotés d’armes nucléaires.»55 India is not an NPT State. Then
what?
24. Members of the Court, I am most grateful to you for your kind attention, as ever. I
would ask you, Mr. President, to give the floor to Ms Neeru Chadha, who will make the final
presentation on behalf of the Republic of India. Thank you very much.
The PRESIDENT : Thank you. I give the floor to Ms Chada, Agent of the Republic of India.
Mme CHADHA : Je vous remercie, Monsieur le président.
O BSERVATIONS FINALES ET CONCLUSIONS
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je présenterai quelques brèves
observations finales avant de donner lecture des conclusions de l’Inde. L’engagement de l’Inde en
5Footnote 10 in the original [CR 2016/6, p. 10, para. 9]: “CR 2016/4, p. 44, para. 18”.
5CR 2016/6, p. 11, para. 11 (van den Biesen). - 32 -
faveur d’un désarmement nucléaire universel, non discriminatoire et vérifiable a été constant.
Nous reconnaissons sans réserve que les Etats ont l’obligation de négocier de bonne foi en vue de
parvenir au désarmement nucléaire à l’échelle mondiale, mais nous ne sommes pas d’accord pour
considérer qu’une obligation unilatérale de désarmement leur incombe.
2. La position de l’Inde à l’égard du désarmement nucléaire est très claire et sans équivoque.
L’Inde a toujours affirmé que, pour que des discussions sur le désarmement nucléaire aient un sens,
il était primordial que tous les Etats dotés d’armes de ce type y participent.
3. Les Iles Marshall tentent cependant de faire peser cette obligation de poursuivre des
négociations sur chaque Etat. Elles ont dit qu’il n’existait pas d’«entreprise nucléaire commune».
Nous ne savons pas très bien ce que cette expression signifie, mais si cela devait vouloir dire que la
présence de tous les Etats dotés d’armes nucléaires est indispensable à des négociations conduisant
au désarmement nucléaire, alors, Monsieur le président, oui, il doit y avoir une entreprise nucléaire
commune. Contrairement à ce que M. van den Biesen a affirmé, l’Inde ne soutient pas que «les
négociations en question n’intéresseraient que les neuf puissances actuellement dotées d’armes
nucléaires». Elle a toujours dit que si la participation de tous les Etats était nécessaire, celle de tous
36 les Etats dotés d’armes nucléaires était cruciale car ce sont des parties essentielles, sans lesquelles il
ne saurait y avoir de désarmement nucléaire complet.
4. Monsieur le président, lorsque l’Inde dit que les Iles Marshall ont soulevé un différend
artificiel, elle ne parle pas de l’objet de celui-ci, mais en conteste le fondement juridique en tant
que différend bilatéral soumis à la Cour. Nous contestons cette présentation erronée du différend,
qui est qualifié de bilatéral alors que, intrinsèquement, il a trait au comportement de tous les Etats,
en particulier de ceux qui sont dotés d’armes nucléaires. Notre opposition de principe fondée sur
l’absence de parties indispensables est essentielle.
5. Les Iles Marshall tentent d’imposer à l’Inde une obligation juridique fondée sur un
principe imaginaire de droit coutumier parallèle à l’article VI du TNP et distinct de celui-ci,
principe dont elles ne fournissent aucune source. L’Inde considère qu’aucune disposition d’un
traité auquel elle s’est constamment opposée ne saurait constituer une source de droit international
coutumier qui lui serait opposable comme telle. - 33 -
6. L’Inde n’a jamais reconnu que l’article VI du TNP énonçait une obligation de droit
international coutumier dont il lui incomberait de s’acquitter. Le fait qu’elle avance simultanément
qu’elle est un objecteur persistant et fasse valoir son action à l’appui de l’obligation même qui est
en cause dans l’avis consultatif de la Cour de 1996 n’a rien d’illogique. L’Inde soutient
effectivement les résolutions de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies
afférentes à la suite donnée à l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur la Licéité de
la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires. En tant que coauteur de ces résolutions, elle
démontre ainsi son engagement en faveur de l’objectif visant à poursuivre des négociations de
bonne foi. Cela concorde également avec la position qui est la sienne depuis longtemps et qui
consiste à soutenir le désarmement nucléaire à l’échelle mondiale.
7. Les Iles Marshall tentent de tirer bien des conclusions de l’avis consultatif de la Cour.
Pourtant, elles en négligent trois éléments essentiels :
premièrement, elles ne tiennent absolument aucun compte du point 2 B) du dispositif dans
lequel la Cour a expressément déclaré que «[n]i le droit international coutumier ni le droit
international conventionnel ne comport[aient] d’interdiction complète et universelle de la
menace ou de l’emploi des armes nucléaires en tant que telles» ;
deuxièmement, elles font abstraction du paragraphe 100 qui prévoit que l’obligation de
négocier concerne formellement les 182 Etats parties au TNP ;
troisièmement, les Iles Marshall oublient le point 2 E) du dispositif, qui est pourtant au cœur de
l’avis consultatif, puisque c’est là que la Cour refuse expressément de se prononcer sur la
question posée.
37 8. L’Inde n’a pas besoin de répéter que le processus de création du droit international est le
domaine réservé des Etats. Ceux-ci peuvent y procéder en concluant des traités ou en créant des
règles de droit coutumier, l’élément décisif de ce processus étant, en fin de compte, leur
consentement «à être liés en droit».
