Opinion individuelle de M. Shahabuddeen (traduction)

Document Number
081-19891215-ADV-01-03-EN
Parent Document Number
081-19891215-ADV-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

OPINION INDIVIDUELLE DE M. SHAHABUDDEEN

[Traduction]

J'ai votéenfaveurdel'avisconsultatif,maisj'estimenécessaired'expli-
quermaposition surlesquatre points suivants :i)labasesurlaquelleprio-
ritéa étédonnéeàlarequête;ii)laréservedela Roumanie à laconvention
de 1946surlesprivilègesetimmunitésdesNations Unies ;iii)lathèsedela
Roumanieconcernant l'étatdesantédeM.Mazilu; iv)l'applicabilitédela
convention pour permettre à un expert de quitter son pays de nationalité

ou de résidencedans le cadre de sa mission.

Lepremier point concernel'ordonnance de la Cour en date du 14juin
1989 àlaquelle il est fait référenceau paragraphe 3 de l'avisconsultatif.
Comme le dit l'ordonnance, pour fixer les délaisde procédure ))il a été
jugé((nécessairede tenir compte du fait que la requêtepour avisconsul-

tatifa étéexpressémentprésentée ((àtitreprioritaire »(C.I.J.Recueil1989,
p. 10).Il ressort du dossier que l'introduction de ces trois derniers mots
dans l'énoncé delarequêtea étéexpressémentcontestéelod rela délibé-
ration du Conseiléconomiqueet social,au motif ((que le Conseil n'apas
à donner de directives àla Cour en matièrede priorités alorsqu'ilignore
lesautres questions dontlaCour estsaisie ... (pièceno98,p. 2,interven-
tion deM.Mikulka(Tchécoslovaquie),mai1989).Jenecroispas quecette
contestation était bien fondée,mais ellesoulèvetout de mêmeune ques-
tion suffisamment importantepour m'obliger àdireque, àmon avis,tout

en accordant tout le poids qui convient à ce que demande un organe re-
quérant,c'esttoujours à la Cour qu'ilappartient de décider,en vertu du
pouvoir discrétionnairequi est le sien, si les circonstances d'une affaire
particulière justifient qu'elle soit examinée en priorité. Cette questiona
faitl'objetd'intéressantes observationsendoctrine,maisje voudraism'en
tenir icicertains principes généraux.
Comme le suggèrel'affaire relativeau Procèsdeprisonniersde guerre
pakistanais,mesuresconservatoires(C.I.J.Recueil 1973,p. 330,par. 10-14),
la possibilitépour une nouvelle affaire d'être examinée en prioritépar
rapport à d'autres affaires pendantes présupposel'urgence, etla Cour

demeure compétentepour se prononcer sur l'urgence même lorsqu'une
affaire entre formellement dans une catégorieprioritaire viséepar le
Règlementde la Cour. Cela tient, me semble-t-il,au caractèrejudiciaire
souverain de la Cour tel qu'il a été établpiar la Charte et par le Statut,deuxtextesauxquels le Règlementde la Cour doit à l'évidenceseconfor-
mer, tant dans ses dispositions que dans son interprétation etsa mise en
Œuvre.
A la lecture, lestravaux préparatoires relatifsàla créationde la Cour
permanente de Justice internationale montrent que,àla différencede la
Cour permanente d'arbitrage installéesouslemême toit,lapremièreétait
destinéeà êtreunecour dejustice ausensou on l'entend normalement.Ce
concept fondamental, quoique dérivédu droit interne, était considéré
commeayant unevaleurgénérale etdominante, etd'ailleurs saprimautéa
été affirméeà maintes reprises aussibien par l'ancienne Cour que par la
Cour actuelle. La principale caractéristique d'une courde justice est

qu'elleestinvestied'un pouvoirjudiciaire. D'ordinaire, il sepeut qu'une
instance externe, dotée d'un pouvoirlégislatifappropriés'étendant àla
compétenced'untribunal ou, à défaut,commec'estlecasenl'espèce,que
le mécanisme pouvant modifier son statut ait autorité pour modifier
l'étenduedu pouvoir judiciaire attribuéà l'origineà ce tribunal; mais,
quoiqu'ilensoit,ilestimpossibleautribunal lui-mêmed'aliéneu rne part
quelconque du pouvoir qui lui est dévolu.Même si l'onobserve la pru-
dencerequiselorsqu'on transpose desnotions de droit interne au plan du
droit international, il semblepeu convaincant d'invoquer le caractèrein-
ternational d'une courdejustice pour laisserentendre que, surune ques-
tion aussifondamentale, cette cour échappeaux contraintes qui s'impo-
sent àla généralitédestribunaux.
La décisiond'examinerune affaire enprioritéa des conséquencestant
pour l'examende cettenouvelleaffaire quepour celuides autres affaires

pendantes, et par conséquentpour la bonne administration de lajustice.
Unetelledécisionparticipedel'exercicedupouvoirjudiciaire delaCour.
Par conséquent,la compétencede la Cour pour réglersa propre procé-
dure nepeut allerjusqu'à luipermettredetransféreràunepartie ou à une
entitéplacéedansune position analogue une part quelconque du pouvoir
qu'ala Cour de déciderdes questionsde priorité(ledroit pour lesparties
deprésenterleursvuesétantuneautrequestion).Ilenestainsimême dans
une affaire consultative, vu le caractère essentiellementjudiciaire de la
Cour. Certes, en pareil cas,a réponse constitueune participation de la
Cour, elle-même«organe des Nations Unies», àl'action de l'Organisa-
tion»(InterprétationdestraitésdepaLxconclusaveclaBulgarie,laHongrie
etlaRoumanie,C.Z.J.Recueil1950,p. 71);maisbien entendu c'est entant
que cour de justice que la Cour y participe. Assurément laCour a une

