Opinion dissidente de M. Koroma (traduction)

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093-19960708-ADV-01-06-EN
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093-19960708-ADV-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. KOROMA

[Traduction]

La Cour,dans l'avisconsultatif par lequel elle refuse de donner suità
la demande de l'OMS sur le point de savoir si

((comptetenu des effets des armes nucléairessur la santé et l'envi-
ronnement, leur utilisation par un Etat au cours d'une guerre ou
d'un autre conflit arméconstituerait ...une violation de ses obliga-
tions au regard du droit international, y comprisla Constitution de

1'0~s »,
est parvenue à une conclusion quasiment sans précédent, à savoir que la
demande d'avis consultatif ne porte pas sur une question qui se pose

«dans le cadre de [l']activité»de l'OMS conformément au paragraphe 2
de l'article 96 de la Charte, qu'une condition essentielle pour fonder sa
compétence fait défautet que par suite elle n'a pas compétencepour
donner l'avis sollicité.Conclure comme elle lefait qu'ellen'a pas compé-
tence pour répondre àune demande d'avisconsultatif n'est pas seulement
sans précédent ence qui la concerne mais s'écarte aussi sensiblementde ce
qui est sa jurisprudence constante.
Dans son avis consultatif sur le Sahara occidental, la Cour a souligné
que sa fonction

«est de donner un avis fondéen droit, dèslors qu'elle a abouti à la
conclusion que les questions qui lui sont poséessont pertinentes,
qu'ellesont un effet pratique l'heure actuelleet que par conséquent
ellesne sont pas dépourvues d'objet ou debut)) (C.I.J. Recueil 1975,
p. 37, par. 73).

Dans le même avisconsultatif, la Cour a réaffirmé qu'ilfaudrait des
«raisons décisives))pour l'amener à opposer un refus à une demande
d'avis consultatif(ibid., p. 21). La question poséepar l'OMS concerne,
d'après moi,un problème qui ne présentepas seulement un intérêd tirect

pour l'organisation mais qui a un effet pratiqueà l'heure actuelle et n'est
pas dépourvu d'objet ou de but - et il n'y a non plus aucune «raison
décisive))pour que la Cour ne donne pas l'avis sollicité.
Confronté à ce qui me paraît être une jurisprudence inconséquente,
non seulement je me trouve en désaccordavec la plus grande partie du
raisonnement exposédans l'avis mais en outre je suis en total désaccord
avec ses conclusions. En effet, comme la Cour elle-même l'adit: «Quel
que soit le raisonnement juridique du juge, ses décisionsdoivent par défi-
nition êtrejustes)) (Plateau continental dela mer du Nord, C.I.J. Recueil
1969, p. 48). Vu l'importance fondamentale que la demande elle-mêmeprésentepour I'OMS et ses Etats membres, vu aussi les graves questions
de fait et de droit qu'elle soulève,je me vois contraint d'exposerma posi-
tion en la matière.

Sur la base d'étudeseffectuéespar l'OMS et d'autres documents pré-
sentés à la Cour, on a dit que l'utilisation d'une arme nucléairedans un
conflit armépourrait faire entreun million et un milliard de morts,quoi
s'ajouterait un nombre égalde blessés.Si davantage d'armes nucléaires
devaient êtreemployées,il en résulterait de graves conséquencespour
l'environnement, y compris une désorganisationdes transports, des livrai-
sons de vivres, de carburants et de fournitures médicales essentielles,ce

qui pourrait entraîner des faminesà une très vaste échelle. oute vie col-
lective civiliséeet organiséeprendrait fin non seulement dans les pays
impliquésdans le conflit mais aussi dans ceux qui y seraient étrangers;
des millions de personnes mourraient des effetsde retombées radioactives
intenses et généraliséeUs.ne telle catastrophe, a-t-on dit, se produirait en
violation des obligations assuméespar les Etats dans le domaine de la
santéet de l'environnement en vertu du droit international, et en parti-
culier du droit international humanitaire, de mêmequ'en vertu de la
Constitution de I'OMS. Lepoint de savoir si ces obligations s'imposent
bien aux Etats et si ces obligations seraient violéesau cas où des armes
nucléairesseraient employéesdans le cours d'une guerre ou d'un autre

conflit arméme paraît une question sur laquelle il serait éminemment
approprié que la Cour se prononce, conformément à son Statut.

EFFETS DE L'UTILISATION D'ARMES NUCLÉAIRES

DANS UN CONFLIT ARMÉ

Selon les études faitespar l'Organisation mondiale de la Santéau sujet
des Effets de la guerre nucléairesur la santé et lesservices de santé,
étudesprésentées à la Cour par I'OMS, une arme nucléaireunique uti-
liséedans un conflit pourrait êtreun million de fois plus dévastatrice
que l'arme classique la plus puissante.
A la suite de l'explosion d'une arme nucléaire, lestrois principales
causes de mort et de blessures sont le souffle, l'onde thermique et le
rayonnement instantané.C'est l'énormeénergiethermique libérée lors de
l'explosion qui fera le plus de victimes. La carbonisation immédiatedes
parties exposéesdu corps se trouvant dans la ligne directe du rayonne-
ment thermique sera provoquée soit directement par impulsion ther-

mique (((éclairthermique ») soit indirectement par l'onde thermique. Les
brûlures dues à l'éclairthermique se produiront dans les fractions de
seconde qui suivront l'explosion etatteindront leur maximum d'intensité
en quelques secondes. Les brûlures indirectes feront beaucoup plus de
victimes. Le souffle causera des ondes de choc qui entraîneront l'écroulement
des bâtiments,la dispersion des débrisdans l'atmosphèreet la propulsion
des personnes contre les obstacles fixes, ce qui sera l'origine de nom-
breuses blessures à la tête,fractures, lésionspar écrasementet blessures
pénétrantes à l'abdomen et au thorax. Un souffle d'une mégatonneest
capable de tuer quiconque se trouve dans un rayon d'environ 7 kilo-
mètres de l'hypocentre.

Le rayonnement résultant soit de l'émissioninstantanée de rayons
gamma et de neutrons lors de l'explosion soit de la retombée de particules
radioactives entraînera des troubles gastro-intestinaux, notamment les sui-
vants: anorexie, nausées, vomissements, crampes intestinales, diarrhée et
déshydratation. Les symptômes neuromusculaires seront la fatigue, la
fièvre, lescéphalées, l'hypotensionsuivie d'un choc neurogénique.L'inha-
lation de poussières radioactives pourra avoir des effets à long terme
comme la fibrose et le cancer, la toux, une respiration courte et une sen-
sation d'étouffement,ce qui pourra causer la mort par hypoxie,neumopa-
thie et septicémie. L'ingestionde radioéléments provoquerades cancers de
la thyroïde. Une source de destruction immédiate sera l'impulsion électro-
magnétique qui met hors service les dispositifs électroniques, y compris

ceux qui sont nécessairesaux servicesde santé.Dans un premier temps, la
libération de substances radioactives et l'exposition ces substances ne
joueraient qu'un rôle secondaire en ce qui concerne les effets sur la santé.
Un autre rapport soumis à la Cour note égalementque la destruction
et la désorganisation des servicesde santégêneraient considérablement le
traitement des victimes. Environ quatre-vingts pour cent des médecins,
infirmièreset autres professionnels de la santéseraient tuésou blessés.
Les hôpitaux et autres centres de santé seraient détruits ou gravement
endommagés.Les lignes de transport d'électricitéq,ui sont essentiellesau
fonctionnement des hôpitaux, seraient coupées,ce qui aurait de graves
conséquencessur les traitements et les soins qui pourraient être fournis.

Face à une telle catastrophe, l'OMS est parvenue àla conclusion qu'il
ne serait guère possiblede soigner les victimes d'une attaque nucléaire et
qu'une solution beaucoup plus simple et plus réalisteserait d'empêcher
par la prévention que les conséquences décritesici ne se produisent.

EFFETS INTERMÉDIAIRES ET À LONG TERME DE L'UTILISATION
D'ARMES NUCLÉAIRES

Parmi les effets intermédiairesetà long terme, poursuit le rapport, on
peut citer aussi bien les séquelles des blessures subieslors de I'explo-
sion que les effetà long terme de l'exposition au rayonnement et les pro-

blèmes de santéprovoqués par la désorganisation et la destruction des
services de soins. Ceux qui survivraient aux effets aigus de l'explosion
auraient encore à souffrir de plaies persistantes, de brûlures étendues et
suppurantes, d'infections de la peau, d'infections gastro-intestinales et de
traumatismes psychiques. On sait que la surexposition aux rayonnements entraîne l'effondrement
du système immunitaire de l'organisme. Les rayonnements ionisants
réduisent la population des lymphocytes-T auxiliaires et augmentent
celle des lymphocytes-T suppresseurs, ce qui accroît la vulnérabilitédes
victimes aux infections et aux cancers. D'autres effets de l'explosion,
comme les brûlures, le traumatisme psychique et la dépression peuvent
aussi avoir une incidence sur la réponse immunitaire.
La réductionbrutale de la capacitédes services de santédue au petit

nombre de survivants dans les professions médicales, à la destruction des
centres de soins et des ambulances, et au manque de fournitures, ainsi
que l'énormitédes difficultés logistiquesrendraient les soins totalement
insuffisants.
Le rayonnement instantané lors de l'explosion et la contamination
durable de l'environnement auraient des effets à long terme, comme
l'apparition de cancers et de lésions génétiquess,ur les survivants et les
populations des zones contaminées.Le risque résultant du rayonnement
instantané dépendraitde la dose reçue. En cas d'exposition de l'ensemble
du corps, on estime qu'il y aurait un risque de mortalité par cancer -
quelle qu'en soit la forme - pendant le reste de la vie.
On a dit que l'un des risques étaitla survenance d'anomalies génétiques

chezlesdescendants des survivants et que ce risque ne seraitpas limitéà la
descendance immédiatedes personnes exposéesmais s'étendraitsur de
nombreuses générations. L'expositioa nu rayonnement du plutonium pour-
rait produire une instabilité chromosomique quipourrait se transmettre a
la descendance et provoquer des cancers dans les générations suivantes.
On a signaléque d'autres effets à long terme se traduiraient notam-
ment par des troubles comportementaux et psychologiques. Après une
première phase d'apathie profonde et de désorientation, il semble
qu'apparaissent des sentiments de culpabilité. En outre, les survivants
vivent dans la crainte continuelle du cancer, des effets tardifs du rayon-
nement et de l'apparition d'anomalies dans leur descendance.

EFFETS DE L'UTILISATION D'ARMES NUCLÉAIRES SUR L'ENVIRONNEMENT
DU POINT DE VUE DE LA SANTÉ

Effets de l'utilisation eflective des armes

En outre, d'aprèsle document présentée ,n détruisantune grande partie
des constructions, une explosion nucléairedétruiraitégalementlesétablis-
sements de santé publiqueet les centres de soins, favorisant ainsi la pro-
pagation des maladies. Les sources d'approvisionnement en eau seraient
contaminéesnon seulement par la radioactivité,mais aussi par des bacté-

ries pathogèneset des virus. Les installations de traitement des eaux usées
et d'éliminationdes déchets seraient presque complètement détruites.
La présenced'un grand nombre de cadavres d'hommes et d'animaux
en putréfaction ainsi que l'accumulation des déchetsnon traités et des
eaux uséesfavoriseraient la prolifération des mouches et autres insectes.Des maladies comme la salmonellose (empoisonnement alimentaire) et la
shigellose (dysenterie), l'hépatiteinfectieuse, la dysenterie amibienne, le
paludisme, le typhus, les infections streptocoques et à staphylocoques
(produisant du pus), les infections respiratoires et la tuberculose pren-
draient des proportions épidémiquesdans de vastes régions.
En plus des risques pour les survivants résultant de l'expositionune
forte irradiation externe, le rapport indique qu'il faut tenir compte des
radio-isotopes à demi-vie plus longue qui continueraient pendant long-
temps àprésenterun risque pour la population dans une zone trèséten-
due. L'altération du systèmeimmunitaire contribuerait plus tard à une
augmentation de l'incidence descancers.
En ce qui concerne les effets sur l'environnement, le rapport signale
que si plusieurs armes de grande puissance sont utiliséessimultanément,

des perturbations de l'environnement et des changements climatiques
peuvent se produire à l'échellemondiale. Pour ce qui est des arbres, ceux
qui ont des feuilles persistantes sont particulièrement vulnérables aux
rayonnements; les forêts deconifères seraient probablement les plus
atteintes, alors que les mauvaises herbes, plus résistantes, proliféreraient.
Les rayonnements, poursuit le rapport, sont également trèsnéfastespour
les cultures et la chaîne alimentaire; le bétailet, par conséquent,le lait et
la viande seraient contaminés. Les organismes ravageurs des plantes sont
particulièrement résistantset semultiplieraient. L'écosystèmemarin souf-
frirait également dela contamination. A toutes fins pratiques, il y aurait
une grave pénurie de produits comestibles et de première nécessité au
moment où les besoins des victimes seraient les plus grands.
Ainsi, un conflit nucléaire degrande ampleur entraînerait des change-
ments climatiques et environnementaux à l'échellemondiale qui auraient
d'importantes conséquencessur la santé.

A propos des effets socio-économiques de l'utilisation desarmes nu-
cléaires,le rapport note qu'ils seraient dévastateurs. Après une guerre nu-
cléaire,on assisterait, en plus de l'effondrement des systèmesde santé et
des structures sociales connexes, une grave désorganisation du système
économique,des moyens de communication et de tout le tissu social.
L'évacuation d'un grand nombre de personnes vers les régions non
contaminées à l'intérieurd'un mêmepays ou un exode massif vers les
pays voisins ne feraient pas qu'exacerber les problèmes de santé,ils pro-
voqueraient aussi une sériede difficultés socialeset économiques tant

dans la région évacuée que dans les régions d'accueil.Divers facteurs,
dont le manque de nourriture, le risque de conflits intercommunautaires,
le désarroidû au chômage, la désorganisation de la société,la pauvreté,
la dépendance et l'apathie ou la révoltese combineraient pour donner
naissance à des problèmes sociaux et économiquescomplexes qui persis-
teraient sans doute longtemps. La dégradation de l'environnement entraînerait un appauvrissement et
une pénurie denourriture qui, àleur tour, exacerberaient les frictions et
les conflits sociaux et contribueraientsaper l'autorité, ce qui risquerait
de conduire à la violence età la désintégrationde la société.
Les adultes, fait observer le rapport, craignent surtout les anomalies
génétiques et lcancer, comme on l'anotéchez lessurvivants d'Hiroshima
et de Nagasaki ainsi que dans la population de Tchernobyl.
Une société victimed'un désastrenucléairemajeur serait traumatisée et
subirait fort probablement des changements en profondeur.
D'après le maire d'Hiroshima, qui a fait une déclaration devarit la
Cour, la bombe atomique qui a explosé à Hiroshima avait une puissance
de destruction énorme et a réduit en cendres d'innocentes populations

civiles. Femmes, vieillards et nouveau-nés baignaient, a-t-il dit, dans des
rayonnements mortels. Le largage de la bombe, a-t-il ajouté, aprovoqué
un nuage en forme de champignon, la peau d'êtres humains a brûlévive
et d'autres victimes ont connu une atroce agonie. Le maire a dit encore
la Cour qu'au moment de l'explosion d'énormes colonnes defeu s'étaient
élevéesvers le cielet que la majoritédes bâtiments s'était effondrée, cau-
sant de nombreuses victimes dont beau cou^sont mortes.
Dans un autre passage de son exposé,le maire a dit que ce qui carac-
térisaitle bombardement atomique et en faisait quelque chose d'unique
tenaità ce que l'énorme destruction qu'il provoquait était instantanée et
universelle. Les vieux, lesjeunes, les hommes, les femmes, les soldats, les
civils,tous sont tuésans discriminat Tounte.la ville d'Hiroshima a été
exposée à des rayons thermiques, à l'onde de choc de l'explosion etaux
rayonnements. La bombe a semble-t-il dégagéune chaleur qui a atteint

plusieurs millions de degréscentigrades. Le globe de feu avait environ
deux cent quatre-vingts mètres de diamètre et l'on pense que les rayons
thermiques qui en émanaientont brûléinstantanément tout être humain
qui se trouvaità l'extérieurprès de l'hypocentre. Le témoina révélé en
outre, sur la base de cas avéré, ue des vêtements avaient prisfeu deux
kilomètres de l'hypocentre et que de nombreux feux s'étaientallumés
simultanémentun peu partout; toute la villea étécarboniséeet réduiteen
cendres. Autre phénomène,celui de l'onde de choc qui a infligédes dom-
mages encore plus grands en ricochant sur le sol et sur des bâtiments. La
déflagration qui a suivi a soulevé etportéles gens en l'air. Tous les édi-
ficesen bois dans un rayon de deux kilomètres se sont effondréset beau-
coup, bien plus éloignésencore, ont étéendommagés.
La déflagrationet lesrayons thermiques se sont combinéspour réduire

en cendres ou faire écrouler soixante-dix pour cent des soixante-seize
mille trois cent vingt-sept habitations qu'Hiroshima comptait l'époque.
Les autres ont étépartiellement détruites,demi sinistréesou endomma-
gées.On a dit que la villeavait été dévastiestantanément par le largage
de la bombe.
Le témoin a indiqué quele jour de l'explosion de la bombe il y avait
trois cent cinquante mille habitants Hiroshima, mais on a estimé plus
tard que cent quarante mille environ étaientmorts avant la fin décembre1945. Les hôpitaux étaient en ruine, leur personnel médical mort ou
blessé,sans médicaments et sans équipements; un nombre incroyable de
victimes étaient mortesfaute d'avoir pu recevoir le traitement qu'ilfallait.
Les survivants souffraient de fièvre,de diarrhée, d'hémorragieset d'une
extrêmefatigue et beaucoup décédaientbrusquement. C'est ainsi, a-t-on
dit, que se présentaient les symptômes aigus de la maladie de la bombe
atomique dont d'autres conséquencesétaient une destruction généralisée
des cellules, une perte des tissus hématopoïétiqueset une détérioration
organique. Le système immunitaire des survivants était affaibli et 1'011

voyait se manifester des symptômes très apparents comme la chute des
cheveux. On a enregistréégalementune multiplication des cas de leucé-
mie, de cataractes, de cancers et entre autres de cancers de la thyroïde, du
seinet des poumons. Conséquencedu bombardement, des enfants exposés
aux rayonnements ont souffert d'un retard mental et physique. On n'a
rien pu faire pour eux sur le plan médical et même des bébé escore à
naître ont étéatteints. Le maire a conclu en disant que, aujourd'hui
encore, I'onest exposéà des niveaux élevédse rayonnement àHiroshima.
Le maire de Nagasaki a décritdans son témoignageles effets qu'avait
eus sur sa ville le bombardement atomique intervenu pendant la guerre,
effets similairesceux qu'Hiroshima avait connus. Selon ce témoin:

((L'explosion de la bombe atomique a donné lieu à une énorme

boule de feu, de 200 mètres de diamètre, presque comme si un petit
soleil était apparu dans le ciel. L'instant d'après, une déflagration
fantastique et une vague de chaleur ont touchéle sol dans un bruit
de tonnerre. La température à la surface de la boule de feu était
d'environ 7000 degréscentigrades et les rayons qui ont atteint le sol
dépassaient3000 degrés. L'explosiona immédiatement tuéou blessé
les gens qui se trouvaient dans un rayon de 2 kilomètresà partir de
l'hypocentre, laissant d'innombrables cadavres carbonisés comme
des morceaux de bois au milieu des ruines. Dans certains cas, on n'a
mêmepas pu retrouver la moindre trace des restes du cadavre. Le
souffle qui dépassait 300 mètresà la seconde a aplati les arbres et
démolila plupart des bâtiments. Mêmeles constructions en béton
arméont étési endommagéesqu'elles semblaient avoir été écrasées
par un gigantesque marteau. Le violent éclairde chaleur avait en

mêmetemps fait fondre le verre, déforméles objets métalliques
comme de la guimauve et les incendies qui se sont ensuite allumés
ont réduiten cendres les ruines de la ville. Nagasaki est devenue une
ville morte où I'on n'entendait mêmepas de bruits d'insectes. Peu
après, d'innombrables hommes, femmes et enfants ont commencé à
se grouper sur les rives du fleuve Urukami tout proche pour y boire;
leurs cheveux et leurs vêtementsétaient roussis, leur peau brûlée
pendait en lambeaux comme des guenilles. Implorant de l'aide, ils
sont morts l'un après l'autre dans l'eau ou par monceaux sur les
rives. Puis les radiations ont commencé leurs ravages,tuant les gens comme un fléaumortel qui se répandait en cercles concentriques à
partir de l'hypocentre. Quatre mois après le bombardement ato-
mique, soixante-quatorze mille personnes étaientmortes et soixante-
quinze mille blessées,autrement dit, les deux tiers de la population
de la ville avait été victimede cette calamitéqui s'est abattue sur
Nagasaki comme une prémissede l'Apocalypse.» (CR 95/27, p. 38.)

Le témoin a poursuivi en disant que même ceuxqui avaient eu la
chance de survivre continuaient jusqu'à maintenant à souffrir des sé-
quelles tardives qui caractérisent les armes nucléaires. Lesarmes nu-
cléaires, a-t-ilconclu, apportent avec ellesla destruction indiscriminée des
populations civiles.
A été entendu aussi le témoignagede la délégationdes Iles Marshall où
avaient eu lieu soixante-sept essais nucléairesentre le 30juin et le 18août
1958, à l'époqueoù ellesfaisaient partie du territoire des îles du Pacifique
placésous la tutelle des Nations Unies. On a dit que la puissance totale
de cesarmes équivalait à plus de sept millebombes de la taille de cellequi
avait anéanti Hiroshima. Ces essais avaient causé des maladies radio-

induites, des morts et des malformations congénitales.On a indiquéplus
tard que, mêmequand les explosions avaient lieu à de grandes distances,
dans le temps et l'espace, elles pouvaient entraîner des souffrances pour
l'hommeet causer des dommages à l'environnement, mêmesil'on s'effor-
çait d'éviterou d'atténuerle préjudice.Poursuivant son témoignage,la
délé"ationa informéla Cour aue les armes nucléairesont des caractéris-
tiques qui leur sont propres- elles causent des maux superflus, elles ne
se bornent pas à une contamination radioactive très vaste et trèsétendue
ayant des conséquences néfastescumulatives mais elles génèrentaussi
localement des rayonnements intenses ayant des effets nocifs graves,
immédiatset à long terme, des déflagrations de grande ampleur, de la

chaleur et de la lumière,ce qui provoque des lésionsimportantes et des
maladies chroniques. La cécitépermanente ou temporaire résultant de
l'expositionà la lumière intense et l'affaiblissementde l'immunitéface
aux ravonnements étaient les conséauencescourantes et inévitablesde
l'emploid'armes nucléaires, conséquencer sares ou inexistantes sil'onuti-
lisait d'autres engins de destruction.
La délégation des Iles Marshall a indiquéaussi que des malformations
congénitaleset des maladies extrêmement douloureuseset de très longue
durée dues aux retombées radioactives avaientprofondément affectéla
population civile, cequi étaitinévitable,longtemps après le moment où
les essais nucléairesavaient eu lieu. Ces maux avaient frappédes généra-

tions d'insulaires néesbien après les essais. En dehors des dommages
immédiatscausésau point zéro (oùl'explosion s'était produite)ou dans
son voisinage, c'est dans toute la zone que la flore et la faune ont été
contaminées,le sol et l'eau empoisonnés.En conséquence,certaines des
îles étaienttoujours abandonnées et dans celles où la population s'était
récemment réinstallée la présencede césiumprovenant des retombées
radioactives dans les plantes rendait celles-ciincomestibles. On a signalé UTILISATION DES ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISS.KOROMA) 180

que des femmes habitant certains atolls eà qui l'on avait donnél'assu-
rance que leur atoll ne serait pas touché par les rayonnements avaient
donnénaissance à des «bébés monstres)).On a dit qu'une fillette de l'un

de ces atolls n'avait pas de genoux, qu'elle avait trois doigtshaque
pied et qu'il luimanquait un bras. Sa mère n'était pas encorenée en4
quand les essais ont débutémais elle avait étéélevésur un atoll conta-
miné.
Compte tenu de ce qui précède, direcomme la Cour le fait que ces
questions n'entrent pas dans la compétence de l'OMSou dans le cadre de
son activité toucheà l'irréalisme et confineau cynisme, or le droit n'est
pas cynique.

LE RÔLE DE L'ORGANISATI OONNDIALE DE LA SANTÉ ET L'ACTION MENÉE
SUR LE PLAN INTERNATIONAL DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ

L'Organisation mondiale de la Santé est l'institution spécialisée des
Nations Unies chargéede protéger et de sauvegarder la santé de tous
les peuples sur le plan international et il entre dans ses attributions de
prendre les mesures voulues pour empêcher que des problèmes de
santé, commeceux qui pourraient résulter del'emploi d'armes nucléaires,
prennent une ampleur catastrophique. A cet égard, l'organisation

s'occupe avant tout de médecine préventive et plusparticulièrement des
aspects administratifs de la médecine préventive.
Cela étant,il est compréhensibleet conformeà son mandat que l'OMS
ait étéd'avis que la prévention était le seul moyen d'éviterles consé-
quences catastrophiques que l'explosion d'une arme nucléairene man-
querait pas d'entraîner.
Qui plus est, l'OMS a pour but, selon sa Constitution, ((d'amener tous
les peuples au niveau de santéle plus élepossible)), la santé étantdéfi-
nie comme «un étatde complet bien-êtrephysique, mental et social, et

non pas seulement comme une absence de maladie ou d'infirmité)).
Conformément à son but, l'OMS est chargée devingt-deux fonctions, et
notamment des suivantes :
«a) agir en tant qu'autorité directrice et coordonnatrice, dans le
domaine de la santé,des travaux ayant un caractère interna-

tional
.............................
c) aider les gouvernements, sur leur demande, à renforcer leurs
services de santé;
d) fournir l'assistance technique appropriée et, dans les cas
d'urgence, l'aide nécessaire,a requêtedes gouvernements ou
sur leur acceptation;

.............................
k) proposer des conventions, accords et règlements, faire des
recommandations concernant les questions internationales de UTILISATION DES ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISS.KOROMA) 181

santé etexécutertelles tâches pouvant êtreassignéesde ce fait
à l'organisation et répondant à son but;

m) favoriser toutes activitésdans le domaine de l'hygiènementale,
notamment celles se rapportant a l'établissementde relations
harmonieuses entre les hommes;

p) étudier et faire connaître, en coopération au besoin avec
d'autres institutions spécialiséesl,es techniques administratives
et sociales concernant l'hygiènepublique et les soins médicaux

préventifs etcuratifs,y compris les services hospitaliers et la
sécurité sociale
q) fournir toutes informations, donner tous conseils et toute assis-
tance dans le domaine de la santé;
v) aider àformer, parmi lespeuples, une opinion publique éclairée
en ce qui concerne la santé;

v) d'une manièregénérale,prendre toute mesure nécessairepour
atteindre le but assignéà l'organisation)).

Vu lestrès graves problèmessanitaires et médicaux qui résulteraient de
l'utilisation d'armes nucléaires, le nombre des morts et des blessésque
compteraient la population civile mais aussi le personnel médical,la des-
truction des fournitures hospitalières et médicales,il s'ensuit qu'ilrelève-
rait du mandat de l'OMS de prendre des mesures pour faire face et remé-
dier à une telle situation. Ainsi, et conformémentà son mandat, l'OMS
devrait apporter aux victimes une aide médicaleet des secours d'urgence,
contribuer au rétablissement des servicesmédicaux,s'efforcerd'organiser
et de coordonner l'assistance médicale enfournissant les médicamentset
le personnel médical nécessairestant au niveau national qu'au niveau

international.
Selon des études quiont étéfaites, une épidémiede grippe que la com-
munauté internationale n'était pas prête à affronter aurait tué, aprèsla
premièreguerre mondiale, vingt millions de personnes et aurait donc fait
plus de morts que la guerre elle-même;si une éventualitédu même genre
se produisait à la suite d'une guerre nucléaire,on attendrait de l'OMS
qu'elle prenne en main la situation, conformément à sa Constitution.

En outre, selon la documentation dont dispose la Cour, l'OMS s'occupe
des effets des armes nucléairessur la santédepuis de nombreuses années.
En 1984 et en 1987, elle a présentédes rapports détaillésau sujet des

effets de la guerre nucléairesur la santé et les services de santé;d'après
elle, il était établiqu'aucun service de santéau monde ne pouvait assurer
la santé ou le bien-êtrephysique, social et mental des populations ou
encore n'était capable d'améliorer de manièresignificativela situation en
casd'utilisation ne serait-ce que d'une seule arme nucléaire;la préventionprimaire était donc le seul moyen approprié de maîtriser les effets sur la
santéet l'environnement de l'utilisation d'armes nucléaires.
Vu les conséquencesimportantes que pourrait avoir l'emploi d'armes
nucléairespour ce qui est de la santéet de l'environnement et considérant
que les risques sanitaires liés'utilisation de ces armes ne pouvaient être
écartésque grâce àla prévention,l'OMS a demandé à la Cour de donner
un avis consultatif sur le point de savoir si, compte tenu des effets des
armes nucléairessur la santéet l'environneinent, leur utilisation par un
Etat au cours d'une guerre ou d'un autre conflit arméconstituerait une

violation de ses obligations au regard du droit international,compris la
Constitution de l'OMS.
La demande de l'OMS se fonde sur l'article 96, paragraphe 2, de la
Charte des Nations Unies, l'article 76 de la Constitution de l'Organisa-
tion mondiale de la Santéet l'articleX de l'accord conclu entre l'Orga-
nisation des Nations Unies et l'organisation mondiale de la Santé. L'ar-
ticle 96, paragraphe2, de la Charte dispose que les

((institutions spécialiséesqui peuvent, à un moment quelconque,
recevoir de l'Assemblée générau lene autorisationà cet effet ont éga-
lement le droit de demander à la Cour des avis consultatifs sur des
questionsjuridiques qui seposeraient dans le cadre de leur activité)).

Selon l'article 76 de la Constitution de l'OMS:

((Sous le couvert de l'autorisation de l'Assemblée générale des
Nations Unies ou sous le couvert de l'autorisation résultant de tout
accord entre l'Organisation et les Nations Unies, l'organisation
pourra demander àla Cour internationale de Justice un avis consul-
tatif sur toute questionjuridique éventuelledu ressort de7Organisa-
tion))

L'article X, paragraphe 2, de l'accord du 10juillet 1948entre l'Orga-
nisation des Nations Unies et l'OMS est ainsi conçu:

((L'Assembléegénéraleautorise l'organisation mondiale de la
Santé à demander des avis consultatifs à la Cour internationale de
Justice sur des questionsjuridiques qui se poseraient dans le cadre de
sa compétence, à l'exception de celles concernant les relations réci-
proques entre l'organisation et l'organisation des Nations Unies ou
d'autres institutions spécialisées.

La question poséepar l'OMS présuppose queles Etats ont assumé, en
matière de santéet d'environnement, certaines obligations juridiques qui
seraient violéessi l'arme nucléaireétaitutiliséeau cours d'une guerre ou
d'un autre conflit armé.Ces obligations relèvent, a-t-on dit, surtout dudroit international humanitaire, tel qu'il résultede certaines conventions,
et du droit international coutumier applicable en temps de guerre ou dans
les conflits armés.
Primordiale est àcet égard l'obligationen vertu de laquelle un Etat n'a
pas un droit illimitéde nuire à un belligérant et l'emploid'armes propres
à causer des maux superflus est interdit. Cette obligation, nous dit-on, est
consacréedans la déclaration de Saint-Pétersbourg de 1868,qui marque

le début de l'application de principes humanitaires aux nécessitésde la
guerre et qui prohibe l'emploi de projectiles explosifs ou incendiaires
d'un poids inférieur à 400 grammes. Cette obligation se retrouve égale-
ment dans la déclaration de Bruxelles de 1874 selon laquelle les lois de
la guerre ne reconnaissent pas aux belligérantsun droit illimitéquant au
choix des moyens de nuire à l'ennemi. Conformément à ce principe, il
était notamment interdit aux Etats

1) d'employer du poison ou des armes empoisonnées,
2) d'employer desarmes, des projectiles ou des matières propres à causer
des maux superflus, ainsi que d'utiliser les projectilesdéfenduspar la
déclaration de Saint-Pétersbourg.

Le principe est également codifiédans la convention IV de La Haye de
1907dont l'article 22 dispose que les belligérantsn'ont pas un droit illi-
mitéquant au choix des moyens de nuire à l'ennemi. Selon l'article23,
l'emploi du poison ou d'armes empoisonnéesest interdit (alinéa a)) et il
en est de même desarmes, des projectiles ou des matières propres à cau-
ser des maux superflus. Quant à l'article 25, il interdit ((d'attaquer ou de
bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habita-

tions ou bâtiments qui ne sont pas défendus)).On a notéaussi la perti-
nence du ~rotocole de Genève de 1925. aui aéaLfirme I'interdiction
d'employer des gaz toxiques et matières analogues ainsi que les armes
bactériologiques,et celle de la Convention de 1993sur I'interdiction de la
mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi desarmes chi-
miques et sur leur destruction. Ce principe a été,a-t-on dit, réaffirméet
codifié à l'article 35, paragraphe 1, du protocole additionnel 1de 1977.
On soutient que, par leurs effets d'explosion et de souffle, comme par
leurs autres conséquencesinstantanées ou à long terme - y compris les
conséquences génétiques -, les armes nucléairesse classent dans la caté-

gorie des armes de destruction massive causant des souffrances et des
maux superflus et excessifsqui sefont sentir pendant longtemps. L'emploi
de telles armes, prétend-on, contreviendrait au principe mentionné plus
haut et par suite aux obligations assuméestant en vertu du droit inter-
national coutumier qu'en vertu des conventions et instruments interna-
tionaux ~ertinents.
Une autre obligation assuméepar les Etats et qui, a-t-on fait valoir,
serait violéesil'arme nucléaireétaitutiliséedans un conflit arméconcerne
le principe de discrimination entre combattants et non-combattants, et

entre objectifs militaires et objectifs non militaires, qui trouve lui aussi
son fondement dans le droit international coutumier. Ce principe, qui, UTILISATION DES ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISS. KOROMA) 184

a-t-on indiqué, est consacré à l'article 27 du règlement de La Haye de
1907ainsi qu'aux articles 22 et 24 du projet de La Haye de 1923sur les
règlesde la guerre aérienne,est en généralconsidérécomme faisantpartie
du droit coutumier et est maintenant consacréaux articles 51 et 52 du
protocole additionnel 1aux conventions de Genève de 1949.On a dit que
ces instruments interdisent les attaques menéessans discrimination. On a
indiqué que, vu les caractéristiques connues des armes nucléaires, ces
armes seraient incapables, dans un conflit armé, de différencier entre
combattants et non-combattants et que, comme elles provoquent une

radioactiviténocive aux êtres humainset destructrice de l'environnement,
leur emploi violerait l'obligation de faire une distinction, lors d'un conflit
armé,entre combattants et non-combattants, entre objectifs militaires et
installations non militaires.
De surcroît, en vertu de la convention de Genèvede 1949, les belligé-
rants sont tenus, a-t-on dit, certaines obligations une fois la bataille ter-
minée,entre autres ramasser les morts et les blessés,enterrer les cadavres
individuellement, évacuer les prisonniers, ne pas exposer inutilement
ceux-ci au danger; ils sont tenus aussi, par les règles relatives protec-
tion des personnes et des biens, à la protection des membres blesséset
malades des forces armées, des navireshôpitaux et des transports médi-

caux. On a fait valoir qu'il n'étaitpas possible de remplir ces obligations
si l'arme nucléaire était utilisée dans un conflit armé, à cause de la
radioactivité et des autres effets qu'elle engendre.
L'article 147de la convention IV de Genèvede 1949qualifie d'infrac-
tions graves le fait de commettre certains actes contre des personnes
protégées,les atteintes portéesà l'intégritéphysique ou àla santé,la des-
truction de biens non justifiéepar des nécessités militaires et exécutser
une grande échelle;de son côté l'article 85 du protocole additionnel 1
considère comme des ((infractions graves)) au protocole et à la conven-
tion, susceptibles d'êtredes«crimes de guerre)), le fait de ((soumettrela
population civile ou des personnes civilesà une attaque)) (par. 3 a)) et le
fait de

((lancer une attaque sans discrimination atteignant la population
civile ou des biens de caractère civil, en sachant que cette attaque
causera des pertes en vies humaines, des blessures aux personnes
civilesou des dommages aux biens de caractère civil, qui sont exces-
sifs...))(par. b)).

On a donc soutenu qu'étant donnéles caractéristiques des armes
nucléaires lorsqu'ellessont utilisées, leurradioactivité,la chaleur qu'elles
dégagentet leur effet de souffle, l'obligation de distinguer entre les per-

sonnes et les biens protégéset les cibles militaires des belligérants ne
pourrait pas êtrerespectée. En conséquence l'utilisation de ces armes
entraînerait la violation des obligations découlant tant des conventions
de Genèveque LIprotocole additionnel 1. On a dit aussi que l'emploi de l'arme nucléaire violerait la clause de
Martens, qui remonte aux conventions de La Haye de 1899et de 1907,
considéréecomme applicable danstout conflit arméet reprise récemment
dans le protocole additionnel1aux conventions de Genève de 1949relatif
à la protection des victimes des conflits armésinternationaux; elle se lit
comme suit :

((Dans les cas non prévuspar le présentprotocole ou par d'autres
accords internationaux, les personnes civiles et les combattants res-
tent sous la sauvegarde et sous l'empire des principes du droit des
gens, tels qu'ils résultentdes usages établis, des principesde l'huma-
nitéet des exigences de la conscience publique.

On a avancéque le fait que les effets cruels de l'arme nucléairen'épar-
gneraient pas plus les civils que les combattants constituerait une viola-
tion des obligations énoncéesdans cette disposition.

OBLIGATION RSLATIVES À L'ENVIRONNEMENT

On a égalementavancé que les obligations assuméespar les Etats en
matière d'environnement seraient violéess'il était fait usage des armes
nucléaires.On a indiqué que ces obligations figurent dans divers instru-
ments juridiques internationaux et notamment la convention IV de La
Haye de 1907concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre dont
l'article5 dispose :

«L'Etat occupant ne se considérera que comme administrateur et
usufruitier des édificespublics, immeubles, forêtset exploitations
agricoles appartenant à 1'Etat ennemi et se trouvant dans le pays
occupé. Il devra sauvegarder le fonds de ces propriétéset les admi-
nistrer conformément aux règlesde l'usufruit.»

On a signaléque ce principe étaitrepris aussi dans la convention IV de
Genève de 1949relative à la protection des personnes civilesen temps de
guerre, dont l'article3 est ainsi conçu:
«Il est interdità la puissance occupante de détruire des biens

mobiliers ou immobiliers, appartenant individuellement ou collec-
tivement à des personnes privées,à 1'Etat ou à des collectivitéspu-
bliques,à des organisations sociales ou coopératives, sauf dans les
cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessairespar
les opérations militaires.

On a égalementfait valoir que le protocole additionnel 1 de 1977aux
conventionsde Genèvede 1949imposaitdes obligationsrelatives àla protec-
tion de l'environnement contreles opérations militaires.Les dispositions duprotocole sur ce point développent,a-t-on dit, les principes énoncésen la
matière par les conventions de La Haye de 1899et de 1907.L'article 35
du protocole 1- intitulé:«Règles fondamentales » - stipule ce qui suit:
«1. Dans tout conflit armé,le droit des parties au conflit de choi-

sir des méthodesou moyens de guerre n'est pas illimité.
.............................
3. 11est interdit d'utiliser des méthodesou moyens de guerre qui
sont conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu'ils causeront,
des dommages étendus, durables et graves à l'environnement natu-
rel.

Aux termes de l'article 53, il est dit:
«Sans préjudice desdispositions de la convention de La Haye du
14 mai 1954pour la protection des biens culturels en cas de conflit
arméet d'autres instruments internationaux pertinents, il est inter-

dit:
............................
c) de faire de ces biens l'objet de représailles.))

Selon l'article 54
((1. Il est interdit d'utiliser contre les civils la famine comme
méthode de guerre.
2. 11est interdit de détruire, d'enlever ou de mettre hors d'usage
des biens indispensables à la survie de la population civile, tels que
des denréesalimentaires et les zones agricoles qui les produisent, les
récoltes, le bétail, les installations et réservesd'eau potable et les

ouvrages d'irrigation, en vue d'en priver, à raison de leur valeur de
subsistance, la population civile ou la partie adverse, quel que soit
le motif dont on s'inspire, que ce soit pour affamer des personnes
civiles, provoquer leur déplacementou pour toute autre raison.
.............................
4. Ces biens ne devront pas êtrel'objet de représailles.))

L'article 55 oblige les Etats à respecter pendant un conflit armé les
règlessuivantes relatives à l'environnement naturel:
«1. La guerre sera conduite en veillant à protéger I'environne-

ment naturel contre des dommages étendus, durables et graves.
Cette protection inclut l'interdiction d'utiliser des méthodes ou
moyens de guerre conçus pour causer ou dont on peut attendre
qu'ils causent de tels dommages à l'environnement naturel, compro-
mettant, de ce fait, la santé ou la survie de la population.
2. Les attaques contre l'environnement naturel à titre de repré-
sailles sont interdites.

On a indiquéque l'interdiction générale énoncé àel'article 55 est pré-
cisée à l'article 56 selon lequel «les barrages, les digues et les centrales
nucléairesde production d'énergie électrique neseront pas l'objet d'at-taques, mêmes'ils constituent des objectifs militaires)). L'article 56,
paragraphe 1, interdit les attaques contre des objectifs militaires situés
sur ces ouvrages ou installations ou àproximité
((lorsque de telles attaques peuvent provoquer la libération de ...
forces dangereuses et, en conséquence,causer des pertes sévèresdans

la population civile. Les autres objectifs militaires situéssur ces
ouvrages ou installations ou à proximité ne doiventpas être l'objet
d'attaques lorsque de telles attaques peuvent provoquer la libéra-
tion de forces dangereuses et, en conséquence,causer des pertes sé-
vèresdans la population civile)).
On a égalementconsidéré comme pertinentela déclaration deRio sur
l'environnement et le développement,adoptée àla conférencede Rio en

1992,qui dispose:
«La guerre exerce une action intrinsèquement destructrice sur le
développement durable. Les Etats doivent donc respecter le droit
international relatif la protection de l'environnement en temps de
conflit arméetparticiperà son développement,selon que de besoin.»
(Principe 24.)

On a soutenu que les Etats contreviendraient à leurs obligations juri-
diques si des armes nucléairesétaientutiliséesau cours d'une guerre ou
d'un autre conflit armécar, vu lescaractéristiques connues deces armes,
leur emploi iraitàl'encontre des obligations qu'ilsont assumées ence qui
concerne la protection de l'environnement.

Le but de la compétence consultative de la Cour est de donner un
avis juridique autoriséet de renseigner l'organe qui le lui demande sur
certains aspects juridiques d'une question qu'il doit trancher dans le

cadre de ses fonctions ou ((d'éclairerles Nations Unies dans leur action
propre» (Conséquencesjuridiques pour les Etats de la présencecontinue
de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la réso-
lution 276 (1970) du Conseil desécurité,C.I.J. Recueil 1971, p. 24).
C'est l'article 65du Statut qui confèreà la Cour le pouvoir de donner
un avis consultatif. Cela a étéréaffirmédans plusieurs des avisconsulta-
tifs donnéspar la Cour et notamment dans l'affaire concernant Certaines
dépenses desNations Unies (article 17,paragraphe 2, de la Charte) où il
est dit:«Le pouvoir qu'a la Cour de donner un avis consultatif procède
de l'article 65 du Statut)) (C.I.J. Recueil 1962, p. 155; voir aussi Sahara
occidental, C.I.J. Recueil 1975,p. 21).
Au cours des années,la Cour en est venue à considérer qu'en exerçant
sa compétence consultative elle participait aux activités desNations

Unies. Dans l'affaire de laNamibie, elle a souligné
«qu'en répondant à la requêtenon seulement elle [la Cour] resterait ((fidèleaux exigences de son caractère judiciaire)) (C.I.J. Recueil
1960,p. 153),mais encoreelles'acquitteraitde sesfonctions d'«organe
judiciaire principal des NationsUnies)) (Charte, art. 92))) (Consé-
quencesjuridiques pourles Etats de laprésence continue del'Afrique
du Sud en Nanzibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolu-
tion 276 (1970) du Conseil desécurité,C.I.J. Recueil 1971, p. 27).

Dans l'affaire de l'Interprétationdes traitésde paix, la Cour a fait
observer ceci:

((L'avisest donnépar la Cour non aux Etats mais àl'organe habi-
litépour le lui demander; la répoilseconstitue une participation de
la Cour elle-même((organe des Nations Unies))à l'action de1'Orga-
nisation et, en principe, elle ne devrait pas êtrerefusée))(Interpréta-

tion des traitésde paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la
Roumanie, première phase, C.I.J. Recueil 1950, p. 71).

En conséquence, lorsque la Cour donne des avis consultatifs, elle
contribue à la solution des problèmesauxquels les Nations Unies doivent
faire face tout en s'acquittant des obligations qui sont les siennes en tant
qu'organe judiciaire principal. cet égard,la Cour a estimé qu'elleavait
le devoir de rendre les avis sollicitésmais non sans souligner que son
devoir de répondre à une demande d'avis comportait certaines limites.
Dans l'affaire concernant Certaines dépenses desNations Unies (ar-
ticle 17,paragraphe 2, de la Charte), la Cour a dit qu'ilfaudrait des «rai-
sons décisives))pour l'amener à opposer un refus à une demande d'avis
consultatif, suivant son avis en l'affaire desJugements du Tribunal admi-
izistratifde l'OIT sur requêtes contl'Unesco(C.I.J. Recueil 1956,p. 86),
or il n'existepas de ((raison décisive))lorsque la principale question posée

concerne l'interprétationd'un traité.Ily aurait, d'aprèsla Cour, une rai-
son décisive sila demande l'obligeait à se départirde ses fonctions judi-
ciaires et par exempleà se prononcer sur des faits insuffisamment établis
(Statut de la Carélieorientale, 1923, C.P.J.I. sérieB no5).
En outre, comme on l'a vu précédemment,la Cour considère que sa
fonction consultative consisteà donner un avis fondéen droit, dèslors
qu'ellea abouti à la conclusion que les questions qui lui sont poséessont
pertinentes, qu'elles ont un effet pratiqueà l'heure actuelle et que par
conséquentellesne sont pas dépourvues d'objetet de but. C'estpourquoi
ellen'a jamais refusé dedonner un avis pour des raisons tenant à la com-
pétence bien qu'elleait fait observerà maintes reprises que

«21. ..pour que la Cour ait compétence,il faut que l'avis consul-
tatif soit demandépar un organe dûment habilité à cet effet confor-

mément à la Charte, qu'il porte sur une question juridique et qu...
cette question se pose dans le cadre de l'activité de cetorgane))
(Demande de réformationdujugement no 273 du Tribunal adminis-
tratif des Nations Unies, C.I.J. Recueil 1982, p. 333-334). Dans l'affaire à l'examen, la Cour, après avoir étudiéla demande qui
lui étaitadressée,a estiméque l'OMS avait été dûment autorisée à solli-
citer un avis, qu'elle étaiten droit de poser la question et que cette ques-
tion étaitjuridique au sens du Statut et de la Charte des Nations Unies.
La Cour a dit ensuite qu'elle

((ne saurait refuser un caractère juridiquàune question qui l'invite
à s'acquitter d'une tâche essentiellement judiciairà,savoir l'appré-
ciation de la licéitéde la conduite éventuelled'Etats au regard des
obligations que le droit international leurmpose)) (par. 16).

Pour ce faire, déclarela Cour, elle
«doit déterminer les obligations des Etats au regard des règles de
droit invoquéeset apprécier la conformité auxdites obligations du

comportement envisagé, apportant ainsi à la question posée une
réponse fondéeen droit » (ibid..
Ayant constaté que l'OMS étaiten droit de poser la question et que
celle-ci avait bien un caractère juridique, la Cour a recherché si l'avis
consultatif demandéportait sur une question qui se posait «dans le cadre
de l'activité)) de l'Organisation, conformément à l'article 96, para-

graphe 2, de la Charte. Afin de circonscrire le domaine d'activitéou le
champ de compétence de l'OMS, la Cour s'est reportée àla Constitution
de l'organisation; elle a conclu qu'aucune des fonctions assignées à
l'OMS par l'article 2 de sa Constitution ne visait expressémentla licéité
d'une quelconqueactivitédangereuse pour la santé et qu'aucune de ses
fonctions n'y étaient rendue tributaire de lalicéitédes situations qui lui
imposaient d'agir.
Pour aboutir à cette conclusion, la Cour a ((interprété))la question
poséecomme portant non pas sur les obligations qui pourraient résulter
des effets de l'utilisation d'armes nucléairessur la santé et l'environne-
ment, mais comme portant sur la ((licéide l'utilisationde telles armes)).
C'est cette interprétation qui l'a amenéeà dire que, quels que soient les

effets de cette utilisation, la compétence del'OMS pour en traiter n'est
pas tributaire de lalicéité desactes qui les produisent. Cette interpréta-
tion a aussi permisà laCour de conclure que l'article 2 de la Constitution
de l'OMS ne saurait être compris commeconférantcompétence àl'Orga-
nisation pour traiter de lalicéitéde l'utilisation desarmes nucléaireset,
dèslors, pour poser à la Cour une question à ce sujet. Cette interpréta-
tion a, de surcroît, permisà la Cour de déclarerqu'aucune desfonctions
de l'organisation n'entretenait, avec la question qui lui avait été soumise,
de rapport de connexité suffisant pour que cette question puisse être
considéréecomme se posant «dans le cadre de l'activité)) del'OMS. La
Cour poursuit en ces termes:

«En particulier, la licéitéou I'illicéité de l'utilisation d'armes nucléairesne conditionne en rien les mesures spécifiques,de nature
sanitaire ou autre ...,qui pourraient s'imposer pour tenter de préve-
nir ou de guérir certainsde leurs effets))(avis consultatif, par. les
italiques sont de moi.)

