Opinion dissidente de M. Koroma (traduction)

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095-19960708-ADV-01-13-EN
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095-19960708-ADV-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. KOROMA

[Traduction]

Je regrette vivement d'êtredans l'obligation de joindre cette opinion

dissidente à l'avisconsultatif donnépar la Cour car je suis fondamenta-
lement en désaccordavec la conclusion àlaquelle la Cour est parvenue -
grâce à la voix prépondérantedu Président - et aux termes de laquelle:
«Au vu de l'étatactuel du droit international, ainsi que des élé-
ments de fait dont elle dispose, la Cour ne peut cependant conclure

de façon définitiveque la menace ou l'emploi d'urmes nucléaires
serait licite ou illicite dans une circonstance extrêmede légitime
défense danslaquelle la survie mêmed'un Etat serait en cause.))
(Paragraphe 2 du dispositif, alinéaE, deuxièmephrase; les italiques
sont de moi.)

Après avoirmûrement réfléchi,j'estime que non seulementcetteconclu-
sion est insoutenable eu égardau droit international existant, mais qu'elle
est aussi, comme je le démontrerai plus loin, en complètecontradiction
avec les nombreux élémentsfaisant autorité qui ont été présentés à la
Cour. Cette déclaration est d'autant plus regrettable que la Cour était
elle-mêmeparvenue à la conclusion que:

«la menace ou l'emploi d'armes nucléaires serait généralement
contraireaux règlesdu droit international applicable dans lesconflits
armés,et spécialementaux principes et règlesdu droit humanitaire))
(ibid., premièrephrase).

J'approuve cette conclusion, sauf le mot ((généralement))T . out bien
considéré,mon opinion, fondée sur le droit existant et les élémentsde
preuve dont on dispose, est que l'emploi d'armes nucléairesserait illicite
en toute circonstance au regard du droit international. Cet emploi cons-
titueraità tout le moins une violation des principes et règlesdu droit
international humanitaire et serait donc contraire à ce droit.
Je ne peux non plus souscrire à divers aspects des motifs sur lesquels
s'appuie l'avis consultatif. Certains, d'après moi, sont indéfendablesen
droit et risquent mêmede déstabiliserl'ordre juridique international exis-
tant.
Selon la documentation dont la Cour a étésaisie, on estime qu'il y a

aujourd'hui dans lemonde plus de quarante mille ogivesnucléaires etque
leur capacité totale de destruction est environ un million de fois plus forte
que cellede la bombe qui a ravagéHiroshima. On dit qu'une seulebombe
atomique explosant au-dessus d'une grande villepourrait tuer plus de un
million de personnes. Utilisées massivement,ces armes pourraient entraî-
ner l'anéantissement dela race humaine et l'extinction de la civilisation. MENACE OU EMPLOI D'ARMESNUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 557

Les armes nucléaires nesont pas simplementdes armes d'un autre genre;
elles sont considérées comme l'arme absolue et leurseffets destructeurs
sont beaucoup plus étendus queceuxde toute arme classique. La demande
d'avis consultatif sur la question de savoir si l'emploi de telles armes est
licite ou non est une questionà laquelle, selon moi, tout bien réfléchil,a
Cour en tant que tribunal et en tant que garante du droit dans le système

des Nations Unies devrait êtrecapable de répondre.
Si les Etats ont des positions divergentes sur la question des armes
nucléaires,tout comme sur leurs conséquences éventuelles,ils ont aussi
des positions divergentes sur le point de savoir si la Cour aurait dû être
saisie d'une demande d'avis consultatif en la matière.Quoi qu'il en soit,
ayant décidéque l'Assembléegénéraleavait compétencepour poser la
question et qu'il n'y avait aucune ((raison décisive)),tenaàtI'opportu-
nitéou à un risque de compromettre son caractère judiciaire, de ne pas
donner cet avis, la Cour aurait dû s'acquitter de sa fonction judiciaire
conformément àl'article38de son Statut et trancher la question ((confor-
mémentau droit international)), en appliquant simultanémentlesconven-

tions internationales et la coutume internationale en tant que règleséta-
blies, reconnues par les Etats, ou comme preuve d'une pratique générale
acceptée commeétant le droit, ou bien les principes généraux dedroit
reconnus par tous les Etats, les décisionsjudiciaires dela Cour et lesréso-
lutionsd'organisations internationales, au moins commepreuves du droit.
A mon avis, la préventionde la guerre, par l'emploi d'armes nucléaires,
relèvedu droit international et, si la Cour est invàttrancher une ques-
tion de ce genre, ellea compétencepour lefaire. En assurant le respect du
droit, sa décisionpeutcontribuer àprévenirune guerre. Dans l'affaire du
Détroitde Corfou, la Cour a dit qu'elle avait pour fonction d'«assurer
l'intégrité dudroit international dont elle est l'organe)) (C.I.J. Recueil

1949, p. 35). Commentant cette formule, M. Nagendra Singh, ancien
membre et ancien Présidentde la Cour, aujourd'hui décédé a,fait obser-
ver, àpropos de cette déclaration, que la Cour ne s'étaitpas référée la
Charte des Nations Unies ou à son propre Statut. Il a ajouté que «la
Cour doit ainsi avoir conscience de ce fait, comme de quelque chose
d'inhérent à son existence, liéau droit qu'elle applique)). (The Role and
Record of the International Courtof Justice,. 173).Aujourd'hui il existe
un systèmede prévention de la guerre endroit international dont les élé-
ments sont l'interdiction du recours à la force, les dispositions de la
Charte des Nations Unies relatives à la sécuritécollective et visant au
maintien de la paix internationale, l'obligation de recouàides moyens

pacifiques pour réglerles différendsinternationaux et les réglementations
touchant l'interdiction des armes,à la limitation des armements et au
désarmement. L'avis consultatifde la Cour en l'espèceaurait pu renfor-
cer ce régime enoffrant une protection à l'humanité.
Compte tenu des donnéesdont la Cour étaitsaisie, il est parfaitement
illogique, selon moi, qu'elle disene pas pouvoir se prononcer de façon
définitivesur la question poséeau vu de l'étatactuel du droit ainsi que
des élémentsde fait dont elle dispose, car ni le droit ni les faits ne sontimprécis ou insuffisantsau point de l'empêcherde parvenir à une conclu-
sion définitive enla matière. On pourrait aussi interpréter ladéclaration

de la Cour comme donnant à entendre soit qu'il y a un vide, ou une
lacune, dans le droit existant soit que la Cour n'est pas en mesure de par-
venir à une conclusion définitiveen la matière parce que le droit est
imprécis,que son contenu est insuffisant ou que simplement il n'existe
pas. Il ne me semble pas que l'on ait besoin de principes nouveaux pour
statuer sur cette question. Tout ce que l'on demandait à la Cour était
d'appliquer le droit existant. Une déclaration de non liquet est dépourvue
de tout fondement en l'espèce.La Cour a toujours été d'avisque c'est à
elle et non aux parties qu'il incombe d'établirce qu'est le droit. La Cour
a déclaré:

((qu'il n'est nullement incompatible avec sa fonction judiciaire de
statuer sur les droits et les devoirs des Parties au regard du droit
international existant d'une manière qui pourrait avoir manifeste-
ment un effet dans l'avenir ...La possibilitéd'une modification du

droit existe toujours mais cela ne saurait décharger laCour de son
obligation de statuer sur la base du droit tel qu'il existeau moment
où ellerend sa décision.»(Compétenceen matièredepêcheriesf,ond,
C.I.J. Recueil 1974, p. 19,par. 40.)

Non seulement le corpusjuris en la matière est considérable mais encore
il est suffisammentclair et précispour permettre à la Cour de se pronon-
cer de façon définitive.Si la Cour avait appliquéle droit dans son inté-
gralité- y compris les conventions internationales, les règlesde droit
international coutumier, les principes généraux dedroit international, les
décisionsjudiciaires ainsique les résolutionsdes organisations internatio-
nales - il n'y aurait pas eu lieu de prononcer ce qui revient à un non
liquet.
En outre, tous les Etats- aussi bien lesEtats dotésde l'arme nucléaire
que ceux qui ne la possèdent pas - reconnaissent que les règlesde droit

international applicable dans les conflits armés, spécialementle droit
international humanitaire, s'appliquent à l'emploi d'armes nucléaires. Ce
droit, qui a été formulé ectodifiépour restreindre le recours à certaines
armes et à certaines méthodesde guerre, vise à limiter les terribles effets
de la guerre. Il repose principalement sur le principe d'humanité quitend
avant tout à atténuer les conséquences des hostilitéspour les civils
comme pour les combattants. Ce droit établit aussi unrégimesur la base
duquel doivent êtrejugésles moyens et les méthodes de guerre. En consé-
quence, il semblerait appropriéet justifiable que les effets d'un conflit où

seraient employéesdes armes nucléaires - considéréescommeles armes
ultimes de destruction massive - soient jugésselon les normes régissant
un tel régime.
En dépitde ses conclusions, la Cour considèreelle-mêmeque le droit
des conflits armés et en particulier les principes et les règles du droit
humanitaire s'appliqueraient dans un conflit où l'arme nucléaire serait
employée.Il s'ensuit que la déclarationde la Cour selon laquelle elle ne MENACEOU EMPLOID'ARMESNUCLÉAIRES (OP. DISSK . OROMA) 559

peut conclure de façon définitiveque la menace ou l'emploi d'armes
nucléairesserait licite ou illicitedans une circonstance extrêmede légitime
défensedans laquelle la survie mêmed'un Etat serait en cause comporte
une contradiction et que l'on peut y voir au mieux l'exposéde deux prin-
cipes, àsavoir l'obligation de respecter les principes et les règlesdu droit
international applicable dans les conflits armés et le droit de légitime
défense desEtats notamment quand ils estiment que leur survie même est
en jeu. Ces principes ne s'excluent pas mutuellement et sont reconnus en

droit international. On a soutenu néanmoins que, lorsque la Cour se
trouve en présencede deux principes ou droits antagoniques, elle devrait
en s'appuyant sur la doctrine attribuer la priorité à l'un des deux et
reconnaître sa primauté. De l'avisde sir Hersch Lauterpacht, mêmesi la
primauté d'un principe sur l'autre résulted'une légère préférencp eour
l'un des deux principes, cette préférence,si faible soit-elle, est décisive.
admet qu'une action du juge en ce sens peut être à certains égardsimpos-
sible à distinguer d'une législation judiciaire. Toutefois, soutient-il, la
Cour«peut avoir àréaliseruncompromis - non pas un compromis diplo-
matique mais un compromis judiciaire légitime - entre des principes
de droit antagoniques » et il conclu:

«il n'y a pas de raison décisivepour quela Cour évite àtout prix une
telle issue.1est conforme à la véritable fonction de la Cour que le
différendqui lui est soumis soit tranché par sa propre décision et
non par l'action aléatoirede parties désirant un accommodement.
Lorsque, après une longue procédure écrite et orale, la Cour est

obligéede laisser le règlement du problème ...aux parties, il en
résulte une déception embarrassante, qui juridiquement n'est pas
sans pertinence.)) (The Development of Intevnational Law by the
Intevnational Court, p. 146.)

L'idée selon laquelleil faudrait que chaque Etat déterminelui-mêmes'il
peut êtrelicite ou non de recourir à l'arme nucléaire necorrespond pas
seulement à une option lourde de graves dangers pour les Etats qui pour-
raient être directementengagésdans un conflit comme pour les Etats qui
ne le seraient pas, mais peut amener à penser que cette option n'est pas
répréhensible endroit. Par conséquent,au lieu de laisser à chaque Etat le
soin de déciders'ilserait licite ou illicite d'employer des armes nucléaires
dans une circonstance extrêmemettant enjeu sa «survie», la Cour aurait
dû dire s'ilest permis d'utiliser desarmes nucléaires mêmd eans un cas où
la survie de 1'Etat serait en cause. La question poséea la Cour est de
savoir s'ilest licite d'utiliser desarmes nucléaireset non celle de la survie

de 17Etat,sur laquelle repose la réponsedonnéepar la Cour. Si celle-ci
avait bien interprétéla question, non seulement elle aurait étéamenée à
dire le droit en ce qui concerne l'emploi d'armes nucléaires, mais elle
aurait fort bien pu dissuader les Etats d'employer de telles armes. Mal-
heureusement la Cour ne s'est pas seulement abstenue d'exercer safonc-
tion judiciaire; mais en ne prenant pas position, elle semble réduiregra-vement la portéedes restrictions juridiques auxquellesest soumise actuel-
lement l'utilisation des armes nucléaires,tout en jetant le doute sur le
régimede la légitimedéfenseen créantune catégorie nouvelle de circons-
tance dénommée la «survie de l'Etat», qui constituerait une exceptionà
l'article 2, paragraphe 4, eà l'article 51 de la Charte des Nations Unies
ainsi qu'aux principes et aux règlesdu droit humanitaire. En fait, une
position aussi retenue pourrait bien êtreassimilée à une législationjudi-
ciaire alors que la Cour elle-mêmea indiqué, à juste titre selon moi,
qu'elle ne saurait «légiférer»et que

«dans les circonstances de l'espèce,elle n'est nullementappelée à le
faire.Il lui appartient seulement de s'acquitter de sa fonction judi-
ciaire normale en s'assurant de l'existenceou de la non-existence de
principes et de règlesjuridiques applicablesla menace ou àl'emploi
d'armes nucléaires.» (Avis consultatif, par. 18; les italiques sont de
moi.)

Néanmoins, justeaprèsavoir réaffirmé cetteposition, la Cour donne son
avis en proclamant qu'elle ne peut conclure de façon définitiveque la
menace ou l'emploi d'armes nucléaires serait «liciteou illicite dans une
circonstance extrême delégitime défensedans laquelle la survie même
d'un Etat serait en cause)), vu l'étatactuel du droit international et des
éléments de faitdont elle disposait (paragraphe 2 du dispositif, alinéaE;
les italiques sont de moi). Qu'il me soit permis de dire que cette décla-
ration n'est pas seulement insoutenable en droit, elle est aussi juridi-
quement superflue. Le droit de légitimedéfenseest un droit inhérent et

fondamental que possèdenttous les Etats. Il existedans le droit et non en
dehors ou au-dessus du droit. Dire au'il est en dehors ou au-dessus du
droit, c'estrendre probablel'utilisation unilatéralede la force par un Etat
quand lui-même et luiseul considèreque sa survie est enjeu. Le droit de
légitimedéfensen'est pasune simple autorisation de recourir àla force, il
est réglementépar le droit et il n'a jamais eu pour objet de menacer la
sécuritéd'autres Etats.
Ainsi non seulement la conclusion de la Cour semblepouvoir êtreassi-
milée à une législationjudiciaire, sapant ainsi le régimedu non-recoursà
la force tel qu'il est énoncéà l'article 2, paragraphe 4, de la Charte et
celui de la légitimedéfense que consacre l'article51, mais encore la doc-
trine de la survie de 1'Etatreprésenteun recul par rapport au droit qui a
précédé l'adoption de la Charte des Nations Unies et rappelle une période
bien antérieure.Grotius, qui écrivaitau XVIIe siècle,a dit: «le droit de

légitimedéfense ..tire son origine directement et principalement du fait
que la nature confie à chacun le soin de sa propre protection)) (Dejure
belli ac pacis, 1646, livre II, chap. 1, partie III). La conclusion de la
Cour revient. semble-t-il.à attribuer à chaaue Etat le droit exclusif de
déciderseul de l'emploi de l'arme nucléairequand sa survie, telle qu'il la
perçoit, est en cause et cette décision n'est soumiseniau droit ni au juge-
ment d'un tiers. Quand, après la conclusion du pacte Briand-Kellogg de
1928,Lauterpacht a eu àexaminer une situation similaireoù les Etats encause alléguaient qu'un Etat invoquant la légitimedéfense avait seul
compétence pour décidersi les circonstances exigeaient le recours à la
guerre au titre de la légitimedéfense,il a estiméqu'une telle ((allégation
renferme une contradiction car elle prétendse fonder sur un droit tout en
s'écartantd'une réglementation et d'une évaluation juridiques)).Tout en
considérant le droit de Iégitimedéfensecomme«absolu» en ce sens qu'il
ne peut êtrejuridiquement méconnu, Lauterpacht a soutenu qu'il était
«relatif» puisqu'il est présumérelever du droit. «Il est réglementéau
point qu'il appartient aux tribunaux de dire si le recours à la légitime
défenseétaitnécessaire,jusqu'à quelpoint etjusqu'à quand. »(The Func-
tion of Law in the International Community, p. 179-180.)

Comme on l'a déjà indiqué, cette déclarationde la Cour met en cause
certains des principes fondamentaux du droit international existant, y
compris l'interdiction du recours à la force dans les relations internatio-
nales et l'exercice du droit de légitimedéfense. Que la Cour ne puisse
décider de façon définitivesi l'emploi d'armes nucléairesest licite ou illi-
cite quand la survie d'un Etat est en cause confirme l'assertion selon
laquelle non seulement la surviede cet Etat est une question qui ne relève
pas du droit mais encore qu'un Etat peut, pour assurer sa survie, anni-
hiler le reste de l'humanitéen recourantà l'arme nucléaire. Soussa forme
historique «du droit fondamental à l'autopréservation», on a pris par le
passé prétextede ce droit pour violer la souveraineté d'autres Etats. De
tels actes sont maintenant considérés commeillicites par le droit interna-
tional contemporain. Le Tribunal militaire international de Nuremberg a
rejeté en 1946 l'argument selon lequel 1'Etat en cause avait agi dans le

cadre de la légitimedéfense etque tout Etat devait décider lui-même,si
dans une circonstance donnée, il avait le droit d'exercer sa légitime
défense. Le tribunal a estiméque «si le droit international doit jamais
devenir une réalité, la questionde savoir si une action entreprise sous le
prétexte de la légitime défense était de caractèreagressif ou défensif
devra faire l'objet d'une enquêteappropriéeet d'un arbitrage)) (jugement
du Tribunal militaire international de Nuremberg, 1946, Procès des
grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international,
1947,vol. 1,p. 219).
De même,dans l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), la
Cour a rejeté l'argument selon lequelle droit de légitimedéfensenerelève
pas du droit international. Tout en notant que l'article 51 de la Charte
reconnaît qu'il existe un droit «naturel» ou «inhérent» de légitime

défense,elle a déclaréqu'«on voit mal comment il ne serait pas de nature
coutumière, même sison contenu est désormais confirmépar la Charte))
(C.I.J. Recueil 1986, p. 94, par. 176). La Cour, dans ses conclusions en
l'espèce, sembles'écarter desa propre jurisprudence puisqu'elle dit ne pas
pouvoir conclure de façon définitives'il serait ou non licite qu'un Etat
utilise des armes nucléaires.
Quoi qu'il en soit, la Cour n'était nullement tenued'aboutir àune telle MENACEOU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISS.KOROMA) 562

conclusion car le droit est clair. Le recoursà la force est fermement et
impérativement interdit par l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des
Nations Unies. Le régimede la légitimedéfenseque la Cour préfère

dénommer ladoctrine de la «survie» de 1'Etatest réglementé lui aussi et
relèvede ce droit. Le droit de légitimedéfensed'un Etat est clairement
énoncé à l'article 51 de la Charte dans les termes suivants:
((Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au
droit naturel de légitime défensei,ndividuelle ou collective, dans le
cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression

armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécuritéait pris les mesures
nécessairespour maintenir la paix et la sécuritéinternationales. Les
mesures prises par des Membres dans l'exercicede ce droit de légi-
time défense sont immédiatement portées à la connaissance du
Conseil de sécurité et n'affectenten rien le pouvoir et le devoir qu'a
le Conseil, en vertu de la présenteCharte, d'agàrtout moment de la
manière qu'il jugenécessairepour maintenir ou rétablir la paix et la
sécurité internationales.

Ainsi l'article 51 de la Charte autorise l'exercice du droit de légitime
défenseaux conditions qu'il stipule. En premier lieu, pour pouvoir exer-
cer cedroit, un Etat doit avoir été l'obt 'une agression arméeet, quand
il l'exerce,il doit respecter le principe de la proportionnalité. En second
lieu, la ou les mesures prises dans l'exercicede ce droit doivent être por-
tées à la connaissance du Conseil de sécuritéet rapportées dès que le
Conseil lui-mêmea pris les dispositions nécessairespour maintenir la
paix internationale. L'article 51 envisage donc la capacitéd'un Etat de se
défendrelicitement contre une agression armée. La Cour a soulignéce

point quand elle a indiquéque le droit de légitimedéfense prévu à l'ar-
ticle 51 est subordonné aux conditions de nécessité etde proportion-
nalitéet que cette doublecondition s'applique quelsque soient lesmoyens
mis en Œuvre. En outre, la légitimedéfensedoit également satisfaire aux
exigences du droit applicable dans les conflits armés, en particulier aux
principes et règlesdu droit international humanitaire.
La question n'est donc pas de savoir si un Etat est habilité à exercer
son droit de légitimedéfensedans une circonstance extrêmedans laquelle
la survie mêmede cet Etat serait en cause, elle est plutôt de savoir si
l'emploi d'armes nucléaires seraitlicite ou illiciteen toute circonstance, y
compris une circonstance extrêmedans laquelle sa survie mêmeserait en
jeu - ou, en d'autres termes, si l'on peut concevoir que l'utilisation de

telles armes ait des conséquencesn'entraînant pas une violation du droit
international applicable dans les conflitsrmés,en particulier une viola-
tion du droit international humanitaire. Comme il est dit plus haut, selon
le droit, le droit de légitimedéfenseconsiste uniquementà repousser une
attaque armée et n'autorise ni représailles niaction punitive. 11n'est pas
non plus une exception au jus inbel10(conduite des hostilités). Dès lors
que, compte tenu des éléments dedroit et de fait, il est inconcevable que
l'emploi d'armes nucléaires n'entraînepas une violation, au moins, du MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 563

droit applicable dans les conflits armés,en particulier du droit humani-
taire, il s'ensuit que leur utilisation serait illicite. Les armes nucléairesne
constituent pas une exception au droit humanitaire.
Cela étant,il n'est pasjuridiquement défendablede soutenir,comme la
Cour le fait, qu'au vu de l'état actuel dudroit, elle ne peut conclure de

façon définitiveque la menace ou l'emploid'armes nucléairesserait licite
ou illicitedans une circonstanceextrêmemettantenjeu la survie de 1'Etat
car, commeellel'adit dans l'affairedesActivitésmilitaires etparamilitaires
au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique) :
((11lui paraît suffisant, pour déduirel'existencede règl...que les
Etats y conforment leur conduite d'une manière générale et qu'ils
traitent eux-mêmesles comportements non conformes à la règle en

question comme des violations de celle-ci et non pas comme des
manifestations de la reconnaissance d'une règle nouvelle.)) (C.I.J.
Recueil 1986, p. 98, par. 186.)
Un ancien membre de la Cour, M. Mosler, a dit, dans un autre contexte:

«que le droit ne saurait reconnaître un acte accompli par un membre
ou par plusieurs membres agissant de concert commejuridiquement
valable si cet acte s'attaque au fondement mêmedu droit» (H. Mos-
ler, The International Society as a Legal Community, 1980, p. 18).

La constatation de la Cour n'est égalementpas défendable parce que,
commeje l'ai déjàrelevé,le corpusjuris sur la base duquel elle aurait dû
parvenir à sa conclusion existe bel et bien, et qu'il estabondant et subs-
tantiel. La Cour elle-mêmel'a reconnu quand elle a noté queles «lois et
coutumes de la guerre» applicables en l'espèceavaient étécodifiéesdans
les conventions de La Haye de 1899et de 1907, qui se fondaient sur la
déclaration de Saint-Pétersbourg de1868ainsi que sur les résultats de la
conférence deBruxelles de 1874.La Cour a constatéaussi que le ((droit
de La Haye», et notamment le règlementconcernant les lois et coutumes
de la guerre sur terre, fixeles droits et les devoirs des belligérantsdans la
conduite deshostilités et limitelechoix desmoyens de nuire àl'ennemien

temps de guerre. Elle a estiméque le «droit de Genève» (les conventions
de 1864,de 1906,de 1929et de 1949)qui protègelesvictimes de la guerre
et vise à sauvegarder les membres des forces arméesmis hors de com-
bat ainsi que les personnes qui ne participent pas aux hostilités s'appli-
quait également àla question qui lui étaitposée.Elle a noté queces deux
branches du droit forment aujourd'hui le droit international huma-
nitaire, lequel a étécodifiédans les protocoles additionnels de 1977aux
conventions de Genève de 1949.
La Cour a fait observer que, dès le début du siècle,certaines armes
telles que les projectiles explosifs d'un poids inférieur00 grammes, les
balles dum-dum et les gaz asphyxiants ont été spécifiquemen itterdits et
que les armes chimiques et bactériologiquesont également été prohibées
par le protocole de Genève de 1925sur les gaz. Plus récemment, comme MENACE OUEMPLOID'ARMESNUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 564

la Cour l'a rappelé, l'emploi d'armesproduisant des «éclats non locali-
sables)),de certains types de mines, piègeset autres dispositifs, ainsi que
d'armes incendiaires a été, selonle cas, interdit ou limitépar la conven-
tion du 10 octobre 1980sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de

certaines armes classiques qui peuvent êtreconsidérées commeprodui-
sant des effets traumatiques excessifsou comme frappant sans discrimi-
nation. Cette interdiction, a-t-elle dit, est conforme à la règle selon
laquelle «les belligérants n'ont pas undroit illimitéquant au choix des
moyens de nuire à l'ennemi)),pour reprendre les termes de l'article 22 du
règlement de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la
guerre sur terre. La Cour a relevé enoutre que la déclaration deSaint-
Pétersbourg avait déjàcondamné l'«emploi d'armes qui aggraveraient
inutilement les souffrances des hommes mis hors de combat, ou ren-
draient leur mort inévitable))et quelerèglementévoqué plus haut, qui est
annexé a la convention IV de La Haye de 1907,interdit ((d'employer des
armes, des projectiles ou des matières propres àcauser des maux super-
flus» (art. 23).
La Cour a aussi précisé les principes cardinaux qui forment le tissu du
droit humanitaire, dont le premier viseà protéger lapopulation civile et

les biens de caractère civil et établitla distinction entre combattants et
non-combattants. Selon ce principe, les Etats ne doivent jamais prendre
pour cible des civils, ni en conséquence utiliser des armes qui sont dans
l'incapacité de distinguerentre cibles civileset ciblesmilitaires. Le second
principe est qu'il ne faut pas causer des maux superflus aux combattants
et qu'en conséquenceil est interdit d'utiliser des armes leur causant de
tels maux ou aggravant inutilement leurs souffrances. A cet égard, la
Cour a indiquéque les Etats n'ont pas un choix illimitéquant aux armes
qu'ils emploient.
La Cour a égalementconsidéré comme applicable la clause de Martens
énoncéepour la première fois dans la convention de La Haye de 1899
concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et dont une version
contemporaine a étécodifiée à l'article premier, paragraphe 2, du proto-
cole additionnel 1de 1977.Elle se lit comme suit:

«Dans les cas non prévuspar le présentprotocole ou par d'autres
accords internationaux, les personnes civileset les combattants res-
tent sous la sauvegarde et sous l'empire des principes du droit des
gens, tels qu'ils résultent des usages établis, des principesde l'huma-
nitéet des exigencesde la consciencepublique. »

Selon la Cour, les principes consacrésdans cette clause sont les principes
et les règles du droit humanitaire qui, avec le principe de neutralité,
s'appliquent dans le cas des armes nucléaires.
C'est compte tenu de ce qui précèdeque la Cour a considéréque le
droit humanitaire bannit l'emploi de certaines armes, soit parce qu'elles
frappent de façon indiscriminéeles combattants et les populations civiles,
soit parce qu'elles causent aux combattants des souffrances illutiles. La
Cour a conclu en conséquence que les principes et les règles du droit MENACE OU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 565

international humanitaire sont obligatoires et lient les Etats parce qu'ils
constituent aussi des principes du droit international coutumier auxquels
on ne saurait déroger.
En ce qui concerne l'applicabilitéaux armes nucléairesdu protocole
additionnel1 de 1977,la Cour a rappeléque, mêmesi tous les Etats ne
sont pas parties au protocole, ils sont tous liéspar celles des règlesdu
protocole qui, au moment de leur adoption, représentaient l'expression
du droit coutumier wréexistant.comme c'est le cas en warticulier de la
clause de Martens, repriseà l'article premier de cet instrument.