autonomiedans l'exercicede sa compétenceréglementairem ; ais sigrande
que soit cette autonomie, sa compétencen'est pas illimitée. Elletrouve
une limite claire et précisedans cette considération que, si largement
qu'on l'interprète, la compétence réglementaidree la Cour est destinée
à être utiliséeour réglementerl'exercicede son pouvoir judiciaire, et
non pour s'endéfaire.Les dispositionsdu Règlementde la Cour ont été
élaboréeset doivent être interprétées sucrette base. La Cour demeure
donc libre de déterminer,dans chaque cas, s'il y a lieu d'accorder une
priorité. II. LARÉSERVE ROUMAINE À LACONVENTIONGÉNÉRALE

Lesparagraphes29 à 36del'avisconsultatiftraitentdelathèsedelaRou-
manieselonlaquelleledéfautdeconsentementdesapart interditlerecours
àla compétenceconsultativedelaCour autitrede l'article96delaCharte.
Commela Cour semblele laisserentendre dans son avis,la Roumanie ne
peut logiquementsoutenircettepositionquesi ellesoutientaussiquela ré-
servequ'elleafaiteàlasection30delaconventiongénéralees atpplicablà
laCharte defaçon à imposerl'exigencedu consentementcommecondition
préalable au recoursà cettejuridiction. J'approuve la Cour de ne pas ac-

cepter cettethèsemaisje voudraisdonner mesraisons.
IndépendammentdelaquestiondesavoirsilaChartepeut êtrel'objed te
réservesetmisesà part lesdifficultésqueprésentel'hypothèse'uneréserve
àun traité(enl'espèceàla Charte) faitepar un Etat aprèsqu'il estdevenu
partieà ce traité,il me semble que l'idée selon laquelleune réserveà un
traitéjouerait aussi comme réserveà un autre traitéest foncièrementer-
ronée.Dans l'affaire desEssais nucléaires(Australiec.France) (C.I.J.Re-
cueil1974,p. 253),une thèse était présentéela Cour selon laquelle cer-
taines réservescontenues dans la déclarationde la France acceptant la
juridiction obligatoire de laCour conformémentauparagraphe 2de l'ar-
ticle 36du Statut s'appliquaient aussisesobligationsenvertu de l'Acte

générap lour le règlementpacifique desdifférendsinternationaux(1928).
Seréférant à cettethèseet au paragraphe 1 d)de l'article2 de la conven-
tion de Viennesur le droit destraités969),la minorité,MM. Onyeama,
Dillard,Jiménezde AréchagaetsirHumphrey Waldock, avaitdéclaré ce
qui suit dans une opinion commune :

«en principe, une réservene concerne que l'expression, qui a été
donnéepar unEtat, de son consentement às'obligerpar un traité ou
par un instrument déterminé etles obligations qu'il a assuméesen
exprimant ainsi son consentement.Parconséquent,l'idéequ'uneré-
servejointeà un accord international puisse, par un processus qui
n'est pas précisé, surimposer àun autre acte international ou se
rattacheràcelui-ciestétrangèreàla notion mêmederéserveen droit
internationalellefaiten outrebon marchédesrèglesrégissantlano-
tification, l'acceptation et le rejetdes réserves.»(Ibid.,p. 350.)

Lajustesse de cettedéclarationdeprincipe ne prête guèreàcontestation.

L'effetde la réserveroumaine porte seulement sur la section 30 de la
convention, alors que le droit de demander un avis consultatif est régi
exclusivementpar l'article96dela Charte. Lasection30dela convention
ne donne et ne peut donner à personne le droit de demander un avis
consultatif; elle ne peut que s'appliquàrun tel droit, déjà confépar
l'article96dela Charteouen vertu de cettedisposition. Leseuleffetdela

section30delaconvention estd'obligerl'organe investide cepouvoir par
l'article96dela Charte ou envertu de cettedispositioàl'exercerdans le
cas de certains différends et d'imposer aux parties de tels différendsd'accepter comme «décisif» l'avisconsultatif qui en résultera.C'estsur
ces deux éléments supplémentaireq sue s'exercela réserveet non sur la
compétenceattribuéeàla Cour par l'article96de la Charte. Mêmesi,du
fait de la réserve, cesdeux élémentsdisparaissentdans le cas de la Rou-
manie,la Cour n'en estpas moinscompétenteenvertu del'article 96dela
Charte, qui n'estpas touchépar la réserve.Cette hypothèse impliquerait
d'ailleurs une adhésion totaleau point de vue de la Roumanie quant à

l'étendue deseffetsdelaréservesurlasection30delaconvention - point
devuequipeut êtrecontestémaid sontj'estime,commelaCour, qu'iln'est
pas nécessairede l'examiner(voir leparagraphe 34de l'avis consultatif).
En résuméd ,onc,tout en souscrivantàce qui est dit au paragraphe 36
de l'avisconsultatif, à savoir que «la réservefaite par la Roumanie à la
section30de la conventiongénérale estsansincidence sur la compétence
delaCourpour connaître delaprésenterequête »,je voudraisajouter que
la réserve estsans incidence sur cette compétencepour la simple raison
qu'unetelle incidence estimpossible.