Elle ajoute:«Que des armes nucléairessoient utiliséeslicitement ou illi-
citement, leurs effets sur la santé seraient identiques)) (ibid., les italiques
sont de moi), ce qu'elle développede la manière suivante:

«s'il est vraisemblable que l'utilisation d'armes nucléairespourrait
porter gravement atteinte à la capacité matériellede l'OMS de four-
nir tous les services nécessairesdans une telle éventualité,notam-
ment en rendant inaccessibles les zones affectées, cela ne soulèvepas
de question entrant dans le cadre de l'activitéde l'Organisation au
sens du paragraphe 2 de l'article 96 de la Charte» (ibid., les italiques

sont de moi).
Selon la Cour, l'OMS ne saurait avoir compétence quepour mener des
actions de ((prévention primaire)) entrant dans les fonctions de l'organi-

sation définies à l'article 2 de sa Constitution. En conséquence,la réfé-
rence à la ((prévention primaire)) dans le préambule de la résolution
WHA46.40 et le lien qui y est suggéré avecla question de la licéitéde
1'utili.rutiondes armes nucléairesne suffisent pas à remettre en câuse la
conclusion de la Cour, à savoir que la question dont elleest saisie n'entre
pas dans le cadre de l'activitéde l'OMS.
Examinant le ((principe de spécialité))qui,d'aprèselle, régit lesorga-
nisations internationales, la Cour en vient dire que reconnaître a l'OMS
la compétence detraiter de la licéitéde l'utilisation des armes nucléaires
- mêmecom~te tenu de l'effet de ces armes sur la santéet l'environne-
ment - équivaudrait à ignorer le principe de spécialitcar une telle com-

pétencene saurait êtreconsidéréecomme nécessairement impliquéepar la
Constitution de l'organisation au vu des buts qui ont été assignés à cette
dernière par ses Etats membres; que les attributions de l'OMS dans le
domaine de la ((santépublique)) ne sauraient empiéter sur cellesd'autres
composantes du système des Nations Unies sans entraîner des doubles
emplois préjudiciablesau maintien et à l'efficacitédu système.La Cour
souligne en outre que les questions touchant au recours à la force, à la
réglementation des armements et au désarmement sont du ressort de
l'organisation des Nations Unies et échappent à la compétencedes ins-
titutions spécialisées.
C'est sur la base de ce raisonnement que la Cour a conclu que la ques-
tion sur laquelle porte la demande d'avis nesepose pas ((dans le cadre de

l'activité))del'OMS tel que définipar sa Constitution, que par suite une
condition essentielle pour fonder sa compétenceen l'espècefait défautet
qu'elle nepeut donc pas donner l'avis sollicité.Si la Cour est parvenue à
cette conclusion, c'est non seulement à cause d'une mauvaise interpréta-
tion fondamentale de la question soumise par l'OMS et de sa Constitu-
tion, mais c'est aussi à cause de la conception exagérémentétroite etformaliste qu'elle s'estfaite de la compétenceet du domaine d'activitéde
l'OMS, conception indéfendableaussi bien eu égard à la documentation
présentée à la Cour qu'eu égardau droit appicable.
J'aborde tout d'abord la conclusion de la Cour selon laquelle elle n'a
pas compétencepour donner un avis. Si la Cour a toujours soulignéque,
pour qu'elleait compétence àl'égard d'unedemande d'avis consultatif, il
faut que cette demande émaned'un organe dûment habilité à cet effet

conformément à la Charte et que la ((question se pose dans le cadre de
l'activitéde cet organe)) (Demande de réformationdujugement no273 du
Tribunal administratif des Nations Unies, C.I.J. Recueil 1982, p. 333-
334; voir aussiDemande de réformationdujugement no 158 du Tribunal
administratif des Nations Unies, C.I.J. Recueil 1973, p. 171-173), elle
n'en a pas moins souligné à plusieurs reprises qu'ilfaudrait des

((raisons décisivesour l'amener à opposer un refus àune demande
d'avis consultatif (Jugements du Tribunal administratif de l'OIT sur
requêtescontre l'Unesco, C.I.J. Recueil 1956, p. 86)», (Certaines
dépenses desNations Unies (article 17,paragraphe 2, de la Charte),
C.I.J. Recueil 1962,p. 155).

Jusqu'à ce jour, la Cour n'a jamais refuséde répondre à une demande
d'avisconsultatif en arguant d'un défautde compétence;ellea répondu à
chacune des questions qui lui ont étposées mêms eipour celail lui fallait
interpréterou reformuler la question.
C'est ainsi que, dans l'affaire concernant laDemande de réformation

du jugement no 273 du Tribunal administratif des Nations Unies men-
tionnéeplus haut, bien que la Cour ait notéun certain nombre d'irrégu-
larités procéduralesdans la manière dont la demande d'avis avait été
formuléeet bien qu'elleait fait observer que le libelléde la question ne
répondait pas aux intentions de l'organe requérant, elle n'a pas pour
autant refuséde se prononcer en la matière.Dans son avis, la Cour s'est
expriméeen ces termes :

((45. En dépitdes irrégularitésévoquées ..la Cour croit devoir,
pour des raisons qui vont maintenant êtreexposées,assumer la tâche
consistantà aider l'organisation des Nations Unies. Il est d'ailleurs
conforme à sa jurisprudence que, bien que l'article 65de son Sta-
tut donne un caractère discrétionnaire à sa compétence consulta-
tive, seules des ((raisons décisives))puissent justifier le rejet d'une
telle requêteC.I.J. Recueil 1973,p. 183;C.I.J. Recueil 1956,p. 86).

Certes les irrégularités qui, depuisle début,ont marquéla présente
affaire pourraient fort bien êtreconsidéréescomme des {(raisons
décisives))permettantà la Cour de déclinerla requête. Toutefoisla
stabilitéet l'efficacité desorganisations internationales, dont I'Orga-
nisation des Nations Unies représentel'exemplesuprême,sont d'une
importance si fondamentale pour l'ordre mondial que la Cour nesaurait manquer d'aider un organe subsidiairede l'Assemblée géné-
rale des Nations Unies à asseoir son fonctionnement sur des bases
fermes et sûres. Le risque de voir le rôle judiciaire de la Cour com-
promis ou discréditéeût étéune raison décisivede ne pas donner
suite à la requête;ce risque n'existepas en l'espèceet la Cour, par
conséquent, n'estime pas que des considérations d'autolimitation
judiciaire doivent l'empêcherde rendre l'avisconsultatif demandé. ...
Bien que, ..il ne puisse y avoir de restriction au pouvoir discrétion-
naire de la Cour, celle-cis'abstiendra de refuser sa ((participation..
à l'action de l'Organisation» (C.I.J. Recueil 1950,p. 71), afin que les
importants principes juridiques en jeu puissent êtreprécisés; mais

elle doit en même temps signalerles diverses irrégularitésde la pro-
cédure.Ce n'est pas en paraissant les ignorer que la Cour pourrait
s'acquitter de sa véritable fonctionjudiciaire.

46. ...Ainsi, en premier lieu,la question soumiseà la Cour, consi-
dérée en elle-mêmaep,paraît àla foismal posée etvague; en deuxième
lieu, les procès-verbaux etle rapport du comité permettent dedouter
que, telle qu'ellese présente,ellescorrespondent vraiment aux inten-
tions qui animaient le Comitéquand celui-ci a saisi la Cour.
.............................

47. La Cour doit donc se demander si elle doit se contenter de
répondre à la question telle qu'elle est poséeou, ayant examinécelle-
ci, refuser d'ydonner suite; ou si, conformémenta sajurisprudence,
elle doit s'efforcer de dégagerce qui lui paraît être l'intentionvéri-
table du Comité,puis de chercher à répondre,de façon rationnelle et
satisfaisante, aux ((points de droit ...véritablement mis en jeu»
(C.I.J. Recueil 1980, p. 89, par. 35)...L'exposé écrid tu Gouverne-
ment français souligne bien ce dilemme. Sans aller jusqu'à dire que
la Cour ne doit pas donner suite a la requête,ce gouvernement fait
observer que la question posée àla Cour ((n'indique pas les motifs
sur lesquels le Comitédes demandes de réformation s'estfondé pour
déciderque la demande présentéepar les Etats-Unis d'Amérique

((repose sur des bases sérieuses))et que de ce fait la Cour risque
d'«éprouverdes difficultésparticulièrespour exercer sajuridiction».

48. La Cour ne conclut cependant pas qu'en la présenteespèceces
raisons l'obligent à refuser son avis. Dans son avis consultatif sur
l'Interprétationde I'uccorddu 25 mars 1951entre l'OMS et I'Egypte,
la Cour a soulignéque:

«pour rester fidèleaux exigencesde son caractère judiciaire dans
l'exercicede sa compétence consultative,[la Cour] doit rechercher
quelles sont véritablementles questions juridiques que soulèvent
les demandes formuléesdans une requête))(C.I.J. Recueil 1980, p. 88,par. 35).» (Demande de réformationdujugement n" 273 du
Tribunal administratif des Nations Unies, C.I.J. Recueil 1982,
p. 347-349; les italiques sont de moi.)

Que l'on m'excusede cette longue citation mais il me paraît nécessaire
de montrer comment la Cour a exercésa compétence consultative par le
passé. Ainsi,dans l'affaire citée plushaut, où la Cour a trouvé que la

question n'avait pas été poséd eans les règles,où elle a admis que les irré-
gularitéscommises pourraient fort bien êtreconsidéréescomme des «rai-
sons décisives))luipermettant de déclinerla requêteet où elle a reconnu
qu'elle risquait d'éprouver des difficultéspour exercer sa juridiction, la
Cour n'en a pas moins été d'avis qu'elle ns eaurait manquer d'aider un
organe subsidiaire des Nations Unies à asseoir son fonctionnement sur
des bases fermes et sûres sous le prétextequ'ellehésiteraità se prononcer
sur les importants principes juridiques en jeu dans l'affaire.
Fidèle aux exigences de son caractère judiciaire dans l'exercice de sa
compétence consultative, la Cour a cherchéquelles étaient véritablement
les questions juridiques que soulevaient les demandes formuléesdans la

requêteet elle a donné l'avis sollicité. Cefaisant, elle n'a pas considéré
qu'elle discréditaitet moins encore compromettait son rôle judiciaire.
La Cour a par conséquenttoujours conçu de façon libéralesa compé-
tence consultative et, sans renoncer à son caractère judiciaire, n'a pas
envisagécettejuridiction de la manière exagérémentétroiteet restrictive
qu'elle a adoptéeen la présente affaire, alors mêmeque la question sou-
mise par l'OMS est non seulement d'une importance fondamentale pour
cette organisation, sous l'angle de ses fonctions constitutionnelles, mais
présente également un grand intérêtpour la réalisation de l'un de ses
buts, celui d'aprèslequel«la possession du meilleur étatde santéqu'il est
capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être
humain D.

Etant donné l'importance de la question posée par l'OMS dans sa
requête,si la Cour avait pris en considération le mandat de l'organisa-
tion dans son ensemble - mêmesi elle avait trouvé la question défec-
tueuse - elleaurait pu, comme elleavait compétencepour le faire, appli-
quer à la demande de l'OMS les mêmescritères que ceux qui avaient été
appliquésdans l'affaire citée plushaut, de façon à préciserlesimportants
principes juridiques en jeu. En plus, des raisons tenantà la cohérencede
sa jurisprudence militaient en faveur d'un traitement similaire.
En ce qui concerne le ((principede spécialité))et la conception qu'elle
s'enfait eu égard à la question posée,la Cour a fait observer à juste titre

que ce principe régitles relations internationales. En d'autres termes, les
organisations internationales n'ont que les pouvoirs et les fonctions qui
leur sont confiéspar les Etats. Si ces pouvoirs font normalement l'objet
d'une formulation expresse dans l'acte constitutif de l'organisation, la
Cour elle-mêmereconnaît que, en raison des exigences de la vie interna-
tionale, les organisations internationales peuvent exercer des pouvoirs
implicites qui, sans contrevenir à leur constitution, en sont la suite lo-gique et contribuent à en assurer l'efficacité.La Cour dit cependant que
reconnaître à l'OMS la compétence detraiter de la licéitéde l'utilisation
des armes nucléaires - ce qui, je l'ai déjà dit,dénaturele sens et I'inten-
tion de la question - équivaudrait à ignorer le principe de spécialité et

empiéterait sur les attributions d'autres composantes du système des
Nations Unies. Comme pour renforcer cette interprétation, la Cour
déclareque
«les questions touchant au recours à la forceà la réglementationdes
armements et au désarmementsont du ressort de l'organisation des
Nations Unies et échappent à la compétencedes institutions spécia-
lisées))(avisconsultatif, par. 26).

Certes les questions concernant le recours à la force, la réglementation
des armements et le désarmementsont du ressort de l'organisation des
Nations Unies et échappent à la compétencedes institutions spécialisées,
mais on n'en doit pas moins rappeler que l'OMS fait partie du système
des Nations Unies et que, si l'un des objectifsénoncésdans la Charte
est le maintien de la paix et de la sécuritéinternationales, l'organisation
doit aussi favoriser «la solution des problèmes internationaux dans les

domaines économique, social, de la santépublique et autres problèmes
connexes)). En outre, bien que l'OMS soit l'institution principalement
responsable des questions de santéau niveau international, la nécessité
d'une coopération internationale dans ce domaine est égalementmen-
tionnéepar la Charte dans sesarticles 13, 55, 57 et 62. Aux termes de l'ar-
ticle 13:
«1. L'Assemblée générap lerovoque des étudeset fait des recom-

mandations en vue de:
.............................
b) développerla coopération internationale dans les domaines éco-
nomique, social, de la culture intellectuelle et de l'éducation, de
lasantépublique ..» (Les italiques sont de moi.)

L'article55 dispose :
«En vue de créerles conditions de stabilitéet de bien-être néces-
saires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et ami-
cales fondéessur le respect du principe de l'égalité des droits des
peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes,les Nations Unies
favoriseront :

.............................
b) la solution des problèmesinternationaux dans les domaines éco-
nomique, social, de la santépublique et autres problèmes con-
nexes...)) (Les italiques sont de moi.)
L'article57 stipule ce qui suit

«1. Les diverses institutions spécialiséescréées par accords inter-
gouvernementaux et pourvues, aux termes de leurs statuts, d'attri-
butions internationales étendues dans les domaines économique, social, de la culture intellectuelle et de l'éducation,de la sanpu-
bliqueet autres domaines connexes, sont reliéeà l'organisation con-
formémentaux dispositions de l'article 63.
2. Les institutions ainsi reliéàsl'organisation sont désignées ci-
aprèspar l'expression ((institutions spécialisé» (Les italiques sont

de moi.)
L'article62 est ainsi conçu:

«1. Le Conseil économiqueet social peut faire ou provoquer des
études et des rapports sur des questions internationales dans les
domaines économique,social, de la culture intellectuelle et de l'édu-
cation, de la santé publique et autres domaines connexes et peut
adresser des recommandations sur ces questions à l'Assemblée géné-
rale, aux Membres de l'organisation et aux institutions spécialisées
intéressées. (Les italiques sont de moi.)

En d'autres termes, l'Assemblée généraa lecompétence, d'une manière
générale,pour les questions relatives à la santémais l'OMS reçoit une
mission spéciale à l'égardde ces questions en vertu de sa Constitution.
Selon cette Constitution, «la possession du meilleur état desantéqu'il
est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout
êtrehumain)) et ((la santéde tous les peuples est une condition fonda-
mentale de la paix du monde et de la sécurité)).Dela mêmemanière le
but primordial de l'organisation des Nations Unies est de ((maintenirla
paix et la sécuritéinternationales)). Il est donc facile de constater que,
mêmesi leConseil de sécuritéet, àun moindre degré, l'Assemblée géné-

ralejouent un rôle prééminentdans le maintien de la paix et de la sécurité
internationales, on a envisagéune coopération technique avec les insti-
tutions spécialiséespour parvenir à cet objectif commun. Il n'était pas,
semble-t-il, dans les intentions des auteurs de la Charte de confier le do-
maine de la paix et de la sécurité exclusivement à ces organes, du fait
qu'ilsyjouent un rôle prééminent,au point d'empêcherune coopération
technique avec d'autres organismes éventuellementchargés de s'acquit-
ter de leurs fonction- spécialementdans une situation d'urgence comme
celleque créerait l'utilisation d'armesnucléaires.En outre, on peut noter
que, parmi les fonctions de l'OMS énumérées à l'article 2 de sa Constitu-
tion, se trouvent les suivantes

«a) agir en tant qu'autoritédirectrice et coordonnatrice, dans le do-
maine de la santé,des travaux ayant un caractèreinternational;

d) fournir l'assistance technique appropriée et, dans les cas

d'urgence, l'aide nécessaireà la requêtedes gouvernements ou
sur leur acceptation;

f) établir et entretenir tels services administratifs et techniques
jugés nécessairesy, compris des services d'épidémiologie et de
statistique; g) stimuler et faire progresser l'action tendantà la suppression des
maladies épidémiques,endémiques etautres. ))

En réalitél'OMS a compétencepour traiter de tout ce que l'on peut
concevoir dans le domaine de la santéet, vu les fonctions qu'elle remplit

du fait qu'elle est l'institution spécialichargéedes questions de santé
sur le plan international, il serait tout naturel que les conséquencessani-
taires de l'emploi d'armes nucléairesentrent dans le cadre de son activité.
Dans une situation de ce genre, on demanderait à l'organisation et l'on
attendrait d'elle qu'elle dirigeet coordonne l'assistance médicale etsani-
taire au niveau international et qu'elle fournisse des conseils techniques,
par exemple sur la manière d'atténuer les effets du rayonnement, tant
immédiatement qu'à moyen et à long terme. Mention a déjàétéfaite de
l'épidémiede grippe qui a séviaprès la première guerre mondiale et du
fait que, la communauté ayant étésurprise sans préparation, l'épidémie
avait causéla mort de vingt millions de personnes, soit plus que la guerre
elle-même.L'OMS est l'organisme vers lequelles gouvernements se tour-

neraient pour obtenir des conseils si une telle éventualitése produisait en
raison de l'utilisation d'armes nucléaires.
L'Organisation des Nations Unies a envisagéune telle éventualitédans
sa résolution471168,dans laquelle elle s'est dite préoccupéepar les souf-
frances des victimes de catastrophes et de situations d'urgence (ce qui
serait le cas à la suite d'explosions nucléaires), lespertes en vies hu-
maines, les flux de réfugiés, lesdéplacementsmassifs de populations et
les destructions matérielleselle s'estdite aussi consciente qu'il fallait ren-
forcer encore et rendre plus efficaces les efforts collectifs déployéspar
la communauté internationaleet a décidé la créationdu département des
affaires humanitaires chargé de fournir une assistance humanitaire sur le
plan international lorsque des catastrophes se produisent.

Dans ladite résolution, l'Assemblée s'est dite profondément préoc-
cupéepar l'ampleur et les effets désastreuxdes catastrophes et des situa-
tions d'urgence qui appellent notamment une coopérationinternationale
accrue pour atténuer les souffrances de leurs victimes. Pour accélérer les
processus de relèvement et de reconstruction, l'Assembléea soulignéla
nécessitéd'une réactionadéquate, coordonnéeet prompte de la commu-
nauté internationaleaux catastrophes et aux situations d'urgence. Notant
le nombre et la complexitécroissants des catastrophes et des situations
d'urgence qui requièrent une aide humanitaire, elle a établi un comité
permanent interorganisations pour assurer une meilleure préparation
ainsi qu'une réaction rapide et cohérente aux catastrophes naturelles et

autres situations d'urgence, enparticulier aux situations d'urgence néces-
sitant un apport de vivres, de médicaments,d'abris et de soins de santé.
L'OMS est l'une des organisations qui ont été invitées à participer à ce
comité.
Dans cette résolution, l'Assemblée généralp erie ensuite le Secrétaire
généralde lui rendre compte des moyens d'améliorer encorela capacité
de l'organisation en matière de préventiondes catastrophes naturelles etautres situations d'urgence et en matière de planification préalable dans
ce domaine, s'agissant, enparticulier, des situations d'urgence nécessitant
un apport de vivres, de médicaments,d'abris et de soins de santé,comme
le rév voista résolution461182.
A cet égardégalement,le Secrétairegénérala signalé,dans son rapport
sur l'aide humanitaire et les secours en cas de catastrophe, un fait nou-
veau important pour l'action humanitaire de l'ONU, à savoir que le
Conseil de sécuritéyjoue un rôle plus actif, qu'il a attribuél'aide huma-
nitaire un rang élevéde prioritéet qu'il a mis au point un certain nombre
de modalités à cette fin (Al471595).
Cela étant, si, pour des raisons d'efficacité etde coordination et pour
éviter lesdoubles emplois, il convient de respecter le principe de ((spécia-

lité» quirégitles organisations internationales, il est erronéa mon sens
d'en donner une interprétation exagérémentétroiteet restrictive lorsqu'il
s'applique aux questions de santéet aux affaires humanitaires. 11a été
établi que l'utilisation d'armes nucléaires provoquerait une situation
d'urgence entraînant d'immenses souffrances pour lesvictimes, des pertes
en vies humaines, des flux de réfugiés, desdéplacementsmassifs de popu-
lations et la dégradation de l'environnement. Pour y faire face, on aura
besoin non seulement de l'action de l'OMS mais aussi de l'intervention
d'autres organismes techniques, l'objectif commun étant de protéger les
hommes et de sauver des vies. Cette coopération ne saurait êtreconsi-
déréecomme empiétant sur la compétence d'autres organes ou institu-
tions du système des Nations Unies, or l'affaire dont la Cour est saisie
concerne les effets de l'utilisation d'armes nucléairessur la santéet l'envi-
ronnement, questions qui relèventdu domaine de l'OMS et requièrent ce

genre de coopération si l'on veut agir efficacement. Quoi qu'il en soit,
l'OMS est la seuleinstitution spécialisée laquelle est confiéel'étudede la
santépublique. Si I'on interprétait trop étroitement le cadre de son acti-
vité,on pourrait considérer que,eu égard à cette activité, c'estle Conseil
de sécurité lui-mêmqeui empiètesur le domaine de la santé etdes affaires
humanitaires. On ne peut par conséquent soutenir que la demande d'avis
a violéle principe de ((spécialité)),violation quisemble avoir aussi inspiré
son rejet.
Il ne faudrait cependant pas considérer que l'on a, dans ce qui précède,
reconnu tacitement comine exacte l'opinion émisepar la Cour, à savoir
que la question poséepar l'OMS transgresse la règlede la spécialité,que
la demande d'avis elle-même constitue un empiétementsur la compétence
d'autres organes des Nations Unies et que l'organisation outrepasse
même lespouvoirs implicites dont la Cour a reconnu qu'ils pouvaient

êtreexercéspar les organisations internationales pour des raisons d'effi-
cacité,la conséquence nécessaireétant que l'OMS aurait pu user de ces
pouvoirs et saisir la Cour,à condition de ne pas agir ultra vires. Bien au
contraire le passage en question visea démontrerque, dans une situation
d'urgence résultant del'emploi d'armes nucléaires,les organismes tech-
niques des Nations Unies auraient a faire un effort de coopération; si I'on
interprétait trop étroitement la notion de ((cadre d'activité))des orga-nismes techniques comme I'OMS, celalimiterait inutilement et finalement
réduirait à rien leur efficacité.
Je suis d'accord avec la Cour pour admettre que, étant donnéles exi-
gences de la vie internationale, les organisations internationales peuvent

exercer des pouvoirs implicites qui ne soient pas en contradiction avec
leur acte constitutif et soient nécessairesl'efficacitéde leur action. Tou-
tefois la Cour n'est parvenue à la conclusion que l'OMS ne pouvait trai-
ter de la~licéitéde l'utilisation des armes nucléaires».mêmesur la base
de ces pouvoirs implicites, que parce qu'elle a donné à la question posée
une interprétation qui, je l'ai signalé,non seulement dénature - c'est le
inoins qu'on puisse dire - l'intention à laquelle répond cette question
mais encore ne résistepas à l'examen du droit et des faits. Tout d'abord,
les pouvoirs implicites étantceux que I'on peut raisonnablement déduire
de la pratique et des fonctions de l'organe en cause ou, comme la Cour l'a
dit dans l'affaire de la Répa~.ationdes domnzages subis au service des

Nations Unies, ces pouvoirs se limitant à ceux qui, s'ils ne sont pas
expressément énoncéd sans le statut d'un orgaile ((sont, par une consé-
quence nécessaire, conférés àcet organe en tant qu'essentiels à l'exercice
de ses fonctions))(C.I.J. Recueil 1949,p. 182),la question qui se pose est
de savoir si I'on peut considérer qu'en soumettant sa demande d'avis
I'OMS exerçait ses pouvoirs implicites, déduits de sa pratique et de ses
tâches et essentielsàses fonctions. Il convient de chercher la répoilseàla
fois dans la Constitution et dans la pratique de l'organisation.
Comme il a déjà étéindiqué, l'OMS a pour but ((d'amener tous les
peuples au niveau de santéle plus élevé possible» et, afin d'atteindre ce

but, s'est vu assignercertaines fonctions mentionnées précédemmentE . n
outre, au cours des années,I'OMS s'est occupée,comme on l'a montré,
des effets de l'arme nucléairesur la santé.

On a déjànotéet démontré quel'utilisation d'armes nucléairesdans un
conflit arméentraînerait une catastrophe créant une situation d'urgence
dans le domaine de la santéet de l'environnement. Cela étant, si pour
poser la question l'organisation arguait de ses pouvoirs implicites, elle
serait d'aprèsmoi en droit de le faire car il s'agit pour elle d'obtenir des
conseils juridiques quant à l'exercice de ses fonctions et a la manière

d'atteindre ses objectifs- à savoir favoriser la santéde tous les peuples
- et aussi de vérifier sides Etats utilisant des armes ilucléaires,avec les
conséquencesque cela comporte pour la santé et l'environnement, viole-
raient leurs obligations au regard du droit international, y compris la
Constitution de l'OMS. En d'autres termes, I'OMS est, selon moi, habi-
litéeà demander à la Cour de dire si leseffets d'une certaine activité de la
part d'un Etat violeraient les obligations imposées à cet Etat par le droit
international, y compris la Constitution de I'OMS. La Cour a reconnu
cette situationlorsqu'elle a dit, dans l'affaire de la Réparationdes dom-
mages subis au service desNations Unies,que «les droits et devoirs d'une

entitételle que l'Organisation doivent dépendre des buts et des fonctions
de celle-ci, énoncésou impliquéspar son acte constitutif et développésdans la pratique)) (C.I.J. Recueil 1949, p. 180).Antérieurement,la Cour
permanente avait fait observer, dans son avis consultatif sur lesécrets
de nationalité promulguésen Tunisie et au Maroc, que le point de savoir
si une certaine question relèveou ne relèvepas uniquement de la compé-
tence d'un Etat est tout relatif et dépenddu ((développementdes relations
internationales)) (C.P.J.I. sérieB no 4).
Dans l'affaire de laNamibie, la Cour a soulignéque, lorsqu'elle inter-
prète un instrument, elle doit prendre en considération les transfor-
mations survenues au cours des annéescar son interprétation ne peut
manquer de tenir compte de l'évolutionque le droit a ultérieurement
connue. La Cour a dit encore:

«De plus, tout instrument international doit être interprétéet
appliquédans le cadre de l'ensembledu systèmejuridique en vigueur
au moment où l'interprétation alieu))(Conséquencesjuridiques pour
les Etats de la présence continue de I'Afiique du Sud en Namibie
(Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution276 (1970) du Conseil
de sécurité,C.I.J. Recueil 1971,p. 31).

La référence à l'affaire desDécretsde nationaliténe tend nullement à
suggérerque l'OMS soit un Etat, et moins encore un super-Etat, comme
la Cour l'a dit dans l'affaire de la Réparationdes dommages; la référence
à l'affaire dela Namibie n'y tend pas davantage. Ce que l'on veutfaire
valoir ici, c'estque, lorsque les deux Cours ont euinterpréterdes docu-
ments pertinents, elles ont pris en considération l'évolutiondu droit et
ellesl'ont faitdans le cadre de l'ensembledu systèmejuridique en vigueur
au moment où l'interprétation avaitlieu.

Autrement dit, pour déterminerla compétenceou le domaine d'activité
de l'OMSpar rapport à sa Constitution et en ce qui concerne les effets de
l'utilisation des armes nucléairessur la santéet l'environnement. on doit
tenir compte du rôle et de la pratique de l'organisation dans des situa-
tions semblables à celles que créerait l'emploi d'engins nucléaires simi-
laires. La preuve en est que l'OMS étudie depuis de nombreuses années
les conséquencesde l'utilisation des armes nucléairessur la santé et qu'en
1984et en 1987ellea présentédes rapports détaillés concernant les effets
de la guerre nucléairesur la santéetles servicesde santé.Plus récemment,
l'organisation s'est occupée des séquelledse l'accident de Tchernobyl,à
savoir l'explosion en1986d'une centralenucléairequi a fait de nombreux
morts et suscité degrandes craintes en raison des menaces de rayonne-
ment qu'elleprovoquait. Immédiatementaprèsl'accident, l'OMS, en col-
laboration avec le gouvernement du pays en cause, a pris de nombreuses

initiatives qui ont aboutil'institution du Programme international sur les
effets sur la santéde l'accident de Tchernobyl (PIESAT). On a indiqué
aue neuf millions de Dersonnesau moins avaient été touchées. directement
ou indirectement, et que dans l'un despays concernésles taux de morbi-
dité étaientsupérieurs detrente pour cent pour les habitants de la région
contaminéeet de plus de cinquante pour cent pour les personnes résidant
dans le voisinage immédiatdu réacteur.Les cancers de la thyroïde étaientenviron deux cent quatre-vingt-cinq fois plus nombreux, les victimes
étantsurtout des enfants, et la situation sanitaire généralede la popula-
tion habitant la régionimmédiatement touchéecontinuait à s'aggraver.
Dix ans après, l'OMScontinue à surveiller ses répercussionssanitaires et
à s'efforcer d'atténuer par son aide les conséquences de cet accident
nucléairesur la santédes personnes atteintes. Le PIESAT est doté d'un

large mandat, à savoir soutenir toute action qui tendà juguler les consé-
quences de l'accident sur le plan de la santé en apportant son aide aux
autorités sanitaires des pays touchés, spécialementdans les zones conta-
minées defaçon importante par le rayonnement.
Bien que l'accident de Tchernobyl ne se soit pas produit au cours d'une
guerre, on peut y voir une analogie avec ce qui résulterait de l'utilisation
d'armes nucléairesdans un conflit car les effets sur la santéet l'environ-
nement sont semblables àceux qu'auraient causés desarmes nucléaires, à
ceci près que, dans une guerre nucléaire, ces effetsseraient bien pires
encore et les conséquences bien plus graves.Néanmoins l'expérienceque

cet accident a permis à l'OMS d'acquérir devraitse révéler utileet salu-
taire si le pire devaitjamais arriver. La pratique offre donc suffisamment
d'élémentssur le rôle aueLioudrait l'OMS dans un conflit où l'arme
nucléaireserait utiliséepour que l'intérêjturidique de l'organisation s'en
trouve justifié et qu'ilapparaisse clairement qu'en posant la question elle
exerce légitimementses pouvoirs implicites.
Je me suis efforcé jusqu'ici de démontrer pourquoi le raisonnement
suivi par la Cour pour aboutir à sa conclusion n'est pas persuasif et n'est
pas défendable. Il est plus regrettable encore que la Cour, ayant jugéque
l'OMS étaiten droit de soumettre sa demande et que la question était

légale,se soit interdit d'y répondre en arguant du défautde compétence
alors qu'en fait, si elle s'en étaittenue sa jurisprudence et si elle avait
tenu compte comme il convient des fonctions et de la pratique de l'Orga-
nisation, elle aurait sans l'ombre d'un doute constatéqu'elleavait qualité
pour répondre à la question.
Pour examiner une demande d'avis consultatif et éviterce qui pourrait
passer pour une tentative visant à écarter une question controverséeet
difficilesous prétexted'un défautde compétence,la Cour s'est efforcée de
((rechercher quelles sont véritablement les questions juridiques que sou-
lèvent les demandes formulées dans une requête)) (Interprétation de

l'accord du 25 mars 1951 entre l'OMS et I'Egypte, C.I.J. Recueil 1980,
p.88) et, chaque fois qu'elle l'a jugé nécessaie,llea définiou réinterprété
la question poséeafin de trouver et de fournir une réponse à ce qu'il y
avait de crucial dans la demande. Dans l'affaire de l'Admissibilité de
l'audition de pétitionnairespar le Comité du Sud-Ouest africain, sir
Hersch Lauterpacht s'est expriméen ces termes:

«[la Cour] jouit d'une latitude considérablepour interpréter la ques-
tion qu'on lui pose, ou pour formuler sa réponsede manière à rendre

son rôle consultatif utile et effectif.
Sans aucun doute, il est souhaitable que. par une concision exa- géréel,a demande d'avis consultatif n'oblige pas la Cour à sortir des
limites de la question telle qu'elle estformulée.L'absence du degré
nécessaire de précisionou de détaildans l'énoncéde la requête ne
dispense pourtant pas la Cour du devoir de répondre de façon utile
et exacte, conformément au véritablebut de sa fonction consulta-
tive.))C.I.J. Recueil 1956, p. 37-38.)

La question posée àla Cour est de savoir si,
«compte tenu des effets des armes nucléairessur la santé et l'envi-

ronnement, leur utilisation par un Etat au cours d'une guerre ou
d'un autre conflit arméconstituerait ... une violation de ses obliga-
tions au regard du droit international,y compris la Constitution de
1'0~s)).

Non seulement, nous l'avons vu,la Cour a interprétéla question comme
si elleconcernait, en tant que telle,a licéitémêmdee l'utilisation par un
Etat d'armes nucléairesdans un conflit armé» - inter~rétation aui s'est
révéléd ees plus malheureuses et qui a servi de base aux conclusions aux-
quelles la Cour est parvenue -, mais encore cette interprétation a permis
à la Cour de déciderd'entendre, pendant les mêmes audiencespubliques,
les exposésoraux relatifs à la demande d'avis consultatif sollicitépar
l'Assemblée générale deN sations Unies sur le point de savoir s'il est
«permis en droit international de recourir à la menace ou à l'emploi
d'armes nucléairesen toute circonstance)),question qui, d'aprèsla Cour,
devait l'amener à se prononcer sur la licéitéou I'illicéide la menace ou
de I'em~loid'armes nucléaires.
Indépendamment du fait que les deux questions sont soumises l'une
par un organeet l'autre par une institution spécialiséedesNations Unies,

doté chacun de fonctions essentiellement différentes, cesquestions ne
sont pas identiques, mêmesi elles offrent des similitudes. En outre, bien
qu'un but différentait été assigné à chacune d'elles,la Cour ne les a pas
moins interprétées detelle manière qu'elle leur a conféréun sens presque
identique. C'est cette interprétation- qui a restreint le sens de la ques-
tion poséepar I'OMSet en a fait une question sur la licéitémêmdee I'uti-
lisation des armes nucléaires.comme dans le cas de la auestion émanant
de l'Assemblée générale -, qui a amené la Cour à conclure que la
demande d'avis consultatif présentéepar I'OMS ne portait pas sur une
question qui se posait dans le cadre de l'activitéde cette organisation et
qu'une condition essentiellepour fonder sa compétenceen l'espècefaisait
défaut. L'interprétation ainsi donnée à la question de l'OMS non seule-

ment était fondamentalement erronée mais encore s'est révélé fatale àla
requête del'organisation.
La question soumise par l'OMS ne concerne pas en soi I'illicéité de
l'utilisation d'armes nucléaires.l ne s'agit pas de savoir si la menace ou
l'utilisation d'armes nucléairesserait en soi une violation de l'article,
paragraphe 4, de la Charte qui interdit le recoursà la force dans les rela-
tions internationales;la question n'est pas formuléenon plus par rapport UTILISATION DES ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISS.KOROMA) 202

à l'article 11de la Charte qui concerne le maintien de la paix, y compris
les principes régissant le désarmement et la réglementation des arme-
ments, et ellene vise pas au premier chefà rechercher si un Etat violerait
les obligations que lui impose l'article39 de la Charte eu égard à une
menace contre la paix, à une rupture de la paix ou à un acte d'agression.
Or c'est essentiellementdans ce contexte que la Cour a envisagé laques-
tion et c'est pourquoi l'avis consultatif est riche en référencesa licéité
ou à l'illicéitde telles armes. Qu'il me soit permis de rappeler certaines
de ces références: lorsqu'elle définliet domaine d'activitéou le champ de
compétence de l'OMS, la Cour aboutit à la conclusion qu'aucune des

fonctions assignées à l'organisation par l'article 2 de sa Constitution ne
vise expressémentla licéité d'une quelconqua ectivité dangereuse pour la
santé et m'aucune de ces fonctions n'v estrendue tributaire de la licéité
des situations qui lui imposent d'agir. En interprétant la question, la
Cour dit qu'elleporte non sur les effets de l'utilisation d'armes nucléaires
sur la santé et l'environnement mais sur la licéité de l'utilisation de telles
armes et elle conclut que la compétence de l'OMS pour traiter de ces
effetsn'estpastributaire de la licéité dactes qui lesproduisent. Au para-
graphe 22, la Cour déclare: «En particulier, la licéiou l'illicéide l'uti-
lisation d'armes nucléaires neconditionne en rien lesmesures spécifiques,
de nature sanitaire ou autre ...qui pourraient s'imposer)), ou encore:

«Que des armes nucléairessoient utiliséeslicitement ou illicitenzent,leurs
effets sur la santé seraient identiques)) (les italiques sont de moi). Dans
un autre passage du mêmeparagraphe, la Cour préciseque, s'ilest vrai-
semblable que l'utilisation d'armes nucléairespourrait porter gravement
atteinteà la capacitématériellede l'OMS, il n'en reste pas moins que la
question de la licéitéou de l'illicéide l'emploi de ces armes serait sans
pertinence à cet égard. A propos du principe de «spécialité»,la Cour
indique au paragraphe 25 que reconnaître à l'OMS la compétence de
traiter de la licéitéde l'utilisation des armes nucléaires mêmecompte
tenu de l'effet de ces armes sur la santéet l'environnement - éauivau-
draità ignorer le principe de ((spécialité. n voit donc que, selon l'inter-

prétation de la Cour, la question à résoudreest de savoir si le recoursà
des armes nucléairesserait en soi licite ou illicite alors que la vraie ques-
tion est de savoir si le recours des armes nucléairesmettrait en jeu ou
violerait les obligations des Etats relativesa santéetà l'environnement.
En d'autres termes, mêmesi la violation de l'obligation a pour cause l'uti-
lisation d'armes nucléaires, la question posée par l'OMS concerne les
conséquencesde cette utilisation pour la santé et l'environnement. La
Cour elle-mêmea reconnu que c'étaitlà une interprétation possible de la
question quand elle a dit, au paragraphe 21 de son avis consultatif:

((Interprétéessuivant leur sens ordinaire, dans leur contexte età

la lumièrede l'objet etdu but de la Constitution de l'OMS, ainsi que
de la pratique suiviepar l'organisation, les dispositions de l'article
peuvent êtrelues comme habilitant l'organisation à traiter des effets
sur la santé de l'utilisation d'armes nucléaires.ou de toute autrei- vitédangereuse, et à prendre des mesures préventives destinées à
protégerla santédes populations au cas où de telles armes seraient
utiliséesou de telles activités menées.»

Mais au lieu d'adopter cette interprétation, la Cour en a choisi une autre
qui lui permettait de ne pas se prononcer sous prétexte d'un défautde
compétence.
Puisque selon moi la requête de l'OMS ne concerneni la licéité ni l'illi-
céitéen soi des armes nucléaires - contrairement a l'interprétation dela
Cour-je m'efforcerai maintenant d'interpréterla question de manière à
en faire ressortir la véritable intention, établissantainsi qu'elleentre dans
le cadre de l'activité et desfonctions de l'Organisation.

En premier lieu et comme je l'ai mentionné précédemment,la Cour
a, dans l'exercicede sa compétence consultative, interprétéou reformulé
des demandes d'avis à la fois pour cerner l'objet de la question et pour
pouvoir donner une réponse pratique et utile. Ce faisant, la Cour a dû
prendre plusieurs facteurs en considération, entre autres les circonstances
dans lesquelles la demande avait été présentélee,s termes de la résolution
qui la contenait, les débatsdont elle avait fait l'objet avant son adoption
par l'organe requérant et les divergences entre les différentes versionsdu

texte. Lorsquela Cour a reformuléou réinterprété une questioni,l semble
qu'elle se soit préoccupéede lui donner un sens qui mette en relief le pro-
blème posécompte tenu des circonstances portées à sa connaissance dans
le cadre de sa fonction judiciaire. Chaque fois qu'elle a procédé dela
sorte, la Cour a invariablement adoptéune interprétation moins restric-
tive de la question aprèss'être efforcéd ee déterminer l'intention véritable
à laquelle elle répondait ou les problèmes critiques en jeu ou bien elle a
interprétéla question de façon qu'elle coïncide avecle vŒu de l'organe
requérant (Ville libre de Dantzig et OIT, C.P.J.I. sérieC no 18 (II),
p. 145-146, p. 192-193).

En d'autres termes - et on l'a soul"enéAus haut - il étaitloisiblà la
Cour, vu l'importance des problèmes soulevéspar la demande d'avis, de
reformuler la question de façon qu'elle s'applique à toute la matière au
sujet de laquelle l'OMS voulait un avisjuridique autorisé. La Cour n'en
a pas moins décidéde suivre une autre méthode,bien que les faits ne fus-
sent en l'espèceni contestésni douteux.
Certes la résolutionpar laquelle l'avisconsultatif est demandén'est pas
un traitémais on peut s'inspirer pour son interprétation, comme la majo-
rité dela Cour l'a fait, des dispositions pertinentes de la convention de

Vienne de 1969 sur le droit des traitéspour établir quela question for-
muléedans la résolution relèvede la compétenceou du domaine d'acti-
vitéde l'organisation tel que définispar sa Constitution.
L'article 31de la convention dispose:

«1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordi-
naire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la
lumièrede son objet et de son but. 2. Aux fins de l'interprétation d'un traité, le contexte comprend,
outre le texte, préambuleet annexes inclus:

........................
3. 11sera tenu compte, en même tempsque du contexte:
.............................

b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du
traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de
l'interprétation du traité)).
L'article 32 préciseque

((11peut être fait appelà des moyens complémentaires d'interpré-
tation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances
dans lesquellesle traitéa étéconclu, en vue, soit de confirmer le sens
résultant de l'application de l'article 31, soit de déterminer le sens
lorsque l'interprétation donnéeconformément àl'article 3:

a) laisse le sens ambigu ou obscur; ou
b) conduit à un résultatqui est manifestement absurde ou déraison-
nable.))
Ces articles consacrent donc lesdifférentesmanièresd'envisager l'inter-
prétation des traités,qu'il s'agissede la méthodetextuelle, de la méthode
téléologiqueou du recours à l'intention des parties. L'article 31 stipule
que, pour l'interprétation d'un traité, on doit attribuer aux termes de
celui-ci le sens ordinaire et que le contexte dont on doit tenir compte

comprend le préambule. On peut aussi prendre en considération la pra-
tique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est
établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétationou du sens du
traité.
Pour interpréterla Charte des Nations Unies, la Cour s'est fréquemment
référéd eans sa jurisprudence à la pratique ultérieure de l'Organisation
(Conditions de I'udinissiond'un Etat comnzeMembre des Nations Unies
(article 4 de la Cltarte), avisnsultat~ 1948, C.I.J. Recueil 1947-1948,
p. 57; Compétence de I'Assenzbléegé~zérap leour l'admissiond'un Etat
Etat auxNationsUnies,avis consultut$ C.I.J.Recueil1950,p. 4; Certaiizedé-
penses desNations Unies(article17,paragraphe2,de laCharte),avisconsul-
tatg C.I.J. Recueil 1962, p. 151). En outre lorsque l'interprétation d'un
traitélui aurait sembléconduire à un résultat manifestement absurde ou

déraisonnablecompte tenu de l'objet etdu but du traité,la Cour a inter-
prétéla Charte comme conférantdespouvoirs implicitespermettant à l'ins-
titution en cause d'agir de façon efficace. Dans l'affaire concernantCer-
tainesdépenses des Nations Unies, la Cour étaitpriée dedonner un avis sur
la question de savoir si les dépenses autoriséespar les résolutions de l'As-
sembléegénérale relativesaux opérationsde maintien de la paix et comp-
tabilisées séparément étaient des ((dépensesde l'Organisation» au sens de
l'article 17, paragraphe 2, de la Charte des Nations Unies. On a objecté
qu'en vertu de l'article 65,paragraphe 2, de son Statut la Cour ne pouvaitrépondre qu'à une requêteformulant en termes précisla question sur
laquelle l'avis de la Cour est demandéet qu'en l'espèceon ne pouvait
répondre à la question posée qu'après avoir examiné si les dépenses
avaient étécontractées conformémentaux dispositions de la Charte en
général, cet examendevant être faitavant que l'on puissese prononcer
sur lepoint de savoir sicesdépensesétaient conformes à l'article 17,para-
graphe 2. La Cour a rejetéces objections en faisant valoir que I'Assem-

blée générala evait refuséde demander à la Cour un avis sur le point de
savoir sices dépensesavaient été décidéc esnformémentaux dispositions
de la Charte et que la Cour pouvait répondreà la question posée eninter-
prétant l'article 17, paragraphe 2, dans le cadre de l'ensemble de la
Charte. Elle a dit:

((lorsque l'Organisation prend des mesures dont on peut direàjuste
titre qu'ellessont appropriées l'accomplissement desbuts déclarés
des Nations Unies, il esà présumerque cette action ne dépassepas
les pouvoirs de l'Organisation» (C.I.J. Recueil 1962, p. 168).
C'est égalementune règled'interprétation qu'un traiténe doit pas être

interprétérestrictivement si cette interprétation doit êtrecontraire au
texte-du traitélui-même.
La résolution WHA46.40 aappelél'attention sur les effets de l'utilisa-
tion d'armes nucléairessur la santéet l'environnement ainsi que sur ses
conséquences àlong terme. Elle note aussi qu'ila ététabliqu'aucun ser-
vice de santéau monde n'était capable d'améliorer de manière significa-
tive une situation résultant de l'utilisation ne serait-ce que d'une seule
arme nucléaire. Elle note en outre la préoccupation des milieux de la
santépartout dans le monde devant la menace que constituent les armes
nucléairespour la santé et l'environnement ainsi que le rôle de l'OMS
qui, étantl'institution chargéede traiter de la santépublique sur le plan
international, auraità prendre des mesures visant à la préventionpri-

mairedes risquespour lasantéquidécouleraiend t e l'utilisationd'armesnu-
cléaires.La résolution demande que l'on précisecomment la question
des effets de l'utilisation d'armes nucléaires est envisagau regard du
droit international- ce sur quoi des vues trèsdivergentes ont étémises
par les Etats membres au cours des quarante-huit dernièresannées.
D'après la documentation fournie à la Cour et comme on l'a noté
précédemment,l'explosion d'une seule arme nucléaire, intentionnelle
ou accidentelle, au-dessus d'une grande ville comme Boston, aux Etats-
Unis d'Amérique(population de 2844000 habitants), entraînerait, selon
le United States Arms Control and Disarmement Agency (office des
Etats-Unis pour la réglementation des armements et le désarmement),
695000 décèsimmédiats et 735000 blessés.Sur les 5186 médecins,la

moitié(2593)serait en mesure de soigner les blessés,ce qui ferait quelque
284 blesséspour chaque médecindisponible. Sur les 48 hôpitaux pour
cas d'urgence disposant de 12816lits - hôpitaux qui sont surtout situés
dans la zone urbaine visée - 38 seraient détruitsou très endommagés.
Ainsi 83 % des lits d'hôpital seraient anéantis,ce qui laisserait 2135 litspour soigner 735000 blessésgraves. Il est manifeste que, vu lenombre de
personnes nécessitantun traitement médical,les ressources et les services
médicauxdu pays tout entier seraient submergés.S'il s'agissait de véri-
tables hostilités,l'attaque ne se limiterait pasune seule ville.
Une attaque nucléaire massive dirigée contre le Royaume-Uni tuerait
ou blesseraitla moitiéde la population et quatre-vingt-dix-septpourcentdes
Londoniens. Non seulement leshôpitaux, lesmédecins, les infirmières, les
autres professionnels et techniciens de la santéseraient trop peu nom-
breux mais encore les antibiotiques, les injections parentérales,les panse-
ments, le matérielchirurgical et tous les élémentd'une technologie médi-

cale sophistiquée feraient défaut.Les problèmes auxquels le personnel
sanitaire auraitàfaire face seraient immenses. Non seulement il manque-
rait de presque tout ce qui est nécessairepour soigner, mais encore il
devrait extraire les blessésdes décombres des bâtiments démolis, les
transporter dans des rues encombrées de débris, obstruées par des incen-
dies, contaminéespar la radioactivité, il ne disposerait que de peu de
moyens detransport, sitant est qu'il en reste,et il devrait se passer d'élec-
tricitéet de carburant, tout en s'inquiétantpour ses proches et pour lui-
même.Si un plus grand nombre d'engins devait exploser pendant une
guerre, cela aurait des conséquences globaleset entraînerait non seule-
ment des blessures d'ordre médical à court ou àmoyen terme mais aussi
des effets graves sur l'environnement, la désorganisation des transports
et de l'acheminement des vivres,du carburant et des fournitures médi-
cales de base, débouchantéventuellementsur des famines au niveau mon-

dial. On a signalé aussià la Cour que, selon des étudesplus récentes,le
nombre des victimes atteindrait plus vraisemblablement le milliard ou
davantage et l'on a mis en doute que l'espècehumaine puisse mêmesur-
vivre sur la Terre.
Selon sa Constitution, l'OMS a pour fonctions de recueillir et de dif-
fuser les renseignements concernant les maladies épidémiques,traiter de
situations d'urgence néesde l'état de guerre, mettreen Œuvre despro-
grammes de secours et de grands programmes internationaux dans le
domaine de la santépublique, prendre des mesures sanitaires et de qua-
rantaine pour éviterles épidémies faisant suiteà l'état deguerre, aiderà
la reconstruction des servicesnationaux de santépublique touchéspar la
guerre et, d'une manièregénérale,prendre toute mesure nécessairepour
atteindre le but assignéà l'organisation. Il semblerait que ces fonctions
placent les conséquencesde l'arme nucléairesur la santé et l'environne-

ment dans le cadre de l'activitéou de la compétence de l'OMS.
En outre, si l'on considère la pratique passéede I'OMS, on constate
que l'organisation se préoccupedepuis de nombreuses annéesdes effets
sur la santé des armes de destruction massive en général et desarmes
nucléaires enparticulier. Cette pratique, acceptéepar tous les Etats inté-
ressés,fournit une preuve majeure et sûre qui peut êtreutiliséepour inter-
préterla résolution WHA46.40eu égard àla Constitution de l'Organisa-
tion. Depuis les années soixante,I'OMS coopèreavec l'ONU au sujet de
l'interdiction des armes chimiques et biologiques et a présenté desrap-ports relatifs aux effets de ces armes sur la santé. Apartir de la résolu-
tion WHA34.38 et sur la base de cette dernière, le Directeur généralde
l'OMS a instituéen 1983une commission internationale d'experts qui a
remis un rapport sur les effets de la guerre nucléairesur la santé et les
services de santé.L'Assembléede l'organisation a approuvéles conclu-
sions de la commission par sa résolutionWHA36.28 et recommandéla
poursuite des travaux. C'est cette recommandation qui est à l'origine du
rapport de 1987intituléEffets de laguerre nucléairsur la santéet les ser-
vices desanté.
Si des controverses ont marqué le débatquia abouti à l'adoption de la
résolutionWHA46.40, nul n'a niéque la question des effets des armes

nucléairessur la santérelevait de l'OMS. Certes detels débatsne lient pas
la Cour mais, par le passé,lorsque la Cour a voulu interpréter certaines
questions et connaître les problèmes réellement en jeu,elle a pris en
considérationles débatsqui s'étaientdéroulésau sein de l'organe auteur
de la résolution qui contenait la question. Sur ce point encore, la Cour
n'a pas jugébon de suivre sa pratique. Comme on l'a déjà mentionné,
l'article 31 de la convention sur le droit des traités présuppose que,
s'agissant d'interpréter un traité, on peut se référer la pratique ulté-
rieure pour établir l'accord desparties à l'égard de l'interprétationdu
traité.Si1'01tient compte de ce qui précède,lefait que la Cour ait estimé
que la question n'entrait pas dans le cadre de l'activitéou de la compé-
tence de l'organisation tend àindiquer que la Cour n'a évaluéde façon
réaliste ni ladocumentation qui lui étaitsoumise ni la pratique de I'Orga-
nisation afin de se mettre en mesure de fournir une réponse utile à la

question posée.
Il reste maintenantà déterminersi, eu égard à ses effets sur la santé et
l'environnement, l'utilisation d'armes nucléaires violeraitles obligations
assuméespar les Etats ou, en d'autres termes, à déterminerquels prin-
cipes s'appliqueraient éventuellement à la question. A ce sujet, il faut
d'abord souligner ceci: un principe de droit international veut que les
Etats soient liéspar les obligations qu'ils ont acceptées et que leur
conduite ou leur activitésoit conforme à ces obligations. En vertu de la
Charte des Nations Unies, on doit respecter les obligations découlantdes
traités ou d'autres sources de droit. L'article 26 de la convention de
Vienne sur le droit des traitésdispose que tout traitéen vigueur lie les
parties et doit êtreexécutépar elles de bonne foi. Cette exigence figure
égalementdans la déclarationrelative aux principes du droit internatio-
nal touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats

conformément à la Charte des Nations Unies (résolution2625 (XXV)de
l'Assemblée générale 1,970)où il est dit que chaque Etat a le devoir de
remplir de bonne foi les obligations qu'il a assumées
a) conformément àla Charte des Nations Unies;
b) en vertu des principes et règles généralemenrteconnus du droit inter-
national;c) en vertu d'accords internationaux conformes aux principes et règles
généralementreconnus du droit international.
Le principe selon lequel les obligations doivent êtreremplies de bonne

foi exige des Etats non seulement qu'ils mettent à exécutionles obliga-
tions qu'ils ont assumées mais aussi qu'ilss'abstiennent de commettre des
actes qui pourraient faire échec à ces obligations.
De telles obligations peuvent découler de traités, de règles du droit
international coutumier et de principes générauxdu droit international.
L'inexécutionou la violation de ces obligations entraîne une responsabi-
litésur le plan international. Celle-ci revêt uneimportance plus grande
encore lorsqu'il s'agit d'obligations nSes du droit des conflits arméset
plus particulièrement du droit international humanitaire dont le but prin-
cipal est de protéger les êtres humainsen temps de guerre et d'atténuer
leurs souffrances physiques et psychologiques. En conséquence,les Etats
belligérantsont le devoir de respecter le principe d'humanitéen période
de guerre.
La question poséepar l'OMS met donc en jeu aussi la responsabilité

des Etats. autrement dit le oint de savoir si. en faisant ex~loserune arme
nucléaire pendant une guerre ou un conflit armé, un Etat violerait les
obligations juridiques qu'il a assuméesau regard du droit international,
en raison des effets de cette explosion sur la santé des hommes et l'envi-
ronnement naturel. Ces obligations peuvent résulterde la violation d'un
traité ou d'un devoir juridique. Elles peuvent découler aussi de la com-
mission d'un acte illégalou d'une activitéliée à l'emploi d'armes inter-
dites dans un conflit armé.Dans l'affaire du Détroit de Cocfou, la Cour a
jugéque le fait que l'Albanie avait mouillé des minesdans ses eaux ter-
ritoriales et n'avait pas averti la navigation du danger entraînait des
conséquencesdont elle était responsable. La Cour a dit:

«Ces graves omissions engagent la responsabilitéinternationale de
l'Albanie.
En conséquence,la Cour est arrivée à la conclusion que l'Albanie
est responsable, selon le droit international, des explosions qui ont
eu lieu le2 octobre 1946dans les eaux albanaises, et des dommages
et perteshumaines qui en suivirent..» (C.I.J.Recueil 1949, p. 23; les
italiques sont demoi.)