La Cour a déclaréque le fait que certaines armes ne sont pas spécifi-
quement mentionnées dans la convention ne permet de tirer aucune
conclusion juridique quant aux problèmes de fond que le recours àces
armes soulèverait.Il ne fait aucun doute, a-t-elle estimé,que les principes
et les règles du droit humanitaire, énoncésdans les conventions de
Genèvede 1949et dans les protocoles additionnels de 1977,s'appliquent
aux armes nucléaires.Certes la Cour a relevéque les conférencesde 1949
et de 1977 n'avaient pas spécifiquementtraité de la question des armes
nucléaires, niaisellen'en a pas moins déclaréque l'on ne peut en conclure
que les principes et règlesétablisdu droit humanitaire applicable dans les
conflits armés ne s'appliquent pas aux armes nucléaires car une telle
conclusion méconnaîtrait lanature intrinsèquementhumanitaire desprin-
cipes juridiques en jeu qui imprègnent l'ensemble du droit des conflits
armés ets'appliquent à toutes les formes de guerre età toutes les armes.

La Cour a acceptél'argument selon lequel:
((63. De manière générale,le droit international humanitaire
s'applique à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires, commeil
s'applique à d'autres armes.
64. Le droit international humanitaire a évolué pour tenir compte
des circonstances et son application ne se limite pas aux arme-
ments du passé.Les principes fondamentaux de ce droit demeurent:

atténuer et limiter la cruauté de la guerrepour des raisons huma-
nitaires. (Nouvelle-Zélande,exposéécrit, p. 15.)
La Cour a rappelé aussiqu'aucun des Etats partisans de la licéitéde
l'emploi d'armes nucléaires dans certaines circonstances, y compris
l'emploi «propre» d'armes nucléaires tactiques, plus petiteset de faible
puissance, n'avait indiqué que les principes du droit humanitaire ne

s'appliquaient pas aux armes nucléaires; elle a noté par exemple que,
pour la Fédération de Russie:«Les restrictions imposéespar les règles
a.wLicablesaux conflits armésen ce aui concerne les movens et méthodes
de guerre s'étendentassurément aux armes nucléaires»; que, pour les
Etats-Unis: «Cela fait longtemps que les Etats-Unis pensent que le droit
des conflits armés régit I'emploi d'armes nucléaires comme il régit
d'ailleurs celui d'armes classiques», et que, pour le Royaume-Uni: «En
ce qui concerne le droit coutumier de la guerre, le Royaume-Uni a tou-
jours admis que l'emploi d'armes nucléaires est assujettiaux principes
générauxdu jus in belle»(avis consultatif, par. 86). S'agissant des élémentdse fait qu'elle mentionne dans ses conclusions,
la Cour a notéles définitionsqui ont étédonnéesdes armes nucléaires
dans divers traités et instruments, y compris celles selon lesquelles les
explosions nucléairessont ((capablesde causer des destructions massives,
des dommages généraliséo su un empoisonnement massif)) (accords de
Paris, 1954) ou encore le préambule du traité de Tlatelolco de 1967 qui

décritles armes nucléairescomme des armes
((dont les terribles effets atteignent sans distinction et sans merci les
forces arméeset la population civile, [et qui] constituent, vu la per-
sistance de la radioactivité qu'elles engendrent, une atteinteinté-
gritéde l'espècehumaine et risquent de rendre finalement toute la
terre inhabitable)).

Elle a noté aussi que les armes nucléaires libèrent non seulement
d'énormesquantités de chaleur et d'énergiemais aussi un rayonnement
puissant et prolongé, que les deux premières sources de dommages sont
bien plus puissantes qu'ellesne le sont dans le cas d'autres armes de des-
truction massive et que le phénomènedu rayonnement est considéré

comme ~articulier aux armes nucléaires.Vu ces caractéris1 ,ues. conclut
la Cour, l'arme nucléaire est potentiellementd'une nature catastrophique,
son pouvoir destructeur ne peut être endiguéni dans l'espace ni dans le
temps et elle a le pouvoir de détruiretoute civilisation ainsi que l'écosys-
tèmetout entier de la planète.
S'agissant des éléments de fait, la Cour a relevéque le rayonnement
libérépar une explosion nucléaireaurait des effets préjudiciables sur la
santé, l'agriculture,lesressources naturelles et la démographie,et cela sur
des espaces considérables,et que l'emploi d'armes nucléairesferait courir
les plus graves dangers aux générations futures. Le rayonnement ionisant
étaiten outre susceptible de porter atteinte'environnement, à la chaîne
alimentaire et à l'écosystèmemarin dans l'avenir, et de provoquer des

tares et des maladies chez les générations futures.
A cet égardégalement,le Gouvernementjaponais a dit à la Cour que
lesbombes atomiques larguéessur Hiroshima le 6 août 1945et sur Naga-
saki le 9 août 1945avaient une puissance équivalant respectivementà 15
et à 22 kilotonnes de TNT. L'ex~losion a uroduit une énorme boule de
feu et s'estaccompagnée detempératures extrêmementélevéesd ,e l'ordre
de quelques millions de degrés centigrades, ainsi que de pressions extrê-
mement élevéea sussi, de l'ordre de plusieurs centaines de milliers d'atmo-
sphères.Elle a dégagé aussin rayonnement considérable. Selon la déléga-
tion, la boulede feu qui a duréenviron dix secondes a portéla température
au sol,à l'hypocentre,àquelque 3000 à4000 degréscentigrades et la cha-
leur a wrovoaué l'incendie desbâtiments de bois dans un ravon de 3 kilo-

mètres environ a partir de l'hypocentre. Le nombre des maisons endom-
magées a étéde 70147 à Hiroshima et de 18409 à Nagasaki. Les
personnes qui se trouvaient àmoins de 1000mètres de l'hypocentre ont
été exposées à des rayonnements initiaux de 3,93 grays. On estime que
cinquante pour cent des personnes ayant été exposées à des rayonne- MENACE OU EMPLOID'ARMESNUCLÉAIRES (OP.DISS. OROMA) 567

ments de plus de 3 grays sont décédées des suitese lésions médullaires
dans les deux mois. Le sol et les bâtiments touchés par la radioactivité
ont eux-mêmes émis des rayonnements. En outre la suie et la poussière
contaminéespar radio-induction se sont disperséesdans l'air et ont tour-
billonnéjusqu'à la stratosphère sous l'effet de l'explosion, ce qui a pro-
voquédes retombées radioactives sur le sol pendant plusieurs mois.
Selon la délégation,la raretédes documents ne permet pas de connaître
le nombre exact des victimes. On a estimécependant le nombre des per-
sonnes décédéeasvant la fin de 1945 environ 140000pour Hiroshima et

74000 pour Nagasaki, la population de ces deux villes étant évaluéeà
l'époquerespectivement à 350000 et 240000 habitants. Le nombre des
personnes décédées des suites dersayonnements thermiques immédiate-
ment après l'explosion, le mêmejour ou dans les quelques jours qui ont
suivi est incertain. Néanmoins 90 100 % des Dersonnes ex~oséesà des
rayonnements thermiques sans aucune protection à moins d'un kilo-
mètre de l'hypocentre sont décédées enmoins d'une semaine. Peu après
l'explosion, le taux de mortalité des personnes qui s'étaient trouvées
une distance d'un kilomètre et demià deux kilomètres de l'hypocentre
étaitde 14 % pour celles qui avaient disposéd'une protection et de%83
pour cellesqui n'en avaient pas eu. Indépendamment des personnes décé-

dées des suites directesde l'explosion, d'autres sont décédsar l'effet
combiné deplusieurs facteurs: écraséesou enterrées sousdes bâtiments,
blesséespar des éclatsde verre, exposéeses rayonnements ou encore en
raison de la pénurie alimentaire ou du manque de médecinsou de médi-
caments.
Plus de trois cent vingt mille personnes parmi les survivants irradiés
continuent àsouffrir de tumeurs malignes dues aux rayonnements, et no-
tamment de leucémie,de cancer de la thyroïde, de cancer du sein, de can-
cer du poumon, de cancer de l'estomac, de cataracte et de diverses autres
séquelles. Plus d'un demi-siècle après la catastrophe, elles continuent,
nous dit-on,à subir des examens médicauxet à suivre un traitement.

D'après le maire d'Hiroshima, qui a fait une déclaration devant la
Cour, la bombe atomique qui a exploséà Hiroshima avait une puissance
de destruction énorme et a réduiten cendres des populations civilesinno-
centes. Femmes, vieillards et nouveau-nés baignaient, a-t-il dit, dans des
rayonnements mortels. Le largage de la bombe, a-t-il ajouté, aprovoqué
un nuage en forme de champignon, la peau d'êtres humains a brûlévive
et d'autres victimes ont connu une atroce agonie. Le maire a dit encore
la Cour qu'au moment de l'explosion d'énormes colonnes defeu s'étaient
élevéevsers le ciel et que la majoritédes bâtiments s'étaiteffondrée,cau-
sant de nombreuses victimes dontbeau cou^ sont mortes.
Dans un autre passage de son exposé,le maire a dit que ce qui carac-

térisaitle bombardement atomique et en faisait quelque chose d'unique
tenaità ce que l'énorme destructionqu'il provoquait était instantanée et
universelle. Les vieux, lesjeunes, les hommes, les femmes, les soldats, les
civils, tous sont tuésans distinction. Toute la ville d'Hiroshima a été
exposée à des rayons thermiques,à l'onde de choc de l'explosion et aux MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 568

rayonnements. La bombe a semble-t-il dégagéune chaleur qui a atteint
plusieurs millions de degréscentigrades. La boule de feu avait environ
280 mètres de diamètre et l'on pense que les rayons thermiques qui en
émanaient ont brûléinstantanément tout êtrehumain qui se trouvait à
l'extérieurprès de l'hypocentre. Le témoin arévélé en outre, sur la base
de cas avérésq, ue des vêtements avaient prisfeu 2 kilomètres de l'hypo-
centre et que de nombreux feux s'étaient allumés simultanément un peu
Dartout: toute la ville a étécarbonisée et réduite en cendres. Un autre
phénomène a été l'onde de choc qui a infligédes dommages encore plus
grands en ricochant sur le sol et sur des bâtiments. La déflagrationqui a
suivi a soulevéet porté les gens en l'air. Tous les édificesen bois dans un
rayon de deux kilomètres se sont effondrés etbeaucoup, bien plus éloi-

gnésencore, ont étéendommagés.
La déflagrationet les rayons thermiques se sont combinéspour réduire
en cendres ou faire écrouler soixante-dix pour cent des soixante-seize
mille trois cent vingt-sept habitations qu'Hiroshima comptait l'époque.
Les autres ont été~artiellement détruitesàdemi sinistréesou endomma-
gées.On a dit que la ville avait été dévasiestantanément par le largage
de la bombe.
Le témoina indiqué quele jour de l'explosion de la bombe, il y avait
trois cent cinquante mille habitantsà Hiroshima, mais on a estimé plus
tard que cent quarante mille environ étaientmorts avant la fin décembre
1945. Les hôpitaux étaient en ruine, leur personnel médical mort ou
blessé,sans médicaments et sanséquipement; un nombre incroyable de
victimes étaient mortes faute d'avoir pu recevoir le traitement dont elles
avaient besoin. Les survivants souffraient de fièvre,de diarrhée, d'hémor-

ragies et d'une extrême fatigue et beaucoupdécédaient rusquement. C'est
ainsi, a-t-on dit, que se présentaientles symptômes aigus de la maladie de
la bombe atomique dont d'autres conséquences étaientune destruction
généraliséedes cellules,unpeerte des tissus hématopoïétiqueset une dété-
rioration organique. Le systèmeimmunitaire des survivants était affaibli
et1'01-v1oyait se manifester des symptômes trèsapparents comme l'alopé-
cie. On a enregistré égalementune multiplication des cas de leucémie,de
cataractes, de cancers et entre autres de cancers de la thyroïde, du sein et
des poumons. A la suite du bombardement, des enfants exposésaux
rayonnements ont souffert d'un retard mental et physique. On n'a rien pu
faire pour eux sur le plan médical et même des bébés à naître ont été
atteints. Le maire a conclu en disant qu'aujourd'hui encore des habitants
d'Hiroshima sont exposés àdes niveaux élevés de rayonnement.
Le maire de Nagasaki a décritdans son témoignage les effetsqu'avait

eus sur sa ville le bombardement atomique survenu pendant la guerre,
qui étaientsimilaires ceux qu'Hiroshima avait connus. Selon ce témoin :

«L'explosiondela bombe atomique a donnélieu à une énorme boule
de feu, de 200 mètresde rayon, presque comme si un petit soleilétait
apparu dans le ciel. L'instant d'après, une déflagration fantastiete MENACE OU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 569

une vague de chaleur ont touchéle sol dans un bruit de tonnerre. La
température à la surface de la boule de feu était d'environ7000degrés
centigrades et les rayons de chaleur qui ont atteint le sol dépassaient
3000degrés. L'explosiona immédiatement tué oublessé lespersonnes
qui se trouvaient dans un rayon de 2 kilomètres à partir de l'hypo-
centre, laissant d'innombrables cadavres carboniséscomme des mor-
ceaux de bois au milieu des ruines. Dans certains cas, on n'a même

pas pu retrouver la moindre trace des restesde cadavres. Le soufflequi
dépassait300 mètres à la seconde a aplati les arbres et démolila plu-
part des bâtiments. Mêmeles constructions en béton arméont étési
endommagéesqu'elles semblaient avoir étéécraséespar un gigan-
tesque marteau. Le violent éclairde chaleur avait en mêmetemps
fait fondre le verre, déforméles objets métalliquescomme de la gui-
mauve et les incendies qui se sont ensuite allumésont réduiten cen-
dres les ruines de la ville. Nagasaki est devenue une ville morte où
l'on n'entendait mêmepas de bruits d'insectes. Peu après, d'innom-
brables hommes, femmes et enfants ont commencé à se grouper sur
les rives de17Urakamitout proche pour y boire; leurs cheveux et
leurs vêtementsétaientbrûlés,leur peau brûléependait en lambeaux

comme des guenilles. Implorant de l'aide, ils sont morts l'un après
l'autre dans l'eau ou par monceaux sur les rives. Puis les radiations
ont commencé leursravages, tuant les gens comme un fléaumortel
qui se répandait en cercles concentriques à partir de l'hypocentre.
Quatre mois après le bombardement atomique, soixante-quatorze
mille personnes étaient mortes et soixante-quinze mille blessées,
autrement dit, les deux tiers de la population de la ville avaitvic-
time de cette calamitéqui s'estabattue sur Nagasaki comme une pré-
misse de l'Apocalypse.» (CR95127, p. 38.) ,

Le témoin a poursuivi en disant que même ceuxqui avaient eu la
chance de survivre continuaient jusqu'à maintenant à souffrir des sé-
quelles qui caractérisent les armes nucléaires.Les armes nucléaires, a-t-il
conclu, apportent avec elles la destruction sans distinction des popula-
tions civiles.
La Cour a aussi entendu le témoignage de la délégatiodnesIles Marshall
où avaient eu lieu soixante-sept essais nucléairesentre le 30 juin et le
18 août 1958, à l'époqueoù elles faisaient partie du territoire des Iles du
Pacifique placésous la tutelle des Nations Unies. On a dit que la puissance

totale de cesarmes équivalaitàplus de septmillebombes de la taille de celle
qui avait anéantiHiroshima. Ces essais avaient causédes maladies radio-
induites, des décèset des malformations congénitales.On a indiqué plus
tard que, mêmequand les explosions avaient lieu à de grandes distances,
dans le temps et l'espace, elles pouvaient entraîner des souffrances pour
l'homme et causer des dommages à l'environnement, mêmesi 1'011 s'effor-
çait de les éviter ou deles atténuer.Poursuivant son témoignage,la déléga-
tion a informé laCour que les armes nucléairesont des caractéristiques
qui leur sont propres- ellescausent desmaux superflus,elles nesebornent
pas à une contamination radioactive très vaste et très étendueayant des

347 MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 570

conséquencesnéfastes cumulativem s ais ellesgénèrent aussi localemetes
rayonnements intensesayant des effets nocifs graves, immédiats età long
terme, des déflagrations de grande ampleur, de la chaleur et de la lumière,
ce qui provoque des lésionsimportantes et des maladies chroniques. La
cécitépermanente ou temporaire résultant de l'exposition à la lumière
intense et l'affaiblissement de l'immunité facaux rayonnements étaient
les conséquences courantes et inévitables de l'emploi d'armes nucléaires,
conséquences raresou inexistantes si l'on utilisaitd'autres engins de des-
truction.
La délégationdes Iles Marshall a indiqué aussique des malformations
congénitales etdes maladies extrêmement douloureuseset de très longue
durée dues aux retombées radioactives avaienp trofondément affecté la
population civile,ce qui étaitinévitable, longtemps aprle moment où les

essais nucléaires avaient eu lieu.Ces maux avaient frappédes générations
d'insulairesnées bienaprèsles essais. En dehors des dommages immédiats
causésau point zéro(où l'explosion s'étaitproduite) ou dans son voisi-
nage, c'estdans toute la zone que la flore et la faune ont été contaminées,
et le sol et l'eau empoisonnés.En conséquence, certainesdes îles étaient
toujours abandonnées et dans celles où la population s'était récemment
réinstallée, la présence de césiupmrovenant des retombées radioactives
dans les plantes rendait celles-ci impropresà la consommation. On a
signaléque des femmes habitant certains atolls età qui l'on avait donné
l'assuranceque leur atoll ne serait pas touchépar lesrayonnements avaient
donnénaissance à des «monstres». On a dit qu'une fillette de l'un deces
atolls n'avait pasde genoux, qu'elleavait trois doàgchaque pied etqu'il
lui manquait un bras. Sa mère n'était pas encore née e1 n954quand les
essais ont débutémais elle avait étélevéesur un atoll contaminé.

Eu égard àce qui précèdeet tenant compte des caractéristiquespropres
à l'arme nucléairequand elle est utilisée, laCour a abouti aux conclu-
sions suivantes:l'arme nucléairepossèdeune puissance destructrice bien
supérieure àcellede n'importe quelle arme classique; une arme nucléaire
est capable de tuer à elle seule des milliers, voire des millions d'êtres
humains; elle cause des souffrances inutiles et des maux superflus aux
combattants comme aux non-combattants; elle est incapable de faire la
distinction entre civilset combattants. L'emploi de l'arme nucléairepeut
causer des dommages aux générations futures,et avoir des incidences
généralisée est long terme sur l'environnement, en particulier sur lesres-
sources nécessairesàla survie de l'homme. Acet égard,on doit noter que
les effets de cette arme ne sont pas seulement similaiàeceux qui résul-
tent de l'usage de gaz toxiques, qui violeraient le protocole de Genèvede

1925sur les gaz, ils sont considércomme encore plus nuisibles enraison
de leur radioactivité.
Les constatations qui précèdentauraient dû nécessairementamener la
Cour à conclure que tout emploi d'armes nucléaires est illicite endroit
international et contraire en particulier au droit applicable dans les
conflits armés, y comprisau droit humanitaire. Au lieu de cela, la Cour a
dit: MENACEOU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISS.KOROMA) 571

«Au vu de l'état actueldu droit international, ainsi que des élé-
ments de fait dont elle dispose, la Cour ne peut cependant conclure
de façon définitiveque la menace ou l'emploi d'armes nucléaires
serait licite ou illicite dans une circonstance extrême de légitime
défensedans laquelle la survie mêmed'un Etat serait en cause.»
(Paragraphe 2 du dispositif, alinéa E.)

Cette conclusion paraît laisser entendre que, quand des armes nucléaires
sont utiliséesdans un cas où la ((surviede l'Etat» est menacée- conce~t

inventépar la Cour - cet emploi constituerait une exception au corpus
de règlesdu droit humanitaire qui s'applique dans tous les conflits armés
et n'admet aucune exception dans le cas des armes nucléaires. Après
avoir mûrement réfléchi, j'estimeque l'illicéité de l'utilisation d'armes
nucléaires ne dépendpas des circonstances de cette utilisation mais
résulte des caractéristiques uniques etbien connues de ces armes dont
l'emploi violerait le droit international quelles que soient les circons-
tances. Il est donc touà fait inopportun que la conclusion de la Cour soit
axéesur la question de la surviede 1'Etatalors que la question qui sepose
est cellede la licéité darmes nucléaires.Cette interprétation erronée de
la question prive la conclusion de la Cour de toute base juridique.

Si en revanche la Cour avait bien perçu la question et voulu apporter
une réponseappropriée, elle aurait constaté que, sur la base du droit et
des faits, elle pouvait très légitimement conclureà l'illicéitde l'emploi
d'armes nucléairesen toute circonstance. Le fait que la Cour ne soit pas
parvenue à cette constatation inévitable m'oblige à me dissocier ferme-
ment de sa conclusion principale.

Je me sens égalementtenu de mentionner certains doutes, plus géné-
raux, quej'éprouveau sujet de l'avis consultatif dans son ensemble.Alors
que l'objet des attributions consultatives de la Cour est de donner un avis
juridique faisant autorité à l'organe qui le lui demande sur certains
aspects d'une question dont il a à connaître dans l'exercicede ses fonc-

tions, on a aussi utilisécemécanisme soitpour obtenir une interprétation
autorisée des dis~ositions de la Charte ou des instruments constitutifs des
institutions spécialiséessoit pour donner des orientations à divers or-
ganes des Nations Unies concernant leurs fonctions. De plus, bien que les
avis consultatifs de la Cour ne soient pas juridiquement contraignants et
n'imposent aucune obligation en droit ni à l'organe demandeur ni aux
Etats, ils ne sont pas pour autant privés d'effetscar ils restent la loi
((reconnuepar lesNations Unies)) (Admissibilitéde l'auditiondepétition-
nairespar le Comitédu Sud-Ouest africain, C.I.J. Recueil 1956, opinion
individuelle de sir Hersch Lauterpacht, p. 46). Il en résulte que laCour

actuelle a à diverses reprises eu recours à sa compétence consultative
comme moyen de participer aux travaux de l'Organisation des Nations
Unies, aidant celle-cià atteindre ses objectifs. Les avis consultatifs ont
mis la Cour en mesure de contribuer utilement au développementet à la
cristallisation du droit. C'est ainsi que, dans son avis consultatif sur laNamibie, la Cour a évoquél'évolutiondu ((droit international à l'égard
des territoires non autonomes, tel qu'il est consacrépar la Charte des
Nations Unies)) (Conséquencesjuridiques pour lesEtats de la présence
continue del'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant
la résolution276 (1970) du Conseil de sécurité,C.I.J. Recueil 1971,
p. 31), qui a fait de l'autodétermination un principe applicabàetous ces
territoires.
Dans son avis consultatif sur le Sahara occidental,la Cour, citant l'avis
relatifà la Namibie à propos du principe de l'autodétermination, a dit
que, si on lui pose des questions au sujet de ce principe, elle

«doit prendre en considérationlestransformations survenues dans le
demi-sièclequi a suivi et son interprétation ne peut manquer de tenir
compte de l'évolutionque le droit a ultérieurementconnue grâce à la
Charte des Nations Unies et à la coutume)).

Dans ce domaine comme dans les autres, le corpus juris gentium

s'estbeaucoup enrichi et, pour pouvoir s'acquitter fidèlementde ses
fonctions, la Cour ne peut l'ignorer.)) (C.I.J.Recuei1 1975, p. 32,
par. 56.)
L'avis de la Cour dans cette affaire a donc renvoyé à l'article 1 de la
Charte ainsi qu'à la déclarationsur l'octroi de l'indépendanceaux pays et
aux peuples coloniaux qui, a-t-elle dit, ((confirment et soulignent.que

l'application du droità l'autodétermination suppose l'expressionlibre et
authentique de la volontédes peuples intéressés)) (C.Z.J. Recueil 1975,
p. 32, par. 55). La Cour a souligné enoutre que
«La validitédu principe d'autodétermination,définicommerépon-
dant à la nécessitéde respecter la volonté librement exprimée des
peuples, n'estpas diminuéepar le fait que dans certains cas 1'Assem-
blée généralne'a pas cru devoir exiger la consultation des habitants

de tel ou tel territoire.)) (Ibid., p. 33, par. 59.)
On peut donc relever que la Cour a rendu, au moyen de ses avis consul-
tatifs, des décisionsnormatives qui ont permis aux Nations Unies d'at-
teindre leurs objectifs, et dans quelques cas ont abouti à un règlement
pacifique de différends, et qu'ellea soit contribuéà la cristallisation et
au développementdu droit soit, en donnant son imprimatur, consacré
l'émergencedu droit.

