Déclaration de M. le juge Tomka, vice-président

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141-20100722-ADV-01-01-EN
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DÉCLARATION DE M. LE JUGE TOMKA, VICE-PRÉSIDENT

[Traduction]

La Cour aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire et refuser de répondre
à la demande de l’Assemblée générale — Le silence du Conseil de sécurité ne
peut être interprété comme une approbation tacite de la déclaration — L’Assem-
blée générale n’avait pas un «intérêt suffisant» pour solliciter cet avis — L’avis
consultatif porte atteinte à l’exercice de ses pouvoirs par le Conseil de sécurité

— La conclusion de la Cour ne trouve aucun fondement dans les faits ayant
entouré l’adoption de la déclaration d’indépendance — D’importantes parties
prenantes au Kosovo et des fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies
ont estimé les unes et les autres que l’Assemblée du Kosovo était l’auteur de la
déclaration d’indépendance — Le cadre juridique applicable au Kosovo — Le
règlement final doit être décidé par accord entre les parties ou par le Conseil de
sécurité, mais pas par une partie uniquement.

1. A la majorité de ses membres, la Cour a décidé de répondre à la
demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale. Elle n’a toutefois

donné sa réponse qu’après avoir «ajusté» la question. Il s’agissait d’un
ajustement décisif pour que la Cour puisse parvenir à la réponse qui a été
donnée — il a en fait été déterminant. Comme l’admettent les membres
de la majorité, «l’identité des auteurs de la déclaration d’indépen-

dance [était] un point [pouvant] avoir une incidence sur la réponse à la
question de la conformité au droit international de cette déclaration»
(avis consultatif, par. 52). En toute conscience judiciaire, bien qu’ayant
pleinement connaissance des «réalités sur le terrain» , je ne suis pas

en mesure d’accompagner mes collègues de la majorité dans cet exercice
d’«ajustement».

P OUVOIR DISCRÉTIONNAIRE ET OPPORTUNITÉ JUDICIAIRE

2. Il s’agit d’une affaire dans laquelle la Cour aurait dû exercer son
pouvoir discrétionnaire et se demander s’il convenait de répondre à la
question qui lui était posée. Les termes de l’article 65 du Statut, à savoir
que «[l]a Cour peut donner un avis consultatif» (en anglais: «[t]he Court

may give an advisory opinion»), ne laissent aucun doute sur le fait que la

1Ces réalités sont résumées dans le rapport de M. Ahtisaari, l’envoyé spécial du
Secrétaire général, sur le statut futur du Kosovo (Nations Unies, doc. S/2007/168). Elles
ont amené ce dernier, après l’échec de ses efforts pour parvenir à un règlement négocié, à
recommander que le Kosovo devienne indépendant sous la supervision de la communauté
internationale. Bien qu’il ait demandé instamment que le Conseil de sécurité approuve sa
proposition de règlement, le Conseil ne l’a pas fait.

55Cour n’est pas juridiquement tenue de donner suite à une demande. La

Cour s’est vu conférer ce pouvoir discrétionnaire pour protéger l’intégrité
de sa fonction judiciaire et sa nature d’organe judiciaire.
3. Pour répondre à la question qui lui avait été posée, la Cour devait non
seulement interpréter la résolution 1244 du Conseil de sécurité, mais aussi
déterminer si un acte adopté par les institutions du Kosovo, lequel avait été

placé sous un régime international d’administration territoriale, était ou
non conforme au cadre juridique applicable à ce régime et le réglementant,
c’est-à-dire à la résolution 1244 du Conseil de sécurité et aux mesures adop-
tées en vertu de celle-ci, en particulier le cadre constitutionnel.

4. Le Conseil de sécurité, qui demeure activement saisi de questions
touchant au Kosovo, ne s’est pas prononcé sur ce point et son silence ne
peut être interprété comme une approbation tacite de l’acte adopté le
17 février 2008 ni comme un acquiescement à cet acte, étant donné les

désaccords sur ce point exprimés pub2iquement par ses membres, en par-
ticulier ses membres permanents . Ces désaccords persistent et ont été
réaffirmés dans le cadre de la présente procédure consultative, aussi bien
dans les pièces écrites qu’aux audiences.

5. La demande d’avis consultatif a été adressée à la Cour par l’Assem-
blée générale. L’Assemblée ne s’occupait pas de la situation au Kosovo
lorsque la Serbie a présenté une proposition tendant à ce qu’un avis
consultatif soit sollicité. Un nouveau point a dû être inscrit à l’ordre du

jour de l’Assemblée générale. L’avis de la majorité ayant été rendu,
l’Assemblée est libre d’en débattre, mais, assurément, aussi longtemps
que le Conseil de sécurité demeure activement saisi de la situation au
Kosovo et exerce ses fonctions en ce qui la concerne, le paragraphe 1 de
l’article 12 de la Charte empêche l’Assemblée générale de faire une quel-

conque recommandation sur le statut du Kosovo. Je ne pense pas que
l’Assemblée générale avait «suffisamment intérêt» à demander cet avis
consultatif et je souscris à l’appréciation portée à cet égard par le
juge Keith dans son opinion individuelle.

6. Par le biais de la question que lui a posée l’Assemblée générale,a l
Cour s’est trouvée impliquée dans les désaccords qui existent au Conseil
de sécurité à ce propos, le Conseil étant encore activement saisi de celle-ci
mais n’ayant pas demandé d’avis à la Cour. Avec la réponse donnée par

la majorité, la Cour prend parti alors qu’il aurait été judiciairement
approprié qu’elle s’abstînt de le faire.
7. Ainsi que le regretté Manfred Lachs, ancien président de la Cour,
l’a sagement fait observer dans une affaire concernant une situation face

à laquelle le Conseil de sécurité exerçait activement ses pouvoirs, comme
en la présente espèce,

«[i]l importe ... dans le contexte des buts et des principes des

2Voir les déclarations des membres du Conseil de sécurité lors de la séance tenue le
18 février 2008, convoquée quelque vingt-quatre heures après la publication de la déclara-
tion d’indépendance (Nations Unies, doc. S/PV.5839, passim).

56 Nations Unies, que les deux organes principaux spécifiquement habi-
lités à prendre des décisions obligatoires agissent dans l’harmonie

— bien que pas, évidemment, de concert — et que chacun d’entre
eux s’acquitte de ses fonctions concernant une situation ou un diffé-
rend dont divers aspects figurent à l’ordre du jour de chacun d’entre
eux sans porter préjudice à l’exercice des pouvoirs de l’autre »( Ques-

tions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal
de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya
arabe libyenne c. Royaume-Uni), mesures conservatoires, ordon-
nance du 14 avril 1992, C.I.J. Recueil 1992 , p. 27; les italiques sont
de moi).

8. La réponse donnée par la majorité à la question posée par l’Assem-

blée générale préjuge de la décision que doit encore prendre le Conseil de
sécurité sur la conformité ou non de la déclaration avec la résolu-
tion 1244 et le régime international d’administration territoriale mis en
place par celle-ci.

9. C’est pourquoi, selon moi, c’est uniquement si la demande d’avis
juridique avait émané du Conseil de sécurité qu’il eût été approprié que la
Cour y réponde.

LA QUESTION

10. La question posée à la Cour, et approuvée par l’Assemblée géné-

rale dans sa résolution 63/3, se lit comme suit: «La déclaration uni-
latérale d’indépendance des institutions provisoires d’administration auto-
nome du Kosovo est-elle conforme au droit international?» Cette
question est «clairement formulée», en même temps que «circonscrite

et précise» (avis consultatif, par. 51). Il n’était donc pas nécessaire
de l’«ajuster», si ce n’est pour arriver au résultat recherché.
11. Dans son avis, la majorité conclut, compte tenu de

«l’ensemble de ces éléments[,] ... que la déclaration d’indépendance
du 17 février 2008 n’est pas le fait de l’Assemblée du Kosovo en tant
qu’institution provisoire d’administration autonome agissant dans

les limites du cadre constitutionnel, mais est celui de personnes ayant
agi de concert en leur qualité de représentants du peuple du Kosovo,
en dehors du cadre de l’administration intérimaire» (ibid., par. 109).

12. Cette conclusion n’a pas de fondement solide dans les faits ayant
entouré l’adoption de la déclaration, et n’est rien d’autre qu’une cons-
truction intellectuelle relevant du sophisme post hoc. Elle implique

qu’aucun des acteurs intéressés ne savait exactement qui a adopté la
déclaration le 17 février 2008 à Pristina: ni la Serbie, lorsqu’elle a proposé
la question; ni les autres Etats qui étaient présents à l’Assemblée générale
lorsque celle-ci a adopté la résolution 63/3; ni le Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies et son représentant spécial; ni, enfin et

57surtout, le premier ministre du Kosovo lorsqu’il a présenté le texte de la
déclaration à la session extraordinaire de l’Assemblée du Kosovo!

13. Le ministre serbe des affaires étrangères a, le 15 août 2008, adressé
au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies une lettre dans
laquelle il demandait l’inscription à l’ordre du jour de la soixante-
troisième session de l’Assemblée générale d’un point supplémentaire, inti-

tulé «Demande d’avis consultatif à la Cour internationale de Justice sur la
question de savoir si la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo
est conforme au droit international». Le premier paragraphe du mémoire
explicatif joint à cette lettre est ainsi libellé:

«Les institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo ,
province de la République de Serbie sous administration des

Nations Unies en application de la résolution 1244 (1999) du Conseil
de sécurité, ont unilatéralement déclaré l’indépendance du Kosovo
le 17 février 2008.» (A/63/195, pièce jointe; les italiques sont de
moi.)

14. Cette lettre a été publiée sous forme de document officiel par le
Secrétariat de l’ONU le 22 août 2008. Le point a été examiné et l’Assem-
blée générale a adopté la résolution 63/3 le 8 octobre 2008. Les Etats

Membres de l’ONU ont donc ainsi disposé de quelque sept semaines
pour examiner la demande serbe et le mémoire explicatif qui l’accompa-
gnait. L’identification par la Serbie de ceux qui avaient adopté la déclara-
tion d’indépendance le 17 février 2008 comme étant «les institutions pro-

visoires d’administration autonome» n’a posé problème à aucun des
191 autres Etats Membres.
15. Le 1 er octobre 2008, le représentant permanent du Royaume-Uni,
bien connu pour ses hautes compétences et les services remarquables qu’il
a rendus au Foreign Office dans le domaine du droit international, a

adressé une lettre au président de l’Assemblée générale (A/63/461). Se
référant au point 71 de l’ordre du jour, «Demande d’avis consultatif», et
au projet de résolution présenté par la Serbie (A/63/L.2), il déclarait dans
cette lettre que, «[c]ontribuant à l’examen de ce point de l’ordre du jour,

le Royaume-Uni a élaboré ... [une] note ... dans laquelle il soulève plu-
sieurs questions que les membres de l’Assemblée générale souhaiteront
peut-être examiner». Nulle part dans cette note n’est exprimé un doute
sur le fait que la déclaration a été adoptée par les institutions provisoires.
En fait, le Royaume-Uni y fait d’abord observer:

«Le point de l’ordre du jour proposé par la Serbie demande un

avis consultatif sur la question de savoir si «la déclaration unilaté-
rale d’indépendance du Kosovo est conforme au droit internatio-
nal». Par contre, la question formulée dans le projet est posée de
manière à déterminer si «la déclaration unilatérale d’indépendance
par les institutions provisoires d’administration autonome du

Kosovo [est] conforme au droit international».»
Il considère ensuite que

58 «il serait utile de savoir si la Serbie cherche à se concentrer sur la ques-
tion plus étroite de la compétence des institutions provisoires d’admi-

nistration autonome du Kosovo et, dans l’affirmative, de se deman-
der précisément de quelle manière cette question est liée au statut
actuel du Kosovo» (A/63/461, p. 4, par. 7; les italiques sont de moi).

Il n’est donc pas douteux que, en octobre 2008, soit quelque huit mois
après la déclaration, le Royaume-Uni considérait que celle-ci avait été
adoptée par les institutions provisoires d’administration autonome du

Kosovo. Si tel n’avait pas été le cas, il n’aurait eu aucune raison de
demander si la requête concernait «la question plus étroite de la compé-
tence des institutions provisoires».
16. La question posée à la Cour a été approuvée telle qu’elle figure

dans le projet de résolution (A/63/L.2), c’est-à-dire désignant précisément
les institutions provisoires d’administration autonome. Le ministre serbe
des affaires étrangères a présenté le projet à l’Assemblée générale, indi-
quant expressément que «les institutions provisoires d’administra-
tion autonome ... du Kosovo-Metohija [avaient] unilatéralement déclaré

l’indépendance» (A/63/PV.22, p. 1; les italiques sont de moi). Aucune
délégation ayant participé au débat n’a contesté que la déclaration
avait été adoptée par les institutions provisoires d’administration auto-
nome. Au contraire, le représentant permanent du Royaume-Uni a
indiqué que «l’Assemblée du Kosovo a déclaré l’indépendance du

Kosovo» (ibid., p. 3; les italiques sont de moi). La représentante des
Etats-Unis a mentionné «la déclaration d’indépendance des institutions
provisoires d’administration autonome du Kosovo» (ibid.,p .;sel
italiques sont de moi). Le représentant permanent de la France a
commencé comme suit sa déclaration: «Le 17 février 2008, l’Assemblée

du Kosovo a déclaré l’indépendance de la République du Kosovo»
(ibid., p. 8; les italiques sont de moi). Enfin, l’Assemblée générale
elle-même, au deuxième alinéa du préambule de sa résolution 63/3,
rappelle que, «le 17 février 2008, les institutions provisoires d’adminis-
tration autonome du Kosovo ont déclaré leur indépendance vis-à-vis

de la Serbie».
17. Lorsque le Conseil de sécurité s’est réuni le 18 février 2008 pour
examiner la situation au Kosovo à la lumière de la publication, interve-
nue la veille, de la déclaration d’indépendance, le Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies lui a annoncé:

«Hier, mon représentant spécial pour le Kosovo m’a informé que

l’Assemblée des institutions provisoires d’administration autonome
du Kosovo s’était réunie pour adopter une déclaration d’indépen-
dance par laquelle le Kosovo a été déclaré Etat souverain et indé-
pendant.» (S/PV.5839, p. 2; les italiques sont de moi.)