111.LA THÈSE DE LA ROUMAN IENCERNANT
L'ÉTATDE SANTÉ DE M. MAZILU

En ce qui concerne la question de l'étatde santé deM. Mazilu, j'ap-
prouvela conclusionénoncéeau paragraphe 59del'avisconsultatifselon
laquelle«il appartenait àl'Organisation des Nations Unies de décider

dans les circonstances de l'espèces'ilconvenait de maintenir M. Mazilu
dans sa qualitéderapporteur spécial..»; mais, indépendammentdu fait
que cetteaffirmation est siévidenteen soi quej'hésiteraisàinterpréterle
dossiercommedémontrantde façon crédibleque la Roumanie avait l'in-
tention dela contester,il mesemblequel'argumentation roumainesurcet
aspect de l'affairene dépendpasnécessairementde la question de savoir
qui a le droit de maintenir M. Mazilu dans ses fonctions de rapporteur
spécialou de mettre finàsa nomination pour raisons desanté(lesnomi-
nations faites par les Etats sont une autre question). A ce que je com-
prends, ce que la Roumanie semble diredans son exposé écritprésentéà
la Cour estune idéedifférenteque l'onpourrait exprimer de la façon sui-

vante :

i) même enadmettant que M.Maziluaété etcontinued'être un expert en
mission(conclusion dela Courque je partage),lamaladie l'a misdans
l'incapacité d'assumersa tâcheà un tel point qu'ellelui a ôtétout be-

soin etdonc toutdroitquant aux privilèges etimmunitésprévus parla
convention,ceux-ciétantaccordéssurune basefonctionnelle; et

ii) la Roumanie a une compétence interneexclusiveen ce qui concerne
la santé de ses ressortissants, ce qui a pour conséquence que la
Roumanie, ayant pris sa propre décisionquant à l'étatde santéde PRIVILÈGESET IMMUNITÉS (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 216

M. Mazilu,cettedécisionestdéfinitive àtous égardsettoute tentative
de lapart de l'organisation des Nations Unies pour s'assurer en Rou-
manie de son bien-fondéou pour agir contrairement àcette décision
constituerait une ingérencedans les affaires intérieuresde cet Etat
(avis consultatif, par. 19et 26; dossier, pièce61, par. 53, et pièce
no64,par. 42; exposéécritde la Roumanie présenté àla Cour, p. 7-8;

exposé écrit des Etats-Unis présentéàla Cour, p. 10;exposé écritdu
Secrétairegénéralprésenté à laCour,par. 17,19et67).

Si telle est bien l'argumentation de la Roumanie, elle ne semble pas
exempte de difficultés.Le statut de M. Mazilu en qualitéde rapporteur
spécialest fondé sur unerelation qui continuait d'exister exclusivement
entre lui-mêmeet la Sous-Commissionde la lutte contre lesmesuresdis-
criminatoires et de la protection desminorités. Une décisionsur la ques-
tion de savoirsiunrapporteur spécialestdans un étatde santétel qu'il est
incapable de remplir ses fonctions est une décision qui doit être prise
par la Sous-Commission en tant qu'employeur. Etant juridiquement

étrangère à la relation existant entre la Sous-Commission et M. Mazilu,
la Roumanie n'avait pas de base juridique lui permettant d'intervenir
pour imposer son propre point de vue sur la question. Il n'est pas dou-
teux que, d'ordinaire, les Etats ont une compétenceinterneexclusivesur
les questions relatives la santé deleurs ressortissants, qu'ils peuvent
intervenir et interviennent effectivement sur ces questions dans les rela-
tions entre employeur et employé. Mais la jurisprudence constante de
la Cour montre bien qu'une question qui serait normalement de la com-
pétence interne d'un Etatcesse de l'être exclusivemenltorsque la situa-
tion vientà être aussirégiepar des obligationsinternationales assumées
par cet Etat (voircretsdenationalitépromulgué enTunisieetauMaroc,

C.P.J.I. sérieB no 4, p. 21-24; Acquisitionde la nationalité polonaise,
C.P.J.I.sérieno7,p. 16;Certainsemprunts norvégiensC , .I.J.Recueil1957,
p. 37-38, opinion individuelle de sir Hersch Lauterpacht; et Plateau
continentalde lamerEgée,C.I.J.Recueil 1978,p.24-25).
A mon avis, que ce soit parce qu'ils ont accepté d'accorder des privi-
lègeset immunités à leurs ressortissants pour leur permettre d'exercer
leurs fonctions lorsqu'ils sont nommés experts en missions, ou parce
qu'ilssont partiesàlaCharte et se sont engagés àfavoriser sesobjectifs,
lesEtats Membresontimplicitement etnécessairementconcédé à 170rga-
nisation des Nations Unies le droit (qui n'estpas contestéenl'espèce)de
déciderdebonne foidel'aptitudedecesressortissants,pour desmotifsde

santéou autres, àcontinuer d'exercer leursfonctions. Sila position de la
Roumanie étaitjuste, cela aurait pour conséquenceque l'organisation
desNations Uniesseraittotalement empêchéed'exercecredroitdèsl'ins-
tant où1'Etatdontun expert estressortissant aurait exprimél'avisque ce
dernier esttrop malade pour travailler.n'estpas nécessaire,àmonsens,
d'envisager quelles pourraient êtreles procédures de règlement utili-
sables s'ilsurgissait un différendsur le point de savoir si l'organisation
des Nations Unies a agide bonne foi.IV. APPLICABILI DTÉ LA CONVENTION GÉNÉRALE POUR PERMETTRE A UN
EXPERT DE QUITTER SON PAYS DE NATIONALITÉOU DE RÉSIDENCE DANS LE
CADRE DE SA MISSION