Il faut cependant regretter en l'espèceque non seulement la Cour soit
revenue sur la pratique consistantà apporter sa contribution au dévelop-
pementdu droit dans un domaine d'unesi grandeimportancepour I'Assem-
bléegénérale et lacommunauté internationale dans son ensemble, mais
encore qu'elleaitjeté,peut-être sanslevouloir, un doute sur des règleséta-
bliesou émergentesdu droit international. Cette attitude expliqueen grande
partie la démarchesuiviepar la Cour dans son avis consultatif. Lorsqu'elle
ne recherchait pas des règlescoutumièresou conventionnelles spécifiques
censéesréglementer ou interdirel'emploid'armes nucléaires, laCour a eutendance àdire soit qu'ellen'était pas appeléese prononcer en la matière
soit qu'il n'était psécessaire qu'ellprenne position. Ainsisur la question
de savoir si les principes et règlesdu droit humanitaire font partie duus
cogens tel qu'ila étdéfini àl'article53de la convention deViennede 1969
sur le droit des traités, laCour a déclane pas avoir à seprononcer sur ce
point bien que l'on admette quasi universellementque les conventions de
Genèvede 1949sont déclaratoires dudroit international coutumier et que
l'observation et lerespect de leurs dispositions répondeàtl'intérêctollectif
et bénéficiendt'un consensus de lapart de la communauté.Une conclusion
de la Cour soulignant les fondements humanitaires de ces dispositions, le
fait qu'ellessont profondément enracinéed sans les traditions et les valeurs

des Etats membres de la communautéinternationale et qu'ellesméritent
d'êtrerespectéeset protégées universellement sans que les Etats puissent
dérogercontribuerait àrenforcer l'application juridiquede cesdispositions,
tout spécialement à une époquequi a été sisouvent letémoindesviolations
les plus graves et les plus flagrantes des principes et des règlesdu droit
humanitaire - dont la raison d'êtrest inconciliableavec l'emploi d'armes
nucléaires.Il relèvede la fonction judiciaire de laCour de fixerdes normes
juridiques internationales pour la communautédes Etats et en particulier
pour ceux qui se présententdevant elle ou sont parties à son Statut. Pour
établir detelles normes, la Cour a dit, dans l'affaire des Réserves à la
conventionpour lapréventionet la répression du crime degénocide, que les
principes qui sont la base de cette convention sont des principes reconnus
par les nations civilisées«comme obligeant les Etats mêmeen dehors de
tout lienconventionnel))(C.I.J. Recueil1951,p. 23). Ellea mentionné aussi

la coopérationnécessairequ'exigeait la convention«pour libérer I'huma-
nitéd'un fléauaussi odieux)) (ibid.). La Cour a notéque la convention
avait étéadoptée dansun but purement humanitaire et civilisateur((pour
sauvegarder l'existence même de certains groupes humains, ...confirmer
et ..sanctionnerlesprincipesde morale lesplus élémentaires)()ibid.). Dans
l'affaire duDétroitde Corfou, la Cour s'est référé àe((certains principes
généraux eb tien reconnus,telsque desconsidérations élémentairesd'huma-
nité,plus absolues encoreen temps de paix qu'en tempsde guerre» (C.I.J.
Recueil 1949, p. 22). De telles constatations auraient sans aucun doute
contribué à encourager la communautéinternationale à faire preuve de
modération. Dansl'affaire de laBarcelonaTraction,la Cour a dit, à propos
des obligations des Etats envers la communautéinternationale, qu'ils'agis-
sait d'obligationserga omnes qui

«découlent par exemple, dans le droit international contemporain,
de la mise hors la loi des actes d'agression et de génocidemais aussi
des principes et des règlesconcernant les droits fondamentaux de la
personne humaine, y compris la protection contre la pratique de
l'esclavageet la discrimination raciale. Certains droits de protection
correspondants se sont intégrésau droit international général...))
(Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, C.I.J.
Recueil 1970, p. 32, par. 34.) Dans l'affaire qui nous concerne, il semble que la Cour se soit montrée
trop hésitante à prendre une position de principe sur une question por-
tant sur ce que M. Nagendra Singh, aujourd'hui décédé, décrivacio tmme
l'aspect le plus important du droit international que l'humanité doit
affronter aujourd'hui (Nuclear Weapons and International Law, p. 17).
Au lieu de cela, il semblerait que la Cour se soit efforcéede venirbout de
la question fondamentale de savoir sicertains desprincipeset règlesdu droit
humanitaire relevaient dujus cogensen disant que la demande qui lui avait
été adressée «ne soulèvepas la question de savoir quelle serait la nature du

droit humanitaire qui s'appliqueraità l'emploides armes nucléaires)).Jeme
permets de dire qu'ellela soulève.Si la Cour se prononçait sur la nature et
l'application de ces règles, cela negarantirait peut-être pas leurrespect en
toutes circonstances,mais cela serait néanmoins considéré comme une réaf-
firmation de ces règlesdans la mesure où elles se rattachent à des valeurs
humaines déjàprotégées par desprincipes de droit positif qui, pris dans leur
ensemble, attestent l'existence de certains critères d'ordre public (voir
1.Brownlie,Principles of Public International Law, 1990,p. 28).H. Lauter-
pacht a dit aussi qu'entre autres raisons nombre des dispositions des
conventions de Genève résultanteffectivement de «considérations impé-
rieuses d'humanitésont déclaratoires d'une coutume internationale obliga-
toire sur le plan universel))E. Lauterpacht, dir. publ., International Law,
Being the CollectedPapers of Hersch Lauterpacht, 1970,p. 115).La Com-

mission du droit international a soulignédans son commentaire sur l'ar-
ticle 50(devenu aujourd'hui l'article 53)de la convention de Vienne sur le
droit des traités que «ce n'est pas la forme d'une règle générale de droit
international mais la nature particulière du sujet dont elle traite qui peut
lui donner le caractère dejus cogens)).En 1980déjà,la Commission a fait
observer que((certainesrègles dedroit humanitaire sont, selonelle,desrègles
qui imposent des obligations relevant dujus cogens)).
La Cour a égalementadoptéune ligned'action consistant à ne pas sepro-
noncer sur leproblèmedes représaillesen temps de guerre - problème par-
ticulièrementpertinent au regard de la question qui lui étaitposée ((sinon
pour observer qu'en tout état de cause tout droit de recourir à de telles
représaillesserait, comme le droit de légitime défense, régn,tamment, par
leprincipe deproportionnalité))(par.46). Il estpour lemoins étrange que la
Cour s'abstienne de statuer sur la licéitéou l'illicéité des représailles

temps de guerre, en particulier si cela devait donner lieul'emploid'armes
nucléaires.Dans le droit international contemporain, des représaillesen
temps de guerre exercéesau moyen d'armes nucléairesconstitueraient une
violation flagrante du droit humanitaire en toute circonstanceet, plus géné-
ralement,du droit international. Plusprécisémentl,esconventionsdeGenève
interdisent de telles représaillescontre un certain nombre de personnes et de
biensprotégésc ,omme celaa été réaffirmédans leprotocole additionnel 1de
1977.Selon le protocole, il est interdit aux belligérantsd'exercer desrepré-
sailles en temps de guerre. Si, étant donnéles caractéristiquesdes armes
nucléaires, leur incapacité faire une distinction entre civilset combattants
et entre objectifscivilset objectifsmilitaires,de tellesarmesétaientemployées MENACE OU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 575

pour exercerdes représailles,outre qu'ellesvioleraient l'interdiction de cau-
ser des souffrances inutiles ou des maux superflusaux belligérants,celles-ci
seraient à tout le moins contraires au droit humanitaire établi et,partant,
illicites.La «réservejudiciaire)) de la Cour surun point d'une importance

aussi crucialepour la question qui lui est poséene contribue pasa la clari-
ficationdu droit, sans parler de son observation.
La réticence manifestéepar la Cour à prendre une position juridique
sur certains des points importants intéressantla question dont elleest sai-
sie ressort bien de ce que 1'011peut appeler l'«odysséejudiciaire)) de la
Cour durant laquelle elle a cherchéune règleconventionnelle ou coutu-
mière spécifiqueautorisant ou interdisant expressément l'emploid'armes
nucléairespour découvrirfinalement qu'il n'en existeaucune. Si une telle
règleexistait, il est fort peu probable que la question aurait été poséela
Cour sous la forme ou elle l'aété etpeut-êtremêmen'aurait-elle pas été
poséedu tout. Mais l'absence d'uneconvention interdisant expressément
l'emploi d'armes nucléairesn'aurait pas dû l'amener à penser que cet

emploi pourrait êtrelicite dèslors que les Etats admettent en généraq l ue
le droit international coutumier consacre des principes applicablesà l'uti-
lisation de ces armes. La vaine recherche d'une interdiction juridique
expresse ne peut donc s'expliquer que par une forme extrêmede positi-
visme qui n'est plusen accord avec la jurisprudence internationale - y
compris celle de la Cour. La futilitéd'une telle entreprise a été reconnue
par le tribunal arbitral américano-britannique des réclamations dans
l'affaire Eastern Extension, Australia and China Telegraph Company où
le tribunal a dit que, même en l'absenced'une règlede droit international
expressément applicable dans une affaire, on ne pouvait prétendre
qu'aucune règlede droit international ne pouvait êtreappliquée:

«Il se peut que le droit international, comme le droit interne, ne
contienne pas de règle expressepermettant de trancher une affaire
déterminée et généralemenitl n'encontient pas mais la fonction de la
jurisprudence est derésoudreleconflit entredroitset intérêts opposés
en appliquant, à défautde toute disposition spécifiquede la loi, les

corollaires des principes générauxet de trouver ainsi - exactement
comme en mathématiques - la solution du problème. Telle est la
méthodejurisprudentielle; c'est grâce à cette méthode que le droit
s'est graduellement développédans tous les pays, aboutissant à la
définition et à l'aménagement des rapports juridiques aussi bien
entre les Etats qu'entre les particulie» (Nations Unies, Recueil des
sentences arbitrales,vol. VI, p. 114.)

Telle a étéla démarchejurisprudentielle de la Cour à l'égard des ques-
tions qu'elleavaità régler. Ellea appliquédes principes et desrèglesjuri-
diques pour résoudrele conflit entre droits et intérêtspposés là où la loi
ne contenait aucune disposition expresseet elles'estappuyée surlescorol-
laires des principes générauxafin de trouver une solution au problème.La
Cour ne s'estpas bornée à chercher un traité ou une règlede droit cou-
tumier régissant spécifiquemenlte cas dont elleétaitsaisie et, en l'absenced'un traitéou d'une règlede ce genre, elle n'a pas dit qu'elle ne pouvait
pas aboutir à une conclusion définitiveou qu'elle n'étaitpas en mesure de
parvenir à une décisionou de statuer en la matière. La Cour ne s'estpas
- à juste titre, selon moi -, dans le passé, imposéede telles restrictions
dans l'exercicede sa fonction judiciaire qui consisteréglerles différends
conformémentau droit international. mais elle s'est référéaeux ~rinci~es
du droit international,àl'équitéou à sa propre jurisprudence afin de défi-
nir et de trancher les questions juridiques qui lui étaientsoumises.

Or la recherche de règlesspécifiquesa amenéla Cour à méconnaîtreou
à ne pas appliquer pleinement les principes de la Charte des Nations
Unies dans l'examen de la question posée.Un principe auquel la Cour ne
paraît pas avoir attaché toute l'importance voulue dans sa décision estle
paragraphe 1de l'article 2 de la Charte selon lequel: ((L'Organisation est
fondéesur l'égalité souveraine des Etats.» Le principe de l'égalité souve-
raine des Etats est d'application générale.Il présuppose le respect de la
souverainetéet de l'intégrité territoriale detous les Etats. Le droit inter-
national reconnaît la souveraineté de chaque Etat sur son territoire de
mêmeque l'intégrité physique de lapopulation civile.En vertu de ce prin-
cipe, il est interditun Etat d'infliger desdommages ou de porter préju-

dice à un autre Etat. Ce principe ne peut qu'être violé si des armes
nucléairessont employéesdans un conflit donné, en raison des caracté-
ristiques avérées et bienconnues qu'ellesprésentent. L'utilisation detelles
armes ne constituerait pas seulement une violation de l'intégritéterrito-
rialed'Etats non belligérantsdue à une contamination radioactive, mais
elle entraînerait la mort de milliers, voire de millions, de personnes habi-
tant des territoires de pays non parties au conflit. Ce seraità violer le
principe consacrédans la Charte, mais cet aspect de la question ne paraît
pas avoir étépleinement pris en considération par la Cour quand elle a
adoptéses conclusions.
Je me sens égalementtenu d'exprimer mes craintes au sujet de certaines

autres déclarations figurant dans l'avisconsultatif concernant lesdroits de
l'homme et le génocide,la protection de l'environnement et la politique
de dissuasion. S'agissant du génocide, il est dit que l'on considérerait
qu'il y a génocidesi le recours l'arme nucléaire résultait d'une intention
de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou
religieux, comme tel. Cela reflètele texte de la convention sur le génocide.
Il ne faut cependant pas oublier les traits particuliers de la convention,
son obiet et son but. dont la Cour elle-mêmea dit. dans l'affaire des
Réserves à la convention pour la préventionet la répressiondu crime de
génocide qu'elle viseà condamner et à réprimerle génocidecomme

«un crime de droit des gens» impliquant le refus du droit à l'exis-
tence de groupes humains entiers, refus qui bouleverse la conscience
humaine, infligede grandes pertesà l'humanité,et qui est contraireà
la foisà la loi morale et à l'esprit et aux fins des Nations Unies»
(C.I.J. Recueil 1951, p. 23).La Cour a poursuivi en ces termes:
«les principes qui sont à la base de la convention sont des prin-

cipes reconnus par les nations civiliséescomme obligeant les Etats
même endehors de tout lien conventionnel» (C.I.J.Recueil 1951,
p. 23).
Elle a souligné encore qu'une coopération étaitnécessaire«pour libérer
l'humanitéd'un fléauaussi odieux)) et. vu l'obiectif humanitaire et civi-
lisateur de la convention, elle a dit que cette convention visait((sauve-

garder l'existence mêmede certains groupes humains)) et à «confirmer
et ... sanctionner les principes de morale les plus élémentaires)).La Cour
ne saurait donc envisager avec équanimité lamort de milliers, voire de
millions,de civilsinnocents, qui résulterait inévitablement de l'emploi des
armes nucléaireset conclure qu'il n'y a pas eu génocidecar 1'Etatqui s'est
servi de cesarmes n'avait pas manifesté l'intention de tuertant de milliers
ou de millions d'individus. Qui plus est, la Convention tient bel et bien
compte de l'importance numérique des victimes. Il ne me semble pas que
la réservejudiciaire oblige la Cour à s'abstenir de s'exprimer sur le fait
que l'emploi d'armes nucléairesdans un conflit armépeut aboutir à cette
conséquenceatroce et abominable que constitue l'élimination d'unepopu-

lation tout entière et sur le fait que cela revient génocidedès lorsque
les conséquences de l'acte étaient prévisibles. Une telle expression
d'inquiétudepourrait peut-êtremêmeavoir un effet préventifsur l'utilisa-
tion de ces armes.
Concernant le point de savoir si le recours aux armes nucléaires vio-
lerait les droits de l'homme, en particulier le droità la vie, la Cour a
estiméque l'on n'avait jamais envisagéque le pacte international relatif
aux droits civilset politiques régissela question de la licéitédeces armes.
On peut admettre cette position juridique mais il me semble que la ques-
tion a été envisagée de façontrop étroite. Il faut rappeler en effet que la
raison d'être aussi bien desdroits de l'homme que du droit international
humanitaire est de protéger l'individu ainsi que la valeur et la dignité de

la personne humaine, à la fois en temps de paix et pendant les conflits
armés. C'est pour cela à mon avis que la Charte des Nations Unies,
adoptée juste après la fin de la seconde guerre mondiale - pendant
laquelle des violations graves des droits de l'homme s'étaientproduites
- s'estengagée à protégerles droits de l'êtrehumain, sans distinction de
race, de couleur ou de conviction, et a soulignéque ces droits devaient
êtreprotégés et respectés mêmependant un conflit armé. Il ne faut pas
oublier que c'est durant la seconde guerre mondiale que l'arme atomique
a été utiliséeà Hiroshima et à Nagasaki, causant des milliers de morts.
On en est donc venu à considérer cette période comme l'illustration
mêmedes violations flagrantes des droits de l'homme. La possibilitéque

les droits fondamentaux du citoyen, en particulier le droit la vie, soient
violéspendant une conflagration nucléaire est une question qui relèvede
la Charte et d'autres instruments juridiques internationaux pertinents.
Toute activité entraînant une très grave violation des principes de la MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 578

Charte doit êtreenvisagée en tenant compte de la Charte et des autres
règlesapplicables. C'est évidemmentdans ce contexte que le Comitédes
droitsde l'homme, constituéen application du pacte international relatif

aux droits civils et politiques, a adopté en novembre 1984une observa-
tion généralesur l'article6 du pacte (droità la vie) en vertu de laquelle
la fabrication, la miseà l'essai, la possession, le déploiement et l'utilisa-
tion d'armes nucléaires devraient être interdits et qualifiés de crimes
contre l'humanité. On doit rappeler que l'article 6 du statut du Tribu-
nal de Nuremberg a définicomme crimes contre l'humanité: ((l'assassi-
nat, l'extermination...et tout autre acte inhumain commis contre toutes
populations civilesavant ou pendant la guerre ...»Il s'ensuit que lesprin-
cipes de Nuremberg sont eux aussi pertinents au regard de la question
que la Cour vient d'examiner.
En ce qui concerne la protection et la sauvegarde de l'environne-

ment naturel, la Cour est parvenue à la conclusion que le droit interna-
tional existantn'interdit pas l'emploi d'armes nucléairesmaisque d'impor-
tantes considérations d'ordre écologique doivent êtreprises en compte
dans lecadre de la mise enŒuvre des principes etrèglesdu droit applicable
dans les conflits armés. La Cour a estimé aussi que les traités adoptés
pour protéger l'environnement naturel n'ont pas entendu priver un Etat
de l'exercice de son droit de légitime défense envertu du droit interna-
tional.
A mon sens, il s'agit non pas de savoir si un Etat peut êtreprivédu
droit de légitimedéfenseen vertu de traités relatifs à la protection de
l'environnement naturel mais de savoir si, étantdonnélescaractéristiques

connues des explosions d'armes nucléaireset étantdonnéleur radioacti-
vitéqui a pour effet de contaminer sur de vastes superficies non seule-
ment les êtres humains mais aussi l'environnement et notamment l'agri-
culture, l'alimentation, l'eau potable et l'écosystèmemarin, il en résulte
que l'emploi de ces armes causerait des dommages graves et étendus à
l'environnement et priverait les êtreshumains de l'eau potable et des res-
sources nécessairesà leur survie. Tenant compte de cela, le premier pro-
tocole additionnel de 1977 prévoit la protection de ce qui est indispen-
sable à la survie de la population civile - vivres, produits agricoles,
installations d'eau potable, etc. L'avis consultatif aurait dû examiner la
question poséepar rapport à la protection de l'environnement naturel

dans cette perspective au lieu de donner l'impression que l'argument
avancé concernait le refus de reconnaître à 1'Etat son droit de légitime
défense.
L'avis consultatif considère que l'on ne peut voir dans la non-utilisa-
tion des armes nucléairespendant cinquante ans l'expression d'une opinio
juvis. La base juridique de ce constat n'est pas expliquée;il s'agit plutôt
d'une simple assertion. Quoi qu'il en soit, la Cour n'a pas estiméque la
conviction partagée par une écrasante majorité d'Etats selon laquelle la
non-utilisation des armes nucléaires pendant cinquante ans avait établi
une opiniojuvis dans le sens d'une interdiction de leur emploi devait avoir
une influence sur sa décision.A cet égard, laCour aurait dû attacher plus MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK . OROMA) 579

de poids aux déclarationsfaites par l'écrasante majoritédes Etats ainsi
qu'aux résolutions adoptéespar diverses organisations internationales
sur l'usage des armes nucléaires, entant que preuves de l'émergence
d'une opinij ouris.
A mon avis, il n'étaitpas judicieux que la Cour paraisse accorder une
reconnaissancejuridique àla doctrine de la dissuasion comme principe de
droit international. S'il est légitimeque la Cour constate l'existence de
cette politique, elle aurait dû avoir conscience que, une fois mise en
Œuvre, ladoctrine en question peut êtredéclarée illicite car son applica-
tion suppose un conflit nucléairelourd de conséquencescatastrophiques

non seulement pour la population civiledes Etats belligérantsmais aussi
pour celle d7Etatsétrangersau conflit et peut débouchersur la violation
du droit international en général edtu droit humanitaire en particulier. Il
aurait donc été plus sage que la Cour s'abstienne de prendre position en
cette matière, essentiellement non juridique.
Quoi qu'il en soit, on ne saurait considérerque l'avis consultatif est
entièrementdépourvude valeur ou de portéejuridique. Les constatations
positives qu'ilcontient doivent êtreconsidéréescomme des progrès dans
le processus historique qui tendà imposer des restrictionsjuridiques dans
les conflits armés. Certaines de ces limitations concernant les armes
nucléairessont maintenant mentionnéesdans l'avis de la Cour. Pour la
première foisdans son histoire - comme d'ailleurs dans l'histoire detout

autre tribunal du mêmerang - la Cour déclareet confirme que lesarmes
nucléaires relèventdu droit international; que la menace ou l'emploi de
la force au moyen d'armes nucléairesqui serait contraire à l'article 2, pa-
ragraphe 4, de la Charte des Nations Unies et qui ne satisferait pas à
toutes les prescriptions de son article 51 est illicite.La Cour dit aussi que
toute menace ou tout emploi d'armes nucléairesqui est incompatible avec
les exigences du droit international applicable dans les conflits armés,
spécialementcelles des principes et règlesdu droit international huma-
nitaire, ainsi qu'avec les obligations particulières envertu des traitéset
autres engagements qui ont expressémenttrait aux armes nucléaires serait
illicite. On peut en déduireque c'est parce que le recours aux armes nu-

cléaires nepeut satisfaire aux exigences susmentionnées que la Cour
conclut :
«la menace ou l'emploi d'armes nucléaires serait généralement
contraireaux règlesdu droit international applicable dans lesconflits
armés,et spécialementaux principes et règlesdu droit humanitaire))

(paragraphe 2, alinéa E,du dispositif).
Rapprochée des autres conclusions de la Cour, cette déclaration, si
nuancéesoit-elle,doit être considérée commie mportante sur le plan nor-
matif. En particulier, elle écarte l'argumentselon lequel, le droit huma-
nitaire ayant précédé l'invention de l'armenucléaire,il ne saurait s'appli-

quer à elle. La Cour estime au contraire que, vu le caractère intrinsèque
des règleset des principes établisdu droit humanitaire, celui-ci s'applique
bien à elle. C'est en réactionaux conclusionsjuridiques qui présentent une impor-
tance à la fois historique et normative que j'ai votépour les alinéasA, C,

D, et F du paragraphe 2 du dispositif, non sans formuler des réservesen
ce qui concerne l'alinéaC.
En revanchej'ai votécontre le paragraphe 2 B où la Cour dit que ni le
droit international coutumier ni le droit international conventionnel ne
comportent d'interdiction complète et universelle de la menace ou de
l'emploi des armes nucléaires en tant que telles. Cette conclusion n'est
pas, selon moi, conforme au droit. Le recours aux armes nucléaires vio-
leraità tout le moins l'interdiction d'employer des «armes toxiques))
édictée àl'article 23 a) des conventions de La Haye de 1899et de 1907et
le protocole de Genève de 1925qui interdit l'usage de gaz toxiques etlou
d'armes bactériologiques. Ce protocole ayant recueilli une adhésion uni-
verselle, il est admis qu'il lie la communauté internationale dans son
ensemble. En outre, l'interdiction de l'emploi de gaz toxiques est mainte-
nant considérée commefaisant partie du droit international coutumier
obligeant tous les Etats de sorte que la conclusion de la Cour au para-
graphe 2 B du dispositif est indéfendable eu égard aux conventions de
Genève de 1949et des protocoles additionnels y relatifs de 1977.Pour ce

qui est des conventions, elleslient aujourd'hui cent quatre-vingt-six Etats
au moins, si bien que leur universalitéparaît plus grande encore que celle
de la Charte des Nations Unies. En conséquence,il est maintenant admis
que ces traitésfont partie du droit international coutumier liant tous les
Etats. Dans son arrêt dans l'affaire des Activitésmilitaires et paramili-
taires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amé-
rique), la Cour a confirméque les conventions faisaient partie du droit
international coutumier lorsqu'elle a déclaré :

«les Etats-Unis ont l'obligation, selon les termes de l'article premier
des ...conventions de Genève, de «respecter» et mêmede ((faire res-
pecter)) ces conventions «en toute circonstance)), car une telle obli-
gation ne découle pas seulement des conventions elles-mêmes,mais
des principes générauxdu droit humanitaire dont les conventions ne
sontque l'expression concrète))(C.I.J.Recueil 1986,p. 114,par. 220).

Se référantaux principes humanitaires du droit international, la Cour a
constatéque les conventions elles-mêmesexpriment le droit coutumier et
de ce fait liaient tous les Etats. Le mêmeaisonnemekt vaut en particulier
pour le protocole additionnel 1qui a reformulé et réaffirmé des règlesde
droit coutumier fondées sur les conventions antérieures de Genève et de
La Haye. A cejour, cent quarante-trois Etats sont parties au protocole et
la force coutumière de ces dispositions ne résulte pas de leur incorpora-
tion formelle dans le protocole lui-même.
Compte tenu de ce qui précède.o ,n ne peut soutenir, comme la Cour l'a
fait, que ni le droit international coutumier ni le droit international
conventionnel ne comportent d'interdiction complète et universelle de MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 581

la menace ou de l'emploi desarmes nucléaires entant que telles. Une telle
conclusion n'est pas non plus compatible avec la jurisprudence de la
Cour qui a été rappelée ci-dessus.
J'ai votécependant pour le paragraphe 2 F du dispositif qui souligne
l'obligation de poursuivre de bonne foi et de menerà terme des négocia-
tions conduisant au désarmementnucléairedanstous ses aspects, sous un
contrôle international strict et efficace. Je suis d'avis que les parties au
traitéde 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires, conscientes
du danger que la prolifération fait courirtous les Etats, ont pris l'enga-
gement contraignant de mettre fin rapidement à la course aux armes
nucléaires etd'entreprendre le désarmement nucléaire. Les risquesque
ces armes représentaient pour l'humanité en 1968 existent toujours,
comme cela résultede la décision prise en 1995par les Etats parties au

traitéde donner à celui-ci un caractère permanent. L'obligation d'élimi-
ner les armes nucléairescontinue à s'imposer à ces Etats, l'objectif étant
d'écarter la menace que ces armes peuvent présenter et d'où pourrait
résulter la violation dela Charte ou des principes et règlesdu droit huma-
nitaire.Il y a donc une corrélation entre l'obligation de désarmement
nucléaire assuméepar ces Etats parties au traité sur la non-prolifération
et lesobligations assuméespar les Etats en vertu de la Charte des Nations
Unies ainsi que du droit applicable dans les conflits armés,et spéciale-
ment du droit international humanitaire.
Malgrécela et en dépit de certainesautres conclusionsnormatives aux-
quelles la Cour est parvenue dans son avis consultatif, je regrette profon-
démentque, sur la vraie question qui lui étaitposée,savoir s'ilest permis
en droit international de recourir à la menace ou à l'emploi d'armes

nucléaires entoute circonstance, la Cour ait hésitéà prendre position et
n'ait pas adoptéla seule et inéluctable conclusionqui s'imposait,savoir
que, étant donnéles faits établisconcernant l'utilisation de ces armes, il
est inconcevable qu'il puissey avoir des circonstances où leur emploi ne
violerait pas les principes et les règlesdu droit international applicable
dans les conflits armés,et en particulier les principes et les règlesdu droit
humanitaire. En ne répondant pas à la question et en laissant les Etats
libres de la trancher, la Cour s'est abstenue d'accomplir sa tâche qui
aurait dû être deréaffirmer l'applicabilitéaux armes nucléaires desrègles
de droit, en particulier des règles du droit humanitaire, et d'assurer la
protection des êtres humains,des générations à venir et de l'environne-
ment naturel contre l'emploi de telles armes dont la puissance destruc-
trice, nous l'avons vu, est incapable de distinguer entre combattants et

non-combattants, d'épargnerles hôpitaux et les camps de prisonniers de
guerre et peut causer des souffrances hors de proportion avec les néces-
sités militaires, laissant les victimes mourir de leurs brûlures après des
semaines d'agonie ou endurer toute leur vie de douloureuses infirmités.
Ce que l'Assemblée générald eemandait a la Cour, garante du droit,
c'était dedéclarerqu'en raison de cesconséquencesl'utilisation des armes
nucléaires est illicite en droit international. C'est une déclaration que
notre Cour en tant que tribunal aurait dû pouvoir faire. MENACE OU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (OP. DISS. KOROMA) 582

En l'absence d'une conclusion catégoriqueet inéluctable dece genre,je
n'ai pas d'autre choix que d'exprimer,on grand regret, mon désac-
cord avec l'avis consultatif.

(Signé) Abdul G. KOROMA.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE KOROMA

Itis a matter of profound regret to me that 1 have been compelled to
append this dissenting opinion to the Advisory Opinion rendered by the
Court, as 1 fundamentally disagree with its finding - secured by the
President's castingvote - that:
"in viewof the current state of international law, and of the elements
of fact at its disposal, the Court cannotconclude definitivelywhether
the thveat ov use of nucleav weapons would be lawful or unlawful in

an extveme civcumstanceof self-defence, in which the vevysuvvivalof
a State would be ut stake" (paragraph 2E, second sentence, of the
dispositif; emphasis added).

This finding, in my considered opinion, is not only unsustainable on
the basis of existinginternational law, but, as1shall demonstrate later, is
totally at variance with the weight and abundance of material presented

to the Court. The finding is al1the more regrettable in view of the fact
that the Court had itself reached a conclusion that:

"the threat or use of nuclear weapons would generallybe contrary to
the rules of international law applicable in armed conflict, and in
particular the principles and rules of humanitarian law" (ibid., first
sentence).

A finding with which 1concur, Savefor the word "generally". It is my
considered opinion based on the existing law and the available evidence
that the use of nuclear weapons in any circumstance would be unlawful
under international law. That use would at the very least result in the vio-
lation of the principles and rules of international humanitarian law, and
would therefore be contrary to that law.
I am also unable to agree with various aspects of the reasoning which

motivates the Advisory Opinion. Some of it, in my view, is not only un-
tenable in law, but may even have the effect of potentially destabilizing
the existing international legalorder.
According to the material before the Court, it is estimated that more
than 40,000 nuclear warheads exist in the world today with a total
destructive capacity around a million timesgreater than that of the bomb
which devastated Hiroshima. A single nuclear bomb detonated over a
large city is said to be capable of killing more than 1 million people.
These weapons, if used massively,could result in the annihilation of the
human race and the extinction of human civilization. Nuclear weapons OPINION DISSIDENTE DE M. KOROMA

[Traduction]

Je regrette vivement d'êtredans l'obligation de joindre cette opinion

dissidente à l'avisconsultatif donnépar la Cour car je suis fondamenta-
lement en désaccordavec la conclusion àlaquelle la Cour est parvenue -
grâce à la voix prépondérantedu Président - et aux termes de laquelle:
«Au vu de l'étatactuel du droit international, ainsi que des élé-
ments de fait dont elle dispose, la Cour ne peut cependant conclure

de façon définitiveque la menace ou l'emploi d'urmes nucléaires
serait licite ou illicite dans une circonstance extrêmede légitime
défense danslaquelle la survie mêmed'un Etat serait en cause.))
(Paragraphe 2 du dispositif, alinéaE, deuxièmephrase; les italiques
sont de moi.)