Il a indiqué la même chose dans le tout premier rapport sur la MINUK

qu’il a présenté au Conseil de sécurité après la déclaration d’indépen-
dance, informant le Conseil que, «le 17 février, l’Assemblée du Kosovo

59a[vait] adopté une «déclaration d’indépendance» proclamant le Kosovo

Etat indépendant et souverain» (S/2008/211; p. 1, par. 3; les italiques
sont de moi) .3
18. Qui était mieux placé pour déterminer en quelle qualité ceux qui

avaient adopté la déclaration avaient agi à ce moment critique de l’his-
toire du Kosovo que le premier ministre de celui-ci, lorsqu’il a solennel-
lement présenté le texte de la déclaration et en a donné lecture à ceux qui

étaient assemblés, déclarant à cette occasion:

«Aujourd’hui, le président du Kosovo et moi-même, en ma qua-
lité de premier ministre du Kosovo, avons officiellement deman-

dé ... au président de l’Assemblée, M. Krasniqi[,] de convoquer
une session extraordinaire dont l’ordre du jour comporte deux
points.

Cette invitation à une session extraordinaire vous est adressée
conformément au cadre constitutionnel pour le Kosovo , en vertu
duquel nous présentons les deux points de l’ordre du jour suivants:

1. déclaration d’indépendance du Kosovo,
2. présentation des symboles d’Etat du Kosovo.» 4

Le président de l’Assemblée du Kosovo considérait également qu’il
présidait l’Assemblée lorsqu’il a «invit[é] le premier ministre du Kosovo,
M. Hashim Thaçi, à justifier la demande de convocation d’une session
5
extraordinaire et solennelle de l’Assemblée » .
19. La majorité a finalement dû admettre que le président de l’Assem-
blée du Kosovo et le premier ministre du Kosovo avaient «fait référence

à l’Assemblée du Kosovo et au cadre constitutionnel» (avis consul-
tatif, par. 104), tout en maintenant son échafaudage intellectuel selon
lequel les auteurs de la déclaration avaient «agi de concert en leur

qualité de représentants du peuple du Kosovo, en dehors du cadre
de l’administration intérimaire» (ibid., par. 109). Les membres de
l’Assemblée ne sont-ils pas des «représentants du peuple du Kosovo»?

Le président du Kosovo n’est-il pas le représentant du peuple du
Kosovo? S’étant réunis, selon les termes du premier ministre, «confor-
mément au cadre constitutionnel pour le Kosovo», ils tenaient à agir

conformément à ce cadre et non, comme l’affirme la majorité, en
dehors de celui-ci.

3 La majorité a dû «reconnaî[tre]» que le Secrétaire général avait déclaré cela dans son

rapport, en essayant de minimiser la pertinence de cette affirmation, en disant qu’il
s’agissait «du rapport périodique normal consacré aux activités de la MINUK ... [qui]
n’était pas censé constituer une analyse juridique de la déclaration ou de la qualité en
la4uelle avaient agi ceux qui l’avaient adoptée» (avis consultatif, par. 108).
Procès-verbal de la session plénière extraordinaire de l’Assemblée du Kosovo tenue
le 17 février 2008, contribution écrite de la République du Kosovo, 17 avril 2009,
annexe 2, p. 228; les italiques sont de moi.
5 Ibid., p. 227; les italiques sont de moi.

60 20. Bien que la majorité ait cherché à établir «l’identité des auteurs de
6
la déclaration d’indépendance» et «a[i]t [finalement] établi [cette] iden-
tité» (avis consultatif, par. 110), une telle recherche n’était pas nécessaire,

car l’«identité» des intéressés était bien connue, et elle est attestée dans le
procès-verbal de la session plénière extraordinaire de l’Assemblée du
Kosovo . Il n’était pas non plus nécessaire de chercher à déterminer en

quelle «qualité» avaient agi ceux qui avaient adopté la déclaration (ibid.,
par. 109). Le président de l’Assemblée du Kosovo, qui a présidé la session
extraordinaire de celle-ci et fait procéder au vote sur la déclaration, a

annoncé les résultats de ce vote dans les termes suivants:

«Je déclare que les membres de l’Assemblée du Kosovo ont, ce
jour, 17 février 2008, à l’unanimité, exprimé leur volonté et celle des

citoyens du Kosovo de voir en celui-ci un Etat indépendant, souve-
rain et démocratique.» 8

Chacun de ceux qui ont signé la déclaration, outre le président du
Kosovo, le premier ministre et le président de l’Assemblée, a été «invité»

à signer en sa qualité soit de «membre de l’Assemblée du Kosovo», soit
de «membre de la présidence» de l’Assemblée . Ils ont apposé leur signa-
ture sous la déclaration en qualité de membres de l’Assemblée du Kosovo,

comme cela est confirmé verbis expressis sur le texte authentique de la
déclaration, sur papyrus, en langue albanaise . L’affirmation exprimée

par la majorité dans l’avis consultatif selon laquelle «[d]ans le texte ori-
ginal albanais (qui constitue le seul texte faisant foi) il n’est indiqué nulle
part que la déclaration émane de l’Assemblée du Kosovo» (ibid., par. 107)

est donc manifestement inexacte, ce qui ne sert pas la crédibilité de la
théorie qu’elle a élaborée.
21. L’Assemblée du Kosovo constituée de ses membres, le président

du Kosovo et le Gouvernement du Kosovo, dirigé par le premier mi-
nistre, formaient ensemble, le 17 février 2008, les institutions provi-
11
soires d’administration autonome du Kosovo, et ils ont ensemble
adopté la déclaration. La question avait donc été correctement
formulée dans la demande de l’Assemblée générale et il n’y avait aucune

raison de l’«ajuster», puis de modifier ensuite le titre de l’affaire
lui-même.

6
Voir le titre du chapitre IV, section B.2 a), de l’avis consultatif.
7 Voir le procès-verbal de la session plénière extraordinaire de l’Assemblée du Kosovo
sur la déclaration d’indépendance tenue le 17 février 2008, contribution écrite de la
République du Kosovo, 17 avril 2009, annexe 2, p. 238-245.
8 Ibid., p. 238; les italiques sont de moi.
9 Ibid., p. 239-245.
10 Voir ibid., p. 207 et 209 (le texte en albanais indique: «Deputetët e Kuvendit të

Ko11vës», qui signifie «députés de l’Assemblée du Kosovo».
Voir chapitre 9 du cadre constitutionnel d’administration autonome provisoire.
L’avis consultatif confirme que le cadre constitutionnel était en vigueur le 17 février 2008
(par. 91).

61 CADRE JURIDIQUE APPLICABLE AU K OSOVO

AU MOMENT DE L ’ADOPTION DE LA DÉCLARATION

22. Le régime juridique international du Kosovo est, depuis le 10 juin
1999, régi par la résolution 1244 (1999) adoptée par le Conseil de sécu-

rité au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies et par le cadre
constitutionnel.
Le Kosovo a été placé sous administration territoriale internationale
en vertu de la résolution 1244. De ce fait, bien que la République fédérale

de Yougoslavie demeurât le souverain territorial, elle avait cessé d’exer-
cer un contrôle effectif sur le territoire .
23. La résolution 1244 du Conseil de sécurité n’a pas évincé la

République fédérale de Yougoslavie de son titre sur le territoire en
question. Au contraire, elle indique expressément, à l’alinéa 10 de son
préambule, que le Conseil de sécurité réaffirme «l’attachement de tous
les Etats Membres à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la

République fédérale de Yougoslavie et de tous les autres Etats de la
région, au sens de l’acte final d’Helsinki et de l’annexe 2 à la présente
résolution». Le préambule, qui fait partie intégrante de la résolu-
tion 1244, est essentiel pour savoir quels étaient le contexte dans lequel

celle-ci a été adoptée et l’intention du Conseil de sécurité lorsqu’il l’a
adoptée. Il faut donc prendre en considération le préambule pour
interpréter la résolution.

24. En établissant une administration territoriale internationale sur le
Kosovo, qui juridiquement demeurait partie intégrante de la RFY, l’Orga-
nisation des Nations Unies a assumé la responsabilité de ce territoire.
25. Le Conseil de sécurité, dans sa résolution 1244, a décidé que «la

solution politique de la crise au Kosovo reposera[it] sur les principes
généraux énoncés à l’annexe 1 et les principes et conditions plus détaillés
figurant à l’annexe 2» (dispositif, par. 1). Les deux annexes renvoient aux

principes de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République
fédérale de Yougoslavie.
26. Lorsque le Conseil de sécurité a autorisé le Secrétaire général à éta-
blir une présence internationale civile au Kosovo afin d’y assurer une

administration intérimaire dans le cadre de laquelle la population du
Kosovo pourrait jouir d’une autonomie substantielle au sein de la Répu-
blique fédérale de Yougoslavie (dispositif, par. 10), il a décidé que les

principales responsabilités de la présence internationale civile seraient
notamment les suivantes:

— faciliter, en attendant un règlement définitif, l’instauration au Kosovo

12 Le représentant permanent du Royaume-Uni, durant le débat du Conseil de sécurité
sur le Kosovo tenu le 18 février 2008, soit le lendemain de l’adoption de la déclaration
d’indépendance du Kosovo, devait déclarer: «Au cŒur de la controverse d’aujourd’hui,
ilyalarésolutionadoptéeàcettetableenjuin1999.Danscetterésolution,leConseila
pris une mesure sans précédent: il a effectivement privé Belgrade de son autorité sur le
Kosovo.» (S/PV.5839, p. 13; les italiques sont de moi.)

62 d’une autonomie et d’une auto-administration substantielles compte

pleinement tenu de l’annexe 2 et des accords de Rambouillet (par. 11
a));
— organiser et superviser la mise en place d’institutions provisoires pour
une auto-administration autonome et démocratique en attendant un

règlement politique, notamment la tenue d’élections (par. 11 c));
— faciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur du
Kosovo, en tenant compte des accords de Rambouillet (par. 11 e));
— à un stade final, superviser le transfert des pouvoirs des institutions

provisoires du Kosovo aux institutions qui auront été établies dans le
cadre d’un règlement politique (par. 11 f)).

27. Lorsqu’il a arrêté les responsabilités principales de la présence
internationale civile, le Conseil de sécurité n’a pas abdiqué sa responsa-
bilité d’ensemble à l’égard de la situation au Kosovo; il est resté active-

ment saisi de la question (paragraphe 21 de la résolution 1244). Son rôle,
en ce qui concerne le règlement final, a été préservé. Les principes direc-
teurs établis par le groupe de contact en vue d’un règlement du statut du
Kosovo, qui appuyaient la recommandation du Secrétaire général au

Conseil de sécurité tendant à ce que soit lancé un processus visant à
déterminer le statut futur du Kosovo conformément à la résolution 1244
du Conseil de sécurité, sont révélateurs. Ils confirment que «[l]e Conseil
de sécurité demeurera activement saisi de la question et devra approuver
13
la décision finale sur le statut du Kosovo » .
28. Un «règlement final» ne peut être qu’un règlement du différend
opposant les parties (c’est-à-dire les autorités de Belgrade et les autorités
de Pristina), soit par voie d’accord entre elles, soit par décision d’un

organe ayant compétence pour se prononcer. Mais la notion de règle-
ment est manifestement incompatible avec toute mesure unilatérale prise
par une des parties en vue de régler le différend contre la volonté de
l’autre.

Il suffit de mentionner quelques déclarations faites par plusieurs Etats
— particulièrement intéressés par les questions touchant au Kosovo —
au Conseil de sécurité.
Le Royaume-Uni a condamné

«les déclarations unilatérales sur le statut final du Kosovo, de quel-

que partie qu’elles viennent. Nous ne reconnaîtrons aucune initiative
visant à instaurer des arrangements politiques pour l’ensemble ou
une partie du Kosovo, que ce soit unilatéralement ou dans le cadre
d’un arrangement qui ne recueille pas l’appui de la communauté

internationale» (S/PV.4742, p. 18, Royaume-Uni).

13 En anglais, «[t]he Security Council will remain actively seized of the matter. The
final decision on the status of Kosovo should be endorsed by the Security Council »; voir
lettre du 10 novembre 2005 adressée au Secrétaire général par le président du Conseil de
sécurité, S/2005/709, annexe; les italiques sont de moi.