Lefaitquel'avisconsultatif dela Courprécisecertains desprivilègeset
immunitéslesplus importants accordés aux expertsen missions, et donc
à M. Mazilu en cette qualité, ne cadre peut-êtrpas entièrement avecle
point de vueprésenté par le Secrétairegénéralselon lequel«la demande
adressée àlaCour concerne ..non ..lanature des privilègesetimmunités
dont M. Mazilupourrait bénéficier en conséquencede son statut..»(avis
consultatif,par. 27). SilaCour a en faitadoptéuneconception moins res-
trictive de la portée dela demande c'est, mesemble-t-il,que ce point de
vue estacceptable, non entant que modification du champde la requête,

mais seulement comme interprétation, ce qui était bien entendu son
propos ;etlesinterprétationspossiblesavancéesdevantlaCour nerestrei-
gnentpaslalatitude dont elledisposepour déterminerlesensdelarésolu-
tion qui présentela requête(voir le principe analogue adoptédans l'af-
faire del'Usinede Chorzbw,C.P.J.Z.série Ano13,p. 15-16;l'affaire des
Zonesfranchesde laHaute-Savoie etduPaysde Gex,C.P.J.Zs .érieA no22,
p. 15,et C.P.J.Z.sérieA/B no46,p. 138;l'affaire du Sud-Ouest africain,
C.Z.JR. ecueil966,p.354,opinion dissidentede M.Jessup ;etla Demande
en revisionet en interprétatide l'arrêdtu 24février1982en l'affairedu
Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c.
Jamahiriya arabelibyenne),C.Z.J.Recueil1985,p. 223).

Pour déterminer commentil faut interpréterla question soumise àla

Cour, ilsembleraitque lemieuxsoitdelaplacer «dans la situation de fait
et de droit où il convient de l'examiner))Interprétationde l'accorddu
25mars1951entrel'OMS etI'Egypte,C.Z.JR . ecueil1980,p. 76).Cettesitua-
tion peut être reconstituée à partir des termes mêmesde la requête,
éclairéspar la documentation présentéepar le Secrétaire général en
relation avec la résolutionde la Sous-Commission à laquelle la requête
se réfère expressément(voir la position adoptée par M. Lauterpacht
en l'affaire de'Admissibilitde l'auditiondepétitionnairepar le Comité
du Sud-Ouest africain,C.Z.J.Recueil1956,p. 36). Interprétée dansce
contexte, il est assezclair que la requête visebtenir une réponse non
seulement sur la question de savoir si la section 22 de l'articlee la
convention généraleest applicable en principe au «cas de M. Dumitru
Mazilu en sa qualitéde rapporteur spécialde la Sous-Commission)),

maisaussi,dans l'affirmative,surlafaçon dont elleestapplicable dans les
circonstances particulières de cette affaire. Si l'on envisage le contexte
et la structure de la requête, les distinctionsd'ordre technique entre les
notions d7«applicabilité» et d'«application » n'ont pas pour effet d'ex-
clure ces aspects, àcondition que la réponse n'empiètesuraucune ques-
tion portant surla violation éventuelledetel ou tel privilègeou immunité.
C'estdonc àjuste titre, me semble-t-il,que l'avisconsultatifa définiles
privilèges et immunités divers dont bénéficient les experts enmis-sions,ycompris M.Mazilu. Maisun droitparticulier,celui desedéplacer,
mérite, à mon avis, un examen plus attentif. Cet aspect est liéau para-

graphe 55de l'avisconsultatif où il est dit que lesrapporteurs et rappor-
teurs spéciaux
((jouissen...conformément àla section 22,des privilèges et immu-
nitésnécessairespour exercerleurs fonctions, et en particulier pour

établirtous contactsutileà la préparation,àla rédactionetàla pré-
sentation de leur rappor..»
Ce passage me semble signifier, entre autres choses, que les experts en
missions, qu'ilssoientounon affectés àun endroit déterminéo ,nt ledroit

d'invoquer les privilèges et immunités qui leur sont conféréspar la
convention pour quitter leur pays de nationalité oude résidencedans le
cadre de l'exercicede leur mission.Je partage cette opinion maisje vou-
drais expliquerpourquoi, avecun degréde précisionproportionné à l'in-
térêt particulier, sinon primordial, que présente manifestement cette
question pour l'organe requérant,comme on peut le déduire dunombre
de référencesqui sont faitesàtel ou tel de sesaspects,dans l'avisconsul-
tatif lui-même(voirlesparagraphes 11,13, 14, 16,17,18,21,22,24,26,49
et 52).
Par souci de commodité,j'exposeraimesraisons en me référana tu do-
cumentroumain par lequellaquestion aétéprésentée.TraitaM nt.Mazilu
comme un expert présentdans son propre pays mais affectéà des fonc-
tions ailleurs (hypothèseque j'admettrai aux fins de l'analyse),la Rou-
manie a alléguéque :