Après avoirmûrement réfléchi,j'estime que non seulementcetteconclu-
sion est insoutenable eu égardau droit international existant, mais qu'elle
est aussi, comme je le démontrerai plus loin, en complètecontradiction
avec les nombreux élémentsfaisant autorité qui ont été présentés à la
Cour. Cette déclaration est d'autant plus regrettable que la Cour était
elle-mêmeparvenue à la conclusion que:

«la menace ou l'emploi d'armes nucléaires serait généralement
contraireaux règlesdu droit international applicable dans lesconflits
armés,et spécialementaux principes et règlesdu droit humanitaire))
(ibid., premièrephrase).

J'approuve cette conclusion, sauf le mot ((généralement))T . out bien
considéré,mon opinion, fondée sur le droit existant et les élémentsde
preuve dont on dispose, est que l'emploi d'armes nucléairesserait illicite
en toute circonstance au regard du droit international. Cet emploi cons-
titueraità tout le moins une violation des principes et règlesdu droit
international humanitaire et serait donc contraire à ce droit.
Je ne peux non plus souscrire à divers aspects des motifs sur lesquels
s'appuie l'avis consultatif. Certains, d'après moi, sont indéfendablesen
droit et risquent mêmede déstabiliserl'ordre juridique international exis-
tant.
Selon la documentation dont la Cour a étésaisie, on estime qu'il y a

aujourd'hui dans lemonde plus de quarante mille ogivesnucléaires etque
leur capacité totale de destruction est environ un million de fois plus forte
que cellede la bombe qui a ravagéHiroshima. On dit qu'une seulebombe
atomique explosant au-dessus d'une grande villepourrait tuer plus de un
million de personnes. Utilisées massivement,ces armes pourraient entraî-
ner l'anéantissement dela race humaine et l'extinction de la civilisation.are thus not just another kind of weapon, they are considered the abso-
lute weapon and are far more pervasive in terms of their destructive
effectsthan any conventional weapon. A request for an advisory opinion
asking for a determination about the lawfulness or otherwise of the use of
such weapons is a matter which, in my considered opinion, this Court as
a court of law and the guardian of legality in the United Nations system
should be capable of making.
While it is admitted that the viewsof States are divided on the question
of nuclear weapons, as well as about their possible consequences, views
are also divided as to whether the Court should have been asked to
render an opinion on the matter at all. However, the Court, having found
that the General Assembly was competent to ask the question and in the
absence of any "compelling reason" relating to propriety or to any issue
that would compromise its judicial character, should have performed its
judicial function in accordance with Article 38 of its Statute and deter-

mined the question, "in accordance with international law", by simul-
taneously applying international conventions, international custom as
established rules recognized by States or as evidence of general practice
accepted as law or the general principles of law recognized by al1States,
thejudicial decisionsof the Courtand resolutions of international organi-
zations, at a minimum as evidence of the law.

In my view, the prevention of war, by the use of nuclear weapons, is a
matter for international law and, if the Court is requested to determine
such an issue, it falls within its competence todo so. Its decision can con-
tribute to the prevention of war by ensuring respect for the law. The
Court in the Corfu Channel case described as its function the need to
"ensure respect for international law, of which it is the organ" (I.C.J.
Reports 1949,p. 35).The late Judge Nagendra Singh, a former Member
and President of this Court, commenting on that statement, observed
that it was made by the Court without reference to the United Nations
Charter or to its own Statute. He observed that "the Courthas thus to be
conscious of this fact, as somethinginherent to its existence inrelation to
the law which it administers" (The Role and Record of the International

Court of Justice, p. 173). Today a system of war prevention exists in
international law, and comprises the prohibition of the use of force, the
collective securityprovisions of the United Nations Charter for the main-
tenance of international peace, the obligation to resort to peaceful means
for the settlement of international disputes and the regulations on
weapons prohibition, arms limitation and disarmament. The Court's
Advisory Opinion in this case could have strengthened this régime by
serving as a shield of humanity.

In my view, it is wholly incoherent in the light of the material before
the Court to say that it cannot rule definitivelyon the matter now before
it in view of the current state of the law and because of the elements of
facts at its disposal, for neither the law nor the facts are so imprecise or MENACE OU EMPLOI D'ARMESNUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 557

Les armes nucléaires nesont pas simplementdes armes d'un autre genre;
elles sont considérées comme l'arme absolue et leurseffets destructeurs
sont beaucoup plus étendus queceuxde toute arme classique. La demande
d'avis consultatif sur la question de savoir si l'emploi de telles armes est
licite ou non est une questionà laquelle, selon moi, tout bien réfléchil,a
Cour en tant que tribunal et en tant que garante du droit dans le système

des Nations Unies devrait êtrecapable de répondre.
Si les Etats ont des positions divergentes sur la question des armes
nucléaires,tout comme sur leurs conséquences éventuelles,ils ont aussi
des positions divergentes sur le point de savoir si la Cour aurait dû être
saisie d'une demande d'avis consultatif en la matière.Quoi qu'il en soit,
ayant décidéque l'Assembléegénéraleavait compétencepour poser la
question et qu'il n'y avait aucune ((raison décisive)),tenaàtI'opportu-
nitéou à un risque de compromettre son caractère judiciaire, de ne pas
donner cet avis, la Cour aurait dû s'acquitter de sa fonction judiciaire
conformément àl'article38de son Statut et trancher la question ((confor-
mémentau droit international)), en appliquant simultanémentlesconven-

tions internationales et la coutume internationale en tant que règleséta-
blies, reconnues par les Etats, ou comme preuve d'une pratique générale
acceptée commeétant le droit, ou bien les principes généraux dedroit
reconnus par tous les Etats, les décisionsjudiciaires dela Cour et lesréso-
lutionsd'organisations internationales, au moins commepreuves du droit.
A mon avis, la préventionde la guerre, par l'emploi d'armes nucléaires,
relèvedu droit international et, si la Cour est invàttrancher une ques-
tion de ce genre, ellea compétencepour lefaire. En assurant le respect du
droit, sa décisionpeutcontribuer àprévenirune guerre. Dans l'affaire du
Détroitde Corfou, la Cour a dit qu'elle avait pour fonction d'«assurer
l'intégrité dudroit international dont elle est l'organe)) (C.I.J. Recueil

1949, p. 35). Commentant cette formule, M. Nagendra Singh, ancien
membre et ancien Présidentde la Cour, aujourd'hui décédé a,fait obser-
ver, àpropos de cette déclaration, que la Cour ne s'étaitpas référée la
Charte des Nations Unies ou à son propre Statut. Il a ajouté que «la
Cour doit ainsi avoir conscience de ce fait, comme de quelque chose
d'inhérent à son existence, liéau droit qu'elle applique)). (The Role and
Record of the International Courtof Justice,. 173).Aujourd'hui il existe
un systèmede prévention de la guerre endroit international dont les élé-
ments sont l'interdiction du recours à la force, les dispositions de la
Charte des Nations Unies relatives à la sécuritécollective et visant au
maintien de la paix internationale, l'obligation de recouàides moyens

pacifiques pour réglerles différendsinternationaux et les réglementations
touchant l'interdiction des armes,à la limitation des armements et au
désarmement. L'avis consultatifde la Cour en l'espèceaurait pu renfor-
cer ce régime enoffrant une protection à l'humanité.
Compte tenu des donnéesdont la Cour étaitsaisie, il est parfaitement
illogique, selon moi, qu'elle disene pas pouvoir se prononcer de façon
définitivesur la question poséeau vu de l'étatactuel du droit ainsi que
des élémentsde fait dont elle dispose, car ni le droit ni les faits ne sontinadequate as to prevent the Court from reaching a definitive conclusion
on the matter. On the other hand, the Court's findings could be con-
strued as suggestingeither that there is a gap, a lacuna, in the existinglaw
or that the Court is unable to reach a definitiveconclusion on the matter
because the law is imprecise or its content insufficient or that it simply

does not exist. It does not appear to me any new principles are needed for
a determination of the matter to be made. Al1that was requested of the
Court was to apply the existing law. A finding of non liquet is wholly
unfounded in the present case. The Court has always taken the view that
the burden of establishing the law is on the Court and not on the Parties.
The Court has stated that:

"there is no incompatibility with its judicial function in making a
pronouncement on the rights and duties of the Parties under existing
international law which would clearly be capable of having a for-
ward reach ... The possibility of the law changing is ever present :but
that cannot relieve the Court from its obligation to render a judg-
ment on the basis of the law as it exists at the time of its decision ..."
(FisheriesJurisdiction, Merits, I.C.J. Reports 1974, p. 19,para. 40.)

The corpusjuris on the matter is not only considerable, but is sufficiently
clear and precise for the Court to have been able to make a definitive
finding. If the Court had applied the whole spectrum of the law, includ-
ing international conventions, rules of customary international law, gen-
eral principles of international law, judicial decisions, as well as resolu-
tions of international organizations, there would have been no room for
a purported finding of non liquet.

Furthermore, al1States - both the nuclear-weapon and non-nuclear-
weapon States - are agreed that the rules of international law applicable
in armed conflict, particularly international humanitarian law, apply to
the use of nuclear weapons. This law, which has been formulated and
codified to restrict the use of various weapons and methods of warfare, is
intended to limit the terrible effects of war. Central to it is the principle of
humanity which above al1aims to mitigate the effects of war on civilians
and combatants alike. It is this law which also establishes a régimeon the
basis of which the methods and means of warfare are to be judged.
Accordingly, it would seem apposite and justifiable for the effects of a

conflictinvolvingnuclear weapons - regarded as the ultimate weapon of
mass destruction - to be judged against the standards of such a régime.

Despite its findings, the Court has itself recognized that the law of
armed conflict, and in particular the principles and rules of humanitarian
law - would apply to a conflict involving the use of nuclear weapons. It
follows that the Court's finding that it cannot conclude definitivelyimprécis ou insuffisantsau point de l'empêcherde parvenir à une conclu-
sion définitive enla matière. On pourrait aussi interpréter ladéclaration

de la Cour comme donnant à entendre soit qu'il y a un vide, ou une
lacune, dans le droit existant soit que la Cour n'est pas en mesure de par-
venir à une conclusion définitiveen la matière parce que le droit est
imprécis,que son contenu est insuffisant ou que simplement il n'existe
pas. Il ne me semble pas que l'on ait besoin de principes nouveaux pour
statuer sur cette question. Tout ce que l'on demandait à la Cour était
d'appliquer le droit existant. Une déclaration de non liquet est dépourvue
de tout fondement en l'espèce.La Cour a toujours été d'avisque c'est à
elle et non aux parties qu'il incombe d'établirce qu'est le droit. La Cour
a déclaré:

((qu'il n'est nullement incompatible avec sa fonction judiciaire de
statuer sur les droits et les devoirs des Parties au regard du droit
international existant d'une manière qui pourrait avoir manifeste-
ment un effet dans l'avenir ...La possibilitéd'une modification du

droit existe toujours mais cela ne saurait décharger laCour de son
obligation de statuer sur la base du droit tel qu'il existeau moment
où ellerend sa décision.»(Compétenceen matièredepêcheriesf,ond,
C.I.J. Recueil 1974, p. 19,par. 40.)

Non seulement le corpusjuris en la matière est considérable mais encore
il est suffisammentclair et précispour permettre à la Cour de se pronon-
cer de façon définitive.Si la Cour avait appliquéle droit dans son inté-
gralité- y compris les conventions internationales, les règlesde droit
international coutumier, les principes généraux dedroit international, les
décisionsjudiciaires ainsique les résolutionsdes organisations internatio-
nales - il n'y aurait pas eu lieu de prononcer ce qui revient à un non
liquet.
En outre, tous les Etats- aussi bien lesEtats dotésde l'arme nucléaire
que ceux qui ne la possèdent pas - reconnaissent que les règlesde droit

international applicable dans les conflits armés, spécialementle droit
international humanitaire, s'appliquent à l'emploi d'armes nucléaires. Ce
droit, qui a été formulé ectodifiépour restreindre le recours à certaines
armes et à certaines méthodesde guerre, vise à limiter les terribles effets
de la guerre. Il repose principalement sur le principe d'humanité quitend
avant tout à atténuer les conséquences des hostilitéspour les civils
comme pour les combattants. Ce droit établit aussi unrégimesur la base
duquel doivent êtrejugésles moyens et les méthodes de guerre. En consé-
quence, il semblerait appropriéet justifiable que les effets d'un conflit où

seraient employéesdes armes nucléaires - considéréescommeles armes
ultimes de destruction massive - soient jugésselon les normes régissant
un tel régime.
En dépitde ses conclusions, la Cour considèreelle-mêmeque le droit
des conflits armés et en particulier les principes et les règles du droit
humanitaire s'appliqueraient dans un conflit où l'arme nucléaire serait
employée.Il s'ensuit que la déclarationde la Cour selon laquelle elle newhether the threat or use .ofnuclear weapons would be lawful or unlaw-
ful in an extreme circumstance of self-defence,in which the very survival
of a State would be at stake, is a contradiction and can at best be
described as the identification of two principles, namely, the obligation to
comply with the principles and rules of international law applicable in
armed conflict and the right of a State to self-defence including when it
considers its very survival to be at stake. These principles are not mutu-
ally exclusive and are recognized in international law. However, it has
been argued that when the Court is faced with two competing principles
or rights, it should jurisprudentially assign a priority to one of them and

cause it to prevail. In the opinion of Sir Hersch Lauterpacht, even though
the margin of preference for giving a priority to one principle over
another rnay be small, yet, however tenuous, that margin must be deci-
sive. He admits that judicial action along this line rnay in some respects
be indistinguishable from judicial legislation. However, he argues, the
Court "may have to effect a compromise - which is not a diplornatic but
a legitimate judicial compromise - between competing principles of
law", and concludes that:

"there is no decisive reason why the Court should avoid at al1cost
some such outcome. It is in accordance with the true function of the
Court that the dispute submitted to it should be determined by its
own decision and not by the contingent operation of an attitude of
accommodation on the part of the disputants. There is an embar-
rassing anticlimax, which is not legally irrelevant, in a situation in
which the Court, after prolonged written and oral pleadings, is
impelled to leave the settlement of the actual issue to . . .the
parties." (The Development of International Law by the Interna-
tional Court, p. 146.)

The suggestion that it should be left to individual States to determine
whether or not it rnay be lawful to have recourse to nuclear weapons is
not only an option fraught with serious danger, both for the States that
rnay be directly involved in conflict, and for those nations not involved,
but rnay also suggest that such an option is not legally reprehensible.
Accordingly, the Court, instead of leaving it to each State to decide
whether ornot it would be lawful or unlawful to use nuclear weaDonsin

an extreme circumstance of "State survival", should have determined
whether or not it is permissible to use nuclear weapons even in a case
involving the survival of the State. The question put to the Court is
whether it is lawful to use nuclear weapons and is not about the sur-
vival of the State, which is what the Court's reply turned on. If the Court
had correctly interpreted the question this would not only have had the
effect of declaring the law regarding the use of nuclear weapons but could
well have deterred the use of such weapons. Regrettably, the Court
refrained not only from performing itsjudicial function, but, by its "non-
finding", appears to have made serious inroads into the present legal MENACEOU EMPLOID'ARMESNUCLÉAIRES (OP. DISSK . OROMA) 559

peut conclure de façon définitiveque la menace ou l'emploi d'armes
nucléairesserait licite ou illicitedans une circonstance extrêmede légitime
défensedans laquelle la survie mêmed'un Etat serait en cause comporte
une contradiction et que l'on peut y voir au mieux l'exposéde deux prin-
cipes, àsavoir l'obligation de respecter les principes et les règlesdu droit
international applicable dans les conflits armés et le droit de légitime
défense desEtats notamment quand ils estiment que leur survie même est
en jeu. Ces principes ne s'excluent pas mutuellement et sont reconnus en

droit international. On a soutenu néanmoins que, lorsque la Cour se
trouve en présencede deux principes ou droits antagoniques, elle devrait
en s'appuyant sur la doctrine attribuer la priorité à l'un des deux et
reconnaître sa primauté. De l'avisde sir Hersch Lauterpacht, mêmesi la
primauté d'un principe sur l'autre résulted'une légère préférencp eour
l'un des deux principes, cette préférence,si faible soit-elle, est décisive.
admet qu'une action du juge en ce sens peut être à certains égardsimpos-
sible à distinguer d'une législation judiciaire. Toutefois, soutient-il, la
Cour«peut avoir àréaliseruncompromis - non pas un compromis diplo-
matique mais un compromis judiciaire légitime - entre des principes
de droit antagoniques » et il conclu:

«il n'y a pas de raison décisivepour quela Cour évite àtout prix une
telle issue.1est conforme à la véritable fonction de la Cour que le
différendqui lui est soumis soit tranché par sa propre décision et
non par l'action aléatoirede parties désirant un accommodement.
Lorsque, après une longue procédure écrite et orale, la Cour est

obligéede laisser le règlement du problème ...aux parties, il en
résulte une déception embarrassante, qui juridiquement n'est pas
sans pertinence.)) (The Development of Intevnational Law by the
Intevnational Court, p. 146.)

L'idée selon laquelleil faudrait que chaque Etat déterminelui-mêmes'il
peut êtrelicite ou non de recourir à l'arme nucléaire necorrespond pas
seulement à une option lourde de graves dangers pour les Etats qui pour-
raient être directementengagésdans un conflit comme pour les Etats qui
ne le seraient pas, mais peut amener à penser que cette option n'est pas
répréhensible endroit. Par conséquent,au lieu de laisser à chaque Etat le
soin de déciders'ilserait licite ou illicite d'employer des armes nucléaires
dans une circonstance extrêmemettant enjeu sa «survie», la Cour aurait
dû dire s'ilest permis d'utiliser desarmes nucléaires mêmd eans un cas où
la survie de 1'Etat serait en cause. La question poséea la Cour est de
savoir s'ilest licite d'utiliser desarmes nucléaireset non celle de la survie

de 17Etat,sur laquelle repose la réponsedonnéepar la Cour. Si celle-ci
avait bien interprétéla question, non seulement elle aurait étéamenée à
dire le droit en ce qui concerne l'emploi d'armes nucléaires, mais elle
aurait fort bien pu dissuader les Etats d'employer de telles armes. Mal-
heureusement la Cour ne s'est pas seulement abstenue d'exercer safonc-
tion judiciaire; mais en ne prenant pas position, elle semble réduiregra- restraints relating to the use of nuclear weapons, while throwing the
régime of self-defenceinto doubt by creating a new category called the
"survival of the State", seen as constituting an exception to Articles 2,
paragraph 4, and 51 of the United Nations Charter and to the principles
and rules of humanitarian law. In effect, this kind of restraint would
seem to be tantamount to judicial legislation at a time when the Court
has itself- rightly in my view - recognized that it "cannot legislate",
and, that

"in the circumstances of the present case, it is not called upon to do
so. Rather its task is to engage in its normal judicial function of
ascertaining the existence or otherwise of legal principles and rules
applicable to the threat or use of nuclear weapons." (Advisory Opin-
ion, para. 18; emphasis added.)

However, just after reaffirming this self-denying ordinance, the Court
went on to do just that by proclaiming that it cannot conclude defini-
tivelywhether or not the threat or use of nuclear weapons would be "law-
ful or unlawful in an extreme circumstance of self-defence, in which the
very survival of a State would be at stake", given the current state of

international law and the elements of fact at its disposa1 (paragraph 2E
of the dispositif; emphasis added). This finding, with respect, is not only
untenable in law but legally superfluous. The right of self-defence is
inherent and fundamental to al1States. It exists within and not outside or
above the law. To suggest that it exists outside or above the law is to
render it probable that force may be used unilaterally by a State when it
by itself considers its survival to be at stake. The right of self-defence is
not a licenceto use force; it is regulated by law and was never intended to
threaten the security of other States.

Thus the Court's finding does not only appear tantamount to judicial
legislation which undermines the régime of the non-use of force as
enshrined in Article 2, paragraph 4, of the Charter, and that of self-
defence as embodied in Article 51, but the doctrine of the survival of the
State represents a throwback to the law before the adoption of the
United Nations Charter and is even redolent of a period long before that.
Grotius, writing in the seventeenth century, stated that: "[tlhe right of
self-defence . ..has its origin directly, and chiefly, in the fact that nature
commits to each his own protection" (De Jure Belli Ac Pacis, Book II,
Chap. 1, Part III, at p. 172 (Carnegie Endowment trans. 1925) (1646)).
Thus, the Court's finding would appear to be tantamount to according to

each State the exclusive right to decide for itself to use nuclear weapons
when its survival is at stake as that State perceives it - a decision sub-
jected neither to the law nor to third party adjudication. When Lauter-
pacht had to consider a similar situation following the conclusion of thevement la portéedes restrictions juridiques auxquellesest soumise actuel-
lement l'utilisation des armes nucléaires,tout en jetant le doute sur le
régimede la légitimedéfenseen créantune catégorie nouvelle de circons-
tance dénommée la «survie de l'Etat», qui constituerait une exceptionà
l'article 2, paragraphe 4, eà l'article 51 de la Charte des Nations Unies
ainsi qu'aux principes et aux règlesdu droit humanitaire. En fait, une
position aussi retenue pourrait bien êtreassimilée à une législationjudi-
ciaire alors que la Cour elle-mêmea indiqué, à juste titre selon moi,
qu'elle ne saurait «légiférer»et que

«dans les circonstances de l'espèce,elle n'est nullementappelée à le
faire.Il lui appartient seulement de s'acquitter de sa fonction judi-
ciaire normale en s'assurant de l'existenceou de la non-existence de
principes et de règlesjuridiques applicablesla menace ou àl'emploi
d'armes nucléaires.» (Avis consultatif, par. 18; les italiques sont de
moi.)

Néanmoins, justeaprèsavoir réaffirmé cetteposition, la Cour donne son
avis en proclamant qu'elle ne peut conclure de façon définitiveque la
menace ou l'emploi d'armes nucléaires serait «liciteou illicite dans une
circonstance extrême delégitime défensedans laquelle la survie même
d'un Etat serait en cause)), vu l'étatactuel du droit international et des
éléments de faitdont elle disposait (paragraphe 2 du dispositif, alinéaE;
les italiques sont de moi). Qu'il me soit permis de dire que cette décla-
ration n'est pas seulement insoutenable en droit, elle est aussi juridi-
quement superflue. Le droit de légitimedéfenseest un droit inhérent et

fondamental que possèdenttous les Etats. Il existedans le droit et non en
dehors ou au-dessus du droit. Dire au'il est en dehors ou au-dessus du
droit, c'estrendre probablel'utilisation unilatéralede la force par un Etat
quand lui-même et luiseul considèreque sa survie est enjeu. Le droit de
légitimedéfensen'est pasune simple autorisation de recourir àla force, il
est réglementépar le droit et il n'a jamais eu pour objet de menacer la
sécuritéd'autres Etats.
Ainsi non seulement la conclusion de la Cour semblepouvoir êtreassi-
milée à une législationjudiciaire, sapant ainsi le régimedu non-recoursà
la force tel qu'il est énoncéà l'article 2, paragraphe 4, de la Charte et
celui de la légitimedéfense que consacre l'article51, mais encore la doc-
trine de la survie de 1'Etatreprésenteun recul par rapport au droit qui a
précédé l'adoption de la Charte des Nations Unies et rappelle une période
bien antérieure.Grotius, qui écrivaitau XVIIe siècle,a dit: «le droit de

légitimedéfense ..tire son origine directement et principalement du fait
que la nature confie à chacun le soin de sa propre protection)) (Dejure
belli ac pacis, 1646, livre II, chap. 1, partie III). La conclusion de la
Cour revient. semble-t-il.à attribuer à chaaue Etat le droit exclusif de
déciderseul de l'emploi de l'arme nucléairequand sa survie, telle qu'il la
perçoit, est en cause et cette décision n'est soumiseniau droit ni au juge-
ment d'un tiers. Quand, après la conclusion du pacte Briand-Kellogg de
1928,Lauterpacht a eu àexaminer une situation similaireoù les Etats enBriand-Kellogg Pact of 1928,according to which the participating States
declared that a State claiming the right of self-defence "alone is compe-

tent to decide whether circumstances require recourse to war in self-
defence", he found such a claim to be "self-contradictory in as much as it
purports to be based on legal right and at the same time, it dissociates
itself from regulations and evaluation of the law". While he acknow-
ledged the right of self-defence as "absolute" in the sense that no law
could disregard it, Lauterpacht however maintained that the right is
"relative" in as much as it is presumably regulated by law. "It is regulated
to the extent that it is the business of the Courts to determine whether,
how far, and for how long, there was a necessity to have recourse to it."
(The Function of Law in the International Community, pp. 179-180.)
As already stated, the Court's present finding represents a challenge to
some of the fundamental precepts of existing international law including
the proscription of the use of force in international relations and theexer-
cise of the right of self-defence.That the Court cannot decide definitively
whether the use of nuclear weapons would be lawful or unlawful when
the survival of the State is at stake is a confirmation of the assertion that
the survival of that State is not only not a matter for the law but that a
State, inorder to ensure its survival, can wipe out the rest of humanity by

having recourse to nuclear weapons. In its historical garb "of the funda-
mental right of self-preservation", such a right was used in the past as a
pretext for the violation of the sovereignty of other States. Such acts are
now considered unlawful under contemporary international law. The
International Military Tribunal at Nuremberg in 1946rejected the argu-
ment that the State involved had acted in self-defence and that every
State must be thejudge of whether, in a given case, it is entitled to decide
whether to exercise the right of self-defence. The Tribunal held that
"whether action taken under the claim of self-defencewas in fact aggres-
sive or defensive must ultimately be subject to investigation or adjudica-
tion if international law is ever to be enforced" (Judgment of the Inter-
national Military Tribunal at Nuremberg, 1946, Trial of German Major
War Criminals before the International Military Tribunal, 1947, Vol. 1,
p. 208).

Similarly, this Court, in theNicaragua case, rejected the assertion that
the right of self-defence is not subject to international law. While noting
that Article 51 of the United Nations Charter recognizes a "natural" or

"inherent" right of self-defence, it stated that "itis hard to see how this
can be other than of a customary nature, even if its present content has
been confirmed by the Charter" (Militavy and Paramilitary Activities in
and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America), I.C.J.
Reports 1986, p. 94). By its present findings, the Court would appear to
be departing from its own jurisprudence by saying that it cannot deter-
mine conclusively whether or not it would be lawful for a State to use
nuclear weapons.
Be that as it may, it is not as if the Court was compelled to reach suchcause alléguaient qu'un Etat invoquant la légitimedéfense avait seul
compétence pour décidersi les circonstances exigeaient le recours à la
guerre au titre de la légitimedéfense,il a estiméqu'une telle ((allégation
renferme une contradiction car elle prétendse fonder sur un droit tout en
s'écartantd'une réglementation et d'une évaluation juridiques)).Tout en
considérant le droit de Iégitimedéfensecomme«absolu» en ce sens qu'il
ne peut êtrejuridiquement méconnu, Lauterpacht a soutenu qu'il était
«relatif» puisqu'il est présumérelever du droit. «Il est réglementéau
point qu'il appartient aux tribunaux de dire si le recours à la légitime
défenseétaitnécessaire,jusqu'à quelpoint etjusqu'à quand. »(The Func-
tion of Law in the International Community, p. 179-180.)