En conséquence,la tâche judiciaire de la Cour aurait dû être de déga-
ger et d'appliquer le droit international, y compris la Constitution de
l'OMS, relatif à la question posée,de préciserles obligations éventuelle-
ment imposéespar ces règleset sur la base de la documentation qui lui

était fournie,puis de dire si, en raison de ses effets sur la santé et l'envi-
ronnement, l'utilisation d'armes nucléairesau cours d'une guerre ou d'un
autre conflit armé constituerait une violation de ces obligations. Telle
avait étéla pratique tant de la Cour actuelle que de sa devancière dans
l'exercicede leur compétence consultative. Les deux Cours ont ((réguliè-
rement procédé à de simples constatations de faits sur la base de la docu-mentation qui leur était fournie» (Rosenne, Law and Practice of the
International Court, 2"éd.revisée,p. 701) ou sur la base de témoignages.
En ce qui concerne l'enquêtesur les faits, la Cour permanente a estimé,
dans l'affaire du Statut de la Carélieorientale (C.P.J.I. sérieB no 5,
p. 28), que, si les faits sur lesquels l'avis de la Cour était demandé
n'étaient pas controverséset n'appelaient pas de sa part de vérification,
elle serait disposéeà les prendre en considération. Cette attitude a été
confirméedans l'affaire de la Namibie où la Cour actuelle a dit:

((Selon la Cour, ce n'est pas parce que la question poséemet en
jeu des faits qu'elleperd le caractère de ((questionjuridique)) au sens
de l'article 96 de la Charte. On ne saurait considérer que cette dis-
position oppose les questions de droit aux points de fait.our être à

mêmede se prononcer sur des questionsjuridiques, untribunal doit
normalement avoir connaissance desfaits correspondants, lesprendre
en considérationet, le cas échéant, statuer a leur sujet. Les limites
que le Gouvernement sud-africain prétend assigner aux pouvoirs de
la Cour n'ont de fondement ni dans la Charte ni dans le Statut.»
(Conséquencesjuridiques pour les Etats de la présence continuede
l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la
résolution276 (1970) du Conseil de sécurité,C.I.J. Recueil 1971,
p. 27; les italiques sont de moi.)

Conformément à l'article 38de son Statut, la Cour doit, pour régler un
différend, appliquer les conventions internationales, soit générales, soit
spéciales,établissant des règlesexpressément reconnuespar les Etats; la
coutume internationale comme preuve d'une pratique générale, acceptée

comme étant le droit; les principes générauxde droit reconnus par les
nations civilisées;les décisionsjudiciaireset la doctrine des publicistes les
plus qualifiés.
Mais avant d'essayer de préciserle droit applicable, et puisque ce droit
s'appliquera aux effets des armes nucléaires,il convient de rappeler com-
ment est définiel'arme nucléaire de façon à replacer le droit en question
dans le contexte approprié. Les accords de Paris de 1954 définissentles
armes nucléairescomme celles qui, par explosion ou procédé analogue,
sont capables de causer des destructions massives, des dommages géné-
ralisésou un empoisonnement massif. Selon le traité de Tlatelolco de
1967 sur l'interdiction des armes nucléaires enAmérique latine, l'arme
nucléaire «est définiecomme tout dis~ositif susce~tible de libérer de
l'énergie nucléairede manière non contrôléeet qui possède un ensemble
de caractéristiques propres à l'emploi à des fins belliqueuses)). Ainsi, les

armes nucléaires,tout comme les armes biologiques et chimiques, sont
considéréescomme des armes de destruction massive. Elles présentent
cependant des caractéristiques uniques. Elles libèrent non seulement
d'énormesquantités de chaleur et d'énergiemais aussi un rayonnement
puissant et prolongé.Celui-ci a, sur la santé de l'homme, l'agriculture et
la démographie, des effets qui se font sentir dans une vaste zone.L'utili- UTILISATION DES ARMES NUCLÉAIRES (OP. DISS. KOROMA) 210

sation d'armes nucléairesaurait des conséquences gravespour les géné-
rations futures car elle provoquerait, parmi d'autres anomalies, des ano-
malies génétiques.Comme le proclame le préambule du traitéde Tlate-

lolco :
«les armes nucléaires,dont les terribles effets atteignent sans distinc-
tion et sans merci les forces arméeset la population civile, consti-
tuent, vu la persistance de la radioactivité qu'elles engendrent, une
atteinte à l'intégritéde l'espècehumaine et risquent de rendre fina-

lement toute la terre inhabitable. ))
C'est compte tenu de cet arrière-plan que l'on s'attachera maintenant a
préciser,pour les appliquer, les règleset principes de droit qui paraissent
les plus pertinents. D'un intérêt immédiaett direct est le droit des conflits
armés,en particulier le droit international humanitaire. Au cŒur de ce

droit se trouve le principe d'humanitéqui impose l'obligation d'atténuer
les souffrances dues à la guerre ou d'assujettir àdes limites les nécessités
de la guerre. Le préambule de la convention II de La Haye de 1899 et
celui de la convention IV de 1907reconnaissent que le principe d'huma-
nitéest une source importante des lois de la guerre dans les cas où il
n'existe aucune convention internationale qui interdise spécifiquement
une catégorie d'armeou un type de tactique.
Dans le préambule deses «Règles fondamentales du droit internatio-

nal humanitaire applicables dans les conflits armés)),parues en 1978, le
Comitéinternational de la Croix-Rouge s'est exprimé ences termes:
«Le droit humanitaire est constitué par l'ensemble des disposi-
tions juridiques internationales, écritesou coutumières, assurant le
respect de la personne humaine en cas de conflit armé. S'inspirantdu

sentiment d'humanité,il procède du principe que les belligérants ne
doivent pas causer à leur adversaire des maux hors de proportion
avec le but de la guerre, qui est de détruireou d'affaiblir le potentiel
militaire de l'ennemi. ))

Le droit international humanitaire comprend le ((droit de Genève)),
qui vise à sauvegarder lesmembres des forces armées mishors de combat
et les personnes qui ne participent pas aux hostilités, etle «droit de La
Haye)), qui fixe les droits et les devoirs des belligérantsdans la conduite
des opérations et limite le choix des moyens de nuire à l'ennemi.
On en est venu à considérerles quatre conventions de Genève de 1949
comme internationalement obligatoires pour tous les Etats, car presque
tous les Etats y sont parties. Il s'agit desconventions suivantes:

- convention 1de Genèvepour l'améliorationdu sort des blesséset des
malades dans les forces arméesen campagne;
- convention II de Genèvepour l'améliorationdu sort des blessés,des
malades et des naufragésdes forces arméessur mer;

- convention III de Genève relative au traitement des prisonniers de
guerre ; UTILISATION DES ARMES NUCLÊAIRES (OP.DISS. KOROMA) 211

- convention IV de Genèverelative la protection des personnes civiles
en temps de guerre.

Ces conventions font maintenant l'objet d'une acceptation quasi univer-
selle età l'heure actuelle lient au total cent quatre-vingt-six Etats. Elles
s'appliquent donc comme des traitésdans n'importe quel conflit arméou
presque. En outre, la plupart des dispositions de ces conventions, sinon
toutes, sont tenues pour déclaratoires du droit international coutumier.
Les protocoles additionnels 1et II de 1977aux conventions de Genève

réaffirment etdéveloppentles règlesposéespar le «droit de Genève))de
1949et en partie par le ((droit de La Haye» de 1907.Actuellement cent
quarante-trois Etats sont devenus parties au protocole additionnel 1 et
cent trente-quatre au protocole additionnel II. Ces protocoles lient donc
une large majoritédes Etats de la communauté internationale. En outre,
nombreuses sont les dispositions qui sont déclaratoires du droit interna-
tional coutumier et sont par suite applicables dans tous les conflits armés
internationaux.
En ce qui concerne les conventions de La Haye de 1907, ellesne sont

pas considéréescomme obligeant seulement les parties contractantes et
sont maintenant largement reconnues comme relevant aussi du droit
international coutumier. Intéressent la question posée a la Cour les
conventions suivantes :
- convention IV de La Haye concernant les lois et coutumes de la

guerre sur terre et annexe a la convention: ((Règlementconcernant les
lois et coutumes de la guerre sur terre»;
- convention V de La Haye concernant les droits et lesdevoirs des puis-
sances et personnes neutres en cas de guerre sur terre.
La convention IV de La Haye et le règlement y annexé s'appliquent

directement au territoire occupé et à la propriétéprivéequi s'y trouve.
S'appliquent égalementles dispositions sur les méthodeset les moyens de
guerre qui sont maintenant codifiéesdans le protocole additionnel 1 de
1977.
Le Tribunal militaire international de Nuremberg ajugéque les dispo-
sitions du règlement de 1907faisaient partie du droit international cou-
tumier et qu'en conséquenceelles liaient tous les Etats.
Il en résulteque les obligations contenues dans ces instruments juri-
diques internationaux s'imposent dans presque tous les conflits armés, y

compris ceux dans lesquels il est fait usage de l'arme nucléaire.Les plus
importantes de ces obligations sont les suivantes:
Le droit de choisir les méthodeset les moyens de guerre n'est pas illi-
mitéet il en va de même des moyensde nuire à l'ennemi. Il est interdit

d'utiliser des armes qui, par nature, ne font aucune distinction entre
objectifs militaires et objectifs non militaires, entre combattants et popu-
lation civile.Font l'objet d'une interdiction particulière les armes dont les
effets destructeurs sont si grands qu'ils nepeuvent êtrelimités à des cibles
militaires déterminéesou celles dont les effets sont incontrôlables. Cette UTILISATION DES ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISS. KOROMA) 212

obligation résultede la déclaration de Saint-Pétersbourg de 1868,la pre-
mière à imposer des limitations quant aux moyens de faire la guerre. Le
préambule de la déclaration interdit spécifiquement et considèrecomme
contraire aux lois de l'humanité l'usage d'armes qui causent des souf-
frances inutiles et excessives.l est ainsi conçu:

((Considérant

Que les progrès de la civilisation doivent avoir pour effet d'atté-
nuer autant que possible les calamités dela guerre;
Que le seul but légitimeque les Etats doivent seproposer durant la

guerre est l'affaiblissement des forces militaires de l'ennemi;
Qu'à cet effet il suffit de mettre hors de combat le plus grand
nombre d'hommes possible ;

Que ce but serait dépassépar l'emploi d'armes qui aggraveraient
inutilement les souffrances des hommes mis hors de combat ou ren-
draient leur mort inévitable;
Que l'emploi de pareilles armes serait dèslors contraire aux lois de
l'humanité ».

La déclaration interdit expressément l'emploide «tout projectile d'un
poids inférieur a 400 grammes, qui serait ou explosible ou chargé de
matières fulminantes ou inflammables)).Conformément à ce principe, si
le droit international admet que la guerre a pour but de mettre l'ennemi

hors de combat, il prohibe l'emploi d'armes susceptibles de causer des
souffrances inutiles et injustifiées. Le principe estconsacréen ces termes
aux articles suivants de la convention II de La Haye de 1899:

((Article22. Les belligérantsn'ont pas un droit illimitéquant au
choix des moyens de nuire à l'ennemi.
Article23. Outre lesprohibitions établiespar des conventions spé-
ciales, il est notamment interdit:

a) d'employer du poison ou des armes empoisonnées;
.............................
e) d'employer des armes, des projectiles ou des matières propres à
causer des maux superflus;

Article 25. Il est interdit d'attaquer ou de bombarder, par quelque
moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments qui
ne sont pas défendus. »

Ce principe a étéformulé ultérieurementdans les articles 22, 23 et 25 de
la convention de La Haye de 1907 qui a repris les règlesde droit inter-
national énoncées en1899. Il a été amplifié plutsard dans le protocole de
Genèvede 1925concernant la prohibition de l'emploi des gaz,protocolequi interdit non seulement l'emploi des gaz asphyxiants, toxiques ou
similaires mais aussi l'usage de ((tous liquides, matières ou procédés
analogues)) et qui étend l'interdictionà la guerre bactériologique.
Ce principe a été codifiédans les protocoles additionnels de 1977aux
conventions de Genève de 1949.L'article 35, intitulé «Règlesfondamen-
tales)), dispose que, dans tout conflit armé:

((1. ..le droit des parties au conflit de choisir des méthodes et
moyens de guerre n'est pas illimité.
2. Il est interdit d'employer des armes, des projectiles et des ma-
tières ainsique des méthodes de guerre de nature à causer des maux
superflus.
3. Il est interdit d'utiliser des méthodes ou moyens de guerre qui
sont conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu'ils causeront,
des dommages étendus, durables et graves à l'environnement natu-
rel.

En outre, dans une guerre ou un conflit armé,les Etats ont l'obligation
de respecter le principe de la distinction entre les civilset lescombattants,
entre les objectifs militaires et les objectifs non militaires. Ce principe est
reconnu comme l'un des plusfondamentaux du droit international huma-
nitaire. Mêmesi des dommages indirects étaient causés à des civils ouà
des biens de caractère civil sous l'empire de la nécessité militaire, ily
aurait violation de la règle si les dégâts étaient manifestementexcessifs.
Cette règlefigure àl'article 27 du règlementannexé à la convention de La

Haye de 1907concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, ainsi
qu'aux articles 22 et 24 du projet de règlementde La Haye concernant la
guerre aérienne,qui interdisent aux Etats de bombarder des cibles civiles
et sont considéréscomme relevant du droit international coutumier.
Cette règle est également codifiédeans les articles 35,6,48, 51, 52, 54et
55 du protocole additionnel 1de 1977.Comme on l'a vu, l'article 35 pré-
cise que «le droit des parties au conflit de choisir des méthodes ou
moyens de guerre n'est pas illimité))et il interdit l'emploi d'armes «de
nature à causer des maux superflus)).
Selon l'article 48 du protocole additionnel 1:

«En vue d'assurer le respect et la protection de la population civile
et des biens de caractère civil, les parties au conflit doivent en tout
temps faire la distinction entre la population civileet lescombattants
ainsi qu'entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires et,
par conséquent, ne diriger leurs opérations que contre des objectifs
militaires.

Ce texte est considéré comme une réaffirmationdu principe de distinc-
tion, à savoir que les méthodesou moyens de guerre doivent distinguer
entre combattants et non-combattants.
L'article 51,paragraphe 5, du protocole interdit
«les attaques dont on peut attendre qu'elles causent incidemment
des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou
une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs
par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu.))

L'article 51, paragraphe 6, interdit les représaillescontre la population
civile ou des personnes civiles. On considère que cette disposition n'est
sujette à aucune condition et l'on a admis qu'elle avait un caractère
absolu n'autorisant aucune dérogation pour cause de nécessité militaire.
Cette interprétation est confirméepar l'article 52 où il est dit, au para-
graphe 1 : «Les biens de caractère civil ne doivent êtrel'objet ni d'at-

taques ni de représailles.»
Aux termes de l'article 53,il est dit:
«Sans préjudice desdispositions de la convention de La Haye du
16 mai 1954pour la protection des biens culturels en cas de conflit

armé et d'autres instruments pertinents, il est interdit:

.............................
c) de faire de ces biens l'objet de représailles.))

L'article 54 interdit les représaillescontre les biens indispensablesà la
survie de la population et l'article 55,paragraphe 2, stipule que ((les at-
taques contre l'environnement naturel à titre de représaillessont inter-
dites)>.
L'article 56,paragraphe 4, ((interdit de faire de I'un des ouvrages, de
l'une des installations ou de I'un des objectifs militaires mentionnés au
paragraphe 1 l'objet de représailles)).
La convention de Genève de 1949 impose aux Etats d'autres obliga-
tions en vertu desquelles ils doivent remplir certains devoirs comme

ramasser les morts et les blessés,enterrer individuellement les cadavres,
évacuer lesprisonniers et s'engager àne pas exposer ceux-ci àdes dangers
inutiles. Les devoirs de protection qui leur incombent envers les membres
des forces arméesblesséset malades, les navires-hôpitaux, les transports
médicaux seraient difficiles, voire impossibles, à remplir si des armes
nucléairesétaientutilisées,notamment à cause de leur effets radioactifs et
de la contamination.
De la mêmemanièreles retombées radioactives violeraient la souverai-
netéterritoriale des Etats neutres et infligeraient des dommages à leurs
ressortissants, ce qui contreviendrait à l'article 1 de la convention de La
Haye de 1907 concernant les droits et les devoirs des puissances et des
personnes neutres en cas de guerre sur terre. 11est évidentque les armes

nucléaires,siellesétaientutilisées, ne respecteraientpas le principe de dis-
tinction entre les civilset les combattants sur le territoire neutre et pour-
raient provoquer des dévastations impliquant aussi bien les civils des
pays neutres que les civilsressortissant des deux belligérants.
Bien évidemmentl'utilisation de telles armes violerait les obligations
assuméespar les Etats en vertu de la clause de Martens selon laquelle,
même en l'absencede convention internationale, ((lespersonnes civileset lescombattants restent sous la sauvegarde et
sous l'empire des principes du droit des gens, tels qu'ils résultentdes
usages établis, des principes de l'humanité et des exigences de la
conscience publique ».

Il résultede cette formule - qui est corroborée par les conventions de
Genève de 1949 et les protocoles additionnels de 1977 - que la guerre
n'autorise pas les belligérantsà se causer mutuellement des maux et des
souffrances inutiles, négligerla règlede la distinction entre civilset non-
civils età choisir sans limitation aucune les moyens de nuire à l'ennemi.

Les obligations assuméespar les Etats en ce qui concerne l'environ-
nement découlent tant du droit international coutumier que de disposi-
tions conventionnelles. Envisagéesdans leur ensemble, elle; imposeni des
limitesjuridiques à toute guerre qui serait dirigéecontre l'environnement
et aux moyens de mener cette guerre. Comme on l'a vu, l'article 25 de la
convention IV de La Haye de 1907((interdit d'attaquer ou de bombarder

par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâti-
ments qui ne sontpas défendus))(lesitaliques sont de moi). Il est interdit
aux belligérantsd'infliger, directement ou indirectement, des dommages
inutilesà l'environnement.
Le protocole de Genève de 1925 est pertinent aussi à cet égardcar il
interdit l'emploi,àla guerre, de moyens chimiques ou bactériologiques et
la convention de 1972 sur l'interdiction des armes bactériologiques ou à
toxines prohibe la possession d'agents biologiques.
Les articles 53et 147de la conventionIV de Genèvede 1949offrent éga-
lement une certaine protection indirecte de l'environnement en ce qu'ils
prévoient la protection des biens immobiliers dans les territoires occu-

pés. C'estainsi qu'une puissance occupante qui détruirait, par exemple,
des installations industrielles dans un territoire occupé, causant de la
sorte des dommages à l'environnement, contreviendrait aux obligations
que lui impose la convention, dèslors que cette destruction ne serait pas
justifiéepar des nécessitémilitaires. Sicette destruction étaitexécutésur
une grande échelle, elleconstituerait une infraction grave, voire un crime
de guerre, en vertu de l'article 147.
L'article 35du protocole additionnel 1de 1977interdit également d'uti-
liser des méthodesou moyens de guerre qui sont conçus pour causer, ou
dont on peut attendre qu'ils causeront, des dommages étendus,durables
et graves à l'environnement; l'article 55, nous l'avons vu, impose aux

Etats parties l'obligation de veiller, en temps de guerre,protégerl'envi-
ronnement naturel contre de tels dommages; l'article 54protège les biens
indispensables à la survie de la population et l'article 56 teàdassurer la
protection des installations contenant des forces dangereuses,à savoir les
barrages, les digues et les centrales nucléaires de production d'énergieélectrique,qui ne doivent pas faire l'objet d'attaques, même s'ilsconsti-
tuent des objectifs militaires, lorsque de telles attaques peuvent provo-
quer la libération de ces forces et, en conséquence, causer des pertes
sévèresdans la population civile. Les autres objectifs militaires situéssur
ces ouvrages ou installations ou à proximité ne doivent pas êtrel'objet
d'attaques lorsque de telles attaques peuvent provoquer la libération de

forces dangereuses et, en conséquence,causer des pertes sévèresdans la
population civile.
Est tenue aussi pour applicable à la question considérée laconvention
de 1977sur la modification de l'environnement. Ce texte interdit l'utilisa-
tion à des fins hostiles des techniques de modification de l'environnement
((ayant des effets étendus, durables ou graves, en tant que moyens de
causer ...des dommages ..» L'expression ((techniques de modification de
l'environnement)) désignetoute technique ayant pour objet de modifier
- grâce à une ((manipulation délibérée)) deprocessus naturels -
la dynamique, la composition ou la structure de la Terre, y compris ses
biotes, sa lithosphère, son hydrosphère et son atmosphère, ou l'espace
extra-atmosphérique.

Il y a lieu aussi de tenir compte, dans ce domaine, du principe selon
lequel la sécuritéde l'environnement doit êtreassurée, qui trouve son
expression dans le principe 24 de la déclaration de Rio sur l'environne-
ment et le développement. Il est ainsi conçu:

«La guerre exerce une action intrinsèquement destructrice sur le
développement durable. Les Etats doivent donc respecter le droit
international relatifàla protection de l'environnement en temps de
conflit armé et participer à son développement, en tant que de
besoin.))

C'est donc au regard de ces obligations que l'on doit juger les effets de

l'utilisation d'armes nucléairessur la santé et l'environnement. Selon la
documentation disponible, les armes nucléaires, lorsqu'ellesont étéuti-
lisées,ont provoqué en un instant une extraordinaire hécatombe. On a
estiméle nombre des personnes décédéea svant la fin de 1945 des suites
du bombardement atomique d'Hiroshima et de Nagasaki àenviron cent
quarante mille dans le premier cas et soixante-quatorze mille dans le
second. Quatre-vingt-dix à cent pour cent des personnes exposéesaux
rayonnements thermiques sont mortes en moins d'une semaine. Indépen-
damment des personnes mortes des suites directes de l'explosion, d'autres
sont décédéepsar l'effetcombiné deplusieurs facteurs :écrasées ou enter-
réessous des bâtiments, blesséespar des éclatsde verre, exposées à des

rayonnements ou encore en raison de la pénurie alimentaire ou du man-
que de médecinsou de médicaments. Plus de trois cent vingt mille per-
sonnes parmi les survivants irradiés continuent à souffrir de tumeurs
malignes dues au rayonnement, et notamment de leucémie,de cancer de
la thyroïde, de cancer du sein, de cancer du poumon, de cancer gastrique,
de cataracte et de diverses autres séquelles. La Cour a appris d'une autre source, qui avait connu les effets de l'uti-
lisation d'armes nucléaires,que l'explosion qui s'étaitproduite au-dessus
de l'îleavait provoquéce qui ressemblait à une ((chute de neige))pour la
première foisdans l'histoire de la population. Cette «neige», on s'en est
aperçu plus tard, était en réalitéla retombée radioactive qui faisait suite
à l'explosion nucléaire.En raison de la contamination à laquelle leurs
corps avaient été exposés l,shabitants ont eu des cloques et connu divers
autres maux au cours des semaines suivantes. Leur grave exposition
interne et externeà la radioactivité aprovoquéchez lesinsulaires des pro-
blèmesde santé à long terme qui ont affectéquatre générations.De tels
effets sont, a-t-on dit, indiscernables des effets du poison, «substance qui,

une fois introduite dans le corps, peut tuer ou compromettre la santé)).
L'uranium, qui est une composante essentielle des armes nucléaires, est
considérécomme l'un des produits les plus toxiques. Aussi l'utilisation
d'armes nucléaires expose-t-elleles êtres humains à des effets indiscer-
nables de ceux du poison. Une telle utilisation irait doncà l'encontre des
obligations interdisant l'emploi du poison ou d'armes empoisonnées.Ces
effets pourraient aussi se répercuter à long terme sur plusieurs généra-
tions et se faire sentir très loindans l'espace.
Néanmoins on considère que les explosions d'Hiroshima et de Naga-
saki et celles desIles Marshall sont relativement mineures par rapport à
la puissance destructrice actuelle des armes nucléaires.Comme on l'a vu,
une attaque nucléairemassive contre des villes modernes comme Boston
ou Londres ferait des millions de morts. L'emploi de telles armes entraî-
nerait des retombéesradioactives sur de grandes distances et pendant de

longues périodes. Les effetsdu rayonnement, a-t-on dit, ne sont pas très
différents de ceux que produisent les armes chimiques et biologiques.
Contrairement aux armes classiques, les armes nucléaires, même cellesde
faible puissance, peuvent causer des dommages à des non-combattants, y
compris des civils, età des neutres.
Sur la base de la documentation présentée à la Cour et vu les consé-
quences des armes nucléairessur la santé et l'environnement, il est indé-
niable que leur utilisation violerait les obligations assuméespar les Etats
au regard du droit international.
Ces obligations comprennent :

i) une limitation quant au choix des méthodeset moyens de guerre;
ii) l'interdiction d'utiliser lepoison ou des armesempoisonnéesconçues

pour causer des souffrances inutiles;
iii) l'interdiction de causer des souffrances inutiles et superflues;

iv) le respect par les belligérantsde la distinction entre objectifs mili-
taires et biens de caractère civil et entre personnes participant aux
hostilitéset membres de la population civile;

v) l'interdiction de diriger des attaques arméescontre la population
civile: vi) l'interdiction de la destruction aveugle des villes ou des villages et
des dévastationsnon justifiéespar des nécessitésmilitaires;
vii) l'interdiction d'attaquer ou de bombarder par quelque moyen que
ce soit des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas
défendus ;
viii) l'interdiction d'utiliser desméthodeset moyens de guerre qui sont
conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu'ils causeront, des
dommages étendus, durables et graves à l'environnement.

Il est clair égalementque, en raison de leurs effets sur la santé et sur

l'environnement, l'utilisation d'armes nucléaires violeraitles dispositions
de la Constitution de l'OMS dont le but est d'amener tous les peuples au
niveau de santéle plus élevépossible. On se souviendra que la santéest
définiecomme étant «un état de complet bien-êtrephysique, mental et
social)),que l'OMS est chargéed'amélioreret de protégerla santéde tous
lespeuples età cet effet notamment d'agir en tant qu'autoritédirectrice et
coordonnatrice, dans le domaine de la santé,des travaux ayant un carac-
tèreinternational, d'aider les gouvernements, sur leur demande,à renfor-
cer leurs services de santé, de faire progresser l'action en faveur de la
santéet du bien-êtrede la mèreet de l'enfant et de favoriser leur aptitude
à vivre en harmonie avec un milieu en pleine transformation.

Etant donnéles effets des armes nucléairessur la santé et l'environne-
ment, un Etat partie à la Constitution de l'OMS qui aura recours à
l'arme nucléaire violeraà la fois la lettre et l'esprit de cette Constitution
qui, entre autres, invite les individus et les Etatsopérerpour assurer
à tous les peuples la santé et la paix et parveàice qui est le but même
de l'organisation.
La Cour a indiqué dans son avis que, ayant constaté son défaut de
compétenceen l'espèce,elle ne pouvait examiner les arguments qui lui
avaient été présentéqsuant à l'opportunité de donner un avis. Nonobs-
tant cette attitude, je pense que, si la Cour s'était autorisée étudier
l'abondante documentation dont elleétaitsaisie, elle aurait pu parvenir

une conclusion autre que celle àlaquelle elle a abouti.
La Cour n'a pas étépersuadéepar l'argument selon lequel, la résolu-
tion WHA46.40 ayant étéadoptée à la majoritérequise, cette résolution
étaitrégulièreet devait donc êtreprésumée valableen tant que fondement
de la compétence de la Cour. Cela étant, après avoir admis qu'il appar-
tenaità l'Assembléemondiale de la Santéde déciderde sa compétenceet,
par le fait même,de celle de l'OMS, pour soumettre à la Cour une
demande d'avis consultatif sur la question considérée, laCour dit que,
dans l'exercicedes fonctions qui lui ont été confiéeasux termes du para-
graphe 1de l'article 65 de son Statut, elle ((parvi... des conclusions
différentesde celles auxquelles avait abouti l'Assembléemondiale de la

Santélors de l'adoption de sa résolutionWHA46.40)). Malheureusement
la Cour n'a pas expliquépourquoi elle étaitainsi parvenue à des conclu-
sions différentesde celles auxquelles avait abouti l'Assembléemondiale
de la Santé. On ne peut ici encore s'empêcherde constater que la Cours'estécartéea cet égardd'unejurisprudence établie de longue date. Surla
question de savoir siune organisation internationale est en droit de déter-
miner sa propre compétence,la Cour s'est exprimée ences termes dans
son avis consultatif surCertaines dépenses desNations Unies:

«Dans les systèmesjuridiques des Etats, on trouve souvent une
procédure pour déterminer la validitéd'un acte même législatio fu
gouvernemental, mais on ne rencontre dans la structure des Nations
Unies aucune procédure analogue. Certaines propositions présentées
pendant la rédaction dela Charte et qui visaient remettre à la Cour
internationale de Justice l'autorité suprême d'interpréterla Charte,
n'ont pas étéadoptées; l'avis que la Cour s'apprête à donner ici est
un avis corzsultatiJ:Comme il a été prévuen 1945, chaque organe
doit donc, tout au moins en premier lieu, déternzinersa propre com-
pétence.)) (Certaines dépensesdes Nations Unies (article 17, para-
graplze2, de la Charte), C.I.J. Recueil 1962, p.168; les italiques de

la fin sont de moi.)
Dans le même avisconsultatif, la Cour dit encore:

«lorsque l'organisation prend des mesures dont on peut dire àjuste
titre qu'elles sont appropriées l'accomplissement desbuts déclarés

des Nations Unies, il est présumerque cette action ne dépassepas
les pouvoirs del'Organisation» (ibid., p. 168).

Ce que cela montre, àmon sens, c'est que,jusqu'a la présente affaireet
conformément à sajurisprudence, la Cour a estiméque les organisations
internationales avaient compétence pour statuer sur leur propre compé-
tence. En l'espèce,la Cour a décidéde s'écarterde cette jurisprudence
mais sans guèredonner d'explication ou de raison, or on doit noter que si
la Cour a décidé de ne pas suivre sajurisprudence dans la présente affaire
ellea, dans le passéet sans sedénierle droit d'examiner la compétence de
l'organe requérant, rejetécertaines objectionsà sa compétenceselon les-
quelles les organes requérants n'avaient pas compétencepour présenter
des demandes d'avis (Interprétation des traitésde paix conclus avec la
Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, premièrephase, C.I.J. Recueil 1950,
p. 72 et suiv;Réserves à la conventionpour lapréventionet la répression
du crime de génocide, C.I.J. Recueil 1951, p. 19-20).
La Cour a rejeté aussil'argument selon lequel l'Assemblée générale des

Nations Unies, en tant que source d'où l'OMS tire son pouvoir de
demander des avisconsultatifs, aurait, par sa résolution49175, confirmé
la compétence de cette organisation pour solliciter un avis sur la question
posée a la Cour. Dans cette résolution, l'Assembléegénérale

«[s'est]félicit[é]e la résolution46140de l'Assembléede l'organisa-
tion mondiale de la Santé,en date du 14 mai 1993, dans laquelle
l'organisation demande à la Cour internationale de Justice de don-
ner un avis consultatif sur la question de savoir si l'utilisation d'armes nucléairespar un Etat au cours d'une guerre ou d'un autre
conflit arméconstituerait une violation de ses obligations au regard
du droit international,y compris la Constitution de l'organisation
mondiale de la Santé)).

La Cour a estiméque cette approbation avait un caractère politique;
ellen'a pas considéré quel'Assembléeavait voulu seplacer sur le plan du
droit et prendre une décisionquelconque en ce qui concerne la compé-
tence de l'OMS pour demander un avis sur la question posée; elle a
estimé égalemenq tue l'Assemblée généran l'avait pu avoir l'intention de
méconnaîtreles limites dans lesquelles le paragraphe 2 de l'article 96 de
la Charte lui permet d'autoriser les institutions spécialiséesdemander

des avis àla Cour.
Si l'on admet que l'Assembléen'avait pu avoir l'intention de mécon-
naître les limites de l'article 96, paragraphede la Charte, la conclusion
à laquelle la Cour est arrivéeà savoir que l'Assembléen'a pas voulu se
placer sur le plan du droit et prendre une décisionquelconque en ce qui
concerne la compétencede l'OMS pour demander l'avis sollicité, résulte
de l'interprétation particulière donnéeà la question par la Cour. Mais
mêmedans cette optique, le problèmen'est pas aussi tranché etaussi net
que la Cour le voudrait. En vertu de l'article 96,paragraphe 2, de la
Charte, l'OMS ale droit de demander des avis consultatifs «sur des ques-
tions juridiques qui se poseraient dans le cadre de [son] activité)).Cette

possibilité est également prévup ear l'article 76 de la Constitution de
l'OMS qui est ainsi conçu:
«Sous le couvert de l'autorisation de l'Assemblée générale des

Nations Unies ou sous le couvert de l'autorisation résultantde tout
accord entre l'organisation et les Nations Unies, l'Organisation
pourra demander à la Cour internationale de Justice un avis consul-
tatif sur toute question juridique éventuelledu ressort de l'organisa-
tion.)

Certes l'OMS ne peut poser une question que si celle-cin'excèdepas son
domaine ou sa compétenceet l'Assemblée générap leut aussi restreindre
le droit de l'organisation en le limitant ce qui relèvede sa compétence
ou au cadre de son activité.En d'autres termes, puisque c'est l'Assemblée
qui a initialement conféré l'OMSl'autorisation dedemanderun avis sur
les matières relevant de sa compétence,il me semble que l'Assemblée
aurait pu, si elleavait estiméque l'organisation avait outrepassésespou-
voirs en adoptant la résolution WHA46.40,attirer l'attention de l'OMS à
cet égardou exercer ses pouvoirs discrétionnaireset mettre finà l'irrégu-

larité. Or on voit que l'Assemblée généraln e'a choisi aucune de ces
options et qu'elle s'estau contraire félicitde la résolution WHA46.40,
ce qui fait supposer que l'Organisation n'avait pas excédéses pouvoirs.
L'OMS a indiqué, dans sa résolution WHA46.40, plusieurs raisons
pour lesquelles elle avait demandé un avis consultatif à la Cour et fait
état notamment de la préoccupationdes milieux de la santépartout dans UTILISATION DES ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISS.KOROMA) 221

le monde devant la menace permanente que constituent les armes nu-
cléairespour la santé et l'environnement; elle a évoquéaussi la nécessité
de la prévention.En outre, étant l'institution principalement chargée de
l'améliorationet de la protection de la santépublique sur le plan inter-
national, l'OMS a penséque l'avis de la Cour pourrait la guider dans
l'exécutionde ses tâches. On peut concevoir que, si la Cour avait décidé
de rendre un avis correspondant au désirmanifeste de l'organisation, un
tel avis aurait servi d'avertissement aux Etats, leur signifiant que, vu les

conséquencespour la santé etl'environnement découlantnécessairement
de l'emploi d'armes nucléaires,ils commettraient une violation de leurs
obligations au regard du droit international, y compris la Constitution
de l'OMS, s'ils devaient y recourir. Malheureusement, la Cour ayant
déclinéde répondre a la requête,l'effet éventuellement préventiq fu'un
avis autorisé dela Cour aurait pu avoir ne peut se concrétiser.

En résumé,pour rejeter la demande de l'OMS, la Cour a dû passer

outre à sa jurisprudence constante, car - la Cour l'a dit à maintes re-
prises - seules des ((raisons décisive>)devraient l'amener à refuser de
répondre à une demande d'avis. Selon moi, la preuve d'aucune ((raison
décisive))n'a étéapportée, qui justifierait le rejet de la requête.Dans
l'affaire de l'Interprétationdes traités depaix, la Cour a dit:

«La réponse dela Cour n'a qu'un caractère consultatif: comme
telle, elle ne saurait avoir d'effet obligatoire. Il en résultequ'aucun
Etat ..n'a qualitépour empêcherque soit donnésuite àune demande
d'avisdont lesNations Unies, pour s'éclairerdans leur action propre,
auraient reconnu l'opportunité.)) (Interprétationdes traitésdepaix
conclus avec la Bulgarie,la Hongrie et la Rounzanie,première phase,
C.I.J. Recueil 1950, p. 71).

J'estime que les considérationsénoncéespar la Cour dans cette affaire
sont également applicables à la présenteespèce.La décision prise en la
matières'expliquepresque entièrement par l'interprétation quela Cour a
donnéede la question soumise à son examen. Je me permets de dire que
cette interprétation non seulement a dénaturél'intention des auteurs de la
question mais encore a envisagéde façon trop restrictive et trop étroitela
compétenceet le domaine d'activité de l'OMS.Jusqu'ici, chaque fois que
la Cour a interprétéou reformulé une questionsoumisedans une demande
d'avis consultatif, elle a recherché quelsétaientles problèmesjuridiques

véritablementen jeu dans cette question pour êtreen mesure de donner
un avis pratique et utile et non pour trouver une justification au rejet de
la demande.
A mon avis, dèslors que la mission de l'OMSinclut l'améliorationet la
protection de la santépublique sur le plan international, notamment par
l'adoption de mesures préventives,une demande tendant à obtenir l'avisde la Cour sur le point de savoir si, compte tenu des effets des armes
nucléaires sur la santé et l'environnement, leur utilisation par un Etat
constituerait une violation de ses obligations au regard du droit interna-
tional, y compris la Constitution de l'OMS, concerne une matière qui
relèveéminemment dela compétenceet du domaine d'activité de l'Orga-
nisation. La question juridique contenue dans la demande porte sur les
effets réelsde l'utilisation d'armes nucléaireset non pas sur la licéitéou
l'illicéité en soie ces armes. Par suite, dire qu'une telle question sort du
cadre de l'activitéde l'organisation me frappe, qu'il me soit permisde le
dire, comme un cas classique où l'on dépassela mesure et ne me paraît

donc pas acceptable. La demande d'avis nesaurait êtreconsidéréecomme
incompatible avec le but et l'objet de l'OMS ni comme préjudiciable
aux intérêtsdes Etats membres du fait qu'elle irait au-delà de ce qu'ils
ont acceptéquand ils sont devenus membres. Comme on l'a mentionné
plus haut, la Cour elle-mêmea dit: «lorsque l'organisation prend des me-
sures ...appropriées à l'accomplissement des buts déclarés desNations
Unies, il està présumer que cette action ne dépassepas les pouvoirs de
l'organisation)) (C.I.J. Recueil 1962, p. 168).Ce passage s'applique éga-
lement aux mesures prises par l'OMS lorsqu'elle a formuléla demande.
En conséquence,ce en quoi l'on peut voir une remontrance juridique ou
une leçon que l'on essaierait de donner à l'OMS en raison de la ques-
tion qu'ellea poséeme semble tout aussi gratuit qu'injustifié. Qui plus est,
le rejet de la requêtepour défaut de compétencepeut amener à se deman-

der si l'on n'est pas ici dans une de ces situations évoquéespar un ancien
membre de la Cour, sir Gerald Fitzmaurice, où une décisiond'incompé-
tence pourrait être une solution((lorsquela nécessité de se prononcer sur
le fond entraînerait pour le tribunal des difficultésinhabituelles ou le met-
trait dans l'embarras)) («The Law and Procedure of the International
Court of Justice, 1951 -1954 : Questions of Juridiction, Competence and
Procedure)), British YearBook of International Law, vol. 34, 1958,p. 11-
12,n. 3). Le seul problème est que, sur ce point trèsimportant, une déci-
sion d'incompétencen'est pas une solution puisque les Etats qui utilise-
raient des armes nucléaires violeraient leurs obligations. De plus, je ne
vois pas pourquoi, si une décisionau fond avait étérendue, cela aurait
embarrassé la Cour, et je ne vois pas non plus pourquoi, si la Cour
n'avait pas refusé de traiter de l'affaire au fond, elle serait apparue
comme se détournant de ses fonctions judiciaires. Il est indéniableque la

question soumise par l'OMS est controversée mais la Cour n'a jamais
écarté unedemande d'avis parce qu'elle était controverséeou pouvait se
révélerembarrassante. Qui plus est, dans l'affaire de la Namibie, où l'on
a fait valoir que la Cour ne devait pas ou ne pouvait pas donner l'avis
consultatif demandéen raison des pressions politiques auxquelles, selon
certains, elleaurait étéou pourrait êtresoumise, la Cour a réponduen ces
termes :

((29. Il n'y a pas lieu pour la Cour de retenir ces observations por-
tant sur la nature mêmede la Cour, organe judiciaire principal des Nations Unies, qui, en cette qualité, ne se prononce que sur la base
du droit, indépendamment de toute influence ou de toute interven-
tion de la part de quiconque, dans l'exercicede la fonction juridic-
tionnelle confiée à elle seule par la Charte et par son Statut. Une
cour, remplissant une fonction de cour de justice, ne saurait agir
d'une autre manière. » (Conséquencesjuridiques pour les Etats de la
présence continue del'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest ajii-
cain) nonobstant la résolution 276(1970) du Conseil de sécurité,
C.I.J. Recueil 1971, p. 23.)

En ce qui concerne l'argument selon lequel la Cour ne devrait pas don-
ner l'avis sollicitéparce que les problèmes relatifs aux armes nucléaires
font l'objet de discussions dans d'autres enceintes, la Cour a répondu en
ces termes, dans les affaires concernant la Compétenceen matière de

pêcheries où un argument similaire étaitavancé :
«[La Cour] connaît les efforts poursuivis actuellement sous les
auspices des Nations Unies en vue de faire avancer, lors d'une troi-
sième conférencesur le droit de la mer, la codification et le dévelop-

pement progressif de cette branche du droit ...Cela étant, la cour,
en tant que tribunal, ne saurait rendre de décisionsub specie legis
ferendue, ni énoncer le droit avant que le législateur l'ait édicté.))
(C.I.J. Recueil 1974, p. 192.)

Comme on l'a déjàmentionné,les organisations internationales consi-
dèrent l'instrument qu'est l'avisconsultatif comme un moyen d'obtenir
un conseiljuridique autorisésur des problèmesépineuxou difficilesqui se
posent à elles. La Cour a toujours répondu positivement aux demandes
d'avis consultatif, considérant qu'il était de son rôle de participer aux
activitésde l'Organisation, tout en sauvegardant son caractère judiciaire.
Cette confiance est, semble-t-il, maintenant rompue. Il est regrettable que
la Cour ait décidé derenoncer à l'attitude positive qu'elle adoptait dans
ce domaine et cela sur une question d'une importance aussi vitale, qui
présentenon seulement une dimension juridique mais aussi une dimen-
sion morale et humanitaire. La Cour a examiné cesaspects dans l'affaire
des Réserves à la conventionpour lapréventionet la répressiondu crime
de génocide(C.I.J. Recueil 1951, p. 23). Si la médecineest, comme on l'a
dit,«un des piliers de la paix» on peut dire aussi que «la santéest un

pilier de la paix» car, comme le proclame la Constitution de l'OMS, «la
santéde tous les peuples est une condition fondamentale de la paix du
monde et de la sécurité)).
Compte tenu de ce qui précède,je trouve que l'avis de la Cour est
insuffisamment motivé, qu'il nerépond pas aux problèmes cruciaux qui
étaient soulevéset qu'il est en contradiction avec la jurisprudence de la
Cour. Je suis par conséquent dans l'incapacitéde m'y associer. En re-
vanche, ayant tenu compte du dossier présenté à la Cour et fait applica-
tion du droit aux élémentsqu'il contient,'ai la fermeconviction qu'un Etat
violerait ses obligations au regard du droit international, y compris laConstitution de l'OMS, s'ilutilisait des armes nucléairesdans une guerre
ou un autre conflit armé,en raison des effets de ces armes sur la santé et
l'environnement. Poser une question de cette naturela Cour relèvebien
de la compétence de l'OMS et s'inscrit dans le cadre de son activité.

(SignéA )bdul G. KOROMA.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE KOROMA

The Court, in this Advisory Opinion in which it declines to grant the
request of the WHO for an opinion as to whether

"in view of the health and environmental effects, . .. the use of
nuclear weapons by a State in war or other armed conflict [would]be
a breach of its obligations under international law including the
WHO Constitution",

reached the rather unprecedented finding that the request does not relate
to a question "arising within the scope of [the]ctivities" of the Organiza-
tion in accordance with Article 96, paragraph 2, of the Charter, that an
essential prerequisite for the exercise of its jurisdiction in the case is
absent and that it does not, accordingly, have jurisdiction to render the
opinion requested. This finding of lack of jurisdiction to respond to a
request for an advisory opinion is not only unprecedented for this Court
but is also at considerable variance with its jurisprudence constante.

In the Western Sahara case, the Court emphasized that its function

"is to give an opinion based on law, once it has come to the conclu-
sion that the questions put to it are relevant and have a practical and
contemporary effect and, consequently, are not devoid of object or
purpose" (Advisory Opinion,I.C.J. Reports 1975, p. 37, para. 73).

In the same Opinion, the Court reaffirmed that only "compelling rea-
sons" should lead it to refuse to give a requested advisory opinion (ibid.,
p. 21). The question put by the WHO, in my view, relates to an issue
which is not only of direct relevance to the Organization but has practical
and contemporary effect as well and is not devoid of object or purpose,

as will be shown later, nor is there any "compelling reason" why the
opinion should not have been rendered.
Confronted with what appears to me to be inconsistent jurisprudence,
1find myself not only in disagreement with most of the reasoning of the
Opinion of the Court but disagree totally with its findings. For, as the
Court itself has stated, "whatever the legal reasoning of a court ofjustice,
its decisions must by definition be just" (North Sea Continental Shelf,
I.C.J. Reports 1969, p. 48). Siricethe request by itself is of such funda-
mental importance to the WHO and its member States and raises serious OPINION DISSIDENTE DE M. KOROMA

[Traduction]

La Cour,dans l'avisconsultatif par lequel elle refuse de donner suità
la demande de l'OMS sur le point de savoir si

((comptetenu des effets des armes nucléairessur la santé et l'envi-
ronnement, leur utilisation par un Etat au cours d'une guerre ou
d'un autre conflit arméconstituerait ...une violation de ses obliga-
tions au regard du droit international, y comprisla Constitution de

1'0~s »,
est parvenue à une conclusion quasiment sans précédent, à savoir que la
demande d'avis consultatif ne porte pas sur une question qui se pose

«dans le cadre de [l']activité»de l'OMS conformément au paragraphe 2
de l'article 96 de la Charte, qu'une condition essentielle pour fonder sa
compétence fait défautet que par suite elle n'a pas compétencepour
donner l'avis sollicité.Conclure comme elle lefait qu'ellen'a pas compé-
tence pour répondre àune demande d'avisconsultatif n'est pas seulement
sans précédent ence qui la concerne mais s'écarte aussi sensiblementde ce
qui est sa jurisprudence constante.
Dans son avis consultatif sur le Sahara occidental, la Cour a souligné
que sa fonction

«est de donner un avis fondéen droit, dèslors qu'elle a abouti à la
conclusion que les questions qui lui sont poséessont pertinentes,
qu'ellesont un effet pratique l'heure actuelleet que par conséquent
ellesne sont pas dépourvues d'objet ou debut)) (C.I.J. Recueil 1975,
p. 37, par. 73).