«la section 22de la conventionprévoitque ((lesexperts ..lorsqu'ils
accomplissentdes missions pour l'organisation des Nations Unies,
jouissent, pendant la duréede cette mission, y compris le temps du
voyage, des privilègeset immunités nécessairespour exercer leurs
fonctions en toute indépendance)). Ces dispositions font ressortir
clairementqu'unexpert nejouit pas deprivilègesetimmunitésn'im-
porte où et n'importe quand, maisuniquement dans lepays où il est
envoyéen mission, et seulement pendant la duréede celle-ci, de
même quedans lespays detransit,lorsdes voyagesrequispar lamis-

sion.De mêmel,esprivilèges etimmunitésne peuvent courirque du
moment du départde l'expert envoyagepour accomplirla mission.
Pour autantque levoyagedel'expertauxfins d'accomplir lamission
pour l'organisation des Nations Unies n'ait pas commencé,et cela
pour desraisonsqui n'ontaucun lienavecsonactivitéd'expert,iln'y
a nul fondementjuridique pour prétendre [àdesprivilègesetimmu-
nitésconformément à laconvention,sanségardaufaitqu'il setrouve
dans son pays de résidenceou dans un autre pays, dans une qualité
autre que celled'expert.
Dans lepays dont ilpossèdela citoyenneté,dans lepays où il a sa
résidencepermanente,oudans d'autres paysoù ilpourrait setrouver
en dehors de la mission respective,l'expert nejouit de privilègeset PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS(OP. IND. SHAHABUDDEEN) 219

immunitésqu'encequi concerne lecontenu de l'activitédéployée au
cours de sa mission (ycompris sesparoles et écrits).(Exposé écrit
de la Roumanie à la Cour, p. 6.Voiraussi avis consultatif, par. 24.)

J'admets commeexactel'assertionde la Roumanie selonlaquelle «un
expert nejouit pas de privilèges et immunitésn'importeoù et n'importe
quand »,le caractèrefonctionnelde ceux-ciexcluant manifestement une

application aussilargeet aussigénérale. Là oùje comprends moinsbien,
c'estlorsqu'il sembledécoulerdelaposition dela Roumaniequ'un expert
présentsur leterritoire d'un Etat Membreet qui, pour des raisonstotale-
ment étrangères à son activitéd'expert, n'apas effectivementcommencé
le voyage qu'il esttenu de faireà l'étrangerpour accomplir sa mission,
maisqui souhaite entreprendre cevoyage,ne pourrait, en droit, invoquer
lesditsprivilègeset immunitéspour commencerledit voyage.Cette thèse
sejustifierait, selon la Roumanie, parce quetant que l'expert n'a pas en-
trepris son voyageiln'a droit àaucun privilège etimmunité,hormisl'ex-
ception limitéeet sans application en l'espècequi est mentionnéedans
l'exposé. Ainsi,à cette exception mineure près,tant qu'il n'apas com-
mencésonvoyage,l'expert n'aaucun privilègeetimmunité,etpar consé-
quent ilne peut exercerledroit d'entreprendre sonvoyage.Enfermédans

ce système,l'expert risquefort d'êtredans l'incapacité d'exécuter la is-
sion que les privilèges etimmunités avaientpour objet de lui permettre
d'accomplir. Unrésultat aussisurprenant pourrait bien êtreen contradic-
tion avecla position prise par la Coursur'aobligation[d'unepartie à un
traité]de ne pas priver [celui-ci]de son but et de son objet» (Activités
militaires etparamilitaires au Nicaragua et contre celui-ci,C.I.J. Recueil
1986, p. 140,par. 280; cf. ibid.,p. 249, par. 79, opinion dissidente de
M. Oda). Quoi qu'il en soit,je voudrais aborder la question de la façon
suivante.
En accordant des privilèges etimmunitésaux experts «pendant la
duréede [leur]mission,y compris le temps du voyage »,la section 22 de
l'articleVI de la conventionconsidèremanifestementl'accomplissement
d'un tel voyagecomme un moyen essentield'exécutionde la mission de
l'expert, ce qui est certainement le cas. est tout aussi manifeste qu'un

expert peut avoir besoin de commencer un tel voyage à partir de 1'Etat
Membre,quel qu'ilsoit,dans lequelilsetrouve,même s'ils'ytrouveàdes
fins qui n'ont rieà voiravecsa mission.Il s'ensuitque ledroit quilui est
conférépar cette disposition de jouir ((pendant la durée decette mis-
sion ..desprivilègeset immunités nécessaire psour exercer[ses]fonctions
en toute indépendance))devrait couvrir le droit pour lui de commencer
un tel voyage entrepris dans le cadre de l'exercice desdites fonctions.
Laréférenceexpresseaux privilèges etimmunités ..» apendant ladurée
de cette mission, y compris le temps du voyage))ne saurait signifier que
les privilègeset immunitésne pourraient être invoqués que lorsqu'un tel
voyage esteffectivementen cours,maisne pourraient pas l'être pour per-
mettre àl'expert d'exercer son droitde commencer levoyage. PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 220

Envertu delasection26del'articleVI1delaconventiongénérale (visée
au paragraphe 43de l'avis consultatif),un expert a ledroit d'obtenir d'un
paysdans lequelilentend serendre ou qu'ilentendtraverser dans lecadre
de sa mission desfacilitésde voyage(ycompris la délivrancedetout visa
nécessaire).Exerçant cedroit,l'expert risquedonc dedemander à cetEtat
desvisasetautresfacilitésetdelesobtenir,pour découvrirensuitequ'il est
dans l'impossibilitédelesutiliser s'ilnepeutjouir desprivilègesetimmu-

nitésconféré psar lasection22del'articleVIdelaconventionpour quitter
un Etat Membre dans lequel il se trouve pour une raison qui n'a pas de
rapport avecsa mission.
Certes, lesdispositions créant desprivilèges etimmunitéssont d'inter-
prétation stricte(voir Alain Plantey,roit etpratique de lafonctionpu-
bliqueinternationale,Paris, 1977,p. 409, par. 1298);mais des résultats
aussi surprenants que ceuxquiviennent d'être évoqués donnent àpenser
qu'ilfaut interpréterlesprivilèges etimmunitésconférés un expert par la
section 22 de l'article VI de la convention générale comme s'étendant,
sous réservedes limitations stipulées dans cet article,à la protection
contre tous actespropresà faire échecàleur application ouà lesvider de