9. L’Inde se voit donc une fois encore dans l’obligation de dire que les Iles Marshall ont
soulevé contre elle un différend artificiel. Il n’existe en réalité aucun différend entre les Parties car
l’une et l’autre se sont engagées à poursuivre des négociations de bonne foi conduisant à un
désarmement nucléaire à l’échelle mondiale. L’Inde appuie résolument l’ouverture de négociations - 34 -
entre tous les Etats, y compris ceux qui sont dotés d’armes nucléaires, afin d’établir un climat de
confiance pour promouvoir le désarmement nucléaire mondial. En revanche, les remèdes sollicités
par les Iles Marshall en l’absence d’autres Etats ne répondent absolument à aucun objectif.
Monsieur le président, je rappellerai par ailleurs que la déclaration faite par l’Inde en vertu de la
clause facultative au titre du paragraphe 2 de l’article 36 contient plusieurs réserves qui font
obstacle à la compétence de la Cour. L’Inde soutient par conséquent que celle-ci devrait refuser de
connaître des demandes présentées par les Iles Marshall.
10. Monsieur le président, avant de donner lecture des conclusions formelles de l’Inde, je
souhaiterais, avec votre permission, remercier tous ceux qui ont apporté leur assistance dans le
cadre de la présente instance. Je voudrais tout d’abord remercier le greffier de la Cour,
M. Philippe Couvreur, et les membres du Greffe pour leur collaboration et leur professionnalisme
et pour avoir œuvré efficacement au bon déroulement de ces audiences. Je remercie en particulier
les interprètes, pour lesquels il n’a certainement pas été aisé de nous suivre. Je remercie également
tous ceux qui ont travaillé tard pour produire rapidement les comptes rendus des audiences
publiques.
11. Nous remercions nos amis des Iles Marshall pour leur coopération durant la présente
instance. Je souhaiterais par ailleurs saisir cette occasion pour remercier nos conseils ainsi que les
autres membres de la délégation qui ont passé de longues heures à préparer ces audiences. Pour
finir, Monsieur le président, je tiens également à remercier la Cour pour la patience dont elle a fait
preuve à notre égard. Je vais à présent donner lecture des conclusions finales de l’Inde.
38 C ONCLUSIONS
12. Monsieur le président, pour les motifs exposés par l’Inde dans ses écritures et à
l’audience :
«La République de l’Inde prie la Cour de dire et de juger :
a) qu’elle n’a pas compétence pour connaître des demandes que les Iles Marshall ont
présentées contre l’Inde dans leur requête du 24 avril 2014 ;
b) que les demandes que les Iles Marshall ont présentées contre l’Inde sont
irrecevables.»
Je vous remercie, Monsieur le président. - 35 -
The PRESIDENT : Thank you, Madam. The Court takes note of the final submissions you
have just read out on behalf of the Republic of India, as it did on Monday for the final submissions
presented by the Marshall Islands.
Le juge CANÇADO TRINDADE : Thank you, Mr. President.
Je souhaiterais poser les questions suivantes aux deux Parties, les Iles Marshall et l’Inde.
Dans leurs écritures et plaidoiries, les Parties se sont toutes deux référées aux résolutions de
l’Assemblée générale des Nations Unies sur le désarmement nucléaire. Parallèlement à ces
résolutions, qui remontent au début des années 1970 (première décennie du désarmement), il existe
deux séries plus récentes de résolutions, à savoir celles condamnant les armes nucléaires, adoptées
de 1982 à ce jour, et celles concernant la suite donnée à l’avis consultatif que la Cour a rendu
en 1996 sur la question de la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, qui ont
jusqu’à présent été adoptées de 1997 à 2015. S’agissant de cette dernière série de résolutions,
auxquelles les Parties se sont référées, je voudrais demander aux Iles Marshall et à l’Inde si, selon
elles, ces résolutions constituent l’expression d’une opinio juris et, dans l’affirmative, quelle est
leur pertinence en ce qui concerne la formation d’une obligation de droit international coutumier
consistant à poursuivre des négociations menant au désarmement nucléaire et quelle est leur
incidence sur la question de l’existence d’un différend entre les Parties.
39 Je vous remercie, Monsieur le président.
The PRESIDENT : Thank you. The text of the questions will be sent to the Parties in
writing as soon as possible. The Parties are invited to reply in writing. These replies must be
submitted no later than 6 p.m. on Wednesday, 23 March. Written comments on the replies of the
other Party may be presented no later than 30 March at 6 p.m.
This brings us to the conclusion of the hearings devoted to the oral arguments of the Parties
on the question of the Court’s jurisdiction in the case of Obligations concerning Negotiations
relating to Cessation of the Nuclear Arms Race and to Nuclear Disarmament (Marshall Islands v.
India). I should like to thank the Agents, counsel and advocates of the two Parties for the
assistance they have given the Court through their oral argument. I would ask that the Agents of
the Parties remain at the Court’s disposal to provide any further information it may require. - 36 -
With this proviso, I declare closed the oral proceedings on the question of the Court’s
jurisdiction in the present case. The Court will now retire for deliberation. The Parties will be
advised in due course by the Registrar as to the date on which the Court will deliver its judgment at
public sitting.
Thank you. The sitting is adjourned.
The Court rose at 11.35 p.m.
___________
Traduction