Dans le même avisconsultatif, la Cour a réaffirmé qu'ilfaudrait des
«raisons décisives))pour l'amener à opposer un refus à une demande
d'avis consultatif(ibid., p. 21). La question poséepar l'OMS concerne,
d'après moi,un problème qui ne présentepas seulement un intérêd tirect

pour l'organisation mais qui a un effet pratiqueà l'heure actuelle et n'est
pas dépourvu d'objet ou de but - et il n'y a non plus aucune «raison
décisive))pour que la Cour ne donne pas l'avis sollicité.
Confronté à ce qui me paraît être une jurisprudence inconséquente,
non seulement je me trouve en désaccordavec la plus grande partie du
raisonnement exposédans l'avis mais en outre je suis en total désaccord
avec ses conclusions. En effet, comme la Cour elle-même l'adit: «Quel
que soit le raisonnement juridique du juge, ses décisionsdoivent par défi-
nition êtrejustes)) (Plateau continental dela mer du Nord, C.I.J. Recueil
1969, p. 48). Vu l'importance fondamentale que la demande elle-mêmeissues of fact and law, 1 feel constrained to set out my position on the
matter.

IMPORTANC OE THE REQUES TY THE WHO

On the basis oftudies carried out by the WHO as wellas other mater-
ials before the Court,fie Court was told that, should a nuclear weapon
be used in an armed conflict, the number of dead would Varyfrom 1mil-
lion to1,000million, to which the same number of people injured is to be
added. If a larger number of nuclear weapons were to be used, severe
environmental effects, including the disruption of transport, foodliv-
ery, fuel, and basic medical supplies, would occur and result in possible
famine and mass starvation on a global scale. Civilized and organized
community life would come to an end not only in the countries involved
in the conflict but even in those not involved; millions would die from the
effects of intense and widespread radioactive fallout.h a catastrophe,

it was argued, would be in violation of the health and environmental
obligations undertaken by States under international law, particularly
international humanitarian law, as well as under the Constitution of the
WHO. Whether or not such obligations exist for States and whether they
would be violated in the course of war or other armed conflict involving
the use of nuclear weapons is, in my view, an eminentlysuitable matter
for the Court to determine in accordance with its Statute.

According to detailed studies carried out by the WHO on the Eflects
of Nucleav Wav on Health and Health Services and presented to the
Court by the WHO, in a conflict involving the use of a single nuclear
weapon, such a weapon could have a destructive power of a million times
that of the largest conventional weapon.
A detonated nuclear weapon would produce three major sources of
death and injury: the heat wave blast and instantaneous radiation. The
enormous thermal energy produced will be the main cause of casualties.

Immediate charring of the exposed parts of the body in the direct line of
the thermal rays will be caused either by the direct thermal pulse or ther-
mal wave. Flash burns would occur within fractions of a second and
reach their maximum within a fewseconds. Indirect burns would result in
many more casualties.présentepour I'OMS et ses Etats membres, vu aussi les graves questions
de fait et de droit qu'elle soulève,je me vois contraint d'exposerma posi-
tion en la matière.

Sur la base d'étudeseffectuéespar l'OMS et d'autres documents pré-
sentés à la Cour, on a dit que l'utilisation d'une arme nucléairedans un
conflit armépourrait faire entreun million et un milliard de morts,quoi
s'ajouterait un nombre égalde blessés.Si davantage d'armes nucléaires
devaient êtreemployées,il en résulterait de graves conséquencespour
l'environnement, y compris une désorganisationdes transports, des livrai-
sons de vivres, de carburants et de fournitures médicales essentielles,ce

qui pourrait entraîner des faminesà une très vaste échelle. oute vie col-
lective civiliséeet organiséeprendrait fin non seulement dans les pays
impliquésdans le conflit mais aussi dans ceux qui y seraient étrangers;
des millions de personnes mourraient des effetsde retombées radioactives
intenses et généraliséeUs.ne telle catastrophe, a-t-on dit, se produirait en
violation des obligations assuméespar les Etats dans le domaine de la
santéet de l'environnement en vertu du droit international, et en parti-
culier du droit international humanitaire, de mêmequ'en vertu de la
Constitution de I'OMS. Lepoint de savoir si ces obligations s'imposent
bien aux Etats et si ces obligations seraient violéesau cas où des armes
nucléairesseraient employéesdans le cours d'une guerre ou d'un autre

conflit arméme paraît une question sur laquelle il serait éminemment
approprié que la Cour se prononce, conformément à son Statut.

EFFETS DE L'UTILISATION D'ARMES NUCLÉAIRES

DANS UN CONFLIT ARMÉ

Selon les études faitespar l'Organisation mondiale de la Santéau sujet
des Effets de la guerre nucléairesur la santé et lesservices de santé,
étudesprésentées à la Cour par I'OMS, une arme nucléaireunique uti-
liséedans un conflit pourrait êtreun million de fois plus dévastatrice
que l'arme classique la plus puissante.
A la suite de l'explosion d'une arme nucléaire, lestrois principales
causes de mort et de blessures sont le souffle, l'onde thermique et le
rayonnement instantané.C'est l'énormeénergiethermique libérée lors de
l'explosion qui fera le plus de victimes. La carbonisation immédiatedes
parties exposéesdu corps se trouvant dans la ligne directe du rayonne-
ment thermique sera provoquée soit directement par impulsion ther-

mique (((éclairthermique ») soit indirectement par l'onde thermique. Les
brûlures dues à l'éclairthermique se produiront dans les fractions de
seconde qui suivront l'explosion etatteindront leur maximum d'intensité
en quelques secondes. Les brûlures indirectes feront beaucoup plus de
victimes. Blast willcause shock waves, causing buildings to collapse, debris to fly
with individuals hurled into the air as immovable objects causing head
injuries, fractures, crush injuries and abdominal and thoracic injuries.A
1-megaton air burst could kill everyone within a radius of 7 km from the
hypocentre.

Radiation resulting from the immediate burst of gamma and neutron
radiations or from the fallout of radioactive particles will produce
gastrointestinal effects, including anorexia, nausea, vomiting, diarrhoea,
intestinal cramps and dehydration. Neuromuscular effects producing
fatigue, fever, headache, hypertension and hypertensive shock would
occur. Inhalation of radioactive dust would produce long-term effects
such as fibrosis and cancer, coughing, shortness of breath and feelings of
drowning, leading to death by hypoxia, pneumonia and sepsis. Ingestion

of radionuclides will induce thyroid cancer. An immediate source of
destruction would be the electromagnetic pulse which would lead to the
impairment of electronic devices, including those needed for health ser-
vices. Initially, the release of radioactive substances andman exposure
to them would play a secondary role in terms of the health effects
produced.

The report further notes that the destruction and impairment of health
services would greatly impede efforts to treat the victims; among those
killed and injured would be about 80 per cent of physicians, nurses and
other health workers. Hospitals and health facilities would be destroyed
or greatly damaged, while power supplies, which are important for the
operation of hospitals, would be interrupted and would severelyinterfere
with the treatment and care that could be provided.

In the face of such catastrophe, the WHO has reached the conclusion
that to cure the victims of a nuclear attack would hardly be feasible,
hence preventing the consequences described is a more viable and

realistic alternative.

The intermediate and long-term effects, the report continues, would
range from after-effects of the injuries sustained from the explosion to
long-term effects of radiation exposure and health problems caused by
the disruption and destruction of health services.Those who survived the
acute effects of a nuclear explosion would still be confronted by pro-
tracted non-healing wounds, suppurating extensive burns, skin infesta-
tions, gastrointestinal infections and psychic trauma. Le souffle causera des ondes de choc qui entraîneront l'écroulement
des bâtiments,la dispersion des débrisdans l'atmosphèreet la propulsion
des personnes contre les obstacles fixes, ce qui sera l'origine de nom-
breuses blessures à la tête,fractures, lésionspar écrasementet blessures
pénétrantes à l'abdomen et au thorax. Un souffle d'une mégatonneest
capable de tuer quiconque se trouve dans un rayon d'environ 7 kilo-
mètres de l'hypocentre.

Le rayonnement résultant soit de l'émissioninstantanée de rayons
gamma et de neutrons lors de l'explosion soit de la retombée de particules
radioactives entraînera des troubles gastro-intestinaux, notamment les sui-
vants: anorexie, nausées, vomissements, crampes intestinales, diarrhée et
déshydratation. Les symptômes neuromusculaires seront la fatigue, la
fièvre, lescéphalées, l'hypotensionsuivie d'un choc neurogénique.L'inha-
lation de poussières radioactives pourra avoir des effets à long terme
comme la fibrose et le cancer, la toux, une respiration courte et une sen-
sation d'étouffement,ce qui pourra causer la mort par hypoxie,neumopa-
thie et septicémie. L'ingestionde radioéléments provoquerades cancers de
la thyroïde. Une source de destruction immédiate sera l'impulsion électro-
magnétique qui met hors service les dispositifs électroniques, y compris

ceux qui sont nécessairesaux servicesde santé.Dans un premier temps, la
libération de substances radioactives et l'exposition ces substances ne
joueraient qu'un rôle secondaire en ce qui concerne les effets sur la santé.
Un autre rapport soumis à la Cour note égalementque la destruction
et la désorganisation des servicesde santégêneraient considérablement le
traitement des victimes. Environ quatre-vingts pour cent des médecins,
infirmièreset autres professionnels de la santéseraient tuésou blessés.
Les hôpitaux et autres centres de santé seraient détruits ou gravement
endommagés.Les lignes de transport d'électricitéq,ui sont essentiellesau
fonctionnement des hôpitaux, seraient coupées,ce qui aurait de graves
conséquencessur les traitements et les soins qui pourraient être fournis.

Face à une telle catastrophe, l'OMS est parvenue àla conclusion qu'il
ne serait guère possiblede soigner les victimes d'une attaque nucléaire et
qu'une solution beaucoup plus simple et plus réalisteserait d'empêcher
par la prévention que les conséquences décritesici ne se produisent.

EFFETS INTERMÉDIAIRES ET À LONG TERME DE L'UTILISATION
D'ARMES NUCLÉAIRES

Parmi les effets intermédiairesetà long terme, poursuit le rapport, on
peut citer aussi bien les séquelles des blessures subieslors de I'explo-
sion que les effetà long terme de l'exposition au rayonnement et les pro-

blèmes de santéprovoqués par la désorganisation et la destruction des
services de soins. Ceux qui survivraient aux effets aigus de l'explosion
auraient encore à souffrir de plaies persistantes, de brûlures étendues et
suppurantes, d'infections de la peau, d'infections gastro-intestinales et de
traumatismes psychiques. Suppression of the body's immune system is recognized as a conse-
quence of radiation over-exposure. Ionizing radiation would reduce the
helper T-lymphocytes and would increase the suppressor T-lymphocytes,
thus increasing the victim's vulnerability to infection and cancers. Other
effects of the explosion, such as burns, trauma and psychic depression
would also influence the immune response.

The drastic fa11in available health services on account of the small
number of remaining health personnel, health centres, supplies of func-
tioning ambulances and the immense logistical difficultieswould render
care totally inadequate.

Long-term effects,such as cancer induction and genetic damage would
result from instantaneous radiation during the explosion and long-term
radiation contamination of the environment.The survivors of the nuclear

explosion and the population of contaminated areas would be at risk
from such effects. The risk from instantaneous radiation would Vary
depending on the dose received, whole-body irradiation or estimated life-
time risk of mortality, and al1forms of cancer.
Genetic defects among offspring of the survivors is said to be one of
the risks, which would not be limited to the immediate offspring of the
exposed, but would extend over many generations. Exposure to pluto-
nium particles could produce chromosomal instability which could be
transmitted to the progeny, thus causing cancer in future generations.

Other long-term effects aresaid to include behavioural and psychologi-
cal disturbances; after an initial tendency to profound apathy and dis-
orientation, feelings of guilt would appear. Survivors would have a con-
tinuing fear of cancer and late effects of radiation and an expectation of
abnormalities in their offspring.

Effects of Actual Use

Furthermore and according to the material, within the extensive
destruction of the built environment, a nuclear explosion would destroy
public health and sanitary facilities,hus opening the way for the spread
of disease. Water supplies would be contaminated not only by radio-
activity but also by pathogenic bacteria and viruses; sewage treatment
and waste disposa1 facilities would almost completely disappear.

Great numbers of putrefying human bodies and animal carcasses as
well as untreated waste and sewage would provide an easy breeding
ground for flies and other insects. Diseases like salmonellosis (food On sait que la surexposition aux rayonnements entraîne l'effondrement
du système immunitaire de l'organisme. Les rayonnements ionisants
réduisent la population des lymphocytes-T auxiliaires et augmentent
celle des lymphocytes-T suppresseurs, ce qui accroît la vulnérabilitédes
victimes aux infections et aux cancers. D'autres effets de l'explosion,
comme les brûlures, le traumatisme psychique et la dépression peuvent
aussi avoir une incidence sur la réponse immunitaire.
La réductionbrutale de la capacitédes services de santédue au petit

nombre de survivants dans les professions médicales, à la destruction des
centres de soins et des ambulances, et au manque de fournitures, ainsi
que l'énormitédes difficultés logistiquesrendraient les soins totalement
insuffisants.
Le rayonnement instantané lors de l'explosion et la contamination
durable de l'environnement auraient des effets à long terme, comme
l'apparition de cancers et de lésions génétiquess,ur les survivants et les
populations des zones contaminées.Le risque résultant du rayonnement
instantané dépendraitde la dose reçue. En cas d'exposition de l'ensemble
du corps, on estime qu'il y aurait un risque de mortalité par cancer -
quelle qu'en soit la forme - pendant le reste de la vie.
On a dit que l'un des risques étaitla survenance d'anomalies génétiques

chezlesdescendants des survivants et que ce risque ne seraitpas limitéà la
descendance immédiatedes personnes exposéesmais s'étendraitsur de
nombreuses générations. L'expositioa nu rayonnement du plutonium pour-
rait produire une instabilité chromosomique quipourrait se transmettre a
la descendance et provoquer des cancers dans les générations suivantes.
On a signaléque d'autres effets à long terme se traduiraient notam-
ment par des troubles comportementaux et psychologiques. Après une
première phase d'apathie profonde et de désorientation, il semble
qu'apparaissent des sentiments de culpabilité. En outre, les survivants
vivent dans la crainte continuelle du cancer, des effets tardifs du rayon-
nement et de l'apparition d'anomalies dans leur descendance.

EFFETS DE L'UTILISATION D'ARMES NUCLÉAIRES SUR L'ENVIRONNEMENT
DU POINT DE VUE DE LA SANTÉ

Effets de l'utilisation eflective des armes

En outre, d'aprèsle document présentée ,n détruisantune grande partie
des constructions, une explosion nucléairedétruiraitégalementlesétablis-
sements de santé publiqueet les centres de soins, favorisant ainsi la pro-
pagation des maladies. Les sources d'approvisionnement en eau seraient
contaminéesnon seulement par la radioactivité,mais aussi par des bacté-

ries pathogèneset des virus. Les installations de traitement des eaux usées
et d'éliminationdes déchets seraient presque complètement détruites.
La présenced'un grand nombre de cadavres d'hommes et d'animaux
en putréfaction ainsi que l'accumulation des déchetsnon traités et des
eaux uséesfavoriseraient la prolifération des mouches et autres insectes.poisoning), shigellosis (dysentery), infectious hepatitis, amoebic dysen-
tery, malaria, typhus, streptococcal and staphylococcal infections
(pus-producing), respiratory infections and tuberculosis would occur in
epidemic form over vast areas.

In addition to the acquired health risk for survivors from high-dose
external radiation, the report points out that longer-lived radioisotopes
would lead to a risk for the population over a large area and over long
periods. An impaired immune system would contribute later to an
increased incidence of cancer.

With regard to environmental effects, the report states that if a number
of powerful nuclear weapons were used at thesame time, global environ-

mental disturbance and climatic changes would take place. As regards
trees, evergreens would be especially vulnerable to radiation, coniferous
forests would be liable to suffer most, whereas weeds which are more
resistant would proliferate. Radiation, the report continued, would be
harmful to crops and the food chain; livestock would be harmed and
milk and meat products contaminated. Plant pests which are particularly
resistant would abound. The marine ecosystem would become contami-
nated and suffer similarly. For al1practical intents, the report points out,
there would be a severe shortage of edible and sustaining substances, at a
time when the victims' needs weregreatest.

Thus, in a conflict involving the use of nuclear weapons, climatic and

environmental changes would occur with extensive health implications.

THE SOCIO-ECONOM EICFECTS OF THE USE OF NUCLEAR WEAPONS

While noting the socio-economic impact of the use of nuclear weapons,
the report finds that this would be devastating. After a nuclear war,
besides the extensive breakdown of health facilities, attendant social
structures, the economic system, communicationlines and the very fabric
of Societywould be severely disrupted.
Evacuation of large numbers of people to uncontaminated areas in the
same country or a mass exodus to neighbouring countries would imply

not only exacerbated health problems but also aseries of social and eco-
nomic difficulties for both the abandoned area and the receiving regions.
Shortages of food, the possibility of inter-communal strife, disarray due
to lack of work, societal disorganization, poverty, dependence and
apathy, or revolts, wouldal1converge to create complicated social and
economic problems that would in al1likelihood be of some duration.Des maladies comme la salmonellose (empoisonnement alimentaire) et la
shigellose (dysenterie), l'hépatiteinfectieuse, la dysenterie amibienne, le
paludisme, le typhus, les infections streptocoques et à staphylocoques
(produisant du pus), les infections respiratoires et la tuberculose pren-
draient des proportions épidémiquesdans de vastes régions.
En plus des risques pour les survivants résultant de l'expositionune
forte irradiation externe, le rapport indique qu'il faut tenir compte des
radio-isotopes à demi-vie plus longue qui continueraient pendant long-
temps àprésenterun risque pour la population dans une zone trèséten-
due. L'altération du systèmeimmunitaire contribuerait plus tard à une
augmentation de l'incidence descancers.
En ce qui concerne les effets sur l'environnement, le rapport signale
que si plusieurs armes de grande puissance sont utiliséessimultanément,

des perturbations de l'environnement et des changements climatiques
peuvent se produire à l'échellemondiale. Pour ce qui est des arbres, ceux
qui ont des feuilles persistantes sont particulièrement vulnérables aux
rayonnements; les forêts deconifères seraient probablement les plus
atteintes, alors que les mauvaises herbes, plus résistantes, proliféreraient.
Les rayonnements, poursuit le rapport, sont également trèsnéfastespour
les cultures et la chaîne alimentaire; le bétailet, par conséquent,le lait et
la viande seraient contaminés. Les organismes ravageurs des plantes sont
particulièrement résistantset semultiplieraient. L'écosystèmemarin souf-
frirait également dela contamination. A toutes fins pratiques, il y aurait
une grave pénurie de produits comestibles et de première nécessité au
moment où les besoins des victimes seraient les plus grands.
Ainsi, un conflit nucléaire degrande ampleur entraînerait des change-
ments climatiques et environnementaux à l'échellemondiale qui auraient
d'importantes conséquencessur la santé.

A propos des effets socio-économiques de l'utilisation desarmes nu-
cléaires,le rapport note qu'ils seraient dévastateurs. Après une guerre nu-
cléaire,on assisterait, en plus de l'effondrement des systèmesde santé et
des structures sociales connexes, une grave désorganisation du système
économique,des moyens de communication et de tout le tissu social.
L'évacuation d'un grand nombre de personnes vers les régions non
contaminées à l'intérieurd'un mêmepays ou un exode massif vers les
pays voisins ne feraient pas qu'exacerber les problèmes de santé,ils pro-
voqueraient aussi une sériede difficultés socialeset économiques tant

dans la région évacuée que dans les régions d'accueil.Divers facteurs,
dont le manque de nourriture, le risque de conflits intercommunautaires,
le désarroidû au chômage, la désorganisation de la société,la pauvreté,
la dépendance et l'apathie ou la révoltese combineraient pour donner
naissance à des problèmes sociaux et économiquescomplexes qui persis-
teraient sans doute longtemps. Environmental degradation would create poverty and shortages of
food which, in turn, would exacerbate social friction, conflict and
disorganization of authority, which might lead to violence and societal
disintegration.
Adults, the report observes, tend to fear genetic defects and cancer, as
has been noted among the survivors of Hiroshima and Nagasaki and the
affected population of Chernobyl.
Thus, a society that suffered a major nuclear devastation would be
traumatized and, most likely, profoundly changed.
According to the Mayor of Hiroshima who made a testimony to the
Court, the atomic bomb which was detonated in Hiroshima produced an
enormous destructive power and reduced innocent civilian populations to
ashes. Women, the elderly and the newborn were said to have bathed in
deadly radiation. The dropping of the bomb unleashed a mushroom
cloud and human skin was burned raw while other victims died in des-
perate agony, he stated. He further told the Court that when the bomb

exploded, enormous pillars of flame leaped up towards the sky and a
majority of the buildings crumbled with many people dead or injured.

Later in his testimony he described the unique characteristic of the
atomic bombing as one whose enormous destruction was instantaneous
and universal. Old, Young,male, female, soldiers, civilians were al1killed
iizdiscuiminately.The entire city of Hiroshima, he said, had been exposed
to thermal rays, shock-wave blast and radiation. The bomb purportedly
generated heat that reached several million degrees centigrade. The fire-
bal1was about 280 metres in diameter, the thermal rays emanating from
it were thought to have instantly charred any human being who was out-
doors near the hypocentre. The witness further disclosed that according
to documented cases, clothing had burst into flames at a distance of
2 kilometres from the hypocentre of the bomb ;many fireshad been ignited
simultaneously throughout the city; the entire city had been carbonized
and reduced to ashes. Yet another phenomenon was a shock-wave which
inflicted even greater damage when it ricocheted off the ground and
buildings. The blast wind which resulted had, he said, lifted and carried

people through the air. Al1wooden buildings within a radius of 2 kilo-
metres collapsed; many well beyond that distance were damaged.

The blast and thermal rays combined to burn to ashes or cause the col-
lapse of approximately 70 per cent of the 76,327dwellings in Hiroshima
at the time. The remainder were partially destroyed, half-bombed or
damaged. The entire city was said to have been instantly devastated by
the dropping of the bomb.

On the day the bomb was dropped, the witness further disclosed that
there were approximately 350,000 people in Hiroshima, but it was later
estimated that some 140,000had died by the end of December 1945.Hos- La dégradation de l'environnement entraînerait un appauvrissement et
une pénurie denourriture qui, àleur tour, exacerberaient les frictions et
les conflits sociaux et contribueraientsaper l'autorité, ce qui risquerait
de conduire à la violence età la désintégrationde la société.
Les adultes, fait observer le rapport, craignent surtout les anomalies
génétiques et lcancer, comme on l'anotéchez lessurvivants d'Hiroshima
et de Nagasaki ainsi que dans la population de Tchernobyl.
Une société victimed'un désastrenucléairemajeur serait traumatisée et
subirait fort probablement des changements en profondeur.
D'après le maire d'Hiroshima, qui a fait une déclaration devarit la
Cour, la bombe atomique qui a explosé à Hiroshima avait une puissance
de destruction énorme et a réduit en cendres d'innocentes populations

civiles. Femmes, vieillards et nouveau-nés baignaient, a-t-il dit, dans des
rayonnements mortels. Le largage de la bombe, a-t-il ajouté, aprovoqué
un nuage en forme de champignon, la peau d'êtres humains a brûlévive
et d'autres victimes ont connu une atroce agonie. Le maire a dit encore
la Cour qu'au moment de l'explosion d'énormes colonnes defeu s'étaient
élevéesvers le cielet que la majoritédes bâtiments s'était effondrée, cau-
sant de nombreuses victimes dont beau cou^sont mortes.
Dans un autre passage de son exposé,le maire a dit que ce qui carac-
térisaitle bombardement atomique et en faisait quelque chose d'unique
tenaità ce que l'énorme destruction qu'il provoquait était instantanée et
universelle. Les vieux, lesjeunes, les hommes, les femmes, les soldats, les
civils,tous sont tuésans discriminat Tounte.la ville d'Hiroshima a été
exposée à des rayons thermiques, à l'onde de choc de l'explosion etaux
rayonnements. La bombe a semble-t-il dégagéune chaleur qui a atteint

plusieurs millions de degréscentigrades. Le globe de feu avait environ
deux cent quatre-vingts mètres de diamètre et l'on pense que les rayons
thermiques qui en émanaientont brûléinstantanément tout être humain
qui se trouvaità l'extérieurprès de l'hypocentre. Le témoina révélé en
outre, sur la base de cas avéré, ue des vêtements avaient prisfeu deux
kilomètres de l'hypocentre et que de nombreux feux s'étaientallumés
simultanémentun peu partout; toute la villea étécarboniséeet réduiteen
cendres. Autre phénomène,celui de l'onde de choc qui a infligédes dom-
mages encore plus grands en ricochant sur le sol et sur des bâtiments. La
déflagration qui a suivi a soulevé etportéles gens en l'air. Tous les édi-
ficesen bois dans un rayon de deux kilomètres se sont effondréset beau-
coup, bien plus éloignésencore, ont étéendommagés.
La déflagrationet lesrayons thermiques se sont combinéspour réduire

en cendres ou faire écrouler soixante-dix pour cent des soixante-seize
mille trois cent vingt-sept habitations qu'Hiroshima comptait l'époque.
Les autres ont étépartiellement détruites,demi sinistréesou endomma-
gées.On a dit que la villeavait été dévastiestantanément par le largage
de la bombe.
Le témoin a indiqué quele jour de l'explosion de la bombe il y avait
trois cent cinquante mille habitants Hiroshima, mais on a estimé plus
tard que cent quarante mille environ étaientmorts avant la fin décembrepitals were said to be in ruins with medical staff dead or injured and with
no medicines or equipment, and an incredible number of victims died,
unable to receive sufficient treatment. Survivors developed fever, diar-
rhoea, haemorrhaging, and extreme fatigue, many died abruptly. Such
was said to be the pattern of the acute symptoms of the atomic bomb
disease. Other consequences were widespread destruction of cells, loss of
blood-producing tissue, and organ damage. The immune systems of sur-
vivors were weakened and such symptoms as hair loss were conspicuous.
Other experiences recorded were an increase in leukaemia,cataracts, thy-
roid cancer, breast cancer, lung cancer and other cancers. As a result of
the bombing, children exposed to radiation suffered mental and physical
retardation. Nothing could be done for these children medically and even
unborn babies, the Mayor stated, had been affected. The exposure in
Hiroshima to high levels of radiation, he concluded, continues to this
day.

The Mayor of Nagasaki, in his testimony, described effects on his city
that were similar to those experienced by Hiroshima as a result of the
atomic bombing which had taken place during the war. According to the
witness,

"The explosion of the atomic bomb generated an enormous fire-
ball, 200metres in radius, almost as though a small sun had appeared
in the sky. The next instant, a ferocious blast and wave of heat
assailed the ground with a thunderous roar. The surface temperature
of the fireball was about 7,000"C, and the heat rays that reached the
ground were over 3,000" C. The explosion instantly killed or injured
people within a two-kilometre radius of the hypocentre, leaving
innumerable corpses charred like clumps of charcoal and scattered
in the ruins near the hypocentre. In some cases not even a trace of
the person's remains could be found. The blast wind of over
300 metres per second slapped down trees and demolished most
buildings. Even iron reinforced concrete structures were so badly

damaged that they seemed to have been smashed by a giant hammer.
The fierceflash of heat meanwhile melted glass and left metal objects
contorted like strands of taffy, and the subsequent fires burned the
ruins of the city to ashes. Nagasaki became a city of death where not
even the sounds of insects could be heard. After a while, countless
men, women and children began to gather for a drink of water at the
banks of nearby Urakami River, their hair and clothing scorched
and their burnt skin hanging off in sheets like rags. Beggingfor help,
they died one after another in the water or in heaps on the banks.
Then radiation began to take its toll, killing people like a scourge of
death expanding in concentric circles from the hypocentre. Four
months after the atornic bombing, 74,000 were dead and 75,000had
suffered injuries, thats, two-thirds of the city population had fallen1945. Les hôpitaux étaient en ruine, leur personnel médical mort ou
blessé,sans médicaments et sans équipements; un nombre incroyable de
victimes étaient mortesfaute d'avoir pu recevoir le traitement qu'ilfallait.
Les survivants souffraient de fièvre,de diarrhée, d'hémorragieset d'une
extrêmefatigue et beaucoup décédaientbrusquement. C'est ainsi, a-t-on
dit, que se présentaient les symptômes aigus de la maladie de la bombe
atomique dont d'autres conséquencesétaient une destruction généralisée
des cellules, une perte des tissus hématopoïétiqueset une détérioration
organique. Le système immunitaire des survivants était affaibli et 1'011

voyait se manifester des symptômes très apparents comme la chute des
cheveux. On a enregistréégalementune multiplication des cas de leucé-
mie, de cataractes, de cancers et entre autres de cancers de la thyroïde, du
seinet des poumons. Conséquencedu bombardement, des enfants exposés
aux rayonnements ont souffert d'un retard mental et physique. On n'a
rien pu faire pour eux sur le plan médical et même des bébé escore à
naître ont étéatteints. Le maire a conclu en disant que, aujourd'hui
encore, I'onest exposéà des niveaux élevédse rayonnement àHiroshima.
Le maire de Nagasaki a décritdans son témoignageles effets qu'avait
eus sur sa ville le bombardement atomique intervenu pendant la guerre,
effets similairesceux qu'Hiroshima avait connus. Selon ce témoin:

((L'explosion de la bombe atomique a donné lieu à une énorme

boule de feu, de 200 mètres de diamètre, presque comme si un petit
soleil était apparu dans le ciel. L'instant d'après, une déflagration
fantastique et une vague de chaleur ont touchéle sol dans un bruit
de tonnerre. La température à la surface de la boule de feu était
d'environ 7000 degréscentigrades et les rayons qui ont atteint le sol
dépassaient3000 degrés. L'explosiona immédiatement tuéou blessé
les gens qui se trouvaient dans un rayon de 2 kilomètresà partir de
l'hypocentre, laissant d'innombrables cadavres carbonisés comme
des morceaux de bois au milieu des ruines. Dans certains cas, on n'a
mêmepas pu retrouver la moindre trace des restes du cadavre. Le
souffle qui dépassait 300 mètresà la seconde a aplati les arbres et
démolila plupart des bâtiments. Mêmeles constructions en béton
arméont étési endommagéesqu'elles semblaient avoir été écrasées
par un gigantesque marteau. Le violent éclairde chaleur avait en

mêmetemps fait fondre le verre, déforméles objets métalliques
comme de la guimauve et les incendies qui se sont ensuite allumés
ont réduiten cendres les ruines de la ville. Nagasaki est devenue une
ville morte où I'on n'entendait mêmepas de bruits d'insectes. Peu
après, d'innombrables hommes, femmes et enfants ont commencé à
se grouper sur les rives du fleuve Urukami tout proche pour y boire;
leurs cheveux et leurs vêtementsétaient roussis, leur peau brûlée
pendait en lambeaux comme des guenilles. Implorant de l'aide, ils
sont morts l'un après l'autre dans l'eau ou par monceaux sur les
rives. Puis les radiations ont commencé leurs ravages,tuant les gens victim to this calamity that came upon Nagasaki like a preview of
the Apocalypse." (CR 95/27, p. 38.)

The witness went on to state that even people who were lucky enough
to survive continue to this day to suffer from the late effects unique to
nuclear weapons. Nuclear weapons, he concluded, bring in their wake
indiscriminate devastation to civilian populations.

According to the testimony by the delegation of the Marshall Islands
which was the site of 67 nuclear weapons tests from 30June to 18August
1958, during the period of the United Nations Pacific Islands territories
trusteeship, the total yield ofhose weapons was said to be equivalent to
more than 7,000 bombs the size of which destroyed Hiroshima. These

nuclear weapon tests weresaid to have caused extensiveradiation, induced
illnesses, deaths and birth defects. Further on in the testimony,it wasis-
closed that human suffering and damage to the environment occurred at
great distances, both in time and in geography, from the sites of detona-
tions even when an effort was made to avoid or mitigate harm. The dele-
gation went on to inform the Court that the unique characteristics of
nuclear weapons are that they cause unnecessary suffering and include
not only widespread, extensive, radioactive contamination with cumula-
tive adverse effects, but also locally intense radiation with severe,mme-
diate and long-term adverse effects, far-reaching blast, heat, and light
resulting in acute injuries and chronic ailments. Permanent, as well as
temporary, blindness from intense light and reduced immunity from
radiation exposures were said to be common and unavoidable conse-
quences of the use of nuclear weapons, but uncommon or totally absent
when other destructive devices were employed.

The delegation further disclosed that birth defects and extraordinarily

prolonged and painful illnesses caused by the radioactive fallout inevit-
ably and profoundly affected the civilianpopulation longafter the nuclear
weapons tests had been carried out. Such suffering had affected genera-
tions born long after the testing of such weapons. The Court was told
that, apart from the immediate damage at and near ground zero (where
the detonationtook place), there had been a large-scale contamination of
animals and plants and a poisoning of both soi1and water. As a conse-
quence thereof, some of the islands were still abandoned and on those
islands that had recently been resettled, the presence of caesium in plants
from the radioactive fallout rendered them inedible. Women on some of
the other atolls in the Marshall Islands who had been assured that their comme un fléaumortel qui se répandait en cercles concentriques à
partir de l'hypocentre. Quatre mois après le bombardement ato-
mique, soixante-quatorze mille personnes étaientmortes et soixante-
quinze mille blessées,autrement dit, les deux tiers de la population
de la ville avait été victimede cette calamitéqui s'est abattue sur
Nagasaki comme une prémissede l'Apocalypse.» (CR 95/27, p. 38.)

Le témoin a poursuivi en disant que même ceuxqui avaient eu la
chance de survivre continuaient jusqu'à maintenant à souffrir des sé-
quelles tardives qui caractérisent les armes nucléaires. Lesarmes nu-
cléaires, a-t-ilconclu, apportent avec ellesla destruction indiscriminée des
populations civiles.
A été entendu aussi le témoignagede la délégationdes Iles Marshall où
avaient eu lieu soixante-sept essais nucléairesentre le 30juin et le 18août
1958, à l'époqueoù ellesfaisaient partie du territoire des îles du Pacifique
placésous la tutelle des Nations Unies. On a dit que la puissance totale
de cesarmes équivalait à plus de sept millebombes de la taille de cellequi
avait anéanti Hiroshima. Ces essais avaient causé des maladies radio-

induites, des morts et des malformations congénitales.On a indiquéplus
tard que, mêmequand les explosions avaient lieu à de grandes distances,
dans le temps et l'espace, elles pouvaient entraîner des souffrances pour
l'hommeet causer des dommages à l'environnement, mêmesil'on s'effor-
çait d'éviterou d'atténuerle préjudice.Poursuivant son témoignage,la
délé"ationa informéla Cour aue les armes nucléairesont des caractéris-
tiques qui leur sont propres- elles causent des maux superflus, elles ne
se bornent pas à une contamination radioactive très vaste et trèsétendue
ayant des conséquences néfastescumulatives mais elles génèrentaussi
localement des rayonnements intenses ayant des effets nocifs graves,
immédiatset à long terme, des déflagrations de grande ampleur, de la

chaleur et de la lumière,ce qui provoque des lésionsimportantes et des
maladies chroniques. La cécitépermanente ou temporaire résultant de
l'expositionà la lumière intense et l'affaiblissementde l'immunitéface
aux ravonnements étaient les conséauencescourantes et inévitablesde
l'emploid'armes nucléaires, conséquencer sares ou inexistantes sil'onuti-
lisait d'autres engins de destruction.
La délégation des Iles Marshall a indiquéaussi que des malformations
congénitaleset des maladies extrêmement douloureuseset de très longue
durée dues aux retombées radioactives avaientprofondément affectéla
population civile, cequi étaitinévitable,longtemps après le moment où
les essais nucléairesavaient eu lieu. Ces maux avaient frappédes généra-

tions d'insulaires néesbien après les essais. En dehors des dommages
immédiatscausésau point zéro (oùl'explosion s'était produite)ou dans
son voisinage, c'est dans toute la zone que la flore et la faune ont été
contaminées,le sol et l'eau empoisonnés.En conséquence,certaines des
îles étaienttoujours abandonnées et dans celles où la population s'était
récemment réinstallée la présencede césiumprovenant des retombées
radioactives dans les plantes rendait celles-ciincomestibles. On a signaléatolls were not affected by radiation, were said to have given birth to
"monster babies". A young girl on one of these atolls was said to have no
knees, three toes on each foot and a missing arm; her mother had not
been born by 1954when the tests started but had been raised on a con-
taminated atoll.

In the light of the foregoing, to hold as the Court has done, that these
matters do not lie within the cornpetence or scope of activities of the
WHO borders on the unreal and smacks of cynicism, and the law is not
cynical.

The World Health Organization is the United Nations specialized

agency responsible for protecting and safeguarding the health of al1
peoples at the international level and its responsibilities include the
taking of measures to prevent health problems on a catastrophic scale,
such as those which may result from the use of nuclear weapons. In
this regard, the Organization deals primarily with preventive and more
particularly with administrative preventive medicine.

Against this background, it is understandable, and in conformity with
its mandate, that the WHO took the viewthat prevention is the only way
from realizing the catastrophic consequences which the explosion of a
nuclear weapon would bring in its trail.
Furthermore, according to its Constitution, the objective of the WHO
is "the attainment by al1peoples of the highest possible levelof health",
defined as "a state of complete physical, mental and social well-beingand
not merely the absence of disease or infirmity". In pursuance of its objec-
tives, the WHO is endowed with 22 functions, including the following:

"(a) to act as the directing and CO-ordinatingauthority on interna-
tional health work;

...........................

(c) to assist Governments, upon request, in strengthening health
services;
(d) to furnish appropriate technical assistance and, in emergen-
cies, necessary aid upon the request or acceptance of Govern-
ments;
...........................
(k) to propose conventions, agreements and regulations, and make
recommendations with respect to international health matters UTILISATION DES ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISS.KOROMA) 180

que des femmes habitant certains atolls eà qui l'on avait donnél'assu-
rance que leur atoll ne serait pas touché par les rayonnements avaient
donnénaissance à des «bébés monstres)).On a dit qu'une fillette de l'un

de ces atolls n'avait pas de genoux, qu'elle avait trois doigtshaque
pied et qu'il luimanquait un bras. Sa mère n'était pas encorenée en4
quand les essais ont débutémais elle avait étéélevésur un atoll conta-
miné.
Compte tenu de ce qui précède, direcomme la Cour le fait que ces
questions n'entrent pas dans la compétence de l'OMSou dans le cadre de
son activité toucheà l'irréalisme et confineau cynisme, or le droit n'est
pas cynique.

LE RÔLE DE L'ORGANISATI OONNDIALE DE LA SANTÉ ET L'ACTION MENÉE
SUR LE PLAN INTERNATIONAL DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ

L'Organisation mondiale de la Santé est l'institution spécialisée des
Nations Unies chargéede protéger et de sauvegarder la santé de tous
les peuples sur le plan international et il entre dans ses attributions de
prendre les mesures voulues pour empêcher que des problèmes de
santé, commeceux qui pourraient résulter del'emploi d'armes nucléaires,
prennent une ampleur catastrophique. A cet égard, l'organisation

s'occupe avant tout de médecine préventive et plusparticulièrement des
aspects administratifs de la médecine préventive.
Cela étant,il est compréhensibleet conformeà son mandat que l'OMS
ait étéd'avis que la prévention était le seul moyen d'éviterles consé-
quences catastrophiques que l'explosion d'une arme nucléairene man-
querait pas d'entraîner.
Qui plus est, l'OMS a pour but, selon sa Constitution, ((d'amener tous
les peuples au niveau de santéle plus élepossible)), la santé étantdéfi-
nie comme «un étatde complet bien-êtrephysique, mental et social, et

non pas seulement comme une absence de maladie ou d'infirmité)).
Conformément à son but, l'OMS est chargée devingt-deux fonctions, et
notamment des suivantes :
«a) agir en tant qu'autorité directrice et coordonnatrice, dans le
domaine de la santé,des travaux ayant un caractère interna-

tional
.............................
c) aider les gouvernements, sur leur demande, à renforcer leurs
services de santé;
d) fournir l'assistance technique appropriée et, dans les cas
d'urgence, l'aide nécessaire,a requêtedes gouvernements ou
sur leur acceptation;

.............................
k) proposer des conventions, accords et règlements, faire des
recommandations concernant les questions internationales de 181 USE OF NUCLEAR WEAPONS (DISS . P.KOROMA)

and to perform such duties as may be assigned thereby to the
Organization and are consistent with its objective;

(m) to foster activities in the field of mental health, especially
those affecting the harmony of human relations;

(p) to study and report on, in CO-operationwith other specialized
agencieswhere necessary, administrative and social techniques
affecting public health and medical care from preventive and
curative points of view, including hospital services and social
security;
(q) to provide information, counsel and assistance in the field of
health;
(Y) to assist in developing an informed public opinion among al1
peoples on matters of health;

(v) generally to take al1necessary action to attain the objective of
the Organization."

Given the very serious health and medical problems which would
ensue as a result of the use of nuclear weapons, death and injury to civil-
ians and medical personnel alike, destruction of hospital and medical

supplies, it follows that it would be within the WHO'Smandate to take
measures to address and alleviate such a situation. For instance, and in
line with its mandate, the WHO would be required to provide medical
assistance and emergency relief to the victims of such assistance, help in
the restoration of medical services and attempt to organize and co-ordi-
nate medical assistance in terms of the provision of necessary drugs and
medical personnel both at the national and international level.

According to studies carried out, following the First World War,
20 million people - a higher figure than those killed in the course of the

war itself- were said to have died as a result of an outbreak of an influ-
enza epidemic with which the international community was not prepared
to deal, and should such an eventuality occur in the wake of a nuclear
war, the WHO would be expected and required to address a similar out-
break, in accordance with its Constitution.
Furthermore, according to the material before the Court, the WHO
has been concerned with the effects of nuclear weapons on health for
many years. In 1984and 1987it presented detailed reports on the effects
of nuclear war on health and health services, recognizing that it had been
established that no health service in the world could assure the conditions

in which people could be healthy or achieve physical, social and mental
well-being, or could alleviate in any significant way a situation resulting
from the use of evenone singlenuclear weapon, andthat primary preven- UTILISATION DES ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISS.KOROMA) 181

santé etexécutertelles tâches pouvant êtreassignéesde ce fait
à l'organisation et répondant à son but;

m) favoriser toutes activitésdans le domaine de l'hygiènementale,
notamment celles se rapportant a l'établissementde relations
harmonieuses entre les hommes;

p) étudier et faire connaître, en coopération au besoin avec
d'autres institutions spécialiséesl,es techniques administratives
et sociales concernant l'hygiènepublique et les soins médicaux

préventifs etcuratifs,y compris les services hospitaliers et la
sécurité sociale
q) fournir toutes informations, donner tous conseils et toute assis-
tance dans le domaine de la santé;
v) aider àformer, parmi lespeuples, une opinion publique éclairée
en ce qui concerne la santé;

v) d'une manièregénérale,prendre toute mesure nécessairepour
atteindre le but assignéà l'organisation)).

Vu lestrès graves problèmessanitaires et médicaux qui résulteraient de
l'utilisation d'armes nucléaires, le nombre des morts et des blessésque
compteraient la population civile mais aussi le personnel médical,la des-
truction des fournitures hospitalières et médicales,il s'ensuit qu'ilrelève-
rait du mandat de l'OMS de prendre des mesures pour faire face et remé-
dier à une telle situation. Ainsi, et conformémentà son mandat, l'OMS
devrait apporter aux victimes une aide médicaleet des secours d'urgence,
contribuer au rétablissement des servicesmédicaux,s'efforcerd'organiser
et de coordonner l'assistance médicale enfournissant les médicamentset
le personnel médical nécessairestant au niveau national qu'au niveau

international.
Selon des études quiont étéfaites, une épidémiede grippe que la com-
munauté internationale n'était pas prête à affronter aurait tué, aprèsla
premièreguerre mondiale, vingt millions de personnes et aurait donc fait
plus de morts que la guerre elle-même;si une éventualitédu même genre
se produisait à la suite d'une guerre nucléaire,on attendrait de l'OMS
qu'elle prenne en main la situation, conformément à sa Constitution.

En outre, selon la documentation dont dispose la Cour, l'OMS s'occupe
des effets des armes nucléairessur la santédepuis de nombreuses années.
En 1984 et en 1987, elle a présentédes rapports détaillésau sujet des

effets de la guerre nucléairesur la santé et les services de santé;d'après
elle, il était établiqu'aucun service de santéau monde ne pouvait assurer
la santé ou le bien-êtrephysique, social et mental des populations ou
encore n'était capable d'améliorer de manièresignificativela situation en
casd'utilisation ne serait-ce que d'une seule arme nucléaire;la préventiontion is the only appropriate means to deal with the health and environ-
mental effects of the use of nuclear weapons.
Faced with the possible magnitude of the health and environmental
consequences resulting from the use of nuclear weapons and realizing
that the health hazards associated with the use of such weapons could
only be obviated by means of prevention, the WHO requested the Court
to givean advisory opinion as to whether, in viewof the health and envi-
ronmental consequences, the use of nuclear weapons by a State in war or
other armed conflict would be a breach of its obligations under interna-
tional law, including the WHO Constitution.

The WHO'Srequest was based on Article 96, paragraph 2, of the Char-
ter of the United Nations, Article 76 of the Constitution of the World

Health Organization, and Article X of the Agreement between the United
Nations and the World Health Organization. Article 96, paragraph 2, of
the Charter provides that :
"specialized agencies, whichmay at any time be so authorized by the

General Assembly, may also request advisory opinions of the Court
on legal questions arising within the scope of their activities".

According to Article 76 of the Constitution of the WHO,

"Upon authorization by the General Assembly of the United
Nations or upon authorization in accordance with any agreement
between the Organization and the United Nations, the Organization
may request the International Court of Justice for an advisory
opinion on any legal question arising within the competence of the

Organization."
Article X, paragraph 2, of the Agreement of 10July 1948between the
United Nations and WHO states as follows :

"The General Assembly authorizes the World Health Organiza-
tion to request advisory opinions of the International Court of Jus-
tice on legal questions arising within the scope of its competence
other than questions concerning the mutual relationships of the
Organization and the United Nations or other specialized agencies."

The question posed by the WHO presupposes that States had under-
taken certain legal obligations in relation to health and the environment
which would be violated by the use of nuclear weapons in war or other
armed conflict. These obligations are said to be found mainly in interna-primaire était donc le seul moyen approprié de maîtriser les effets sur la
santéet l'environnement de l'utilisation d'armes nucléaires.
Vu les conséquencesimportantes que pourrait avoir l'emploi d'armes
nucléairespour ce qui est de la santéet de l'environnement et considérant
que les risques sanitaires liés'utilisation de ces armes ne pouvaient être
écartésque grâce àla prévention,l'OMS a demandé à la Cour de donner
un avis consultatif sur le point de savoir si, compte tenu des effets des
armes nucléairessur la santéet l'environneinent, leur utilisation par un
Etat au cours d'une guerre ou d'un autre conflit arméconstituerait une

violation de ses obligations au regard du droit international,compris la
Constitution de l'OMS.
La demande de l'OMS se fonde sur l'article 96, paragraphe 2, de la
Charte des Nations Unies, l'article 76 de la Constitution de l'Organisa-
tion mondiale de la Santéet l'articleX de l'accord conclu entre l'Orga-
nisation des Nations Unies et l'organisation mondiale de la Santé. L'ar-
ticle 96, paragraphe2, de la Charte dispose que les

((institutions spécialiséesqui peuvent, à un moment quelconque,
recevoir de l'Assemblée générau lene autorisationà cet effet ont éga-
lement le droit de demander à la Cour des avis consultatifs sur des
questionsjuridiques qui seposeraient dans le cadre de leur activité)).

Selon l'article 76 de la Constitution de l'OMS:

((Sous le couvert de l'autorisation de l'Assemblée générale des
Nations Unies ou sous le couvert de l'autorisation résultant de tout
accord entre l'Organisation et les Nations Unies, l'organisation
pourra demander àla Cour internationale de Justice un avis consul-
tatif sur toute questionjuridique éventuelledu ressort de7Organisa-
tion))

L'article X, paragraphe 2, de l'accord du 10juillet 1948entre l'Orga-
nisation des Nations Unies et l'OMS est ainsi conçu:

((L'Assembléegénéraleautorise l'organisation mondiale de la
Santé à demander des avis consultatifs à la Cour internationale de
Justice sur des questionsjuridiques qui se poseraient dans le cadre de
sa compétence, à l'exception de celles concernant les relations réci-
proques entre l'organisation et l'organisation des Nations Unies ou
d'autres institutions spécialisées.

La question poséepar l'OMS présuppose queles Etats ont assumé, en
matière de santéet d'environnement, certaines obligations juridiques qui
seraient violéessi l'arme nucléaireétaitutiliséeau cours d'une guerre ou
d'un autre conflit armé.Ces obligations relèvent, a-t-on dit, surtout du 183 USE OF NUCLEAR WEAPONS (DISSO. P.KOROMA)

tional humanitarian law as reflected in specificconventions and in cus-
tomary international law applicable in war or armed conflict.

Foremost among these is said to be the obligation according to which
the right of a State to injure a belligerents not unlimited and means of
warfare which caused unnecessary suffering are prohibited. This obliga-
tion is said to be reflected in the 1868 Declaration of St. Petersburg,
which represents the beginning of the application of humanitarian prin-
ciples to the necessities of war and forbids the use of projectiles weighing
less than 400 g that are explosive or charged with inflammable sub-
stances. The obligation also found expression in the Declaration ofBrus-
sels of 1874, according to which the laws of war do not recognize in
belligerents an unlimited power to adopt whatever means to injure the
enemy. Based on this principle, States were, inter alia, prohibited from:

1. The employment of poison or poisoned weapons.
2. The employment of arms, projectiles or material calculated to cause
unnecessary suffering, as well as the use of projectiles prohibited by
the St. Petersburg Declaration.

The principle is also codified in the Hague Convention IV of 1907,
Article 22 of which provides that the right of belligerents to adopt means
of injuring the enemy is not unlimited. According to Article 23, para-
graph (a), the employment of poison and poisoned weapons, and the
employment of arms, projectiles or materials calculated to cause un-
necessary suffering is prohibited. Article 25 prohibits "the attack or-
bardment, by whatever means, of towns, villages, dwellings, or buildings
which are undefended". Also said to be relevant in this regard are both
the 1925 Geneva Protocol which reaffirms the prohibition of the use of
poison gases and of analogous materials and bacteriological methods of
warfare and the 1993Convention on the Prohibition of the Development,
Production, Stockpiling and Use of Chemical Weapons and on Their
Destruction. The principle, it is said, was reaffirmed and codified in
Article 35, paragraph 1, of Additional Protocol 1 of 1977.
It is argued that the explosive and blast effects of nuclear weapons and
their other instant and long-term effects including genetic consequences
place them in the category of weapons of mass destruction that cause
superfluous and excessive injury and suffering over a long period of time

and space. The use of such weapons, it is submitted, would violate the
aforementioned principle and accordingly the obligations undertaken
both under customary international law and the relevant international
conventions and instruments.

