Opinion dissidente de M. le juge Koroma

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141-20100722-ADV-01-02-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE KOROMA

[Traduction]

La déclaration unilatérale d’indépendance du 17 février 2008 est illicite, car
elle n’est pas conforme aux principes juridiques établis — Dans l’exercice de sa
juridiction consultative, la Cour ne peut reformuler la question qui lui est posée

que pour que celle-ci traduise mieux l’intention de l’organe qui demande l’avis
consultatif — La conclusion de la Cour selon laquelle la déclaration d’indépen-
dance a été faite par un organe distinct des institutions provisoires d’administra-
tion autonome ne tient pas en droit, parce qu’elle repose sur ce que la Cour
pense être l’intention de ses auteurs — La résolution 1244 (1999) du Conseil de
sécurité constitue la lex specialis à appliquer en l’espèce — La déclaration
d’indépendance contrevient à la résolution 1244 (1999), qui demande un règle-
ment négocié et une solution politique fondée sur le respect de l’intégrité terri-
toriale de la République fédérale de Yougoslavie — La déclaration d’indépen-
dance contrevient à la résolution 1244 (1999) parce qu’elle constitue une
tentative visant à mettre fin à la présence internationale établie au Kosovo par
cette résolution — La déclaration d’indépendance a violé le cadre constitution-
nel et les règlements de la MINUK — La déclaration d’indépendance a violé le
principe du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Etat — La
Cour aurait dû conclure que la déclaration unilatérale d’indépendance faite le
17 février 2008 par les institutions provisoires d’administration autonome du

Kosovo n’était pas conforme au droit international.

1. Si j’ai voté en faveur de la décision de la Cour de donner suite à la
demande d’avis consultatif, je ne puis malheureusement, pour les raisons
exposées ci-après, partager la conclusion selon laquelle la «déclaration
d’indépendance du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n’a pas violé le
droit international».

2. La déclaration unilatérale d’indépendance du 17 février 2008 n’était
pas censée ne pas produire d’effet. Elle était illicite et nulle, elle n’était pas
conforme aux règles établies et elle marquait le début d’un processus
visant à séparer le Kosovo de l’Etat auquel il appartient, pour créer un
Etat nouveau. Compte tenu des circonstances factuelles dans lesquelles a

été formulée la question dont la Cour a été saisie par l’Assemblée géné-
rale, cet acte viole la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et le
droit international général.
3. Certes, la Cour, dans l’exercice de sa compétence consultative, peut
reformuler ou interpréter la question qui lui est posée, mais elle n’est pas
libre d’y substituer une autre question pour ensuite répondre à cette der-

nière; or, c’est ce qu’elle a fait dans la présente procédure, tout en déclarant
qu’elle ne voyait pas de raison de reformuler la question. Comme la Cour le
rappelle au paragraphe 50 de l’avis consultatif, trois motifs seulement l’ont
par le passé conduite à exercer cette faculté de reformuler une demande
d’avis consultatif. Premièrement, la Cour relève que, dans l’avis consultatif

68relatif à l’Interprétation de l’accord gréco-turc du 1 décembre 1926 (pro-

tocole final, article IV), sa devancière, la Cour permanente de Justice inter-
nationale, s’est écartée du libellé de la question qui lui était posée parce que
celui-ci n’exprimait pas correctement ce que la Cour permanente jugeait
être l’intention des auteurs (avis consultatif, par. 50, citan1 t928, C.P.J.I.
série B n 16). Deuxièmement, elle fait observer que, dans le cadre de

l’Interprétation de l’accord du 25 mars 1951 entre l’OMS et l’Egypte la
demande d’avis consultatif a été reformulée parce qu’elle ne mettait pas en
évidence les «points de droit ... véritablement ... en jeu»ib(id., citant
C.I.J. Recueil 1980, p. 89, par. 35). La Cour n’avait alors que légèrement

élargi la question, sans modifier le sens de ce qui lui était demandé. Enfin,
elle rappelle que, dans l’avis consultatif relatif à Demande de réformation
du jugement n 273 du Tribunal administratif des Nations Unies, elle avait
clarifié une question considérée comme peu claire ou vagueib(id., citant

C.I.J. Recueil 1982, p. 348, par. 46). Dans tous ces cas, la Cour a reformulé
la question de manière à ce que celle-ci traduise mieux l’intention de
l’organe à l’origine de l’avis. Elle n’avait donc jamais jusqu’ici reformulé
une question jusqu’à en faire une question entièrement nouvelle, clairement

distincte de celle qui lui était initialement posée et même contraire à l’in-
tention de l’auteur de la demande. Or, c’est ce que, sans expressément
reformuler la question, elle a fait en l’espèce, en concluant qu’il conve-
nait d’opérer une distinction entre les auteurs de la déclaration d’indépen-

dance et les institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo
et que sa réponse à la question devait donc se fonder sur ce postulat. La
question posée par l’Assemblée générale a pour objet d’éclairer celle-ci sur
la façon de procéder «à la lumière de» la déclaration unilatérale d’indépen-
dance, et l’Assemblée a clairement indiqué que, selon elle, cette déclaration

émanait des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo.
La Cour n’a pas le pouvoir de reformuler — implicitement ou explicite-
ment — la question au point que sa réponse concerne une entité autre que
les institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo.

4. De plus, la conclusion de la Cour selon laquelle la déclaration
d’indépendance du 17 février 2008 n’émanait pas des institutions provi-
soires d’administration autonome du Kosovo et, partant, ne violait pas le

droit international ne tient pas en droit, parce qu’elle repose sur l’idée
que la Cour se fait de l’intention de ses auteurs. Le droit international ne
confère pas aux groupes ethniques, linguistiques ou religieux le droit de
se séparer du territoire de l’Etat dont ils font partie sans le consentement

de cet Etat, simplement en déclarant que telle est leur volonté. Admettre
qu’il en soit autrement, et admettre qu’un groupe ethnique, linguistique
ou religieux puisse se déclarer indépendant et se séparer du territoire de
l’Etat dont il fait partie, en dehors du contexte de la colonisation, c’est
créer un précédent très dangereux. Cette attitude revient en fait, ni plus ni

moins, à annoncer à tous les groupes dissidents du monde entier qu’ils
peuvent contourner le droit international pour peu qu’ils agissent d’une
certaine manière et rédigent une déclaration unilatérale d’indépendance

69dans certains termes. L’avis de la Cour va servir de guide et de manuel
d’instruction aux groupes sécessionnistes du monde entier, et la stabilité

du droit international en sera gravement fragilisée.
5. De plus, il y a comme une pétition de principe de la part de la Cour
dans le fait d’identifier les auteurs de la déclaration unilatérale d’indépen-
dance en se fondant sur ce qu’elle juge être leur intention apparente, puis-

que c’est déterminer à l’avance la réponse même que la Cour cherche à
apporter: il ne fait pas de doute que les auteurs souhaitent apparaître
comme les dirigeants légitimes, démocratiquement élus, du Kosovo nou-
vellement indépendant, mais leur intention subjective ne suffit pas à leur
conférer cette qualité. Se fonder sur une telle intention conduit à des

résultats absurdes, puisque n’importe quel groupe — sécessionnistes,
insurgés — pourrait ainsi contourner des normes internationales le visant
spécialement en prétendant s’être réorganisé sous un autre nom. Si cette
approche fondée sur la recherche de l’intention est adoptée, il suffira à ces

groupes de démontrer qu’ils avaient l’intention d’avoir une autre identité
au moment de tel ou tel acte de leur part pour que cet acte échappe aux
règles de droit international spécialement élaborées pour le prévenir.
6. En l’espèce, il convient de rappeler que le représentant spécial du
Secrétaire général avait auparavant jugé des actes semblables incompati-

bles avec le cadre constitutionnel, estimant qu’ils dépassaient le «champ
de compétences de l’Assemblée» et excédaient donc ses pouvoirs, en
particulier lorsque cet organe avait pris des initiatives en faveur de
l’indépendance du Kosovo (dossier déposé par l’Organisation des
o
Nations Unies, pièce n 189, 7 février 2003). C’est parce que de tels actes
avaient auparavant été annulés que les auteurs de la déclaration unilaté-
rale d’indépendance ont affirmé avoir procédé à celle-ci en dehors du
cadre des institutions provisoires d’administration autonome.
7. Comme l’a reconnu la Cour au paragraphe 97 de son avis consul-

tatif, la résolution 1244 (1999) et le règlement 1999/1 de la MINUK consti-
tuent l’ordre juridique alors en vigueur sur le territoire du Kosovo. Le
Kosovo ne se trouvait pas dans un vide juridique. Aucun acte, tel que la
déclaration unilatérale d’indépendance du 17 février 2008, pris en viola-

tion de la résolution 1244 (1999) et du règlement 1999/1 de la MINUK
n’est dès lors conforme au droit international.
8. Le droit international n’est pas créé par des entités non étatiques
agissant isolément: il est créé avec l’accord des Etats. Au lieu de formuler
une conclusion sur l’identité des auteurs de la déclaration unilatérale

d’indépendance en se fondant sur leur intention subjective, la Cour aurait
dû rechercher l’intention des Etats, et surtout dans la présente procédure,
celle qui a inspiré la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité,
laquelle réaffirme l’intégrité territoriale de la République fédérale de

Yougoslavie (Serbie).
9. Dans la mesure où, dans son avis consultatif, la Cour n’a pas
répondu à la question que lui avait posée l’Assemblée générale, je vais
maintenant donner mon opinion sur cette question dans la perspective du
droit international. Cette opinion est essentiellement que la résolution 1244

70(1999) et le droit international général, en particulier le principe de l’inté-
grité territoriale des Etats, ne laissaient aucune marge à la formulation

d’une déclaration unilatérale d’indépendance par les institutions provisoi-
res d’administration autonome du Kosovo, et que cette déclaration d’indé-
pendance n’est donc pas conforme au droit international.
10. Dans la question qu’elle a posée à la Cour, l’Assemblée générale
reconnaît que la résolution 1244 (1999) constitue la base juridique de la

création des institutions provisoires d’administration autonome du Koso-
vo. Il est donc évident que la question dont est saisie la Cour a pour prémisse
la résolution 1244 (1999). Cette résolution a été adoptée par le Conseil de
sécurité en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

et elle a donc force obligatoire en application de l’article 25 de la Charte.
Elle reste la base juridique du régime en vigueur au Kosovo. Aussi,
lorsqu’il lui est demandé d’apprécier la validité en droit de la déclaration
unilatérale d’indépendance du 17 février 2008, la Cour doit avant tout in-
terpréter la résolution 1244 (1999) et l’appliquer, en tant que droit interna-

tional et lex specialis, à la question dont elle est saisie. Ce n’est qu’après
qu’il lui faudra examiner les autres règles impératives du droit interna-
tional, en particulier le principe de la souveraineté et de l’intégrité terri-
toriale de l’Etat, en l’espèce la République fédérale de Yougoslavie (Serbie).
11. Ainsi donc, ce qui est essentiellement en jeu dans la présente

espèce, c’est l’interprétation et l’application correctes de la résolution 1244
(1999) du Conseil de sécurité. Comme je le montrerai en détail plus loin,
la déclaration d’indépendance est illicite au regard de la résolution 1244
(1999) du Conseil de sécurité pour plusieurs raisons. Premièrement, il res-
sort du dossier soumis à la Cour que cette déclaration a été adoptée par

l’Assemblée du Kosovo en tant qu’organe des institutions provisoires
d’administration autonome. Elle a été approuvée comme telle par le pré-
sident et le premier ministre du Kosovo. Par conséquent, elle relève de la
résolution 1244 (1999). Deuxièmement, cette résolution demande un
règlement négocié, autrement dit l’accord de toutes les parties concernées

sur le statut final du Kosovo, auquel les auteurs de la déclaration d’indé-
pendance se sont soustraits. Troisièmement, la déclaration d’indépen-
dance viole la disposition de cette résolution demandant une solution
politique fondée sur le respect de l’intégrité territoriale de la République
fédérale de Yougoslavie et l’autonomie du Kosovo. En outre, la déclara-

tion est une tentative visant à mettre fin à la présence internationale éta-
blie au Kosovo par la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, ce
que seul le Conseil de sécurité lui-même pourrait faire.
12. Pour appliquer la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité
aux faits visés par la question de l’Assemblée générale, la Cour doit

d’abord l’interpréter. Au paragraphe 117 de son avis consultatif, la Cour
rappelle la position qu’elle avait adoptée dans la procédure relative aux
Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afri-
que du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276