63 Quelques mois plus tard, le même gouvernement a déclaré au Conseil

de sécurité que «[t]oute déclaration unilatérale sur le statut, prononcée
par l’un ou l’autre camp, paraît totalement inacceptable aux yeux du
Royaume-Uni» (S/PV.5017, p. 23). Le Gouvernement français a déclaré
en 2003 qu’«[a]ucune avancée ne sera possible au Kosovo sur la base
d’actions unilatérales qui seraient contraires à la résolution 1244 (1999)

ou qui bafoueraient l’autorité de la MINUK et de la KFOR» (S/PV.4770,
p. 6). Le représentant permanent de l’Allemagne a été on ne peut plus
clair lorsqu’il a déclaré en 2003:

«La question du statut final du Kosovo sera traitée en temps
opportun et à travers le processus approprié. Seul le Conseil de sécu-
rité peut évaluer l’application de la résolution 1244 (1999) et il

a le dernier mot en matière de règlement de la question du statut.
Aucun arrangement ou mesure unilatérale visant à déterminer
d’avance le statut du Kosovo — pour l’ensemble ou une partie du
Kosovo — ne peut être accepté.» (S/PV.4770, p. 15; les italiques

sont de moi.)
Quelques semaines plus tard, le même gouvernement a estimé que,
«[s]’agissant du statut futur du Kosovo, les parties doivent comprendre

qu’aucun acte unilatéral ne pourra modifier le statut du Kosovo tel
qu’énoncé dans la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité»
(S/PV.4809).
29. Les négociations sur le statut futur du Kosovo qui se sont dérou-

lées sous les auspices de l’envoyé spécial du Secrétaire général n’ont pas
abouti à un accord. L’envoyé spécial a indiqué dans son rapport que
«[t]out au long du processus, les deux parties ont réaffirmé à de nom-
breuses occasions leurs positions catégoriques, diamétralement opposées,

Belgrade exigeant que l’autonomie du Kosovo s’exerce à l’intérieur de la14
Serbie tandis que Pristina n’accepte rien de moins que l’indépendance » .
On peut se demander si les parties ont négocié de bonne foi car, comme
l’a fait observer la Cour, négocier de bonne foi signifie que

«les parties ont l’obligation de se comporter de telle manière que la
négociation ait un sens, ce qui n’est pas le cas lorsque l’une d’elles

insiste sur sa propre position sans envisager aucune modification»
(Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Alle-
magne/Danemark; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas),
arrêt, C.I.J. Recueil 1969 , p. 47, par. 85; rappelé dans Projet
Gabcˇíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil

1997, p. 78, par. 141, et dans Usines de pâte à papier sur le fleuve
Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (I) ,
p. 67, par. 146).

14 Rapport de l’envoyé spécial du Secrétaire général sur le statut futur du Kosovo,
S/2007/168, p. 2, par. 2; les italiques sont de moi.

64 30. L’envoyé spécial, étant lui-même convaincu que la «réincorpora-

tion à la Serbie n’est pas une option viable» et que «l’administration
internationale ne peut être maintenue», a conclu que «l’indépendance
15
sous supervision internationale est la seule option viable» . Aussi a-t-il
présenté «[sa] proposition de règlement» et «exhort[é] le Conseil de sécu-
16
rité à [l’]approuver» .
31. La proposition de règlement Ahtisaari n’a pas été approuvée par le
Conseil de sécurité, seul organe de l’ONU compétent pour ce faire.

Parce qu’il était divisé sur la question du statut final du Kosovo, le
Conseil de sécurité a une nouvelle fois été contourné. Le représentant

permanent du Royaume-Uni a déclaré ouvertement à l’Assemblée géné-
rale que, «en coordination avec un grand nombre des pays qui prenaient
le plus activement part à la stabilisation des Balkans , l’Assemblée du

Kosovo a déclaré l’indépendance du Kosovo le 17 février 2008»
(Nations Unies, doc. A/63/PV.22, p. 3; les italiques sont de moi). La

déclaration d’indépendance du Kosovo a constitué une manière de
mettre en pratique dans toute la mesure possible le plan Ahtisaari qui
n’avait pas été approuvé . 17

32. La déclaration d’indépendance a été adoptée par les institutions
provisoires d’administration autonome «en coordination avec un grand

nombre des pays qui prenaient le plus activement part à la stabilisation

15 Nations Unies, doc. S/2007/168, p. 3-4. Il convient de noter pourquoi, selon l’envoyé
spécial, la réincorporation n’était pas une option viable:

«depuis huit ans, le Kosovo et la Serbie sont administrés comme deux entités totale-
ment à part. Par suite de la création de la Mission des Nations Unies au Kosovo
(MINUK) par la résolution 1244 (1999), qui a assumé tous les pouvoirs législatifs,
exécutifs et judiciaires dans tout le Kosovo, il est de fait que la Serbie n’exerce plus
aucune fonction gouvernementale au Kosovo. Cet état de fait indéniable est irréver-

sible. La restauration du pouvoir serbe au Kosovo serait inacceptable pour l’écrasante
majorité de sa population. Belgrade ne pourrait rétablir son pouvoir sans provoquer
une violente opposition. L’autonomie du Kosovo à l’intérieur des frontières de la Ser-
bie — aussi théorique soit-elle — est tout simplement intenable.» (P. 3, par. 7.)

Le rapport indique à tort que la résolution 1244 a été adoptée à l’unanimité (par. 15).
16 Ibid., p. 5, par. 16.
17 Comme l’a écrit un auteur ayant «fait fonction de conseiller du Kosovo dans le
cadre d’un grand nombre, si ce n’est de la plupart, des divers processus et négociations de
paix»:

«La déclaration a été élaborée en collaboration avec les principaux gouvernements
et a été relue par ceux-ci. Elle a été formulée de manière à avoir d’importantes
conséquences juridiques pour le Kosovo. En faisant appel à une notion de droit in-
ternational, celle de «déclaration unilatérale», elle a créé des obligations juridiques

erga omnes. Ce sont des obligations juridiques susceptibles d’être invoquées par tous
les autres Etats et dont ils peuvent exiger l’exécution. En ce sens, on a tenté de rem-
placer le caractère obligatoire d’une résolution adoptée par le Conseil de sécurité en
vertu du chapitre VII et imposant à la souveraineté du Kosovo les limitations prévues
dans le plan Ahtisaari par une autolimitation de sa souveraineté.» (Marc Weller,
Contested Statehood, Kosovo’s Struggle for Independence , Oxford University Press,
2009, p. viii et 231.)

65des Balkans» 18 à un moment où le cadre constitutionnel était applicable,

comme le confirme l’avis consultatif (par. 91). Or, aux termes du cadre
constitutionnel, les relations extérieures étaient la prérogative exclusive
du représentant spécial (par. 106).
Auparavant, le représentant spécial n’avait pas hésité, dans l’exercice de

sa fonction de supervision, à déclarer nulle et non avenue telle ou telle
mesure de l’une des institutions provisoires dont il estimait qu’elle outre-
passait les pouvoirs de cette institution(ultra vires). Ainsi, le 23 mai 2002,
le représentant spécial du Secrétaire général déclara «nulle et non avenue»

une résolution adoptée par l’Assemblée du Kosovo visant à contester
l’accord frontalier signé en février 2001 par la RFY et l’ex-République
yougoslave de Macédoine. Le 7 novembre 2002, l’Assemblée du Kosovo

adopta une résolution en réaction à un projet de charto constitutionnelle
de la Serbie-et-Monténégro (Nations Unies, dossier n186). Le même jour,
le représentant spécial du Secrétaire général déclara que cette réso-
lution n’avait «aucun effet juridique» (Nations Unies, dossier n187). o

En février 2003, l’Assemblée du Kosovo était en train d’élaborer une
«déclaration concernant le Kosovo, Etat souverain et indépendant» aux
termes de laquelle, notamment, «le Kosovo [serait] proclamé ... Etat
démocratique, indépendant et souverain» (Nations Unies, dossier n188, o

3 février 2003, par. 1). Le représentant spécial adjoint principal du Secré-
taire général, au nom du représentant spécial du Secrétaire général, infor-
ma le président de l’Assemblée du Kosovo que l’examen officiel de cette
question par l’Assemblée «serait contraire à la résolution 1244 (1999) du

Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, au cadre consti-
tutionnel de l’autonomie provisoire au Kosovo et au règlement intérieur
provisoire de l’Assemblée». Il indiquait en outre que cette «mesure

prise par l’Assemblée du Kosovo ... dépass[ait] son champ de compé-
tences» (Nations Unies, dossier n°189, 7 février 2003). Dans le même
esprit, en novembre 2005, l’Assemblée du Kosovo envisagea d’adopter
une déclaration d’indépendance, mais le représentant spécial du Secrétaire

général indiqua qu’une telle déclaration «serait contraire à la résolu-
tion [1244] du Conseil de sécurité de l’ONU ... et qu’elle n’aurait donc
aucun effet juridique» (administration intérimaire des Nations Unies au
Kosovo, compte rendu de la conférence de presse du 16 novembre 2005,

p. 4-5).
33. Les faits rappelés ci-dessus démontrent que le représentant spécial
du Secrétaire général, à qui l’Organisation des Nations Unies avait confié

l’administration intérimaire du Kosovo, a jugé un certain nombre d’actes
de l’Assemblée du Kosovo, pris entre 2002 et 2005, incompatibles avec
le cadre constitutionnel et, en conséquence, avec la résolution 1244 du
Conseil de sécurité. Ces actes, qu’ils visent directement à déclarer l’indé-

18
Cette coordination, reconnue par le représentant permanent du Royaume-Uni
(A/63/PV.22, p. 3), est démontrée par la reconnaissance (presque) immédiate de l’indé-
pendance du Kosovo par ces Etats.

66pendance du Kosovo ou n’aillent pas jusque-là, ont été considérés comme

outrepassant «[le]ochamp de compétences [de l’Assemblée]» (Nations
Unies, dossier n 189, 7 février 2003), en d’autres termes comme ultra
vires.
34. La majorité évoque brièvement ces actes outrepassant les compé-

tences des institutions provisoires d’administration autonome au regard
du cadre constitutionnel (avis consultatif, par. 108). Elle relève que «[l]e
silence du représentant spécial du Secrétaire général face à la déclaration

d’indépendance du 17 février 2008» «n’est pas ... dénu[é] d’intérêt», esti-
mant que ce silence «semble indiquer que celui-ci ne la considérait pas
comme un acte des institutions provisoires d’administration autonome
censé prendre effet dans le cadre de l’ordre juridique dont la supervision

lui incombait» (ibid.).
Mais l’avis consultatif n’explique aucunement pourquoi des actes qui
étaient considérés comme outrepassant les compétences des institutions

provisoires entre 2002 et 2005 n’étaient plus considérés ainsi en 2008,
alors même que les dispositions du cadre constitutionnel relatives aux
compétences de ces institutions n’avaient pas été modifiées et étaient les
mêmes en février 2008 qu’en 2005.

On en retire l’impression que le représentant spécial est cette fois
demeuré silencieux parce qu’il était parfaitement au courant des efforts
en cours pour donner effet dans la mesure du possible au plan Ahtisaari,

qui n’avait pas été approuvé, au moyen de la déclaration adoptée par
l’Assemblée du Kosovo «en coordination avec un grand nombre des pays
qui prenaient le plus activement part à la stabilisation des Balkans».
35. La Cour, organe judiciaire principal de l’Organisation des Na-

tions Unies (article 92 de la Charte), est supposée promouvoir le respect
des règles et mécanismes définis dans la Charte et les décisions adop-
tées en vertu de celle-ci. Le régime juridique applicable à l’administration

territoriale internationale du Kosovo par l’Organisation des Na-
tions Unies demeurait inchangé le 17 février 2008. Ce qui avait assuré-
ment évolué était la situation politique et les réalités au Kosovo. La
majorité a jugé préférable de tenir compte de cette évolution et de ces
19
réalités politiques plutôt que de la nécessité impérieuse de respecter ces
règles, outrepassant ainsi les limites de la réserve judiciaire.

(Signé) Peter T OMKA .

19 «La déclaration d’indépendance du 17 février 2008 doit être appréciée dans le con-
texte factuel qui a conduit à son adoption» (avis consultatif, voir par. 57; les italiques
sont de moi), comme si ce contexte factuel déterminait les conclusions juridiques à tirer.
De même, la majorité déclare que «la déclaration d’indépendance doit être envisagée dans
son contexte plus général , compte tenu des événements qui ont précédé son adoption, en
particulier ceux liés à ce qu’il est convenu d’appeler le «processus de détermination du
statut final»» (ibid., par. 104; les italiques sont de moi), comme si ce contexte transfor-
mait l’Assemblée, une des institutions provisoires, en quelque chose d’autre.

67

Bilingual Content

DECLARATION OF VICE-PRESIDENT TOMKA

The Court should have exercised its discretion and declined to respond to the
General Assembly’s request — The Security Council’s silence cannot be inter-
preted as implying any tacit approval of the declaration — The General Assem-

bly does not have “sufficient interest” in requesting this opinion — The Advisory
Opinion is prejudicial to the exercise of the Security Council’s powers —
The conclusion of the Court has no basis in the facts relating to the adoption
of the declaration of independence — Important Kosovo actors and United
Nations officials equally considered that the Assembly of Kosovo authored the
declaration of independence — The legal framework applicable in Kosovo —
Final settlement to be determined by the agreement between the parties or by

the Security Council, but not merely by one party.

1. The majority of the Court has decided to reply to the request of

the General Assembly for the advisory opinion. It provided its answer
albeit only after having “adjusted” the question. That “adjustment”
was of critical importance to the answer given; in fact, it was outcome-
determinative. As those in the majority admit, “[t]he identity of the

authors of the declaration of independence . . . is a matter which is capable
of affecting the answer to the question whether [the] declaration was
in accordance with international law” (Advisory Opinion, para. 52). In

my judici1l conscience, although being fully aware of the “realities on the
ground” , I am unable to join my colleagues in the majority in this
“adjustment” exercise.

D ISCRETION AND PROPRIETY

2. This is a case in which the Court should have exercised its discretion
as to whether to reply to a question put to it. Article 65 of the Statute,

providing that “[t]he Court may give an advisory opinion” (in French it
reads: “La Cour peut donner un avis consultatif”) leaves no doubt that
the Court is under no legal obligation to comply with a request. The

1
These realities are succinctly described in the Report of Mr. Ahtisaari, the Special
Envoy of the Secretary-General on Kosovo’s future status (UN doc. S/2007/168). They
led him, once his effort to achieve a negotiated settlement failed, to submit his recommen-
dation: that Kosovo’s status be independence, supervised by the international commu-
nity. Despite his urging that the Security Council endorse his settlement proposal, it
received no such endorsement by the Council.