One other obligation undertaken by States which, it was contended,
would be violated by the use of nuclear weapons in an armed conflict
relates to the principle of discrimination between combatants and non-
combatants and between military and non-military objectives which also
has its basis in customary international law. The principle is said to bedroit international humanitaire, tel qu'il résultede certaines conventions,
et du droit international coutumier applicable en temps de guerre ou dans
les conflits armés.
Primordiale est àcet égard l'obligationen vertu de laquelle un Etat n'a
pas un droit illimitéde nuire à un belligérant et l'emploid'armes propres
à causer des maux superflus est interdit. Cette obligation, nous dit-on, est
consacréedans la déclaration de Saint-Pétersbourg de 1868,qui marque

le début de l'application de principes humanitaires aux nécessitésde la
guerre et qui prohibe l'emploi de projectiles explosifs ou incendiaires
d'un poids inférieur à 400 grammes. Cette obligation se retrouve égale-
ment dans la déclaration de Bruxelles de 1874 selon laquelle les lois de
la guerre ne reconnaissent pas aux belligérantsun droit illimitéquant au
choix des moyens de nuire à l'ennemi. Conformément à ce principe, il
était notamment interdit aux Etats

1) d'employer du poison ou des armes empoisonnées,
2) d'employer desarmes, des projectiles ou des matières propres à causer
des maux superflus, ainsi que d'utiliser les projectilesdéfenduspar la
déclaration de Saint-Pétersbourg.

Le principe est également codifiédans la convention IV de La Haye de
1907dont l'article 22 dispose que les belligérantsn'ont pas un droit illi-
mitéquant au choix des moyens de nuire à l'ennemi. Selon l'article23,
l'emploi du poison ou d'armes empoisonnéesest interdit (alinéa a)) et il
en est de même desarmes, des projectiles ou des matières propres à cau-
ser des maux superflus. Quant à l'article 25, il interdit ((d'attaquer ou de
bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habita-

tions ou bâtiments qui ne sont pas défendus)).On a notéaussi la perti-
nence du ~rotocole de Genève de 1925. aui aéaLfirme I'interdiction
d'employer des gaz toxiques et matières analogues ainsi que les armes
bactériologiques,et celle de la Convention de 1993sur I'interdiction de la
mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi desarmes chi-
miques et sur leur destruction. Ce principe a été,a-t-on dit, réaffirméet
codifié à l'article 35, paragraphe 1, du protocole additionnel 1de 1977.
On soutient que, par leurs effets d'explosion et de souffle, comme par
leurs autres conséquencesinstantanées ou à long terme - y compris les
conséquences génétiques -, les armes nucléairesse classent dans la caté-

gorie des armes de destruction massive causant des souffrances et des
maux superflus et excessifsqui sefont sentir pendant longtemps. L'emploi
de telles armes, prétend-on, contreviendrait au principe mentionné plus
haut et par suite aux obligations assuméestant en vertu du droit inter-
national coutumier qu'en vertu des conventions et instruments interna-
tionaux ~ertinents.
Une autre obligation assuméepar les Etats et qui, a-t-on fait valoir,
serait violéesil'arme nucléaireétaitutiliséedans un conflit arméconcerne
le principe de discrimination entre combattants et non-combattants, et

entre objectifs militaires et objectifs non militaires, qui trouve lui aussi
son fondement dans le droit international coutumier. Ce principe, qui,reflected in Article 27 of the Hague Regulations, and Articles 22 and 24

of the Draft Hague Rules on Air Warfare of 1923,is largely accepted as
customary law, and is now codified in Articles 51 and 52 of Additional
Protocol 1 to the 1949Geneva Conventions. These instruments are said
to prohibit indiscriminate attacks. It was argued that, given the known
characteristics of nuclear weapons, the detonation of such a weapon in
an armed conflict would fail to differentiate between combatants and
non-combatants and, as such weapons release radioactivity which is
detrimental to human beings and destructive to the environment, their use
would violate the obligation to discriminate during armed conflict between
combatants and non-combatants and between military and non-military
objectives.

Furthermore, under the Geneva Convention of 1949, belligerents are
said to be obliged to perform post-battle obligations, which include the
duties of collecting the wounded and the dead, of individual burial, of
evacuation of prisoners, of the ban on exposing prisoners to unnecessary
danger, together with the rules on the protection of persons and prop-
erty, wounded and sick members of the armed forces, hospital ships and

medical transporters. It has been suggested that such duties could not be
fulfilled should nuclear weapons be used in an armed conflict, because of
their radioactive and other effects.

According to Article 147 of the Fourth Geneva Convention of 1949,
the commission of acts against protected persons, serious injury to body
or health, and extensive destruction of property not justified by military
necessity are qualified as grave breaches of the Convention, while,accord-
ing to Article 85of Additional ProtocolI "making the civilian population
or individual civilians theobject of attack" (para. 3(a)), and

"launching an indiscriminate attack affecting the civilian population
or civilian objects in the knowledge thatsuch attack willcause exces-
sive loss of life, injury to civilians or damage to civilian objects"
(para. 3(b)),

are considered to be "grave breaches" of the Protocol and of the Conven-
tion and would constitute "war crimes".
It was accordingly argued that given the characteristics of nuclear
weapons when used, their radioactive, heat and blast effects, the obliga-
tion to distinguish between protected persons and property from belli-
gerent military objectives could not be observed. Consequently, the use
of such weapons would result in the violation of obligations undertaken
both under the Geneva Conventions and the Additional Protocol 1. UTILISATION DES ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISS. KOROMA) 184

a-t-on indiqué, est consacré à l'article 27 du règlement de La Haye de
1907ainsi qu'aux articles 22 et 24 du projet de La Haye de 1923sur les
règlesde la guerre aérienne,est en généralconsidérécomme faisantpartie
du droit coutumier et est maintenant consacréaux articles 51 et 52 du
protocole additionnel 1aux conventions de Genève de 1949.On a dit que
ces instruments interdisent les attaques menéessans discrimination. On a
indiqué que, vu les caractéristiques connues des armes nucléaires, ces
armes seraient incapables, dans un conflit armé, de différencier entre
combattants et non-combattants et que, comme elles provoquent une

radioactiviténocive aux êtres humainset destructrice de l'environnement,
leur emploi violerait l'obligation de faire une distinction, lors d'un conflit
armé,entre combattants et non-combattants, entre objectifs militaires et
installations non militaires.
De surcroît, en vertu de la convention de Genèvede 1949, les belligé-
rants sont tenus, a-t-on dit, certaines obligations une fois la bataille ter-
minée,entre autres ramasser les morts et les blessés,enterrer les cadavres
individuellement, évacuer les prisonniers, ne pas exposer inutilement
ceux-ci au danger; ils sont tenus aussi, par les règles relatives protec-
tion des personnes et des biens, à la protection des membres blesséset
malades des forces armées, des navireshôpitaux et des transports médi-

caux. On a fait valoir qu'il n'étaitpas possible de remplir ces obligations
si l'arme nucléaire était utilisée dans un conflit armé, à cause de la
radioactivité et des autres effets qu'elle engendre.
L'article 147de la convention IV de Genèvede 1949qualifie d'infrac-
tions graves le fait de commettre certains actes contre des personnes
protégées,les atteintes portéesà l'intégritéphysique ou àla santé,la des-
truction de biens non justifiéepar des nécessités militaires et exécutser
une grande échelle;de son côté l'article 85 du protocole additionnel 1
considère comme des ((infractions graves)) au protocole et à la conven-
tion, susceptibles d'êtredes«crimes de guerre)), le fait de ((soumettrela
population civile ou des personnes civilesà une attaque)) (par. 3 a)) et le
fait de

((lancer une attaque sans discrimination atteignant la population
civile ou des biens de caractère civil, en sachant que cette attaque
causera des pertes en vies humaines, des blessures aux personnes
civilesou des dommages aux biens de caractère civil, qui sont exces-
sifs...))(par. b)).

On a donc soutenu qu'étant donnéles caractéristiques des armes
nucléaires lorsqu'ellessont utilisées, leurradioactivité,la chaleur qu'elles
dégagentet leur effet de souffle, l'obligation de distinguer entre les per-

sonnes et les biens protégéset les cibles militaires des belligérants ne
pourrait pas êtrerespectée. En conséquence l'utilisation de ces armes
entraînerait la violation des obligations découlant tant des conventions
de Genèveque LIprotocole additionnel 1. Also said to be violated is the Martens Clause which dates back to the
Hague Conventions of 1899 and 1907, considered applicable to every
armed conflict and most recently codified in Additional ProtocolI to the
Geneva Conventions of 1949 relating to the protection of victims of
international armed conflict and which stipulates that:

"In cases not covered by this Protocol or by other international
agreements, civilians and combatants remain under the protection
and authority of principles of international law derived frorn estab-

lished custom, from principles of humanity and from the dictates of
public conscience."
It has been submitted that the fact that civilians and combatants alike
would not be spared the cruel effects of a war with nuclear weapons
would constitute a violation of the obligations enshrined in this provi-
sion.

The environmental obligations assumed by States, it is also argued,
would be violated by the use of nuclear weapons. Such obligations are
said to be found in various international legal instruments, among which
is the 1907Hague Convention IV Respecting the Laws and Customs of
War on Land, Article 55 of which states that:

"The occupying State shall be regarded only as administrator and

usufructuary of public buildings, real estate, forests, and agricultural
estates belonging to the hostile State, and situated in the occupied
country. It must safeguard thecapital of these properties, and admin-
ister them in accordance with the rules of usufruct."
This principle is said to be further reflected in the 1949Geneva Conven-
tion IV relative to the Protection of Civilian Persons in Time of War,
Article 53 of which provides as follows:

"Any destruction by the Occupying Power of real or personal
property belonging individually or collectivelyto private persons, or
to the State, or to other public authorities, or to social or co-
operative organizations, is prohibited, except where such destruction
is rendered absolutely necessary by military operations."

The 1977Additional Protocol 1 to the 1949Geneva Conventions was
also invoked as having imposed obligations on environmental protection
against military activities. The provisions of the Protocol in this regard On a dit aussi que l'emploi de l'arme nucléaire violerait la clause de
Martens, qui remonte aux conventions de La Haye de 1899et de 1907,
considéréecomme applicable danstout conflit arméet reprise récemment
dans le protocole additionnel1aux conventions de Genève de 1949relatif
à la protection des victimes des conflits armésinternationaux; elle se lit
comme suit :

((Dans les cas non prévuspar le présentprotocole ou par d'autres
accords internationaux, les personnes civiles et les combattants res-
tent sous la sauvegarde et sous l'empire des principes du droit des
gens, tels qu'ils résultentdes usages établis, des principesde l'huma-
nitéet des exigences de la conscience publique.

On a avancéque le fait que les effets cruels de l'arme nucléairen'épar-
gneraient pas plus les civils que les combattants constituerait une viola-
tion des obligations énoncéesdans cette disposition.

OBLIGATION RSLATIVES À L'ENVIRONNEMENT

On a égalementavancé que les obligations assuméespar les Etats en
matière d'environnement seraient violéess'il était fait usage des armes
nucléaires.On a indiqué que ces obligations figurent dans divers instru-
ments juridiques internationaux et notamment la convention IV de La
Haye de 1907concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre dont
l'article5 dispose :

«L'Etat occupant ne se considérera que comme administrateur et
usufruitier des édificespublics, immeubles, forêtset exploitations
agricoles appartenant à 1'Etat ennemi et se trouvant dans le pays
occupé. Il devra sauvegarder le fonds de ces propriétéset les admi-
nistrer conformément aux règlesde l'usufruit.»

On a signaléque ce principe étaitrepris aussi dans la convention IV de
Genève de 1949relative à la protection des personnes civilesen temps de
guerre, dont l'article3 est ainsi conçu:
«Il est interdità la puissance occupante de détruire des biens

mobiliers ou immobiliers, appartenant individuellement ou collec-
tivement à des personnes privées,à 1'Etat ou à des collectivitéspu-
bliques,à des organisations sociales ou coopératives, sauf dans les
cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessairespar
les opérations militaires.

On a égalementfait valoir que le protocole additionnel 1 de 1977aux
conventionsde Genèvede 1949imposaitdes obligationsrelatives àla protec-
tion de l'environnement contreles opérations militaires.Les dispositions duweresaid to represent the development ofthe relevant principles embodied

in the 1899and 1907Hague Conventions. Article 35of ProtocolI - Basic
Rules - stipulates that
"1. In any armed conflict, the right of the Parties to the conflict to
choose methods or means of warfare is not unlimited.
.............................

3. It is prohibited to employ methods or means of warfare which
are intended, or may be expected, to cause widespread, long-term
and severe damage to the natural environment."

Article 53 declares that

"Without prejudice to the provisions of the Hague Convention for
the Protection of Cultural Property in the Event of Armed Conflict
of 14May 1954,and of other relevant international instruments, it is
prohibited :
..........................
(c) to make such objects the object of reprisals."

According to Article 54,
"1. Starvation of civilians as a method of warfare is prohibited.

2. It is prohibited to attack, destroy, remove or render useless
objects indispensable to the survival of the civilian population, such
as foodstuffs, agricultural areas for the production of foodstuffs,
crops, livestock, drinking water installations and supplies and irriga-
tion works, for the specific purpose of denying them for their suste-
nance value to the civilian population orto the adverse Party, what-
ever the motive, whether in order to starve out civilians, to cause
them to move away, or for any other motive.
.........................
4. These objects shall not be made the object of reprisals."

Article 55 obliges States to observe the following during military con-
flict in relation to the natural environment

"1. Care shall be taken in warfare to protect the natural environ-
ment against widespread, long-term and severedamage. This protec-
tion includes a prohibition of the use of methods or means of war-
fare which are intended or may be expected to cause such damage to
the natural environment and thereby to prejudice the health or sur-
vival of the population.
2. Attacks against the natural environment by way of reprisals
are prohibited."

The general prohibition of Article 55 of the Protocol is said to be made
more specificin Article 56, which provides that "dams, dykes and nuclear
electrical generating stations" shall not be made the object of attackprotocole sur ce point développent,a-t-on dit, les principes énoncésen la
matière par les conventions de La Haye de 1899et de 1907.L'article 35
du protocole 1- intitulé:«Règles fondamentales » - stipule ce qui suit:
«1. Dans tout conflit armé,le droit des parties au conflit de choi-

sir des méthodesou moyens de guerre n'est pas illimité.
.............................
3. 11est interdit d'utiliser des méthodesou moyens de guerre qui
sont conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu'ils causeront,
des dommages étendus, durables et graves à l'environnement natu-
rel.

Aux termes de l'article 53, il est dit:
«Sans préjudice desdispositions de la convention de La Haye du
14 mai 1954pour la protection des biens culturels en cas de conflit
arméet d'autres instruments internationaux pertinents, il est inter-

dit:
............................
c) de faire de ces biens l'objet de représailles.))

Selon l'article 54
((1. Il est interdit d'utiliser contre les civils la famine comme
méthode de guerre.
2. 11est interdit de détruire, d'enlever ou de mettre hors d'usage
des biens indispensables à la survie de la population civile, tels que
des denréesalimentaires et les zones agricoles qui les produisent, les
récoltes, le bétail, les installations et réservesd'eau potable et les

ouvrages d'irrigation, en vue d'en priver, à raison de leur valeur de
subsistance, la population civile ou la partie adverse, quel que soit
le motif dont on s'inspire, que ce soit pour affamer des personnes
civiles, provoquer leur déplacementou pour toute autre raison.
.............................
4. Ces biens ne devront pas êtrel'objet de représailles.))

L'article 55 oblige les Etats à respecter pendant un conflit armé les
règlessuivantes relatives à l'environnement naturel:
«1. La guerre sera conduite en veillant à protéger I'environne-

ment naturel contre des dommages étendus, durables et graves.
Cette protection inclut l'interdiction d'utiliser des méthodes ou
moyens de guerre conçus pour causer ou dont on peut attendre
qu'ils causent de tels dommages à l'environnement naturel, compro-
mettant, de ce fait, la santé ou la survie de la population.
2. Les attaques contre l'environnement naturel à titre de repré-
sailles sont interdites.

On a indiquéque l'interdiction générale énoncé àel'article 55 est pré-
cisée à l'article 56 selon lequel «les barrages, les digues et les centrales
nucléairesde production d'énergie électrique neseront pas l'objet d'at-"even where these objects are military objectives". Article 56, para-
graph 1,forbids attack upon military objectives located at or in the vicin-
ity of these works or installations
"if such attack may cause the release of dangerous forces and con-
sequent severe losses among the civilian population. Other military

objectives located at or in the vicinity ofhese works or installations
shall not be made the object of attack if such attack may cause the
release of dangerous forces from the works or installations and con-
sequent severe losses among the civilian population."

Also considered relevant is the Rio Declaration on Environment and
Development, which was adopted during the Rio Conference in 1992and

which stipulates that
"Warfare is inherently destructive of sustainable development.
States shall therefore respect international law providing protection
for the environment in times of armed conflict and CO-operatein its
further development, as necessary." (Principle 24.)

It was submitted that States would be in breach of their legal obliga-
tions were nuclear weapons, given their established characteristics, to be
used in war or other armed conflict, as such use would violate the obli-
gations undertaken by States in relation to the protection of the natural
environment.

The purpose of the Court's advisory jurisdiction is to offer an authori-
tative legal opinion and to enlighten the requesting body on certain legal
aspects of an issue which it has to deal with in discharging its functions,
or "to guide the United Nations in respect of its own action" (Legal Con-
sequencesfor States of the ContinuedPresenceof South Africa inNarniOia

(South West Africa) notwithstanding Security Council Resolution 276
(1970), 1. C.J. Reports 1971, p. 24).
The Court's authority to render an advisory opinion resides in
Article 65 of itsStatute. This has been reaffirmed in several of its advis-
ory opinions, inter alia, in the case concerning Certain Expenses of the
UnitedNations (Article 17,paragraph 2, of the Charter), where it stated
that: "The power of the Court to give an advisory opinion is derived
from Article 65 of the Statute." (I.C.J. Reports 1962, p. 155; see also
Western Sahara, 1. C.J. Reports 1975, p. 21.)
Over the years the Court has taken the view that by exercisingits advi-
soryjurisdiction it participates in the activities of the United Nations. In
the Namibia case the Court emphasized that :

"by replying to the request it [the Court] would not only 'remaintaques, mêmes'ils constituent des objectifs militaires)). L'article 56,
paragraphe 1, interdit les attaques contre des objectifs militaires situés
sur ces ouvrages ou installations ou àproximité
((lorsque de telles attaques peuvent provoquer la libération de ...
forces dangereuses et, en conséquence,causer des pertes sévèresdans

la population civile. Les autres objectifs militaires situéssur ces
ouvrages ou installations ou à proximité ne doiventpas être l'objet
d'attaques lorsque de telles attaques peuvent provoquer la libéra-
tion de forces dangereuses et, en conséquence,causer des pertes sé-
vèresdans la population civile)).
On a égalementconsidéré comme pertinentela déclaration deRio sur
l'environnement et le développement,adoptée àla conférencede Rio en

1992,qui dispose:
«La guerre exerce une action intrinsèquement destructrice sur le
développement durable. Les Etats doivent donc respecter le droit
international relatif la protection de l'environnement en temps de
conflit arméetparticiperà son développement,selon que de besoin.»
(Principe 24.)

On a soutenu que les Etats contreviendraient à leurs obligations juri-
diques si des armes nucléairesétaientutiliséesau cours d'une guerre ou
d'un autre conflit armécar, vu lescaractéristiques connues deces armes,
leur emploi iraitàl'encontre des obligations qu'ilsont assumées ence qui
concerne la protection de l'environnement.

Le but de la compétence consultative de la Cour est de donner un
avis juridique autoriséet de renseigner l'organe qui le lui demande sur
certains aspects juridiques d'une question qu'il doit trancher dans le

cadre de ses fonctions ou ((d'éclairerles Nations Unies dans leur action
propre» (Conséquencesjuridiques pour les Etats de la présencecontinue
de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la réso-
lution 276 (1970) du Conseil desécurité,C.I.J. Recueil 1971, p. 24).
C'est l'article 65du Statut qui confèreà la Cour le pouvoir de donner
un avis consultatif. Cela a étéréaffirmédans plusieurs des avisconsulta-
tifs donnéspar la Cour et notamment dans l'affaire concernant Certaines
dépenses desNations Unies (article 17,paragraphe 2, de la Charte) où il
est dit:«Le pouvoir qu'a la Cour de donner un avis consultatif procède
de l'article 65 du Statut)) (C.I.J. Recueil 1962, p. 155; voir aussi Sahara
occidental, C.I.J. Recueil 1975,p. 21).
Au cours des années,la Cour en est venue à considérer qu'en exerçant
sa compétence consultative elle participait aux activités desNations

Unies. Dans l'affaire de laNamibie, elle a souligné
«qu'en répondant à la requêtenon seulement elle [la Cour] resterait faithful to the requirements of its judicial character' (I.C.J. Reports
1960, p. 153),but also discharge its functions as 'the principal judi-
cial organ of the United Nations' (Art. 92 of the Charter)" (Legal
Consequencesfor States of the Continued Presence of South Africa
in Namibia (South West Africa) notwitlzstanding Security Council
Resolution 276 (1970), I.C.J. Reports 1971, p. 27).
In the Interpretation of Peace Treaties case the Court pointed out that its

"Opinion is given not to the States, but to the organ which is entitled
to request it; the reply of the Court, itself an 'organ of the United
Nations', represents its participation in the activities of the Organi-
zation, and, in principle, should not be refused" (Inteupretation of
Peace Treaties with Bulgaria, Hungary and Romania, Second Phase,
1.C.J. Reports 1950, p. 71).

Accordingly, by rendering advisory opinions, the Court lends its assis-
tance in the solution of problems confronting the United Nations while,
at the same time, discharging its responsibilities as its principal judicial
organ. In this regard, the Court has regarded the rendering of an opinion
as a duty while pointing out, at the same time, that there are certain
limits to its duty to reply to a request for an opinion. In the case con-
cerning Certain Expenses of the UnitedNations (Article 17,paragraph 2,
of the Charter), the Court found that it would be entitled to refuse to
render an opinion only for "compelling reasons" following its Opinion in
Judgments of the Administrative Tribunal of the IL0 upon Cornplaints
Made against Unesco(I.C.J. Report 1956,p. 86), and there are no "com-

pelling reasons" when the principal question is one of treaty interpreta-
tion. A compelling reason, the Court had held, would be that the request
requires the Court to depart from its judicial functions, such as passing
on facts insufficientlyestablished(Status of Eastern Carelia,1923,P.C.I.J.,
Series B, No. 5).

Furthermore and as stated earlier, the Court has also perceived its
advisory function as giving an opinion based on law once it has corne to
the conclusion that the questions put to it are relevant and have a prac-
tical and contemporary effect and are consequently not devoid of object
and purpose. Hence, the Court has never declined to render an advisory
opinion on jurisdictional grounds even though it has repeatedly observed
that :

"21. It is . .. a precondition of the Court's competence that the
advisory opinion be requested by an organ duly authorized to seek it
under the Charter, that it be requested on a legal question, and that
... that question should be one arising within the scope of the activi-
ties of the requesting organ" (Application for Review of Judgement
No. 273 of the United Nations Administrative Tribunal, I.C.J.
Reports 1982, pp. 333-334). ((fidèleaux exigences de son caractère judiciaire)) (C.I.J. Recueil
1960,p. 153),mais encoreelles'acquitteraitde sesfonctions d'«organe
judiciaire principal des NationsUnies)) (Charte, art. 92))) (Consé-
quencesjuridiques pourles Etats de laprésence continue del'Afrique
du Sud en Nanzibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolu-
tion 276 (1970) du Conseil desécurité,C.I.J. Recueil 1971, p. 27).

Dans l'affaire de l'Interprétationdes traitésde paix, la Cour a fait
observer ceci:

((L'avisest donnépar la Cour non aux Etats mais àl'organe habi-
litépour le lui demander; la répoilseconstitue une participation de
la Cour elle-même((organe des Nations Unies))à l'action de1'Orga-
nisation et, en principe, elle ne devrait pas êtrerefusée))(Interpréta-

tion des traitésde paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la
Roumanie, première phase, C.I.J. Recueil 1950, p. 71).

En conséquence, lorsque la Cour donne des avis consultatifs, elle
contribue à la solution des problèmesauxquels les Nations Unies doivent
faire face tout en s'acquittant des obligations qui sont les siennes en tant
qu'organe judiciaire principal. cet égard,la Cour a estimé qu'elleavait
le devoir de rendre les avis sollicitésmais non sans souligner que son
devoir de répondre à une demande d'avis comportait certaines limites.
Dans l'affaire concernant Certaines dépenses desNations Unies (ar-
ticle 17,paragraphe 2, de la Charte), la Cour a dit qu'ilfaudrait des «rai-
sons décisives))pour l'amener à opposer un refus à une demande d'avis
consultatif, suivant son avis en l'affaire desJugements du Tribunal admi-
izistratifde l'OIT sur requêtes contl'Unesco(C.I.J. Recueil 1956,p. 86),
or il n'existepas de ((raison décisive))lorsque la principale question posée

concerne l'interprétationd'un traité.Ily aurait, d'aprèsla Cour, une rai-
son décisive sila demande l'obligeait à se départirde ses fonctions judi-
ciaires et par exempleà se prononcer sur des faits insuffisamment établis
(Statut de la Carélieorientale, 1923, C.P.J.I. sérieB no5).
En outre, comme on l'a vu précédemment,la Cour considère que sa
fonction consultative consisteà donner un avis fondéen droit, dèslors
qu'ellea abouti à la conclusion que les questions qui lui sont poséessont
pertinentes, qu'elles ont un effet pratiqueà l'heure actuelle et que par
conséquentellesne sont pas dépourvues d'objetet de but. C'estpourquoi
ellen'a jamais refusé dedonner un avis pour des raisons tenant à la com-
pétence bien qu'elleait fait observerà maintes reprises que

«21. ..pour que la Cour ait compétence,il faut que l'avis consul-
tatif soit demandépar un organe dûment habilité à cet effet confor-

mément à la Charte, qu'il porte sur une question juridique et qu...
cette question se pose dans le cadre de l'activité de cetorgane))
(Demande de réformationdujugement no 273 du Tribunal adminis-
tratif des Nations Unies, C.I.J. Recueil 1982, p. 333-334). In the case under consideration, the Court, after considering the
request, found that the WHO had been duly authorized to request the
opinion it seeks; that the WHO was entitled to ask the question and that
the question constitutes a legal question within the meaning of the
Statute and the United Nations Charter. The Court then went on to
state that it
"cannot refuse to admit the legal character of a question which
invites it to discharge an essentially judicial task, namely, an assess-
ment of the legality of the possible conduct of States with regard to

the obligations imposed upon them by international law" (para. 16).
"To do this", the Court stated, it

"must identifythe obligation of States under the rules of law invoked,
and assesswhether the behaviour in questionconforms to those obli-
gations, thus giving an answer to the question posed based on law."
(Zbid.)
Having found that the WHO was entitled to ask the question posed
and that it is legal, the Court then went on to determine whether the advi-
sory opinion requested related to a question "arising within the scope of
[the] activities" of the Organization, in accordance with Article 96, para-
graph 2, of the Charter. In order to delineate the field of activity or area

of competence of the WHO, the Court referred to the Constitution of the
Organization, concluding that none of the functions attributed to it in
Article 2 of its Constitution expressly referred to the legality of any activ-
ity hazardous to health, andthat none of its functions is dependent upon
the legality of tlzesituations upon which it must act.

To reach such a conclusion, the Court "interpreted" the question
posed as relating not to the obligations which might arise in view of the
health and environmental effects of the use of nuclear weapons, but as to
the "legality of the use of such weapons". It is this interpretation which
led the Court to hold that whatever the responsibility of the WHO to
deal with such effects, it is not dependent on the legality of the acts which
caused them. This interpretation also enabled the Court to reach the con-
clusion that Article 2 of the WHO Constitution cannot be understood as
conferring upon the Organization a competence to address the legality of
the use ofnucleau weapons, and hence the competence to ask the Court
about that legality. The interpretation also enabled the Court to hold

that none of thefunctions of the agency has a sufficient connection with
the question before it for that question to be capable of being considered
as arising "within the scope of the activities" of the Organization. The
Court's Opinion then went on to state that:

"in particular, thelegality ouillegality of tlzeuse of nucleauweapons Dans l'affaire à l'examen, la Cour, après avoir étudiéla demande qui
lui étaitadressée,a estiméque l'OMS avait été dûment autorisée à solli-
citer un avis, qu'elle étaiten droit de poser la question et que cette ques-
tion étaitjuridique au sens du Statut et de la Charte des Nations Unies.
La Cour a dit ensuite qu'elle

((ne saurait refuser un caractère juridiquàune question qui l'invite
à s'acquitter d'une tâche essentiellement judiciairà,savoir l'appré-
ciation de la licéitéde la conduite éventuelled'Etats au regard des
obligations que le droit international leurmpose)) (par. 16).

Pour ce faire, déclarela Cour, elle
«doit déterminer les obligations des Etats au regard des règles de
droit invoquéeset apprécier la conformité auxdites obligations du

comportement envisagé, apportant ainsi à la question posée une
réponse fondéeen droit » (ibid..
Ayant constaté que l'OMS étaiten droit de poser la question et que
celle-ci avait bien un caractère juridique, la Cour a recherché si l'avis
consultatif demandéportait sur une question qui se posait «dans le cadre
de l'activité)) de l'Organisation, conformément à l'article 96, para-

graphe 2, de la Charte. Afin de circonscrire le domaine d'activitéou le
champ de compétence de l'OMS, la Cour s'est reportée àla Constitution
de l'organisation; elle a conclu qu'aucune des fonctions assignées à
l'OMS par l'article 2 de sa Constitution ne visait expressémentla licéité
d'une quelconqueactivitédangereuse pour la santé et qu'aucune de ses
fonctions n'y étaient rendue tributaire de lalicéitédes situations qui lui
imposaient d'agir.
Pour aboutir à cette conclusion, la Cour a ((interprété))la question
poséecomme portant non pas sur les obligations qui pourraient résulter
des effets de l'utilisation d'armes nucléairessur la santé et l'environne-
ment, mais comme portant sur la ((licéide l'utilisationde telles armes)).
C'est cette interprétation qui l'a amenéeà dire que, quels que soient les

effets de cette utilisation, la compétence del'OMS pour en traiter n'est
pas tributaire de lalicéité desactes qui les produisent. Cette interpréta-
tion a aussi permisà laCour de conclure que l'article 2 de la Constitution
de l'OMS ne saurait être compris commeconférantcompétence àl'Orga-
nisation pour traiter de lalicéitéde l'utilisation desarmes nucléaireset,
dèslors, pour poser à la Cour une question à ce sujet. Cette interpréta-
tion a, de surcroît, permisà la Cour de déclarerqu'aucune desfonctions
de l'organisation n'entretenait, avec la question qui lui avait été soumise,
de rapport de connexité suffisant pour que cette question puisse être
considéréecomme se posant «dans le cadre de l'activité)) del'OMS. La
Cour poursuit en ces termes:

«En particulier, la licéitéou I'illicéité de l'utilisation d'armes in no way determines the specific measures, regarding health or
otherwise . ..,which could be necessary in order to seek to prevent
or cure some of their effects" (Advisory Opinion, para. 22; emphasis
added).

It continued, "whether nuclear weapons are used legally ou illegally,
their effects on health would be the same" (ibid. ;emphasis added), and
elaborated further as follows :
"while it is probable that the use of nuclear weapons might seriously

prejudice the WHO's material capability to deliver al1the necessary
services in such an eventuality, for example, by making the affected
areas inaccessible, this does not raise an issue fallingwithin the scope
of the Organization's activities within the meaning ofArticle96, para-
graph 2, of the Charter" (ibid. ; emphasis added).

In the view of the Court, the WHO could only be competent to take
those actions of "primary prevention" which fa11within the functions of
the Organization as defined in Article 2 of its Constitution, therefore
the reference to "primary prevention" in the preamble to resolution
WHA46.40 and the link which is there established with the question of
the legality of the use of nuclear weaponsare not in themselvescapable of
casting doubt upon the conclusions reached by the Court that the ques-
tion before it does not lie within the scope of the activities of the WHO.
In considering the principle of "speciality" which the Court recognized
as governing international organizations, the Court went on to state that
to ascribe to the WHO the competence to deal with the legality of the use
of nuclear weapons - even in view of their health and environmental

effects- would be tantamount to disregarding the principle of speciality,
as such competence could not be deemed a necessary implication of the
Constitution of the Organization in the light of the purposes assigned to
it by its member States; that WHO's responsibilities in the sphere of
"public health" cannot encroach on the responsibilities of the United
Nations without giving rise to overlaps which are detrimental to the
viability and effectiveness of the system. It further pointed out that
questions concerning the use of force, the regulations of armaments and
disarmament are within the competence of the United Nations and lie
outside the domain of the specialized agencies.

It was on the basis of that reasoning that the Court came to the conclu-
sion that the question posed in the request does not arise "'within the
scope of [the] activities' ofthat Organization as defined by its Constitu-
tion", and accordingly that an essential condition of itsjurisdiction in the
present case is absent and that it does not therefore have jurisdiction to
give the opinion requested. This conclusion was arrived at not only as a
result of a fundamental misconstruction of the question posed by the
WHO and of its Constitution, but also as a result of an unduly formal- nucléairesne conditionne en rien les mesures spécifiques,de nature
sanitaire ou autre ...,qui pourraient s'imposer pour tenter de préve-
nir ou de guérir certainsde leurs effets))(avis consultatif, par. les
italiques sont de moi.)

Elle ajoute:«Que des armes nucléairessoient utiliséeslicitement ou illi-
citement, leurs effets sur la santé seraient identiques)) (ibid., les italiques
sont de moi), ce qu'elle développede la manière suivante:

«s'il est vraisemblable que l'utilisation d'armes nucléairespourrait
porter gravement atteinte à la capacité matériellede l'OMS de four-
nir tous les services nécessairesdans une telle éventualité,notam-
ment en rendant inaccessibles les zones affectées, cela ne soulèvepas
de question entrant dans le cadre de l'activitéde l'Organisation au
sens du paragraphe 2 de l'article 96 de la Charte» (ibid., les italiques

sont de moi).
Selon la Cour, l'OMS ne saurait avoir compétence quepour mener des
actions de ((prévention primaire)) entrant dans les fonctions de l'organi-

sation définies à l'article 2 de sa Constitution. En conséquence,la réfé-
rence à la ((prévention primaire)) dans le préambule de la résolution
WHA46.40 et le lien qui y est suggéré avecla question de la licéitéde
1'utili.rutiondes armes nucléairesne suffisent pas à remettre en câuse la
conclusion de la Cour, à savoir que la question dont elleest saisie n'entre
pas dans le cadre de l'activitéde l'OMS.
Examinant le ((principe de spécialité))qui,d'aprèselle, régit lesorga-
nisations internationales, la Cour en vient dire que reconnaître a l'OMS
la compétence detraiter de la licéitéde l'utilisation des armes nucléaires
- mêmecom~te tenu de l'effet de ces armes sur la santéet l'environne-
ment - équivaudrait à ignorer le principe de spécialitcar une telle com-

pétencene saurait êtreconsidéréecomme nécessairement impliquéepar la
Constitution de l'organisation au vu des buts qui ont été assignés à cette
dernière par ses Etats membres; que les attributions de l'OMS dans le
domaine de la ((santépublique)) ne sauraient empiéter sur cellesd'autres
composantes du système des Nations Unies sans entraîner des doubles
emplois préjudiciablesau maintien et à l'efficacitédu système.La Cour
souligne en outre que les questions touchant au recours à la force, à la
réglementation des armements et au désarmement sont du ressort de
l'organisation des Nations Unies et échappent à la compétencedes ins-
titutions spécialisées.
C'est sur la base de ce raisonnement que la Cour a conclu que la ques-
tion sur laquelle porte la demande d'avis nesepose pas ((dans le cadre de

l'activité))del'OMS tel que définipar sa Constitution, que par suite une
condition essentielle pour fonder sa compétenceen l'espècefait défautet
qu'elle nepeut donc pas donner l'avis sollicité.Si la Cour est parvenue à
cette conclusion, c'est non seulement à cause d'une mauvaise interpréta-
tion fondamentale de la question soumise par l'OMS et de sa Constitu-
tion, mais c'est aussi à cause de la conception exagérémentétroite etistic and narrow view taken of the competence and scope of activities of
the Organization, a view which is unsustainable on the basis of both the
material before the Court and the applicable law.
To focus, first of all, on the Court's finding that it lacksjurisdiction to
render an opinion - while the Court has always emphasized that a pre-
condition for it to exercise itsjurisdiction to deal with a request for advi-
sory opinion is that the request must be by an organ duly authorized to
seek it under the Charter, and that the "question should be one arising
within the scope of the activities of the requesting organ"(Applicationfor
Review of Judgement No. 273 of the United Nations Administrative Tvi-
bunal, I.C.J. Reports 1982, pp. 333-334; see also Application for Revieiv
of Judgement No. 158 of the United Nations Administrative Tribunal,
I.C.J. Reports 1973, pp. 171-172), yet the Court has repeatedly stated
that

"only 'compellingreasons' should lead it to refuse to givea requested
advisory opinion (Judgments of the Administrative Tribunal of the
IL0 upon Complaints Made against Unesco, I.C.J. Reports 1956,
p. 86)" (Certain Expenses of the United Nations (Article 17,para-
graph 2, of the Charter), I.C.J. Reports 1962, p. 155),

andto date this Court has never declined to answer a request for an advi-
sory opinion on the grounds of lack of jurisdiction, but has answered
every question put to it even if to do so it had had to interpret or refor-
mulate the question posed.
For instance, in the case of the Application for Review of Judgement
No. 273 of the UnitedNations Administrative Tribunalreferred to above,
even though the Court noted a number of procedural irregularities in the

way the request for an advisory opinion had been formulated and
observed that the form in which the question had been formulated did
not correspond to the intentions of the requesting organ, yet the Court
did not decline to give an opinion in the matter. In its Opinion, the Court
stated as follows:

"45. Despite the irregularities described . . .,the Court never-
theless feels calledupon ... to accept the task of assisting the United
Nations Organization. It is in accordance with the Court's jurispru-
dence that even though its power to give advisory opinions is discre-
tionary under Article 65 of its Statute, only 'compelling reasons'
would justify the refusa1of such a request (cf. I.C.J. Reports 1973,
p. 183;I.C.J. Reports 1956, p. 86). Of course the irregularities which
feature throughout the proceedings in the present case could well be
regarded as constituting 'compelling reasons' for a refusa1 by the
Court to entertain the request. The stability and efficiency of the
international organizations, of which the United Nations is the
supreme example, are however of such paramount importance to
world order, that the Court should not fail to assist a subsidiaryformaliste qu'elle s'estfaite de la compétenceet du domaine d'activitéde
l'OMS, conception indéfendableaussi bien eu égard à la documentation
présentée à la Cour qu'eu égardau droit appicable.
J'aborde tout d'abord la conclusion de la Cour selon laquelle elle n'a
pas compétencepour donner un avis. Si la Cour a toujours soulignéque,
pour qu'elleait compétence àl'égard d'unedemande d'avis consultatif, il
faut que cette demande émaned'un organe dûment habilité à cet effet

conformément à la Charte et que la ((question se pose dans le cadre de
l'activitéde cet organe)) (Demande de réformationdujugement no273 du
Tribunal administratif des Nations Unies, C.I.J. Recueil 1982, p. 333-
334; voir aussiDemande de réformationdujugement no 158 du Tribunal
administratif des Nations Unies, C.I.J. Recueil 1973, p. 171-173), elle
n'en a pas moins souligné à plusieurs reprises qu'ilfaudrait des

((raisons décisivesour l'amener à opposer un refus àune demande
d'avis consultatif (Jugements du Tribunal administratif de l'OIT sur
requêtescontre l'Unesco, C.I.J. Recueil 1956, p. 86)», (Certaines
dépenses desNations Unies (article 17,paragraphe 2, de la Charte),
C.I.J. Recueil 1962,p. 155).

Jusqu'à ce jour, la Cour n'a jamais refuséde répondre à une demande
d'avisconsultatif en arguant d'un défautde compétence;ellea répondu à
chacune des questions qui lui ont étposées mêms eipour celail lui fallait
interpréterou reformuler la question.
C'est ainsi que, dans l'affaire concernant laDemande de réformation

du jugement no 273 du Tribunal administratif des Nations Unies men-
tionnéeplus haut, bien que la Cour ait notéun certain nombre d'irrégu-
larités procéduralesdans la manière dont la demande d'avis avait été
formuléeet bien qu'elleait fait observer que le libelléde la question ne
répondait pas aux intentions de l'organe requérant, elle n'a pas pour
autant refuséde se prononcer en la matière.Dans son avis, la Cour s'est
expriméeen ces termes :

((45. En dépitdes irrégularitésévoquées ..la Cour croit devoir,
pour des raisons qui vont maintenant êtreexposées,assumer la tâche
consistantà aider l'organisation des Nations Unies. Il est d'ailleurs
conforme à sa jurisprudence que, bien que l'article 65de son Sta-
tut donne un caractère discrétionnaire à sa compétence consulta-
tive, seules des ((raisons décisives))puissent justifier le rejet d'une
telle requêteC.I.J. Recueil 1973,p. 183;C.I.J. Recueil 1956,p. 86).

Certes les irrégularités qui, depuisle début,ont marquéla présente
affaire pourraient fort bien êtreconsidéréescomme des {(raisons
décisives))permettantà la Cour de déclinerla requête. Toutefoisla
stabilitéet l'efficacité desorganisations internationales, dont I'Orga-
nisation des Nations Unies représentel'exemplesuprême,sont d'une
importance si fondamentale pour l'ordre mondial que la Cour nebody of the United Nations General Assembly in putting its opera-
tion upon a firm and secure foundation. While it would have been a
compelling reason, making it inappropriate for the Court to enter-

tain a request, that its judicial role would be endangered or discred-
ited, that is not so in the present case, and the Court thus does not
find that considerations of judicial restraint should prevent it from
rendering the advisory opinion requested. ... While there can be no
question ... of any restriction on the Court's discretion, the Court
will not refuse 'itsparticipation in the activities of the Organization'
(I.C.J. Reports 1950, p. 71), so that the important legal principles
involved may be disposed of, whilst at the same time the Court must
point out the various irregularities. It is not by appearing to shy
away from the latter that the Court can discharge its true judicial
functions.
.............................
46. ... Thus, in the first place, the question put to the Court is, on

the face of it, at once infelicitously expressed and vague; and, in the
second place, the records and report of the Committee cast doubt on
whether the question as framed really corresponds to the intentions
of the Committee in seising the Court.
.............................
47. The Court has therefore to consider whether it should confine
itself to answering the question put; or, having examined the ques-
tion, decline to give an opinion in response to the request; or, in
accordance with its establishedjurisprudence, seek to bring out what
it conceives to be the real meaning of the Committee's request, and
thereafter proceed to attempt to answer rationally and effectively
'the legal questions really in issue' (I.C.J. Reports 1980, p. 89,
para. 35). ... The dilemma has been emphasized in the written state-

ment of France: while not going so far as to contend that the Court
should not give effect to the request, the French Government
observed that the question put to the Court 'does not indicate on
what grounds the Committee on Applications for Reviewhas decided
that "there is a substantial basis" for the application presented by
the United States of America' and that the Court may therefore
'encounter particular difficulties in exercising its jurisdiction'.

48. The Court does not however conclude that in the present case
it is obliged to decline on these grounds to give an opinion. The
Court pointed out in its advisory opinion concerning the Interpreta-
tion of the Agreement of 25 Marclz 1951 between the WHO and
Egypt that

'if[the Court] is to remain faithful to the requirements of its judi-
cial character in the exercise of its advisory jurisdiction, it must
ascertain what are the legal questions really in issue in questions
formulated in a request' (I.C.J. Reports 1980, p. 88, para. 35)."saurait manquer d'aider un organe subsidiairede l'Assemblée géné-
rale des Nations Unies à asseoir son fonctionnement sur des bases
fermes et sûres. Le risque de voir le rôle judiciaire de la Cour com-
promis ou discréditéeût étéune raison décisivede ne pas donner
suite à la requête;ce risque n'existepas en l'espèceet la Cour, par
conséquent, n'estime pas que des considérations d'autolimitation
judiciaire doivent l'empêcherde rendre l'avisconsultatif demandé. ...
Bien que, ..il ne puisse y avoir de restriction au pouvoir discrétion-
naire de la Cour, celle-cis'abstiendra de refuser sa ((participation..
à l'action de l'Organisation» (C.I.J. Recueil 1950,p. 71), afin que les
importants principes juridiques en jeu puissent êtreprécisés; mais

elle doit en même temps signalerles diverses irrégularitésde la pro-
cédure.Ce n'est pas en paraissant les ignorer que la Cour pourrait
s'acquitter de sa véritable fonctionjudiciaire.

46. ...Ainsi, en premier lieu,la question soumiseà la Cour, consi-
dérée en elle-mêmaep,paraît àla foismal posée etvague; en deuxième
lieu, les procès-verbaux etle rapport du comité permettent dedouter
que, telle qu'ellese présente,ellescorrespondent vraiment aux inten-
tions qui animaient le Comitéquand celui-ci a saisi la Cour.
.............................

47. La Cour doit donc se demander si elle doit se contenter de
répondre à la question telle qu'elle est poséeou, ayant examinécelle-
ci, refuser d'ydonner suite; ou si, conformémenta sajurisprudence,
elle doit s'efforcer de dégagerce qui lui paraît être l'intentionvéri-
table du Comité,puis de chercher à répondre,de façon rationnelle et
satisfaisante, aux ((points de droit ...véritablement mis en jeu»
(C.I.J. Recueil 1980, p. 89, par. 35)...L'exposé écrid tu Gouverne-
ment français souligne bien ce dilemme. Sans aller jusqu'à dire que
la Cour ne doit pas donner suite a la requête,ce gouvernement fait
observer que la question posée àla Cour ((n'indique pas les motifs
sur lesquels le Comitédes demandes de réformation s'estfondé pour
déciderque la demande présentéepar les Etats-Unis d'Amérique

((repose sur des bases sérieuses))et que de ce fait la Cour risque
d'«éprouverdes difficultésparticulièrespour exercer sajuridiction».

48. La Cour ne conclut cependant pas qu'en la présenteespèceces
raisons l'obligent à refuser son avis. Dans son avis consultatif sur
l'Interprétationde I'uccorddu 25 mars 1951entre l'OMS et I'Egypte,
la Cour a soulignéque:

«pour rester fidèleaux exigencesde son caractère judiciaire dans
l'exercicede sa compétence consultative,[la Cour] doit rechercher
quelles sont véritablementles questions juridiques que soulèvent
les demandes formuléesdans une requête))(C.I.J. Recueil 1980, (Application for Review of Judgement No. 273 of the United
Nations Administrative Tribunal, I.C.J. Reports 1982, pp. 347-
349 ;emphasis added.)

While apologizing for this extended quotation, 1 consider it necessary
to demonstrate how the Court has in the past exercisedits advisory func-
tion. Thus in the case under reference, although the Court found the
question posed to be irregular and considered that such irregularities
could well be regarded as constituting "cornpelling reasons" for refusing

to render an opinion or that the Court could have encountered particular
difficulties in exercisingitsjurisdiction, it nevertheless took the view that
it should not fail to assist a subsidiary body of the United Nations in
putting its operation upon a secure and firm foundation on account of
any reluctance to deal with the important legal principles involved inthe
case.
The Court, faithful to the requirements of its judicial character in the
exercise ofits advisoryjurisdiction, ascertained what were the legal ques-
tions really in issue in the question formulated in the request and ren-
dered the Opinion. In so doing, it did not consider that it was discredit-
ing, let alone endangering, its judicial role.

The Court has accordingly always taken a liberal view of its advisory
jurisdiction and, while not abandoning its judicial character, it has not
taken as unduly restrictive and narrow a view of that jurisdiction as the
Court appears to have done in the present case, eventhough the question
put by the WHO is not only of cardinal importance to the WHO in terms
of its constitutional functions, but is also of significance for the attain-
ment of one of its objectives, namely, that "the enjoyment of the highest
attainable standard of health is one of the fundamental rights of every
human being".

Given the importance of the question formulated by the WHO in its

request, if the Court had taken into consideration the overall mandate of
the Organization - and even if it had found the question afflicted - it
would have been consonant with its jurisdiction to apply to the WHO
request the same standards as those applied in the case referred to above,
so as to dispose of the important legal principles involved. Additionally,
reasons of consistency in its jurisprudence should have recommended a
similar treatment.
With regard to the principle of "speciality" and how it perceives that
principle in relation to the question, the Court had rightly observed that
that principle governs international relations. In other words, interna-
tional organizations are limited to the powers and functions conferred on
them by States. While such powers are normally expressed in the con-

stituent instruments of the organization, the Court itself acknowledges
that because of the necessities of international life, international organi-
zations can exercise impliedpowers, which without conflicting with their
constitution, are a logical incident of it and contribute to ensuring its p. 88,par. 35).» (Demande de réformationdujugement n" 273 du
Tribunal administratif des Nations Unies, C.I.J. Recueil 1982,
p. 347-349; les italiques sont de moi.)

Que l'on m'excusede cette longue citation mais il me paraît nécessaire
de montrer comment la Cour a exercésa compétence consultative par le
passé. Ainsi,dans l'affaire citée plushaut, où la Cour a trouvé que la

question n'avait pas été poséd eans les règles,où elle a admis que les irré-
gularitéscommises pourraient fort bien êtreconsidéréescomme des «rai-
sons décisives))luipermettant de déclinerla requêteet où elle a reconnu
qu'elle risquait d'éprouver des difficultéspour exercer sa juridiction, la
Cour n'en a pas moins été d'avis qu'elle ns eaurait manquer d'aider un
organe subsidiaire des Nations Unies à asseoir son fonctionnement sur
des bases fermes et sûres sous le prétextequ'ellehésiteraità se prononcer
sur les importants principes juridiques en jeu dans l'affaire.
Fidèle aux exigences de son caractère judiciaire dans l'exercice de sa
compétence consultative, la Cour a cherchéquelles étaient véritablement
les questions juridiques que soulevaient les demandes formuléesdans la

requêteet elle a donné l'avis sollicité. Cefaisant, elle n'a pas considéré
qu'elle discréditaitet moins encore compromettait son rôle judiciaire.
La Cour a par conséquenttoujours conçu de façon libéralesa compé-
tence consultative et, sans renoncer à son caractère judiciaire, n'a pas
envisagécettejuridiction de la manière exagérémentétroiteet restrictive
qu'elle a adoptéeen la présente affaire, alors mêmeque la question sou-
mise par l'OMS est non seulement d'une importance fondamentale pour
cette organisation, sous l'angle de ses fonctions constitutionnelles, mais
présente également un grand intérêtpour la réalisation de l'un de ses
buts, celui d'aprèslequel«la possession du meilleur étatde santéqu'il est
capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être
humain D.