(1970) du Conseil de sécurité , à savoir que, pour interpréter les résolu-
tions du Conseil de sécurité,

71 «[i]l faut soigneusement analyser le libellé d’une résolution ... avant

de pouvoir conclure à son effet obligatoire. Etant donné le caractère
des pouvoirs découlant de l’article 25, il convient de déterminer dans
chaque cas si ces pouvoirs ont été en fait exercés, compte tenu des
termes de la résolution à interpréter, des débats qui ont précédé son
adoption, des dispositions de la Charte invoquées et en général de

tous les éléments qui pourraient aider à préciser les conséquences
juridiques de la résolution du Conseil de sécurité.» (Avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1971, p. 53, par. 114.)

13. A cet égard, la résolution 1244 (1999) réaffirme «la souveraineté
et ... l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et de
tous les autres Etats de la région, au sens de l’acte final d’Helsinki et de
l’annexe 2 [de la résolution]» (Nations Unies, Documents officiels du
e
Conseil de sécurité, 4011 séance, S/RES/1244 (1999), p. 2). Elle dispose
aussi, au paragraphe 1 de son dispositif, que «la solution politique de la
crise au Kosovo reposera sur les principes généraux énoncés à l’annexe 1
et ... à l’annexe 2» (ibid., p. 2). Ces deux annexes prévoient que le pro-

cessus politique doit tenir «pleinement compte» (ibid., p. 6) des «princi-
pes de souveraineté et d’intégrité territoriale de la République fédérale de
Yougoslavie et des autres pays de la région» (ibid., p. 6). En outre, aux
alinéas a) et e) du paragraphe 11 du dispositif de la résolution 1244 (1999),

le Conseil fait référence aux accords de Rambouillet, qui, eux aussi, affir-
ment la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République fédérale de
Yougoslavie: dans le préambule de ces accords, les parties réaffirment
leur adhésion à l’acte final d’Helsinki ainsi que leur attachement «à la
souveraineté et à l’intégrité territoriale de la République fédérale de You-

goslavie» (Nations Unies, Documents officiels du Conseil de sécurité ,
S/1999/648, p. 2). Aux termes du chapitre premier, les institutions d’admi-
nistration autonome du Kosovo doivent être «fondées dans le respect de
l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la République fédérale de

Yougoslavie» (ibid., p. 5). Que ces dispositions soient considérées sépa-
rément ou conjointement, il en ressort de manière tout à fait évidente que
la résolution 1244 (1999) ne prévoit pas que le Kosovo puisse unilatéra-
lement faire sécession de la République fédérale de Yougoslavie sans le

consentement de cette dernière. Au contraire, la résolution réaffirme la
souveraineté et l’intégrité territoriale de la République fédérale de You-
goslavie, dont le Kosovo fait pleinement partie. De plus, elle prévoit une
«autonomie substantielle [de la population du Kosovo] au sein de la

République fédérale de Yougoslavie»e(Nations Unies, Documents offi-
ciels du Conseil de sécurité , 4011 séance, S/RES/1244 (1999), par. 10; les
italiques sont de moi). En d’autres termes, l’intention était que le Kosovo
jouisse d’une autonomie et de pouvoirs d’auto-administration substan-
tiels au cours de la présence internationale civile, mais qu’il continue de

faire partie intégrante de la République fédérale de Yougoslavie.
14. La présence internationale civile prévue au paragraphe 11 de la
résolution 1244 (1999) a été établie au Kosovo avec l’«accord» de la

72République fédérale de Yougoslavie (Serbie), souveraine sur l’ensemble
de son territoire, y compris sur le Kosovo. Cela ressort à la fois du

préambule et du dispositif de la résolution. Dans le préambule, le Conseil
de sécurité a:

«Accueill[i] avec satisfaction les principes généraux concernant la
solution politique de la crise du Kosovo adoptés le 6 mai 1999
(S/1999/516; annexe 1 à la présente résolution) et [s’est] félicit[é] de
l’adhésion de la République fédérale de Yougoslavie aux principes
énoncés aux points 1 à 9 du document présenté à Belgrade le

2 juin 1999 (S/1999/649; annexe 2 à la présente résolution), ainsi
que de son accord quant à ce document.» (Les italiques sont de
moi.)

Au paragraphe 1 du dispositif, le Conseil de sécurité a décidé «que la
solution politique de la crise au Kosovo reposera[it] sur les principes
généraux énoncés à l’annexe 1 et les principes et conditions plus détaillés

figurant à l’annexe 2». Au paragraphe 2 du dispositif, le Conseil «[s’est]
félicit[é] de l’adhésion de la République fédérale de Yougoslavie aux
principes et conditions visés au paragraphe 1» (les italiques sont de moi).
Ainsi, selon la résolution 1244 (1999), le Conseil de sécurité reconnaît que
le Kosovo fait partie du territoire de la République fédérale de Yougo-

slavie et confirme que la présence civile internationale établie au Kosovo
l’a été en accord avec la République fédérale de Yougoslavie. Le Kosovo
ne peut être proclamé unilatéralement indépendant tant que la présence
internationale civile continue d’exister et d’exercer ses compétences dans
la province. La résolution ne confère pas à la présence internationale

civile le droit de porter atteinte ou de mettre un terme à la souveraineté
de la République fédérale de Yougoslavie sur le Kosovo, qui fait partie
de son territoire, pas davantage qu’elle n’envisage le transfert de cette
souveraineté à l’une des institutions provisoires d’administration auto-
nome du Kosovo créées par la présence internationale. Il s’agissait là

d’une évidence, mais, afin qu’elle apparût clairement, c’est avec l’accord
exprès du Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie qu’ont
été créées par la résolution 1244 (1999) la MINUK et les institutions pro-
visoires d’administration autonome du Kosovo. En tant qu’organes sub-
sidiaires du Conseil de sécurité, celles-ci possèdent les pouvoirs circons-

crits que leur confère et que définit la résolution 1244 (1999). Aucun de
ces organes n’a le pouvoir de déterminer le statut final du Kosovo, ni de
créer d’autres organes dotés d’un tel pouvoir. En conséquence, lorsque
l’Assemblée des institutions provisoires d’administration autonome du
Kosovo a voulu déclarer l’indépendance le 17 février 2008, elle a cherché

à accomplir un acte qui sortait du cadre de sa compétence. La déclaration
est donc nulle; il s’agit d’un acte illicite qui viole des dispositions expres-
ses de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. Ex injuria non
oritur jus.

15. Qu’une déclaration unilatérale d’indépendance émanant de l’un
des organes des institutions provisoires d’administration autonome du

73Kosovo soit contraire dans sa lettre et son esprit à la résolu-

tion 1244 (1999), c’est ce qu’implique à l’évidence le paragraphe 10 de
celle-ci, lorsqu’il dispose que doit être établie «au Kosovo ... une admi-
nistration intérimaire dans le cadre de laquelle la population du Kosovo
pourra jouir d’une autonomie substantielle au sein de la République fédé-
rale de Yougoslavie» (les italiques sont de moi). Par les termes «au sein

de», la résolution reconnaît une nouvelle fois la souveraineté de la Répu-
blique fédérale de Yougoslavie sur son territoire du Kosovo et fait obs-
tacle à toute modification de l’étendue territoriale de la République fédé-
rale de Yougoslavie (Serbie).

16. La déclaration unilatérale d’indépendance n’est pas non plus com-
patible avec le paragraphe 11 du dispositif de la résolution 1244 (1999),
qui dispose notamment que le Conseil de sécurité:

«Décide que les principales responsabilités de la présence interna-
tionale civile seront les suivantes:

a) faciliter, en attendant un règlement définitif, l’instauration au
Kosovo d’une autonomie et d’une auto-administration substan-
tielles, compte pleinement tenu de l’annexe 2 et des accords de
Rambouillet (S/1999/648)».

La mention d’un «règlement» ultérieur du conflit exclut à mon sens la
possibilité de toute déclaration unilatérale d’indépendance. Par défini-

tion, le mot «règlement» employé dans ce contexte envisage une solution
résultant de négociations. Cette interprétation de la résolution 1244 (1999)
est confirmée par les positions de plusieurs Etats. Ainsi, la France a
déclaré au Conseil de sécurité que:

«l’ Assemblée en particulier doit renoncer à celles de ses initiatives
qui sont contraires à la résolution 1244 (1999) ou au cadre

constitutionnel... Aucune avancée ne sera possible au Kosovo sur la
base d’actions unilatérales qui seraient contraires à la résolu-
tion 1244 (1999)». (Nations Unies, Documents officiels du Conseil de
sécurité, cinquante-huitième année, 4770 séance, S/PV.4770, p. 6;

les italiques sont de moi.)
Le Gouvernement italien, s’exprimant au nom de l’Union européenne, a

qualifié la résolution 1244 (1999) de «pierre angulaire de l’engagement de
la communauté internationale au Kosovo» et «exhort[é] toutes les parties
concernées au Kosovo et dans la région à coopérer de façon construc-
tive ... pour mettre pleinement en Œuvre la résolution 1244 (1999) tout en

s’abstenant de commettre des actes unilatéraux ou de faire des déclara-
tions unilatérales...» (Nations Unies, Documents officiels du Conseil de
sécurité, cinquante-huitième année, 4823 séance, S/PV.4823, p. 16-17; les
italiques sont de moi). Le groupe de contact composé d’Etats de l’Union
européenne, de la Fédération de Russie et des Etats-Unis a rédigé des

principes directeurs devant régir le statut du Kosovo, aux termes desquels
«toute solution unilatérale ... sera inacceptable. Le territoire actuel du
Kosovo ne sera pas modifié... L’intégrité territoriale et la stabilité interne