55 DÉCLARATION DE M. LE JUGE TOMKA, VICE-PRÉSIDENT

[Traduction]

La Cour aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire et refuser de répondre
à la demande de l’Assemblée générale — Le silence du Conseil de sécurité ne
peut être interprété comme une approbation tacite de la déclaration — L’Assem-
blée générale n’avait pas un «intérêt suffisant» pour solliciter cet avis — L’avis
consultatif porte atteinte à l’exercice de ses pouvoirs par le Conseil de sécurité

— La conclusion de la Cour ne trouve aucun fondement dans les faits ayant
entouré l’adoption de la déclaration d’indépendance — D’importantes parties
prenantes au Kosovo et des fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies
ont estimé les unes et les autres que l’Assemblée du Kosovo était l’auteur de la
déclaration d’indépendance — Le cadre juridique applicable au Kosovo — Le
règlement final doit être décidé par accord entre les parties ou par le Conseil de
sécurité, mais pas par une partie uniquement.

1. A la majorité de ses membres, la Cour a décidé de répondre à la
demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale. Elle n’a toutefois

donné sa réponse qu’après avoir «ajusté» la question. Il s’agissait d’un
ajustement décisif pour que la Cour puisse parvenir à la réponse qui a été
donnée — il a en fait été déterminant. Comme l’admettent les membres
de la majorité, «l’identité des auteurs de la déclaration d’indépen-

dance [était] un point [pouvant] avoir une incidence sur la réponse à la
question de la conformité au droit international de cette déclaration»
(avis consultatif, par. 52). En toute conscience judiciaire, bien qu’ayant
pleinement connaissance des «réalités sur le terrain» , je ne suis pas

en mesure d’accompagner mes collègues de la majorité dans cet exercice
d’«ajustement».

P OUVOIR DISCRÉTIONNAIRE ET OPPORTUNITÉ JUDICIAIRE

2. Il s’agit d’une affaire dans laquelle la Cour aurait dû exercer son
pouvoir discrétionnaire et se demander s’il convenait de répondre à la
question qui lui était posée. Les termes de l’article 65 du Statut, à savoir
que «[l]a Cour peut donner un avis consultatif» (en anglais: «[t]he Court

may give an advisory opinion»), ne laissent aucun doute sur le fait que la

1Ces réalités sont résumées dans le rapport de M. Ahtisaari, l’envoyé spécial du
Secrétaire général, sur le statut futur du Kosovo (Nations Unies, doc. S/2007/168). Elles
ont amené ce dernier, après l’échec de ses efforts pour parvenir à un règlement négocié, à
recommander que le Kosovo devienne indépendant sous la supervision de la communauté
internationale. Bien qu’il ait demandé instamment que le Conseil de sécurité approuve sa
proposition de règlement, le Conseil ne l’a pas fait.

55Court possesses such discretion in order to protect the integrity of its

judicial function and its nature as a judicial organ.

3. To answer the question put to the Court requires it not only to
interpret Security Council resolution 1244 but also to make a determina-
tion whether an act adopted by the institutions of Kosovo, which has

been put under a régime of international territorial administration, is or
is not in conformity with the legal framework applicable to and govern-
ing that régime, i.e., Security Council resolution 1244 and the measures
adopted thereunder, in particular the Constitutional Framework.

4. The Security Council, which remains actively seised of matters relat-
ing to Kosovo, has made no such determination and its silence cannot be
interpreted as implying the tacit approval of, or acquiescence with, the
act adopted on 17 February 2008, in view of the disagreements on this

issue2publicly voiced by its members, in particular, its permanent mem-
bers . These disagreements persist and have been reaffirmed in the course
of this advisory proceeding, both in the written and oral submissions.

5. The request for an advisory opinion was addressed to the Court by
the General Assembly. The Assembly did not deal with the situation in
Kosovo when a proposal to request an advisory opinion was made by
Serbia. A new item had to be included in the General Assembly’s agenda.

Now, when the majority’s opinion is delivered, the Assembly is free to
discuss it, but certainly as long as the Security Council remains actively
seised of the situation in Kosovo and exercises its function with respect to
it, Article 12, paragraph 1, of the Charter prevents the General Assembly
from making any recommendation with regard to the status of Kosovo. I

fail to see any “sufficient interest” for the Assembly in requesting the
opinion and agree with the view of Judge Keith, expressed in his separate
opinion, on this point.

6. Through the question put to it by the General Assembly, the Court
has become immersed in the disagreements prevailing in the Security
Council on this issue, the Council having been still actively seised of the
matter but not requesting any advice from the Court. With the answer

offered by the majority, the Court takes sides while it would have been
judicially proper for it to refrain from doing so.
7. As the former President of this Court, the late Manfred Lachs,
wisely observed in the case relating to the situation in which the Security

Council had been actively exercising its powers, as in the present one,

“it is important for the purposes and principles of the United Nations

2See statements by the Members of the Security Council at the meeting, held on
18 February 2008, convened some 24 hours upon the issuance of the declaration of inde-
pendence (UN doc. S/PV.5839, passim).

56Cour n’est pas juridiquement tenue de donner suite à une demande. La

Cour s’est vu conférer ce pouvoir discrétionnaire pour protéger l’intégrité
de sa fonction judiciaire et sa nature d’organe judiciaire.
3. Pour répondre à la question qui lui avait été posée, la Cour devait non
seulement interpréter la résolution 1244 du Conseil de sécurité, mais aussi
déterminer si un acte adopté par les institutions du Kosovo, lequel avait été

placé sous un régime international d’administration territoriale, était ou
non conforme au cadre juridique applicable à ce régime et le réglementant,
c’est-à-dire à la résolution 1244 du Conseil de sécurité et aux mesures adop-
tées en vertu de celle-ci, en particulier le cadre constitutionnel.

4. Le Conseil de sécurité, qui demeure activement saisi de questions
touchant au Kosovo, ne s’est pas prononcé sur ce point et son silence ne
peut être interprété comme une approbation tacite de l’acte adopté le
17 février 2008 ni comme un acquiescement à cet acte, étant donné les

désaccords sur ce point exprimés pub2iquement par ses membres, en par-
ticulier ses membres permanents . Ces désaccords persistent et ont été
réaffirmés dans le cadre de la présente procédure consultative, aussi bien
dans les pièces écrites qu’aux audiences.

5. La demande d’avis consultatif a été adressée à la Cour par l’Assem-
blée générale. L’Assemblée ne s’occupait pas de la situation au Kosovo
lorsque la Serbie a présenté une proposition tendant à ce qu’un avis
consultatif soit sollicité. Un nouveau point a dû être inscrit à l’ordre du

jour de l’Assemblée générale. L’avis de la majorité ayant été rendu,
l’Assemblée est libre d’en débattre, mais, assurément, aussi longtemps
que le Conseil de sécurité demeure activement saisi de la situation au
Kosovo et exerce ses fonctions en ce qui la concerne, le paragraphe 1 de
l’article 12 de la Charte empêche l’Assemblée générale de faire une quel-

conque recommandation sur le statut du Kosovo. Je ne pense pas que
l’Assemblée générale avait «suffisamment intérêt» à demander cet avis
consultatif et je souscris à l’appréciation portée à cet égard par le
juge Keith dans son opinion individuelle.

6. Par le biais de la question que lui a posée l’Assemblée générale,a l
Cour s’est trouvée impliquée dans les désaccords qui existent au Conseil
de sécurité à ce propos, le Conseil étant encore activement saisi de celle-ci
mais n’ayant pas demandé d’avis à la Cour. Avec la réponse donnée par

la majorité, la Cour prend parti alors qu’il aurait été judiciairement
approprié qu’elle s’abstînt de le faire.
7. Ainsi que le regretté Manfred Lachs, ancien président de la Cour,
l’a sagement fait observer dans une affaire concernant une situation face

à laquelle le Conseil de sécurité exerçait activement ses pouvoirs, comme
en la présente espèce,

«[i]l importe ... dans le contexte des buts et des principes des

2Voir les déclarations des membres du Conseil de sécurité lors de la séance tenue le
18 février 2008, convoquée quelque vingt-quatre heures après la publication de la déclara-
tion d’indépendance (Nations Unies, doc. S/PV.5839, passim).

56 that the two main organs with specific powers of binding decision
act in harmony — though not, of course, in concert — and that each

should perform its functions with respect to a situation or dispute,
different aspects of which appear on the agenda of each, without
prejudicing the exercise of the other’s powers ”( Questions of Inter-
pretation and Application of the 1971 Montreal Convention arising

from the Aerial Incident at Lockerbie (Libyan Arab Jamahiriya v.
United Kingdom), Provisional Measures, Order of 14 April 1992,
I.C.J. Reports 1992, p. 27; emphasis added).

8. The majority’s answer given to the question put by the General

Assembly prejudices the determination, still to be made by the Security
Council, on the conformity vel non of the declaration with resolution 1244
and the international régime of territorial administration established
thereunder.

9. Therefore, in my view, only if the Court were asked by the Security
Council to provide its legal advice, would it have been proper for the
Court to reply.

THE Q UESTION

10. The question for the Court, approved by the General Assembly in

its resolution 63/3, reads as follows: “Is the unilateral declaration of inde-
pendence by the Provisional Institutions of Self-Government of Kosovo
in accordance with international law?” The question “is clearly formu-
lated”, and “narrow and specific” (Advisory Opinion, para. 51). There

was, therefore, no need to “adjust” the question, if only for the outcome
sought.
11. The majority, in its opinion, comes to the conclusion that

“taking all factors together, the authors of the declaration of inde-
pendence of 17 February 2008 did not act as one of the Provisional
Institutions of Self-Government within the Constitutional Frame-

work, but rather as persons who acted together in their capacity as
representatives of the people of Kosovo outside the framework of
the interim administration” (ibid., para. 109).

12. This conclusion has no sound basis in the facts relating to the
adoption of the declaration, and is nothing more than a post hoc intel-
lectual construct. The majority’s conclusion implies that all relevant

actors did not know correctly who adopted the declaration on 17 Febru-
ary 2008 in Pristina: Serbia, when it proposed the question; other States
which were present in the General Assembly when it adopted resolu-
tion 63/3; the Secretary-General of the United Nations and his Special
Representative; and, most importantly, the Prime Minister of Kosovo

57 Nations Unies, que les deux organes principaux spécifiquement habi-
lités à prendre des décisions obligatoires agissent dans l’harmonie

— bien que pas, évidemment, de concert — et que chacun d’entre
eux s’acquitte de ses fonctions concernant une situation ou un diffé-
rend dont divers aspects figurent à l’ordre du jour de chacun d’entre
eux sans porter préjudice à l’exercice des pouvoirs de l’autre »( Ques-

tions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal
de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya
arabe libyenne c. Royaume-Uni), mesures conservatoires, ordon-
nance du 14 avril 1992, C.I.J. Recueil 1992 , p. 27; les italiques sont
de moi).

8. La réponse donnée par la majorité à la question posée par l’Assem-

blée générale préjuge de la décision que doit encore prendre le Conseil de
sécurité sur la conformité ou non de la déclaration avec la résolu-
tion 1244 et le régime international d’administration territoriale mis en
place par celle-ci.

9. C’est pourquoi, selon moi, c’est uniquement si la demande d’avis
juridique avait émané du Conseil de sécurité qu’il eût été approprié que la
Cour y réponde.

LA QUESTION

10. La question posée à la Cour, et approuvée par l’Assemblée géné-

rale dans sa résolution 63/3, se lit comme suit: «La déclaration uni-
latérale d’indépendance des institutions provisoires d’administration auto-
nome du Kosovo est-elle conforme au droit international?» Cette
question est «clairement formulée», en même temps que «circonscrite

et précise» (avis consultatif, par. 51). Il n’était donc pas nécessaire
de l’«ajuster», si ce n’est pour arriver au résultat recherché.
11. Dans son avis, la majorité conclut, compte tenu de

«l’ensemble de ces éléments[,] ... que la déclaration d’indépendance
du 17 février 2008 n’est pas le fait de l’Assemblée du Kosovo en tant
qu’institution provisoire d’administration autonome agissant dans

les limites du cadre constitutionnel, mais est celui de personnes ayant
agi de concert en leur qualité de représentants du peuple du Kosovo,
en dehors du cadre de l’administration intérimaire» (ibid., par. 109).

12. Cette conclusion n’a pas de fondement solide dans les faits ayant
entouré l’adoption de la déclaration, et n’est rien d’autre qu’une cons-
truction intellectuelle relevant du sophisme post hoc. Elle implique

qu’aucun des acteurs intéressés ne savait exactement qui a adopté la
déclaration le 17 février 2008 à Pristina: ni la Serbie, lorsqu’elle a proposé
la question; ni les autres Etats qui étaient présents à l’Assemblée générale
lorsque celle-ci a adopté la résolution 63/3; ni le Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies et son représentant spécial; ni, enfin et

57when he introduced the text of declaration at the special session of the
Assembly of Kosovo!

13. The Foreign Minister of Serbia addressed a letter, dated 15 August
2008, to the Secretary-General of the United Nations, requesting the
inclusion in the agenda of the Sixty-third Session of the General Assem-
bly of a supplementary item entitled “Request for an advisory opinion of
the International Court of Justice on whether the unilateral declaration

of independence of Kosovo is in accordance with international law”. In
the explanatory memorandum, attached to his letter, he opens with the
following paragraph:

“The Provisional Institutions of Self-Government of Kosovo ,a
province of the Republic of Serbia under United Nations adminis-
tration, pursuant to United Nations Security Council resolution 1244

(1999), unilaterally declared independence on 17 February 2008.”
(A/63/195, Enclosure; emphasis added.)