Etant donné l'importance de la question posée par l'OMS dans sa
requête,si la Cour avait pris en considération le mandat de l'organisa-
tion dans son ensemble - mêmesi elle avait trouvé la question défec-
tueuse - elleaurait pu, comme elleavait compétencepour le faire, appli-
quer à la demande de l'OMS les mêmescritères que ceux qui avaient été
appliquésdans l'affaire citée plushaut, de façon à préciserlesimportants
principes juridiques en jeu. En plus, des raisons tenantà la cohérencede
sa jurisprudence militaient en faveur d'un traitement similaire.
En ce qui concerne le ((principede spécialité))et la conception qu'elle
s'enfait eu égard à la question posée,la Cour a fait observer à juste titre

que ce principe régitles relations internationales. En d'autres termes, les
organisations internationales n'ont que les pouvoirs et les fonctions qui
leur sont confiéspar les Etats. Si ces pouvoirs font normalement l'objet
d'une formulation expresse dans l'acte constitutif de l'organisation, la
Cour elle-mêmereconnaît que, en raison des exigences de la vie interna-
tionale, les organisations internationales peuvent exercer des pouvoirs
implicites qui, sans contrevenir à leur constitution, en sont la suite lo-effectiveness. However, the Court then goes on to infer that to ascribe to
the WHO the competence to address the legality of the use of nuclear
weapons, which as 1have already stated distorts the meaning and inten-
tion of the question, would be tantamount to disregarding the principle
of speciality and would be "encroaching" on the responsibilities of other
parts of the United Nations system. As if to reinforce that interpretation,
the Court states that

"questions concerning the use of force, the regulation of armaments
and disarmament are within the competence of the United Nations
and lie outside that of the specialized agencies" (Advisory Opinion,
para. 26).
While it is recognized that questions relating to the use of force, regula-
tion of armaments and disarmament are within the competence of the
United Nations and lie outside that of the specialized agencies, it should

nevertheless be recalled that the WHO is also part of the United Nations
system, and that one of the objectives of the Charter of the United
Nations is not only to maintain international peace and security but to
"promote solutions of international economic, social, health, and related
problems". Moreover,althoughthe WHO is the agency primarily respon-
sible for health matters at the international level, the need for interna-
tional CO-operationin that sphere is also mentioned in Articles 13, 55, 57
and 62 of the Charter as well. Article 13provides that:

"1. The General Assembly shall initiate studies and make recom-
mendations for the purpose of:
.............................
(b) promoting international CO-operation in the economic, social,
cultural, educational, and health fields .. ."(Emphasis added.)

Article 55 provides that :
"With a view to the creation of conditions of stability and well-
being which are necessary for peaceful and friendly relations among
nations based on respect for the principle of equal rights and self-
determination of peoples, the United Nations shall promote:

.............................

(b) solutions of international economic, social, health, and related
problems." (Emphasis added.)

Article 57 stipulates as follows:

"1. The various specialized agencies, established by intergovern-
mental agreement and having )vide international responsibilities, as
defined in their basic instruments, in economic, social, cultural, edu-gique et contribuent à en assurer l'efficacité.La Cour dit cependant que
reconnaître à l'OMS la compétence detraiter de la licéitéde l'utilisation
des armes nucléaires - ce qui, je l'ai déjà dit,dénaturele sens et I'inten-
tion de la question - équivaudrait à ignorer le principe de spécialité et

empiéterait sur les attributions d'autres composantes du système des
Nations Unies. Comme pour renforcer cette interprétation, la Cour
déclareque
«les questions touchant au recours à la forceà la réglementationdes
armements et au désarmementsont du ressort de l'organisation des
Nations Unies et échappent à la compétencedes institutions spécia-
lisées))(avisconsultatif, par. 26).

Certes les questions concernant le recours à la force, la réglementation
des armements et le désarmementsont du ressort de l'organisation des
Nations Unies et échappent à la compétencedes institutions spécialisées,
mais on n'en doit pas moins rappeler que l'OMS fait partie du système
des Nations Unies et que, si l'un des objectifsénoncésdans la Charte
est le maintien de la paix et de la sécuritéinternationales, l'organisation
doit aussi favoriser «la solution des problèmes internationaux dans les

domaines économique, social, de la santépublique et autres problèmes
connexes)). En outre, bien que l'OMS soit l'institution principalement
responsable des questions de santéau niveau international, la nécessité
d'une coopération internationale dans ce domaine est égalementmen-
tionnéepar la Charte dans sesarticles 13, 55, 57 et 62. Aux termes de l'ar-
ticle 13:
«1. L'Assemblée générap lerovoque des étudeset fait des recom-

mandations en vue de:
.............................
b) développerla coopération internationale dans les domaines éco-
nomique, social, de la culture intellectuelle et de l'éducation, de
lasantépublique ..» (Les italiques sont de moi.)

L'article55 dispose :
«En vue de créerles conditions de stabilitéet de bien-être néces-
saires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et ami-
cales fondéessur le respect du principe de l'égalité des droits des
peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes,les Nations Unies
favoriseront :

.............................
b) la solution des problèmesinternationaux dans les domaines éco-
nomique, social, de la santépublique et autres problèmes con-
nexes...)) (Les italiques sont de moi.)
L'article57 stipule ce qui suit

«1. Les diverses institutions spécialiséescréées par accords inter-
gouvernementaux et pourvues, aux termes de leurs statuts, d'attri-
butions internationales étendues dans les domaines économique, cational, health, and related fields, shall be brought into relationship
with the United Nations in accordance with the provisions of
Article 63.
2. Such agencies thus brought into relationship with the United
Nations are hereinafter referred to as 'specialized agencies'."
(Emphasis added.)

Article 62 provides that :
"1. The Economic and Social Council may make or initiate
studies and reports with respect to international economic, social,
cultural, educational, health, and related matters and may make
recommendations with respect to any such matters to the General
Assembly, to the Members of the United Nations, and to the

specialized agencies concerned." (Emphasis added.)

In other words, the General Assembly has jurisdiction over health
matters in general, but the WHO is given a specificassignment in relation
to such matters under its Constitution.
According to that Constitution, "The enjoyment of the highest attain-
able standard of health" is not only "one of the fundamental rights of
every human being", so also is that "the health of al1peoples is funda-

mental to the attainment of peace and security". In a similar way, the
primary purpose of the United Nations is "to maintain international
peace and security". It can thus readily be seen that despite the fact that
the Security Council and, to a lesser degree, the General Assembly are
pre-eminent in the role of maintenance of international peace and secu-
rity, functional CO-operationwith the specialized agencies was envisaged
for the achievement of that common objective. It does not appear to have
been the intention of the Charter that, because of the pre-eminent role of
these bodies in the area of peace and security, they should become a
legally exclusive domain to the extent of even precluding functional co-
operation with other bodies who might be required to carry out their
functions - especially in an emergency situation such as one resulting
from the consequences of the use of nuclear weapons. Furthermore,
among the functions of the WHO, in accordance with Article 2 of its

Constitution, are
"(a) to act as the directing and CO-ordinatingauthority on interna-
tional health work;
...........................
(d) to furnish appropriate technical assistance and, in emergen-

cies, necessary aid upon the request or acceptance of Govern-
ments;
...........................
(f) to establish and maintain such administrative and technical
servicesas inay be required, including epidemiological and sta-
tistical service; social, de la culture intellectuelle et de l'éducation,de la sanpu-
bliqueet autres domaines connexes, sont reliéeà l'organisation con-
formémentaux dispositions de l'article 63.
2. Les institutions ainsi reliéàsl'organisation sont désignées ci-
aprèspar l'expression ((institutions spécialisé» (Les italiques sont

de moi.)
L'article62 est ainsi conçu:

«1. Le Conseil économiqueet social peut faire ou provoquer des
études et des rapports sur des questions internationales dans les
domaines économique,social, de la culture intellectuelle et de l'édu-
cation, de la santé publique et autres domaines connexes et peut
adresser des recommandations sur ces questions à l'Assemblée géné-
rale, aux Membres de l'organisation et aux institutions spécialisées
intéressées. (Les italiques sont de moi.)

En d'autres termes, l'Assemblée généraa lecompétence, d'une manière
générale,pour les questions relatives à la santémais l'OMS reçoit une
mission spéciale à l'égardde ces questions en vertu de sa Constitution.
Selon cette Constitution, «la possession du meilleur état desantéqu'il
est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout
êtrehumain)) et ((la santéde tous les peuples est une condition fonda-
mentale de la paix du monde et de la sécurité)).Dela mêmemanière le
but primordial de l'organisation des Nations Unies est de ((maintenirla
paix et la sécuritéinternationales)). Il est donc facile de constater que,
mêmesi leConseil de sécuritéet, àun moindre degré, l'Assemblée géné-

ralejouent un rôle prééminentdans le maintien de la paix et de la sécurité
internationales, on a envisagéune coopération technique avec les insti-
tutions spécialiséespour parvenir à cet objectif commun. Il n'était pas,
semble-t-il, dans les intentions des auteurs de la Charte de confier le do-
maine de la paix et de la sécurité exclusivement à ces organes, du fait
qu'ilsyjouent un rôle prééminent,au point d'empêcherune coopération
technique avec d'autres organismes éventuellementchargés de s'acquit-
ter de leurs fonction- spécialementdans une situation d'urgence comme
celleque créerait l'utilisation d'armesnucléaires.En outre, on peut noter
que, parmi les fonctions de l'OMS énumérées à l'article 2 de sa Constitu-
tion, se trouvent les suivantes

«a) agir en tant qu'autoritédirectrice et coordonnatrice, dans le do-
maine de la santé,des travaux ayant un caractèreinternational;

d) fournir l'assistance technique appropriée et, dans les cas

d'urgence, l'aide nécessaireà la requêtedes gouvernements ou
sur leur acceptation;

f) établir et entretenir tels services administratifs et techniques
jugés nécessairesy, compris des services d'épidémiologie et de
statistique; (g) to stimulate and advance work to eradicate epidemic, endemic
and other diseases".

In effect, the WHO is competent to deal with every conceivable ele-
ment in the field of health, and given its functions as the specialized
agency on international health matters, this is why the health conse-
quences of the use of nuclear weapons would naturally fa11within the
scope of activities of the Organization. In such a situation, the agency
would be expected and required to direct and CO-ordinate medical and
health assistance at the international level, to furnish appropriatetechni-
cal advice, for instance, on how to mitigate the effects of radiation both

immediately and with respect to the intermediate and long term. Refer-
ence has already been made to the influenza epidemic which broke out
after the First World War and to the fact that. because the international
community was caught unprepared, 20 million people - more than the
war casualties - died during that epidemic. The WHO is the body Gov-
ernments would turn to for technical advice in case of such a contingency
as a result of the use of nuclear weapons.

The United Nations has taken cognizance of such a contingency in
resolution 471168,in which it expressed deep concern about the suffering
of the victims of disasters and emergency situations (such as could arise
as a result of the use of nuclear explosions), resulting in the loss inan
lives, the flow of refugees, the mass displacement of people and material
destruction, and mindful of the need to strengthen and make more effec-

tive the collective efforts of the international community, established the
Department of Humanitarian Affairs to provide international humani-
tarian assistance when disasters or catastrophes occur.

In that resolution, the Assembly also expressed its deep concern about
the magnitude and ruinous effects of disasters and emergency situations
which, inter alia, cal1for more international co-operationto mitigate the
human suffering of the victims. To expedite the rehabilitation and recon-
struction processes, the Assembly underlined the need for an adequate,
CO-ordinated and prompt response by the international community to
disasters and emergency situations. Noting the increasing number and
complexity of disasters and humanitarian emergencies, it established the
Inter-Agency Standing Committee to ensure better preparation for, as

well as rapid and coherent response to, natural disasters and other emer-
gencies, in particular emergencies involving the supply of food, inedi-
cines,shelter and health care. The WHO is one of the agencies invited to
take part in the Inter-Agency Standing Committee.

The resolution further requested the Secretary-General to report on
ways and means to improve the United Nations capability in the areas of
prevention and preparedness in relation to natural disasters and other g) stimuler et faire progresser l'action tendantà la suppression des
maladies épidémiques,endémiques etautres. ))

En réalitél'OMS a compétencepour traiter de tout ce que l'on peut
concevoir dans le domaine de la santéet, vu les fonctions qu'elle remplit

du fait qu'elle est l'institution spécialichargéedes questions de santé
sur le plan international, il serait tout naturel que les conséquencessani-
taires de l'emploi d'armes nucléairesentrent dans le cadre de son activité.
Dans une situation de ce genre, on demanderait à l'organisation et l'on
attendrait d'elle qu'elle dirigeet coordonne l'assistance médicale etsani-
taire au niveau international et qu'elle fournisse des conseils techniques,
par exemple sur la manière d'atténuer les effets du rayonnement, tant
immédiatement qu'à moyen et à long terme. Mention a déjàétéfaite de
l'épidémiede grippe qui a séviaprès la première guerre mondiale et du
fait que, la communauté ayant étésurprise sans préparation, l'épidémie
avait causéla mort de vingt millions de personnes, soit plus que la guerre
elle-même.L'OMS est l'organisme vers lequelles gouvernements se tour-

neraient pour obtenir des conseils si une telle éventualitése produisait en
raison de l'utilisation d'armes nucléaires.
L'Organisation des Nations Unies a envisagéune telle éventualitédans
sa résolution471168,dans laquelle elle s'est dite préoccupéepar les souf-
frances des victimes de catastrophes et de situations d'urgence (ce qui
serait le cas à la suite d'explosions nucléaires), lespertes en vies hu-
maines, les flux de réfugiés, lesdéplacementsmassifs de populations et
les destructions matérielleselle s'estdite aussi consciente qu'il fallait ren-
forcer encore et rendre plus efficaces les efforts collectifs déployéspar
la communauté internationaleet a décidé la créationdu département des
affaires humanitaires chargé de fournir une assistance humanitaire sur le
plan international lorsque des catastrophes se produisent.

Dans ladite résolution, l'Assemblée s'est dite profondément préoc-
cupéepar l'ampleur et les effets désastreuxdes catastrophes et des situa-
tions d'urgence qui appellent notamment une coopérationinternationale
accrue pour atténuer les souffrances de leurs victimes. Pour accélérer les
processus de relèvement et de reconstruction, l'Assembléea soulignéla
nécessitéd'une réactionadéquate, coordonnéeet prompte de la commu-
nauté internationaleaux catastrophes et aux situations d'urgence. Notant
le nombre et la complexitécroissants des catastrophes et des situations
d'urgence qui requièrent une aide humanitaire, elle a établi un comité
permanent interorganisations pour assurer une meilleure préparation
ainsi qu'une réaction rapide et cohérente aux catastrophes naturelles et

autres situations d'urgence, enparticulier aux situations d'urgence néces-
sitant un apport de vivres, de médicaments,d'abris et de soins de santé.
L'OMS est l'une des organisations qui ont été invitées à participer à ce
comité.
Dans cette résolution, l'Assemblée généralp erie ensuite le Secrétaire
généralde lui rendre compte des moyens d'améliorer encorela capacité
de l'organisation en matière de préventiondes catastrophes naturelles etemergencies, in particular emergencies involvingfood, medicines, shelter

and lzealthcure, as provided for in General Assembly resolution 461182.

Also in this connection, the Secretary-General of the United Nations,
in his report on humanitarian assistance and disaster relief, observed that
a notable feature in the humanitarian activitiesof the United Nations is
the increased involvement of the Security Council, which had accorded
humanitarian assistance high priority and developed modalities to that
effect(Al471595).
Thus, in the light of the foregoing, while the principle of "speciality"
governing international organizations is to be respected for reasons of
effectivenessand CO-ordinationand to prevent duplication, it is wrong in
my view to give an unduly restricted and narrow interpretation to that
concept in relation to health matters and humanitarian affairs. As has
been established, the use of nuclear weapons would precipitate an emer-
gency situation involving tremendous suffering to the victims, loss in
human lives, the outflow of refugees, mass displacement of people and

destruction to the environment. These matters would involve not only the
efforts of the WHO but those of the other functional agencies as well,
with a common purpose of protecting human welfare and saving the lives
of human beings. Not only can such CO-operationnot be regarded as an
encroachment on the competence of the other organs or agencies of the
United Nations system, but the case before the Court relates to the health
and environmental effects of the use of nuclear weapons, matters which
fa11within the domain of the WHO and which would require such co-
operation for effective action. However, the WHO is the only specialized
agency that is assigned the study of public health. If too narrow an inter-
pretation is given to the scope of activities, then because of its activities,
even the Security Council could be regarded as encroaching in the fields
of health and humanitarian affairs. It cannot, therefore, be sustained that
the request violated the principle of "speciality" which also seemed to
have inspired its rejection.

However, the foregoing should not be interpreted as a tacit acknow-

ledgment of the correctness of the Court's opinion that the WHO'Sques-
tion transgressed the "speciality"rule or that the request itself constitutes
an encroachment on the competence of other organs of the United
Nations, or is ultra vires even the Organization's implied powers which
the Court has acknowledged to be such as to be exercised by interna-
tional organizations for reasons of effectiveness,with the implication that
WHO could have done so by seisingthe Court with the request, if it were
not acting ultra vires. On the contrary, the discourse was intended to
demonstrate that in an emergency situation, involving the use of nuclear
weapons, the functional agencies of the United Nations would have to
undertake a CO-operativeendeavour; and if too narrow a construction
were to be given to the concept of "the scope and activities" of the func-autres situations d'urgence et en matière de planification préalable dans
ce domaine, s'agissant, enparticulier, des situations d'urgence nécessitant
un apport de vivres, de médicaments,d'abris et de soins de santé,comme
le rév voista résolution461182.
A cet égardégalement,le Secrétairegénérala signalé,dans son rapport
sur l'aide humanitaire et les secours en cas de catastrophe, un fait nou-
veau important pour l'action humanitaire de l'ONU, à savoir que le
Conseil de sécuritéyjoue un rôle plus actif, qu'il a attribuél'aide huma-
nitaire un rang élevéde prioritéet qu'il a mis au point un certain nombre
de modalités à cette fin (Al471595).
Cela étant, si, pour des raisons d'efficacité etde coordination et pour
éviter lesdoubles emplois, il convient de respecter le principe de ((spécia-

lité» quirégitles organisations internationales, il est erronéa mon sens
d'en donner une interprétation exagérémentétroiteet restrictive lorsqu'il
s'applique aux questions de santéet aux affaires humanitaires. 11a été
établi que l'utilisation d'armes nucléaires provoquerait une situation
d'urgence entraînant d'immenses souffrances pour lesvictimes, des pertes
en vies humaines, des flux de réfugiés, desdéplacementsmassifs de popu-
lations et la dégradation de l'environnement. Pour y faire face, on aura
besoin non seulement de l'action de l'OMS mais aussi de l'intervention
d'autres organismes techniques, l'objectif commun étant de protéger les
hommes et de sauver des vies. Cette coopération ne saurait êtreconsi-
déréecomme empiétant sur la compétence d'autres organes ou institu-
tions du système des Nations Unies, or l'affaire dont la Cour est saisie
concerne les effets de l'utilisation d'armes nucléairessur la santéet l'envi-
ronnement, questions qui relèventdu domaine de l'OMS et requièrent ce

genre de coopération si l'on veut agir efficacement. Quoi qu'il en soit,
l'OMS est la seuleinstitution spécialisée laquelle est confiéel'étudede la
santépublique. Si I'on interprétait trop étroitement le cadre de son acti-
vité,on pourrait considérer que,eu égard à cette activité, c'estle Conseil
de sécurité lui-mêmqeui empiètesur le domaine de la santé etdes affaires
humanitaires. On ne peut par conséquent soutenir que la demande d'avis
a violéle principe de ((spécialité)),violation quisemble avoir aussi inspiré
son rejet.
Il ne faudrait cependant pas considérer que l'on a, dans ce qui précède,
reconnu tacitement comine exacte l'opinion émisepar la Cour, à savoir
que la question poséepar l'OMS transgresse la règlede la spécialité,que
la demande d'avis elle-même constitue un empiétementsur la compétence
d'autres organes des Nations Unies et que l'organisation outrepasse
même lespouvoirs implicites dont la Cour a reconnu qu'ils pouvaient

êtreexercéspar les organisations internationales pour des raisons d'effi-
cacité,la conséquence nécessaireétant que l'OMS aurait pu user de ces
pouvoirs et saisir la Cour,à condition de ne pas agir ultra vires. Bien au
contraire le passage en question visea démontrerque, dans une situation
d'urgence résultant del'emploi d'armes nucléaires,les organismes tech-
niques des Nations Unies auraient a faire un effort de coopération; si I'on
interprétait trop étroitement la notion de ((cadre d'activité))des orga-tional agencies, such as the WHO, it would unnecessarily restrict and
ultimately defeat their effectiveness.
1 auree with the Court that because of the necessities of international
life, it is accepted that international organizations can exercise implied
powers, which arenot in conflict with their constitution and are required
to ensure their effectiveness. However, the implication that the WHO
could not have intended to address "the legality of the use of nuclear
weapons" even if it had relied on the exercise of such powers could only
have been arrived at as a result of the interpretation given to the question

by the Court which, as 1have said, not only distorts the intention of the
question to say the least, but cannot stand scrutiny when judged against
the law or the facts. In the first place, as implied powers are those which
may reasonably be deduced from the practice and functions of the
organization in question, or, as the Court put it in the case concerning
Reparation for Injuries Suffered in the Service of the United Nations,
such powers are limited to those which, though not expressly provided
for in the Statute of an organ, "are conferred upon it by necessary impli-
cation as being essential to the performance of its duties" (I.C.J. Reports
1949, p. 182), the question that arises is whether the WHO, by asking
the question posed, could have been regarded as exercising its implied

powers, deduced from its practice and functions or essential to the per-
formance of its duties. The response to the question would have to be
sought in both the Constitution and the practice of the Organization.
As has already been stressed, the objective of the WHO is "the attain-
ment by al1peoples of the highest possible level of health", and in order
to achieve that objective it is assigned certain functions which have
already been mentioned. Furthermore, the WHO over the years, as has
been demonstrated, has been concerned with the health effects of nuclear
weapons.
It has also been noted and demonstrated that the use of nuclear weap-
ons in armed conflict would result in a catastrophe which would precipi-

tate an emerneu , situation in relation to health and the environment.
Thus, even if the Organization, in asking the question, were to claim to
be exercising implied powers, this, in my view, it would be entitled to do
in order to seek legal guidance for the performance of its function or for
the attainment of its objectives of promoting the health of al1peoples,
and in order to ascertain whether States by using nuclear weapons with
consequent health and environmental effects would be in breach of their
obligations under international law including the WHO Constitution. In
other words, the WHO is, in my view, entitled to request the Court to
determine whether the effects of a certain activitv bv a State would be in
breach of that State's obligations under international law including the
WHO Constitution. The Court acknowledged this position when it stated

in the Reparation case that "the rights and duties of an entity such as the
Organization must depend upon its purposes and functions as specified
or implied in its constituent documents and developed in practice" (Repa-
rationfor Injuries Suffered in the Service of the United Nations, I.C.J.nismes techniques comme I'OMS, celalimiterait inutilement et finalement
réduirait à rien leur efficacité.
Je suis d'accord avec la Cour pour admettre que, étant donnéles exi-
gences de la vie internationale, les organisations internationales peuvent

exercer des pouvoirs implicites qui ne soient pas en contradiction avec
leur acte constitutif et soient nécessairesl'efficacitéde leur action. Tou-
tefois la Cour n'est parvenue à la conclusion que l'OMS ne pouvait trai-
ter de la~licéitéde l'utilisation des armes nucléaires».mêmesur la base
de ces pouvoirs implicites, que parce qu'elle a donné à la question posée
une interprétation qui, je l'ai signalé,non seulement dénature - c'est le
inoins qu'on puisse dire - l'intention à laquelle répond cette question
mais encore ne résistepas à l'examen du droit et des faits. Tout d'abord,
les pouvoirs implicites étantceux que I'on peut raisonnablement déduire
de la pratique et des fonctions de l'organe en cause ou, comme la Cour l'a
dit dans l'affaire de la Répa~.ationdes domnzages subis au service des

Nations Unies, ces pouvoirs se limitant à ceux qui, s'ils ne sont pas
expressément énoncéd sans le statut d'un orgaile ((sont, par une consé-
quence nécessaire, conférés àcet organe en tant qu'essentiels à l'exercice
de ses fonctions))(C.I.J. Recueil 1949,p. 182),la question qui se pose est
de savoir si I'on peut considérer qu'en soumettant sa demande d'avis
I'OMS exerçait ses pouvoirs implicites, déduits de sa pratique et de ses
tâches et essentielsàses fonctions. Il convient de chercher la répoilseàla
fois dans la Constitution et dans la pratique de l'organisation.
Comme il a déjà étéindiqué, l'OMS a pour but ((d'amener tous les
peuples au niveau de santéle plus élevé possible» et, afin d'atteindre ce

but, s'est vu assignercertaines fonctions mentionnées précédemmentE . n
outre, au cours des années,I'OMS s'est occupée,comme on l'a montré,
des effets de l'arme nucléairesur la santé.

On a déjànotéet démontré quel'utilisation d'armes nucléairesdans un
conflit arméentraînerait une catastrophe créant une situation d'urgence
dans le domaine de la santéet de l'environnement. Cela étant, si pour
poser la question l'organisation arguait de ses pouvoirs implicites, elle
serait d'aprèsmoi en droit de le faire car il s'agit pour elle d'obtenir des
conseils juridiques quant à l'exercice de ses fonctions et a la manière

d'atteindre ses objectifs- à savoir favoriser la santéde tous les peuples
- et aussi de vérifier sides Etats utilisant des armes ilucléaires,avec les
conséquencesque cela comporte pour la santé et l'environnement, viole-
raient leurs obligations au regard du droit international, y compris la
Constitution de l'OMS. En d'autres termes, I'OMS est, selon moi, habi-
litéeà demander à la Cour de dire si leseffets d'une certaine activité de la
part d'un Etat violeraient les obligations imposées à cet Etat par le droit
international, y compris la Constitution de I'OMS. La Cour a reconnu
cette situationlorsqu'elle a dit, dans l'affaire de la Réparationdes dom-
mages subis au service desNations Unies,que «les droits et devoirs d'une

entitételle que l'Organisation doivent dépendre des buts et des fonctions
de celle-ci, énoncésou impliquéspar son acte constitutif et développésReports 1949, p. 180). Earlier, the Permanent Court, in its Advisory
Opinion on the Nationality Decrees Issued in Tunis and Morocco, had
observed that the question whether a certain matter is or is not solely
within the jurisdiction of a State is an entirely relative question and
depends upon the "development of international relations" (P.C.I.J.,
Series B, No. 4).
In the Namibia case, this Court emphasized that in interpreting
an instrument, the Court must take into consideration the changes

which have occurred over the years as its interpretation cannot remain
unaffected by the subsequent development of the law. The Court
further emphasized,
"Moreover, an international instrument has to be interpreted and
applied within the framework of the entire legal system prevailing at

the time of the interpretation"(Legal Consequencesfor States of the
ContinuedPresenceof South Afiica inNamibia (South WestAfrica)
notwithstanding Security Council Resolution 276 (1970), I.C.J.
Reports 1971, p. 31).
The reference to the Nationality Decreescase isnot intended to suggest

that the WHO is a State let alone a super-State, as the Court put it in the
Reparation case, nor is this the intention with respect to the reference to
the Namibia case either. The point sought to be made is that both Courts
when interpreting relevant documents have taken into consideration
developments which had taken place or had done so within the frame-
work of the entire legal system prevailing at the time of the interpreta-
tion.
In other words, in determining the cornpetence or scope of activities of
the WHO in the context of its Constitution and with reference to the
health and environmental effects of the use of nuclear weaoLn,. account
must be taken of the Organization's role and practice in situations similar
to those involving the use of similar nuclear devices. Evidence of this is

the fact that the WHO has been concerned with the study of the health
effects of the use of nuclear weapons for many years and in 1984 and
1987 presented detailed reports on the effects of nuclear war on health
and health services. More recently the agency has been involved in the
aftermath of the Chernobyl incident in which a nuclear power plant
exploded in 1986 resulting in many deaths and fears of the threat of
radiation. Immediately after that accident the WHO, in collaboration
with the Government of the country concerned, took many initiatives
which led to the establishment of the International Programme on the
Health Effects of the Chernobyl Accident (IPHECA). At least 9 million
people are said to have been directly or indirectly affected. Morbidity

rates are reported to be 30per cent higher in one of the affected countries
for those who lived in the contaminated region, and more than 50 per
cent higher for those in the immediate area of the reactor.Thyroid cancer
had increased some 285-fold in one of the other affected countries, with
children being mostly the victims, while the general health conditions ofdans la pratique)) (C.I.J. Recueil 1949, p. 180).Antérieurement,la Cour
permanente avait fait observer, dans son avis consultatif sur lesécrets
de nationalité promulguésen Tunisie et au Maroc, que le point de savoir
si une certaine question relèveou ne relèvepas uniquement de la compé-
tence d'un Etat est tout relatif et dépenddu ((développementdes relations
internationales)) (C.P.J.I. sérieB no 4).
Dans l'affaire de laNamibie, la Cour a soulignéque, lorsqu'elle inter-
prète un instrument, elle doit prendre en considération les transfor-
mations survenues au cours des annéescar son interprétation ne peut
manquer de tenir compte de l'évolutionque le droit a ultérieurement
connue. La Cour a dit encore:

«De plus, tout instrument international doit être interprétéet
appliquédans le cadre de l'ensembledu systèmejuridique en vigueur
au moment où l'interprétation alieu))(Conséquencesjuridiques pour
les Etats de la présence continue de I'Afiique du Sud en Namibie
(Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution276 (1970) du Conseil
de sécurité,C.I.J. Recueil 1971,p. 31).

La référence à l'affaire desDécretsde nationaliténe tend nullement à
suggérerque l'OMS soit un Etat, et moins encore un super-Etat, comme
la Cour l'a dit dans l'affaire de la Réparationdes dommages; la référence
à l'affaire dela Namibie n'y tend pas davantage. Ce que l'on veutfaire
valoir ici, c'estque, lorsque les deux Cours ont euinterpréterdes docu-
ments pertinents, elles ont pris en considération l'évolutiondu droit et
ellesl'ont faitdans le cadre de l'ensembledu systèmejuridique en vigueur
au moment où l'interprétation avaitlieu.

Autrement dit, pour déterminerla compétenceou le domaine d'activité
de l'OMSpar rapport à sa Constitution et en ce qui concerne les effets de
l'utilisation des armes nucléairessur la santéet l'environnement. on doit
tenir compte du rôle et de la pratique de l'organisation dans des situa-
tions semblables à celles que créerait l'emploi d'engins nucléaires simi-
laires. La preuve en est que l'OMS étudie depuis de nombreuses années
les conséquencesde l'utilisation des armes nucléairessur la santé et qu'en
1984et en 1987ellea présentédes rapports détaillés concernant les effets
de la guerre nucléairesur la santéetles servicesde santé.Plus récemment,
l'organisation s'est occupée des séquelledse l'accident de Tchernobyl,à
savoir l'explosion en1986d'une centralenucléairequi a fait de nombreux
morts et suscité degrandes craintes en raison des menaces de rayonne-
ment qu'elleprovoquait. Immédiatementaprèsl'accident, l'OMS, en col-
laboration avec le gouvernement du pays en cause, a pris de nombreuses

initiatives qui ont aboutil'institution du Programme international sur les
effets sur la santéde l'accident de Tchernobyl (PIESAT). On a indiqué
aue neuf millions de Dersonnesau moins avaient été touchées. directement
ou indirectement, et que dans l'un despays concernésles taux de morbi-
dité étaientsupérieurs detrente pour cent pour les habitants de la région
contaminéeet de plus de cinquante pour cent pour les personnes résidant
dans le voisinage immédiatdu réacteur.Les cancers de la thyroïde étaientthe people in the area immediately affected continue to deteriorate. Ten
years after the accident the WHO has continued to monitor the health
effects and assistthose affected to mitigate the health consequences of the
nuclear accident. IPHECA's broad mandate is to support efforts to
relievethehealth consequences of the accident by assisting health authori-
ties in the affected countries, especially in areas significantly contami-
nated by radiation.

Even though the Chernobyl accident did not take place in a theatre of

war, the analogy resulting from the use of nuclear weapons is appropri-
ate, as the health and environmental effects are similar to those of
nuclear weapons, except that in a nuclear war, such effects would be far
worse and the consequences far more serious. Nonetheless, the experi-
ence gained by the WHO from this accident should prove propitious and
useful if the worst should ever happen. There is thus sufficient evidenceof
practice of what the role of the WHO would be in a conflict involving
nuclear weapons to justify its legal interest and to make it clear that, in
posing the question, it is legitimately exercising of its implied powers.

Thus far, my effort has been to demonstrate why the reasoning relied
upon by the Court to reach its finding is unpersuasive and cannot be sus-
tained. It is even more regrettable that the Court, having found that the
WHO is entitled to bring the request and that the question is legal, chose

to preclude itself from answering it for want ofjurisdiction, when in fact
if its jurisprudence had been followed and if adequate account had been
taken of the functions and practice of the Organization, the Court would
have found its authority to answer the question beyond a shadow of a
doubt.
In considering a request for an advisory opinion, and in order to obvi-
ate what might appear to be an attempt not to engage a controversial or
difficult issue for lack of iurisdiction. the Court has endeavoured to
"ascertain what are the legal questions really in issuein questions formu-
lated in a request" (Interpretation of the Agreement of 25 March 1951
between the WHO and Egypt, I.C.J. Reports 1980, p. 88) ; and whenever
it has found it to be necessary, the Court has defined or reinterpreted the
question posed in order to discover and provide an answer, dealing with
what is crucial in the request. Judge Sir Hersch Lauterpacht, in the

Admissibility of Hearings ofPetitioners by the Committee on South West
Africa case, stated as follows:

"the Court enjoys considerable latitude in construing the question
put to it or in formulating its answer inuch a manner as to make its
advisory function effective and useful. . . .
Undoubtedly it is desirable that the request for an Advisory Opin-environ deux cent quatre-vingt-cinq fois plus nombreux, les victimes
étantsurtout des enfants, et la situation sanitaire généralede la popula-
tion habitant la régionimmédiatement touchéecontinuait à s'aggraver.
Dix ans après, l'OMScontinue à surveiller ses répercussionssanitaires et
à s'efforcer d'atténuer par son aide les conséquences de cet accident
nucléairesur la santédes personnes atteintes. Le PIESAT est doté d'un

large mandat, à savoir soutenir toute action qui tendà juguler les consé-
quences de l'accident sur le plan de la santé en apportant son aide aux
autorités sanitaires des pays touchés, spécialementdans les zones conta-
minées defaçon importante par le rayonnement.
Bien que l'accident de Tchernobyl ne se soit pas produit au cours d'une
guerre, on peut y voir une analogie avec ce qui résulterait de l'utilisation
d'armes nucléairesdans un conflit car les effets sur la santéet l'environ-
nement sont semblables àceux qu'auraient causés desarmes nucléaires, à
ceci près que, dans une guerre nucléaire, ces effetsseraient bien pires
encore et les conséquences bien plus graves.Néanmoins l'expérienceque

cet accident a permis à l'OMS d'acquérir devraitse révéler utileet salu-
taire si le pire devaitjamais arriver. La pratique offre donc suffisamment
d'élémentssur le rôle aueLioudrait l'OMS dans un conflit où l'arme
nucléaireserait utiliséepour que l'intérêjturidique de l'organisation s'en
trouve justifié et qu'ilapparaisse clairement qu'en posant la question elle
exerce légitimementses pouvoirs implicites.
Je me suis efforcé jusqu'ici de démontrer pourquoi le raisonnement
suivi par la Cour pour aboutir à sa conclusion n'est pas persuasif et n'est
pas défendable. Il est plus regrettable encore que la Cour, ayant jugéque
l'OMS étaiten droit de soumettre sa demande et que la question était

légale,se soit interdit d'y répondre en arguant du défautde compétence
alors qu'en fait, si elle s'en étaittenue sa jurisprudence et si elle avait
tenu compte comme il convient des fonctions et de la pratique de l'Orga-
nisation, elle aurait sans l'ombre d'un doute constatéqu'elleavait qualité
pour répondre à la question.
Pour examiner une demande d'avis consultatif et éviterce qui pourrait
passer pour une tentative visant à écarter une question controverséeet
difficilesous prétexted'un défautde compétence,la Cour s'est efforcée de
((rechercher quelles sont véritablement les questions juridiques que sou-
lèvent les demandes formulées dans une requête)) (Interprétation de

l'accord du 25 mars 1951 entre l'OMS et I'Egypte, C.I.J. Recueil 1980,
p.88) et, chaque fois qu'elle l'a jugé nécessaie,llea définiou réinterprété
la question poséeafin de trouver et de fournir une réponse à ce qu'il y
avait de crucial dans la demande. Dans l'affaire de l'Admissibilité de
l'audition de pétitionnairespar le Comité du Sud-Ouest africain, sir
Hersch Lauterpacht s'est expriméen ces termes:

«[la Cour] jouit d'une latitude considérablepour interpréter la ques-
tion qu'on lui pose, ou pour formuler sa réponsede manière à rendre

son rôle consultatif utile et effectif.
Sans aucun doute, il est souhaitable que. par une concision exa- ion should not, through excess of brevity, make it necessary for the
Court to go outside the question as formulated. . . .However, the
absence of the requisite degree of precision or elaboration in the
wording of the request does not absolve the Court of the duty to
give an effective and accurate answer in conformity with the true
purpose of its advisory function." (I.C.J. Reports 1956, pp. 37-38.)

The question put to the Court by the WHO is whether
"in view of the health and environmental effects . . . the use of

nuclear weapons by a State in war or other armed conflict [would]be
a breach of its obligations under international law including the
WHO Constitution".

The Court, as we have seen, not only interpreted the question as if it was
about "the legality of the use by a State of nuclear weapons in armed
conflict" per se - an interpretation which proved most unfortunate and
provided the basis for the Court to reach its findings - but it also
enabled the Court to take a decision to hear, during the same public sit-
tings, oral statements relating to the request for an advisory opinion from
the General Assembly of the United Nations as to whether "the threat or
use of nuclear weapons in any circumstance [is]permitted under interna-
tional law", a question which the Court sees as being intended to deter-
mine the legality or otherwise of the threat or use of nuclear weapons.

Apart from the fact that the two questions are posed by an organ and
a specialized agency of the United Nations with primarily different func-

tions, they are not identical, even though they are similar. Moreover, in
spite of their having been directed to different issues, the Court nonethe-
less interpreted those questions in such a way as to have ascribed almost
identical meanings to them. It was this interpretation which emasculated
the meaning of the WHO's question as if it had asked about the legality
of the use of nuclear weapons per se, as in the case of the question by the
General Assemblv. an, led the Court to conclude that the reauest for an
advisory opinion by the WHO does not relate to a question arising within
the scope of its activities and that an essential condition for its jurisdic-
tion is absent. This interpretation given to the WHO's question, as stated
earlier, was not only fundamentally erroneous but proved fatal for the
request .

The WHO's question is not about the illegality of the use of nuclear
weapons per se. The question is not whether Article 2, paragraph 4, of
the Charter prohibiting the use of force in international relations would
be violated by the threat or use of nuclear weapons per se nor is it for-
mulated in relation to Article 11of the Charter as relating to questions of géréel,a demande d'avis consultatif n'oblige pas la Cour à sortir des
limites de la question telle qu'elle estformulée.L'absence du degré
nécessaire de précisionou de détaildans l'énoncéde la requête ne
dispense pourtant pas la Cour du devoir de répondre de façon utile
et exacte, conformément au véritablebut de sa fonction consulta-
tive.))C.I.J. Recueil 1956, p. 37-38.)

La question posée àla Cour est de savoir si,
«compte tenu des effets des armes nucléairessur la santé et l'envi-

ronnement, leur utilisation par un Etat au cours d'une guerre ou
d'un autre conflit arméconstituerait ... une violation de ses obliga-
tions au regard du droit international,y compris la Constitution de
1'0~s)).

Non seulement, nous l'avons vu,la Cour a interprétéla question comme
si elleconcernait, en tant que telle,a licéitémêmdee l'utilisation par un
Etat d'armes nucléairesdans un conflit armé» - inter~rétation aui s'est
révéléd ees plus malheureuses et qui a servi de base aux conclusions aux-
quelles la Cour est parvenue -, mais encore cette interprétation a permis
à la Cour de déciderd'entendre, pendant les mêmes audiencespubliques,
les exposésoraux relatifs à la demande d'avis consultatif sollicitépar
l'Assemblée générale deN sations Unies sur le point de savoir s'il est
«permis en droit international de recourir à la menace ou à l'emploi
d'armes nucléairesen toute circonstance)),question qui, d'aprèsla Cour,
devait l'amener à se prononcer sur la licéitéou I'illicéide la menace ou
de I'em~loid'armes nucléaires.
Indépendamment du fait que les deux questions sont soumises l'une
par un organeet l'autre par une institution spécialiséedesNations Unies,

doté chacun de fonctions essentiellement différentes, cesquestions ne
sont pas identiques, mêmesi elles offrent des similitudes. En outre, bien
qu'un but différentait été assigné à chacune d'elles,la Cour ne les a pas
moins interprétées detelle manière qu'elle leur a conféréun sens presque
identique. C'est cette interprétation- qui a restreint le sens de la ques-
tion poséepar I'OMSet en a fait une question sur la licéitémêmdee I'uti-
lisation des armes nucléaires.comme dans le cas de la auestion émanant
de l'Assemblée générale -, qui a amené la Cour à conclure que la
demande d'avis consultatif présentéepar I'OMS ne portait pas sur une
question qui se posait dans le cadre de l'activitéde cette organisation et
qu'une condition essentiellepour fonder sa compétenceen l'espècefaisait
défaut. L'interprétation ainsi donnée à la question de l'OMS non seule-

ment était fondamentalement erronée mais encore s'est révélé fatale àla
requête del'organisation.
La question soumise par l'OMS ne concerne pas en soi I'illicéité de
l'utilisation d'armes nucléaires.l ne s'agit pas de savoir si la menace ou
l'utilisation d'armes nucléairesserait en soi une violation de l'article,
paragraphe 4, de la Charte qui interdit le recoursà la force dans les rela-
tions internationales;la question n'est pas formuléenon plus par rapportmaintenance of international peace including the principles governing
disarmament and the regulation of armaments or primarily aimed at
ascertaining whether a State would be in breach of its obligations under
Article 39 of the Charter with respect to threat to the peace, breach of the
peace or act of aggression. It was essentially againstthis background that
the Court viewed the question and hence the Opinion is replete with ref-
erences to the legality or illegality of such weapons. If only to recall some
such references : in delineating the field of activity or area of competence
of the WHO, the Court came to the conclusion that none of the functions
attributed to the WHO in Article 2 of its Constitution expressly referred

to the legality of any activity hazardous to health, and that none of the
functions of WHO is dependent upon the legality of tlzesituations upon
which it must act. In interpreting the question the Court stated that it
relates not to the effects of the use of nuclear weapons on health and the
environment but to the legality of the use ofsuclz i.veaporzsand came to
the conclusion that the responsibility of the WHO to deal with such
effects does not depend on the legality of the acts which caused them. In
paragraph 22, the Court stated that "in particular, the legality or illegality
of the use of nuclear weapons in no way determines ...specificmeasures,
regarding health or otherwise" or that "whether nuclear weapons are
used legally or illegally, their effects on health would be the same"

(emphasis added). Further, in the same paragraph, the Court stated that
whilethe use of nuclear weapons might seriously prejudice WHO's mater-
ial capability, the question of the legality or illegality of the use of these
weapons would be irrelevant in that respect. When considering the prin-
ciple of "speciality" in paragraph 25, the Court stated that to ascribe to
WHO the competence to deal with the legality of nuclear weapons -
even in view of the health and environmental effects - would be tanta-
mount to disregarding the principle of "speciality". It can thus be seen
that the Court interpreted the question as meaning that what was at issue
was whether it would be legal or illegal to use nuclear weapons pev se,
whereas what really was at issue was whether the obligations of States in
relation to health and the environment would be engaged or be violated

by the use of nuclear weapons. In other words, even though the origiil of
the breach of obligation is nuclear weapons, the WHO's question relates
to the health and environmental consequences. The Court itself acknow-
ledged this as a possible interpretation of the question when it stated in
paragraph 21 of the Opinion that :

"Interpreted in accordance with their ordinary meaning, in their
context and in the light of the object and purpose of the WHO Con-
stitution, as well as of the practice followed by the Organization, the

provisions of its Article 2 niay be read as authorizing the Organiza-
tion to deal with the effects on health of the use of nuclear weapons, UTILISATION DES ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISS.KOROMA) 202

à l'article 11de la Charte qui concerne le maintien de la paix, y compris
les principes régissant le désarmement et la réglementation des arme-
ments, et ellene vise pas au premier chefà rechercher si un Etat violerait
les obligations que lui impose l'article39 de la Charte eu égard à une
menace contre la paix, à une rupture de la paix ou à un acte d'agression.
Or c'est essentiellementdans ce contexte que la Cour a envisagé laques-
tion et c'est pourquoi l'avis consultatif est riche en référencesa licéité
ou à l'illicéitde telles armes. Qu'il me soit permis de rappeler certaines
de ces références: lorsqu'elle définliet domaine d'activitéou le champ de
compétence de l'OMS, la Cour aboutit à la conclusion qu'aucune des

fonctions assignées à l'organisation par l'article 2 de sa Constitution ne
vise expressémentla licéité d'une quelconqua ectivité dangereuse pour la
santé et m'aucune de ces fonctions n'v estrendue tributaire de la licéité
des situations qui lui imposent d'agir. En interprétant la question, la
Cour dit qu'elleporte non sur les effets de l'utilisation d'armes nucléaires
sur la santé et l'environnement mais sur la licéité de l'utilisation de telles
armes et elle conclut que la compétence de l'OMS pour traiter de ces
effetsn'estpastributaire de la licéité dactes qui lesproduisent. Au para-
graphe 22, la Cour déclare: «En particulier, la licéiou l'illicéide l'uti-
lisation d'armes nucléaires neconditionne en rien lesmesures spécifiques,
de nature sanitaire ou autre ...qui pourraient s'imposer)), ou encore:

«Que des armes nucléairessoient utiliséeslicitement ou illicitenzent,leurs
effets sur la santé seraient identiques)) (les italiques sont de moi). Dans
un autre passage du mêmeparagraphe, la Cour préciseque, s'ilest vrai-
semblable que l'utilisation d'armes nucléairespourrait porter gravement
atteinteà la capacitématériellede l'OMS, il n'en reste pas moins que la
question de la licéitéou de l'illicéide l'emploi de ces armes serait sans
pertinence à cet égard. A propos du principe de «spécialité»,la Cour
indique au paragraphe 25 que reconnaître à l'OMS la compétence de
traiter de la licéitéde l'utilisation des armes nucléaires mêmecompte
tenu de l'effet de ces armes sur la santéet l'environnement - éauivau-
draità ignorer le principe de ((spécialité. n voit donc que, selon l'inter-

prétation de la Cour, la question à résoudreest de savoir si le recoursà
des armes nucléairesserait en soi licite ou illicite alors que la vraie ques-
tion est de savoir si le recours des armes nucléairesmettrait en jeu ou
violerait les obligations des Etats relativesa santéetà l'environnement.
En d'autres termes, mêmesi la violation de l'obligation a pour cause l'uti-
lisation d'armes nucléaires, la question posée par l'OMS concerne les
conséquencesde cette utilisation pour la santé et l'environnement. La
Cour elle-mêmea reconnu que c'étaitlà une interprétation possible de la
question quand elle a dit, au paragraphe 21 de son avis consultatif:

((Interprétéessuivant leur sens ordinaire, dans leur contexte età

la lumièrede l'objet etdu but de la Constitution de l'OMS, ainsi que
de la pratique suiviepar l'organisation, les dispositions de l'article
peuvent êtrelues comme habilitant l'organisation à traiter des effets
sur la santé de l'utilisation d'armes nucléaires.ou de toute autrei- or of any other hazardous activity, and to take preventive measures
aimed at protecting the health of populations in the event of such
weapons being used or such activities engaged in."

But it chose not to adopt this interpretation and instead chose that which
enabled it not to make a determination for want of jurisdiction.

Since, in my considered opinion, the request by the WHO is not about
the legality or illegality of nuclear weapons per se - the interpretation
given to the question by the Court - 1shall now endeavour to interpret
the question so as to bring out its true intention and thereby establish
that it falls within the scope of the activities and functions of the Organi-
zation.
In the first place and as mentioned earlier, the Court, when exercising
its advisory jurisdiction, has interpreted or reformulated requests for

advisory opinions both to establish the object for which the question was
posed and to be able to give a real and effective answer to the question.
In so doing, the Court has had to take various factors into consideration,
that is to say,interalia, the circumstances in which the request was made,
the terms of the resolution embodying the request, discussions of the
request in the organ in which it wasadopted prior to its adoption and the
divergences between the different versions of the request. In reformulat-
ing or reinterpreting a question, the Court would seem to have been con-
cerned to give such a meaning to the question as would bring out the
particular issue in the light of the circumstances which had presented
themselves to it within the scope of itsjudicial function. When doing so,
the Court has invariably resorted to a less restrictive interpretation of the
question in trying to determine its true intention or the critical issues in

dispute or has interpreted it to coincide with the desire of the body mak-
ing the request (Free City of Danzig and ILO, P.C.I.J., Sevies C, No. 18
(II), pp. 145-146, 193).
In other words, and as pointed out earlier, it was open to the Court,
given the importance of the issues raised in the request, to have reformu-
lated the question in such a way so as to cover the area in which the
WHO wanted an authoritative legal opinion. The Court, however, chose
not to follow this approach, even though the facts produced were neither
disputed nor unascertained.
Although the resolution containing the request is not itself a treaty,
however, like the Court in its majority opinion, its interpretation can be

guided by the relevant provisions of the 1969Vienna Convention on the
Law of Treaties so as to establish that the question formulated in the
resolution falls within the competence or scope of activities of the Organi-
zation as defined in its Constitution.
Article 31 of the Convention provides as follows:
"1. A treaty shall be interpreted in good faith in accordance with

the ordinary meaning to be given to the terms of the treaty in their
context and in the light of its object and purpose. vitédangereuse, et à prendre des mesures préventives destinées à
protégerla santédes populations au cas où de telles armes seraient
utiliséesou de telles activités menées.»

Mais au lieu d'adopter cette interprétation, la Cour en a choisi une autre
qui lui permettait de ne pas se prononcer sous prétexte d'un défautde
compétence.
Puisque selon moi la requête de l'OMS ne concerneni la licéité ni l'illi-
céitéen soi des armes nucléaires - contrairement a l'interprétation dela
Cour-je m'efforcerai maintenant d'interpréterla question de manière à
en faire ressortir la véritable intention, établissantainsi qu'elleentre dans
le cadre de l'activité et desfonctions de l'Organisation.

En premier lieu et comme je l'ai mentionné précédemment,la Cour
a, dans l'exercicede sa compétence consultative, interprétéou reformulé
des demandes d'avis à la fois pour cerner l'objet de la question et pour
pouvoir donner une réponse pratique et utile. Ce faisant, la Cour a dû
prendre plusieurs facteurs en considération, entre autres les circonstances
dans lesquelles la demande avait été présentélee,s termes de la résolution
qui la contenait, les débatsdont elle avait fait l'objet avant son adoption
par l'organe requérant et les divergences entre les différentes versionsdu

texte. Lorsquela Cour a reformuléou réinterprété une questioni,l semble
qu'elle se soit préoccupéede lui donner un sens qui mette en relief le pro-
blème posécompte tenu des circonstances portées à sa connaissance dans
le cadre de sa fonction judiciaire. Chaque fois qu'elle a procédé dela
sorte, la Cour a invariablement adoptéune interprétation moins restric-
tive de la question aprèss'être efforcéd ee déterminer l'intention véritable
à laquelle elle répondait ou les problèmes critiques en jeu ou bien elle a
interprétéla question de façon qu'elle coïncide avecle vŒu de l'organe
requérant (Ville libre de Dantzig et OIT, C.P.J.I. sérieC no 18 (II),
p. 145-146, p. 192-193).