74des voisins régionaux seront pleinement respectées.» (Nations Unies,
Documents officiels du Conseil de sécurité , S/2005/709, p. 3; les italiques

sont de moi.)
17. Enfin, il faut rappeler que, au paragraphe 91 de l’avis, la Cour
observe que la résolution 1244 (1999) est toujours en vigueur et que le
Conseil de sécurité n’a pris aucune mesure pour l’abroger. Le statut de

cette résolution ne peut pas être modifié unilatéralement.
18. Compte tenu de ce qui précède, on ne peut que conclure que la
résolution 1244 (1999) ne laisse place à aucune possibilité de déclaration
unilatérale d’indépendance, pas plus que de sécession du Kosovo vis-à-vis
de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie), sans le consentement

de cette dernière.
19. Après avoir examiné la résolution 1244 (1999), la Cour a cherché à
déterminer si la déclaration unilatérale d’indépendance violait certains
textes promulgués en application de cette résolution, notamment le cadre

constitutionnel et d’autres règlements de la MINUK, et conclu qu’elle ne
violait pas le cadre constitutionnel puisqu’elle n’émanait pas des institu-
tions provisoires d’administration autonome du Kosovo et que ses auteurs
n’étaient donc pas liés par ce cadre. Pourtant, la jurisprudence de la Cour
établit clairement que, si un organe auquel a été attribué un nombre

limité de compétences outrepasse celles-ci, ses actes sont entachés d’excès
de pouvoir (Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans
un conflit armé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I) ,p.82; Phospha-
tes du Maroc, arrêt, 1938, C.P.J.I. série A/B n o 74, p. 14). Dans l’avis, la

majorité élude ce résultat par une espèce de tour de passe-passe judiciaire,
en concluant à la hâte que les «auteurs» de la déclaration unilatérale
d’indépendance agissaient non pas en qualité d’institutions provisoires
d’administration autonome du Kosovo, mais en tant que représentants
directs du peuple kosovar, et qu’ils n’étaient donc pas soumis au cadre

constitutionnel et aux règlements de la MINUK. Cette conclusion ne
peut tout simplement pas être exacte, puisque la déclaration unilatérale
d’indépendance a été adoptée dans le contexte de la résolution 1244 (1999)
et que la Cour a reconnu que la question posée par l’Assemblée générale

était de nature juridique, la résolution 1244 (1999) constituant la lex spe-
cialis applicable en l’espèce.
20. Pour examiner la question dont l’Assemblée générale l’avait saisie,
la Cour devait non seulement examiner la résolution 1244 (1999) et les
textes promulgués en vertu de celle-ci, mais aussi appliquer les règles et

principes du droit international général. A cet égard, il faut d’abord sou-
ligner qu’il est erroné de dire, comme le fait la majorité, que le droit inter-
national n’autorise ni n’interdit les déclarations unilatérales d’indépen-
dance. Cette affirmation n’a de sens que si elle est faite in abstracto au

sujet des déclarations d’indépendance en général (voir, par exemple, l’avis
consultatif de la Cour suprême du Canada dans lequel celle-ci aboutit
dans l’abstrait à une telle conclusion en ce qui concerne la sécession en
droit international, Renvoi par le Gouverneur en conseil au sujet de cer-
taines questions ayant trait à la sécession du Québec du reste du Canada ,

751998, RCS, vol. 2, p. 217, par. 112), et non pas au sujet d’une déclaration
unilatérale d’indépendance faite dans un contexte factuel et juridique par-

ticulier par rapport auquel sa conformité au droit international peut être
appréciée. La question posée à la Cour est précise et circonscrite. Ce n’est
pas une question d’école. C’est une question juridique, qui appelle une
réponse juridique. Etant donné que la Cour a, selon son Statut, l’obliga-
tion d’appliquer les règles et principes du droit international même

lorsqu’elle rend des avis consultatifs, elle aurait dû le faire en l’espèce. Si
elle l’avait fait — au lieu d’éluder la question en affirmant de manière
générale que le droit international n’autorise ni n’interdit les déclarations
d’indépendance, ce qui ne répond pas à la question de l’Assemblée géné-

rale —, elle aurait été obligée de conclure, comme il est exposé ci-dessous,
que la déclaration unilatérale d’indépendance des institutions provisoires
d’administration autonome du Kosovo équivalait à une sécession et
qu’elle n’était pas conforme au droit international. La sécession unilaté-
rale d’un territoire d’un Etat existant sans son consentement, comme

dans la présente espèce, est une question de droit international.
21. La vérité est que le droit international défend l’intégrité territoriale
des Etats. L’un des principes fondamentaux du droit international
contemporain est celui du respect de la souveraineté et de l’intégrité ter-
ritoriale des Etats. Ce principe entraîne l’obligation de ne pas porter

atteinte à la définition, la délimitation et l’intégrité territoriale des Etats
existants. Selon ce principe, l’Etat exerce sa souveraineté sur son domaine
territorial et dans les limites de celui-ci. Le principe du respect de l’inté-
grité territoriale est consacré par la Charte des Nations Unies et d’autres
instruments internationaux. Selon le paragraphe 4 de l’article 2 de la

Charte:

«Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs rela-
tions internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la
force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique
de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts
des Nations Unies.»

La déclaration unilatérale d’indépendance s’accompagne de la revendica-

tion d’un territoire qui fait partie de la République fédérale de Yougo-
slavie (Serbie). Essayer de démembrer, ou d’amputer, le territoire d’un
Etat, en l’espèce la République fédérale de Yougoslavie (Serbie), par le
biais de la déclaration unilatérale d’indépendance du 17 février 2008 n’est
conforme ni au droit international, ni aux principes de la Charte des

Nations Unies, ni à la résolution 1244 (1999).
Le principe du respect de l’intégrité territoriale est aussi inscrit dans la
déclaration relative aux principes du droit international touchant les rela-
tions amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte

des Nations Unies, aux termes de laquelle

«toute tentative visant à rompre partiellement ou totalement l’unité
nationale et l’intégrité territoriale d’un Etat ou d’un pays ou à porter

76 atteinte à son indépendance politique est incompatible avec les buts et
principes de la Charte» (Nations Unies, Documents officiels de

l’Assemblée générale, vingt-cinquième session, résolution 2625
(XXV) du 24 octobre 1970; les italiques sont de moi).

La déclaration prévoit en outre que «[l]’intégrité territoriale et l’indépen-
dance politique de l’Etat sont inviolables».
22. Même les principes d’égalité des droits et d’autodétermination des
peuples en tant que préceptes de droit international n’autorisent pas le
démembrement d’un Etat existant sans son consentement. Aux termes de

la déclaration susmentionnée, «[t]out Etat doit s’abstenir de toute action
visant à rompre partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité
territoriale d’un autre Etat ou d’un autre pays». La déclaration souligne
en outre que:

«Rien dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme
autorisant ou encourageant une action, quelle qu’elle soit , qui démem-
brerait ou menacerait, totalement ou partiellement, l’intégrité terri-

toriale ou l’unité politique de tout Etat souverain et indépendant.»
(Les italiques sont de moi.)
Elle ne laisse ainsi aucun doute sur le fait que les principes de la souve-

raineté et de l’intégrité territoriale des Etats l’emportent sur celui de
l’autodétermination.
23. Selon la conclusion de la Cour suprême du Canada, qui a déjà exa-
miné une question semblable à celle dont la Cour est saisie, «le droit
international n’accorde pas expressément aux parties constituantes d’un

Etat souverain le droit de faire sécession unilatéralement de l’Etat
«parent»» (Renvoi par le Gouverneur en conseil au sujet de certaines
questions ayant trait à la sécession du Québec du reste du Canada , 1998,
RCS, vol. 2, p. 217, par. 111). Cette déclaration, à mon avis, reflète de
manière exacte l’état actuel du droit en ce qui concerne la question dont

était saisie la Cour suprême du Canada, à savoir:
«L’Assemblée nationale, la législature, ou le gouvernement du

Québec possède-t-il, en vertu du droit international, le droit de pro-
céder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada? A cet
égard, en vertu du droit international, existe-t-il un droit à l’auto-
détermination qui procurerait à l’Assemblée nationale, la législature,
ou le gouvernement du Québec le droit de procéder unilatéralement

à la sécession du Québec du Canada?» (Ibid., par. 2.)
La question dont était saisie la Cour en la présente espèce, en revanche,
ne portait pas sur l’existence d’un «droit» de déclarer l’indépendance,

mais sur la «conformité» d’une déclaration d’indépendance avec le droit
international. Elle était l’occasion de compléter le tableau partiellement
dressé par la Cour suprême du Canada. Celle-ci, en réponse à la question
concrète qui lui était posée, avait clairement indiqué que le droit interna-

tional ne conférait pas de droit à faire sécession. Notre Cour, en réponse
à la question concrète posée par l’Assemblée générale, aurait dû indiquer

77clairement que le droit international applicable en l’espèce contenait

des règles et principes interdisant expressément la déclaration d’indé-
pendance et la sécession. La déclaration unilatérale d’indépendance du
17 février 2008 équivalait à une tentative du Kosovo pour faire sécession
de la Serbie et se proclamer Etat souverain indépendant, créé sur une par-

tie du territoire de celle-ci. Le droit international applicable à l’espèce, de
même que la résolution 1244 (1999), interdit une telle proclamation et ne
peut en reconnaître la validité.
24. La République fédérale de Yougoslavie était, à l’époque où a été

adoptée la résolution 1244 (1999), et est encore, un Etat indépendant
exerçant une souveraineté pleine et entière sur le Kosovo. Ni le Conseil
de sécurité, ni les institutions provisoires d’administration autonome du
Kosovo, qui sont des créations du Conseil, ne sont habilités à démembrer

la République fédérale de Yougoslavie (Serbie), ou à rompre, partielle-
ment ou totalement, son intégrité territoriale ou son unité politique sans
son consentement.
25. Pour ces raisons, la Cour aurait dû conclure que la déclaration

unilatérale d’indépendance du 17 février 2008 émanant des institutions
provisoires d’administration autonome du Kosovo n’était pas conforme
au droit international.

(Signé) Abdul G. K OROMA .

78

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE KOROMA

The unilateral declaration of independence of 17 February 2008 unlawful for
failure to comply with laid down legal principles — In exercising its advisory
jurisdiction, the Court may only reformulate the question posed so as to make it

more closely correspond to the intent of the institution requesting the advisory
opinion — The Court’s conclusion that the declaration of independence was
made by a body other than the Provisional Institutions of Self-Government of
Kosovo is legally untenable because it is based on the Court’s perceived intent of
those authors — Security Council resolution 1244 (1999) constitutes the lex
specialis to be applied in the present case — The declaration of independence
contravenes resolution 1244 (1999), which calls for a negotiated settlement and
for a political solution based on respect for the territorial integrity of the Fed-
eral Republic of Yugoslavia — The declaration of independence contravenes
resolution 1244 (1999) because it is an attempt to bring to an end the interna-
tional presence in Kosovo established by that resolution — The declaration of
independence violated the Constitutional Framework and UNMIK regulations —
The declaration of independence violated the principle of respect for the sover-
eignty and territorial integrity of States — The Court should have found that the
unilateral declaration of independence of 17 February 2008 by the Provisional
Institutions of Self-Government of Kosovo is not in accordance with international

law.

1. I have voted in favour of the decision to accede to the request for an
advisory opinion, but I unfortunately cannot concur in the finding that
the “declaration of independence of Kosovo adopted on 17 February
2008 did not violate international law”, in view of the following.