Comme on l'a déjà indiqué, cette déclarationde la Cour met en cause
certains des principes fondamentaux du droit international existant, y
compris l'interdiction du recours à la force dans les relations internatio-
nales et l'exercice du droit de légitimedéfense. Que la Cour ne puisse
décider de façon définitivesi l'emploi d'armes nucléairesest licite ou illi-
cite quand la survie d'un Etat est en cause confirme l'assertion selon
laquelle non seulement la surviede cet Etat est une question qui ne relève
pas du droit mais encore qu'un Etat peut, pour assurer sa survie, anni-
hiler le reste de l'humanitéen recourantà l'arme nucléaire. Soussa forme
historique «du droit fondamental à l'autopréservation», on a pris par le
passé prétextede ce droit pour violer la souveraineté d'autres Etats. De
tels actes sont maintenant considérés commeillicites par le droit interna-
tional contemporain. Le Tribunal militaire international de Nuremberg a
rejeté en 1946 l'argument selon lequel 1'Etat en cause avait agi dans le

cadre de la légitimedéfense etque tout Etat devait décider lui-même,si
dans une circonstance donnée, il avait le droit d'exercer sa légitime
défense. Le tribunal a estiméque «si le droit international doit jamais
devenir une réalité, la questionde savoir si une action entreprise sous le
prétexte de la légitime défense était de caractèreagressif ou défensif
devra faire l'objet d'une enquêteappropriéeet d'un arbitrage)) (jugement
du Tribunal militaire international de Nuremberg, 1946, Procès des
grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international,
1947,vol. 1,p. 219).
De même,dans l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), la
Cour a rejeté l'argument selon lequelle droit de légitimedéfensenerelève
pas du droit international. Tout en notant que l'article 51 de la Charte
reconnaît qu'il existe un droit «naturel» ou «inhérent» de légitime

défense,elle a déclaréqu'«on voit mal comment il ne serait pas de nature
coutumière, même sison contenu est désormais confirmépar la Charte))
(C.I.J. Recueil 1986, p. 94, par. 176). La Cour, dans ses conclusions en
l'espèce, sembles'écarter desa propre jurisprudence puisqu'elle dit ne pas
pouvoir conclure de façon définitives'il serait ou non licite qu'un Etat
utilise des armes nucléaires.
Quoi qu'il en soit, la Cour n'était nullement tenued'aboutir àune telle a conclusion, for the law is clear. The use of force is firmly and peremp-
torily prohibited by Article 2, paragraph 4, of the United Nations Char-
ter. The régime of self-defenceor the doctrine of "self-survival", as the
Court would prefer to have it, is likewise regulated and subjected to that
law. The right of self-defenceby a State is clearly stipulated in Article 51
of the Charter, as follows:

"Nothing in the present Charter shall impair the inherent right of
individual or collective self-defenceif an armed attack occurs against
a Member of the United Nations, until the Security Council has
taken measures necessary to maintain international peace and secu-
rity. Measures taken by Members in the exercise of this right of self-
defence shall be immediately reported to the Security Council and
shall not in any way affect the authority and responsibility of the
Security Council under the present Charter to take at any time such
action as it deems necessary in order to maintain or restore interna-
tional peace and security."

Thus, the Article permits the exercise of that right subject to the condi-
tions stipulated therein. Firstly, in order to exercise the right, a State
must have been the victim of an armed attack and, while exercising such
a right, it must observe the principle of proportionality. Secondly, the
measure or measures taken in exerciseof such a right must be reported to
the Security Council and are to be discontinued as soon as the Security
Council itself hastaken measures necessary for the maintenance of inter-

national peace. Article 51 therefore envisages the ability of a State law-
fully to defend itself against armed attack. The Court emphasized this
when it stated that the right of self-defence under Article 51 is condi-
tioned by necessity and proportionality and that these conditions would
apply whatever the means of force employed. Moreover, self-defence
must also meet the requirements of the law applicable in armed conflict,
particularly the principles and rules of international humanitarian law.

The question therefore is not whether a State is entitled to exercise its
right of self-defence in an extreme circumstance in which the very sur-
vival of that State would be at stake, but rather whether the use of
nuclear weapons would be lawful or unlawful under any circumstance
including an extreme circumstance in which its very survival was at stake

- or, in other words, whether it is possible to conceive of consequences
of the use of such weapons which do not entail an infringement of ihter-
national law applicable in armed conflict, particularly international
humanitarian law. As stated above, in terms of the law, the right of self-
defence is restricted to the repulse of an armed attack and does not per-
mit of retaliatory or punitive action. Nor is it an exception to the jus in
bel10(conduct of hostilities). Since, in the light of the law and the facts, it
is inconceivable that the use of nuclear weapons would not entail an
infringement of, at the very least, the law applicable in armed conflict, MENACEOU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISS.KOROMA) 562

conclusion car le droit est clair. Le recoursà la force est fermement et
impérativement interdit par l'article 2, paragraphe 4, de la Charte des
Nations Unies. Le régimede la légitimedéfenseque la Cour préfère

dénommer ladoctrine de la «survie» de 1'Etatest réglementé lui aussi et
relèvede ce droit. Le droit de légitimedéfensed'un Etat est clairement
énoncé à l'article 51 de la Charte dans les termes suivants:
((Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au
droit naturel de légitime défensei,ndividuelle ou collective, dans le
cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression

armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécuritéait pris les mesures
nécessairespour maintenir la paix et la sécuritéinternationales. Les
mesures prises par des Membres dans l'exercicede ce droit de légi-
time défense sont immédiatement portées à la connaissance du
Conseil de sécurité et n'affectenten rien le pouvoir et le devoir qu'a
le Conseil, en vertu de la présenteCharte, d'agàrtout moment de la
manière qu'il jugenécessairepour maintenir ou rétablir la paix et la
sécurité internationales.

Ainsi l'article 51 de la Charte autorise l'exercice du droit de légitime
défenseaux conditions qu'il stipule. En premier lieu, pour pouvoir exer-
cer cedroit, un Etat doit avoir été l'obt 'une agression arméeet, quand
il l'exerce,il doit respecter le principe de la proportionnalité. En second
lieu, la ou les mesures prises dans l'exercicede ce droit doivent être por-
tées à la connaissance du Conseil de sécuritéet rapportées dès que le
Conseil lui-mêmea pris les dispositions nécessairespour maintenir la
paix internationale. L'article 51 envisage donc la capacitéd'un Etat de se
défendrelicitement contre une agression armée. La Cour a soulignéce

point quand elle a indiquéque le droit de légitimedéfense prévu à l'ar-
ticle 51 est subordonné aux conditions de nécessité etde proportion-
nalitéet que cette doublecondition s'applique quelsque soient lesmoyens
mis en Œuvre. En outre, la légitimedéfensedoit également satisfaire aux
exigences du droit applicable dans les conflits armés, en particulier aux
principes et règlesdu droit international humanitaire.
La question n'est donc pas de savoir si un Etat est habilité à exercer
son droit de légitimedéfensedans une circonstance extrêmedans laquelle
la survie mêmede cet Etat serait en cause, elle est plutôt de savoir si
l'emploi d'armes nucléaires seraitlicite ou illiciteen toute circonstance, y
compris une circonstance extrêmedans laquelle sa survie mêmeserait en
jeu - ou, en d'autres termes, si l'on peut concevoir que l'utilisation de

telles armes ait des conséquencesn'entraînant pas une violation du droit
international applicable dans les conflitsrmés,en particulier une viola-
tion du droit international humanitaire. Comme il est dit plus haut, selon
le droit, le droit de légitimedéfenseconsiste uniquementà repousser une
attaque armée et n'autorise ni représailles niaction punitive. 11n'est pas
non plus une exception au jus inbel10(conduite des hostilités). Dès lors
que, compte tenu des éléments dedroit et de fait, il est inconcevable que
l'emploi d'armes nucléaires n'entraînepas une violation, au moins, duparticularly humanitarian law, it follows that the use of such weapons
would be unlawful. Nuclear weapons do not constitute an exception to
humanitarian law.
Given these considerations, it is not legally sustainable to find, as the
Court has done, that, in view of the present state of the law, it cannot
conclude definitivelywhether the threat or use of nuclear weapons would
be lawful or unlawful in an extremecircumstance of self-survival,for as it
stated in the Nicaragua case:

"the conduct of States should, in general, be consistent with . . .
rules, and that instances of State conduct inconsistent with a given
rule should generally have been treated as breaches of that rule, not
as indications of the recognition of a new rule" (Military and Para-
military Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United
States of America), I.C.J. Reports 1986, p. 98, para. 186).

Judge Mosler, a former member of this Court has in another context,
stated
"that law cannot recognise any act either of one member or of sev-
eral members in concert, as being legallyvalid if it is directed against
the very foundation of law" (H. Mosler, The International Society

as a Legal Community, 1980,p. 18).
The Court's finding is also untenable, for, and as already mentioned, the
corpusjuris on which it should have reached its conclusion does indeed
exist, and in an ample and substantial form. The Court had itself taken
cognizance of this when it noted that the "laws and customs of war"
applicable to the matter before it had been codified in the Hague
Conventions of 1899 and 1907, based upon the 1868 Declaration of
St. Petersburg as well as the results of theBrussels Conference of 1874.
The Court also recognized that the "Hague Law" and, more particularly,

the Regulations Respecting the Laws and Customs of War on Land, do
regulate the rights and duties of belligerent States in the conduct of their
hostilities and limit the choice of methods and means of injuring the
enemy in wartime. It found that the "Geneva Law" (the Conventions of
1864, 1906, 1929and 1949),which protects the victims of war and aims
to provide safeguards for disabled armed forces personnel and persons
not taking part in the hostilities, is equally applicable to the issue before
it. It noted thatthese two branches of law today constitute international
humanitarian law which was codified in the 1977Additional Protocols to
the Geneva Conventions of 1949.

It observed that, sincethe turn of the century, certain weapons, such as
explosive projectiles under 400 g, dum-dum bullets and asphyxiating
gases, have been specificallyprohibited, and that chernical and bacterio-
logical weapons were also prohibited by the 1925Geneva Gas Protocol.
More recently, the Court found, the use of weapons producing "non- MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 563

droit applicable dans les conflits armés,en particulier du droit humani-
taire, il s'ensuit que leur utilisation serait illicite. Les armes nucléairesne
constituent pas une exception au droit humanitaire.
Cela étant,il n'est pasjuridiquement défendablede soutenir,comme la
Cour le fait, qu'au vu de l'état actuel dudroit, elle ne peut conclure de

façon définitiveque la menace ou l'emploid'armes nucléairesserait licite
ou illicitedans une circonstanceextrêmemettantenjeu la survie de 1'Etat
car, commeellel'adit dans l'affairedesActivitésmilitaires etparamilitaires
au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique) :
((11lui paraît suffisant, pour déduirel'existencede règl...que les
Etats y conforment leur conduite d'une manière générale et qu'ils
traitent eux-mêmesles comportements non conformes à la règle en

question comme des violations de celle-ci et non pas comme des
manifestations de la reconnaissance d'une règle nouvelle.)) (C.I.J.
Recueil 1986, p. 98, par. 186.)
Un ancien membre de la Cour, M. Mosler, a dit, dans un autre contexte:

«que le droit ne saurait reconnaître un acte accompli par un membre
ou par plusieurs membres agissant de concert commejuridiquement
valable si cet acte s'attaque au fondement mêmedu droit» (H. Mos-
ler, The International Society as a Legal Community, 1980, p. 18).

La constatation de la Cour n'est égalementpas défendable parce que,
commeje l'ai déjàrelevé,le corpusjuris sur la base duquel elle aurait dû
parvenir à sa conclusion existe bel et bien, et qu'il estabondant et subs-
tantiel. La Cour elle-mêmel'a reconnu quand elle a noté queles «lois et
coutumes de la guerre» applicables en l'espèceavaient étécodifiéesdans
les conventions de La Haye de 1899et de 1907, qui se fondaient sur la
déclaration de Saint-Pétersbourg de1868ainsi que sur les résultats de la
conférence deBruxelles de 1874.La Cour a constatéaussi que le ((droit
de La Haye», et notamment le règlementconcernant les lois et coutumes
de la guerre sur terre, fixeles droits et les devoirs des belligérantsdans la
conduite deshostilités et limitelechoix desmoyens de nuire àl'ennemien

temps de guerre. Elle a estiméque le «droit de Genève» (les conventions
de 1864,de 1906,de 1929et de 1949)qui protègelesvictimes de la guerre
et vise à sauvegarder les membres des forces arméesmis hors de com-
bat ainsi que les personnes qui ne participent pas aux hostilités s'appli-
quait également àla question qui lui étaitposée.Elle a noté queces deux
branches du droit forment aujourd'hui le droit international huma-
nitaire, lequel a étécodifiédans les protocoles additionnels de 1977aux
conventions de Genève de 1949.
La Cour a fait observer que, dès le début du siècle,certaines armes
telles que les projectiles explosifs d'un poids inférieur00 grammes, les
balles dum-dum et les gaz asphyxiants ont été spécifiquemen itterdits et
que les armes chimiques et bactériologiquesont également été prohibées
par le protocole de Genève de 1925sur les gaz. Plus récemment, commedetectable fragments", of other types of mines, booby traps and other
devices, and of incendiary weapons, was either prohibited or limited
depending on the case by the Convention of 10 October 1980on Prohi-
bitions or Restrictions on the Use of Certain Conventional Weapons
Which May Be Deemed to Be Excessively Injurious or to Have Indis-
criminate Effects. Such prohibition, it stated, was in line with the rule
that "the right of belligerents to adopt means of injuring the enemy is not
unlimited" as stated in Article 22 of the 1907Hague Regulations Respect-
ing the Laws and Customs of War on Land. The Court further noted
that the St. Petersburg Declaration had already condemned the use of
weapons "which uselessly aggravate the suffering of disabled men or
make their death inevitable" and that the aforementioned Regulations
annexed to the Hague Convention IV of 1907 prohibit the use of "arms,
projectiles, or material calculated to cause unnecessary suffering"

(Art. 23).

The Court also identified the cardinal principles constituting thefabric
of international humanitarian law, the first of which is aimed at the pro-
tection of the civilian population and civilian objects and establishes the
distinction between combatants and non-combatants. According to those
principles, States are obliged not to make civilians the object of attack
and must consequently not use weapons that are incapable of distinguish-
ing between civilian and military targets. Secondly, it is prohibited to
cause unnecessary suffering to combatants and, accordingly, it is prohib-
ited to use weapons causing them needless harm or that uselessly aggra-
vate their suffering. In this regard, the Court noted that States do not
have unlimited freedom of choice in the weapons they can use.
The Court also considered applicable to the matter the Martens Clause,
first enunciated in the Hague Convention of 1899with respect to the laws
and customs of war on land, a modern version of which has been codified
in Article 1, paragraph 2, of Additional Protocol 1of 1977,and reads as

follows :
"In cases not covered by this Protocol or by other international
agreements, civilians and combatants remain under the protection
and authority of the principles of international law derived from
established custom, from the principles of humanity and from the
dictates of public conscience."

The Court noted that the principles embodied in the Clause are principles
and rules of humanitarian law and, together with the principle of
neutrality, apply to nuclear weapons.
It was in the light of the foregoing that the Court recognized that
humanitarian law does prohibit the use of certain types of weapons either
because of their indiscriminate effect on combatants and civilians or
because of the unnecessary and superfluous harm caused to combatants.
The Court accordingly held that the principles and rules of international MENACE OUEMPLOID'ARMESNUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 564

la Cour l'a rappelé, l'emploi d'armesproduisant des «éclats non locali-
sables)),de certains types de mines, piègeset autres dispositifs, ainsi que
d'armes incendiaires a été, selonle cas, interdit ou limitépar la conven-
tion du 10 octobre 1980sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de

certaines armes classiques qui peuvent êtreconsidérées commeprodui-
sant des effets traumatiques excessifsou comme frappant sans discrimi-
nation. Cette interdiction, a-t-elle dit, est conforme à la règle selon
laquelle «les belligérants n'ont pas undroit illimitéquant au choix des
moyens de nuire à l'ennemi)),pour reprendre les termes de l'article 22 du
règlement de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la
guerre sur terre. La Cour a relevé enoutre que la déclaration deSaint-
Pétersbourg avait déjàcondamné l'«emploi d'armes qui aggraveraient
inutilement les souffrances des hommes mis hors de combat, ou ren-
draient leur mort inévitable))et quelerèglementévoqué plus haut, qui est
annexé a la convention IV de La Haye de 1907,interdit ((d'employer des
armes, des projectiles ou des matières propres àcauser des maux super-
flus» (art. 23).
La Cour a aussi précisé les principes cardinaux qui forment le tissu du
droit humanitaire, dont le premier viseà protéger lapopulation civile et

les biens de caractère civil et établitla distinction entre combattants et
non-combattants. Selon ce principe, les Etats ne doivent jamais prendre
pour cible des civils, ni en conséquence utiliser des armes qui sont dans
l'incapacité de distinguerentre cibles civileset ciblesmilitaires. Le second
principe est qu'il ne faut pas causer des maux superflus aux combattants
et qu'en conséquenceil est interdit d'utiliser des armes leur causant de
tels maux ou aggravant inutilement leurs souffrances. A cet égard, la
Cour a indiquéque les Etats n'ont pas un choix illimitéquant aux armes
qu'ils emploient.
La Cour a égalementconsidéré comme applicable la clause de Martens
énoncéepour la première fois dans la convention de La Haye de 1899
concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et dont une version
contemporaine a étécodifiée à l'article premier, paragraphe 2, du proto-
cole additionnel 1de 1977.Elle se lit comme suit:

«Dans les cas non prévuspar le présentprotocole ou par d'autres
accords internationaux, les personnes civileset les combattants res-
tent sous la sauvegarde et sous l'empire des principes du droit des
gens, tels qu'ils résultent des usages établis, des principesde l'huma-
nitéet des exigencesde la consciencepublique. »

Selon la Cour, les principes consacrésdans cette clause sont les principes
et les règles du droit humanitaire qui, avec le principe de neutralité,
s'appliquent dans le cas des armes nucléaires.
C'est compte tenu de ce qui précèdeque la Cour a considéréque le
droit humanitaire bannit l'emploi de certaines armes, soit parce qu'elles
frappent de façon indiscriminéeles combattants et les populations civiles,
soit parce qu'elles causent aux combattants des souffrances illutiles. La
Cour a conclu en conséquence que les principes et les règles du droithumanitarian law are obligatory and binding on al1States as they also
constitute intransgressible principles of customary international law.

With regard to the applicability of Additional Protocol 1 of 1977 to
nuclear weapons, the Court recalled that even if not al1States are parties
to the Protocol, they are nevertheless bound by those rules in the Proto-
col which, when adopted, constituted an expression of the pre-existing
customary law, such as, in particular, the Martens Clause, which is
enshrined in Article 1 of the Protocol.
The Court observed that the fact that certain types of weapons were
not specificallymentioned in the Convention does not permit the drawing
of any legal conclusions relating to the substantive issues raised by the
use of such weapons. It took the view that there can be no doubt that the

principles and rules of humanitarian law, which are enshrined in the
Geneva Conventions of 1949 and the Additional Protocols of 1977, are
applicable to nuclear weapons. Even when it observed that the Confer-
ences of 1949 and 1977 did not specifically address the question of
nuclear weapons, the Court stated that it cannot be concluded from this
that the established principles and rules of humanitarian law applicable
in armed conflict do not apply to nuclear weapons, as such a conclusion
would be incompatible with the intrinsically humanitarian character of
the legal principles in question which permeate the entire law of armed
conflict and apply to al1forms of warfare and to al1kinds of weapons.
The Court agreed with the submission that:

"63. In general, international humanitarian law bears on the threat
or use of nuclear weapons as it does of other weapons.

64. International humanitarian law has evolved to meet contem-
porary circumstances, and is not limited in its application to weap-
onry of an earlier time. The fundamental principles of this law
endure: to mitigate and circumscribe the cruelty of war for humani-
tarian reasons." (New Zealand, Written Statement, p. 15.)

The Court also observed that none of the States advocating the legality
of the use of nuclear weapons under certain circumstances, including the
"clean" use of smaller, low-yield, tactical nuclear weapons, had indicated
that the principles of humanitarian law do not apply to nuclear weapons,
noting that, for instance, the Russian Federation had recognized that
"restrictions set by the rules applicable to armed conflicts in respect of
means and methods of warfare definitely also extend to nuclear weap-
ons"; that for the United States, "the United States has long shared the
view that the law of armed conflictgoverns the use of nuclear weapons -,
just as it governs the use of conventional weapons"; while for the United
Kingdom, "so far as the customary law of war is concerned, the United
Kingdom has always accepted that the use of nuclear weapons is subject
to the general principles of theus in bello" (Advisory Opinion, para. 86). MENACE OU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 565

international humanitaire sont obligatoires et lient les Etats parce qu'ils
constituent aussi des principes du droit international coutumier auxquels
on ne saurait déroger.
En ce qui concerne l'applicabilitéaux armes nucléairesdu protocole
additionnel1 de 1977,la Cour a rappeléque, mêmesi tous les Etats ne
sont pas parties au protocole, ils sont tous liéspar celles des règlesdu
protocole qui, au moment de leur adoption, représentaient l'expression
du droit coutumier wréexistant.comme c'est le cas en warticulier de la
clause de Martens, repriseà l'article premier de cet instrument.

La Cour a déclaréque le fait que certaines armes ne sont pas spécifi-
quement mentionnées dans la convention ne permet de tirer aucune
conclusion juridique quant aux problèmes de fond que le recours àces
armes soulèverait.Il ne fait aucun doute, a-t-elle estimé,que les principes
et les règles du droit humanitaire, énoncésdans les conventions de
Genèvede 1949et dans les protocoles additionnels de 1977,s'appliquent
aux armes nucléaires.Certes la Cour a relevéque les conférencesde 1949
et de 1977 n'avaient pas spécifiquementtraité de la question des armes
nucléaires, niaisellen'en a pas moins déclaréque l'on ne peut en conclure
que les principes et règlesétablisdu droit humanitaire applicable dans les
conflits armés ne s'appliquent pas aux armes nucléaires car une telle
conclusion méconnaîtrait lanature intrinsèquementhumanitaire desprin-
cipes juridiques en jeu qui imprègnent l'ensemble du droit des conflits
armés ets'appliquent à toutes les formes de guerre età toutes les armes.

La Cour a acceptél'argument selon lequel:
((63. De manière générale,le droit international humanitaire
s'applique à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires, commeil
s'applique à d'autres armes.
64. Le droit international humanitaire a évolué pour tenir compte
des circonstances et son application ne se limite pas aux arme-
ments du passé.Les principes fondamentaux de ce droit demeurent:

atténuer et limiter la cruauté de la guerrepour des raisons huma-
nitaires. (Nouvelle-Zélande,exposéécrit, p. 15.)
La Cour a rappelé aussiqu'aucun des Etats partisans de la licéitéde
l'emploi d'armes nucléaires dans certaines circonstances, y compris
l'emploi «propre» d'armes nucléaires tactiques, plus petiteset de faible
puissance, n'avait indiqué que les principes du droit humanitaire ne

s'appliquaient pas aux armes nucléaires; elle a noté par exemple que,
pour la Fédération de Russie:«Les restrictions imposéespar les règles
a.wLicablesaux conflits armésen ce aui concerne les movens et méthodes
de guerre s'étendentassurément aux armes nucléaires»; que, pour les
Etats-Unis: «Cela fait longtemps que les Etats-Unis pensent que le droit
des conflits armés régit I'emploi d'armes nucléaires comme il régit
d'ailleurs celui d'armes classiques», et que, pour le Royaume-Uni: «En
ce qui concerne le droit coutumier de la guerre, le Royaume-Uni a tou-
jours admis que l'emploi d'armes nucléaires est assujettiaux principes
générauxdu jus in belle»(avis consultatif, par. 86). With regard to the elements of fact advanced in its findings, the
Court noted the definitions of nuclear weapons contained in various
treaties and instruments, including those according to which nuclear
explosions are "capable of causing massive destruction, generalized dam-
age or massive poisoning" (Paris Accords of 1954), or the preamble of
the Tlatelolco Treaty of 1967which described nuclear weapons

"whose terrible effects are suffered, indiscriminately and inexorably,

by military forces and civilian population alike, [and which]consti-
tute through the persistence of the radioactivity they release, an
attack on the integrity of theuman speciesand ultimately may even
render the whole earth uninhabitable".
It also took note of the fact that nuclear weapons release not only
immense quantities of heat and energy, but also powerful and prolonged
radiation; that the first two causes ofdamage are vastly more powerful
than such causes of damage in other weapons of mass destruction, and

that the phenomenon of radiation is said to be peculiar to nuclear weap-
ons. These characteristics, the Court concluded, render nuclear weapons
potentially catastrophic; their destructive power cannot be contained in
either space or time, and they have the potential to destroyl1civilization
and the entire ecosystem of the planet.

With regard to the elements of fact, the Court noted that the radiation
released by a nuclear explosion would affect health, agriculture, natural
resources and demography over a wide area and that such weapons
would be a serious danger to future generations. It further noted that
ionizing radiation has the potential to damage the future environment,
food and marine ecosystems, and to cause genetic defects and illness in
future generations.

Also in this regard, the Government of Japan told the Court that the
yields of the atomic bombs detonated in Hiroshima on 6 August 1945
and in Nagasaki on 9 August 1945werethe equivalent of 15kilotons and
22 kilotons of TNT respectively.The bomb blast produced a big fireball,

followed by extremely high temperatures of some several million degrees
centigrade, and extremely high pressures of several hundred thousand
atmospheres. It also emitted a great deal of radiation. According to the
delegation, the fireball, which lasted for about 10 seconds, raised the
ground temperature at the hypocentre to somewhere between 3,000" C
and 4,000"C, and the heat caused the scorching of wood buildings over a
radius of approximately 3 kilometres from the hypocentre. The number
of houses damaged by the atomic bombs was 70,147 in Hiroshima and
18,409in Nagasaki. People who were within 1,000 metres of the hypo-
centre were exposed to the initial radiation of morethan 3.93Grays. It is
estimated that 50 per cent of people who were exposed to more than
3 Grays die of marrow disorder within two months. Induced radiation S'agissant des élémentdse fait qu'elle mentionne dans ses conclusions,
la Cour a notéles définitionsqui ont étédonnéesdes armes nucléaires
dans divers traités et instruments, y compris celles selon lesquelles les
explosions nucléairessont ((capablesde causer des destructions massives,
des dommages généraliséo su un empoisonnement massif)) (accords de
Paris, 1954) ou encore le préambule du traité de Tlatelolco de 1967 qui

décritles armes nucléairescomme des armes
((dont les terribles effets atteignent sans distinction et sans merci les
forces arméeset la population civile, [et qui] constituent, vu la per-
sistance de la radioactivité qu'elles engendrent, une atteinteinté-
gritéde l'espècehumaine et risquent de rendre finalement toute la
terre inhabitable)).

Elle a noté aussi que les armes nucléaires libèrent non seulement
d'énormesquantités de chaleur et d'énergiemais aussi un rayonnement
puissant et prolongé, que les deux premières sources de dommages sont
bien plus puissantes qu'ellesne le sont dans le cas d'autres armes de des-
truction massive et que le phénomènedu rayonnement est considéré

comme ~articulier aux armes nucléaires.Vu ces caractéris1 ,ues. conclut
la Cour, l'arme nucléaire est potentiellementd'une nature catastrophique,
son pouvoir destructeur ne peut être endiguéni dans l'espace ni dans le
temps et elle a le pouvoir de détruiretoute civilisation ainsi que l'écosys-
tèmetout entier de la planète.
S'agissant des éléments de fait, la Cour a relevéque le rayonnement
libérépar une explosion nucléaireaurait des effets préjudiciables sur la
santé, l'agriculture,lesressources naturelles et la démographie,et cela sur
des espaces considérables,et que l'emploi d'armes nucléairesferait courir
les plus graves dangers aux générations futures. Le rayonnement ionisant
étaiten outre susceptible de porter atteinte'environnement, à la chaîne
alimentaire et à l'écosystèmemarin dans l'avenir, et de provoquer des

tares et des maladies chez les générations futures.
A cet égardégalement,le Gouvernementjaponais a dit à la Cour que
lesbombes atomiques larguéessur Hiroshima le 6 août 1945et sur Naga-
saki le 9 août 1945avaient une puissance équivalant respectivementà 15
et à 22 kilotonnes de TNT. L'ex~losion a uroduit une énorme boule de
feu et s'estaccompagnée detempératures extrêmementélevéesd ,e l'ordre
de quelques millions de degrés centigrades, ainsi que de pressions extrê-
mement élevéea sussi, de l'ordre de plusieurs centaines de milliers d'atmo-
sphères.Elle a dégagé aussin rayonnement considérable. Selon la déléga-
tion, la boulede feu qui a duréenviron dix secondes a portéla température
au sol,à l'hypocentre,àquelque 3000 à4000 degréscentigrades et la cha-
leur a wrovoaué l'incendie desbâtiments de bois dans un ravon de 3 kilo-

mètres environ a partir de l'hypocentre. Le nombre des maisons endom-
magées a étéde 70147 à Hiroshima et de 18409 à Nagasaki. Les
personnes qui se trouvaient àmoins de 1000mètres de l'hypocentre ont
été exposées à des rayonnements initiaux de 3,93 grays. On estime que
cinquante pour cent des personnes ayant été exposées à des rayonne-was emitted from the ground and buildings charged with radioactivity. In
addition, soot and dust contaminated by induced radiation was dispersed

into the air and whirled up into the stratosphere by the force of the explo-
sion, and this caused radioactive fallout back to the ground over several
months.