En d'autres termes - et on l'a soul"enéAus haut - il étaitloisiblà la
Cour, vu l'importance des problèmes soulevéspar la demande d'avis, de
reformuler la question de façon qu'elle s'applique à toute la matière au
sujet de laquelle l'OMS voulait un avisjuridique autorisé. La Cour n'en
a pas moins décidéde suivre une autre méthode,bien que les faits ne fus-
sent en l'espèceni contestésni douteux.
Certes la résolutionpar laquelle l'avisconsultatif est demandén'est pas
un traitémais on peut s'inspirer pour son interprétation, comme la majo-
rité dela Cour l'a fait, des dispositions pertinentes de la convention de

Vienne de 1969 sur le droit des traitéspour établir quela question for-
muléedans la résolution relèvede la compétenceou du domaine d'acti-
vitéde l'organisation tel que définispar sa Constitution.
L'article 31de la convention dispose:

«1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordi-
naire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la
lumièrede son objet et de son but. 2. The context for the purpose of the interpretation of a treaty
shall comprise, in addition to the text, including its preamble and
annexes :
............................
3. There shall be taken into account, together with the context:
.............................

(6) any subsequent practice in the application of the treaty which
establishes the agreement of the parties regarding its interpreta-
tion".
Article 32 states that

"Recourse may be had to supplementary means of interpretation,
including the preparatory work of the treaty and the circumstances
of its conclusion, in order to confirm the meaning resulting from the
application of article 31, or to determine the meaning when the
interpretation according to article 31 :
(a) leaves the meaning ambiguous or obscure; or

(6) leads to a result which is manifestly absurd or unreasonable."

These Articles thus embody the different approaches to treaty interpre-
tation, that is, the textual and teleological approaches and the intention
of the parties. Article31 stipulates that in interpreting a treaty it must be
given its ordinary meaning, and the context to be used in addition to the
treaty includes its preamble. Subsequent practice may also be invoked in
the application of the treaty, which clearly establishes the understanding

of al1the parties regarding its interpretation or its meaning.

In its jurisprudence, the Court has made considerable use of the sub-
sequent practice of the organization in interpreting the Charter of the
United Nations (Conditionsof Admission ofa State to Metnbership in the
United Nations (Article 4 of Charter), Advisovy Opinion, 1948, I.C.J.
Reports 1947-1948, p. 57; Cowzpetenceof the General Assembly for the
Admission of a State to the United Nations, Advisory Opinion, I. C. J.
Reports 1950, p. 4; Certain Expenses of the United Nations (Article 17,
paragraph 2, of the Charter), Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1962,
p. 151). Moreover, where the interpretation of a treaty would seem to
lead to a result which is manifestly absurd or unreasonable in the light of
the objects and purposes of the treaty, the Court has interpreted the
Charter as embodying implied powers so as to give effectiveness to the

institution concerned. In the Certain Expenses case, the Court was asked
to give an opinion on the question whether the expenditures authorized
by the General Assembly resolutions for peace-keeping and separately
accounted for were "expenses of the Organization" within the meaning of
Article 17, paragraph 2, of the United Nations Charter. It was objected
that the Court, under Article 62, paragraph 2, of its Statute could only 2. Aux fins de l'interprétation d'un traité, le contexte comprend,
outre le texte, préambuleet annexes inclus:

........................
3. 11sera tenu compte, en même tempsque du contexte:
.............................

b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du
traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de
l'interprétation du traité)).
L'article 32 préciseque

((11peut être fait appelà des moyens complémentaires d'interpré-
tation, et notamment aux travaux préparatoires et aux circonstances
dans lesquellesle traitéa étéconclu, en vue, soit de confirmer le sens
résultant de l'application de l'article 31, soit de déterminer le sens
lorsque l'interprétation donnéeconformément àl'article 3:

a) laisse le sens ambigu ou obscur; ou
b) conduit à un résultatqui est manifestement absurde ou déraison-
nable.))
Ces articles consacrent donc lesdifférentesmanièresd'envisager l'inter-
prétation des traités,qu'il s'agissede la méthodetextuelle, de la méthode
téléologiqueou du recours à l'intention des parties. L'article 31 stipule
que, pour l'interprétation d'un traité, on doit attribuer aux termes de
celui-ci le sens ordinaire et que le contexte dont on doit tenir compte

comprend le préambule. On peut aussi prendre en considération la pra-
tique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est
établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétationou du sens du
traité.
Pour interpréterla Charte des Nations Unies, la Cour s'est fréquemment
référéd eans sa jurisprudence à la pratique ultérieure de l'Organisation
(Conditions de I'udinissiond'un Etat comnzeMembre des Nations Unies
(article 4 de la Cltarte), avisnsultat~ 1948, C.I.J. Recueil 1947-1948,
p. 57; Compétence de I'Assenzbléegé~zérap leour l'admissiond'un Etat
Etat auxNationsUnies,avis consultut$ C.I.J.Recueil1950,p. 4; Certaiizedé-
penses desNations Unies(article17,paragraphe2,de laCharte),avisconsul-
tatg C.I.J. Recueil 1962, p. 151). En outre lorsque l'interprétation d'un
traitélui aurait sembléconduire à un résultat manifestement absurde ou

déraisonnablecompte tenu de l'objet etdu but du traité,la Cour a inter-
prétéla Charte comme conférantdespouvoirs implicitespermettant à l'ins-
titution en cause d'agir de façon efficace. Dans l'affaire concernantCer-
tainesdépenses des Nations Unies, la Cour étaitpriée dedonner un avis sur
la question de savoir si les dépenses autoriséespar les résolutions de l'As-
sembléegénérale relativesaux opérationsde maintien de la paix et comp-
tabilisées séparément étaient des ((dépensesde l'Organisation» au sens de
l'article 17, paragraphe 2, de la Charte des Nations Unies. On a objecté
qu'en vertu de l'article 65,paragraphe 2, de son Statut la Cour ne pouvaitanswer a request containing an exact statement of the question upon
which an opinion is required, and that in this case the question actually
before the Court could only be answered after considering whether the
expenditures were undertaken in accordance with the provisions of the
Charter in general, which was a consideration preliminary to the answer
to the question whether they were consonant with Article 17, para-
graph 2. The Court dismissed the objections on the grounds that the
General Assembly had declined to ask the Court to give an opinion on
the conformity of the expenditures with the Charter, and that the Court

could answer the question by interpreting Article 17,paragraph 2, in the
light of the whole Charter and stated that

"when the Organization takes action which warrants the assertion
that it was appropriate for the fulfilment of one of the stated pur-
poses of the United Nations, the presumption is that such action is

not ultra vivesthe Organization" (I.C.J. Reports 1962, p. 168).
It is also a rule of interpretation that a treaty is not to be given a restric-
tive interpretation ifsuch an interpretation would be contrary to the text
of the treaty itself.
Resolution WHA46.40 drew attention to the effects on health and on
the environment of the use of nuclear weapons, and the long-term con-
sequences connected therewith. It also noted that it had been established

that no health service in the world could alleviate in any significant way
a situation resulting from the use of even one single nuclear weapon. It
further noted the concern of the world health community about the con-
tinued threat to the health and the environment resulting from the use of
nuclear weapons and the role of the WHO which, as the agency charged
with responsibilities for international public health, would have to take
action of primary prevention of the health hazards resultingfrom the use
of such weapons. The resolution requested clarity about the status in
international law of the effects of the use of such weapons - about
which, in the last 48 years, marked differences of opinion have been
expressed by member States.

On the basis of the material presented to the Court, and as noted
earlier, a singlenuclear weapon exploded either intentionally or acciden-

tally over a large city like Boston, United States, with a population of
2,844,000, the United States Arms Control and Disarmament Agency
estimated there would result 695,000direct fatalities and 735,000 surviv-
ing injured. Of the 5,186 physicians, 50 per cent (2,593) would be poten-
tially available to treat the injured.This would result in some 284injured
persons for each available physician. Of the 12,816hospital beds, since
they are mostly in the urban target area, of the 48 acute case hospitals, 38
would be destroyed or badly damaged, thus 83 per cent of the beds
would be destroyed leaving some 2,135 beds for the care of 735,000 seri-
ously injured survivors. Clearly the numbers needing medical care wouldrépondre qu'à une requêteformulant en termes précisla question sur
laquelle l'avis de la Cour est demandéet qu'en l'espèceon ne pouvait
répondre à la question posée qu'après avoir examiné si les dépenses
avaient étécontractées conformémentaux dispositions de la Charte en
général, cet examendevant être faitavant que l'on puissese prononcer
sur lepoint de savoir sicesdépensesétaient conformes à l'article 17,para-
graphe 2. La Cour a rejetéces objections en faisant valoir que I'Assem-

blée générala evait refuséde demander à la Cour un avis sur le point de
savoir sices dépensesavaient été décidéc esnformémentaux dispositions
de la Charte et que la Cour pouvait répondreà la question posée eninter-
prétant l'article 17, paragraphe 2, dans le cadre de l'ensemble de la
Charte. Elle a dit:

((lorsque l'Organisation prend des mesures dont on peut direàjuste
titre qu'ellessont appropriées l'accomplissement desbuts déclarés
des Nations Unies, il esà présumerque cette action ne dépassepas
les pouvoirs de l'Organisation» (C.I.J. Recueil 1962, p. 168).
C'est égalementune règled'interprétation qu'un traiténe doit pas être

interprétérestrictivement si cette interprétation doit êtrecontraire au
texte-du traitélui-même.
La résolution WHA46.40 aappelél'attention sur les effets de l'utilisa-
tion d'armes nucléairessur la santéet l'environnement ainsi que sur ses
conséquences àlong terme. Elle note aussi qu'ila ététabliqu'aucun ser-
vice de santéau monde n'était capable d'améliorer de manière significa-
tive une situation résultant de l'utilisation ne serait-ce que d'une seule
arme nucléaire. Elle note en outre la préoccupation des milieux de la
santépartout dans le monde devant la menace que constituent les armes
nucléairespour la santé et l'environnement ainsi que le rôle de l'OMS
qui, étantl'institution chargéede traiter de la santépublique sur le plan
international, auraità prendre des mesures visant à la préventionpri-

mairedes risquespour lasantéquidécouleraiend t e l'utilisationd'armesnu-
cléaires.La résolution demande que l'on précisecomment la question
des effets de l'utilisation d'armes nucléaires est envisagau regard du
droit international- ce sur quoi des vues trèsdivergentes ont étémises
par les Etats membres au cours des quarante-huit dernièresannées.
D'après la documentation fournie à la Cour et comme on l'a noté
précédemment,l'explosion d'une seule arme nucléaire, intentionnelle
ou accidentelle, au-dessus d'une grande ville comme Boston, aux Etats-
Unis d'Amérique(population de 2844000 habitants), entraînerait, selon
le United States Arms Control and Disarmement Agency (office des
Etats-Unis pour la réglementation des armements et le désarmement),
695000 décèsimmédiats et 735000 blessés.Sur les 5186 médecins,la

moitié(2593)serait en mesure de soigner les blessés,ce qui ferait quelque
284 blesséspour chaque médecindisponible. Sur les 48 hôpitaux pour
cas d'urgence disposant de 12816lits - hôpitaux qui sont surtout situés
dans la zone urbaine visée - 38 seraient détruitsou très endommagés.
Ainsi 83 % des lits d'hôpital seraient anéantis,ce qui laisserait 2135 litsoverwhelm the medical facilities and resources of the entire country. In
the event of actual hostilities the attack would not be limited to a single
city.

A massive nuclear attack on the United Kingdom would kill or injure
half the population, and 97 per cent of Londoners. Not only hospitals,
physicians, nurses, al1other health professionals and technicians would
be in short supply, but antibiotics, parenteral fluids, bandages, surgical
equipment and al1the sophisticated medical technology would be simi-
larly lacking. The problems facing surviving medical workers would be
overwhelming. They would not only lack nearly al1essential facilities for
the care of the injured, but would need to find the injured among the
debris of collapsed buildings and houses, transport them through streets
clogged with fallen structures, raging fires, and contaminated with radio-

activity, probably with little if any transportation available and without
electricity or fuel, while having major worries about the fate of their own
loved ones and themselves. Thus, if a larger number of weapons were to
be exploded in warfare, the overall consequences would include not only
short- and medium-term medical injuries, but also severe environmental
effects, disruption of transport and delivery of food, fuel and basic medi-
cal supplies, possible famine and mass starvation on a global scale. It was
also disclosed to the Court that more recent studies have indicated that
the casualties are more likely to number a billion or more, and the very
survival of human beings on earth has been doubted.

According to its Constitution, the WHO'Sfunctions include the collec-
tion and dissemination of information relating to epidemic diseases, deal-
ing with emergency situations resulting from war, the carrying out of
relief work and extensive international health programmes, taking sani-
tary and quarantine action to prevent epidemics following a war and aid-

ing the reconstruction of national health services which may have been
affected by war, and generally taking al1necessary action to attain the
objective of the Organization. The functions would seem to bring the
health and environmental consequences of nuclear weapons within the
scope and activities or competence of the Organization.

Furthermore, in terms of its past practice, the Organization has, over
the years, been preoccupied with the health effects of weapons of mass
destruction in general and nuclear weapons in particular. This practice,
which had been accepted by al1the States concerned and provides a sup-
erior and reliable evidenceto be used ininterpreting resolution WHA46.40
in the light of the Organization's Constitution. Since the 1960sthe WHO
has been CO-operatingwith the United Nations on the prohibition of
chemical and biological weapons and has submitted reports on the healthpour soigner 735000 blessésgraves. Il est manifeste que, vu lenombre de
personnes nécessitantun traitement médical,les ressources et les services
médicauxdu pays tout entier seraient submergés.S'il s'agissait de véri-
tables hostilités,l'attaque ne se limiterait pasune seule ville.
Une attaque nucléaire massive dirigée contre le Royaume-Uni tuerait
ou blesseraitla moitiéde la population et quatre-vingt-dix-septpourcentdes
Londoniens. Non seulement leshôpitaux, lesmédecins, les infirmières, les
autres professionnels et techniciens de la santéseraient trop peu nom-
breux mais encore les antibiotiques, les injections parentérales,les panse-
ments, le matérielchirurgical et tous les élémentd'une technologie médi-

cale sophistiquée feraient défaut.Les problèmes auxquels le personnel
sanitaire auraitàfaire face seraient immenses. Non seulement il manque-
rait de presque tout ce qui est nécessairepour soigner, mais encore il
devrait extraire les blessésdes décombres des bâtiments démolis, les
transporter dans des rues encombrées de débris, obstruées par des incen-
dies, contaminéespar la radioactivité, il ne disposerait que de peu de
moyens detransport, sitant est qu'il en reste,et il devrait se passer d'élec-
tricitéet de carburant, tout en s'inquiétantpour ses proches et pour lui-
même.Si un plus grand nombre d'engins devait exploser pendant une
guerre, cela aurait des conséquences globaleset entraînerait non seule-
ment des blessures d'ordre médical à court ou àmoyen terme mais aussi
des effets graves sur l'environnement, la désorganisation des transports
et de l'acheminement des vivres,du carburant et des fournitures médi-
cales de base, débouchantéventuellementsur des famines au niveau mon-

dial. On a signalé aussià la Cour que, selon des étudesplus récentes,le
nombre des victimes atteindrait plus vraisemblablement le milliard ou
davantage et l'on a mis en doute que l'espècehumaine puisse mêmesur-
vivre sur la Terre.
Selon sa Constitution, l'OMS a pour fonctions de recueillir et de dif-
fuser les renseignements concernant les maladies épidémiques,traiter de
situations d'urgence néesde l'état de guerre, mettreen Œuvre despro-
grammes de secours et de grands programmes internationaux dans le
domaine de la santépublique, prendre des mesures sanitaires et de qua-
rantaine pour éviterles épidémies faisant suiteà l'état deguerre, aiderà
la reconstruction des servicesnationaux de santépublique touchéspar la
guerre et, d'une manièregénérale,prendre toute mesure nécessairepour
atteindre le but assignéà l'organisation. Il semblerait que ces fonctions
placent les conséquencesde l'arme nucléairesur la santé et l'environne-

ment dans le cadre de l'activitéou de la compétence de l'OMS.
En outre, si l'on considère la pratique passéede I'OMS, on constate
que l'organisation se préoccupedepuis de nombreuses annéesdes effets
sur la santé des armes de destruction massive en général et desarmes
nucléaires enparticulier. Cette pratique, acceptéepar tous les Etats inté-
ressés,fournit une preuve majeure et sûre qui peut êtreutiliséepour inter-
préterla résolution WHA46.40eu égard àla Constitution de l'Organisa-
tion. Depuis les années soixante,I'OMS coopèreavec l'ONU au sujet de
l'interdiction des armes chimiques et biologiques et a présenté desrap-effects of those weapons. Beginning with resolution 34.38 and based on
that resolution, the Director-General of the WHO, in 1983, set up an
international commission of experts which submitted a report on the
effects of nuclear weapons on health and health services. The Assembly
of the Organization endorsed the conclusions of the Commission in reso-
lution WHA36.28 and recommended that the work shouldcontinue. This
recommendation formed the basis of the 1987Report entitled Effects of
Nuclear Weapons on Health and Health Services.

Furthermore, while the debate leading upto the adoption of resolution
WHA46.40 proved controversial, there was no question but that the
health effects of nuclear weapons were matters which fell within the
ambit of the WHO. Even though such debates are not binding on the
Court, the Court has in the past, when interpreting questions in a request
and in order to get at the real issue in dispute, taken account of the

debates in the organ in which the resolution containing the question was
adopted. Also on this aspect of the matter, the Court chose not to follow
its practice. As already mentioned, Article 31 of the Convention on the
Law of Treaties presupposes that, in interpreting a treaty, subsequent
practice may be used to establish the understanding of parties regarding
that treaty. Judged against this background, to have found as the Court
has done, that the question does not faIl within the scope of activities or
competence of the Organization, would suggest that no realistic appraisal
of the material presented to the Court or of the practice of the Organiza-
tion was carried out by the Court with a viewto enabling itself to give an
effective reply to the question posed.
It now remains to determine whether in light of the health and envi-
ronmental effects, obligations undertaken by States will be violated by
the use of nuclear weapons or, in other words, what principles of law, if
any, would apply to the question. In this regard, it must first be pointed
out that it is a principle of international law that obligations assumed by
States are binding on them andthat in their conduct or activities they are
required to comply with such obligations. In accordance with the Charter
of the United Nations, obligations arising from treaties and other sources

of law are to be observed. Article 26 of the Vienna Convention on the
Law of Treaties specifies that every treaty in force is binding upon the
parties to it and must be performed by them in good faith. This require-
ment is also stipulated in the Declaration on Principles of International
Law concerning Friendly Relations and Co-operation among States in
accordance with the Charter of the United Nations, General Assembly
resolution 2625 (XXV) of 1970,to the effect that every State has the duty
to fulfil in good faith the obligations assumed by it:

(a) in accordance with the Charter of the United Nations;
(b) under the generally recognized principles and rules of international
law ;andports relatifs aux effets de ces armes sur la santé. Apartir de la résolu-
tion WHA34.38 et sur la base de cette dernière, le Directeur généralde
l'OMS a instituéen 1983une commission internationale d'experts qui a
remis un rapport sur les effets de la guerre nucléairesur la santé et les
services de santé.L'Assembléede l'organisation a approuvéles conclu-
sions de la commission par sa résolutionWHA36.28 et recommandéla
poursuite des travaux. C'est cette recommandation qui est à l'origine du
rapport de 1987intituléEffets de laguerre nucléairsur la santéet les ser-
vices desanté.
Si des controverses ont marqué le débatquia abouti à l'adoption de la
résolutionWHA46.40, nul n'a niéque la question des effets des armes

nucléairessur la santérelevait de l'OMS. Certes detels débatsne lient pas
la Cour mais, par le passé,lorsque la Cour a voulu interpréter certaines
questions et connaître les problèmes réellement en jeu,elle a pris en
considérationles débatsqui s'étaientdéroulésau sein de l'organe auteur
de la résolution qui contenait la question. Sur ce point encore, la Cour
n'a pas jugébon de suivre sa pratique. Comme on l'a déjà mentionné,
l'article 31 de la convention sur le droit des traités présuppose que,
s'agissant d'interpréter un traité, on peut se référer la pratique ulté-
rieure pour établir l'accord desparties à l'égard de l'interprétationdu
traité.Si1'01tient compte de ce qui précède,lefait que la Cour ait estimé
que la question n'entrait pas dans le cadre de l'activitéou de la compé-
tence de l'organisation tend àindiquer que la Cour n'a évaluéde façon
réaliste ni ladocumentation qui lui étaitsoumise ni la pratique de I'Orga-
nisation afin de se mettre en mesure de fournir une réponse utile à la

question posée.
Il reste maintenantà déterminersi, eu égard à ses effets sur la santé et
l'environnement, l'utilisation d'armes nucléaires violeraitles obligations
assuméespar les Etats ou, en d'autres termes, à déterminerquels prin-
cipes s'appliqueraient éventuellement à la question. A ce sujet, il faut
d'abord souligner ceci: un principe de droit international veut que les
Etats soient liéspar les obligations qu'ils ont acceptées et que leur
conduite ou leur activitésoit conforme à ces obligations. En vertu de la
Charte des Nations Unies, on doit respecter les obligations découlantdes
traités ou d'autres sources de droit. L'article 26 de la convention de
Vienne sur le droit des traitésdispose que tout traitéen vigueur lie les
parties et doit êtreexécutépar elles de bonne foi. Cette exigence figure
égalementdans la déclarationrelative aux principes du droit internatio-
nal touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats

conformément à la Charte des Nations Unies (résolution2625 (XXV)de
l'Assemblée générale 1,970)où il est dit que chaque Etat a le devoir de
remplir de bonne foi les obligations qu'il a assumées
a) conformément àla Charte des Nations Unies;
b) en vertu des principes et règles généralemenrteconnus du droit inter-
national; (c) under international agreements valid in accordance with the gener-
ally recognized principles and rules of international law.
The principle that obligations should be fulfilledin good faith requires

States not only to implement obligations which they have undertaken,
but that they should also refrain from acts which could defeat such obli-
gations.
Such obligations may arise from treaties, customary international law
rules and from general principles of international law. The non-fulfilment
or violation of such obligations entails international responsibility. This
assumes even greater significance in the case of obligations under the law
of armed conflict and more particularly international humanitarian law,
whose main purpose is the protection of human beings during warfare, as
well as the mitigation of their physical and mental sufferings. Accord-
ingly, belligerent States are under a duty to observe the principle of
humanity during warfare.

The question asked by the WHO, therefore, also involves Staterespon-
sibility- in other words, the question of whether a State would be in
breach of its legal obligations assumed under international law by the
detonation of a nuclear weapon in war or during armed conflict as a
result of the effects on human health and the natural environment. The
obligations in question may involve the breach of treaty or of a legal
duty. The obligation could also arise as a result of an illegal act or from
an event involving the use of prohibited weapons in an armed conflict. In
the Corfu Clzannelcase, the Court held that Albania was liable for the
consequences of a mine-laying in her territorial water and the absence of
a warning of the danger, finding that

"These grave omissions involve the international responsibility of
Albania.
The Court therefore reaches the conclusion that Albania is respon-
sible under international law for the explosions which occurred
on October 22nd, 1946,in Albanian waters, and for the damage and
loss of human life whiclz resultedj?om them . . ." (I.C.J. Reports

1949, p. 23; emphasis added.)
Accordingly, the judicial task of the Court should have been to identify
and apply the relevant international law including the WHO'SConstitu-

tion relating to the question posed, identify the obligations, if any, that
are prescribed in those rules and on the basis of the materials presented,
and determine whether in view of the health and environmental effects
those obligations would be breached by the use of nuclear weapons in
war or any other armed conflict. Such had been the practice of both this
Court and its predecessor in exercising their advisory jurisdiction. Both
Courts have "regularly made simple findings of facts, established on the
basis of documentation submitted to the Court" (Rosenne, Law andc) en vertu d'accords internationaux conformes aux principes et règles
généralementreconnus du droit international.
Le principe selon lequel les obligations doivent êtreremplies de bonne

foi exige des Etats non seulement qu'ils mettent à exécutionles obliga-
tions qu'ils ont assumées mais aussi qu'ilss'abstiennent de commettre des
actes qui pourraient faire échec à ces obligations.
De telles obligations peuvent découler de traités, de règles du droit
international coutumier et de principes générauxdu droit international.
L'inexécutionou la violation de ces obligations entraîne une responsabi-
litésur le plan international. Celle-ci revêt uneimportance plus grande
encore lorsqu'il s'agit d'obligations nSes du droit des conflits arméset
plus particulièrement du droit international humanitaire dont le but prin-
cipal est de protéger les êtres humainsen temps de guerre et d'atténuer
leurs souffrances physiques et psychologiques. En conséquence,les Etats
belligérantsont le devoir de respecter le principe d'humanitéen période
de guerre.
La question poséepar l'OMS met donc en jeu aussi la responsabilité

des Etats. autrement dit le oint de savoir si. en faisant ex~loserune arme
nucléaire pendant une guerre ou un conflit armé, un Etat violerait les
obligations juridiques qu'il a assuméesau regard du droit international,
en raison des effets de cette explosion sur la santé des hommes et l'envi-
ronnement naturel. Ces obligations peuvent résulterde la violation d'un
traité ou d'un devoir juridique. Elles peuvent découler aussi de la com-
mission d'un acte illégalou d'une activitéliée à l'emploi d'armes inter-
dites dans un conflit armé.Dans l'affaire du Détroit de Cocfou, la Cour a
jugéque le fait que l'Albanie avait mouillé des minesdans ses eaux ter-
ritoriales et n'avait pas averti la navigation du danger entraînait des
conséquencesdont elle était responsable. La Cour a dit:

«Ces graves omissions engagent la responsabilitéinternationale de
l'Albanie.
En conséquence,la Cour est arrivée à la conclusion que l'Albanie
est responsable, selon le droit international, des explosions qui ont
eu lieu le2 octobre 1946dans les eaux albanaises, et des dommages
et perteshumaines qui en suivirent..» (C.I.J.Recueil 1949, p. 23; les
italiques sont demoi.)

En conséquence,la tâche judiciaire de la Cour aurait dû être de déga-
ger et d'appliquer le droit international, y compris la Constitution de
l'OMS, relatif à la question posée,de préciserles obligations éventuelle-
ment imposéespar ces règleset sur la base de la documentation qui lui

était fournie,puis de dire si, en raison de ses effets sur la santé et l'envi-
ronnement, l'utilisation d'armes nucléairesau cours d'une guerre ou d'un
autre conflit armé constituerait une violation de ces obligations. Telle
avait étéla pratique tant de la Cour actuelle que de sa devancière dans
l'exercicede leur compétence consultative. Les deux Cours ont ((réguliè-
rement procédé à de simples constatations de faits sur la base de la docu-Practice of the International Court, 2nd rev. ed., p. 701), or on the basis
of testimony given. In the Eastern Careliacase (P.C.I.J., Series B, No. 5,

p. 28), with regard to the enquiry as to the facts, the Court stated that if
the facts upon which the opinion of the Court is desired are non-contro-
versial and the Court does not have to ascertain what they are, it would
be prepared to take such facts into consideration. This position was con-
firrned in the Namibia Opinion where the Court declared as follows:

"In the view of the Court, the contingency that there may be fac-
tua1issues underlying the question posed does not alter its character
as a 'legal question' as envisaged in Article 96 of the Charter. The

reference in this provision to legal questions cannot be interpreted as
opposing legal to factual issues. Normally, to enable a court to pro-
nounce on legal questions, it must also be acquaintedwith, take into
account and, if necessary, make jïndings as to tlze relevantfactual
issues.The limitation of the powers of the Court contended for by
.. .South Africa has no basis in the Charter or the Statute." (Legal
Consequencesfor States of the Continued Presence of South Africa
in Nanzibia (South West Afiica) notwitlzstanding Security Council
Resolution 276 (1970), I.C.J. Reports 1971, p. 27; emphasis added.)

In accordance with Article 38 of its Statute, the Court is enjoined in
deciding a dispute to apply international conventions, whether general or
particular, establishingrules expressly recognized byStates; international
custom, as evidence of general practice accepted as law; the generally
recognized principles and rules of international law; judicial decisions;
and the teachings of the most highly qualifiedjurists.

But, before attempting to identify the applicable law, since that law
would have to be applied to the effects of nuclear weapons, it would be
appropriate to recall the definition of a nuclear weapon so as to provide
the appropriate background against which that law is to be applied. The
Paris Accords of 1954 defines atomic weapons as those which through
nuclear explosion or analogous processes are "capable of causing massive
destruction, generalized damage or massive poisoning". According to the
1967Treatv of Tlatelolco on the Prohibition of Nuclear Wea~ons in Latin

America, a nuclear weapon is defined as "any device which is capable
of releasing nuclear energy in an uncontrolled manner and which has a
group of characteristics that are appropriate for use for warlike pur-
poses". Thus, nuclear weapons, like biological and chemicalweapons, are
regarded as weapons of mass destruction. However, the characteristics of
nuclear weapons are unique. They release not only immense quantities of
heat and energy but also powerful and prolonged radiation. Such radia-
tion would affect human health, agriculture and demography over a vast
area. Nuclear weapons when used also have serious effects on future gen-mentation qui leur était fournie» (Rosenne, Law and Practice of the
International Court, 2"éd.revisée,p. 701) ou sur la base de témoignages.
En ce qui concerne l'enquêtesur les faits, la Cour permanente a estimé,
dans l'affaire du Statut de la Carélieorientale (C.P.J.I. sérieB no 5,
p. 28), que, si les faits sur lesquels l'avis de la Cour était demandé
n'étaient pas controverséset n'appelaient pas de sa part de vérification,
elle serait disposéeà les prendre en considération. Cette attitude a été
confirméedans l'affaire de la Namibie où la Cour actuelle a dit:

((Selon la Cour, ce n'est pas parce que la question poséemet en
jeu des faits qu'elleperd le caractère de ((questionjuridique)) au sens
de l'article 96 de la Charte. On ne saurait considérer que cette dis-
position oppose les questions de droit aux points de fait.our être à

mêmede se prononcer sur des questionsjuridiques, untribunal doit
normalement avoir connaissance desfaits correspondants, lesprendre
en considérationet, le cas échéant, statuer a leur sujet. Les limites
que le Gouvernement sud-africain prétend assigner aux pouvoirs de
la Cour n'ont de fondement ni dans la Charte ni dans le Statut.»
(Conséquencesjuridiques pour les Etats de la présence continuede
l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la
résolution276 (1970) du Conseil de sécurité,C.I.J. Recueil 1971,
p. 27; les italiques sont de moi.)

Conformément à l'article 38de son Statut, la Cour doit, pour régler un
différend, appliquer les conventions internationales, soit générales, soit
spéciales,établissant des règlesexpressément reconnuespar les Etats; la
coutume internationale comme preuve d'une pratique générale, acceptée

comme étant le droit; les principes générauxde droit reconnus par les
nations civilisées;les décisionsjudiciaireset la doctrine des publicistes les
plus qualifiés.
Mais avant d'essayer de préciserle droit applicable, et puisque ce droit
s'appliquera aux effets des armes nucléaires,il convient de rappeler com-
ment est définiel'arme nucléaire de façon à replacer le droit en question
dans le contexte approprié. Les accords de Paris de 1954 définissentles
armes nucléairescomme celles qui, par explosion ou procédé analogue,
sont capables de causer des destructions massives, des dommages géné-
ralisésou un empoisonnement massif. Selon le traité de Tlatelolco de
1967 sur l'interdiction des armes nucléaires enAmérique latine, l'arme
nucléaire «est définiecomme tout dis~ositif susce~tible de libérer de
l'énergie nucléairede manière non contrôléeet qui possède un ensemble
de caractéristiques propres à l'emploi à des fins belliqueuses)). Ainsi, les

armes nucléaires,tout comme les armes biologiques et chimiques, sont
considéréescomme des armes de destruction massive. Elles présentent
cependant des caractéristiques uniques. Elles libèrent non seulement
d'énormesquantités de chaleur et d'énergiemais aussi un rayonnement
puissant et prolongé.Celui-ci a, sur la santé de l'homme, l'agriculture et
la démographie, des effets qui se font sentir dans une vaste zone.L'utili-erations, causing genetic and other similar defects. Asthe preamble to the
Treaty of Tlatelolco proclaims,

"nuclear weapons, whose terrible effects are suffered, indiscrimi-

nately and inexorably, by military forces and civilian populations
alike, constitute, through the persistence of the radioactivity they
release, an attack on the integrity of the human species and ulti-
mately may even render the whole earth uninhabitable".
It is against this background that an identification and application of
the rules and principles of law which appear to be most pertinent, will

now be undertaken. Of immediate and direct relevance is the interna-
tional law of armed conflict, in particular international humanitarian
law. Central to that law is the principle of humanity which imposes an
obligation to mitigate the sufferings of war or to exercise constraints on
the necessitiesof war. The preambles to the Hague Convention II of 1899
and IV of 1907 recognize the principles of humanity as an important
source of the laws of war in situations where no specific international
convention exists prohibiting a particular type of weapon or tactic.

The International Committee of the Red Cross, in its "Fundamental
Rules of International Humanitarian Law Applicable in Armed Conflicts"
published in 1978,stated, in its preamble, that:

"International humanitarian law is made up of al1 the interna-
tional legal provisions, whether of written or customary law, ensur-
ing respect for the individual in armed conflict. Taking its inspira-
tion from the sentiment of humanity, it postulates the principle that
belligerents must not inflict harm on their adversaries out of propor-
tion with the object of warfare, which is to destroy or weaken the

military strength of the enemy."
International humanitarian law comprisesthe "Law of Geneva", which
aims to safeguard military personnel hors de combat and persons who do
not take part in the hostilities, and the "Law of The Hague", which deter-
mines the rights and duties of belligerents in the conduct of operations
and limits the choice of the means of harming an enemy.

The four Geneva Conventions have come to be regarded as interna-
tionally binding upon al1States, as virtually al1States are parties to them.
These are:
- Geneva Convention 1 for the Amelioration of the Condition of the
Wounded and Sick in Armed Forces in the Field (GC 1);
- Geneva Convention II for the Amelioration of the Condition of
Wounded, Sick and Shipwrecked Members of Armed Forces at Sea

(GC II) ;
- Geneva Convention III relative to the Treatment of Prisoners of War
(CC III) ; and UTILISATION DES ARMES NUCLÉAIRES (OP. DISS. KOROMA) 210

sation d'armes nucléairesaurait des conséquences gravespour les géné-
rations futures car elle provoquerait, parmi d'autres anomalies, des ano-
malies génétiques.Comme le proclame le préambule du traitéde Tlate-

lolco :
«les armes nucléaires,dont les terribles effets atteignent sans distinc-
tion et sans merci les forces arméeset la population civile, consti-
tuent, vu la persistance de la radioactivité qu'elles engendrent, une
atteinte à l'intégritéde l'espècehumaine et risquent de rendre fina-

lement toute la terre inhabitable. ))
C'est compte tenu de cet arrière-plan que l'on s'attachera maintenant a
préciser,pour les appliquer, les règleset principes de droit qui paraissent
les plus pertinents. D'un intérêt immédiaett direct est le droit des conflits
armés,en particulier le droit international humanitaire. Au cŒur de ce

droit se trouve le principe d'humanitéqui impose l'obligation d'atténuer
les souffrances dues à la guerre ou d'assujettir àdes limites les nécessités
de la guerre. Le préambule de la convention II de La Haye de 1899 et
celui de la convention IV de 1907reconnaissent que le principe d'huma-
nitéest une source importante des lois de la guerre dans les cas où il
n'existe aucune convention internationale qui interdise spécifiquement
une catégorie d'armeou un type de tactique.
Dans le préambule deses «Règles fondamentales du droit internatio-

nal humanitaire applicables dans les conflits armés)),parues en 1978, le
Comitéinternational de la Croix-Rouge s'est exprimé ences termes:
«Le droit humanitaire est constitué par l'ensemble des disposi-
tions juridiques internationales, écritesou coutumières, assurant le
respect de la personne humaine en cas de conflit armé. S'inspirantdu

sentiment d'humanité,il procède du principe que les belligérants ne
doivent pas causer à leur adversaire des maux hors de proportion
avec le but de la guerre, qui est de détruireou d'affaiblir le potentiel
militaire de l'ennemi. ))

Le droit international humanitaire comprend le ((droit de Genève)),
qui vise à sauvegarder lesmembres des forces armées mishors de combat
et les personnes qui ne participent pas aux hostilités, etle «droit de La
Haye)), qui fixe les droits et les devoirs des belligérantsdans la conduite
des opérations et limite le choix des moyens de nuire à l'ennemi.
On en est venu à considérerles quatre conventions de Genève de 1949
comme internationalement obligatoires pour tous les Etats, car presque
tous les Etats y sont parties. Il s'agit desconventions suivantes:

- convention 1de Genèvepour l'améliorationdu sort des blesséset des
malades dans les forces arméesen campagne;
- convention II de Genèvepour l'améliorationdu sort des blessés,des
malades et des naufragésdes forces arméessur mer;

- convention III de Genève relative au traitement des prisonniers de
guerre ;- Geneva Convention IV relative to the Protection of Civilian Persons
in Time of War (GC IV).

These Conventions have achieved almost universal acceptance and as of
today are binding on 186 parties to each of the Conventions. They will
therefore apply as treaties in almost any international armed conflict.
Furthermore, most, if not all, of the provisions of the Conventions are
now regarded as declaratory of customary international law.
Additional Protocols 1and II of 1977to the Geneva Conventions con-
stitute a reaffirmation and development of the rules embodied in the Law
of Geneva of 1949andpart of the Law of The Hague of 1907.As of date
143States have become parties to Additional ProtocolI and 134to Addi-
tional Protocol II. The Protocols are accordingly binding upon a sub-

stantial majority of States of the international community. In addition,
many of their provisions are declaratory of customary international law
and are thus applicable in al1international armed conflicts.

As regards the 1907Hague Conventions, these are regarded as binding
not only upon the contracting parties, but have largely become recog-
nized as customary international law as well. Pertinent to the question
before the Court are

- Hague Convention IV Respecting the Laws and Customs of War on
Land, and Annex to the Convention: "Regulations Respecting the
Laws and Customs of War on Land".
- Hague Convention V Respecting the Rights and Duties of Neutra1
Powers and Persons in Case of War on Land.

Hague Convention IV and the annexed Regulation directly apply to
occupied territory and the treatment of property in such territory. Equally
applicable are the provisions on methods and means of warfare which
have now been codified in Additional Protocol 1of 1977.

The International Military Tribunal at Nuremberg held that the pro-
visions of the 1907Regulations had become a part of customary interna-
tional law and that accordingly they are binding on al1States.

Accordingly, the obligations enshrined in these international legal
instruments apply in virtually al1armed conflicts including those involv-
ing the use of nuclear weapons. Prominent among such obligations are
the following :
The right to choose methods and means of warfare is not unlimited,

nor is the right to injure a belligerent. It is prohibited to use weapons
which, by their nature, affect indiscriminately both military objectives
and non-military objectives, or combatants and civilian population.
Weapons whose destructive effects are so great that they cannot be
limited to specificmilitary objectives or are otherwise uncontrollable are
particularly prohibited. This obligation is set forth in the Declaration of UTILISATION DES ARMES NUCLÊAIRES (OP.DISS. KOROMA) 211

- convention IV de Genèverelative la protection des personnes civiles
en temps de guerre.

Ces conventions font maintenant l'objet d'une acceptation quasi univer-
selle età l'heure actuelle lient au total cent quatre-vingt-six Etats. Elles
s'appliquent donc comme des traitésdans n'importe quel conflit arméou
presque. En outre, la plupart des dispositions de ces conventions, sinon
toutes, sont tenues pour déclaratoires du droit international coutumier.
Les protocoles additionnels 1et II de 1977aux conventions de Genève

réaffirment etdéveloppentles règlesposéespar le «droit de Genève))de
1949et en partie par le ((droit de La Haye» de 1907.Actuellement cent
quarante-trois Etats sont devenus parties au protocole additionnel 1 et
cent trente-quatre au protocole additionnel II. Ces protocoles lient donc
une large majoritédes Etats de la communauté internationale. En outre,
nombreuses sont les dispositions qui sont déclaratoires du droit interna-
tional coutumier et sont par suite applicables dans tous les conflits armés
internationaux.
En ce qui concerne les conventions de La Haye de 1907, ellesne sont

pas considéréescomme obligeant seulement les parties contractantes et
sont maintenant largement reconnues comme relevant aussi du droit
international coutumier. Intéressent la question posée a la Cour les
conventions suivantes :
- convention IV de La Haye concernant les lois et coutumes de la

guerre sur terre et annexe a la convention: ((Règlementconcernant les
lois et coutumes de la guerre sur terre»;
- convention V de La Haye concernant les droits et lesdevoirs des puis-
sances et personnes neutres en cas de guerre sur terre.
La convention IV de La Haye et le règlement y annexé s'appliquent

directement au territoire occupé et à la propriétéprivéequi s'y trouve.
S'appliquent égalementles dispositions sur les méthodeset les moyens de
guerre qui sont maintenant codifiéesdans le protocole additionnel 1 de
1977.
Le Tribunal militaire international de Nuremberg ajugéque les dispo-
sitions du règlement de 1907faisaient partie du droit international cou-
tumier et qu'en conséquenceelles liaient tous les Etats.
Il en résulteque les obligations contenues dans ces instruments juri-
diques internationaux s'imposent dans presque tous les conflits armés, y

compris ceux dans lesquels il est fait usage de l'arme nucléaire.Les plus
importantes de ces obligations sont les suivantes:
Le droit de choisir les méthodeset les moyens de guerre n'est pas illi-
mitéet il en va de même des moyensde nuire à l'ennemi. Il est interdit

d'utiliser des armes qui, par nature, ne font aucune distinction entre
objectifs militaires et objectifs non militaires, entre combattants et popu-
lation civile.Font l'objet d'une interdiction particulière les armes dont les
effets destructeurs sont si grands qu'ils nepeuvent êtrelimités à des cibles
militaires déterminéesou celles dont les effets sont incontrôlables. CetteSt.Petersburg of 1868and was the first to introduce limitations on means
of waging war. The preamble to the Declaration specificallyprohibits, and
considers as contrary to the laws of humanity, the use of weapons that
cause unnecessary and excessivesuffering. Its preamble reads as follows :

"Considering
That the progress of civilization should have the effect of alleviat-
ing as much as possible the calamities of war;

That the only legitimate object which States should endeavour to
accomplish during war is to weaken the military forces of the enemy ;

That for this purpose it is sufficient to disable the greatest possible
number of men;
That this object would be exceeded by the employment of arms
which uselessly aggravate the sufferings of disabled men, or render
their death inevitable;

That the employment of such arms would therefore be contrary to
the laws of humanity."

The Declaration places a specific ban on the use of "any projectile of a
weight below 400 g, which is either explosive or charged with fulminating
or inflammable substances7'.According to this principle, while interna-
tional law recognizes that the object of warfare is to disable the belliger-
ent enemy, it prohibits the use of weapons which cause gratuitous and
unnecessary suffering. The principle was embodied in the following
articles of Convention II of the First Hague Conference of 1899 which
provide :

"Article 22. The right of belligerents to adopt means of injuring
the enemy is not unlimited.
Article 23. Besides the prohibitions provided by special Conven-

tions, itis especially prohibited:
(a) To employ poison or poisoned arms;

(e) To employ arms, projectiles or material of a nature calculated
to cause superfluous injury;

Article 25. The attack or bombardment of towns, villages, habi-
tations or buildings which are not defended is prohibited."

That principle was subsequently articulated in the Hague Convention of
1907 in Articles 22, 23 and 25 and reaffirmed the rules of international
law which had been enunciated in 1899.Its further development is to be
found in the Geneva Gas Protocol of 1925, which prohibits not just UTILISATION DES ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISS. KOROMA) 212

obligation résultede la déclaration de Saint-Pétersbourg de 1868,la pre-
mière à imposer des limitations quant aux moyens de faire la guerre. Le
préambule de la déclaration interdit spécifiquement et considèrecomme
contraire aux lois de l'humanité l'usage d'armes qui causent des souf-
frances inutiles et excessives.l est ainsi conçu:

((Considérant

Que les progrès de la civilisation doivent avoir pour effet d'atté-
nuer autant que possible les calamités dela guerre;
Que le seul but légitimeque les Etats doivent seproposer durant la

guerre est l'affaiblissement des forces militaires de l'ennemi;
Qu'à cet effet il suffit de mettre hors de combat le plus grand
nombre d'hommes possible ;

Que ce but serait dépassépar l'emploi d'armes qui aggraveraient
inutilement les souffrances des hommes mis hors de combat ou ren-
draient leur mort inévitable;
Que l'emploi de pareilles armes serait dèslors contraire aux lois de
l'humanité ».

La déclaration interdit expressément l'emploide «tout projectile d'un
poids inférieur a 400 grammes, qui serait ou explosible ou chargé de
matières fulminantes ou inflammables)).Conformément à ce principe, si
le droit international admet que la guerre a pour but de mettre l'ennemi

hors de combat, il prohibe l'emploi d'armes susceptibles de causer des
souffrances inutiles et injustifiées. Le principe estconsacréen ces termes
aux articles suivants de la convention II de La Haye de 1899:

((Article22. Les belligérantsn'ont pas un droit illimitéquant au
choix des moyens de nuire à l'ennemi.
Article23. Outre lesprohibitions établiespar des conventions spé-
ciales, il est notamment interdit:

a) d'employer du poison ou des armes empoisonnées;
.............................
e) d'employer des armes, des projectiles ou des matières propres à
causer des maux superflus;

Article 25. Il est interdit d'attaquer ou de bombarder, par quelque
moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments qui
ne sont pas défendus. »

Ce principe a étéformulé ultérieurementdans les articles 22, 23 et 25 de
la convention de La Haye de 1907 qui a repris les règlesde droit inter-
national énoncées en1899. Il a été amplifié plutsard dans le protocole de
Genèvede 1925concernant la prohibition de l'emploi des gaz,protocolepoisonous and other gases but also "analogous liquids, materials or
devices" and extends the prohibition to bacteriological warfare as well.

The principle was codified in the Additional Protocols of 1977to the
Geneva Conventions of 1949.Article 35 - Basic Rules - provides that
in any armed conflict :

"1. . . .the right of the Parties to the conflict to choose methods
or means of warfare is not unlimited.
2. It is prohibited to employ weapons, projectiles and material
and methods of warfare of a nature to cause superfluous injury or
unnecessary suffering.
3. It is prohibited to employ methods or means of warfare which
are intended, or may be expected, to cause widespread, long-term

and severe damage to the natural environment."

Furthermore, in warfare or during an armed conflict, States are under
an obligation to observe the principle of discrimination between civilians
and combatants and between military and non-military objects. The prin-
ciple is recognized as one of the most fundamental principles of interna-

tional humanitarian law. Civilians and non-military objects are not to be
made the object of attack. Even where indirect injury may occur to civil-
ians or civilian objectives by dint of military necessity, such losses if
manifestly excessive, would violate the rule. The rule is embodied in
Article 27 of the Hague Convention of 1907and the annexed regulations
concerning the laws and customs of war on land; Articles 22 and 24 of
the Draft Hague Rules on Air Warfare of 1923prohibit States from bom-
barding civilian targets and are accepted as customary international law.
It is also codified in Articles 35, 36, 48, 51, 52, 54 and 55 of the First
Additional Protocol of 1977.Article 35, as we have seen, limits the right
of the Parties to a conflict to choose methods or means of warfare and

prohibits the use of weapons which cause superfluous and unnecessary
injury.
Article 48 of the Protocol provides that :
"In order to ensure respect forand protection of the civilian popu-
lation and the civilian objects, the Parties to the conflict shall at al1
times distinguish between the civilian population and combatants
and between civilian objects and military objectives and accordingly

shall direct their operations only against military objectives."

This is regarded as a reaffirmation of the principle of distinction - that
methods or means of warfare must make a distinction between comba-
tants and non-combatants.
Article 51, paragraph 5, of the Protocol prohibits

"an attack which may be expected to cause incidental loss of civilian
life,injury to civilians, damage to civilian objects, or a combinationqui interdit non seulement l'emploi des gaz asphyxiants, toxiques ou
similaires mais aussi l'usage de ((tous liquides, matières ou procédés
analogues)) et qui étend l'interdictionà la guerre bactériologique.
Ce principe a été codifiédans les protocoles additionnels de 1977aux
conventions de Genève de 1949.L'article 35, intitulé «Règlesfondamen-
tales)), dispose que, dans tout conflit armé:

((1. ..le droit des parties au conflit de choisir des méthodes et
moyens de guerre n'est pas illimité.
2. Il est interdit d'employer des armes, des projectiles et des ma-
tières ainsique des méthodes de guerre de nature à causer des maux
superflus.
3. Il est interdit d'utiliser des méthodes ou moyens de guerre qui
sont conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu'ils causeront,
des dommages étendus, durables et graves à l'environnement natu-
rel.

En outre, dans une guerre ou un conflit armé,les Etats ont l'obligation
de respecter le principe de la distinction entre les civilset lescombattants,
entre les objectifs militaires et les objectifs non militaires. Ce principe est
reconnu comme l'un des plusfondamentaux du droit international huma-
nitaire. Mêmesi des dommages indirects étaient causés à des civils ouà
des biens de caractère civil sous l'empire de la nécessité militaire, ily
aurait violation de la règle si les dégâts étaient manifestementexcessifs.
Cette règlefigure àl'article 27 du règlementannexé à la convention de La

Haye de 1907concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, ainsi
qu'aux articles 22 et 24 du projet de règlementde La Haye concernant la
guerre aérienne,qui interdisent aux Etats de bombarder des cibles civiles
et sont considéréscomme relevant du droit international coutumier.
Cette règle est également codifiédeans les articles 35,6,48, 51, 52, 54et
55 du protocole additionnel 1de 1977.Comme on l'a vu, l'article 35 pré-
cise que «le droit des parties au conflit de choisir des méthodes ou
moyens de guerre n'est pas illimité))et il interdit l'emploi d'armes «de
nature à causer des maux superflus)).
Selon l'article 48 du protocole additionnel 1:

«En vue d'assurer le respect et la protection de la population civile
et des biens de caractère civil, les parties au conflit doivent en tout
temps faire la distinction entre la population civileet lescombattants
ainsi qu'entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires et,
par conséquent, ne diriger leurs opérations que contre des objectifs
militaires.

Ce texte est considéré comme une réaffirmationdu principe de distinc-
tion, à savoir que les méthodesou moyens de guerre doivent distinguer
entre combattants et non-combattants.
L'article 51,paragraphe 5, du protocole interdit
«les attaques dont on peut attendre qu'elles causent incidemment
des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures thereof, which would be excessive in relation to the concrete and
direct military advantage anticipated".