2. The unilateral declaration of independence of 17 February 2008 was
not intended to be without effect. It was unlawful and invalid. It failed to
comply with laid down rules. It was the beginning of a process aimed at
separating Kosovo from the State to which it belongs and creating a new
State. Taking into account the factual circumstances surrounding the

question put to the Court by the General Assembly, such an action vio-
lates Security Council resolution 1244 (1999) and general international
law.
3. Although the Court in exercising its advisory jurisdiction is entitled to
reformulate or interpret a question put to it, it is not free to replace the
question asked of it with its own question and then proceed to answer that

question, which is what the Court has done in this case, even though it
states that it sees no reason to reformulate the question. As the Court states
in paragraph 50 of the Advisory Opinion, its power to reformulate a
request for an advisory opinion has been limited to three areas. First, the
Court notes that in Interpretation of the Greco-Turkish Agreement of

68 OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE KOROMA

[Traduction]

La déclaration unilatérale d’indépendance du 17 février 2008 est illicite, car
elle n’est pas conforme aux principes juridiques établis — Dans l’exercice de sa
juridiction consultative, la Cour ne peut reformuler la question qui lui est posée

que pour que celle-ci traduise mieux l’intention de l’organe qui demande l’avis
consultatif — La conclusion de la Cour selon laquelle la déclaration d’indépen-
dance a été faite par un organe distinct des institutions provisoires d’administra-
tion autonome ne tient pas en droit, parce qu’elle repose sur ce que la Cour
pense être l’intention de ses auteurs — La résolution 1244 (1999) du Conseil de
sécurité constitue la lex specialis à appliquer en l’espèce — La déclaration
d’indépendance contrevient à la résolution 1244 (1999), qui demande un règle-
ment négocié et une solution politique fondée sur le respect de l’intégrité terri-
toriale de la République fédérale de Yougoslavie — La déclaration d’indépen-
dance contrevient à la résolution 1244 (1999) parce qu’elle constitue une
tentative visant à mettre fin à la présence internationale établie au Kosovo par
cette résolution — La déclaration d’indépendance a violé le cadre constitution-
nel et les règlements de la MINUK — La déclaration d’indépendance a violé le
principe du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Etat — La
Cour aurait dû conclure que la déclaration unilatérale d’indépendance faite le
17 février 2008 par les institutions provisoires d’administration autonome du

Kosovo n’était pas conforme au droit international.

1. Si j’ai voté en faveur de la décision de la Cour de donner suite à la
demande d’avis consultatif, je ne puis malheureusement, pour les raisons
exposées ci-après, partager la conclusion selon laquelle la «déclaration
d’indépendance du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n’a pas violé le
droit international».

2. La déclaration unilatérale d’indépendance du 17 février 2008 n’était
pas censée ne pas produire d’effet. Elle était illicite et nulle, elle n’était pas
conforme aux règles établies et elle marquait le début d’un processus
visant à séparer le Kosovo de l’Etat auquel il appartient, pour créer un
Etat nouveau. Compte tenu des circonstances factuelles dans lesquelles a

été formulée la question dont la Cour a été saisie par l’Assemblée géné-
rale, cet acte viole la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et le
droit international général.
3. Certes, la Cour, dans l’exercice de sa compétence consultative, peut
reformuler ou interpréter la question qui lui est posée, mais elle n’est pas
libre d’y substituer une autre question pour ensuite répondre à cette der-

nière; or, c’est ce qu’elle a fait dans la présente procédure, tout en déclarant
qu’elle ne voyait pas de raison de reformuler la question. Comme la Cour le
rappelle au paragraphe 50 de l’avis consultatif, trois motifs seulement l’ont
par le passé conduite à exercer cette faculté de reformuler une demande
d’avis consultatif. Premièrement, la Cour relève que, dans l’avis consultatif

681 December 1926 (Final Protocol, Article IV), Advisory Opinion , its pred-
ecessor, the Permanent Court of International Justice, departed from the

language of the question put to it because the wording did not adequately
state what the Court believed to be the intended question (Advisory Opin-
ion, para. 50, citing1928, P.C.I.J., Series B, No. 16). Second, the Court
points out that in Interpretation of the Agreement of 25 March 1951
between the WHO and Egypt, Advisory Opinion, the request was reformu-

lated because it did not reflect the “legal questions really in issue”ib(id.,
citing I.C.J. Reports 1980, p. 89, para. 35). This involved only slightly
broadening the question but not changing the meaning from what had been
intended. Finally, the Court observes that inApplication for Review of

Judgement No. 273 of the United Nations Administrative Tribunal, Advi-
sory Opinion, it clarified a question considered unclear or vagueib (id., cit-
ing I.C.J. Reports 1982, p. 348, para. 46). In all of these cases, the Court
reformulated the question in an effort to make that question more closely
correspond to the intent of the institution requesting the advisory opinion.

Never before has it reformulated a question to such an extent that a com-
pletely new question results, one clearly distinct from the original question
posed and which, indeed, goes against the intent of the body asking it. This
is what the Court has done in this case by, without explicitly reformulating
the question, concluding that the authors of the declaration of independ-

ence were distinct from the Provisional Institutions of Self-Government of
Kosovo and that the answer to the question should therefore be developed
on this presumption. The purpose of the question posed by the General
Assembly is to enlighten the Assembly as to how to proceed in the light of
the unilateral declaration of independence, and the General Assembly has

clearly stated that it views the unilateral declaration of independence as
having been made by the Provisional Institutions of Self-Government of
Kosovo. The Court does not have the power to reformulate the question —
implicitly or explicitly — to such an extent that it answers a question about
an entity other than the Provisional Institutions of Self-Government of

Kosovo.
4. Moreover, the Court’s conclusion that the declaration of independ-
ence of 17 February 2008 was made by a body other than the Provisional
Institutions of Self-Government of Kosovo and thus did not violate
international law is legally untenable, because it is based on the Court’s

perceived intent of those authors. International law does not confer a
right on ethnic, linguistic or religious groups to break away from the ter-
ritory of a State of which they form part, without that State’s consent,
merely by expressing their wish to do so. To accept otherwise, to allow
any ethnic, linguistic or religious group to declare independence and

break away from the territory of the State of which it forms part, outside
the context of decolonization, creates a very dangerous precedent. Indeed,
it amounts to nothing less than announcing to any and all dissident
groups around the world that they are free to circumvent international

law simply by acting in a certain way and crafting a unilateral declaration
of independence, using certain terms. The Court’s Opinion will serve as a

69relatif à l’Interprétation de l’accord gréco-turc du 1 décembre 1926 (pro-

tocole final, article IV), sa devancière, la Cour permanente de Justice inter-
nationale, s’est écartée du libellé de la question qui lui était posée parce que
celui-ci n’exprimait pas correctement ce que la Cour permanente jugeait
être l’intention des auteurs (avis consultatif, par. 50, citan1 t928, C.P.J.I.
série B n 16). Deuxièmement, elle fait observer que, dans le cadre de

l’Interprétation de l’accord du 25 mars 1951 entre l’OMS et l’Egypte la
demande d’avis consultatif a été reformulée parce qu’elle ne mettait pas en
évidence les «points de droit ... véritablement ... en jeu»ib(id., citant
C.I.J. Recueil 1980, p. 89, par. 35). La Cour n’avait alors que légèrement

élargi la question, sans modifier le sens de ce qui lui était demandé. Enfin,
elle rappelle que, dans l’avis consultatif relatif à Demande de réformation
du jugement n 273 du Tribunal administratif des Nations Unies, elle avait
clarifié une question considérée comme peu claire ou vagueib(id., citant

C.I.J. Recueil 1982, p. 348, par. 46). Dans tous ces cas, la Cour a reformulé
la question de manière à ce que celle-ci traduise mieux l’intention de
l’organe à l’origine de l’avis. Elle n’avait donc jamais jusqu’ici reformulé
une question jusqu’à en faire une question entièrement nouvelle, clairement

distincte de celle qui lui était initialement posée et même contraire à l’in-
tention de l’auteur de la demande. Or, c’est ce que, sans expressément
reformuler la question, elle a fait en l’espèce, en concluant qu’il conve-
nait d’opérer une distinction entre les auteurs de la déclaration d’indépen-

dance et les institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo
et que sa réponse à la question devait donc se fonder sur ce postulat. La
question posée par l’Assemblée générale a pour objet d’éclairer celle-ci sur
la façon de procéder «à la lumière de» la déclaration unilatérale d’indépen-
dance, et l’Assemblée a clairement indiqué que, selon elle, cette déclaration

émanait des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo.
La Cour n’a pas le pouvoir de reformuler — implicitement ou explicite-
ment — la question au point que sa réponse concerne une entité autre que
les institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo.

4. De plus, la conclusion de la Cour selon laquelle la déclaration
d’indépendance du 17 février 2008 n’émanait pas des institutions provi-
soires d’administration autonome du Kosovo et, partant, ne violait pas le

droit international ne tient pas en droit, parce qu’elle repose sur l’idée
que la Cour se fait de l’intention de ses auteurs. Le droit international ne
confère pas aux groupes ethniques, linguistiques ou religieux le droit de
se séparer du territoire de l’Etat dont ils font partie sans le consentement

de cet Etat, simplement en déclarant que telle est leur volonté. Admettre
qu’il en soit autrement, et admettre qu’un groupe ethnique, linguistique
ou religieux puisse se déclarer indépendant et se séparer du territoire de
l’Etat dont il fait partie, en dehors du contexte de la colonisation, c’est
créer un précédent très dangereux. Cette attitude revient en fait, ni plus ni

moins, à annoncer à tous les groupes dissidents du monde entier qu’ils
peuvent contourner le droit international pour peu qu’ils agissent d’une
certaine manière et rédigent une déclaration unilatérale d’indépendance

69guide and instruction manual for secessionist groups the world over, and
the stability of international law will be severely undermined.

5. It is also question-begging to identify the authors of the unilateral
declaration of independence on the basis of their perceived intent, for it
predetermines the very answer the Court is trying to develop: there can
be no question that the authors wish to be perceived as the legitimate,

democratically elected leaders of the newly-independent Kosovo, but
their subjective intent does not make it so. Relying on such intent leads to
absurd results, as any given group — secessionists, insurgents — could
circumvent international norms specifically targeting them by claiming to

have reorganized themselves under another name. Under an intent-
oriented approach, such groups merely have to show that they intended
to be someone else when carrying out a given act, and that act would
no longer be subject to international law specifically developed to prevent
it.

6. In the case before the Court, it should be recalled that the Special
Representative of the Secretary-General had previously described such
acts as being incompatible with the Constitutional Framework, on the

grounds that they were deemed to be “beyond the scope of the Assem-
bly’s competence” and therefore outside its powers, in particular when
that body took initiatives to promote the independence of Kosovo (United
Nations dossier No. 189, 7 February 2003). In the face of this previous
invalidation, the authors of the unilateral declaration of independence

have claimed to have made their declaration of independence outside the
framework of the Provisional Institutions of Self-Government.
7. As the Court has recognized in paragraph 97 of its Advisory
Opinion, resolution 1244 (1999) and UNMIK regulation 1999/1 constitute
the legal order in force at that time in the territory of Kosovo. Kosovo

was not a legal vacuum. Any act, such as the unilateral declaration of
independence of 17 February 2008, adopted in violation of resolution 1244
(1999) and UNMIK regulation 1999/1, will therefore not be in accord-
ance with international law.
8. International law is not created by non-State entities acting on their

own. It is created with the assent of States. Rather than reaching a con-
clusion on the identity of the authors of the unilateral declaration of
independence based on their subjective intent, the Court should have
looked to the intent of States and, in particular in this case, the intent of
the Security Council in resolution 1244 (1999), which upholds the terri-

torial integrity of the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia).