14. The letter was issued as an official document by the United Nations
Secretariat on 22 August 2008. The issue was considered and resolu-
tion 63/3 was adopted by the General Assembly on 8 October 2008. The
Member States of the United Nations thus had some seven weeks to con-

sider the Serbian request and its explanatory memorandum. None of the
other 191 Member States took issue with the Serbian identification of
“the Provisional Institutions of Self-Government of Kosovo” as those
who adopted the declaration of independence on 17 February 2008.

15. On 1 October 2008 the Permanent Representative of the United
Kingdom, which is well known for the highly competent and fine inter-
national legal service in its Foreign Office, wrote a letter to the President
of the General Assembly (A/63/461). With reference to agenda item 71,
“Request for an advisory opinion”, and to the draft resolution submitted

by Serbia (A/63/L.2), “[i]n order to assist in the consideration of this
item, the United Kingdom . . . submit[ted] a note of issues . . ., raising a
number of questions on which members of the General Assembly may
wish to reflect”. Nowhere in that Note of Issues is a doubt expressed that
the declaration was adopted by the Provisional Institutions. Actually, the

Note of Issues first points out that

“[t]he agenda item proposed by Serbia requests an advisory opinion
on the question whether ‘the unilateral declaration of independence
of Kosovo is in accordance with international law’ and then con-
trasts it with the question formulated in the draft resolution, whether

‘the unilateral declaration of independence by the Provisional Insti-
tutions of Self-Government of Kosovo [is] in accordance with inter-
national law’”.

The Note expresses the view that

58surtout, le premier ministre du Kosovo lorsqu’il a présenté le texte de la
déclaration à la session extraordinaire de l’Assemblée du Kosovo!

13. Le ministre serbe des affaires étrangères a, le 15 août 2008, adressé
au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies une lettre dans
laquelle il demandait l’inscription à l’ordre du jour de la soixante-
troisième session de l’Assemblée générale d’un point supplémentaire, inti-

tulé «Demande d’avis consultatif à la Cour internationale de Justice sur la
question de savoir si la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo
est conforme au droit international». Le premier paragraphe du mémoire
explicatif joint à cette lettre est ainsi libellé:

«Les institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo ,
province de la République de Serbie sous administration des

Nations Unies en application de la résolution 1244 (1999) du Conseil
de sécurité, ont unilatéralement déclaré l’indépendance du Kosovo
le 17 février 2008.» (A/63/195, pièce jointe; les italiques sont de
moi.)

14. Cette lettre a été publiée sous forme de document officiel par le
Secrétariat de l’ONU le 22 août 2008. Le point a été examiné et l’Assem-
blée générale a adopté la résolution 63/3 le 8 octobre 2008. Les Etats

Membres de l’ONU ont donc ainsi disposé de quelque sept semaines
pour examiner la demande serbe et le mémoire explicatif qui l’accompa-
gnait. L’identification par la Serbie de ceux qui avaient adopté la déclara-
tion d’indépendance le 17 février 2008 comme étant «les institutions pro-

visoires d’administration autonome» n’a posé problème à aucun des
191 autres Etats Membres.
15. Le 1 er octobre 2008, le représentant permanent du Royaume-Uni,
bien connu pour ses hautes compétences et les services remarquables qu’il
a rendus au Foreign Office dans le domaine du droit international, a

adressé une lettre au président de l’Assemblée générale (A/63/461). Se
référant au point 71 de l’ordre du jour, «Demande d’avis consultatif», et
au projet de résolution présenté par la Serbie (A/63/L.2), il déclarait dans
cette lettre que, «[c]ontribuant à l’examen de ce point de l’ordre du jour,

le Royaume-Uni a élaboré ... [une] note ... dans laquelle il soulève plu-
sieurs questions que les membres de l’Assemblée générale souhaiteront
peut-être examiner». Nulle part dans cette note n’est exprimé un doute
sur le fait que la déclaration a été adoptée par les institutions provisoires.
En fait, le Royaume-Uni y fait d’abord observer:

«Le point de l’ordre du jour proposé par la Serbie demande un

avis consultatif sur la question de savoir si «la déclaration unilaté-
rale d’indépendance du Kosovo est conforme au droit internatio-
nal». Par contre, la question formulée dans le projet est posée de
manière à déterminer si «la déclaration unilatérale d’indépendance
par les institutions provisoires d’administration autonome du

Kosovo [est] conforme au droit international».»
Il considère ensuite que

58 “[i]t would be useful to know whether Serbia is seeking to focus on a
narrower question about the competence of the Provisional Institu-

tions of Self-Government of Kosovo , and, if so, how that question
relates to Kosovo’s status at the present time” (A/63/461, p. 4,
para. 7; emphasis added).

There is thus no doubt that the Provisional Institutions of Self-
Government of Kosovo were, in October 2008, some eight months after
the adoption of the declaration, considered by the United Kingdom as

those who adopted the declaration. Otherwise there would have been no
point in asking whether the request concerns “a narrower question about
the competence of the Provisional Institutions”.
16. The question to the Court was approved as contained in draft

resolution (A/63/L.2), i.e., specifically mentioning the Provisional Institu-
tions of Self-Government. The draft was introduced in the General
Assembly by the Minister of Foreign Affairs of Serbia. He expressly men-
tioned that “the provisional institutions of self-government ...ofKosovo
and Metohija unilaterally declared independence” (A/63/PV.22, p. 1;

emphasis added). No delegation taking part in the debate contested that
the declaration was adopted by the Provisional Institutions of Self-
Government. To the contrary, the United Kingdom’s Permanent Repre-
sentative said that “Kosovo’s Assembly declared Kosovo independent”
(ibid., p. 3; emphasis added). The United States delegate referred to

“the declaration of independence of Kosovo Provisional Institutions of
Self-Governance”( ibid., p. 5; emphasis added). The Permanent Repre-
sentative of France opened his statement with the following sentence:
“On 17 February 2008, the Assembly of Kosovo declared the inde-
pendence of the Republic of Kosovo.” (Ibid., p. 8; emphasis added.)

Finally, the General Assembly itself, in the second preambular paragraph
of its resolution 63/3, recalls “that on 17 February 2008 the Provisional
Institutions of Self-Government of Kosovo declared independence from
Serbia”.

17. The Secretary-General of the United Nations announced the
following to the Security Council, when it met on 18 February 2008 to
consider the situation in Kosovo in light of the issuance of the declaration
of independence a day earlier:

“Yesterday, my Special Representative for Kosovo informed

me that the Assembly of Kosovo’s Provisional Institutions of Self-
Government held a session during which it adopted a declaration of
independence, which declares Kosovo an independent and sovereign
State.” (S/PV.5839, p. 2; emphasis added.)

He stated the same in his very first report on UNMIK, submitted to the

Security Council after the declaration of independence was adopted,
informing the Council that “[o]n 17 February, the Assembly of Kosovo

59 «il serait utile de savoir si la Serbie cherche à se concentrer sur la ques-
tion plus étroite de la compétence des institutions provisoires d’admi-

nistration autonome du Kosovo et, dans l’affirmative, de se deman-
der précisément de quelle manière cette question est liée au statut
actuel du Kosovo» (A/63/461, p. 4, par. 7; les italiques sont de moi).

Il n’est donc pas douteux que, en octobre 2008, soit quelque huit mois
après la déclaration, le Royaume-Uni considérait que celle-ci avait été
adoptée par les institutions provisoires d’administration autonome du

Kosovo. Si tel n’avait pas été le cas, il n’aurait eu aucune raison de
demander si la requête concernait «la question plus étroite de la compé-
tence des institutions provisoires».
16. La question posée à la Cour a été approuvée telle qu’elle figure

dans le projet de résolution (A/63/L.2), c’est-à-dire désignant précisément
les institutions provisoires d’administration autonome. Le ministre serbe
des affaires étrangères a présenté le projet à l’Assemblée générale, indi-
quant expressément que «les institutions provisoires d’administra-
tion autonome ... du Kosovo-Metohija [avaient] unilatéralement déclaré

l’indépendance» (A/63/PV.22, p. 1; les italiques sont de moi). Aucune
délégation ayant participé au débat n’a contesté que la déclaration
avait été adoptée par les institutions provisoires d’administration auto-
nome. Au contraire, le représentant permanent du Royaume-Uni a
indiqué que «l’Assemblée du Kosovo a déclaré l’indépendance du

Kosovo» (ibid., p. 3; les italiques sont de moi). La représentante des
Etats-Unis a mentionné «la déclaration d’indépendance des institutions
provisoires d’administration autonome du Kosovo» (ibid.,p .;sel
italiques sont de moi). Le représentant permanent de la France a
commencé comme suit sa déclaration: «Le 17 février 2008, l’Assemblée

du Kosovo a déclaré l’indépendance de la République du Kosovo»
(ibid., p. 8; les italiques sont de moi). Enfin, l’Assemblée générale
elle-même, au deuxième alinéa du préambule de sa résolution 63/3,
rappelle que, «le 17 février 2008, les institutions provisoires d’adminis-
tration autonome du Kosovo ont déclaré leur indépendance vis-à-vis

de la Serbie».
17. Lorsque le Conseil de sécurité s’est réuni le 18 février 2008 pour
examiner la situation au Kosovo à la lumière de la publication, interve-
nue la veille, de la déclaration d’indépendance, le Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies lui a annoncé:

«Hier, mon représentant spécial pour le Kosovo m’a informé que

l’Assemblée des institutions provisoires d’administration autonome
du Kosovo s’était réunie pour adopter une déclaration d’indépen-
dance par laquelle le Kosovo a été déclaré Etat souverain et indé-
pendant.» (S/PV.5839, p. 2; les italiques sont de moi.)

Il a indiqué la même chose dans le tout premier rapport sur la MINUK

qu’il a présenté au Conseil de sécurité après la déclaration d’indépen-
dance, informant le Conseil que, «le 17 février, l’Assemblée du Kosovo

59held a session during which it adopted a ‘declaration of independence’,

declaring Kosovo as an independent and sovereign State” (S/2008/211;
p. 1, para. 3; emphasis added) . 3
18. Who could have better determined the capacity in which those

who adopted the declaration acted at that critical moment in Kosovo’s
history than its Prime Minister, in his solemn statement introducing the
text of the declaration and reading it to those assembled? He said:

“Today, the President of Kosovo and myself, as the Prime Min-
ister of Kosovo, have officially requested [] the President of the

Assembly, Mr. Krasniqi[,] to call for a special session with two
agenda items.

This invitation for a special session is extended in accordance with
the Kosovo Constitutional Framework , whereby we present two items
on the agenda:

1. Declaration of Independence for Kosovo, and
2. Presentation of Kosovo State symbols.” 4

The President of the Kosovo Assembly was also of the view that he
was presiding over the Assembly meeting when he “invite[d] the Prime
Minister of Kosovo, Mr. Hashim Thaçi, to provide justification for the
5
request for the special and solemn Assembly session” .
19. The majority had, at the end of the day, to concede that the Presi-
dent of the Kosovo Assembly and the Prime Minister of Kosovo “made

reference to the Assembly of Kosovo and the Constitutional Frame-
work” (Advisory Opinion, para. 104), while maintaining its intellectual
construct that the authors of the declaration “acted together in their

capacity as representatives of the people of Kosovo outside the frame-
work of the interim administration” (ibid., para. 109). The Members of
the Assembly, are they not “representatives of the people of Kosovo”?

The President of Kosovo, is he not the representative of the people of
Kosovo? They met, as the Prime Minister stated, “in accordance with the
Kosovo Constitutional Framework”; they thus wished to act in accord-

ance with that framework and not outside of it, as the majority asserts.

3The majority had to “accept” this statement of the Secretary-General, in his Report

trying to minimize its relevance, stating that it was just “the normal periodic report on
UNMIK activities . . . not intended as a legal analysis of the declaration or the capacity in
which those who adopted it had acted” (Advisory Opinion, para. 108).
4
Written contribution of the Republic of Kosovo, 17 April 2009, Ann. 2 — Extra-
ordinary session of the Assembly of Kosovo held on 17 February 2008 (Transcript, p. 228;
emphasis added).
5Ibid., p. 227; emphasis added.

60a[vait] adopté une «déclaration d’indépendance» proclamant le Kosovo

Etat indépendant et souverain» (S/2008/211; p. 1, par. 3; les italiques
sont de moi) .3
18. Qui était mieux placé pour déterminer en quelle qualité ceux qui

avaient adopté la déclaration avaient agi à ce moment critique de l’his-
toire du Kosovo que le premier ministre de celui-ci, lorsqu’il a solennel-
lement présenté le texte de la déclaration et en a donné lecture à ceux qui

étaient assemblés, déclarant à cette occasion:

«Aujourd’hui, le président du Kosovo et moi-même, en ma qua-
lité de premier ministre du Kosovo, avons officiellement deman-

dé ... au président de l’Assemblée, M. Krasniqi[,] de convoquer
une session extraordinaire dont l’ordre du jour comporte deux
points.