Article 51, paragraph 6, places a prohibition on reprisals against the
civilian population or civilians. The provision is considered not to be sub-

ject to any conditions and has been considered to be of a peremptory
character that does not allow for any derogation from the rule on the
grounds of military necessity. Support for this position is to be found in
Article 52, paragraph 1, which states that "civilian objects shall not be
the object of attack or of reprisals".
Article 53 declares that

"Without prejudice to the provisions of the Hague Convention for
the Protection of Cultural Property in the Event of Armed Conflict
of 14May 1954,and of other relevant international instruments,it is
prohibited :
..........................
(c) to make such objects the objects of reprisals."

Article 54 prohibits reprisals against objects indispensable to the sur-
vival of the civilian population, while Article 55, paragraph 2, prohibits
attacks against the natural environment by way of reprisals.

Article 56, paragraph 4, prohibits the works, installations or military
objectives mentioned in paragraph 1 from being made the object of
reprisals.
Additional obligations are laid down by the Geneva Convention of
1949 according to which States assume responsibility for certain duties
such as the collection of the wounded or dead, individual burial and the
evacuation of prisoners and undertake not to expose prisoners to un-
necessary danger. The duty regarding protected persons including the
wounded and sick members of the armed forces, hospital ships, medical

transport, would be difficult, if not impossible, to observe should nuclear
weapons be used, inter alia, because of their radioactive effects and con-
tamination.
In like manner, the radioactive fallout would violate territorial sover-
eignty and cause injury to the citizens of neutral territories in violation of
Article 1 of the 1907 Hague Convention Respecting the Rights and
Duties of Neutra1 Powers and Persons in Case of War on Land. Evi-
dently the use of nuclear weapons would fail to observe or respect the
principle of discrimination between civilians and combatants in the
neutral territory as well, and could cause devastation involving inno-
cent civilian neutrals as well as civilians of both belligerent parties.

Evidently, the use of such weapons would violate the obligations
assumed by States under the Martens Clause according to which, even in
the absence of an international convention, aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou
une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs
par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu.))

L'article 51, paragraphe 6, interdit les représaillescontre la population
civile ou des personnes civiles. On considère que cette disposition n'est
sujette à aucune condition et l'on a admis qu'elle avait un caractère
absolu n'autorisant aucune dérogation pour cause de nécessité militaire.
Cette interprétation est confirméepar l'article 52 où il est dit, au para-
graphe 1 : «Les biens de caractère civil ne doivent êtrel'objet ni d'at-

taques ni de représailles.»
Aux termes de l'article 53,il est dit:
«Sans préjudice desdispositions de la convention de La Haye du
16 mai 1954pour la protection des biens culturels en cas de conflit

armé et d'autres instruments pertinents, il est interdit:

.............................
c) de faire de ces biens l'objet de représailles.))

L'article 54 interdit les représaillescontre les biens indispensablesà la
survie de la population et l'article 55,paragraphe 2, stipule que ((les at-
taques contre l'environnement naturel à titre de représaillessont inter-
dites)>.
L'article 56,paragraphe 4, ((interdit de faire de I'un des ouvrages, de
l'une des installations ou de I'un des objectifs militaires mentionnés au
paragraphe 1 l'objet de représailles)).
La convention de Genève de 1949 impose aux Etats d'autres obliga-
tions en vertu desquelles ils doivent remplir certains devoirs comme

ramasser les morts et les blessés,enterrer individuellement les cadavres,
évacuer lesprisonniers et s'engager àne pas exposer ceux-ci àdes dangers
inutiles. Les devoirs de protection qui leur incombent envers les membres
des forces arméesblesséset malades, les navires-hôpitaux, les transports
médicaux seraient difficiles, voire impossibles, à remplir si des armes
nucléairesétaientutilisées,notamment à cause de leur effets radioactifs et
de la contamination.
De la mêmemanièreles retombées radioactives violeraient la souverai-
netéterritoriale des Etats neutres et infligeraient des dommages à leurs
ressortissants, ce qui contreviendrait à l'article 1 de la convention de La
Haye de 1907 concernant les droits et les devoirs des puissances et des
personnes neutres en cas de guerre sur terre. 11est évidentque les armes

nucléaires,siellesétaientutilisées, ne respecteraientpas le principe de dis-
tinction entre les civilset les combattants sur le territoire neutre et pour-
raient provoquer des dévastations impliquant aussi bien les civils des
pays neutres que les civilsressortissant des deux belligérants.
Bien évidemmentl'utilisation de telles armes violerait les obligations
assuméespar les Etats en vertu de la clause de Martens selon laquelle,
même en l'absencede convention internationale, "civilians and combatants remain under the protection and authority
of principles of international law derived from established custom,
from principles of humanity and from the dictates of public con-
science".
Thus, according to this formula, which is reflected in the Geneva Con-
ventions of 1949and in the Additional Protocols of 1977,warfare does
not allow belligerents to cause unnecessary and excessiveinjury and suf-
fering to one another, to fail to observe the rule of discrimination

between civilians and non-civilians or to exercise an unlimited choice of
means of injuring the enemy.

As far as the environmental obligations assumed by States are con-

cerned, these are to be found both in customary international law and in
the provisions of treaties as well. Taken together, they impose legal
restraints against environmentalwarfare per se or the means of waging it.
Article 25 of the Hague Convention IV of 1907 prohibits, as we have
seen, "attack or bombardment by whatever means of towns, villages,
dwellings or buildings which are undefended" (emphasis added). Bel-
ligerent parties are prohibited, directly or indirectly, from inflicting
unnecessary damage on the environment.

The Geneva Protocol of 1925 is also relevant in this connection as it
prohibits the use in war of chemical or biological agents, and the Bac-
teriological and Toxin Weapons Convention of 1972prohibits the pos-
session of biological agents.
Articles 53 and 147 of the 1949 Fourth Geneva Convention also pro-
vide a degree of indirect protection for the environment, in the context of
protecting property rights in occupied territories. Thus, an occupying
Power which destroys, for example, industrial installations in an occu-
pied territory, causing consequent damage to the environment, would be

in breach of its obligations under the Convention, provided that such
destruction was not justified by military necessity. If such destruction is
extensive, it would constitutea grave breach of the Convention, or even
a war crime, in accordance with Article 147

Article 35 of Additional Protocol 1of 1977also prohibits the employ-
ment of methods or means of warfare which are intended or may be
expected to cause widespread, long-term and severe damage to the natu-
ral environment; Article 55, as we have seen, imposes an obligation upon
States Parties to takecare in warfare to protect the natural environment
against such damage; Article 54protects objects indispensable to the sur-
vival of the civilian population; while Article 56 protects certain instal-
lations containing dangerous forces, namely dams, dykes and nuclear
electrical generating stations which are not to be made the object of ((lespersonnes civileset lescombattants restent sous la sauvegarde et
sous l'empire des principes du droit des gens, tels qu'ils résultentdes
usages établis, des principes de l'humanité et des exigences de la
conscience publique ».

Il résultede cette formule - qui est corroborée par les conventions de
Genève de 1949 et les protocoles additionnels de 1977 - que la guerre
n'autorise pas les belligérantsà se causer mutuellement des maux et des
souffrances inutiles, négligerla règlede la distinction entre civilset non-
civils età choisir sans limitation aucune les moyens de nuire à l'ennemi.

Les obligations assuméespar les Etats en ce qui concerne l'environ-
nement découlent tant du droit international coutumier que de disposi-
tions conventionnelles. Envisagéesdans leur ensemble, elle; imposeni des
limitesjuridiques à toute guerre qui serait dirigéecontre l'environnement
et aux moyens de mener cette guerre. Comme on l'a vu, l'article 25 de la
convention IV de La Haye de 1907((interdit d'attaquer ou de bombarder

par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâti-
ments qui ne sontpas défendus))(lesitaliques sont de moi). Il est interdit
aux belligérantsd'infliger, directement ou indirectement, des dommages
inutilesà l'environnement.
Le protocole de Genève de 1925 est pertinent aussi à cet égardcar il
interdit l'emploi,àla guerre, de moyens chimiques ou bactériologiques et
la convention de 1972 sur l'interdiction des armes bactériologiques ou à
toxines prohibe la possession d'agents biologiques.
Les articles 53et 147de la conventionIV de Genèvede 1949offrent éga-
lement une certaine protection indirecte de l'environnement en ce qu'ils
prévoient la protection des biens immobiliers dans les territoires occu-

pés. C'estainsi qu'une puissance occupante qui détruirait, par exemple,
des installations industrielles dans un territoire occupé, causant de la
sorte des dommages à l'environnement, contreviendrait aux obligations
que lui impose la convention, dèslors que cette destruction ne serait pas
justifiéepar des nécessitémilitaires. Sicette destruction étaitexécutésur
une grande échelle, elleconstituerait une infraction grave, voire un crime
de guerre, en vertu de l'article 147.
L'article 35du protocole additionnel 1de 1977interdit également d'uti-
liser des méthodesou moyens de guerre qui sont conçus pour causer, ou
dont on peut attendre qu'ils causeront, des dommages étendus,durables
et graves à l'environnement; l'article 55, nous l'avons vu, impose aux

Etats parties l'obligation de veiller, en temps de guerre,protégerl'envi-
ronnement naturel contre de tels dommages; l'article 54protège les biens
indispensables à la survie de la population et l'article 56 teàdassurer la
protection des installations contenant des forces dangereuses,à savoir les
barrages, les digues et les centrales nucléaires de production d'énergieattack, even where those objects are military objectives, if such attack
might cause the release of dangerous forces and consequent severe losses
among the civilian population. Other military objectives located at or in
the vicinity of these works or installations are not to be made the object
of attack if such attack may cause the release of dangerous forces from
the works or installations and consequent severe losses among the civil-
ian population.

Also considered applicable to the question under consideration is the
1977Convention on the Modification of the Environment. The Conven-
tion prohibits the hostile use of environmental modification techniques
having "widespread, long-lasting or severe effects 'as the means of dam-

age'". An environmental modification technique is defined as any tech-
nique for changing - through the "deliberate manipulation" of natural
processes - the dynamics, composition or structure of space or of the
earth, including its atmosphere, lithosphere, hydrosphere and biota.

Also relevant, in this connection, is the principle of environmental
security intended to secure the environment and given expression in Prin-
ciple 24 of the Rio Declaration on Environment and Development to the
effect that

"Warfare is inherently destructive of sustainable development.
States shall therefore respect international law providing protection

for the environment in times of armed conflict and CO-operatein its
future development, as necessary."

Itis thus in terms of these obligations that the health and environmen-
ta1 effects produced by the use of nuclear weapons are to be judged.
According to the available material, nuclear weapons when used did, in
an instant, take a tremendous toll of human lives. Estimates of the
number of people who had died by the end of 1945following the atomic
bombing of Hiroshima and Nagasaki amounted to approximately 140,000
in Hiroshima and 74,000 in Nagasaki. Of the people who were exposed to
thermal radiation, 90 to 100per cent died within a week. In addition to
direct injury from the bomb blasts, death was said to have been caused
by several interrelated factors such as being crushed under buildings,

injuries caused by splinters of glass, radiationdamage, food shortages or
shortages of doctors and medical personnel. Over 320,000 people who
survived but were affected by radiation still suffer from various malig-
nant tumours caused by radiation, including leukaemia, thyroid cancer,
breast cancer, lung cancer, gastric cancer, cataracts and a variety of other
after-effects.électrique,qui ne doivent pas faire l'objet d'attaques, même s'ilsconsti-
tuent des objectifs militaires, lorsque de telles attaques peuvent provo-
quer la libération de ces forces et, en conséquence, causer des pertes
sévèresdans la population civile. Les autres objectifs militaires situéssur
ces ouvrages ou installations ou à proximité ne doivent pas êtrel'objet
d'attaques lorsque de telles attaques peuvent provoquer la libération de

forces dangereuses et, en conséquence,causer des pertes sévèresdans la
population civile.
Est tenue aussi pour applicable à la question considérée laconvention
de 1977sur la modification de l'environnement. Ce texte interdit l'utilisa-
tion à des fins hostiles des techniques de modification de l'environnement
((ayant des effets étendus, durables ou graves, en tant que moyens de
causer ...des dommages ..» L'expression ((techniques de modification de
l'environnement)) désignetoute technique ayant pour objet de modifier
- grâce à une ((manipulation délibérée)) deprocessus naturels -
la dynamique, la composition ou la structure de la Terre, y compris ses
biotes, sa lithosphère, son hydrosphère et son atmosphère, ou l'espace
extra-atmosphérique.

Il y a lieu aussi de tenir compte, dans ce domaine, du principe selon
lequel la sécuritéde l'environnement doit êtreassurée, qui trouve son
expression dans le principe 24 de la déclaration de Rio sur l'environne-
ment et le développement. Il est ainsi conçu:

«La guerre exerce une action intrinsèquement destructrice sur le
développement durable. Les Etats doivent donc respecter le droit
international relatifàla protection de l'environnement en temps de
conflit armé et participer à son développement, en tant que de
besoin.))

C'est donc au regard de ces obligations que l'on doit juger les effets de

l'utilisation d'armes nucléairessur la santé et l'environnement. Selon la
documentation disponible, les armes nucléaires, lorsqu'ellesont étéuti-
lisées,ont provoqué en un instant une extraordinaire hécatombe. On a
estiméle nombre des personnes décédéea svant la fin de 1945 des suites
du bombardement atomique d'Hiroshima et de Nagasaki àenviron cent
quarante mille dans le premier cas et soixante-quatorze mille dans le
second. Quatre-vingt-dix à cent pour cent des personnes exposéesaux
rayonnements thermiques sont mortes en moins d'une semaine. Indépen-
damment des personnes mortes des suites directes de l'explosion, d'autres
sont décédéepsar l'effetcombiné deplusieurs facteurs :écrasées ou enter-
réessous des bâtiments, blesséespar des éclatsde verre, exposées à des

rayonnements ou encore en raison de la pénurie alimentaire ou du man-
que de médecinsou de médicaments. Plus de trois cent vingt mille per-
sonnes parmi les survivants irradiés continuent à souffrir de tumeurs
malignes dues au rayonnement, et notamment de leucémie,de cancer de
la thyroïde, de cancer du sein, de cancer du poumon, de cancer gastrique,
de cataracte et de diverses autres séquelles. From another source that had experienced the effects of the use of
nuclear weapons, the Court learned that the explosion that took place on
the island had caused what looked like a snowfall for the first time in its
people's history. Such "snow", it was later discovered, was in fact radio-
active fallout from the nuclear explosion. As a result of the contamina-
tion to which their bodies were ex~osed. the islanders ex~eriencedblisters
and other sores over the weeks that followed. Their serious interna1 and
external exposure to radioactivity caused them long-term health prob-
lems that have affected four generations of the island's inhabitants. Such
effects are said to be indistinguishable from poison, a "substance which
when introduced into the body can kill or cause injury to health". Ura-

nium, a central component of nuclear weapons, is regarded as one of the
most toxic substances. Accordingly, when used, nuclear weapons would
expose human beings to effects indistinguishable from those of poison.
Such use would be in breach of the obligations prohibiting the use of
poison or poisonous weapons. The effects could also be both long-
term, intergenerational and affect a wide area as well.

Yet, the detonations which took place in Hiroshima and Nagasaki, as
well as the nuclear explosions in the Marshall Islands, have been consid-
ered relatively minor when compared to the destructive power of today's
nuclear weapons. As we have seen, a massive nuclear attack on modern
cities like Boston or London would result in the death of millions of

people. The use of such weapons would produce delayed radioactive fall-
out across potentially great distances and over extended periods of time.
The radiation effects, itis said, are not unlike effects produced by chemi-
cal and biological weapons. As opposed to conventional weapons, nuclear
weapons, even those with fairly low yields, are capable of causing harm
to non-combatants - including civilians - and neutral parties alike.
On the basis of the material before the Court. and in view of their
health and environmental consequences, it is undeniable that nuclear
weapons when used would be in breach of the obligations assumed by
~tatës under international law.
These obligations include :

(i) a limitation on the choice of methods and means of warfare;
(ii) the prohibition from using poison or poisonous weapons intended

to cause unnecessary suffering;
(iii) the prohibition from causing unnecessary and superfluous suffer-
1ng ;
(iv) the requirement that belligerent parties respect the distinction
between military objectives and non-military objects, as well as
between persons participating in the hostilities and members of the
civilian population ;
(v) the prohibition of armed attacks against the civilian population; La Cour a appris d'une autre source, qui avait connu les effets de l'uti-
lisation d'armes nucléaires,que l'explosion qui s'étaitproduite au-dessus
de l'îleavait provoquéce qui ressemblait à une ((chute de neige))pour la
première foisdans l'histoire de la population. Cette «neige», on s'en est
aperçu plus tard, était en réalitéla retombée radioactive qui faisait suite
à l'explosion nucléaire.En raison de la contamination à laquelle leurs
corps avaient été exposés l,shabitants ont eu des cloques et connu divers
autres maux au cours des semaines suivantes. Leur grave exposition
interne et externeà la radioactivité aprovoquéchez lesinsulaires des pro-
blèmesde santé à long terme qui ont affectéquatre générations.De tels
effets sont, a-t-on dit, indiscernables des effets du poison, «substance qui,

une fois introduite dans le corps, peut tuer ou compromettre la santé)).
L'uranium, qui est une composante essentielle des armes nucléaires, est
considérécomme l'un des produits les plus toxiques. Aussi l'utilisation
d'armes nucléaires expose-t-elleles êtres humains à des effets indiscer-
nables de ceux du poison. Une telle utilisation irait doncà l'encontre des
obligations interdisant l'emploi du poison ou d'armes empoisonnées.Ces
effets pourraient aussi se répercuter à long terme sur plusieurs généra-
tions et se faire sentir très loindans l'espace.
Néanmoins on considère que les explosions d'Hiroshima et de Naga-
saki et celles desIles Marshall sont relativement mineures par rapport à
la puissance destructrice actuelle des armes nucléaires.Comme on l'a vu,
une attaque nucléairemassive contre des villes modernes comme Boston
ou Londres ferait des millions de morts. L'emploi de telles armes entraî-
nerait des retombéesradioactives sur de grandes distances et pendant de

longues périodes. Les effetsdu rayonnement, a-t-on dit, ne sont pas très
différents de ceux que produisent les armes chimiques et biologiques.
Contrairement aux armes classiques, les armes nucléaires, même cellesde
faible puissance, peuvent causer des dommages à des non-combattants, y
compris des civils, età des neutres.
Sur la base de la documentation présentée à la Cour et vu les consé-
quences des armes nucléairessur la santé et l'environnement, il est indé-
niable que leur utilisation violerait les obligations assuméespar les Etats
au regard du droit international.
Ces obligations comprennent :

i) une limitation quant au choix des méthodeset moyens de guerre;
ii) l'interdiction d'utiliser lepoison ou des armesempoisonnéesconçues

pour causer des souffrances inutiles;
iii) l'interdiction de causer des souffrances inutiles et superflues;

iv) le respect par les belligérantsde la distinction entre objectifs mili-
taires et biens de caractère civil et entre personnes participant aux
hostilitéset membres de la population civile;

v) l'interdiction de diriger des attaques arméescontre la population
civile: (vi) the prohibition of wanton destruction of cities,towns or villages,or
devastation not justified by military necessity;
(vii) the requirement not to attack, or bombard, by whatever means
undefended towns, villages, dwellingsor buildings;

(viii) the requirement not to employ methods or means of warfare which
are intended or may be expected to cause widespread, long-term
and severe damage to the natural environment.

It is also clear that, because of their health and environmental effects,
the use of nuclear weapons would be in breach of the provisions of the
WHO Constitution, whose objective is the attainment by al1peoples of
the highest possible levelof health. Health, it willbe recalled, is defined as
a state of complete physical, mental and social well-being,and the WHO
is enjoined to promote and protect the health of al1peoples, by, among
other activities, directing and CO-ordinatinginternational health, assisting
Governments upon request to strengthen health services, promoting

material and child health and welfare and fostering the ability to live
harmoniously in a changing environment.

Given the health and environmental effectsof nuclear weapons, a State
that is a party to the Constitution of the WHO and which uses nuclear
weapons willbe in breach of both the letter and spirit of that Constitution
which, inter alia, calls for the CO-operationof individuals and States for
the attainment of health and peace by al1peoples as well as the objective
of the Organization itself.
The Court, in its Opinion, has stated that having found that it lacked
jurisdiction in the present case, it could not examine the arguments which
were expounded before it with regard to the propriety of giving such an
Opinion. This position notwithstanding, it is my view that if the Court
had allowed itselfto consider the abundance of material at its disposal, it
could have reached a different conclusion other than the one arrived at.
The Court was not persuaded by the argument advanced, that as reso-
lution WHA46.40 was adopted by the requisite majority, it was proper
and therefore must be presumed to have been validlyadopted to serve as

a basis of the Court'sjurisdiction. Having taken this viewthe Court, after
acknowledging that the World Health Assembly is entitled to decide on
its competence and consequently that of the WHO to submit a request to
the Court for an advisory opinion on the question under consideration,
stated however that in exercising its functions under Article 65, para-
graph 1,of its Statute, it had arrived at "different conclusions from those
reached by the World Health Assembly when it adopted resolution
WHA46.40". Regrettably, the Court did not explain nor offer reasons
why it had arrived at a different conclusion from the one reached by the
World Health Assembly. Here again, one cannot fail to discern a depar-
ture by the Court from its long-established jurisprudence in this regard. vi) l'interdiction de la destruction aveugle des villes ou des villages et
des dévastationsnon justifiéespar des nécessitésmilitaires;
vii) l'interdiction d'attaquer ou de bombarder par quelque moyen que
ce soit des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas
défendus ;
viii) l'interdiction d'utiliser desméthodeset moyens de guerre qui sont
conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu'ils causeront, des
dommages étendus, durables et graves à l'environnement.

Il est clair égalementque, en raison de leurs effets sur la santé et sur

l'environnement, l'utilisation d'armes nucléaires violeraitles dispositions
de la Constitution de l'OMS dont le but est d'amener tous les peuples au
niveau de santéle plus élevépossible. On se souviendra que la santéest
définiecomme étant «un état de complet bien-êtrephysique, mental et
social)),que l'OMS est chargéed'amélioreret de protégerla santéde tous
lespeuples età cet effet notamment d'agir en tant qu'autoritédirectrice et
coordonnatrice, dans le domaine de la santé,des travaux ayant un carac-
tèreinternational, d'aider les gouvernements, sur leur demande,à renfor-
cer leurs services de santé, de faire progresser l'action en faveur de la
santéet du bien-êtrede la mèreet de l'enfant et de favoriser leur aptitude
à vivre en harmonie avec un milieu en pleine transformation.

Etant donnéles effets des armes nucléairessur la santé et l'environne-
ment, un Etat partie à la Constitution de l'OMS qui aura recours à
l'arme nucléaire violeraà la fois la lettre et l'esprit de cette Constitution
qui, entre autres, invite les individus et les Etatsopérerpour assurer
à tous les peuples la santé et la paix et parveàice qui est le but même
de l'organisation.
La Cour a indiqué dans son avis que, ayant constaté son défaut de
compétenceen l'espèce,elle ne pouvait examiner les arguments qui lui
avaient été présentéqsuant à l'opportunité de donner un avis. Nonobs-
tant cette attitude, je pense que, si la Cour s'était autorisée étudier
l'abondante documentation dont elleétaitsaisie, elle aurait pu parvenir

une conclusion autre que celle àlaquelle elle a abouti.
La Cour n'a pas étépersuadéepar l'argument selon lequel, la résolu-
tion WHA46.40 ayant étéadoptée à la majoritérequise, cette résolution
étaitrégulièreet devait donc êtreprésumée valableen tant que fondement
de la compétence de la Cour. Cela étant, après avoir admis qu'il appar-
tenaità l'Assembléemondiale de la Santéde déciderde sa compétenceet,
par le fait même,de celle de l'OMS, pour soumettre à la Cour une
demande d'avis consultatif sur la question considérée, laCour dit que,
dans l'exercicedes fonctions qui lui ont été confiéeasux termes du para-
graphe 1de l'article 65 de son Statut, elle ((parvi... des conclusions
différentesde celles auxquelles avait abouti l'Assembléemondiale de la

Santélors de l'adoption de sa résolutionWHA46.40)). Malheureusement
la Cour n'a pas expliquépourquoi elle étaitainsi parvenue à des conclu-
sions différentesde celles auxquelles avait abouti l'Assembléemondiale
de la Santé. On ne peut ici encore s'empêcherde constater que la CourOn the question whether an international organization is entitled to
determine its own competence or jurisdiction, the Courthad this to Sayin
its Advisory Opinion in the Certain Expenses case:

"In the legal systems of States, there is often some procedure for

determining the validity of even a legislative or governmental act,
but no analogous procedure is to be found in the structure of the
United Nations. Proposals made during the drafting of the Charter
to place the ultimate authority to interpret the Charter in the Inter-
national Court of Justice were not accepted; the opinion which the
Court is in course of rendering is an advisory opinion. As anticipated
in 1945,therefore, each organmust, in thejirst place ut least, deter-
mine its ownjurisdiction." (Certain Expenses of the United Nations
(Article 17, paragraph 2, of the Charter), I.C.J. Reports 1962,
p. 168; second emphasis added.)

In that same Opinion, the Court stated that

"when the Organization takes action which warrants the assertion
that it was appropriate for the fulfilment of one of the stated pur-
poses of the United Nations, the presumption is that such action is
not ultra vires the Organization" (ibid.) .

What this shows, in my view, is that prior to the present case and in
accordance with its jurisprudence, the Court has held that international
organizations are competent to determine their competence or jurisdic-
tion. On this occasion, the Court decided to depart from this itsjurispru-
dence, but with hardly any explanation or reason - but not only did the
Court choose not to follow its jurisprudence on this occasion - in the
past, while not denying itself the right to examine the competence of the
body making the request, it rejected certain objections to its jurisdiction
based on the claims that such bodies were not competent to make the
request (Interpretation of Peace Treaties with Bulgaria, Hungary and
Romania, First Phase, Z.C.J. Reports 1950, pp. 72 et seq., and Reserva-
tions to the Convention on thePrevention and Punishment of tlzeCrime of
Genocide, I.C.J. Reports 1951, pp. 19-20).

The Court also rejected the argument that the United Nations General
Assembly, as the source from which the WHO derives its power to
request advisory opinions, had in its resolution 49175 K confirmed the
competence of the agency to request an opinion on the question sub-
mitted. The General Assembly, in resolution 49175K

"[welcomed]resolution 46140of 14May 1993of the Assembly of the
World Health Organization, in which the organization requested the
International Court of Justice to givean advisoryopinion on whether
the use of nuclear weapons by a State in war or other armed conflicts'estécartéea cet égardd'unejurisprudence établie de longue date. Surla
question de savoir siune organisation internationale est en droit de déter-
miner sa propre compétence,la Cour s'est exprimée ences termes dans
son avis consultatif surCertaines dépenses desNations Unies:

«Dans les systèmesjuridiques des Etats, on trouve souvent une
procédure pour déterminer la validitéd'un acte même législatio fu
gouvernemental, mais on ne rencontre dans la structure des Nations
Unies aucune procédure analogue. Certaines propositions présentées
pendant la rédaction dela Charte et qui visaient remettre à la Cour
internationale de Justice l'autorité suprême d'interpréterla Charte,
n'ont pas étéadoptées; l'avis que la Cour s'apprête à donner ici est
un avis corzsultatiJ:Comme il a été prévuen 1945, chaque organe
doit donc, tout au moins en premier lieu, déternzinersa propre com-
pétence.)) (Certaines dépensesdes Nations Unies (article 17, para-
graplze2, de la Charte), C.I.J. Recueil 1962, p.168; les italiques de

la fin sont de moi.)
Dans le même avisconsultatif, la Cour dit encore:

«lorsque l'organisation prend des mesures dont on peut dire àjuste
titre qu'elles sont appropriées l'accomplissement desbuts déclarés

des Nations Unies, il est présumerque cette action ne dépassepas
les pouvoirs del'Organisation» (ibid., p. 168).

Ce que cela montre, àmon sens, c'est que,jusqu'a la présente affaireet
conformément à sajurisprudence, la Cour a estiméque les organisations
internationales avaient compétence pour statuer sur leur propre compé-
tence. En l'espèce,la Cour a décidéde s'écarterde cette jurisprudence
mais sans guèredonner d'explication ou de raison, or on doit noter que si
la Cour a décidé de ne pas suivre sajurisprudence dans la présente affaire
ellea, dans le passéet sans sedénierle droit d'examiner la compétence de
l'organe requérant, rejetécertaines objectionsà sa compétenceselon les-
quelles les organes requérants n'avaient pas compétencepour présenter
des demandes d'avis (Interprétation des traitésde paix conclus avec la
Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, premièrephase, C.I.J. Recueil 1950,
p. 72 et suiv;Réserves à la conventionpour lapréventionet la répression
du crime de génocide, C.I.J. Recueil 1951, p. 19-20).
La Cour a rejeté aussil'argument selon lequel l'Assemblée générale des

Nations Unies, en tant que source d'où l'OMS tire son pouvoir de
demander des avisconsultatifs, aurait, par sa résolution49175, confirmé
la compétence de cette organisation pour solliciter un avis sur la question
posée a la Cour. Dans cette résolution, l'Assembléegénérale

«[s'est]félicit[é]e la résolution46140de l'Assembléede l'organisa-
tion mondiale de la Santé,en date du 14 mai 1993, dans laquelle
l'organisation demande à la Cour internationale de Justice de don-
ner un avis consultatif sur la question de savoir si l'utilisation would be a breach of its obligations under international law, includ-
ing the Constitution of the World Health Organization".

The Court interpreted such approval as political and did not consider
that the Assembly had intended to operate in the legal sphere and make
any kind of ruling whatsoever regarding the competence of the WHO
to request an opinion on the question raised; it also found that the
Assembly could not have intended to disregard the limits within
which Article 96, paragraph 2, of the Charter allows it to authorize the
specialized agency to request opinions from the Court.

While it is admitted that the Assembly could not have intended to dis-
regard the limits of Article 96, paragraph 2, of the Charter, the conclu-
sion reached by the Court that the Assembly, by that resolution, had not
intended to operate and make any ruling whatsoever regarding the com-

petence of the WHO to request the opinion sought turned on the par-
ticular construction which the Court had given to the question posed.
But even then, the issue does not seem so clear-cut and dry as the Court
would have it. According to Article 96, paragraph 2, of the Charter, the
WHO is empowered to request opinions "on legal questions arising
within the scope of its activities". This power is also provided for in
Article 76 of the WHO Constitution which reads as follows:

"Upon authorization by the General Assenlbly of the United
Nations or upon authorization in accordance with any agreement
between the Organization and the United Nations, the Organization
may request the International Court of Justice for an advisory
opinion on any legal question arising within the competence of the
Organization."

Admittedly, the WHO can only ask a question which is not outside its
ambit or competence, and the General Assembly can also restrict the
power of the agency by limiting itscompetence or the scope of its activi-
ties. In other words, since it is the Assembly that originally granted the
authorization to request an opinion for matters within the Organization's
competence, the Assembly would, in my view, have been in a position -
if it had considered that the agency, by adopting resolution WHA46.40,
had acted ultra vire- to bring this to the attention of the agency or to
exercise its discretionary powers and bring the irregularity to an end.

Evidently, the Assembly exercised neither of those options but it rather
welcomed resolution WHA46.40, with the implication that the agency
had not acted ultra vires.
The WHO, in resolution WHA46.40, offered various reasons why it
had requested the advisory opinion of the Courton this matter including,
inter alia, the concern felt by the world health community about the con- d'armes nucléairespar un Etat au cours d'une guerre ou d'un autre
conflit arméconstituerait une violation de ses obligations au regard
du droit international,y compris la Constitution de l'organisation
mondiale de la Santé)).

La Cour a estiméque cette approbation avait un caractère politique;
ellen'a pas considéré quel'Assembléeavait voulu seplacer sur le plan du
droit et prendre une décisionquelconque en ce qui concerne la compé-
tence de l'OMS pour demander un avis sur la question posée; elle a
estimé égalemenq tue l'Assemblée généran l'avait pu avoir l'intention de
méconnaîtreles limites dans lesquelles le paragraphe 2 de l'article 96 de
la Charte lui permet d'autoriser les institutions spécialiséesdemander

des avis àla Cour.
Si l'on admet que l'Assembléen'avait pu avoir l'intention de mécon-
naître les limites de l'article 96, paragraphede la Charte, la conclusion
à laquelle la Cour est arrivéeà savoir que l'Assembléen'a pas voulu se
placer sur le plan du droit et prendre une décisionquelconque en ce qui
concerne la compétencede l'OMS pour demander l'avis sollicité, résulte
de l'interprétation particulière donnéeà la question par la Cour. Mais
mêmedans cette optique, le problèmen'est pas aussi tranché etaussi net
que la Cour le voudrait. En vertu de l'article 96,paragraphe 2, de la
Charte, l'OMS ale droit de demander des avis consultatifs «sur des ques-
tions juridiques qui se poseraient dans le cadre de [son] activité)).Cette

possibilité est également prévup ear l'article 76 de la Constitution de
l'OMS qui est ainsi conçu:
«Sous le couvert de l'autorisation de l'Assemblée générale des

Nations Unies ou sous le couvert de l'autorisation résultantde tout
accord entre l'organisation et les Nations Unies, l'Organisation
pourra demander à la Cour internationale de Justice un avis consul-
tatif sur toute question juridique éventuelledu ressort de l'organisa-
tion.)

Certes l'OMS ne peut poser une question que si celle-cin'excèdepas son
domaine ou sa compétenceet l'Assemblée générap leut aussi restreindre
le droit de l'organisation en le limitant ce qui relèvede sa compétence
ou au cadre de son activité.En d'autres termes, puisque c'est l'Assemblée
qui a initialement conféré l'OMSl'autorisation dedemanderun avis sur
les matières relevant de sa compétence,il me semble que l'Assemblée
aurait pu, si elleavait estiméque l'organisation avait outrepassésespou-
voirs en adoptant la résolution WHA46.40,attirer l'attention de l'OMS à
cet égardou exercer ses pouvoirs discrétionnaireset mettre finà l'irrégu-

larité. Or on voit que l'Assemblée généraln e'a choisi aucune de ces
options et qu'elle s'estau contraire félicitde la résolution WHA46.40,
ce qui fait supposer que l'Organisation n'avait pas excédéses pouvoirs.
L'OMS a indiqué, dans sa résolution WHA46.40, plusieurs raisons
pour lesquelles elle avait demandé un avis consultatif à la Cour et fait
état notamment de la préoccupationdes milieux de la santépartout danstinued threat to health and the environment by the use of nuclear weapons
and the need for prevention. Also, as the agency primarily responsible
for the promotion and protection of international health, it considered
that the opinion of the Court would have acted as a guide in the per-
formance of its functions. It is conceivable that, had the Court decided to
render an opinion in accord with the manifest desire of the Organization,
such an opinion would have put States on notice that in view of the
health and environmental consequences that are bound to ensue from the
use of nuclear weapons, they would be in breach of their obligations
under international law, including the WHO Constitution were they to
have recourse to such weapons. Regrettably, this potentially preventive

effect of the Court's authoritative advice cannot now be realized in view
of the Court's decision to decline the request.

To sum up, the Court, in order to reject the request by the WHO, had
to ignore its established jurisprudence, for as the Court has repeatedly
stated, only "compelling reasons" should lead it to refuse to render an
advisory opinion requested of it. In my view, no such "compelling
reasons" have been demonstrated to warrant the dismissal of the request.
In the Interpretation of Peace Treaties case, the Court had said:

"The Court's reply is only of an advisory character: as such, it has
no binding force. It follows that no State . . can prevent the giving
of an Advisory Opinion which the United Nations considers to be
desirable in order to obtain enlightenment as to the course of action
it should take." (Interpretation of Peace Tveaties with Bulgaria,
Hungary and Rornania, Fi~ivsP thase, I.C.J. Reports 1950, p. 71 .)

It is submitted that the considerations enunciated by the Court in that
earlier case are equally applicable to the present case. The Court's deci-
sion on this matter has almost entirely turned on its interpretation of the
question submitted for itsconsideration. That interpretation, with respect,
not only distorted the intention of the question but also took too narrow
and restrictive a view of the co~npetenceand scope of the activities of the
WHO. Hitherto, the Court's purpose in interpreting or reformulating a

question in a request for an advisory opinion had been to ascertain what
were the legal questions really in issue in the question formulated, so as
to be in a position to render an effective and useful opinion and not to
provide a basis for the rejection of the request.

In my view, since the responsibility of the WHO includes the promo-
tion and protection of international public health, including the taking of
preventive measures, a question that seeks the opinion of the Court as to UTILISATION DES ARMES NUCLÉAIRES (OP.DISS.KOROMA) 221

le monde devant la menace permanente que constituent les armes nu-
cléairespour la santé et l'environnement; elle a évoquéaussi la nécessité
de la prévention.En outre, étant l'institution principalement chargée de
l'améliorationet de la protection de la santépublique sur le plan inter-
national, l'OMS a penséque l'avis de la Cour pourrait la guider dans
l'exécutionde ses tâches. On peut concevoir que, si la Cour avait décidé
de rendre un avis correspondant au désirmanifeste de l'organisation, un
tel avis aurait servi d'avertissement aux Etats, leur signifiant que, vu les

conséquencespour la santé etl'environnement découlantnécessairement
de l'emploi d'armes nucléaires,ils commettraient une violation de leurs
obligations au regard du droit international, y compris la Constitution
de l'OMS, s'ils devaient y recourir. Malheureusement, la Cour ayant
déclinéde répondre a la requête,l'effet éventuellement préventiq fu'un
avis autorisé dela Cour aurait pu avoir ne peut se concrétiser.

En résumé,pour rejeter la demande de l'OMS, la Cour a dû passer

outre à sa jurisprudence constante, car - la Cour l'a dit à maintes re-
prises - seules des ((raisons décisive>)devraient l'amener à refuser de
répondre à une demande d'avis. Selon moi, la preuve d'aucune ((raison
décisive))n'a étéapportée, qui justifierait le rejet de la requête.Dans
l'affaire de l'Interprétationdes traités depaix, la Cour a dit:

«La réponse dela Cour n'a qu'un caractère consultatif: comme
telle, elle ne saurait avoir d'effet obligatoire. Il en résultequ'aucun
Etat ..n'a qualitépour empêcherque soit donnésuite àune demande
d'avisdont lesNations Unies, pour s'éclairerdans leur action propre,
auraient reconnu l'opportunité.)) (Interprétationdes traitésdepaix
conclus avec la Bulgarie,la Hongrie et la Rounzanie,première phase,
C.I.J. Recueil 1950, p. 71).

J'estime que les considérationsénoncéespar la Cour dans cette affaire
sont également applicables à la présenteespèce.La décision prise en la
matières'expliquepresque entièrement par l'interprétation quela Cour a
donnéede la question soumise à son examen. Je me permets de dire que
cette interprétation non seulement a dénaturél'intention des auteurs de la
question mais encore a envisagéde façon trop restrictive et trop étroitela
compétenceet le domaine d'activité de l'OMS.Jusqu'ici, chaque fois que
la Cour a interprétéou reformulé une questionsoumisedans une demande
d'avis consultatif, elle a recherché quelsétaientles problèmesjuridiques

véritablementen jeu dans cette question pour êtreen mesure de donner
un avis pratique et utile et non pour trouver une justification au rejet de
la demande.
A mon avis, dèslors que la mission de l'OMSinclut l'améliorationet la
protection de la santépublique sur le plan international, notamment par
l'adoption de mesures préventives,une demande tendant à obtenir l'aviswhether in view of their health and environmental effects, a State using
nuclear weapons would be in breach of its obligations under interna-
tional law, including the WHO Constitution, relates to a matter emi-
nently within the competence and scope of activities of the Organization.
The legal question in the request is directed to the factual effects of the
use of nuclear weapons and not to the legality or illegality of such weap-
onspev se.Therefore, to find that such a question is outside the scope of
activities of the Organization strikes me, with respect, as a classic case of
overshooting a target and appears to be lacking in validity. The request
cannot be considered as incompatible with the purpose and objective of
WHO nor can it be considered as detrimental to the interests of member
States in excess of what they had accepted as a basis of their membership.
As mentioned earlier, the Court itself has said that "when the Organiza-
tion takes action .. .appropriate for the fulfilment of one of the stated
purposes of the United Nations, the presumption is that such action is
not ultra vires the Organization" (I.C.J. Reports 1962, p. 168). This
statement is equally applicable to the action taken by the WHO in form-

ulating the request. Accordingly, what appears to be a legal rebuke or
an attempt to teach the WHO a lesson for asking the question seeins to
me to be both gratuitous and unwarranted. Indeed, denying the request
for lack of jurisdiction leaves one wondering whether this is not one of
those cases in which a former Member of this Court, Judge Sir Gerald
Fitzmaurice, considered that a finding against jurisdiction might prove to
be a solution "in those cases where the necessity of giving a decision on
the merits would involve unusual difficulty or embarrassment for the tri-
bunal" ("The Law and Procedure of the International Court of Justice,
1951-1954 :Questions of Jurisdiction, Competence and Procedure", Brit-
ish YeurBook of International Law, Vol. 34, 1958,pp. 11-12,footnote 3).
The only thing is that, in this very important matter, a finding against
jurisdiction will not prove to be a solution, as States would be in breach
of their international obligations were they to use nuclear weapons. It is,
moreover, not discernible to me why if a decision on the "merits" had
been given, it would have involved any embarrassment for the Court; nor
should the Court have allowed itself to be seen to have been swayedfrom
performing its judicial functions by declining to enter into the merits of

the case. Itis undeniable that the question asked by the WHO is contro-
versial, but the Court has never declined a request for the reason that it is
controversial or might prove to be an embarrassment. Indeed, in the
Namibiu case, when it was suggested that the Court should not or could
not give the advisory opinion requested because of political pressure to
which the Court, it was suggested, had been or might be subjected, the
Court responded as follows :

"29. It would not be proper for the Court to entertain these
observations, bearing as they do on the very nature of the Court asde la Cour sur le point de savoir si, compte tenu des effets des armes
nucléaires sur la santé et l'environnement, leur utilisation par un Etat
constituerait une violation de ses obligations au regard du droit interna-
tional, y compris la Constitution de l'OMS, concerne une matière qui
relèveéminemment dela compétenceet du domaine d'activité de l'Orga-
nisation. La question juridique contenue dans la demande porte sur les
effets réelsde l'utilisation d'armes nucléaireset non pas sur la licéitéou
l'illicéité en soie ces armes. Par suite, dire qu'une telle question sort du
cadre de l'activitéde l'organisation me frappe, qu'il me soit permisde le
dire, comme un cas classique où l'on dépassela mesure et ne me paraît

donc pas acceptable. La demande d'avis nesaurait êtreconsidéréecomme
incompatible avec le but et l'objet de l'OMS ni comme préjudiciable
aux intérêtsdes Etats membres du fait qu'elle irait au-delà de ce qu'ils
ont acceptéquand ils sont devenus membres. Comme on l'a mentionné
plus haut, la Cour elle-mêmea dit: «lorsque l'organisation prend des me-
sures ...appropriées à l'accomplissement des buts déclarés desNations
Unies, il està présumer que cette action ne dépassepas les pouvoirs de
l'organisation)) (C.I.J. Recueil 1962, p. 168).Ce passage s'applique éga-
lement aux mesures prises par l'OMS lorsqu'elle a formuléla demande.
En conséquence,ce en quoi l'on peut voir une remontrance juridique ou
une leçon que l'on essaierait de donner à l'OMS en raison de la ques-
tion qu'ellea poséeme semble tout aussi gratuit qu'injustifié. Qui plus est,
le rejet de la requêtepour défaut de compétencepeut amener à se deman-

der si l'on n'est pas ici dans une de ces situations évoquéespar un ancien
membre de la Cour, sir Gerald Fitzmaurice, où une décisiond'incompé-
tence pourrait être une solution((lorsquela nécessité de se prononcer sur
le fond entraînerait pour le tribunal des difficultésinhabituelles ou le met-
trait dans l'embarras)) («The Law and Procedure of the International
Court of Justice, 1951 -1954 : Questions of Juridiction, Competence and
Procedure)), British YearBook of International Law, vol. 34, 1958,p. 11-
12,n. 3). Le seul problème est que, sur ce point trèsimportant, une déci-
sion d'incompétencen'est pas une solution puisque les Etats qui utilise-
raient des armes nucléaires violeraient leurs obligations. De plus, je ne
vois pas pourquoi, si une décisionau fond avait étérendue, cela aurait
embarrassé la Cour, et je ne vois pas non plus pourquoi, si la Cour
n'avait pas refusé de traiter de l'affaire au fond, elle serait apparue
comme se détournant de ses fonctions judiciaires. Il est indéniableque la

question soumise par l'OMS est controversée mais la Cour n'a jamais
écarté unedemande d'avis parce qu'elle était controverséeou pouvait se
révélerembarrassante. Qui plus est, dans l'affaire de la Namibie, où l'on
a fait valoir que la Cour ne devait pas ou ne pouvait pas donner l'avis
consultatif demandéen raison des pressions politiques auxquelles, selon
certains, elleaurait étéou pourrait êtresoumise, la Cour a réponduen ces
termes :

((29. Il n'y a pas lieu pour la Cour de retenir ces observations por-
tant sur la nature mêmede la Cour, organe judiciaire principal des the principal judicial organ of the United Nations, an organ which,

in that capacity, acts only on the basis of the law, independently of
al1outside influence or interventions whatsoever, in the exercise of
thejudicial function entrusted to it alone by the Charter and its Stat-
ute. A court functioning as a court of law can act in no other way."
(Legal Consequencesfor States of the Continued Presence of South
Africa in Namibia (South West Africa) notwithstanding Security
Council Resolution 276 (1970), I.C.J. Reports 1971, p. 23.)

Regarding the argument that because matters relating to nuclear
weapons are being discussed in other fora, the Court should therefore
not render an opinion, when a similar argument was advanced in the
FisheriesJurisdiction cases, the Court replied as follows:

"The Court is also aware of present endeavours, pursued under
the auspices of the United Nations, to achieve in a third Conference
on the Law of the Sea the further codification and progressive devel-
opment of this branch of the law . . . In the circumstances, the
Court, as a court of law, cannot render judgment sub specie legis
ferendae, or anticipate the law before the legislator has laid it down."
(I.C.J. Reports 1974, p. 192.)

As already mentioned, international organizations have regarded the
instrument of an advisory opinion as a means of securing an authorita-
tive legal opinion on thorny or difficult issuesfacing them. The Court has
always responded positively to requests for advisory opinions, regarding
its role as participation in the activities of the Organization while at the
same time protecting itsjudicial character. That trust would now appear
to have been broken. It is regrettable that the Court has chosen to vacate
its positive record in this sphere on an issue ofsuch vital importance, an
issue that embraces not only a legal but a moral and humanitarian
dimension as well. The Court considered these aspects in the case con-
cerning Reservations to the Conventionon thePrevention andPunishment
of the Crinzeof Genocide (I.C.J. Reports 1951, p. 23). It has been said
that "medicine is one of the pillars of peace"; it can equally be said that
"health is a pillar of peace" or as is stated in the Constitution of the

WHO "the health of al1 peoples is fundamental to the attainment of
peace and security".

On the basis of the aforesaid, 1find that the Court's Opinion is inad-
equately reasoned, has failed to address the crucial issues raised and is
inconsistent with its jurisprudence. 1, therefore, find myself unable to
concur with it. On the other hand, and on the basis of the material before
the Court, applying the law to that material, 1am of the firm conviction
that a State would be in breach of its obligations under international law,
including the WHO Constitution, were it to use nuclear weapons in war Nations Unies, qui, en cette qualité, ne se prononce que sur la base
du droit, indépendamment de toute influence ou de toute interven-
tion de la part de quiconque, dans l'exercicede la fonction juridic-
tionnelle confiée à elle seule par la Charte et par son Statut. Une
cour, remplissant une fonction de cour de justice, ne saurait agir
d'une autre manière. » (Conséquencesjuridiques pour les Etats de la
présence continue del'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest ajii-
cain) nonobstant la résolution 276(1970) du Conseil de sécurité,
C.I.J. Recueil 1971, p. 23.)

En ce qui concerne l'argument selon lequel la Cour ne devrait pas don-
ner l'avis sollicitéparce que les problèmes relatifs aux armes nucléaires
font l'objet de discussions dans d'autres enceintes, la Cour a répondu en
ces termes, dans les affaires concernant la Compétenceen matière de

pêcheries où un argument similaire étaitavancé :
«[La Cour] connaît les efforts poursuivis actuellement sous les
auspices des Nations Unies en vue de faire avancer, lors d'une troi-
sième conférencesur le droit de la mer, la codification et le dévelop-

pement progressif de cette branche du droit ...Cela étant, la cour,
en tant que tribunal, ne saurait rendre de décisionsub specie legis
ferendue, ni énoncer le droit avant que le législateur l'ait édicté.))
(C.I.J. Recueil 1974, p. 192.)

Comme on l'a déjàmentionné,les organisations internationales consi-
dèrent l'instrument qu'est l'avisconsultatif comme un moyen d'obtenir
un conseiljuridique autorisésur des problèmesépineuxou difficilesqui se
posent à elles. La Cour a toujours répondu positivement aux demandes
d'avis consultatif, considérant qu'il était de son rôle de participer aux
activitésde l'Organisation, tout en sauvegardant son caractère judiciaire.
Cette confiance est, semble-t-il, maintenant rompue. Il est regrettable que
la Cour ait décidé derenoncer à l'attitude positive qu'elle adoptait dans
ce domaine et cela sur une question d'une importance aussi vitale, qui
présentenon seulement une dimension juridique mais aussi une dimen-
sion morale et humanitaire. La Cour a examiné cesaspects dans l'affaire
des Réserves à la conventionpour lapréventionet la répressiondu crime
de génocide(C.I.J. Recueil 1951, p. 23). Si la médecineest, comme on l'a
dit,«un des piliers de la paix» on peut dire aussi que «la santéest un

pilier de la paix» car, comme le proclame la Constitution de l'OMS, «la
santéde tous les peuples est une condition fondamentale de la paix du
monde et de la sécurité)).
Compte tenu de ce qui précède,je trouve que l'avis de la Cour est
insuffisamment motivé, qu'il nerépond pas aux problèmes cruciaux qui
étaient soulevéset qu'il est en contradiction avec la jurisprudence de la
Cour. Je suis par conséquent dans l'incapacitéde m'y associer. En re-
vanche, ayant tenu compte du dossier présenté à la Cour et fait applica-
tion du droit aux élémentsqu'il contient,'ai la fermeconviction qu'un Etat
violerait ses obligations au regard du droit international, y compris laor other armed conflict in view of the health and environmental conse-

quences. To put a question of this kind to the Court is indeed within the
competence and scope of the activities of the

(Signed) Abdul G. KOROMA.Constitution de l'OMS, s'ilutilisait des armes nucléairesdans une guerre
ou un autre conflit armé,en raison des effets de ces armes sur la santé et
l'environnement. Poser une question de cette naturela Cour relèvebien
de la compétence de l'OMS et s'inscrit dans le cadre de son activité.

(SignéA )bdul G. KOROMA.

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Opinion dissidente de M. Koroma (traduction)

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