contenu réel et,partant, empêchereffectivementl'expertde commencer
sa mission ou de la reprendre. On dit qu'ily a périlciter des maximes,
mais celle-cisembleappropriée :Quandolexaliquidalicuiconceditconce-
dere videturet idsine quores@saessenonpotest - ((lorsquela loi donne
quelque chose à quelqu'un, ellelui donne aussi cesans quoi la choseelle-
même nepeut être ».
Expliquant la rareté des référence s des sentencesarbitrales dans les
arrêtsde la Cour, M. Charles De Visschera écrit:

la rareté des références lajurisprudence arbitrale s'explique par
un souci deprudence; la Cour est attentiveàne pas introduire dans
ses décisions des éléments dont le caractère hétérogène pourrait
échapper à savigilance»(CharlesDe Visscher,Théories etréalitéesn
droitintemationalpublic,3eéd.,1960,p. 470).

L'intéressante explicationdonnée par M. Jessup était la suivante: (La
Cour, entant que telle,hésitenaturellementà citerdespersonnes privées
ou des tribunaux nationaux de peur de paraître avoir des préjugésou
des préférences»(PhilipC.Jessup,lettredatéedu 16août 1979,Annuaire
de l'Institutde droit international,1985,vol. 61,1,p. 253). Ces formules
de prudence valent certainement aussi pour d'autres décisions. Mais,
indépendamment du fait qu'individuellement les juges sont un peu
plus libres,je suis persuadéque la pratique judiciairel'égardde telles

citations, quelle que soit sa sagesse, n'est pas d'une telle rigueur qu'il
soit en fait interdià la Cour de bénéficierde l'expérience d'autrui,
en particulier lorsqu'elle nepeut pas trouver dans sa propre jurispru-
dence desorientations précises,commecelasembleêtrelecasenl'occur-
rence.
Sans prétendrequ'il soit intégralement transposable,je mentionnerai
donc le principe généraladoptépar la majorité des membresde la Coureuropéenne des droitsde l'homme dans l'affaire Golder(arrêtdu 21 fé-
vrier 1975,sérieA, vol. 18)dans laquelle cette cour devait interpréter le
paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne des droits de
l'homme,ainsilibellé :
«Toute personne adroit à ceque sacausesoitentendue équitable-
ment, publiquement et dans un délai raisonnable,par un tribunal

indépendant et impartial, établipar la loi, qui décidera, soit des
contestations sur ses droits et obligations de caractèrecivil,soit du
bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre
ell..»
Reconnaissant que cette disposition ne conféraitpas littéralementun
droit d'accèsaux tribunaux, la Cour européenne desdroitsde l'homme à
néanmoins affirmél'existenced'untel droit en cestermes:

«Siledroit àl'équitél,apublicitéetlacéléritéelaprocédurejudi-
ciairenepeut, àcoup sûr,s'appliquer qu'àune procédureengagée,il
ne s'ensuitpourtant pas forcémentqu'ilexclutun droitàl'ouverture
mêmede celle-ci ..»(Zbid.,p. 15,par. 32.)

En effet,s'ilétaitvraiqueleparagraphe 1de l'article6dela convention
européenne excluaitun droit préalable d'entamerune procédure judi-
ciaire,ils'ensuivraitqueledroitreconnu par cettedispositioàl'équité,la
publicité etla céléride la procédure judiciaire pourrait être grande
partiedénuédesubstance.De mêmed ,ans laprésenteaffaire,s'ilétaitvrai
quelasection22del'article VIdelaconventiongénéraleexcluaip t ourun
expert ledroit préalablede quitter un Etat Membre pour entreprendre un
voyagedans lecadre de l'exécutionde samission alors qu'ilsetrouve sur
leterritoire de cet Etat àdesfins qui n'ont pasderelation avec la mission,
il s'ensuivrait queledroit qui lui estconfpar cettedisposition dejouir
de privilèges etimmunités«pendant la duréede cettemission,ycompris
le temps du voyage »(sansparler d'autres privilèges et immunités)pour-
raitserévélerillusoire;enoutre,lamissionelle-mêmerisqueraitdenepas

être accomplie.
Silasituationdansl'affaire Golderdiffèrà plusieurségardsdecellequi
intéresseprésentement laCour, il me semblequ'au plan des principes le
raisonnement tenu dans cetteaffaireétaiela conclusion que la section22
de l'articleI de la convention généraleest applicable pour permettre
à un expert de quitter le territoire d'un Etat Membre quel qu'il soit afin
d'exécutersa mission, même slia raison de sa présencedans cet Etat n'a
rienà voir avecla mission.

(Signé)Mohamed SHAHABUDDEEN.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE SHAHABUDDEEN

1havevotedinfavour ofthe AdvisoryOpinionbut consideritnecessary
to explain my position on four aspects. These relate to: (i) the priority
basis of the request; (ii) Romania'sesewation to the Convention on the
Privilegesand Immunities of the United Nations, 1946;(iii) Romania's
caserelating to Mr. Mazilu'sstate of health; and (iv)the applicability of
the Convention to enable an experttoleavehis Stateofnationality orresi-
dence in connection with his mission.