According to the delegation, the exact number of fatalities was not
known, since documents were scarce. It was estimated, however, that the
number of people who had died by the end of 1945amounted to approxi-
mately 140,000in Hiroshima and 74,000 in Nagasaki. The population of
the cities at that time was estimated at 350,000 in Hiroshima and 240,000
in Nagasaki. The number of people who died of thermal radiation imme-
diately after the bomb blast, on the same day or within a few days, was
not clear. However, 90 to 100per cent of the people who were exposed to
thermal radiation without any shield within 1 kilometre of the hypo-
centre, died within a week. The early mortality rates for the people who
werewithin 1.5kilometre to 2 kilometres of the hypocentre were 14per cent
for people with a shield and 83 per cent for the people without a shield.
In addition to direct injury from the bomb blast, death was caused by

several interrelated factors such as being crushed or buried under build-
ings, injuries caused by splinters of glass, radiationamage, food short-
ages or a shortage of doctors and medicines.

Over 320,000 people who survived but were affected by radiation still
suffer from various malignant tumours caused by radiation, including
leukaemia, thyroid cancer, breast cancer, lung cancer, gastric cancer,
cataracts and a variety of other after-effects. More than half a century
after the disaster, they are stillid to be undergoing medical examina-
tions and treatment.
According to the Mayor of Hiroshima who made a statement before
the Court, the atomic bomb which was detonated in Hiroshima produced
an enormous destructive power and reduced innocent civilian popula-
tions to ashes. Women, the elderly and the newborn were said to have
been bathed in deadly radiation. The Court was told that the dropping of

the bomb unleashed a mushroom cloud and human skin was burned raw
while other victims died in desperate agony. The Mayor further told the
Court that when the bomb exploded, enormous pillars of flame leaped up
towards the sky and a majority of the buildings crumbled, causing a large
number of casualties, many of them fatal.
Later in his statement he described the unique characteristic of the
atomic bombing as one whose enormous destruction was instantaneous
and universal. Old, Young,male, female, soldiers, civilians were al1killed
indiscviminately.The entire city of Hiroshima, he said, had been exposed
to thermal rays, shock-wave blast and radiation. The bomb purportedly
generated heat that reached several million degrees centigrade. The fire- MENACE OU EMPLOID'ARMESNUCLÉAIRES (OP.DISS. OROMA) 567

ments de plus de 3 grays sont décédées des suitese lésions médullaires
dans les deux mois. Le sol et les bâtiments touchés par la radioactivité
ont eux-mêmes émis des rayonnements. En outre la suie et la poussière
contaminéespar radio-induction se sont disperséesdans l'air et ont tour-
billonnéjusqu'à la stratosphère sous l'effet de l'explosion, ce qui a pro-
voquédes retombées radioactives sur le sol pendant plusieurs mois.
Selon la délégation,la raretédes documents ne permet pas de connaître
le nombre exact des victimes. On a estimécependant le nombre des per-
sonnes décédéeasvant la fin de 1945 environ 140000pour Hiroshima et

74000 pour Nagasaki, la population de ces deux villes étant évaluéeà
l'époquerespectivement à 350000 et 240000 habitants. Le nombre des
personnes décédées des suites dersayonnements thermiques immédiate-
ment après l'explosion, le mêmejour ou dans les quelques jours qui ont
suivi est incertain. Néanmoins 90 100 % des Dersonnes ex~oséesà des
rayonnements thermiques sans aucune protection à moins d'un kilo-
mètre de l'hypocentre sont décédées enmoins d'une semaine. Peu après
l'explosion, le taux de mortalité des personnes qui s'étaient trouvées
une distance d'un kilomètre et demià deux kilomètres de l'hypocentre
étaitde 14 % pour celles qui avaient disposéd'une protection et de%83
pour cellesqui n'en avaient pas eu. Indépendamment des personnes décé-

dées des suites directesde l'explosion, d'autres sont décédsar l'effet
combiné deplusieurs facteurs: écraséesou enterrées sousdes bâtiments,
blesséespar des éclatsde verre, exposéeses rayonnements ou encore en
raison de la pénurie alimentaire ou du manque de médecinsou de médi-
caments.
Plus de trois cent vingt mille personnes parmi les survivants irradiés
continuent àsouffrir de tumeurs malignes dues aux rayonnements, et no-
tamment de leucémie,de cancer de la thyroïde, de cancer du sein, de can-
cer du poumon, de cancer de l'estomac, de cataracte et de diverses autres
séquelles. Plus d'un demi-siècle après la catastrophe, elles continuent,
nous dit-on,à subir des examens médicauxet à suivre un traitement.

D'après le maire d'Hiroshima, qui a fait une déclaration devant la
Cour, la bombe atomique qui a exploséà Hiroshima avait une puissance
de destruction énorme et a réduiten cendres des populations civilesinno-
centes. Femmes, vieillards et nouveau-nés baignaient, a-t-il dit, dans des
rayonnements mortels. Le largage de la bombe, a-t-il ajouté, aprovoqué
un nuage en forme de champignon, la peau d'êtres humains a brûlévive
et d'autres victimes ont connu une atroce agonie. Le maire a dit encore
la Cour qu'au moment de l'explosion d'énormes colonnes defeu s'étaient
élevéevsers le ciel et que la majoritédes bâtiments s'étaiteffondrée,cau-
sant de nombreuses victimes dontbeau cou^ sont mortes.
Dans un autre passage de son exposé,le maire a dit que ce qui carac-

térisaitle bombardement atomique et en faisait quelque chose d'unique
tenaità ce que l'énorme destructionqu'il provoquait était instantanée et
universelle. Les vieux, lesjeunes, les hommes, les femmes, les soldats, les
civils, tous sont tuésans distinction. Toute la ville d'Hiroshima a été
exposée à des rayons thermiques,à l'onde de choc de l'explosion et auxball was about 280 metres in diameter, the thermal rays emanating from

it were thought to have instantly charred any human being who was out-
doors near the hypocentre. The witness further disclosed that according
to documented cases, clothing had burst into flames at a distance of
2 kilometres from the hypocentre of the bomb; many fires were ignited
simultaneously throughout the city ; the entire city was carbonized and
reduced to ashes. Yet another phenomenon was a shock-wave which
inflicted even greater damage when it ricocheted off the ground and
buildings. The blast wind which resulted had, he said, lifted and carried
people through the air. Al1wooden buildings within a radius of 2 kilo-
metres collapsed, while many well beyond that distance were damaged.

The blast and thermal rays combined to burn to ashes or cause the col-
lapse of approximately 70 per cent of the 76,327 dwellings in Hiroshima
at the time. The rest were partially destroyed, half-bombed or damaged.
The entire city was said to have been instantly devastated by the drop-
ping of the bomb.

On the day the bomb was dropped, the witness further disclosed that
there were approximately 350,000 people in Hiroshima, but it was later
estimated that some 140,000had died by the end of December 1945.Hos-
pital~were said to be in ruins with medical staff dead or injured and with
no medicines or equipment, and an incredible number of victims died,
unable to receive sufficient treatment. Survivors developed fever, diar-
rhoea, haemorrhaging, and extreme fatigue, many died abruptly. Such
was said to be the pattern of the acute symptoms of the atomic bomb
disease. Other consequences were a widespread destruction of cells, loss
of blood-producing tissue, and organ damage. The immune systems of
survivors were weakened and such symptoms as hair loss were conspic-
uous. Other experiencesrecorded were an increase in leukaemia, cataracts,
thyroid cancer, breast cancer, lung cancer and other cancers. As a result
of the bombing, children exposed to radiation suffered mental and physi-
cal retardation. Nothing could be done for these children medically and
even unborn babies, the Mayor stated, had been affected. He concluded
by saying that exposure to high levels of radiation continues in Hiro-
shima to this day.

The Mayor of Nagasaki, in his testimony, described effects on his city
that were similar to those experienced by Hiroshima as a result of the
atomic bombing which had taken place during the war. According to the
witness,

"The explosion of the atomic bomb generated an enormous fire-
ball, 200metres in radius, almost as though a smallsun had appeared
in the sky. The next instant, a ferocious blast and wave of heat MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 568

rayonnements. La bombe a semble-t-il dégagéune chaleur qui a atteint
plusieurs millions de degréscentigrades. La boule de feu avait environ
280 mètres de diamètre et l'on pense que les rayons thermiques qui en
émanaient ont brûléinstantanément tout êtrehumain qui se trouvait à
l'extérieurprès de l'hypocentre. Le témoin arévélé en outre, sur la base
de cas avérésq, ue des vêtements avaient prisfeu 2 kilomètres de l'hypo-
centre et que de nombreux feux s'étaient allumés simultanément un peu
Dartout: toute la ville a étécarbonisée et réduite en cendres. Un autre
phénomène a été l'onde de choc qui a infligédes dommages encore plus
grands en ricochant sur le sol et sur des bâtiments. La déflagrationqui a
suivi a soulevéet porté les gens en l'air. Tous les édificesen bois dans un
rayon de deux kilomètres se sont effondrés etbeaucoup, bien plus éloi-

gnésencore, ont étéendommagés.
La déflagrationet les rayons thermiques se sont combinéspour réduire
en cendres ou faire écrouler soixante-dix pour cent des soixante-seize
mille trois cent vingt-sept habitations qu'Hiroshima comptait l'époque.
Les autres ont été~artiellement détruitesàdemi sinistréesou endomma-
gées.On a dit que la ville avait été dévasiestantanément par le largage
de la bombe.
Le témoina indiqué quele jour de l'explosion de la bombe, il y avait
trois cent cinquante mille habitantsà Hiroshima, mais on a estimé plus
tard que cent quarante mille environ étaientmorts avant la fin décembre
1945. Les hôpitaux étaient en ruine, leur personnel médical mort ou
blessé,sans médicaments et sanséquipement; un nombre incroyable de
victimes étaient mortes faute d'avoir pu recevoir le traitement dont elles
avaient besoin. Les survivants souffraient de fièvre,de diarrhée, d'hémor-

ragies et d'une extrême fatigue et beaucoupdécédaient rusquement. C'est
ainsi, a-t-on dit, que se présentaientles symptômes aigus de la maladie de
la bombe atomique dont d'autres conséquences étaientune destruction
généraliséedes cellules,unpeerte des tissus hématopoïétiqueset une dété-
rioration organique. Le systèmeimmunitaire des survivants était affaibli
et1'01-v1oyait se manifester des symptômes trèsapparents comme l'alopé-
cie. On a enregistré égalementune multiplication des cas de leucémie,de
cataractes, de cancers et entre autres de cancers de la thyroïde, du sein et
des poumons. A la suite du bombardement, des enfants exposésaux
rayonnements ont souffert d'un retard mental et physique. On n'a rien pu
faire pour eux sur le plan médical et même des bébés à naître ont été
atteints. Le maire a conclu en disant qu'aujourd'hui encore des habitants
d'Hiroshima sont exposés àdes niveaux élevés de rayonnement.
Le maire de Nagasaki a décritdans son témoignage les effetsqu'avait

eus sur sa ville le bombardement atomique survenu pendant la guerre,
qui étaientsimilaires ceux qu'Hiroshima avait connus. Selon ce témoin :

«L'explosiondela bombe atomique a donnélieu à une énorme boule
de feu, de 200 mètresde rayon, presque comme si un petit soleilétait
apparu dans le ciel. L'instant d'après, une déflagration fantastiete assailed the ground with a thunderous roar. The surface temperature
of the fireball was about 7,000"C, and the heat rays that reached the
ground were over 3,000"C. The explosion instantly killed or injured
people within a two-kilometre radius of the hypocentre, leaving
innumerable corpses charred like clumps of charcoal and scattered
in the ruins near the hypocentre. In some cases not even a trace of
the iserson's remains could be found. The blast wind of over
300 ketres per second slapped down trees and demolished rnost
buildings. Even iron reinforced concrete structures were so badly
damaged that they seemed to have been smashed by a giant hammer.
The fierceflash of heat meanwhilemelted glass and left metal objects
contorted like strands of taffy, and the subsequent fires burned the
ruins of the city to ashes. Nagasaki became a city of death where not
even the sounds of insects could be heard. After a while. countless
men, women and children began to gather for a drink of dater at the
banks of nearby Urakami River, their hair and clothing scorched

and their burnt skin hanging off in sheetslike rags. Beggingfor help,
they died one after another in the water or in heaps on the banks.
Then radiation began to take its toll, killing people like a scourge of
death expanding in concentric circles from the hypocentre. Four
months after the atomic bombing, 74,000 people were dead and
75,000had sufferedinjuries, that is, two-thirds of the city population
had fallen victim to this calamity that came upon Nagasaki like a
preview of the Apocalypse." (CR95127, p. 38.)

The witness went on to state that even people who were lucky enough
to survive continued to this day to suffer from the late effects unique to
nuclear weapons. Nuclear weapons, he concluded, bring in their wake the
indiscriminate devastation of civilian populations.

Testimony was also given by the delegation of the Marshall Islands
which was the site of 67 nuclear weapons tests from 30June to 18August
1958, during the period of the United Nations Pacific Islands territories
trusteeship. The total yield ofhose weapons was said to be equivalent to
more than 7,000 bombs of the size of that which destroyed Hiroshima.
Those nuclear weapon tests were said to have caused extensive radiation,
induced illnesses,deaths and birth defects. Further on in the testimony,it
was disclosed that human suffering and damage to the environment
occurred at great distances, both in time and in geography, from the sites
of detonations even when an effort was made to avoid or mitigate harm.
The delegation went on to inform the Court that the unique characteris-
tics of nuclear weapons are that they cause unnecessary suffering and

include not only widespread, extensive, radioactive contamination with
cumulative adverse effects, but also locally intense radiation with severe, MENACE OU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 569

une vague de chaleur ont touchéle sol dans un bruit de tonnerre. La
température à la surface de la boule de feu était d'environ7000degrés
centigrades et les rayons de chaleur qui ont atteint le sol dépassaient
3000degrés. L'explosiona immédiatement tué oublessé lespersonnes
qui se trouvaient dans un rayon de 2 kilomètres à partir de l'hypo-
centre, laissant d'innombrables cadavres carboniséscomme des mor-
ceaux de bois au milieu des ruines. Dans certains cas, on n'a même

pas pu retrouver la moindre trace des restesde cadavres. Le soufflequi
dépassait300 mètres à la seconde a aplati les arbres et démolila plu-
part des bâtiments. Mêmeles constructions en béton arméont étési
endommagéesqu'elles semblaient avoir étéécraséespar un gigan-
tesque marteau. Le violent éclairde chaleur avait en mêmetemps
fait fondre le verre, déforméles objets métalliquescomme de la gui-
mauve et les incendies qui se sont ensuite allumésont réduiten cen-
dres les ruines de la ville. Nagasaki est devenue une ville morte où
l'on n'entendait mêmepas de bruits d'insectes. Peu après, d'innom-
brables hommes, femmes et enfants ont commencé à se grouper sur
les rives de17Urakamitout proche pour y boire; leurs cheveux et
leurs vêtementsétaientbrûlés,leur peau brûléependait en lambeaux

comme des guenilles. Implorant de l'aide, ils sont morts l'un après
l'autre dans l'eau ou par monceaux sur les rives. Puis les radiations
ont commencé leursravages, tuant les gens comme un fléaumortel
qui se répandait en cercles concentriques à partir de l'hypocentre.
Quatre mois après le bombardement atomique, soixante-quatorze
mille personnes étaient mortes et soixante-quinze mille blessées,
autrement dit, les deux tiers de la population de la ville avaitvic-
time de cette calamitéqui s'estabattue sur Nagasaki comme une pré-
misse de l'Apocalypse.» (CR95127, p. 38.) ,

Le témoin a poursuivi en disant que même ceuxqui avaient eu la
chance de survivre continuaient jusqu'à maintenant à souffrir des sé-
quelles qui caractérisent les armes nucléaires.Les armes nucléaires, a-t-il
conclu, apportent avec elles la destruction sans distinction des popula-
tions civiles.
La Cour a aussi entendu le témoignage de la délégatiodnesIles Marshall
où avaient eu lieu soixante-sept essais nucléairesentre le 30 juin et le
18 août 1958, à l'époqueoù elles faisaient partie du territoire des Iles du
Pacifique placésous la tutelle des Nations Unies. On a dit que la puissance

totale de cesarmes équivalaitàplus de septmillebombes de la taille de celle
qui avait anéantiHiroshima. Ces essais avaient causédes maladies radio-
induites, des décèset des malformations congénitales.On a indiqué plus
tard que, mêmequand les explosions avaient lieu à de grandes distances,
dans le temps et l'espace, elles pouvaient entraîner des souffrances pour
l'homme et causer des dommages à l'environnement, mêmesi 1'011 s'effor-
çait de les éviter ou deles atténuer.Poursuivant son témoignage,la déléga-
tion a informé laCour que les armes nucléairesont des caractéristiques
qui leur sont propres- ellescausent desmaux superflus,elles nesebornent
pas à une contamination radioactive très vaste et très étendueayant des

347immediate and long-term adverse effects, far-reaching blasts, heat, and

light resulting in acute injuries and chronic ailments. Permanent, as well
as temporary, blindness from intense light and reduced immunity from
radiation exposures were said to be common and unavoidable conse-
quences of the use of nuclear weapons, but which were uncommon or
absent from the use of other destructive devices.

The delegation further disclosed that birth defects and extraordinarily
prolonged and painful illnesses caused by the radioactive fallout inevi-
tably and profoundly affected the civilian population long after the
nuclear weapons tests had been carried out. Such suffering had affected
generations born long after the testing ofsuch weapons. It went on to say
that, apart from the immediate damage at and near ground zero (where
the detonation took place), the area experienced contamination of ani-
mals and plants and the poisoning of soi1and water. As a consequence,
some of the islands were still abandoned and in those that had recently

been resettled, the presence of caesium in plants from the radioactivefall-
out rendered them inedible. Women on some of the other atolls in the
islands who had been assured that their atolls were not affected by radia-
tion were said to have given birth to "monster babies". A young girl on
one of these atolls was said to have no knees, three toes on each foot and
a missing arm; her mother had not been born by 1954 when the tests
started but had been raised on a contaminated atoll.

In the light of the foregoing the Court, as well astaking cognizance of
the unique characteristics of nuclear weapons when used, reached the fol-
lowing conclusions; that nuclear weapons have a destructive capacity un-
matched by any conventional weapon; that a single nuclear weapon has
the capacity to kill thousands if not millions ofhuman beings; that such
weapons cause unnecessary suffering and superfluous injury to comba-
tants and non-combatants alike; and that they are unable to distinguish
between civilians and combatants. When recourse is had to such weap-
ons, it can cause damage to generations unborn and produce widespread
and long-term effects on the environment, particularly in respect of

resources necessary for human survival. In this connection, it should be
noted that the radioactive effects ofsuch weapons are not only similar to
the effects produced by the use of poison gas which would be in violation
of the 1925Geneva Gas Protocol, but are considered even more harmful.

The above findings by the Court should have led it inexorably to con-
clude that any use of nuclear weapons is unlawful under international
law, in particular the law applicable in armed conflict including humani-
tarian law. However, instead of this, the Court found that: MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 570

conséquencesnéfastes cumulativem s ais ellesgénèrent aussi localemetes
rayonnements intensesayant des effets nocifs graves, immédiats età long
terme, des déflagrations de grande ampleur, de la chaleur et de la lumière,
ce qui provoque des lésionsimportantes et des maladies chroniques. La
cécitépermanente ou temporaire résultant de l'exposition à la lumière
intense et l'affaiblissement de l'immunité facaux rayonnements étaient
les conséquences courantes et inévitables de l'emploi d'armes nucléaires,
conséquences raresou inexistantes si l'on utilisaitd'autres engins de des-
truction.
La délégationdes Iles Marshall a indiqué aussique des malformations
congénitales etdes maladies extrêmement douloureuseset de très longue
durée dues aux retombées radioactives avaienp trofondément affecté la
population civile,ce qui étaitinévitable, longtemps aprle moment où les

essais nucléaires avaient eu lieu.Ces maux avaient frappédes générations
d'insulairesnées bienaprèsles essais. En dehors des dommages immédiats
causésau point zéro(où l'explosion s'étaitproduite) ou dans son voisi-
nage, c'estdans toute la zone que la flore et la faune ont été contaminées,
et le sol et l'eau empoisonnés.En conséquence, certainesdes îles étaient
toujours abandonnées et dans celles où la population s'était récemment
réinstallée, la présence de césiupmrovenant des retombées radioactives
dans les plantes rendait celles-ci impropresà la consommation. On a
signaléque des femmes habitant certains atolls età qui l'on avait donné
l'assuranceque leur atoll ne serait pas touchépar lesrayonnements avaient
donnénaissance à des «monstres». On a dit qu'une fillette de l'un deces
atolls n'avait pasde genoux, qu'elleavait trois doàgchaque pied etqu'il
lui manquait un bras. Sa mère n'était pas encore née e1 n954quand les
essais ont débutémais elle avait étélevéesur un atoll contaminé.

Eu égard àce qui précèdeet tenant compte des caractéristiquespropres
à l'arme nucléairequand elle est utilisée, laCour a abouti aux conclu-
sions suivantes:l'arme nucléairepossèdeune puissance destructrice bien
supérieure àcellede n'importe quelle arme classique; une arme nucléaire
est capable de tuer à elle seule des milliers, voire des millions d'êtres
humains; elle cause des souffrances inutiles et des maux superflus aux
combattants comme aux non-combattants; elle est incapable de faire la
distinction entre civilset combattants. L'emploi de l'arme nucléairepeut
causer des dommages aux générations futures,et avoir des incidences
généralisée est long terme sur l'environnement, en particulier sur lesres-
sources nécessairesàla survie de l'homme. Acet égard,on doit noter que
les effets de cette arme ne sont pas seulement similaiàeceux qui résul-
tent de l'usage de gaz toxiques, qui violeraient le protocole de Genèvede

1925sur les gaz, ils sont considércomme encore plus nuisibles enraison
de leur radioactivité.
Les constatations qui précèdentauraient dû nécessairementamener la
Cour à conclure que tout emploi d'armes nucléaires est illicite endroit
international et contraire en particulier au droit applicable dans les
conflits armés, y comprisau droit humanitaire. Au lieu de cela, la Cour a
dit: "in view ofthe current state of international law, and of the elements
of fact at its disposal, the Court cannot conclude definitivelywhether
the threat or use of nuclear weapons would be lawful or unlawful in
an extreme circumstance of self-defence, in which the very survival
of a State would be at stake" (paragraph 2E of the dispositzf).

This finding that would appear to suggest that nuclear weapons when

used in circumstances of a threat to "State survival" - a concept invented
by the Court - would constitute an exception to the corpus of humani-
tarian law which applies in al1armed conflicts and makes no exception
for nuclear weapons. In iny considered opinion, the unlawfulness of the
use of nuclear weapons is not predicated on the circumstances in which
the use takes place, but rather on the unique and established character-
istics of those weapons which under any circumstance would violate
international law by their use. It is therefore most inappropriate for the
Court's finding to have turned on the question of State survival when
what is in issue is the lawfulness of nuclear weapons. Such a misconcep-
tion of the question deprives the Court's finding of any legal basis.

On the other hand, if the Court had properly perceived the question
and intended to give an appropriate reply, it would have found that an
overwhelmingjustification exists on the basis of the law and the facts,
which would have enabled it to reach a finding that the use of nuclear
weapons in any circumstance would be unlawful. The Court's failure to
reach this inevitable conclusion has compelled me to enter a vigorous dis-
sent to its main findinr".
1am likewiseconstrained to mention various other, more general, mis-
givingswith regard to the Advisory Opinion on the whole. While the pur-
pose of the Court's advisory jurisdiction is to provide an authoritative
legal opinion and to enlighten the requesting body on certain legal
aspects of an issue with which it has to deal when discharging its func-

tions, the devicehas also been used to secureauthoritative interpretations
of the provisions of the Charter or the constitutive instruments of spe-
cialized agencies,or to provide guidance to various organs of the United
Nations in relation to their functions. Furthermore. althourrh t"e advi-
sory opinions of the Court are not legally binding and impose no legal
obligations either upon the requesting body or upon States, such opin-
ions are nonetheless not devoid of effect as they remain the law "recog-
nized by the United Nations" (Admissibility of Hearings of Petitioners
by the Cornmittee on South West Africa, I.C.J. Reports 1956, separate
opinion of Judge Lauterpacht, p. 46). Accordingly, this Court has, on
various occasions, used its advisory jurisdiction as a medium of partici-
pation in the work of the United Nations, helping the Organization to

achieve its objectives. Advisory opinions have enabled the Court to con-
tribute meaningfully to the development and crystallization of the law.
For example, in the Namibia Advisory Opinion, the Court referred to the MENACEOU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISS.KOROMA) 571

«Au vu de l'état actueldu droit international, ainsi que des élé-
ments de fait dont elle dispose, la Cour ne peut cependant conclure
de façon définitiveque la menace ou l'emploi d'armes nucléaires
serait licite ou illicite dans une circonstance extrême de légitime
défensedans laquelle la survie mêmed'un Etat serait en cause.»
(Paragraphe 2 du dispositif, alinéa E.)

Cette conclusion paraît laisser entendre que, quand des armes nucléaires
sont utiliséesdans un cas où la ((surviede l'Etat» est menacée- conce~t

inventépar la Cour - cet emploi constituerait une exception au corpus
de règlesdu droit humanitaire qui s'applique dans tous les conflits armés
et n'admet aucune exception dans le cas des armes nucléaires. Après
avoir mûrement réfléchi, j'estimeque l'illicéité de l'utilisation d'armes
nucléaires ne dépendpas des circonstances de cette utilisation mais
résulte des caractéristiques uniques etbien connues de ces armes dont
l'emploi violerait le droit international quelles que soient les circons-
tances. Il est donc touà fait inopportun que la conclusion de la Cour soit
axéesur la question de la surviede 1'Etatalors que la question qui sepose
est cellede la licéité darmes nucléaires.Cette interprétation erronée de
la question prive la conclusion de la Cour de toute base juridique.

Si en revanche la Cour avait bien perçu la question et voulu apporter
une réponseappropriée, elle aurait constaté que, sur la base du droit et
des faits, elle pouvait très légitimement conclureà l'illicéitde l'emploi
d'armes nucléairesen toute circonstance. Le fait que la Cour ne soit pas
parvenue à cette constatation inévitable m'oblige à me dissocier ferme-
ment de sa conclusion principale.