Cette invitation à une session extraordinaire vous est adressée
conformément au cadre constitutionnel pour le Kosovo , en vertu
duquel nous présentons les deux points de l’ordre du jour suivants:

1. déclaration d’indépendance du Kosovo,
2. présentation des symboles d’Etat du Kosovo.» 4

Le président de l’Assemblée du Kosovo considérait également qu’il
présidait l’Assemblée lorsqu’il a «invit[é] le premier ministre du Kosovo,
M. Hashim Thaçi, à justifier la demande de convocation d’une session
5
extraordinaire et solennelle de l’Assemblée » .
19. La majorité a finalement dû admettre que le président de l’Assem-
blée du Kosovo et le premier ministre du Kosovo avaient «fait référence

à l’Assemblée du Kosovo et au cadre constitutionnel» (avis consul-
tatif, par. 104), tout en maintenant son échafaudage intellectuel selon
lequel les auteurs de la déclaration avaient «agi de concert en leur

qualité de représentants du peuple du Kosovo, en dehors du cadre
de l’administration intérimaire» (ibid., par. 109). Les membres de
l’Assemblée ne sont-ils pas des «représentants du peuple du Kosovo»?

Le président du Kosovo n’est-il pas le représentant du peuple du
Kosovo? S’étant réunis, selon les termes du premier ministre, «confor-
mément au cadre constitutionnel pour le Kosovo», ils tenaient à agir

conformément à ce cadre et non, comme l’affirme la majorité, en
dehors de celui-ci.

3 La majorité a dû «reconnaî[tre]» que le Secrétaire général avait déclaré cela dans son

rapport, en essayant de minimiser la pertinence de cette affirmation, en disant qu’il
s’agissait «du rapport périodique normal consacré aux activités de la MINUK ... [qui]
n’était pas censé constituer une analyse juridique de la déclaration ou de la qualité en
la4uelle avaient agi ceux qui l’avaient adoptée» (avis consultatif, par. 108).
Procès-verbal de la session plénière extraordinaire de l’Assemblée du Kosovo tenue
le 17 février 2008, contribution écrite de la République du Kosovo, 17 avril 2009,
annexe 2, p. 228; les italiques sont de moi.
5 Ibid., p. 227; les italiques sont de moi.

60 20. Although the majority engaged itself in the search for “the identity
6
of the authors of the declaration of independence” , finally “having
established [their] identity” (Advisory Opinion, para. 110), no such search

was needed, as their “identity” is well known and documented in the
procès-verbal of the special plenary session of the Assembly of Kosovo . 7
Nor was there any need to search for “the capacity” in which those who

adopted the declaration acted (ibid., para. 109). The President of the
Kosovo Assembly, who presided over its special session and conducted
the vote on the declaration, announced the result in the following terms:

“I state that with all votes ‘in favour’ of the present members,
Members of the Assembly of Kosovo , today, on February 17, 2008

have expressed their will and the will of the citizens of Kosovo, for
Kosovo an independent, sovereign and democratic state.” 8

Each of those who signed the declaration, in addition to the President
of Kosovo, its Prime Minister and the President of its Assembly, was

“invite[d]” to sign it in his/her capacity of either “the member of Kosovo
Assembly” or “the member of Chairmanship” of the Assembly . They 9
added their signatures below the declaration as members of the Kosovo

Assembly as verbis expressis confirmed on the original papyrus version
of the declaration, in the Albanian language . The assertion of

the majority in the Advisory Opinion that “[n]owhere in the original
Albanian text of the declaration (which is the sole authentic text) is any
reference made to the declaration being the work of the Assembly of

Kosovo” (ibid., para. 107) is thus plainly incorrect, not enhancing the
credibility of the majority’s intellectual construct.
21. The Assembly of Kosovo, consisting of its members, the President

of Kosovo and its Government, headed by the Prime Minister, consti-
tuted, on 17 February 2008, the Provisional Institutions of Self-Govern-
11
ment of Kosovo, and they together issued the declaration. The question
was therefore correctly formulated in the request of the General Assem-
bly and there was no reason to “adjust” it and subsequently to modify

the title itself of the case.

6
See the title of Chapter IV, Sec. B. 2 (a) of the Advisory Opinion.
7 See Transcript of the Special Plenary Session of the Assembly of Kosovo on the Decla-
ration of Independence held on 17 February 2008, in: Written Contribution of the
Republic of Kosovo, 17 April 2009, Ann. 2, pp. 238-245.
8 Ibid., p. 238; emphasis added.
9 Ibid., pp. 239-245.
10See ibid., pp. 207 and 209 (the text in Albanian indicates: “Deputetët e Kuvendit të

Ko11vës”, meaning “Deputies of the Kosovo Assembly”.
See Chapter 9 of the Constitutional Framework for Provisional Self-Government.
The Advisory Opinion confirms that the Constitutional Framework was in force on
17 February 2008 (para. 91).

61 20. Bien que la majorité ait cherché à établir «l’identité des auteurs de
6
la déclaration d’indépendance» et «a[i]t [finalement] établi [cette] iden-
tité» (avis consultatif, par. 110), une telle recherche n’était pas nécessaire,

car l’«identité» des intéressés était bien connue, et elle est attestée dans le
procès-verbal de la session plénière extraordinaire de l’Assemblée du
Kosovo . Il n’était pas non plus nécessaire de chercher à déterminer en

quelle «qualité» avaient agi ceux qui avaient adopté la déclaration (ibid.,
par. 109). Le président de l’Assemblée du Kosovo, qui a présidé la session
extraordinaire de celle-ci et fait procéder au vote sur la déclaration, a

annoncé les résultats de ce vote dans les termes suivants:

«Je déclare que les membres de l’Assemblée du Kosovo ont, ce
jour, 17 février 2008, à l’unanimité, exprimé leur volonté et celle des

citoyens du Kosovo de voir en celui-ci un Etat indépendant, souve-
rain et démocratique.» 8

Chacun de ceux qui ont signé la déclaration, outre le président du
Kosovo, le premier ministre et le président de l’Assemblée, a été «invité»

à signer en sa qualité soit de «membre de l’Assemblée du Kosovo», soit
de «membre de la présidence» de l’Assemblée . Ils ont apposé leur signa-
ture sous la déclaration en qualité de membres de l’Assemblée du Kosovo,

comme cela est confirmé verbis expressis sur le texte authentique de la
déclaration, sur papyrus, en langue albanaise . L’affirmation exprimée

par la majorité dans l’avis consultatif selon laquelle «[d]ans le texte ori-
ginal albanais (qui constitue le seul texte faisant foi) il n’est indiqué nulle
part que la déclaration émane de l’Assemblée du Kosovo» (ibid., par. 107)

est donc manifestement inexacte, ce qui ne sert pas la crédibilité de la
théorie qu’elle a élaborée.
21. L’Assemblée du Kosovo constituée de ses membres, le président

du Kosovo et le Gouvernement du Kosovo, dirigé par le premier mi-
nistre, formaient ensemble, le 17 février 2008, les institutions provi-
11
soires d’administration autonome du Kosovo, et ils ont ensemble
adopté la déclaration. La question avait donc été correctement
formulée dans la demande de l’Assemblée générale et il n’y avait aucune

raison de l’«ajuster», puis de modifier ensuite le titre de l’affaire
lui-même.

6
Voir le titre du chapitre IV, section B.2 a), de l’avis consultatif.
7 Voir le procès-verbal de la session plénière extraordinaire de l’Assemblée du Kosovo
sur la déclaration d’indépendance tenue le 17 février 2008, contribution écrite de la
République du Kosovo, 17 avril 2009, annexe 2, p. 238-245.
8 Ibid., p. 238; les italiques sont de moi.
9 Ibid., p. 239-245.
10 Voir ibid., p. 207 et 209 (le texte en albanais indique: «Deputetët e Kuvendit të

Ko11vës», qui signifie «députés de l’Assemblée du Kosovo».
Voir chapitre 9 du cadre constitutionnel d’administration autonome provisoire.
L’avis consultatif confirme que le cadre constitutionnel était en vigueur le 17 février 2008
(par. 91).

61 L EGAL F RAMEWORK APPLICABLE TO K OSOVO AT THE M OMENT OF

ADOPTION OF THE D ECLARATION

22. The international legal régime in Kosovo has been governed since
10 June 1999 by resolution 1244 (1999), adopted by the Security Council

acting under Chapter VII of the Charter of the United Nations, and by
the Constitutional Framework.
Under resolution 1244 Kosovo has been placed under an international
territorial administration. As a result, although the Federal Republic of

Yugoslavia remained the territorial sovereign, it ceased to exercise effec-
tive control in that territory .
23. Security Council resolution 1244 did not displace the Federal

Republic of Yugoslavia’s title to the territory in question. To the con-
trary, the resolution expressly states, in paragraph 10 of its preamble,
that the Security Council reaffirms “the commitment of all Member
States to the sovereignty and territorial integrity of the Federal Republic

of Yugoslavia and the other States of the region, as set out in the Hel-
sinki Final Act and annex 2” of the said resolution. The preamble, an
integral part of resolution 1244, is central to ascertaining the context in
which the resolution was adopted and the intention of the Security Coun-

cil when adopting it. The preamble thus has to be taken into account
when interpreting the resolution.

24. By establishing an international territorial administration over
Kosovo, which remained legally part of the FRY, the United Nations
assumed its responsibility for this territory.
25. The Security Council, in its resolution 1244, decided that “a politi-

cal solution to the Kosovo crisis shall be based on the general principles
in annex 1 and as further elaborated in the principles and other required
elements in annex 2” (operative para. 1). Both annexes refer to the prin-

ciples of sovereignty and territorial integrity of the Federal Republic of
Yugoslavia.
26. When the Security Council authorized the Secretary-General to
establish an international civil presence in Kosovo in order to provide an

interim administration for Kosovo, under which the people of Kosovo
can enjoy substantial autonomy within the Federal Republic of Yugosla-
via (operative para. 10), it decided that the main responsibilities of this

international civil presence would include:

— promoting the establishment, pending a final settlement, of substan-

12The Permanent Representative of the United Kingdom, during the debate of the
Security Council on Kosovo, held on 18 February 2008, the day following the adoption of
the declaration of independence by Kosovo, said: “At the heart of today’s controversy is
a resolution adopted at this table in June 1999. In that resolution, the Council took an
unprecedented step: it effectively deprived Belgrade of the exercise of authority in Kos-
ovo.” (S/PV.5839, p. 12; emphasis added.)

62 CADRE JURIDIQUE APPLICABLE AU K OSOVO

AU MOMENT DE L ’ADOPTION DE LA DÉCLARATION

22. Le régime juridique international du Kosovo est, depuis le 10 juin
1999, régi par la résolution 1244 (1999) adoptée par le Conseil de sécu-

rité au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies et par le cadre
constitutionnel.
Le Kosovo a été placé sous administration territoriale internationale
en vertu de la résolution 1244. De ce fait, bien que la République fédérale

de Yougoslavie demeurât le souverain territorial, elle avait cessé d’exer-
cer un contrôle effectif sur le territoire .
23. La résolution 1244 du Conseil de sécurité n’a pas évincé la

République fédérale de Yougoslavie de son titre sur le territoire en
question. Au contraire, elle indique expressément, à l’alinéa 10 de son
préambule, que le Conseil de sécurité réaffirme «l’attachement de tous
les Etats Membres à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la

République fédérale de Yougoslavie et de tous les autres Etats de la
région, au sens de l’acte final d’Helsinki et de l’annexe 2 à la présente
résolution». Le préambule, qui fait partie intégrante de la résolu-
tion 1244, est essentiel pour savoir quels étaient le contexte dans lequel

celle-ci a été adoptée et l’intention du Conseil de sécurité lorsqu’il l’a
adoptée. Il faut donc prendre en considération le préambule pour
interpréter la résolution.

24. En établissant une administration territoriale internationale sur le
Kosovo, qui juridiquement demeurait partie intégrante de la RFY, l’Orga-
nisation des Nations Unies a assumé la responsabilité de ce territoire.
25. Le Conseil de sécurité, dans sa résolution 1244, a décidé que «la

solution politique de la crise au Kosovo reposera[it] sur les principes
généraux énoncés à l’annexe 1 et les principes et conditions plus détaillés
figurant à l’annexe 2» (dispositif, par. 1). Les deux annexes renvoient aux

principes de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République
fédérale de Yougoslavie.
26. Lorsque le Conseil de sécurité a autorisé le Secrétaire général à éta-
blir une présence internationale civile au Kosovo afin d’y assurer une

administration intérimaire dans le cadre de laquelle la population du
Kosovo pourrait jouir d’une autonomie substantielle au sein de la Répu-
blique fédérale de Yougoslavie (dispositif, par. 10), il a décidé que les

principales responsabilités de la présence internationale civile seraient
notamment les suivantes:

— faciliter, en attendant un règlement définitif, l’instauration au Kosovo

12 Le représentant permanent du Royaume-Uni, durant le débat du Conseil de sécurité
sur le Kosovo tenu le 18 février 2008, soit le lendemain de l’adoption de la déclaration
d’indépendance du Kosovo, devait déclarer: «Au cŒur de la controverse d’aujourd’hui,
ilyalarésolutionadoptéeàcettetableenjuin1999.Danscetterésolution,leConseila
pris une mesure sans précédent: il a effectivement privé Belgrade de son autorité sur le
Kosovo.» (S/PV.5839, p. 13; les italiques sont de moi.)

62 tial autonomy and self-government in Kosovo, taking full account of

annex 2 and of the Rambouillet accords (para. 11 (a));

— organizing and overseeing the development of provisional institutions
for democratic and autonomous self-government pending a political

settlement, including the holding of elections (para. 11 (c));
— facilitating a political process designed to determine Kosovo’s future
status, taking into account the Rambouillet accords (para. 11(e));
— in a final stage, overseeing the transfer of authority from Kosovo’s

provisional institutions to institutions established under a political
settlement (para. 11 (f)).