1. THEPRIORITB YASIS OF THE REQUEST

Thefirstaspectconcerns the Order ofCourt of 14June 1989,asreferred
to inparagraph3 ofthe AdvisoryOpinion. Asappears fromthe Order, "in
fixingtime-limitsfor the proceedings" it was found "necessaryto bear in
mind thatthe request for opinion was expressedto be made 'onapriority
basis"'(I.C.J.Reports1989,p. 10).Thedossiershowsthatthe introduction

of those last four quoted words in the formulation of the request wasthe
subject of specific challenge in the proceedings of ECOSOC on the
ground "that the Council wasnot empoweredto givethe Court guidelines
with regard to priorities when it did not know what other questions the
Court had before it ..."(Dossier, doc. No. 98, p. 2, per Mr. Mikulka,
Czechoslovakia, May 1989). 1do not think that the challenge was well
founded, but itdoesraisea point ofsufficientimportance to require meto
say that, in my opinion, its alwaysfor the Court, while givingdue and
proper weightto anyrepresentations by arequestingbody,to decidein its
own discretionwhether the circumstancesofany particular casejustify a
priority hearing.Thequestionhasbeenhelpfullynoticed bythe commen-
tators, but 1would liketo state anapproach limitedto the levelof certain
generalprinciples.

As is suggested by the case of the Trialof PakistaniPrisoners ofWar,
InterimProtection (I.C.J.Reports1973,p. 330,paras. 10-14),the eligibility

of a new case to be heard in priority to other pending casespresupposes
urgency,and the Court remainscompetenttoadjudicate on urgency even
where a caseformallyfallswithin a categoryofpriority prescribed bythe
Rules of Court. This, 1apprehend, is because of the overridingjudicial
character ofthe Court as established bytheCharter and the Statute,with OPINION INDIVIDUELLE DE M. SHAHABUDDEEN

[Traduction]

J'ai votéenfaveurdel'avisconsultatif,maisj'estimenécessaired'expli-
quermaposition surlesquatre points suivants :i)labasesurlaquelleprio-
ritéa étédonnéeàlarequête;ii)laréservedela Roumanie à laconvention
de 1946surlesprivilègesetimmunitésdesNations Unies ;iii)lathèsedela
Roumanieconcernant l'étatdesantédeM.Mazilu; iv)l'applicabilitédela
convention pour permettre à un expert de quitter son pays de nationalité

ou de résidencedans le cadre de sa mission.

Lepremier point concernel'ordonnance de la Cour en date du 14juin
1989 àlaquelle il est fait référenceau paragraphe 3 de l'avisconsultatif.
Comme le dit l'ordonnance, pour fixer les délaisde procédure ))il a été
jugé((nécessairede tenir compte du fait que la requêtepour avisconsul-

tatifa étéexpressémentprésentée ((àtitreprioritaire »(C.I.J.Recueil1989,
p. 10).Il ressort du dossier que l'introduction de ces trois derniers mots
dans l'énoncé delarequêtea étéexpressémentcontestéelod rela délibé-
ration du Conseiléconomiqueet social,au motif ((que le Conseil n'apas
à donner de directives àla Cour en matièrede priorités alorsqu'ilignore
lesautres questions dontlaCour estsaisie ... (pièceno98,p. 2,interven-
tion deM.Mikulka(Tchécoslovaquie),mai1989).Jenecroispas quecette
contestation était bien fondée,mais ellesoulèvetout de mêmeune ques-
tion suffisamment importantepour m'obliger àdireque, àmon avis,tout

en accordant tout le poids qui convient à ce que demande un organe re-
quérant,c'esttoujours à la Cour qu'ilappartient de décider,en vertu du
pouvoir discrétionnairequi est le sien, si les circonstances d'une affaire
particulière justifient qu'elle soit examinée en priorité. Cette questiona
faitl'objetd'intéressantes observationsendoctrine,maisje voudraism'en
tenir icicertains principes généraux.
Comme le suggèrel'affaire relativeau Procèsdeprisonniersde guerre
pakistanais,mesuresconservatoires(C.I.J.Recueil 1973,p. 330,par. 10-14),
la possibilitépour une nouvelle affaire d'être examinée en prioritépar
rapport à d'autres affaires pendantes présupposel'urgence, etla Cour

demeure compétentepour se prononcer sur l'urgence même lorsqu'une
affaire entre formellement dans une catégorieprioritaire viséepar le
Règlementde la Cour. Cela tient, me semble-t-il,au caractèrejudiciaire
souverain de la Cour tel qu'il a été établpiar la Charte et par le Statut,213 PRIVILEGES AND IMMUNITIES (SEP .P.SHAHABUDDEEN)

both of which the Rules of Court must of course conformin their provi-
sions,aswellasin their interpretation and operation.

As 1read the travauxpréparatoiresrelatingto the establishment of the

Permanent Court of International Justice,they show that, in contradis-
tinctionto the Permanent Court of Arbitration accommodated under the
same roof, the former was intended to be a court of justice as normally
understood. That key concept, though derived from municipal law, was
intended to be generally controlling and, indeed, its primacy has been
repeatedlyaffirmed both by that Court and by this. The chief character-
istic of a court ofjustice is that it is invested withjudicial power. In the
normal case, some external agency possessed of appropriate legislative
competence over the jurisdiction of a court, or, failing that (as in this
case),the machinery competent to amend the constitution of the court,
may well have authority to modify the extent of the court's original
endowment ofjudicial power; but, howeverthat may be, the court itself
is powerless to alienate any part of its grant. Even when account is

taken of the usual caution relating to the transposition of municipal
law concepts to the plane of international law, it seems unpersuasive to
appeal to the international status of an international court of justice to
suggestthat on so fundamentala matter such a court is exempt from the
restraintsapplicable to courts ofjustice as generallyunderstood.