Je me sens égalementtenu de mentionner certains doutes, plus géné-
raux, quej'éprouveau sujet de l'avis consultatif dans son ensemble.Alors
que l'objet des attributions consultatives de la Cour est de donner un avis
juridique faisant autorité à l'organe qui le lui demande sur certains
aspects d'une question dont il a à connaître dans l'exercicede ses fonc-

tions, on a aussi utilisécemécanisme soitpour obtenir une interprétation
autorisée des dis~ositions de la Charte ou des instruments constitutifs des
institutions spécialiséessoit pour donner des orientations à divers or-
ganes des Nations Unies concernant leurs fonctions. De plus, bien que les
avis consultatifs de la Cour ne soient pas juridiquement contraignants et
n'imposent aucune obligation en droit ni à l'organe demandeur ni aux
Etats, ils ne sont pas pour autant privés d'effetscar ils restent la loi
((reconnuepar lesNations Unies)) (Admissibilitéde l'auditiondepétition-
nairespar le Comitédu Sud-Ouest africain, C.I.J. Recueil 1956, opinion
individuelle de sir Hersch Lauterpacht, p. 46). Il en résulte que laCour

actuelle a à diverses reprises eu recours à sa compétence consultative
comme moyen de participer aux travaux de l'Organisation des Nations
Unies, aidant celle-cià atteindre ses objectifs. Les avis consultatifs ont
mis la Cour en mesure de contribuer utilement au développementet à la
cristallisation du droit. C'est ainsi que, dans son avis consultatif sur ladevelopment "of international law in regard to non-self-governing terri-

tories, as enshrined in the Charter of the United Nations" (Legal Conse-
quencesfor States of the Continued Presence of South Africa in Namibia
(South West Africa) notwithstanding Security Council Resolution 276
(1970), I.C.J. Reports 1971, p. 31), which made the principle of self-
determination applicable to such territories.

In its Advisory Opinion on the Western Sahara, the Court, citing the
Namibia Opinion in relation to the principle of self-determination, stated
that when questions are asked with reference to that principle, the Court
"'must take into consideration the changes which have occurred in

the supervening half-century, and its interpretation cannot remain
unaffected by the subsequent development of law, through the Char-
ter of the United Nations and by way of customary law'.

'In this domain, as elsewhere, the corpus iuris gentium has been
considerably enriched, and this the Court, if it is faithfully to dis-
charge its functions, may not ignore."' (I.C.J. Reports 1975, p. 32,
para. 56.)

The Court's Opinion in the case accordingly referred to Article 1 of the
United Nations Charter and to the Declaration on the Granting of Inde-
pendence to Colonial Countries and Peoples which, it said, "confirm and
emphasize that the application of the right of self-determination requires
a free and genuine expression of the will of the peoples concerned"
(I.C.J. Reports 1975, p. 32, para. 55). Moreover, the Court insisted that
"The validity of the principle of self-determination, defined as the

need to pay regard to the freely expressed will of peoples is not
affected by the fact that in certain cases the General Assembly has
dispensed with the requirement of consulting the inhabitants of a
given territory." (Ibid., p. 33, para. 59.)
It can therefore be observed that through the medium of its advisory
opinions, the Court has rendered normative decisions which have enabled
the United Nations to achieve its objectives, in some cases even leading
to the peaceful settlement of disputes, and has either contributed to
the crystallization and development of the law or, with its imprimatur,
affirmed the emergence of the law.

It is therefore to be regretted that, on this occasion, the Court would
seem not only to have retreated from this practice of making itscontribu-
tion to the development of the law on a matter of such vital importance
to the General Assembly and to the international community as a whole
but may, albeit unintentionally, have cast doubt on established or emer-
ging rules of international law. Indeed, much of the approach of the Court
in this Opinion is indicative of this attitude. When not looking for spe-
cifictreaties or customary law rules supposed to regulate or prohibit the
use of nuclear weapons, the Court has tended to declare either that it isNamibie, la Cour a évoquél'évolutiondu ((droit international à l'égard
des territoires non autonomes, tel qu'il est consacrépar la Charte des
Nations Unies)) (Conséquencesjuridiques pour lesEtats de la présence
continue del'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant
la résolution276 (1970) du Conseil de sécurité,C.I.J. Recueil 1971,
p. 31), qui a fait de l'autodétermination un principe applicabàetous ces
territoires.
Dans son avis consultatif sur le Sahara occidental,la Cour, citant l'avis
relatifà la Namibie à propos du principe de l'autodétermination, a dit
que, si on lui pose des questions au sujet de ce principe, elle

«doit prendre en considérationlestransformations survenues dans le
demi-sièclequi a suivi et son interprétation ne peut manquer de tenir
compte de l'évolutionque le droit a ultérieurementconnue grâce à la
Charte des Nations Unies et à la coutume)).

Dans ce domaine comme dans les autres, le corpus juris gentium

s'estbeaucoup enrichi et, pour pouvoir s'acquitter fidèlementde ses
fonctions, la Cour ne peut l'ignorer.)) (C.I.J.Recuei1 1975, p. 32,
par. 56.)
L'avis de la Cour dans cette affaire a donc renvoyé à l'article 1 de la
Charte ainsi qu'à la déclarationsur l'octroi de l'indépendanceaux pays et
aux peuples coloniaux qui, a-t-elle dit, ((confirment et soulignent.que

l'application du droità l'autodétermination suppose l'expressionlibre et
authentique de la volontédes peuples intéressés)) (C.Z.J. Recueil 1975,
p. 32, par. 55). La Cour a souligné enoutre que
«La validitédu principe d'autodétermination,définicommerépon-
dant à la nécessitéde respecter la volonté librement exprimée des
peuples, n'estpas diminuéepar le fait que dans certains cas 1'Assem-
blée généralne'a pas cru devoir exiger la consultation des habitants

de tel ou tel territoire.)) (Ibid., p. 33, par. 59.)
On peut donc relever que la Cour a rendu, au moyen de ses avis consul-
tatifs, des décisionsnormatives qui ont permis aux Nations Unies d'at-
teindre leurs objectifs, et dans quelques cas ont abouti à un règlement
pacifique de différends, et qu'ellea soit contribuéà la cristallisation et
au développementdu droit soit, en donnant son imprimatur, consacré
l'émergencedu droit.

Il faut cependant regretter en l'espèceque non seulement la Cour soit
revenue sur la pratique consistantà apporter sa contribution au dévelop-
pementdu droit dans un domaine d'unesi grandeimportancepour I'Assem-
bléegénérale et lacommunauté internationale dans son ensemble, mais
encore qu'elleaitjeté,peut-être sanslevouloir, un doute sur des règleséta-
bliesou émergentesdu droit international. Cette attitude expliqueen grande
partie la démarchesuiviepar la Cour dans son avis consultatif. Lorsqu'elle
ne recherchait pas des règlescoutumièresou conventionnelles spécifiques
censéesréglementer ou interdirel'emploid'armes nucléaires, laCour a eunot called upon to make a finding on the matter or that it is not necessary
for it to take a position. For instance, regarding the matter of whether
the principles and rules of humanitarian law are part of jus cogens as
defined in Article 53 of the Vienna Convention on the Law of Treaties of
1969, the Court stated that there is no need for it to pronounce on the
matter even though there is almost universal adherence to the fact that

the Geneva Conventions of 1949 are declaratory of customary interna-
tional law, and there is community interest and consensus in the obser-
vance of and respect for their provisions. A pronouncement of the Court
emphasizing their humanitarian underpinnings and the fact that they are
dee~Av2ooted in the traditions and values of member States of the inter-
national community and deserve universal respect and protection, and
not to be derogated from by States would assist in strengthening their
legal observance especially in an era which has so often witnessed the
most serious and egregiousviolation of humanitarian principles and rules

and whose very raison d'êtreis irreconcilable with the use of nuclear
weapons. This has been part of the judicial function of the Court - the
establishment of international leual standards for the communitv of
States and, in particular, for those that appear before it or are parties to
itsStatute. In the establishment of such legal standards, the Court, in the
Reservations case, referred to the principles underlying the Convention
on the Prohibition of Genocide as principles which are recognized by
civilized nations "as binding on States, even without any conventional
obligation" (Reservations to the Convention on the Prevention and Pun-
ishment of the Crime of Genocide,I.C.J. Reports 1951, p. 23). It also rec-

ognized the CO-operationrequired by the Convention "in order to liber-
ate mankind from such an odious scourge . . ."(ibid.). The Court noted
that the Convention was adopted for a purely humanitarian and civiliz-
ing purpose, "to safeguard the very existence of certain human groups
and ... to confirm and endorse the most elementary principles of moral-
ity" (ibid.). In the Corfu Channel case, the Court referred to "certain
general and well-recognized principles, namely: elementary considera-
tions of humanity, even more exacting in peace than in war" (I.C.J.
Reports 1949, p. 22). Such pronouncements would undoubtedly have
helped to foster a proper sense of restraint within the international com-

munity. In the Barcelona Traction case, the Court in discussing the obli-
gations of States towards the international community stated that such
obligations are ergo omnes and

"derive, for example, in contemporary international law, from the
outlawing of acts of aggression, and of genocide, as also from the
principles and rules concerning the basic rights of the human person,
including protection from slavery and racial discrimination. Some of
the corresponding rights of protection have entered into the body of
general international law .. ."(Barcelona Traction, Light and Power

Company, Limited, I. C.J. Reports 1970, p. 32, para. 34).tendance àdire soit qu'ellen'était pas appeléese prononcer en la matière
soit qu'il n'était psécessaire qu'ellprenne position. Ainsisur la question
de savoir si les principes et règlesdu droit humanitaire font partie duus
cogens tel qu'ila étdéfini àl'article53de la convention deViennede 1969
sur le droit des traités, laCour a déclane pas avoir à seprononcer sur ce
point bien que l'on admette quasi universellementque les conventions de
Genèvede 1949sont déclaratoires dudroit international coutumier et que
l'observation et lerespect de leurs dispositions répondeàtl'intérêctollectif
et bénéficiendt'un consensus de lapart de la communauté.Une conclusion
de la Cour soulignant les fondements humanitaires de ces dispositions, le
fait qu'ellessont profondément enracinéed sans les traditions et les valeurs

des Etats membres de la communautéinternationale et qu'ellesméritent
d'êtrerespectéeset protégées universellement sans que les Etats puissent
dérogercontribuerait àrenforcer l'application juridiquede cesdispositions,
tout spécialement à une époquequi a été sisouvent letémoindesviolations
les plus graves et les plus flagrantes des principes et des règlesdu droit
humanitaire - dont la raison d'êtrest inconciliableavec l'emploi d'armes
nucléaires.Il relèvede la fonction judiciaire de laCour de fixerdes normes
juridiques internationales pour la communautédes Etats et en particulier
pour ceux qui se présententdevant elle ou sont parties à son Statut. Pour
établir detelles normes, la Cour a dit, dans l'affaire des Réserves à la
conventionpour lapréventionet la répression du crime degénocide, que les
principes qui sont la base de cette convention sont des principes reconnus
par les nations civilisées«comme obligeant les Etats mêmeen dehors de
tout lienconventionnel))(C.I.J. Recueil1951,p. 23). Ellea mentionné aussi

la coopérationnécessairequ'exigeait la convention«pour libérer I'huma-
nitéd'un fléauaussi odieux)) (ibid.). La Cour a notéque la convention
avait étéadoptée dansun but purement humanitaire et civilisateur((pour
sauvegarder l'existence même de certains groupes humains, ...confirmer
et ..sanctionnerlesprincipesde morale lesplus élémentaires)()ibid.). Dans
l'affaire duDétroitde Corfou, la Cour s'est référé àe((certains principes
généraux eb tien reconnus,telsque desconsidérations élémentairesd'huma-
nité,plus absolues encoreen temps de paix qu'en tempsde guerre» (C.I.J.
Recueil 1949, p. 22). De telles constatations auraient sans aucun doute
contribué à encourager la communautéinternationale à faire preuve de
modération. Dansl'affaire de laBarcelonaTraction,la Cour a dit, à propos
des obligations des Etats envers la communautéinternationale, qu'ils'agis-
sait d'obligationserga omnes qui

«découlent par exemple, dans le droit international contemporain,
de la mise hors la loi des actes d'agression et de génocidemais aussi
des principes et des règlesconcernant les droits fondamentaux de la
personne humaine, y compris la protection contre la pratique de
l'esclavageet la discrimination raciale. Certains droits de protection
correspondants se sont intégrésau droit international général...))
(Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, C.I.J.
Recueil 1970, p. 32, par. 34.) In the case under consideration, the Court would appear to have been
al1too reluctant to take a position of principle on a question involving
what the late Judge Nagendra Singh has described as the most important
aspect of international law facing humanity today (Nuclear Weaponsand
International Law, p. 17). Instead, the Court would seem to have
attempted to overcome this fundamental issue about thejus cogens char-
acter of some of the principles and rules of humanitarian law by saying
that the request transmitted to it "does not raise the question of the char-

acter of the humanitarian law which would apply to the use of nuclear
weapons". With respect they do. A pronouncement by the Court regard-
ing the character and application of such rules, while not a guarantee of
their observance at al1times, would nevertheless be considered as a re-
affirmation of those rules as they relate to human values whichare already
protected by positive legal principles and, when taken together, reveal
certain criteria of public policy. (See 1. Brownlie, Principles of Public
International Law, 1990, p. 28.) H. Lauterpacht has also stated that,
among other reasons, many of the provisions of the Geneva Conventions
following as they do from "compelling considerations of humanity, are
declaratory of universally binding international custom" (E. Lauterpacht
(ed.), International Law, Being the Collected Papers of Hersch Lautev-
pacht, 1970,p. 115). The International Law Commission pointed out in
its commentary on Article 50 (now 53) of the Vienna Convention on the

Law of Treaties, that "it is not the form of a general rule of international
law, but the particular nature of the subject-matter with which it deals
that may .. .give it a character ofjus cogens". Already in 1980,the Com-
mission observed that "some of the rules of humanitarian law are, in the
opinion of the Commission, rules which imposeobligations ofjus cogens".

The Court also adopted the judicial policy of "non-pronouncement"
on the question of belligerent reprisals - an issue most pertinent to the
question before it - "save to observe that in any case any right of
recourse to such reprisals would, like self-defence, be governed inter alia
by the principle of proportionality" (para. 46). It is to Say the least
strange that the Court should refrain from pronouncing on the lawful-
ness or otherwise of belligerent reprisals, particularly if it would involve
the use of nuclear weapons. Under contemporary international law, bel-

ligerent reprisals, if carried out with nuclear weapons, would grossly vio-
late humanitarian law in any circumstance and international law in gen-
eral. More specifically the Geneva Conventions prohibit such reprisals
against a range of protected persons and objects as reaffirmed in Addi-
tional Protocol 1 of 1977. According to the Protocol, al1 belligerent
parties are prohibited from carrying out belligerent reprisals. If nuclear
weapons were used and given the characteristics of those weapons, their
inability to discriminate between civilians and combatants and between
civilian and military objectives,together with the likelihood of violations
of the prohibition of unnecessary suffering and superfluous injuries to Dans l'affaire qui nous concerne, il semble que la Cour se soit montrée
trop hésitante à prendre une position de principe sur une question por-
tant sur ce que M. Nagendra Singh, aujourd'hui décédé, décrivacio tmme
l'aspect le plus important du droit international que l'humanité doit
affronter aujourd'hui (Nuclear Weapons and International Law, p. 17).
Au lieu de cela, il semblerait que la Cour se soit efforcéede venirbout de
la question fondamentale de savoir sicertains desprincipeset règlesdu droit
humanitaire relevaient dujus cogensen disant que la demande qui lui avait
été adressée «ne soulèvepas la question de savoir quelle serait la nature du

droit humanitaire qui s'appliqueraità l'emploides armes nucléaires)).Jeme
permets de dire qu'ellela soulève.Si la Cour se prononçait sur la nature et
l'application de ces règles, cela negarantirait peut-être pas leurrespect en
toutes circonstances,mais cela serait néanmoins considéré comme une réaf-
firmation de ces règlesdans la mesure où elles se rattachent à des valeurs
humaines déjàprotégées par desprincipes de droit positif qui, pris dans leur
ensemble, attestent l'existence de certains critères d'ordre public (voir
1.Brownlie,Principles of Public International Law, 1990,p. 28).H. Lauter-
pacht a dit aussi qu'entre autres raisons nombre des dispositions des
conventions de Genève résultanteffectivement de «considérations impé-
rieuses d'humanitésont déclaratoires d'une coutume internationale obliga-
toire sur le plan universel))E. Lauterpacht, dir. publ., International Law,
Being the CollectedPapers of Hersch Lauterpacht, 1970,p. 115).La Com-

mission du droit international a soulignédans son commentaire sur l'ar-
ticle 50(devenu aujourd'hui l'article 53)de la convention de Vienne sur le
droit des traités que «ce n'est pas la forme d'une règle générale de droit
international mais la nature particulière du sujet dont elle traite qui peut
lui donner le caractère dejus cogens)).En 1980déjà,la Commission a fait
observer que((certainesrègles dedroit humanitaire sont, selonelle,desrègles
qui imposent des obligations relevant dujus cogens)).
La Cour a égalementadoptéune ligned'action consistant à ne pas sepro-
noncer sur leproblèmedes représaillesen temps de guerre - problème par-
ticulièrementpertinent au regard de la question qui lui étaitposée ((sinon
pour observer qu'en tout état de cause tout droit de recourir à de telles
représaillesserait, comme le droit de légitime défense, régn,tamment, par
leprincipe deproportionnalité))(par.46). Il estpour lemoins étrange que la
Cour s'abstienne de statuer sur la licéitéou l'illicéité des représailles

temps de guerre, en particulier si cela devait donner lieul'emploid'armes
nucléaires.Dans le droit international contemporain, des représaillesen
temps de guerre exercéesau moyen d'armes nucléairesconstitueraient une
violation flagrante du droit humanitaire en toute circonstanceet, plus géné-
ralement,du droit international. Plusprécisémentl,esconventionsdeGenève
interdisent de telles représaillescontre un certain nombre de personnes et de
biensprotégésc ,omme celaa été réaffirmédans leprotocole additionnel 1de
1977.Selon le protocole, il est interdit aux belligérantsd'exercer desrepré-
sailles en temps de guerre. Si, étant donnéles caractéristiquesdes armes
nucléaires, leur incapacité faire une distinction entre civilset combattants
et entre objectifscivilset objectifsmilitaires,de tellesarmesétaientemployéesbelligerents, such reprisals would at a minimum be contrary to estab-
lished humanitarian law and would therefore be unlawful. The Court's
"judicial restraint" on an issue ofsuch crucial importance to the question
before it contributes neither to the clarification of the law, let alone to its
observance.

The Court's reluctance to take a legal position on some of the impor-

tant issues whichpertain to the question before it could also be discerned
from what may be described as a "judicial odyssey" in search of a specific
conventional or customary rule specificallyauthorizing or prohibiting the
use of nuclear weapons, which only led to the discoverythat no such spe-
cific rule exists. Indeed, if such a specificrule did exist, it is more than
unlikely that the question would have been brought before the Court in
its present form, if at all. On the other hand, the absence of a specific
convention prohibiting the use of nuclear weapons should not have sug-
gested to the Court that the use of such weapons might be lawful, as it is
generallyrecognizedby States that customary international law embodies
principles which are applicable to the use of such weapons. Hence the
futile quest for specificlegal prohibition can only be attributable to an
extremeform of positivism,which is out of keeping with the international
jurisprudence - including that of this Court. The futility of such an

enterprise was recognized by the British-American Claims Arbitral Tri-
bunal in the Eastern Extension, Australia and China TelegraphCompany
case, where it was held that even if there were no specificrule of interna-
tional law applicable to a case,it could not be said that there was no rule
of international law to which resort might be had:

"International law, as wellas domestic law, may not contain, and
generally does not contain, express rules decisive ofparticular cases;

but the function ofjurisprudence is to resolve the conflict of oppos-
ing rights and interests by applying, in default of any specificprovi-
sion of law, the corollaries of general principles, and so to find -
exactly as in the mathematical sciences - the solution of the prob-
lem. This is the method ofjurisprudence; it is the method by which
the law has been gradually evolved in everycountry, resulting in the
definition and settlement of legal relations as well between States as
between private individuals." (United Nations, Reports of Interna-
tional Arbitral Awards, Vol. VI, pp. 114-115.)

Such then has been the jurisprudential approach to issues before the
Court. The Court has applied legal principles and rules to resolve the
conflictof opposing rights and interests where no specificprovision of the
law exists,and has relied on the corollaries of general principles in order
to find a solution to the problem. The Court's approach has not been
restricted to a search for a specifictreaty or rule of customary law spe-
cificallyregulating or applying to a matter before it and, in the absence of MENACE OU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 575

pour exercerdes représailles,outre qu'ellesvioleraient l'interdiction de cau-
ser des souffrances inutiles ou des maux superflusaux belligérants,celles-ci
seraient à tout le moins contraires au droit humanitaire établi et,partant,
illicites.La «réservejudiciaire)) de la Cour surun point d'une importance

aussi crucialepour la question qui lui est poséene contribue pasa la clari-
ficationdu droit, sans parler de son observation.
La réticence manifestéepar la Cour à prendre une position juridique
sur certains des points importants intéressantla question dont elleest sai-
sie ressort bien de ce que 1'011peut appeler l'«odysséejudiciaire)) de la
Cour durant laquelle elle a cherchéune règleconventionnelle ou coutu-
mière spécifiqueautorisant ou interdisant expressément l'emploid'armes
nucléairespour découvrirfinalement qu'il n'en existeaucune. Si une telle
règleexistait, il est fort peu probable que la question aurait été poséela
Cour sous la forme ou elle l'aété etpeut-êtremêmen'aurait-elle pas été
poséedu tout. Mais l'absence d'uneconvention interdisant expressément
l'emploi d'armes nucléairesn'aurait pas dû l'amener à penser que cet

emploi pourrait êtrelicite dèslors que les Etats admettent en généraq l ue
le droit international coutumier consacre des principes applicablesà l'uti-
lisation de ces armes. La vaine recherche d'une interdiction juridique
expresse ne peut donc s'expliquer que par une forme extrêmede positi-
visme qui n'est plusen accord avec la jurisprudence internationale - y
compris celle de la Cour. La futilitéd'une telle entreprise a été reconnue
par le tribunal arbitral américano-britannique des réclamations dans
l'affaire Eastern Extension, Australia and China Telegraph Company où
le tribunal a dit que, même en l'absenced'une règlede droit international
expressément applicable dans une affaire, on ne pouvait prétendre
qu'aucune règlede droit international ne pouvait êtreappliquée:

«Il se peut que le droit international, comme le droit interne, ne
contienne pas de règle expressepermettant de trancher une affaire
déterminée et généralemenitl n'encontient pas mais la fonction de la
jurisprudence est derésoudreleconflit entredroitset intérêts opposés
en appliquant, à défautde toute disposition spécifiquede la loi, les

corollaires des principes générauxet de trouver ainsi - exactement
comme en mathématiques - la solution du problème. Telle est la
méthodejurisprudentielle; c'est grâce à cette méthode que le droit
s'est graduellement développédans tous les pays, aboutissant à la
définition et à l'aménagement des rapports juridiques aussi bien
entre les Etats qu'entre les particulie» (Nations Unies, Recueil des
sentences arbitrales,vol. VI, p. 114.)

Telle a étéla démarchejurisprudentielle de la Cour à l'égard des ques-
tions qu'elleavaità régler. Ellea appliquédes principes et desrèglesjuri-
diques pour résoudrele conflit entre droits et intérêtspposés là où la loi
ne contenait aucune disposition expresseet elles'estappuyée surlescorol-
laires des principes générauxafin de trouver une solution au problème.La
Cour ne s'estpas bornée à chercher un traité ou une règlede droit cou-
tumier régissant spécifiquemenlte cas dont elleétaitsaisie et, en l'absencesuch a specificrule or treaty, it has not declared that it cannot definitively
conclude or that it is unable to reach a decision or make a determination
on that matter. The Court has in the past - rightly in my view - not
imposed such restrictions upon itself when discharging its judicial func-
tion to decide disputes in accordance with international law, but has
referred to the principles of international law, to equity and to its own
jurisprudence in order to define and settle the legal issues referred to it.

On the other hand, the search for specific rules led the Court to over-
look or not fully to apply the principles of the United Nations Charter

when considering the question before it. One such principle that does not
appear to have been given its due weight in the Judgment of the Court is
Article 2, paragraph 1, of the Charter of the United Nations, which pro-
vides that "The Organization is based on the principle of sovereign equal-
ity of al1its Members." The principle of sovereign equality of States is of
general application. It presupposes respect for the sovereignty and terri-
torial integrity ofal1States. International law recognizes the sovereignty
of each State over its territory as well as the physical integrity of thevil-
ian population. By virtue of this principle, a State is prohibited from
inflictinginjury or harm on another State. The principle is bound to be
violated if nuclear weapons are used in a given conflict, because of their
established and well-known characteristics. The use of such weapons
would not only result in the violation of the territorial integrity of non-
belligerent States by radioactive contamination, but would involve the

death of thousands, if not millions, of the inhabitants of territories not
parties to the conflict. This would be in violation of the principle as
enshrined in the Charter, an aspect of the matter that would appear not
to have been taken fully into consideration by the Court when making its
findings.
1am likewiseconstrained to express my apprehension over some of the
other findings in the Advisory Opinion with regard to respect for human
rights and genocide, the protection of the natural environment and the
policy of deterrence. With regard to genocide, it is stated that genocide
would be considered to have been committed if a recourse to nuclear
weapons resulted from an intent to destroy, in whole or in part, a
national, ethnical, racial or religious group, assuch. This reflects the text
of the Genocide Convention. However, one must be mindful of the spe-
cial characteristics of the Convention, its object and purpose, to which

the Court itself referred in theReservations case as being to condemn and
punish

"'a crime under international law' involvinga denial of the right of
existence of entire human groups, a denial which shocks the con-
scienceofmankind and results in great lossesto humanity, and which
is contrary to moral law and to the spirit and aims of the United
Nations" (Reservations to the Convention on the Preventionand Pun-
ishment of the Crime of Genocide,I.C.J. Reports 1951, p. 23);d'un traitéou d'une règlede ce genre, elle n'a pas dit qu'elle ne pouvait
pas aboutir à une conclusion définitiveou qu'elle n'étaitpas en mesure de
parvenir à une décisionou de statuer en la matière. La Cour ne s'estpas
- à juste titre, selon moi -, dans le passé, imposéede telles restrictions
dans l'exercicede sa fonction judiciaire qui consisteréglerles différends
conformémentau droit international. mais elle s'est référéaeux ~rinci~es
du droit international,àl'équitéou à sa propre jurisprudence afin de défi-
nir et de trancher les questions juridiques qui lui étaientsoumises.

Or la recherche de règlesspécifiquesa amenéla Cour à méconnaîtreou
à ne pas appliquer pleinement les principes de la Charte des Nations
Unies dans l'examen de la question posée.Un principe auquel la Cour ne
paraît pas avoir attaché toute l'importance voulue dans sa décision estle
paragraphe 1de l'article 2 de la Charte selon lequel: ((L'Organisation est
fondéesur l'égalité souveraine des Etats.» Le principe de l'égalité souve-
raine des Etats est d'application générale.Il présuppose le respect de la
souverainetéet de l'intégrité territoriale detous les Etats. Le droit inter-
national reconnaît la souveraineté de chaque Etat sur son territoire de
mêmeque l'intégrité physique de lapopulation civile.En vertu de ce prin-
cipe, il est interditun Etat d'infliger desdommages ou de porter préju-

dice à un autre Etat. Ce principe ne peut qu'être violé si des armes
nucléairessont employéesdans un conflit donné, en raison des caracté-
ristiques avérées et bienconnues qu'ellesprésentent. L'utilisation detelles
armes ne constituerait pas seulement une violation de l'intégritéterrito-
rialed'Etats non belligérantsdue à une contamination radioactive, mais
elle entraînerait la mort de milliers, voire de millions, de personnes habi-
tant des territoires de pays non parties au conflit. Ce seraità violer le
principe consacrédans la Charte, mais cet aspect de la question ne paraît
pas avoir étépleinement pris en considération par la Cour quand elle a
adoptéses conclusions.
Je me sens égalementtenu d'exprimer mes craintes au sujet de certaines

autres déclarations figurant dans l'avisconsultatif concernant lesdroits de
l'homme et le génocide,la protection de l'environnement et la politique
de dissuasion. S'agissant du génocide, il est dit que l'on considérerait
qu'il y a génocidesi le recours l'arme nucléaire résultait d'une intention
de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou
religieux, comme tel. Cela reflètele texte de la convention sur le génocide.
Il ne faut cependant pas oublier les traits particuliers de la convention,
son obiet et son but. dont la Cour elle-mêmea dit. dans l'affaire des
Réserves à la convention pour la préventionet la répressiondu crime de
génocide qu'elle viseà condamner et à réprimerle génocidecomme

«un crime de droit des gens» impliquant le refus du droit à l'exis-
tence de groupes humains entiers, refus qui bouleverse la conscience
humaine, infligede grandes pertesà l'humanité,et qui est contraireà
la foisà la loi morale et à l'esprit et aux fins des Nations Unies»
(C.I.J. Recueil 1951, p. 23).while further pointing out
"that the principles underlying the Convention are principles which
are recognized by civilized nations as binding on States, even with-
out any conventional obligation" (I.C.J. Reports 1951, p. 23).