27. By deciding on the main responsibilities of the international civil-
ian presence, the Security Council has not abdicated on its overall respon-
sibility for the situation in Kosovo; it has remained actively seised of the

matter (paragraph 21 of resolution 1244). The role of the Security Coun-
cil in respect of the final settlement issue has been preserved. The
Guiding Principles of the Contact Group for a Settlement of the Status
of Kosovo, which supported the recommendation of the Secretary-

General to the Security Council to launch a process to determine the future
status of Kosovo in accordance with Security Council resolution 1244,
are telling. They confirm that “[t]he Security Council will remain actively
seized of the matter. The final decision on the status of Kosovo should be
13
endorsed by the Security Council ” .
28. The notion of a “final settlement” cannot mean anything else than
the resolution of the dispute between the parties (i.e., the Belgrade
authorities and the Pristina authorities), either by an agreement reached

between them or by a decision of an organ having competence to do so.
But the notion of a settlement is clearly incompatible with the unilateral
step-taking by one of the parties aiming at the resolution of the dispute
against the will of the other.

It suffices to mention a few statements made by several States — par-
ticularly involved in Kosovo-related issues — in the Security Council.

The United Kingdom condemned

“unilateral statements on Kosovo’s final status from either side. We

will not recognize any move to establish political arrangements for
the whole or part of Kosovo, either unilaterally or in any arrange-
ment that does not have the backing of the international commu-
nity.” (S/PV.4742, p. 16, United Kingdom.)

13In French, “Le Conseil de sécurité demeurera activement saisi de la question et devra
approuver la décision finale sur le statut du Kosovo ”; see letter of 10 November 2005
addressed to the Secretary-General by the President of the Security Council, S/2005/709,
annex; emphasis added.

63 d’une autonomie et d’une auto-administration substantielles compte

pleinement tenu de l’annexe 2 et des accords de Rambouillet (par. 11
a));
— organiser et superviser la mise en place d’institutions provisoires pour
une auto-administration autonome et démocratique en attendant un

règlement politique, notamment la tenue d’élections (par. 11 c));
— faciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur du
Kosovo, en tenant compte des accords de Rambouillet (par. 11 e));
— à un stade final, superviser le transfert des pouvoirs des institutions

provisoires du Kosovo aux institutions qui auront été établies dans le
cadre d’un règlement politique (par. 11 f)).

27. Lorsqu’il a arrêté les responsabilités principales de la présence
internationale civile, le Conseil de sécurité n’a pas abdiqué sa responsa-
bilité d’ensemble à l’égard de la situation au Kosovo; il est resté active-

ment saisi de la question (paragraphe 21 de la résolution 1244). Son rôle,
en ce qui concerne le règlement final, a été préservé. Les principes direc-
teurs établis par le groupe de contact en vue d’un règlement du statut du
Kosovo, qui appuyaient la recommandation du Secrétaire général au

Conseil de sécurité tendant à ce que soit lancé un processus visant à
déterminer le statut futur du Kosovo conformément à la résolution 1244
du Conseil de sécurité, sont révélateurs. Ils confirment que «[l]e Conseil
de sécurité demeurera activement saisi de la question et devra approuver
13
la décision finale sur le statut du Kosovo » .
28. Un «règlement final» ne peut être qu’un règlement du différend
opposant les parties (c’est-à-dire les autorités de Belgrade et les autorités
de Pristina), soit par voie d’accord entre elles, soit par décision d’un

organe ayant compétence pour se prononcer. Mais la notion de règle-
ment est manifestement incompatible avec toute mesure unilatérale prise
par une des parties en vue de régler le différend contre la volonté de
l’autre.

Il suffit de mentionner quelques déclarations faites par plusieurs Etats
— particulièrement intéressés par les questions touchant au Kosovo —
au Conseil de sécurité.
Le Royaume-Uni a condamné

«les déclarations unilatérales sur le statut final du Kosovo, de quel-

que partie qu’elles viennent. Nous ne reconnaîtrons aucune initiative
visant à instaurer des arrangements politiques pour l’ensemble ou
une partie du Kosovo, que ce soit unilatéralement ou dans le cadre
d’un arrangement qui ne recueille pas l’appui de la communauté

internationale» (S/PV.4742, p. 18, Royaume-Uni).

13 En anglais, «[t]he Security Council will remain actively seized of the matter. The
final decision on the status of Kosovo should be endorsed by the Security Council »; voir
lettre du 10 novembre 2005 adressée au Secrétaire général par le président du Conseil de
sécurité, S/2005/709, annexe; les italiques sont de moi.

63 A few months later, the same government stated in the Security Coun-

cil that “[u]nilateral statements on status by any side seem to the United
Kingdom to be totally unacceptable” (S/PV.5017, p. 21). The French
Government stated in 2003 that “[n]o progress can be achieved in Kos-
ovo on the basis of unilateral action that is contrary to resolution 1244
(1999) or that flouts the authority of UNMIK and KFOR” (S/PV.4770,

p. 5). The German Permanent Representative was unequivocal when he
stated in 2003:

“The question of Kosovo’s final status will be addressed at the
appropriate time and through the appropriate process. Only the
Security Council has the power to assess the implementation of reso-

lution 1244 (1999), and it has the final word in settling the status
issue. No unilateral move or arrangement intended to predetermine
Kosovo’s status — either for the whole or for parts of Kosovo —
can be accepted.” (S/PV.4770, pp. 13-14; emphasis added.)

A few weeks later, the same government expressed its view that “[c]on-
cerning the future status of Kosovo, the parties have to understand that

no unilateral act can change the status of Kosovo as laid down in Secu-
rity Council resolution 1244 (1999)” (S/PV.4809).

29. The negotiations on determining Kosovo’s future status, led by the

Special Envoy of the Secretary-General, produced no agreement. The
Special Envoy reported that “[t]hroughout the process and on numerous
occasions, both parties have reaffirmed their categorical, diametrically
opposed positions: Belgrade demands Kosovo’s autonomy within Serbia,
14
while Pristina will accept nothing short of independence ” . One may ask
whether the parties negotiated in good faith because, as this Court
observed, negotiating in good faith means that

“the parties are under an obligation to enter into negotiations with a
view to arriving at an agreement, and not merely to go through a

formal process of negotiation . . .; they are under an obligation so to
conduct themselves that the negotiations are meaningful, which will
not be the case when either of them insists upon its own position
without contemplating any modification of it” (North Sea Continen-
tal Shelf (Federal Republic of Germany/Denmark; Federal Republic

of Germany/Netherlands), Judgment, I.C.J. Reports 1969 ,p .7,
para. 85; recalled in Gabc ˇíkovo-Nagymaros Project (Hungary/Slo-
vakia), Judgment, I.C.J. Reports 1997 , p. 78, para. 141, and in Pulp
Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Judgment,

I.C.J. Reports 2010 (I),p.67 , para. 146).

14Report of the Special Envoy of the Secretary-General on Kosovo’s future status,
S/2007/168, p. 2, para. 2; emphasis added.

64 Quelques mois plus tard, le même gouvernement a déclaré au Conseil

de sécurité que «[t]oute déclaration unilatérale sur le statut, prononcée
par l’un ou l’autre camp, paraît totalement inacceptable aux yeux du
Royaume-Uni» (S/PV.5017, p. 23). Le Gouvernement français a déclaré
en 2003 qu’«[a]ucune avancée ne sera possible au Kosovo sur la base
d’actions unilatérales qui seraient contraires à la résolution 1244 (1999)

ou qui bafoueraient l’autorité de la MINUK et de la KFOR» (S/PV.4770,
p. 6). Le représentant permanent de l’Allemagne a été on ne peut plus
clair lorsqu’il a déclaré en 2003:

«La question du statut final du Kosovo sera traitée en temps
opportun et à travers le processus approprié. Seul le Conseil de sécu-
rité peut évaluer l’application de la résolution 1244 (1999) et il

a le dernier mot en matière de règlement de la question du statut.
Aucun arrangement ou mesure unilatérale visant à déterminer
d’avance le statut du Kosovo — pour l’ensemble ou une partie du
Kosovo — ne peut être accepté.» (S/PV.4770, p. 15; les italiques

sont de moi.)
Quelques semaines plus tard, le même gouvernement a estimé que,
«[s]’agissant du statut futur du Kosovo, les parties doivent comprendre

qu’aucun acte unilatéral ne pourra modifier le statut du Kosovo tel
qu’énoncé dans la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité»
(S/PV.4809).
29. Les négociations sur le statut futur du Kosovo qui se sont dérou-

lées sous les auspices de l’envoyé spécial du Secrétaire général n’ont pas
abouti à un accord. L’envoyé spécial a indiqué dans son rapport que
«[t]out au long du processus, les deux parties ont réaffirmé à de nom-
breuses occasions leurs positions catégoriques, diamétralement opposées,

Belgrade exigeant que l’autonomie du Kosovo s’exerce à l’intérieur de la14
Serbie tandis que Pristina n’accepte rien de moins que l’indépendance » .
On peut se demander si les parties ont négocié de bonne foi car, comme
l’a fait observer la Cour, négocier de bonne foi signifie que

«les parties ont l’obligation de se comporter de telle manière que la
négociation ait un sens, ce qui n’est pas le cas lorsque l’une d’elles

insiste sur sa propre position sans envisager aucune modification»
(Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Alle-
magne/Danemark; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas),
arrêt, C.I.J. Recueil 1969 , p. 47, par. 85; rappelé dans Projet
Gabcˇíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil

1997, p. 78, par. 141, et dans Usines de pâte à papier sur le fleuve
Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (I) ,
p. 67, par. 146).

14 Rapport de l’envoyé spécial du Secrétaire général sur le statut futur du Kosovo,
S/2007/168, p. 2, par. 2; les italiques sont de moi.

64 30. The Special Envoy, being himself convinced that “re-integration

into Serbia is not a viable option” and that “continued international
administration is not sustainable”, concluded that “independence with
15
international supervision is the only viable option” . He therefore sub-
mitted “[his] Settlement proposal” and “urge[d] the Security Council to
16
endorse” it .
31. The Ahtisaari settlement proposal was not endorsed by the Secu-
rity Council, the only United Nations organ competent to do it. Having

been divided on the Kosovo final status issue, the Security Council was
circumvented, again. The UK Permanent Representative openly stated in

the General Assembly that “in co-ordination with many of the countries
most closely involved in stabilizing the Balkans , Kosovo’s Assembly
declared Kosovo independent on 17 February 2008” (United Nations

doc. A/63/PV.22, p. 3; emphasis added). The Kosovo declaration of
independence has been a way to put, to the extent possible, into practice
17
the unendorsed Ahtisaari plan .

32. The declaration of independence was adopted by the Provi-
sional Institutions of Self-Government, “in co-ordination with

many of the countries most closely involved in stabilizing the Bal-

15 United Nations doc. S/2007/168, pp. 3 and 4. It is to be noted why, in his view,
re-integration was not a viable option:

“For the past eight years, Kosovo and Serbia have been governed in complete
separation. The establishment of the United Nations Mission in Kosovo (UNMIK)
pursuant to resolution 1244 (1999), and its assumption of all legislative, executive and
judicial authority throughout Kosovo, has created a situation in which Serbia has not
exercised any governing authority over Kosovo. This is a reality one cannot deny; it

is irreversible. A return of Serbian rule over Kosovo would not be acceptable to the
overwhelming majority of the people of Kosovo. Belgrade could not regain its
authority without provoking violent opposition. Autonomy of Kosovo within the
borders of Serbia — however notional such autonomy may be — is simply not ten-
able.” (P. 3, para. 7.)

The report mischaracterizes the adoption of resolution 1244 as unanimous (para. 15).
16 Ibid., p. 5, para. 16.
17 As one author who “acted as adviser to Kosovo in many, if not most, of the various
peace processes and negotiations” wrote:

“The Declaration had been drafted in conjunction with, and checked by, key
governments. It was phrased in a way as to have important legal implications for
Kosovo. Employing the international legal notion of a ‘unilateral declaration’, it
created legal obligationserga omnes. These are legal obligations that all other States are

entitled to rely on and of which they can demand performance. In this sense, an attempt
was made to replace the binding nature of a Chapter VII resolution of the Security
Council imposing the limitations on Kosovo’s sovereignty foreseen in the Ahtisaari
plan with a self-imposed limitation of sovereignty.” (Marc Weller, Contested State-
hood, Kosovo’s Struggle for Independence , Oxford University Press, 2009, pp. viii
and 231.)

65 30. L’envoyé spécial, étant lui-même convaincu que la «réincorpora-

tion à la Serbie n’est pas une option viable» et que «l’administration
internationale ne peut être maintenue», a conclu que «l’indépendance
15
sous supervision internationale est la seule option viable» . Aussi a-t-il
présenté «[sa] proposition de règlement» et «exhort[é] le Conseil de sécu-
16
rité à [l’]approuver» .
31. La proposition de règlement Ahtisaari n’a pas été approuvée par le
Conseil de sécurité, seul organe de l’ONU compétent pour ce faire.