9. In so far as the Advisory Opinion has not responded to the question
posed by the General Assembly, I will now give my views on the question

from the perspective of international law. Principally, my view is that
resolution 1244 (1999), together with general international law, in par-

70dans certains termes. L’avis de la Cour va servir de guide et de manuel
d’instruction aux groupes sécessionnistes du monde entier, et la stabilité

du droit international en sera gravement fragilisée.
5. De plus, il y a comme une pétition de principe de la part de la Cour
dans le fait d’identifier les auteurs de la déclaration unilatérale d’indépen-
dance en se fondant sur ce qu’elle juge être leur intention apparente, puis-

que c’est déterminer à l’avance la réponse même que la Cour cherche à
apporter: il ne fait pas de doute que les auteurs souhaitent apparaître
comme les dirigeants légitimes, démocratiquement élus, du Kosovo nou-
vellement indépendant, mais leur intention subjective ne suffit pas à leur
conférer cette qualité. Se fonder sur une telle intention conduit à des

résultats absurdes, puisque n’importe quel groupe — sécessionnistes,
insurgés — pourrait ainsi contourner des normes internationales le visant
spécialement en prétendant s’être réorganisé sous un autre nom. Si cette
approche fondée sur la recherche de l’intention est adoptée, il suffira à ces

groupes de démontrer qu’ils avaient l’intention d’avoir une autre identité
au moment de tel ou tel acte de leur part pour que cet acte échappe aux
règles de droit international spécialement élaborées pour le prévenir.
6. En l’espèce, il convient de rappeler que le représentant spécial du
Secrétaire général avait auparavant jugé des actes semblables incompati-

bles avec le cadre constitutionnel, estimant qu’ils dépassaient le «champ
de compétences de l’Assemblée» et excédaient donc ses pouvoirs, en
particulier lorsque cet organe avait pris des initiatives en faveur de
l’indépendance du Kosovo (dossier déposé par l’Organisation des
o
Nations Unies, pièce n 189, 7 février 2003). C’est parce que de tels actes
avaient auparavant été annulés que les auteurs de la déclaration unilaté-
rale d’indépendance ont affirmé avoir procédé à celle-ci en dehors du
cadre des institutions provisoires d’administration autonome.
7. Comme l’a reconnu la Cour au paragraphe 97 de son avis consul-

tatif, la résolution 1244 (1999) et le règlement 1999/1 de la MINUK consti-
tuent l’ordre juridique alors en vigueur sur le territoire du Kosovo. Le
Kosovo ne se trouvait pas dans un vide juridique. Aucun acte, tel que la
déclaration unilatérale d’indépendance du 17 février 2008, pris en viola-

tion de la résolution 1244 (1999) et du règlement 1999/1 de la MINUK
n’est dès lors conforme au droit international.
8. Le droit international n’est pas créé par des entités non étatiques
agissant isolément: il est créé avec l’accord des Etats. Au lieu de formuler
une conclusion sur l’identité des auteurs de la déclaration unilatérale

d’indépendance en se fondant sur leur intention subjective, la Cour aurait
dû rechercher l’intention des Etats, et surtout dans la présente procédure,
celle qui a inspiré la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité,
laquelle réaffirme l’intégrité territoriale de la République fédérale de

Yougoslavie (Serbie).
9. Dans la mesure où, dans son avis consultatif, la Cour n’a pas
répondu à la question que lui avait posée l’Assemblée générale, je vais
maintenant donner mon opinion sur cette question dans la perspective du
droit international. Cette opinion est essentiellement que la résolution 1244

70ticular the principle of the territorial integrity of States, does not allow
for the unilateral declaration of independence by the Provisional Institu-

tions of Self-Government of Kosovo, and that that declaration of inde-
pendence is therefore not in accordance with international law.

10. In the question that it has submitted to the Court, the General
Assembly recognizes that resolution 1244 (1999) constitutes the legal

basis for the creation of the Provisional Institutions of Self-Government
of Kosovo. It is therefore obvious that the question before the Court is
accordingly predicated on resolution 1244 (1999). That resolution was
adopted by the Security Council pursuant to Chapter VII of the Charter

of the United Nations and is thus binding pursuant to Article 25 of the
Charter. It remains the legal basis of the régime governing Kosovo. Thus,
when asked to determine the legal validity of the unilateral declaration of
independence of 17 February 2008, this Court has, first and foremost, to
interpret and to apply resolution 1244 (1999), both as international law

and as the lex specialis, to the matter before it. Only after this must the
Court consider the other mandatory rules of international law, in par-
ticular, the principle of the sovereignty and territorial integrity of a State,
in this case the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia).
11. Therefore, what is primarily at stake in this case is the proper

interpretation and application of Security Council resolution 1244 (1999).
As explained in detail below, the declaration of independence is unlawful
under Security Council resolution 1244 (1999) for several reasons. First,
according to the material before the Court, the declaration of independ-
ence was adopted by the Assembly of Kosovo as part of the Provisional

Institutions of Self-Government. It was endorsed as such by the President
and Prime Minister of Kosovo. Accordingly, it is subject to resolu-
tion 1244 (1999). Secondly, that resolution calls for a negotiated settle-
ment, meaning the agreement of all the parties concerned with regard to
the final status of Kosovo, which the authors of the declaration of inde-

pendence have circumvented. Thirdly, the declaration of independence
violates the provision of that resolution calling for a political solution
based on respect for the territorial integrity of the Federal Republic of
Yugoslavia and the autonomy of Kosovo. Additionally, the unilateral
declaration of independence is an attempt to bring to an end the inter-

national presence in Kosovo established by Security Council resolu-
tion 1244 (1999), a result which could only be effected by the Security
Council itself.
12. In order to apply Security Council resolution 1244 (1999) to the
facts at issue in the question put by the General Assembly, the Court

must interpret that resolution. In paragraph 117 of the Advisory
Opinion, the Court recalled its statement inLegal Consequences for States
of the Continued Presence of South Africa in Namibia (South West
Africa) notwithstanding Security Council Resolution 276 (1970) that

when interpreting Security Council resolutions,

71(1999) et le droit international général, en particulier le principe de l’inté-
grité territoriale des Etats, ne laissaient aucune marge à la formulation

d’une déclaration unilatérale d’indépendance par les institutions provisoi-
res d’administration autonome du Kosovo, et que cette déclaration d’indé-
pendance n’est donc pas conforme au droit international.
10. Dans la question qu’elle a posée à la Cour, l’Assemblée générale
reconnaît que la résolution 1244 (1999) constitue la base juridique de la

création des institutions provisoires d’administration autonome du Koso-
vo. Il est donc évident que la question dont est saisie la Cour a pour prémisse
la résolution 1244 (1999). Cette résolution a été adoptée par le Conseil de
sécurité en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

et elle a donc force obligatoire en application de l’article 25 de la Charte.
Elle reste la base juridique du régime en vigueur au Kosovo. Aussi,
lorsqu’il lui est demandé d’apprécier la validité en droit de la déclaration
unilatérale d’indépendance du 17 février 2008, la Cour doit avant tout in-
terpréter la résolution 1244 (1999) et l’appliquer, en tant que droit interna-

tional et lex specialis, à la question dont elle est saisie. Ce n’est qu’après
qu’il lui faudra examiner les autres règles impératives du droit interna-
tional, en particulier le principe de la souveraineté et de l’intégrité terri-
toriale de l’Etat, en l’espèce la République fédérale de Yougoslavie (Serbie).
11. Ainsi donc, ce qui est essentiellement en jeu dans la présente

espèce, c’est l’interprétation et l’application correctes de la résolution 1244
(1999) du Conseil de sécurité. Comme je le montrerai en détail plus loin,
la déclaration d’indépendance est illicite au regard de la résolution 1244
(1999) du Conseil de sécurité pour plusieurs raisons. Premièrement, il res-
sort du dossier soumis à la Cour que cette déclaration a été adoptée par

l’Assemblée du Kosovo en tant qu’organe des institutions provisoires
d’administration autonome. Elle a été approuvée comme telle par le pré-
sident et le premier ministre du Kosovo. Par conséquent, elle relève de la
résolution 1244 (1999). Deuxièmement, cette résolution demande un
règlement négocié, autrement dit l’accord de toutes les parties concernées

sur le statut final du Kosovo, auquel les auteurs de la déclaration d’indé-
pendance se sont soustraits. Troisièmement, la déclaration d’indépen-
dance viole la disposition de cette résolution demandant une solution
politique fondée sur le respect de l’intégrité territoriale de la République
fédérale de Yougoslavie et l’autonomie du Kosovo. En outre, la déclara-

tion est une tentative visant à mettre fin à la présence internationale éta-
blie au Kosovo par la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, ce
que seul le Conseil de sécurité lui-même pourrait faire.
12. Pour appliquer la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité
aux faits visés par la question de l’Assemblée générale, la Cour doit

d’abord l’interpréter. Au paragraphe 117 de son avis consultatif, la Cour
rappelle la position qu’elle avait adoptée dans la procédure relative aux
Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afri-
que du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276

(1970) du Conseil de sécurité , à savoir que, pour interpréter les résolu-
tions du Conseil de sécurité,

71 “The language of a resolution . . . should be carefully analysed
before a conclusion can be made as to its binding effect. In view of

the nature of the powers under Article 25, the question whether they
have been in fact exercised is to be determined in each case, having
regard to the terms of the resolution to be interpreted, the discus-
sions leading to it, the Charter provisions invoked and, in general,
all circumstances that might assist in determining the legal conse-

quences of the resolution of the Security Council.” (Advisory Opin-
ion, I.C.J. Reports 1971 , p. 53, para. 114.)

13. In this regard, resolution 1244 (1999) reaffirms “the sovereignty

and territorial integrity of the Federal Republic of Yugoslavia and the
other States of the region, as set out in the Helsinki Final Act and
annex 2” (United Nations, Official Records of the Security Council ,
4011th meeting, S/RES/1244 (1999), p. 2). It further provides in operative
paragraph 1 that “a political solution to the Kosovo crisis shall be based

on the general principles in annex 1 and . . . 2” (ibid., p. 2). Both of these
annexes provide that the political process must take “full account” (ibid.,
p. 5) of the “principles of sovereignty and territorial integrity of the Fed-
eral Republic of Yugoslavia and the other countries of the region” (ibid.,
p. 5). Moreover, in operative paragraphs 11 (a) and (e) of resolu-

tion 1244 (1999), reference is made to the Rambouillet accords. These
accords also affirm the sovereignty and territorial integrity of the Federal
Republic of Yugoslavia. In the preamble of the accords, the commitment
to the Helsinki Final Act is reaffirmed, as is the commitment to “the sov-
ereignty and territorial integrity of the Federal Republic of Yugoslavia”

(United Nations, Official Records of the Security Council , UN doc. S/
1999/648, p. 3). Chapter 1 of the accords states that institutions of demo-
cratic self-government in Kosovo should be “grounded in respect for the
territorial integrity and sovereignty of the Federal Republic of Yugosla-
via” (ibid.,.9 ). Whether these provisions are considered separately

or together, it is self-evident that resolution 1244 (1999) does not provide
for the unilateral secession of Kosovo from the Federal Republic of
Yugoslavia without the latter’s consent. On the contrary, the resolution
reaffirms the sovereignty and territorial integrity of the Federal Republic
of Yugoslavia, of which Kosovo is a component part. Moreover, the reso-

lution provides for “substantial autonomy [for the people of Kosovo]
within the Federal Republic of Yugoslavia” (United Nations, Official
Records of the Security Council , 4011th meeting, S/RES/1244 (1999),
para. 10; emphasis added). In other words, it was intended that Kosovo
enjoy substantial autonomy and self-government during the international

civil presence but that it remain an integral part of the Federal Republic
of Yugoslavia.