It further emphasized the CO-operation required in order "to liberate
mankind from such an odious scourge" and, given the humanitarian and
civilizingpurpose of the Convention, it referred to it as intended "to safe-
guard the very existence of certain human groups", and "to confirm and
endorse the most elementary principles of morality". The Court cannot
therefore view with equanimity the killing of thousands, if not millions,
of innocent civilians which the use of nuclear weapons would make inevi-
table, and conclude that genocide has not been committed because the
State using such weapons has not manifested any intent to kill so many
thousands or millions of people. Indeed, under the Convention, the
quantum of the people killed is comprehended as well.It does not appear

to me that judicial detachment requires the Court from expressing itself
on the abhorrent shocking consequences that a whole population could
be wiped out by the use of nuclear weapons during an armed conflict,
and the fact that this could tantamount to genocide, if the consequences
of the act could have been foreseen. Such expression of concern may even
have a preventive effect on the weapons being used at all.

As to whether recourse to nuclear weapons would violate human
rights, in particular the right to human life, the Court found that it was
never envisaged that the lawfulness or otherwise of such weapons would
be regulated by the International Covenant on Civil and Political Rights.
While this is accepted as a legal position, it does seem to me that too
narrow a view has been taken of the matter. It should be recalled that
both human rights law and international humanitarian law have as their
raison d'êtrethe protection of the individual as wellas the worth and dig-
nity of the human person, both during peacetime or in an armed conflict.
Itis for this reason, to my mind, that the United Nations Charter, which
was adopted immediately after the end of the Second World War in the
course of which serious and grave violations of human rights had

occurred, undertook to protect the rights of individual human beings
whatever their race, colour or creed, emphasizing that such rights were to
be protected and respected even during an armed conflict. It should not
be forgotten that the Second World War had witnessed the use of the
atomic weapon in Hiroshima and Nagasaki, resulting in the deaths of
thousands of human beings. The Second World War therefore came to
be regarded as the period epitomizing gross violations of human rights.
The possibility that the human rights of citizens, in particular their right
to life, would be violated during a nuclear conflagration, is a matter
which falls within the purview of the Charter and other relevant interna-
tional legal instruments. Any activity which involves a terrible violationLa Cour a poursuivi en ces termes:
«les principes qui sont à la base de la convention sont des prin-

cipes reconnus par les nations civiliséescomme obligeant les Etats
même endehors de tout lien conventionnel» (C.I.J.Recueil 1951,
p. 23).
Elle a souligné encore qu'une coopération étaitnécessaire«pour libérer
l'humanitéd'un fléauaussi odieux)) et. vu l'obiectif humanitaire et civi-
lisateur de la convention, elle a dit que cette convention visait((sauve-

garder l'existence mêmede certains groupes humains)) et à «confirmer
et ... sanctionner les principes de morale les plus élémentaires)).La Cour
ne saurait donc envisager avec équanimité lamort de milliers, voire de
millions,de civilsinnocents, qui résulterait inévitablement de l'emploi des
armes nucléaireset conclure qu'il n'y a pas eu génocidecar 1'Etatqui s'est
servi de cesarmes n'avait pas manifesté l'intention de tuertant de milliers
ou de millions d'individus. Qui plus est, la Convention tient bel et bien
compte de l'importance numérique des victimes. Il ne me semble pas que
la réservejudiciaire oblige la Cour à s'abstenir de s'exprimer sur le fait
que l'emploi d'armes nucléairesdans un conflit armépeut aboutir à cette
conséquenceatroce et abominable que constitue l'élimination d'unepopu-

lation tout entière et sur le fait que cela revient génocidedès lorsque
les conséquences de l'acte étaient prévisibles. Une telle expression
d'inquiétudepourrait peut-êtremêmeavoir un effet préventifsur l'utilisa-
tion de ces armes.
Concernant le point de savoir si le recours aux armes nucléaires vio-
lerait les droits de l'homme, en particulier le droità la vie, la Cour a
estiméque l'on n'avait jamais envisagéque le pacte international relatif
aux droits civilset politiques régissela question de la licéitédeces armes.
On peut admettre cette position juridique mais il me semble que la ques-
tion a été envisagée de façontrop étroite. Il faut rappeler en effet que la
raison d'être aussi bien desdroits de l'homme que du droit international
humanitaire est de protéger l'individu ainsi que la valeur et la dignité de

la personne humaine, à la fois en temps de paix et pendant les conflits
armés. C'est pour cela à mon avis que la Charte des Nations Unies,
adoptée juste après la fin de la seconde guerre mondiale - pendant
laquelle des violations graves des droits de l'homme s'étaientproduites
- s'estengagée à protégerles droits de l'êtrehumain, sans distinction de
race, de couleur ou de conviction, et a soulignéque ces droits devaient
êtreprotégés et respectés mêmependant un conflit armé. Il ne faut pas
oublier que c'est durant la seconde guerre mondiale que l'arme atomique
a été utiliséeà Hiroshima et à Nagasaki, causant des milliers de morts.
On en est donc venu à considérer cette période comme l'illustration
mêmedes violations flagrantes des droits de l'homme. La possibilitéque

les droits fondamentaux du citoyen, en particulier le droit la vie, soient
violéspendant une conflagration nucléaire est une question qui relèvede
la Charte et d'autres instruments juridiques internationaux pertinents.
Toute activité entraînant une très grave violation des principes de laof the principles of the Charter deserves to be considered in the context of

both the Charter and the other applicable rules. It is evidently in this con-
text that the Human Rights Committee under the International Cov-
enant on Civil and Political Rights adopted, in November 1984,a "gen-
eral comment" on Article 6 of the Covenant (Right to Life), according to
which the production, testing, possession, deployment and use of nuclear
weapons ought to be prohibited and recognized as crimes against human-
ity. It is to be recalled that Article 6 of the Charter of the Nuremberg
Tribunal defined crimes against humanity as "murder, extermination .. .,
and other inhumane acts committed against any civilian population,
before or during war . ..".It follows that the Nuremberg principles are
likewise pertinent to the matter just considered by the Court.

With regard to the protection and safeguarding of the natural environ-
ment, the Court reached the conclusion that existing international law
does not prohibit the use of nuclear weapons, but that important envi-
ronmental factors are to be taken into account in the context of the

implementation of the principles and rules of law applicable in armed
conflict. The Court also found that relevant treaties in relation to the pro-
tection of the natural environment could not have intended to deprive
a State of the exercise of its right to self-defenceunder international law.

In my view, what is at issue is not whether a State might be denied its
right to self-defenceunder the relevant treaties intended for the protection
of the natural environment, but rather that, given the known qualities of
nuclear weapons when exploded as well as their radioactive effects which
not only contaminate human beings but the natural environment as well
including agriculture, food, drinking water and the marine ecosystem
over a wide area, it follows that the use ofsuch weapons would not only
cause severe and widespread damage to the natural environment, but
would deprive human beings of drinking water and other resources
needed for survival. In recognition of this, the First Additional Protocol
of 1977makes provision for the preservation of objects indispensable to
the survival of the civilian population, such as foodstuffs, agricultural
produce, drinking water installations, etc. The Advisory Opinion should

have considered the question posed in relation to the protection of the
natural environment from this perspective, rather than giving the impres-
sion that the argument advanced was about denying a State its legitimate
right of self-defence.
The Advisory Opinion considered that the fact of nuclear weapons not
having been used for 50 years cannot be regarded as an expression of an
opiniojuris. The legal basis for such a recognition was not elaborated; it
was more in the nature of an assertion. However, the Court was unable
to find that the conviction of the overwhelming majority of States that
the fact that nuclear weapons have not been used for the last 50years has
established an opiniojuris in favour of the prohibition of such use, was
such as to have a bearing on its Opinion. In this connection, the Court MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 578

Charte doit êtreenvisagée en tenant compte de la Charte et des autres
règlesapplicables. C'est évidemmentdans ce contexte que le Comitédes
droitsde l'homme, constituéen application du pacte international relatif

aux droits civils et politiques, a adopté en novembre 1984une observa-
tion généralesur l'article6 du pacte (droità la vie) en vertu de laquelle
la fabrication, la miseà l'essai, la possession, le déploiement et l'utilisa-
tion d'armes nucléaires devraient être interdits et qualifiés de crimes
contre l'humanité. On doit rappeler que l'article 6 du statut du Tribu-
nal de Nuremberg a définicomme crimes contre l'humanité: ((l'assassi-
nat, l'extermination...et tout autre acte inhumain commis contre toutes
populations civilesavant ou pendant la guerre ...»Il s'ensuit que lesprin-
cipes de Nuremberg sont eux aussi pertinents au regard de la question
que la Cour vient d'examiner.
En ce qui concerne la protection et la sauvegarde de l'environne-

ment naturel, la Cour est parvenue à la conclusion que le droit interna-
tional existantn'interdit pas l'emploi d'armes nucléairesmaisque d'impor-
tantes considérations d'ordre écologique doivent êtreprises en compte
dans lecadre de la mise enŒuvre des principes etrèglesdu droit applicable
dans les conflits armés. La Cour a estimé aussi que les traités adoptés
pour protéger l'environnement naturel n'ont pas entendu priver un Etat
de l'exercice de son droit de légitime défense envertu du droit interna-
tional.
A mon sens, il s'agit non pas de savoir si un Etat peut êtreprivédu
droit de légitimedéfenseen vertu de traités relatifs à la protection de
l'environnement naturel mais de savoir si, étantdonnélescaractéristiques

connues des explosions d'armes nucléaireset étantdonnéleur radioacti-
vitéqui a pour effet de contaminer sur de vastes superficies non seule-
ment les êtres humains mais aussi l'environnement et notamment l'agri-
culture, l'alimentation, l'eau potable et l'écosystèmemarin, il en résulte
que l'emploi de ces armes causerait des dommages graves et étendus à
l'environnement et priverait les êtreshumains de l'eau potable et des res-
sources nécessairesà leur survie. Tenant compte de cela, le premier pro-
tocole additionnel de 1977 prévoit la protection de ce qui est indispen-
sable à la survie de la population civile - vivres, produits agricoles,
installations d'eau potable, etc. L'avis consultatif aurait dû examiner la
question poséepar rapport à la protection de l'environnement naturel

dans cette perspective au lieu de donner l'impression que l'argument
avancé concernait le refus de reconnaître à 1'Etat son droit de légitime
défense.
L'avis consultatif considère que l'on ne peut voir dans la non-utilisa-
tion des armes nucléairespendant cinquante ans l'expression d'une opinio
juvis. La base juridique de ce constat n'est pas expliquée;il s'agit plutôt
d'une simple assertion. Quoi qu'il en soit, la Cour n'a pas estiméque la
conviction partagée par une écrasante majorité d'Etats selon laquelle la
non-utilisation des armes nucléaires pendant cinquante ans avait établi
une opiniojuvis dans le sens d'une interdiction de leur emploi devait avoir
une influence sur sa décision.A cet égard, laCour aurait dû attacher plusshould have given due consideration and weight to the statements of the
overwhelming majority of States together with the resolutions adopted
by various international organizations on the use of nuclear weapons, as
evidence of the emergence of an opiniojuvis.
In my view, it was injudicious for the Court to have appeared to give
legal recognition to the doctrine of deterrence as a principle of inter-
national law. While it is legitimate that judicial notice should beaken of

that policy, the Court should have realized that it has the potential of
being declared illegal if implemented, as it would involve a nuclear con-
flict between belligerents with catastrophic consequences for the civilian
population not only of the belligerent parties but those of States not
involved in such a conflict, and could result in the violation of interna-
tional law in general and humanitarian law in particular. It would there-
fore have been prudent for the Court to have refrained from taking a
position on this matter, which is essentially non-legal.
Be that as it may, the Advisory Opinion cannot be considered as
entirely without legal merit or significance. The positive findings it con-
tains should be regarded as a step forward in the historic process of
imposing legal restraints in armed conflicts. Some of those restraints as
they relate to nuclear weapons have now found expression in the opinion
of the Court. For the first time in its history, indeed in the history of any
tribunal of similar standing, the Court has declared and confirmed that
nuclear weapons are subject to international law; that a threat or use of
force by means of nuclear weapons that is contrary to Article 2, para-
graph 4, of the United Nations Charter, and that fails to meet the

requirements of Article 51 is unlawful. The Court has also held that any
threat or use of nuclear weapons that is incompatible with the require-
ments of international law applicable in armed conflict, particularly those
of the principles of humanitarian law as well as specificobligations under
the treaties or other undertakings, dealing expressly with nuclear weap-
ons, would be unlawful. Inferentially, it is because recourse to nuclear
weapons could not meet the aforementioned requirements that the Court
has found

"that the threat or use of nuclear weapons would generally be con-
trary to the rules of international law applicable in armed conflict, ,
and in particular the principles and rules of humanitarian law"
(paragraph 2E of the dispositifi.
This finding, though qualified, should be regarded as of normative impor-
tance, when taken together with the other conclusions reached by the
Court. Among other things, it is a rejection of the argument that since
humanitarian law pre-dated the invention of nuclear weapons, it could

not therefore be applicable to those weapons. On the contrary, the Court
has found that given the intrinsic character of the established principles
and rules of humanitarian law, it does apply to them. MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK . OROMA) 579

de poids aux déclarationsfaites par l'écrasante majoritédes Etats ainsi
qu'aux résolutions adoptéespar diverses organisations internationales
sur l'usage des armes nucléaires, entant que preuves de l'émergence
d'une opinij ouris.
A mon avis, il n'étaitpas judicieux que la Cour paraisse accorder une
reconnaissancejuridique àla doctrine de la dissuasion comme principe de
droit international. S'il est légitimeque la Cour constate l'existence de
cette politique, elle aurait dû avoir conscience que, une fois mise en
Œuvre, ladoctrine en question peut êtredéclarée illicite car son applica-
tion suppose un conflit nucléairelourd de conséquencescatastrophiques

non seulement pour la population civiledes Etats belligérantsmais aussi
pour celle d7Etatsétrangersau conflit et peut débouchersur la violation
du droit international en général edtu droit humanitaire en particulier. Il
aurait donc été plus sage que la Cour s'abstienne de prendre position en
cette matière, essentiellement non juridique.
Quoi qu'il en soit, on ne saurait considérerque l'avis consultatif est
entièrementdépourvude valeur ou de portéejuridique. Les constatations
positives qu'ilcontient doivent êtreconsidéréescomme des progrès dans
le processus historique qui tendà imposer des restrictionsjuridiques dans
les conflits armés. Certaines de ces limitations concernant les armes
nucléairessont maintenant mentionnéesdans l'avis de la Cour. Pour la
première foisdans son histoire - comme d'ailleurs dans l'histoire detout

autre tribunal du mêmerang - la Cour déclareet confirme que lesarmes
nucléaires relèventdu droit international; que la menace ou l'emploi de
la force au moyen d'armes nucléairesqui serait contraire à l'article 2, pa-
ragraphe 4, de la Charte des Nations Unies et qui ne satisferait pas à
toutes les prescriptions de son article 51 est illicite.La Cour dit aussi que
toute menace ou tout emploi d'armes nucléairesqui est incompatible avec
les exigences du droit international applicable dans les conflits armés,
spécialementcelles des principes et règlesdu droit international huma-
nitaire, ainsi qu'avec les obligations particulières envertu des traitéset
autres engagements qui ont expressémenttrait aux armes nucléaires serait
illicite. On peut en déduireque c'est parce que le recours aux armes nu-

cléaires nepeut satisfaire aux exigences susmentionnées que la Cour
conclut :
«la menace ou l'emploi d'armes nucléaires serait généralement
contraireaux règlesdu droit international applicable dans lesconflits
armés,et spécialementaux principes et règlesdu droit humanitaire))

(paragraphe 2, alinéa E,du dispositif).
Rapprochée des autres conclusions de la Cour, cette déclaration, si
nuancéesoit-elle,doit être considérée commie mportante sur le plan nor-
matif. En particulier, elle écarte l'argumentselon lequel, le droit huma-
nitaire ayant précédé l'invention de l'armenucléaire,il ne saurait s'appli-

quer à elle. La Cour estime au contraire que, vu le caractère intrinsèque
des règleset des principes établisdu droit humanitaire, celui-ci s'applique
bien à elle. It is in the response to thesejuridical findings of both historic and nor-
mative importance that 1 have voted in favour of paragraphs 2A, 2C,
2 D and 2F of the dispositif, but not without reservations with respect to
paragraph 2 C.
However, 1 have voted against paragraph 2 B according to which the
Court finds that there is in neither customary nor conventional interna-
tional law any comprehensive and universal prohibition of the threat of
nuclear weapons as such. Such a finding,in my view,is not in accordance
with the law. At the very least, the use of nuclear weapons would
violate the prohibition of the use of poison weapons as embodied in
Article 23 (a) of the Hague Convention of 1899 and 1907 as well as
the Geneva Gas Protocol of 1925which prohibits the use of poison gas
andior bacteriological weapons. Because of its universal adherence, the
Protocol is considered binding on the international community as a

whole. Furthermore, the prohibition of the use of poison gas is now
regarded as a part of customary international law binding on al1States,
and, the finding by the Court in paragraph 2Bcannot be sustained in the
face of the Geneva Conventions of 1949and the 1977Additional Proto-
cols thereto either. With regard to the Conventions, they are as of today
binding on at least 186States and their universal acceptance is said to be
even greater than that of the United Nations Charter. Accordingly, those
treaties are now recognized as a part of customary international law
binding on al1States. The Court in its Judgment in the Nicaragua case
confirmed that the Conventions are a part of customary international
law, when it stated that:

"there is an obligation . . in the terms of Article 1 of the Geneva
Conventions, to 'respect' the Conventions and even 'to ensure
respect'for them 'inal1circumstances', sincesuch an obligation does
not derive only from the Conventions themselves, but from the gen-
eral principles of humanitarian law to which the Conventions merely
give specificexpression" (Military and Paramilitary Activities in and
against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America), I. C.J.
Reports 1986, p. 114,para. 220).

By reference to the humanitarian principles of international law, the
Court recognized that the Conventions themselves are reflective of cus-
tomary law and as such universally binding. The same reasoning applies
to Additional Protocol I in particular, which constitutes a restatement
and a reaffirmation of customary law rules based on the earlier Geneva
and Hague Conventions. To date, 143States have become parties to the

Protocol, and the customary force of the provisions of the Protocol are
not based on the forma1 status of the Protocol itself.
In the light of the foregoing conclusion, it cannot be maintained, as the
Court has done, that there is in neither customary nor conventional inter-
national law any comprehensive and universal prohibition of the threat C'est en réactionaux conclusionsjuridiques qui présentent une impor-
tance à la fois historique et normative que j'ai votépour les alinéasA, C,

D, et F du paragraphe 2 du dispositif, non sans formuler des réservesen
ce qui concerne l'alinéaC.
En revanchej'ai votécontre le paragraphe 2 B où la Cour dit que ni le
droit international coutumier ni le droit international conventionnel ne
comportent d'interdiction complète et universelle de la menace ou de
l'emploi des armes nucléaires en tant que telles. Cette conclusion n'est
pas, selon moi, conforme au droit. Le recours aux armes nucléaires vio-
leraità tout le moins l'interdiction d'employer des «armes toxiques))
édictée àl'article 23 a) des conventions de La Haye de 1899et de 1907et
le protocole de Genève de 1925qui interdit l'usage de gaz toxiques etlou
d'armes bactériologiques. Ce protocole ayant recueilli une adhésion uni-
verselle, il est admis qu'il lie la communauté internationale dans son
ensemble. En outre, l'interdiction de l'emploi de gaz toxiques est mainte-
nant considérée commefaisant partie du droit international coutumier
obligeant tous les Etats de sorte que la conclusion de la Cour au para-
graphe 2 B du dispositif est indéfendable eu égard aux conventions de
Genève de 1949et des protocoles additionnels y relatifs de 1977.Pour ce

qui est des conventions, elleslient aujourd'hui cent quatre-vingt-six Etats
au moins, si bien que leur universalitéparaît plus grande encore que celle
de la Charte des Nations Unies. En conséquence,il est maintenant admis
que ces traitésfont partie du droit international coutumier liant tous les
Etats. Dans son arrêt dans l'affaire des Activitésmilitaires et paramili-
taires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amé-
rique), la Cour a confirméque les conventions faisaient partie du droit
international coutumier lorsqu'elle a déclaré :

«les Etats-Unis ont l'obligation, selon les termes de l'article premier
des ...conventions de Genève, de «respecter» et mêmede ((faire res-
pecter)) ces conventions «en toute circonstance)), car une telle obli-
gation ne découle pas seulement des conventions elles-mêmes,mais
des principes générauxdu droit humanitaire dont les conventions ne
sontque l'expression concrète))(C.I.J.Recueil 1986,p. 114,par. 220).

Se référantaux principes humanitaires du droit international, la Cour a
constatéque les conventions elles-mêmesexpriment le droit coutumier et
de ce fait liaient tous les Etats. Le mêmeaisonnemekt vaut en particulier
pour le protocole additionnel 1qui a reformulé et réaffirmé des règlesde
droit coutumier fondées sur les conventions antérieures de Genève et de
La Haye. A cejour, cent quarante-trois Etats sont parties au protocole et
la force coutumière de ces dispositions ne résulte pas de leur incorpora-
tion formelle dans le protocole lui-même.
Compte tenu de ce qui précède.o ,n ne peut soutenir, comme la Cour l'a
fait, que ni le droit international coutumier ni le droit international
conventionnel ne comportent d'interdiction complète et universelle deor use of nuclear weapons as such. Such a finding is not consistent with
its jurisprudence either as alluded to above.

1have however voted in favour of paragraph 2F of the dispositifwhich
stresses the obligation to pursue in good faith and bring to a conclusion
negotiations leading to nuclear disarmament in al1its aspects under strict
1am of the viewthat the parties to the
and effectiveinternational control.
1968Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons, realizing the
danger posed to al1 States by the proliferation of nuclear weapons,
entered into a binding commitment to end the nuclear arms race at an
early date and to embark on nuclear disarmament. The dangers that
those weapons posed for humanity in 1968are still current today, as is
evident from the decision taken in 1995 by the States parties to the
Treaty, to make it permanent. The obligation to eliminate those weapons
remains binding on those States so as to remove the threat such weapons
pose to violate the Charter or the principles and rules of humanitarian
law. There is accordingly a correlation between the obligation of nuclear
disarmament assumed by those States parties to the Non-Proliferation
Treaty and the obligations assumed by States under the United Nations
Charter and under the law applicable in armed conflict, in particular
international humanitarian law.

Despite this and some of the other normative conclusions reached by
the Court in its Advisory Opinion, it is a matter of profound regret that
on the actual question put to it, that is, whether it is permitted under

international law to use nuclear weapons in any circumstances, the Court
flinched and failed to reach the only and inescapable finding, namely,
that in view of the established facts of the use of such weapons, it is
inconceivable that there is anv circumstance in which their use would not
violate the principles and rules of international law applicable in armed
conflict and, in particular, the principles and rules of humanitarian law.
By not answering the question and leaving it to States to decide the mat-
ter, the Court declined the challenge to reaffirm the applicability of the
rules of law and of humanitarian law in particular to nuclear weapons
and to ensure the protection of human beings, of generations unborn and
of the natural environment against the use of such weapons whose
destructive power, we have seen, is unable to discriminate between com-
batants and non-combatants, cannot spare hospitals or prisoner-of-war
camps and can cause suffering out of al1proportion to military necessity
leavingtheir victims to die as a result of burns after weeks of agony, or to
be afflicted for life with painful infirmities. The request by the General
Assembly was for the Court, as the guarantor of legality, to affirm that
because of these consequences, the use of nuclear weapons is unlawful
under international law. A determination that this Court as a court of

law should have been able to make. MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISSK. OROMA) 581

la menace ou de l'emploi desarmes nucléaires entant que telles. Une telle
conclusion n'est pas non plus compatible avec la jurisprudence de la
Cour qui a été rappelée ci-dessus.
J'ai votécependant pour le paragraphe 2 F du dispositif qui souligne
l'obligation de poursuivre de bonne foi et de menerà terme des négocia-
tions conduisant au désarmementnucléairedanstous ses aspects, sous un
contrôle international strict et efficace. Je suis d'avis que les parties au
traitéde 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires, conscientes
du danger que la prolifération fait courirtous les Etats, ont pris l'enga-
gement contraignant de mettre fin rapidement à la course aux armes
nucléaires etd'entreprendre le désarmement nucléaire. Les risquesque
ces armes représentaient pour l'humanité en 1968 existent toujours,
comme cela résultede la décision prise en 1995par les Etats parties au

traitéde donner à celui-ci un caractère permanent. L'obligation d'élimi-
ner les armes nucléairescontinue à s'imposer à ces Etats, l'objectif étant
d'écarter la menace que ces armes peuvent présenter et d'où pourrait
résulter la violation dela Charte ou des principes et règlesdu droit huma-
nitaire.Il y a donc une corrélation entre l'obligation de désarmement
nucléaire assuméepar ces Etats parties au traité sur la non-prolifération
et lesobligations assuméespar les Etats en vertu de la Charte des Nations
Unies ainsi que du droit applicable dans les conflits armés,et spéciale-
ment du droit international humanitaire.
Malgrécela et en dépit de certainesautres conclusionsnormatives aux-
quelles la Cour est parvenue dans son avis consultatif, je regrette profon-
démentque, sur la vraie question qui lui étaitposée,savoir s'ilest permis
en droit international de recourir à la menace ou à l'emploi d'armes

nucléaires entoute circonstance, la Cour ait hésitéà prendre position et
n'ait pas adoptéla seule et inéluctable conclusionqui s'imposait,savoir
que, étant donnéles faits établisconcernant l'utilisation de ces armes, il
est inconcevable qu'il puissey avoir des circonstances où leur emploi ne
violerait pas les principes et les règlesdu droit international applicable
dans les conflits armés,et en particulier les principes et les règlesdu droit
humanitaire. En ne répondant pas à la question et en laissant les Etats
libres de la trancher, la Cour s'est abstenue d'accomplir sa tâche qui
aurait dû être deréaffirmer l'applicabilitéaux armes nucléaires desrègles
de droit, en particulier des règles du droit humanitaire, et d'assurer la
protection des êtres humains,des générations à venir et de l'environne-
ment naturel contre l'emploi de telles armes dont la puissance destruc-
trice, nous l'avons vu, est incapable de distinguer entre combattants et

non-combattants, d'épargnerles hôpitaux et les camps de prisonniers de
guerre et peut causer des souffrances hors de proportion avec les néces-
sités militaires, laissant les victimes mourir de leurs brûlures après des
semaines d'agonie ou endurer toute leur vie de douloureuses infirmités.
Ce que l'Assemblée générald eemandait a la Cour, garante du droit,
c'était dedéclarerqu'en raison de cesconséquencesl'utilisation des armes
nucléaires est illicite en droit international. C'est une déclaration que
notre Cour en tant que tribunal aurait dû pouvoir faire. In the absence of such a categoric and inescapable finding, 1 am left
with no alternative but with deep regret to dissent from the Advisory
Opinion.

(Signed) Abdul G. KOROMA. MENACE OU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (OP. DISS. KOROMA) 582

En l'absence d'une conclusion catégoriqueet inéluctable dece genre,je
n'ai pas d'autre choix que d'exprimer,on grand regret, mon désac-
cord avec l'avis consultatif.

(Signé) Abdul G. KOROMA.

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Opinion dissidente de M. Koroma (traduction)

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