Parce qu’il était divisé sur la question du statut final du Kosovo, le
Conseil de sécurité a une nouvelle fois été contourné. Le représentant

permanent du Royaume-Uni a déclaré ouvertement à l’Assemblée géné-
rale que, «en coordination avec un grand nombre des pays qui prenaient
le plus activement part à la stabilisation des Balkans , l’Assemblée du

Kosovo a déclaré l’indépendance du Kosovo le 17 février 2008»
(Nations Unies, doc. A/63/PV.22, p. 3; les italiques sont de moi). La

déclaration d’indépendance du Kosovo a constitué une manière de
mettre en pratique dans toute la mesure possible le plan Ahtisaari qui
n’avait pas été approuvé . 17

32. La déclaration d’indépendance a été adoptée par les institutions
provisoires d’administration autonome «en coordination avec un grand

nombre des pays qui prenaient le plus activement part à la stabilisation

15 Nations Unies, doc. S/2007/168, p. 3-4. Il convient de noter pourquoi, selon l’envoyé
spécial, la réincorporation n’était pas une option viable:

«depuis huit ans, le Kosovo et la Serbie sont administrés comme deux entités totale-
ment à part. Par suite de la création de la Mission des Nations Unies au Kosovo
(MINUK) par la résolution 1244 (1999), qui a assumé tous les pouvoirs législatifs,
exécutifs et judiciaires dans tout le Kosovo, il est de fait que la Serbie n’exerce plus
aucune fonction gouvernementale au Kosovo. Cet état de fait indéniable est irréver-

sible. La restauration du pouvoir serbe au Kosovo serait inacceptable pour l’écrasante
majorité de sa population. Belgrade ne pourrait rétablir son pouvoir sans provoquer
une violente opposition. L’autonomie du Kosovo à l’intérieur des frontières de la Ser-
bie — aussi théorique soit-elle — est tout simplement intenable.» (P. 3, par. 7.)

Le rapport indique à tort que la résolution 1244 a été adoptée à l’unanimité (par. 15).
16 Ibid., p. 5, par. 16.
17 Comme l’a écrit un auteur ayant «fait fonction de conseiller du Kosovo dans le
cadre d’un grand nombre, si ce n’est de la plupart, des divers processus et négociations de
paix»:

«La déclaration a été élaborée en collaboration avec les principaux gouvernements
et a été relue par ceux-ci. Elle a été formulée de manière à avoir d’importantes
conséquences juridiques pour le Kosovo. En faisant appel à une notion de droit in-
ternational, celle de «déclaration unilatérale», elle a créé des obligations juridiques

erga omnes. Ce sont des obligations juridiques susceptibles d’être invoquées par tous
les autres Etats et dont ils peuvent exiger l’exécution. En ce sens, on a tenté de rem-
placer le caractère obligatoire d’une résolution adoptée par le Conseil de sécurité en
vertu du chapitre VII et imposant à la souveraineté du Kosovo les limitations prévues
dans le plan Ahtisaari par une autolimitation de sa souveraineté.» (Marc Weller,
Contested Statehood, Kosovo’s Struggle for Independence , Oxford University Press,
2009, p. viii et 231.)

65kans” 18 at the moment when the Constitutional Framework was

applicable, as confirmed by the Advisory Opinion (para. 91). Under
the Constitutional Framework, external relations were the exclusive
prerogative of the Special Representative (para. 106).
On previous occasions the Special Representative has not hesitated, in
the exercise of his supervisory role, to declare null and void a measure of

one of the Provisional Institutions which he considered to be beyond that
institution’s powers(ultra vires). Thus, on 23 May 2002, the Special Rep-
resentative of the Secretary-General declared “null and void” a resolution
adopted by the Assembly of Kosovo seeking to challenge the border agree-

ment signed in February 2001 between the FRY and the former Yugoslav
Republic of Macedonia. On 7 November 2002, the Assembly of Kosovo
adopted a resolution in reaction to a draft Constitutional Charter of Serbia
and Montenegro (United Nations dossier No. 186). On the same day, the

Special Representative of the Secretary-General declared this resolution to
have “no legal effect” (United Nations dossier No. 187). Moreover, in
February 2003, the Assembly of Kosovo was preparing a “Declaration on
Kosova — A Sovereign and Independent State” which,inter alia, would

have stated that “Kosova is declared a democratic, independent and sov-
ereign state” (United Nations dossier No. 188, 3 February 2003, para. 1).
The Principal Deputy Special Representative of the Secretary-General, on
behalf of the Special Representative of the Secretary-General, informed the

President of the Assembly of Kosovo that the formal consideration of that
matter by the Assembly “would be contrary to United Nations Security
Council resolution 1244 (1999), the Constitutional Framework for Provi-
sional Self-Government in Kosovo and to the Provisional Rules of Pro-
cedure of the Assembly”. He further suggested that it would con-

stitute “[a]ction . . . [of the Assembly of Kosovo] beyond the scope of its
competencies” (United Nations dossier No. 189, 7 February 2003). In a
similar vein, in November 2005, the Assembly of Kosovo contemplated a
declaration of independence, but the Special Representative of the Secretary-

General indicated that such a declaration “would be in contravention to
the UN Security Council resolution [1244] . . . and it therefore will not be
with any legal effect” (United Nations Interim Administration of Kos-
ovo, Press Briefing Notes, 16 November 2005, pp. 4 and 5).

33. The above facts demonstrate that the Special Representative of the
Secretary-General, entrusted by the United Nations with the interim
administration of Kosovo, qualified a number of acts of the Assembly of

Kosovo between 2002 and 2005 as being incompatible with the Consti-
tutional Framework and, consequently, with Security Council resolu-
tion 1244. These acts, whether they sought directly to declare the inde-

18That co-ordination, acknowledged by the United Kingdom Permanent Representa-
tive (A/63/PV.22, p. 3), is demonstrated by the (almost) immediate recognition of Kos-
ovo’s independence by those States.

66des Balkans» 18 à un moment où le cadre constitutionnel était applicable,

comme le confirme l’avis consultatif (par. 91). Or, aux termes du cadre
constitutionnel, les relations extérieures étaient la prérogative exclusive
du représentant spécial (par. 106).
Auparavant, le représentant spécial n’avait pas hésité, dans l’exercice de

sa fonction de supervision, à déclarer nulle et non avenue telle ou telle
mesure de l’une des institutions provisoires dont il estimait qu’elle outre-
passait les pouvoirs de cette institution(ultra vires). Ainsi, le 23 mai 2002,
le représentant spécial du Secrétaire général déclara «nulle et non avenue»

une résolution adoptée par l’Assemblée du Kosovo visant à contester
l’accord frontalier signé en février 2001 par la RFY et l’ex-République
yougoslave de Macédoine. Le 7 novembre 2002, l’Assemblée du Kosovo

adopta une résolution en réaction à un projet de charto constitutionnelle
de la Serbie-et-Monténégro (Nations Unies, dossier n186). Le même jour,
le représentant spécial du Secrétaire général déclara que cette réso-
lution n’avait «aucun effet juridique» (Nations Unies, dossier n187). o

En février 2003, l’Assemblée du Kosovo était en train d’élaborer une
«déclaration concernant le Kosovo, Etat souverain et indépendant» aux
termes de laquelle, notamment, «le Kosovo [serait] proclamé ... Etat
démocratique, indépendant et souverain» (Nations Unies, dossier n188, o

3 février 2003, par. 1). Le représentant spécial adjoint principal du Secré-
taire général, au nom du représentant spécial du Secrétaire général, infor-
ma le président de l’Assemblée du Kosovo que l’examen officiel de cette
question par l’Assemblée «serait contraire à la résolution 1244 (1999) du

Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, au cadre consti-
tutionnel de l’autonomie provisoire au Kosovo et au règlement intérieur
provisoire de l’Assemblée». Il indiquait en outre que cette «mesure

prise par l’Assemblée du Kosovo ... dépass[ait] son champ de compé-
tences» (Nations Unies, dossier n°189, 7 février 2003). Dans le même
esprit, en novembre 2005, l’Assemblée du Kosovo envisagea d’adopter
une déclaration d’indépendance, mais le représentant spécial du Secrétaire

général indiqua qu’une telle déclaration «serait contraire à la résolu-
tion [1244] du Conseil de sécurité de l’ONU ... et qu’elle n’aurait donc
aucun effet juridique» (administration intérimaire des Nations Unies au
Kosovo, compte rendu de la conférence de presse du 16 novembre 2005,

p. 4-5).
33. Les faits rappelés ci-dessus démontrent que le représentant spécial
du Secrétaire général, à qui l’Organisation des Nations Unies avait confié

l’administration intérimaire du Kosovo, a jugé un certain nombre d’actes
de l’Assemblée du Kosovo, pris entre 2002 et 2005, incompatibles avec
le cadre constitutionnel et, en conséquence, avec la résolution 1244 du
Conseil de sécurité. Ces actes, qu’ils visent directement à déclarer l’indé-

18
Cette coordination, reconnue par le représentant permanent du Royaume-Uni
(A/63/PV.22, p. 3), est démontrée par la reconnaissance (presque) immédiate de l’indé-
pendance du Kosovo par ces Etats.

66pendence of Kosovo or whether they fell short of it, were deemed to be

“beyond the scope of its [i.e., the Assembly’s] competencies” (United
Nations dossier No. 189, 7 February 2003), in other words ultra vires.

34. The majority briefly mentions the above acts which were beyond

the competencies of the Provisional Institutions of Self-Government under
the Constitutional Framework (Advisory Opinion, para. 108). It attaches
“some significance” to “[t]he silence of the Special Representative of the
Secretary-General in the face of the declaration of independence on

17 February 2008” when it takes the view that this silence “suggests that
he did not consider that the declaration was an act of the Provisional
Institutions of Self-Government designed to take effect within the legal

order for the supervision of which he was responsible” (ibid.).
But the Advisory Opinion provides no explanation why acts which
were considered as going beyond the competencies of the Provisional
Institutions in the period 2002-2005, would no longer have any such

character in 2008, despite the fact that provisions of the Constitutional
Framework on the competencies of these institutions have not been
amended and remained the same in February 2008 as they were in 2005.
One is left with the impression that the Special Representative remained

silent this time as he knew well the effort to implement, to the extent pos-
sible, the unendorsed Ahtisaari plan through the declaration adopted by
Kosovo Assembly “in co-ordination with many of the countries most
closely involved in stabilizing the Balkans”.

35. The Court, as the principal judicial organ of the United Nations
(Article 92 of the Charter), is supposed to uphold the respect for the rules

and mechanisms set in the Charter and the decisions adopted thereunder.
The legal régime governing the international territorial administration of
Kosovo by the United Nations remained, on 17 February 2008,
unchanged. What certainly evolved were the political situation and reali-

ties in Kosovo. The majority deemed preferable to take into account these
political developments and realities , rather than the strict requirement
of respect for such rules, thus trespassing the limits of judicial restraint.

(Signed) Peter T OMKA .

19
“The declaration of independence of 17 February 2008 must be considered within the
factual context which led to its adoption” (Advisory Opinion, see para. 57; emphasis
added), as if this factual context was determinative in drawing legal conclusions. Simi-
larly, the majority states that “the declaration of independence must be seen in its larger
context, taking into account the events preceding its adoption, notably relating to the
so-called ‘final status process’” (ibid., para. 104; emphasis added), as if such context trans-
formed the Assembly as one of the Provisional Institutions into something else.

67pendance du Kosovo ou n’aillent pas jusque-là, ont été considérés comme

outrepassant «[le]ochamp de compétences [de l’Assemblée]» (Nations
Unies, dossier n 189, 7 février 2003), en d’autres termes comme ultra
vires.
34. La majorité évoque brièvement ces actes outrepassant les compé-

tences des institutions provisoires d’administration autonome au regard
du cadre constitutionnel (avis consultatif, par. 108). Elle relève que «[l]e
silence du représentant spécial du Secrétaire général face à la déclaration

d’indépendance du 17 février 2008» «n’est pas ... dénu[é] d’intérêt», esti-
mant que ce silence «semble indiquer que celui-ci ne la considérait pas
comme un acte des institutions provisoires d’administration autonome
censé prendre effet dans le cadre de l’ordre juridique dont la supervision

lui incombait» (ibid.).
Mais l’avis consultatif n’explique aucunement pourquoi des actes qui
étaient considérés comme outrepassant les compétences des institutions

provisoires entre 2002 et 2005 n’étaient plus considérés ainsi en 2008,
alors même que les dispositions du cadre constitutionnel relatives aux
compétences de ces institutions n’avaient pas été modifiées et étaient les
mêmes en février 2008 qu’en 2005.

On en retire l’impression que le représentant spécial est cette fois
demeuré silencieux parce qu’il était parfaitement au courant des efforts
en cours pour donner effet dans la mesure du possible au plan Ahtisaari,

qui n’avait pas été approuvé, au moyen de la déclaration adoptée par
l’Assemblée du Kosovo «en coordination avec un grand nombre des pays
qui prenaient le plus activement part à la stabilisation des Balkans».
35. La Cour, organe judiciaire principal de l’Organisation des Na-

tions Unies (article 92 de la Charte), est supposée promouvoir le respect
des règles et mécanismes définis dans la Charte et les décisions adop-
tées en vertu de celle-ci. Le régime juridique applicable à l’administration

territoriale internationale du Kosovo par l’Organisation des Na-
tions Unies demeurait inchangé le 17 février 2008. Ce qui avait assuré-
ment évolué était la situation politique et les réalités au Kosovo. La
majorité a jugé préférable de tenir compte de cette évolution et de ces
19
réalités politiques plutôt que de la nécessité impérieuse de respecter ces
règles, outrepassant ainsi les limites de la réserve judiciaire.

(Signé) Peter T OMKA .

19 «La déclaration d’indépendance du 17 février 2008 doit être appréciée dans le con-
texte factuel qui a conduit à son adoption» (avis consultatif, voir par. 57; les italiques
sont de moi), comme si ce contexte factuel déterminait les conclusions juridiques à tirer.
De même, la majorité déclare que «la déclaration d’indépendance doit être envisagée dans
son contexte plus général , compte tenu des événements qui ont précédé son adoption, en
particulier ceux liés à ce qu’il est convenu d’appeler le «processus de détermination du
statut final»» (ibid., par. 104; les italiques sont de moi), comme si ce contexte transfor-
mait l’Assemblée, une des institutions provisoires, en quelque chose d’autre.

67

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Document Long Title

Déclaration de M. le juge Tomka, vice-président

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