14. The international civil presence called for in paragraph 11 of reso-
lution 1244 (1999) was established in Kosovo with the “agreement” of the

72 «[i]l faut soigneusement analyser le libellé d’une résolution ... avant

de pouvoir conclure à son effet obligatoire. Etant donné le caractère
des pouvoirs découlant de l’article 25, il convient de déterminer dans
chaque cas si ces pouvoirs ont été en fait exercés, compte tenu des
termes de la résolution à interpréter, des débats qui ont précédé son
adoption, des dispositions de la Charte invoquées et en général de

tous les éléments qui pourraient aider à préciser les conséquences
juridiques de la résolution du Conseil de sécurité.» (Avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1971, p. 53, par. 114.)

13. A cet égard, la résolution 1244 (1999) réaffirme «la souveraineté
et ... l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et de
tous les autres Etats de la région, au sens de l’acte final d’Helsinki et de
l’annexe 2 [de la résolution]» (Nations Unies, Documents officiels du
e
Conseil de sécurité, 4011 séance, S/RES/1244 (1999), p. 2). Elle dispose
aussi, au paragraphe 1 de son dispositif, que «la solution politique de la
crise au Kosovo reposera sur les principes généraux énoncés à l’annexe 1
et ... à l’annexe 2» (ibid., p. 2). Ces deux annexes prévoient que le pro-

cessus politique doit tenir «pleinement compte» (ibid., p. 6) des «princi-
pes de souveraineté et d’intégrité territoriale de la République fédérale de
Yougoslavie et des autres pays de la région» (ibid., p. 6). En outre, aux
alinéas a) et e) du paragraphe 11 du dispositif de la résolution 1244 (1999),

le Conseil fait référence aux accords de Rambouillet, qui, eux aussi, affir-
ment la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République fédérale de
Yougoslavie: dans le préambule de ces accords, les parties réaffirment
leur adhésion à l’acte final d’Helsinki ainsi que leur attachement «à la
souveraineté et à l’intégrité territoriale de la République fédérale de You-

goslavie» (Nations Unies, Documents officiels du Conseil de sécurité ,
S/1999/648, p. 2). Aux termes du chapitre premier, les institutions d’admi-
nistration autonome du Kosovo doivent être «fondées dans le respect de
l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la République fédérale de

Yougoslavie» (ibid., p. 5). Que ces dispositions soient considérées sépa-
rément ou conjointement, il en ressort de manière tout à fait évidente que
la résolution 1244 (1999) ne prévoit pas que le Kosovo puisse unilatéra-
lement faire sécession de la République fédérale de Yougoslavie sans le

consentement de cette dernière. Au contraire, la résolution réaffirme la
souveraineté et l’intégrité territoriale de la République fédérale de You-
goslavie, dont le Kosovo fait pleinement partie. De plus, elle prévoit une
«autonomie substantielle [de la population du Kosovo] au sein de la

République fédérale de Yougoslavie»e(Nations Unies, Documents offi-
ciels du Conseil de sécurité , 4011 séance, S/RES/1244 (1999), par. 10; les
italiques sont de moi). En d’autres termes, l’intention était que le Kosovo
jouisse d’une autonomie et de pouvoirs d’auto-administration substan-
tiels au cours de la présence internationale civile, mais qu’il continue de

faire partie intégrante de la République fédérale de Yougoslavie.
14. La présence internationale civile prévue au paragraphe 11 de la
résolution 1244 (1999) a été établie au Kosovo avec l’«accord» de la

72Federal Republic of Yugoslavia (Serbia) as sovereign over its entire ter-
ritory, including Kosovo. This position is reflected in both the preamble

and the operative paragraphs of the resolution. In the preamble, the
Security Council:

“Welcom[ed] the general principles on a political solution to the
Kosovo crisis adopted on 6 May 1999 (S/1999/516, annex 1 to this
resolution) and welcom[ed] also the acceptance by the Federal
Republic of Yugoslavia of the principles set forth in points 1 to 9 of
the paper presented in Belgrade on 2 June 1999 (S/1999/649, annex 2

to this resolution), and the Federal Republic of Yugoslavia’s agree-
ment to that paper.” (Emphasis added.)

In operative paragraph 1, the Security Council decided: “that a political
solution to the Kosovo crisis shall be based on the general principles in
annex 1 and as further elaborated in the principles and other required

elements in annex 2”. And in operative paragraph 2, the Security Council:
“[w]elcome[d] the acceptance by the Federal Republic of Yugoslavia
of the principles and other required elements referred to in paragraph 1”
(emphasis added). Thus, according to resolution 1244 (1999), the Security
Council acknowledges and recognizes Kosovo to be part of the territory

of the Federal Republic of Yugoslavia and confirms that the establish-
ment of the international civil presence there was with the agreement of
the Federal Republic of Yugoslavia. Kosovo cannot be declared inde-
pendent by a unilateral declaration while the international civil presence
continues to exist and operate in the province. The resolution does not

grant the international civil presence the right to alter or terminate the
Federal Republic of Yugoslavia’s sovereignty over its territory of Kos-
ovo, nor does it envisage the transfer of that sovereignty to any of the
Provisional Institutions of Self-Government of Kosovo created by the
international presence. To state this obvious fact in very clear terms,

UNMIK and the Provisional Institutions of Self-Government of Kosovo
were created by resolution 1244 (1999) with the express agreement of
the Government of the Federal Republic of Yugoslavia. As subsidiary
bodies of the Security Council, they possess limited authority derived
from and circumscribed by resolution 1244 (1999). No power is vested

in any of those bodies to determine the final status of Kosovo, nor do any
of them have the power to create other bodies which would have such
a power. Accordingly, when the Assembly of the Provisional Institutions
of Self-Government of Kosovo purported to declare independence on
17 February 2008, they attempted to carry out an act which exceeded

their competence. As such, the declaration is a nullity, an unlawful act
that violates express provisions of Security Council resolution 1244
(1999). It is ex injuria non oritur jus .

15. That the unilateral declaration of independence by one of the enti-
ties of the Provisional Institutions of Self-Government of Kosovo con-

73République fédérale de Yougoslavie (Serbie), souveraine sur l’ensemble
de son territoire, y compris sur le Kosovo. Cela ressort à la fois du

préambule et du dispositif de la résolution. Dans le préambule, le Conseil
de sécurité a:

«Accueill[i] avec satisfaction les principes généraux concernant la
solution politique de la crise du Kosovo adoptés le 6 mai 1999
(S/1999/516; annexe 1 à la présente résolution) et [s’est] félicit[é] de
l’adhésion de la République fédérale de Yougoslavie aux principes
énoncés aux points 1 à 9 du document présenté à Belgrade le

2 juin 1999 (S/1999/649; annexe 2 à la présente résolution), ainsi
que de son accord quant à ce document.» (Les italiques sont de
moi.)

Au paragraphe 1 du dispositif, le Conseil de sécurité a décidé «que la
solution politique de la crise au Kosovo reposera[it] sur les principes
généraux énoncés à l’annexe 1 et les principes et conditions plus détaillés

figurant à l’annexe 2». Au paragraphe 2 du dispositif, le Conseil «[s’est]
félicit[é] de l’adhésion de la République fédérale de Yougoslavie aux
principes et conditions visés au paragraphe 1» (les italiques sont de moi).
Ainsi, selon la résolution 1244 (1999), le Conseil de sécurité reconnaît que
le Kosovo fait partie du territoire de la République fédérale de Yougo-

slavie et confirme que la présence civile internationale établie au Kosovo
l’a été en accord avec la République fédérale de Yougoslavie. Le Kosovo
ne peut être proclamé unilatéralement indépendant tant que la présence
internationale civile continue d’exister et d’exercer ses compétences dans
la province. La résolution ne confère pas à la présence internationale

civile le droit de porter atteinte ou de mettre un terme à la souveraineté
de la République fédérale de Yougoslavie sur le Kosovo, qui fait partie
de son territoire, pas davantage qu’elle n’envisage le transfert de cette
souveraineté à l’une des institutions provisoires d’administration auto-
nome du Kosovo créées par la présence internationale. Il s’agissait là

d’une évidence, mais, afin qu’elle apparût clairement, c’est avec l’accord
exprès du Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie qu’ont
été créées par la résolution 1244 (1999) la MINUK et les institutions pro-
visoires d’administration autonome du Kosovo. En tant qu’organes sub-
sidiaires du Conseil de sécurité, celles-ci possèdent les pouvoirs circons-

crits que leur confère et que définit la résolution 1244 (1999). Aucun de
ces organes n’a le pouvoir de déterminer le statut final du Kosovo, ni de
créer d’autres organes dotés d’un tel pouvoir. En conséquence, lorsque
l’Assemblée des institutions provisoires d’administration autonome du
Kosovo a voulu déclarer l’indépendance le 17 février 2008, elle a cherché

à accomplir un acte qui sortait du cadre de sa compétence. La déclaration
est donc nulle; il s’agit d’un acte illicite qui viole des dispositions expres-
ses de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. Ex injuria non
oritur jus.

15. Qu’une déclaration unilatérale d’indépendance émanant de l’un
des organes des institutions provisoires d’administration autonome du

73travenes both the text and spirit of resolution 1244 (1999) is also evident
from operative paragraph 10 of the resolution, providing for the establish-

ment of “an interim administration for Kosovo under which the people
of Kosovo can enjoy substantial autonomy within the Federal Republic
of Yugoslavia” (emphasis added). The use of the word “within” is a fur-
ther recognition of the sovereignty of the Federal Republic of Yugoslavia
over its territory of Kosovo and does not allow for the alteration of the

territorial extent of the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia).

16. Nor is the unilateral declaration of independence consistent with

operative paragraph 11 of resolution 1244 (1999), which stipulates, inter
alia, that the Security Council:
“Decides that the main responsibilities of the international civil

presence will include:
(a) promoting the establishment, pending a final settlement, of sub-
stantial autonomy and self-government in Kosovo, taking full

account of annex 2 and of the Rambouillet accords (S/1999/
648)”.

The reference to a future “settlement” of the conflict, in my view, excludes
the making of the unilateral declaration of independence. By definition,
“settlement” in this context contemplates a resolution brought about by
negotiation. This interpretation of resolution 1244 (1999) is supported by
the positions taken by various States. For instance, France observed in

the Security Council that:
“the Assembly in particular must renounce those initiatives that are
contrary to resolution 1244 (1999) or the Constitutional

Framework . . . No progress can be achieved in Kosovo on the basis
of unilateral action that is contrary to resolution 1244 (1999).”
(United Nations, Official Records of the Security Council , Fifty-
eighth year, 4770th Meeting, UN doc. S/PV.4770, p. 5; emphasis

added.)
The Italian Government, on behalf of the European Union, stated that
resolution 1244 (1999) was the “cornerstone of the international commu-

nity’s commitment to Kosovo” and it “urge[d] all concerned in Kosovo
and in the region to co-operate in a constructive manner . . . on fully
implementing resolution 1244 (1999) while refraining from unilateral acts
and statements . . .” (United Nations, Official Records of the Security
Council, Fifty-eighth year, 4823rd Meeting, UN doc. S/PV.4823, p. 15;

emphasis added). The Contact Group, made up of the European Union,
the Russian Federation and the United States, produced Guiding Princi-
ples for a settlement of the status of Kosovo according to which “Any
solution that is unilateral . . . would be unacceptable. There will be no

changes in the current territory of Kosovo . . . The territorial integrity and
internal stability of regional neighbours will be fully respected.” (United

74Kosovo soit contraire dans sa lettre et son esprit à la résolu-

tion 1244 (1999), c’est ce qu’implique à l’évidence le paragraphe 10 de
celle-ci, lorsqu’il dispose que doit être établie «au Kosovo ... une admi-
nistration intérimaire dans le cadre de laquelle la population du Kosovo
pourra jouir d’une autonomie substantielle au sein de la République fédé-
rale de Yougoslavie» (les italiques sont de moi). Par les termes «au sein

de», la résolution reconnaît une nouvelle fois la souveraineté de la Répu-
blique fédérale de Yougoslavie sur son territoire du Kosovo et fait obs-
tacle à toute modification de l’étendue territoriale de la République fédé-
rale de Yougoslavie (Serbie).

16. La déclaration unilatérale d’indépendance n’est pas non plus com-
patible avec le paragraphe 11 du dispositif de la résolution 1244 (1999),
qui dispose notamment que le Conseil de sécurité:

«Décide que les principales responsabilités de la présence interna-
tionale civile seront les suivantes:

a) faciliter, en attendant un règlement définitif, l’instauration au
Kosovo d’une autonomie et d’une auto-administration substan-
tielles, compte pleinement tenu de l’annexe 2 et des accords de
Rambouillet (S/1999/648)».

La mention d’un «règlement» ultérieur du conflit exclut à mon sens la
possibilité de toute déclaration unilatérale d’indépendance. Par défini-

tion, le mot «règlement» employé dans ce contexte envisage une solution
résultant de négociations. Cette interprétation de la résolution 1244 (1999)
est confirmée par les positions de plusieurs Etats. Ainsi, la France a
déclaré au Conseil de sécurité que:

«l’ Assemblée en particulier doit renoncer à celles de ses initiatives
qui sont contraires à la résolution 1244 (1999) ou au cadre

constitutionnel... Aucune avancée ne sera possible au Kosovo sur la
base d’actions unilatérales qui seraient contraires à la résolu-
tion 1244 (1999)». (Nations Unies, Documents officiels du Conseil de
sécurité, cinquante-huitième année, 4770 séance, S/PV.4770, p. 6;

les italiques sont de moi.)
Le Gouvernement italien, s’exprimant au nom de l’Union européenne, a

qualifié la résolution 1244 (1999) de «pierre angulaire de l’engagement de
la communauté internationale au Kosovo» et «exhort[é] toutes les parties
concernées au Kosovo et dans la région à coopérer de façon construc-
tive ... pour mettre pleinement en Œuvre la résolution 1244 (1999) tout en

s’abstenant de commettre des actes unilatéraux ou de faire des déclara-
tions unilatérales...» (Nations Unies, Documents officiels du Conseil de
sécurité, cinquante-huitième année, 4823 séance, S/PV.4823, p. 16-17; les
italiques sont de moi). Le groupe de contact composé d’Etats de l’Union
européenne, de la Fédération de Russie et des Etats-Unis a rédigé des

principes directeurs devant régir le statut du Kosovo, aux termes desquels
«toute solution unilatérale ... sera inacceptable. Le territoire actuel du
Kosovo ne sera pas modifié... L’intégrité territoriale et la stabilité interne

74Nations, Official Records of the Security Council , UN doc. S/2005/709,
p. 3; emphasis added.)

17. Finally, it should be recalled that in paragraph 91 of the Opinion,
the Court holds that resolution 1244 (1999) is still in force and the Secu-
rity Council has taken no steps whatsoever to rescind it. The status of
that resolution cannot be changed unilaterally.

18. In the light of the foregoing, the conclusion is therefore inescap-
able that resolution 1244 (1999) does not allow for a unilateral declara-
tion of independence or for the secession of Kosovo from the Federal
Republic of Yugoslavia (Serbia) without the latter’s consent.

19. In addition to resolution 1244 (1999), the Court has considered
whether the unilateral declaration of independence has violated certain
derivative law promulgated pursuant to it, notably the Constitutional
Framework and other UNMIK regulations. It concludes that the

declaration of independence did not violate the Constitutional Frame-
work because its authors were not the Provisional Institutions of Self-
Government of Kosovo and thus not bound by that Framework. The juris-
prudence of the Court is clear that if an organ which has been attributed
a limited number of competences transgresses those competences, its acts

would be ultra vires (Legality of the Use by a State of Nuclear Weapons
in Armed Conflict, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1996 (I) ,p .2;
Phosphates in Morocco, Judgment, 1938, P.C.I.J., Series A/B, No. 74 ,
p. 14). However, the majority opinion avoids this result by a kind of judi-
cial sleight-of-hand, reaching a hasty conclusion that the “authors” of the

unilateral declaration of independence were not acting as the Provisional
Institutions of Self-Government of Kosovo but rather as the direct
representatives of the Kosovo people and were thus not subject to the
Constitutional Framework and UNMIK regulations. That conclusion
simply cannot be correct, since the unilateral declaration of independence

was adopted in the context of resolution 1244 (1999) and the Court has
acknowledged that the question posed by the General Assembly is a legal
question and that resolution 1244 (1999) is the lex specialis and applica-
ble in this case.
20. In addition to examining resolution 1244 (1999) and the law prom-

ulgated pursuant to it, the Court, in considering the question put before
it by the General Assembly, had to apply the rules and principles of gen-
eral international law. In this regard, it must first be emphasized that it is
a misconception to say, as the majority opinion does, that international
law does not authorize or prohibit the unilateral declaration of independ-

ence. That statement only makes sense when made in the abstract about
declarations of independence in general (see, e.g., the Advisory Opinion
of the Supreme Court of Canada, reaching such a conclusion in the
abstract with respect to secession in international law, Reference by the

Governor in Council concerning Certain Questions relating to the Seces-
sion of Quebec from Canada , 1998, 2 SCR, Vol. 2, p. 217, para. 112), not

75des voisins régionaux seront pleinement respectées.» (Nations Unies,
Documents officiels du Conseil de sécurité , S/2005/709, p. 3; les italiques

sont de moi.)
17. Enfin, il faut rappeler que, au paragraphe 91 de l’avis, la Cour
observe que la résolution 1244 (1999) est toujours en vigueur et que le
Conseil de sécurité n’a pris aucune mesure pour l’abroger. Le statut de

cette résolution ne peut pas être modifié unilatéralement.
18. Compte tenu de ce qui précède, on ne peut que conclure que la
résolution 1244 (1999) ne laisse place à aucune possibilité de déclaration
unilatérale d’indépendance, pas plus que de sécession du Kosovo vis-à-vis
de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie), sans le consentement

de cette dernière.
19. Après avoir examiné la résolution 1244 (1999), la Cour a cherché à
déterminer si la déclaration unilatérale d’indépendance violait certains
textes promulgués en application de cette résolution, notamment le cadre

constitutionnel et d’autres règlements de la MINUK, et conclu qu’elle ne
violait pas le cadre constitutionnel puisqu’elle n’émanait pas des institu-
tions provisoires d’administration autonome du Kosovo et que ses auteurs
n’étaient donc pas liés par ce cadre. Pourtant, la jurisprudence de la Cour
établit clairement que, si un organe auquel a été attribué un nombre

limité de compétences outrepasse celles-ci, ses actes sont entachés d’excès
de pouvoir (Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans
un conflit armé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I) ,p.82; Phospha-
tes du Maroc, arrêt, 1938, C.P.J.I. série A/B n o 74, p. 14). Dans l’avis, la

majorité élude ce résultat par une espèce de tour de passe-passe judiciaire,
en concluant à la hâte que les «auteurs» de la déclaration unilatérale
d’indépendance agissaient non pas en qualité d’institutions provisoires
d’administration autonome du Kosovo, mais en tant que représentants
directs du peuple kosovar, et qu’ils n’étaient donc pas soumis au cadre

constitutionnel et aux règlements de la MINUK. Cette conclusion ne
peut tout simplement pas être exacte, puisque la déclaration unilatérale
d’indépendance a été adoptée dans le contexte de la résolution 1244 (1999)
et que la Cour a reconnu que la question posée par l’Assemblée générale

était de nature juridique, la résolution 1244 (1999) constituant la lex spe-
cialis applicable en l’espèce.
20. Pour examiner la question dont l’Assemblée générale l’avait saisie,
la Cour devait non seulement examiner la résolution 1244 (1999) et les
textes promulgués en vertu de celle-ci, mais aussi appliquer les règles et

principes du droit international général. A cet égard, il faut d’abord sou-
ligner qu’il est erroné de dire, comme le fait la majorité, que le droit inter-
national n’autorise ni n’interdit les déclarations unilatérales d’indépen-
dance. Cette affirmation n’a de sens que si elle est faite in abstracto au

sujet des déclarations d’indépendance en général (voir, par exemple, l’avis
consultatif de la Cour suprême du Canada dans lequel celle-ci aboutit
dans l’abstrait à une telle conclusion en ce qui concerne la sécession en
droit international, Renvoi par le Gouverneur en conseil au sujet de cer-
taines questions ayant trait à la sécession du Québec du reste du Canada ,

75with regard to a specific unilateral declaration of independence which
took place in a specific factual and legal context against which its accord-

ance with international law can be judged. The question put before the
Court is specific and well defined. It is not a hypothetical question. It is a
legal question requiring a legal response. Since the Court, according to its
Statute, is under an obligation to apply the rules and principles of inter-
national law even when rendering advisory opinions, it should have

applied them in this case. Had it done so — instead of avoiding the ques-
tion by reference to a general statement that international law does not
authorize or prohibit declarations of independence, which does not answer
the question posed by the General Assembly — it would have had to con-

clude, as discussed below, that the unilateral declaration of independence
by the Provisional Institutions of Self-Government of Kosovo amounted
to secession and was not in accordance with international law. A unilat-
eral secession of a territory from an existing State without its consent, as
in this case under consideration, is a matter of international law.

21. The truth is that international law upholds the territorial integrity
of a State. One of the fundamental principles of contemporary interna-
tional law is that of respect for the sovereignty and territorial integrity of
States. This principle entails an obligation to respect the definition,

delineation and territorial integrity of an existing State. According to the
principle, a State exercises sovereignty within and over its territorial
domain. The principle of respect for territorial integrity is enshrined in
the Charter of the United Nations and other international instruments.
Article 2, paragraph 4, of the Charter of the United Nations provides:

“All Members shall refrain in their international relations from
the threat or use of force against the territorial integrity or political
independence of any State, or in any other manner inconsistent with
the Purposes of the United Nations.”

The unilateral declaration of independence involves a claim to a territory

which is part of the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia). Attempting
to dismember or amputate part of the territory of a State, in this case the
Federal Republic of Yugoslavia (Serbia), by dint of the unilateral decla-
ration of independence of 17 February 2008, is neither in conformity with
international law nor with the principles of the Charter of the United

Nations, nor with resolution 1244 (1999).
The principle of respect for territorial integrity is also reflected in
the Declaration on Principles of International Law concerning Friendly
Relations and Co-operation among States in accordance with the Charter

of the United Nations, according to which:

“any attempt aimed at the partial or total disruption of the national
unity and territorial integrity of a State or country or at its political

761998, RCS, vol. 2, p. 217, par. 112), et non pas au sujet d’une déclaration
unilatérale d’indépendance faite dans un contexte factuel et juridique par-

ticulier par rapport auquel sa conformité au droit international peut être
appréciée. La question posée à la Cour est précise et circonscrite. Ce n’est
pas une question d’école. C’est une question juridique, qui appelle une
réponse juridique. Etant donné que la Cour a, selon son Statut, l’obliga-
tion d’appliquer les règles et principes du droit international même

lorsqu’elle rend des avis consultatifs, elle aurait dû le faire en l’espèce. Si
elle l’avait fait — au lieu d’éluder la question en affirmant de manière
générale que le droit international n’autorise ni n’interdit les déclarations
d’indépendance, ce qui ne répond pas à la question de l’Assemblée géné-

rale —, elle aurait été obligée de conclure, comme il est exposé ci-dessous,
que la déclaration unilatérale d’indépendance des institutions provisoires
d’administration autonome du Kosovo équivalait à une sécession et
qu’elle n’était pas conforme au droit international. La sécession unilaté-
rale d’un territoire d’un Etat existant sans son consentement, comme

dans la présente espèce, est une question de droit international.
21. La vérité est que le droit international défend l’intégrité territoriale
des Etats. L’un des principes fondamentaux du droit international
contemporain est celui du respect de la souveraineté et de l’intégrité ter-
ritoriale des Etats. Ce principe entraîne l’obligation de ne pas porter

atteinte à la définition, la délimitation et l’intégrité territoriale des Etats
existants. Selon ce principe, l’Etat exerce sa souveraineté sur son domaine
territorial et dans les limites de celui-ci. Le principe du respect de l’inté-
grité territoriale est consacré par la Charte des Nations Unies et d’autres
instruments internationaux. Selon le paragraphe 4 de l’article 2 de la

Charte:

«Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs rela-
tions internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la
force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique
de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts
des Nations Unies.»

La déclaration unilatérale d’indépendance s’accompagne de la revendica-

tion d’un territoire qui fait partie de la République fédérale de Yougo-
slavie (Serbie). Essayer de démembrer, ou d’amputer, le territoire d’un
Etat, en l’espèce la République fédérale de Yougoslavie (Serbie), par le
biais de la déclaration unilatérale d’indépendance du 17 février 2008 n’est
conforme ni au droit international, ni aux principes de la Charte des

Nations Unies, ni à la résolution 1244 (1999).
Le principe du respect de l’intégrité territoriale est aussi inscrit dans la
déclaration relative aux principes du droit international touchant les rela-
tions amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte

des Nations Unies, aux termes de laquelle

«toute tentative visant à rompre partiellement ou totalement l’unité
nationale et l’intégrité territoriale d’un Etat ou d’un pays ou à porter

76 independence is incompatible with the purposes and principles of the
Charter” (United Nations, Official Records of the General Assem-

bly, Twenty-fifth Session, resolution 2625 (XXV) of 24 October
1970; emphasis added).

The Declaration further stipulates that “[t]he territorial integrity and
political independence of the State are inviolable”.
22. Not even the principles of equal rights and self-determination of
peoples as precepts of international law allow for the dismemberment of
an existing State without its consent. According to the above-mentioned

Declaration, “[e]very State shall refrain from any action aimed at the par-
tial or total disruption of the national unity and territorial integrity of
any other State or country”. The Declaration further emphasizes that

“Nothing in the foregoing paragraphs shall be construed as author-
izing or encouraging any action which would dismember or impair,
totally or in part, the territorial integrity or political unity of sov-

ereign and independent States.” (Emphasis added.)

The Declaration thus leaves no doubt that the principles of the sover-

eignty and territorial integrity of States prevail over the principle of self-
determination.
23. According to the finding made by the Supreme Court of Canada,
which has already considered a matter similar to the one before the
Court, “international law does not specifically grant component parts of

sovereign states the legal right to secede unilaterally from their ‘parent’
state” (Reference by the Governor in Council concerning Certain Ques-
tions relating to the Secession of Quebec from Canada, 1998, 2SCR, Vol. 2,
p. 217, para. 111; emphasis added). This, in my view, correctly reflects
the present state of the law with respect to the question the Supreme

Court of Canada was asked, namely,
“Does international law give the National Assembly, Legislature

or Government of Quebec the right to effect the secession of Quebec
from Canada unilaterally? In this regard, is there a right to self-
determination under international law that would give the National
Assembly, Legislature or Government of Quebec the right to effect
the secession of Quebec from Canada unilaterally?” (Ibid., para. 2.)

The question now before the Court, on the other hand, asks not about
the existence of a “right” to declare independence but about the “accord-

ance” of a declaration of independence with international law. This pro-
vides an opportunity to complete the picture partially drawn by the
Supreme Court of Canada. That court, in response to the specific ques-
tion asked, made clear that international law does not grant a right to

secede. This Court, in response to the specific question asked by the Gen-
eral Assembly, should have made clear that the applicable international

77 atteinte à son indépendance politique est incompatible avec les buts et
principes de la Charte» (Nations Unies, Documents officiels de

l’Assemblée générale, vingt-cinquième session, résolution 2625
(XXV) du 24 octobre 1970; les italiques sont de moi).

La déclaration prévoit en outre que «[l]’intégrité territoriale et l’indépen-
dance politique de l’Etat sont inviolables».
22. Même les principes d’égalité des droits et d’autodétermination des
peuples en tant que préceptes de droit international n’autorisent pas le
démembrement d’un Etat existant sans son consentement. Aux termes de

la déclaration susmentionnée, «[t]out Etat doit s’abstenir de toute action
visant à rompre partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité
territoriale d’un autre Etat ou d’un autre pays». La déclaration souligne
en outre que:

«Rien dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme
autorisant ou encourageant une action, quelle qu’elle soit , qui démem-
brerait ou menacerait, totalement ou partiellement, l’intégrité terri-

toriale ou l’unité politique de tout Etat souverain et indépendant.»
(Les italiques sont de moi.)
Elle ne laisse ainsi aucun doute sur le fait que les principes de la souve-

raineté et de l’intégrité territoriale des Etats l’emportent sur celui de
l’autodétermination.
23. Selon la conclusion de la Cour suprême du Canada, qui a déjà exa-
miné une question semblable à celle dont la Cour est saisie, «le droit
international n’accorde pas expressément aux parties constituantes d’un

Etat souverain le droit de faire sécession unilatéralement de l’Etat
«parent»» (Renvoi par le Gouverneur en conseil au sujet de certaines
questions ayant trait à la sécession du Québec du reste du Canada , 1998,
RCS, vol. 2, p. 217, par. 111). Cette déclaration, à mon avis, reflète de
manière exacte l’état actuel du droit en ce qui concerne la question dont

était saisie la Cour suprême du Canada, à savoir:
«L’Assemblée nationale, la législature, ou le gouvernement du

Québec possède-t-il, en vertu du droit international, le droit de pro-
céder unilatéralement à la sécession du Québec du Canada? A cet
égard, en vertu du droit international, existe-t-il un droit à l’auto-
détermination qui procurerait à l’Assemblée nationale, la législature,
ou le gouvernement du Québec le droit de procéder unilatéralement

à la sécession du Québec du Canada?» (Ibid., par. 2.)
La question dont était saisie la Cour en la présente espèce, en revanche,
ne portait pas sur l’existence d’un «droit» de déclarer l’indépendance,

mais sur la «conformité» d’une déclaration d’indépendance avec le droit
international. Elle était l’occasion de compléter le tableau partiellement
dressé par la Cour suprême du Canada. Celle-ci, en réponse à la question
concrète qui lui était posée, avait clairement indiqué que le droit interna-

tional ne conférait pas de droit à faire sécession. Notre Cour, en réponse
à la question concrète posée par l’Assemblée générale, aurait dû indiquer

77law in the case before the Court contains rules and principles explicitly

preventing the declaration of independence and secession. The unilateral
declaration of independence of 17 February 2008 was tantamount to an
attempt to secede from Serbia and proclaim Kosovo a sovereign inde-
pendent State created out of the latter’s territory. The applicable inter-
national law in this case, together with resolution 1244 (1999), prohibits

such a proclamation and cannot recognize its validity.

24. At the time resolution 1244 (1999) was adopted, the Federal Repub-
lic of Yugoslavia was, and it still is, an independent State exercising full

and complete sovereignty over Kosovo. Neither the Security Council nor
the Provisional Institutions of Self-Government of Kosovo, which are
creations of the Council, are entitled to dismember the Federal Republic
of Yugoslavia (Serbia) or impair totally or in part its territorial integrity

or political unity without its consent.

25. It is for these reasons that the Court should have found that the
unilateral declaration of independence of 17 February 2008 by the Pro-

visional Institutions of Self-Government of Kosovo is not in accordance
with international law.

(Signed) Abdul G. K OROMA .

78clairement que le droit international applicable en l’espèce contenait

des règles et principes interdisant expressément la déclaration d’indé-
pendance et la sécession. La déclaration unilatérale d’indépendance du
17 février 2008 équivalait à une tentative du Kosovo pour faire sécession
de la Serbie et se proclamer Etat souverain indépendant, créé sur une par-

tie du territoire de celle-ci. Le droit international applicable à l’espèce, de
même que la résolution 1244 (1999), interdit une telle proclamation et ne
peut en reconnaître la validité.
24. La République fédérale de Yougoslavie était, à l’époque où a été

adoptée la résolution 1244 (1999), et est encore, un Etat indépendant
exerçant une souveraineté pleine et entière sur le Kosovo. Ni le Conseil
de sécurité, ni les institutions provisoires d’administration autonome du
Kosovo, qui sont des créations du Conseil, ne sont habilités à démembrer

la République fédérale de Yougoslavie (Serbie), ou à rompre, partielle-
ment ou totalement, son intégrité territoriale ou son unité politique sans
son consentement.
25. Pour ces raisons, la Cour aurait dû conclure que la déclaration

unilatérale d’indépendance du 17 février 2008 émanant des institutions
provisoires d’administration autonome du Kosovo n’était pas conforme
au droit international.

(Signé) Abdul G. K OROMA .

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Opinion dissidente de M. le juge Koroma

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