A decision to hear a new case in priority to other pending cases has
consequencesboth for the hearing of the new case and for that of the
others, and hence forthe good administration ofjustice. Such a decision
pertains to, and forms part of, the Court's judicial power. Accordingly,
the Court's mle-makingcompetence would not embracethe transfer to a
party orto an entityin an analogousposition, of any part ofthe power of
the Court to determinequestionsrelating to priority (theright to submit
any viewsbeing another matter). This would be so even in an advisory

case,giventheessentialjudicial character oftheCourt.Tme,in suchcases
"the replyofthe Court, itselfan 'organofthe United Nations',represents
its participation in the activities of the Organization"Znterpretationof
Peace Treaties withBulgaria, Hungaty and Romania, Z.C.J.Reports 1950,
p. 71);but, of course, it is asa court ofjustice thatthe Court participates.
The Court no doubt has autonomy in the exercise of its mle-making
competence;but, however extensiveits autonomy,its competence is not
unbounded. Aclear and definite limitisdiscoveredbythe reflectionthat,
howevergenerouslyitmaybeconstmed,the Court's mle-making compe-
tence wasintended to beused forthe purpose ofregulatingthe exerciseof
the Court's judicial power, not for the purpose of disposing of it. The
Rules of Court aremade, and are intended to be read, on the basis of.this
understanding. The Court remains free,therefore, to determinethe need

for priority inl1cases.deuxtextesauxquels le Règlementde la Cour doit à l'évidenceseconfor-
mer, tant dans ses dispositions que dans son interprétation etsa mise en
Œuvre.
A la lecture, lestravaux préparatoires relatifsàla créationde la Cour
permanente de Justice internationale montrent que,àla différencede la
Cour permanente d'arbitrage installéesouslemême toit,lapremièreétait
destinéeà êtreunecour dejustice ausensou on l'entend normalement.Ce
concept fondamental, quoique dérivédu droit interne, était considéré
commeayant unevaleurgénérale etdominante, etd'ailleurs saprimautéa
été affirméeà maintes reprises aussibien par l'ancienne Cour que par la
Cour actuelle. La principale caractéristique d'une courde justice est

qu'elleestinvestied'un pouvoirjudiciaire. D'ordinaire, il sepeut qu'une
instance externe, dotée d'un pouvoirlégislatifappropriés'étendant àla
compétenced'untribunal ou, à défaut,commec'estlecasenl'espèce,que
le mécanisme pouvant modifier son statut ait autorité pour modifier
l'étenduedu pouvoir judiciaire attribuéà l'origineà ce tribunal; mais,
quoiqu'ilensoit,ilestimpossibleautribunal lui-mêmed'aliéneu rne part
quelconque du pouvoir qui lui est dévolu.Même si l'onobserve la pru-
dencerequiselorsqu'on transpose desnotions de droit interne au plan du
droit international, il semblepeu convaincant d'invoquer le caractèrein-
ternational d'une courdejustice pour laisserentendre que, surune ques-
tion aussifondamentale, cette cour échappeaux contraintes qui s'impo-
sent àla généralitédestribunaux.
La décisiond'examinerune affaire enprioritéa des conséquencestant
pour l'examende cettenouvelleaffaire quepour celuides autres affaires

pendantes, et par conséquentpour la bonne administration de lajustice.
Unetelledécisionparticipedel'exercicedupouvoirjudiciaire delaCour.
Par conséquent,la compétencede la Cour pour réglersa propre procé-
dure nepeut allerjusqu'à luipermettredetransféreràunepartie ou à une
entitéplacéedansune position analogue une part quelconque du pouvoir
qu'ala Cour de déciderdes questionsde priorité(ledroit pour lesparties
deprésenterleursvuesétantuneautrequestion).Ilenestainsimême dans
une affaire consultative, vu le caractère essentiellementjudiciaire de la
Cour. Certes, en pareil cas,a réponse constitueune participation de la
Cour, elle-même«organe des Nations Unies», àl'action de l'Organisa-
tion»(InterprétationdestraitésdepaLxconclusaveclaBulgarie,laHongrie
etlaRoumanie,C.Z.J.Recueil1950,p. 71);maisbien entendu c'est entant
que cour de justice que la Cour y participe. Assurément laCour a une

autonomiedans l'exercicede sa compétenceréglementairem ; ais sigrande
que soit cette autonomie, sa compétencen'est pas illimitée. Elletrouve
une limite claire et précisedans cette considération que, si largement
qu'on l'interprète, la compétence réglementaidree la Cour est destinée
à être utiliséeour réglementerl'exercicede son pouvoir judiciaire, et
non pour s'endéfaire.Les dispositionsdu Règlementde la Cour ont été
élaboréeset doivent être interprétées sucrette base. La Cour demeure
donc libre de déterminer,dans chaque cas, s'il y a lieu d'accorder une
priorité. II. THEROMANIA RNESERVATIO TONTHE GENERAC LONVENTION

Paragraphs 29to 36 ofthe AdvisoryOpinion deal with Romania's con-
tention that the absence of itsconsentbars recourse to the advisoryis-

diction of the Court under Article 96 of the Charter. As the Advisory
Opinion suggests,Romania logically can only be taking that position if it
is alsoaking the position that itsreservation to Section30ofthe General
Convention isapplicable to the Charter soasto imposea requirementfor
consentasapre-condition to recoursetothat jurisdiction.1agreewiththe
Court in not acceptingthiscontentionbut would liketo givemyreasons.

Asidefromthequestionwhetherthe Charter admitsofreservationsand
apart from the difficultypresented by the notion of a reservation being
made to atreaty (inthis case,the Charter) by a Stateafterithasbecomea
party tothetreaty,it seemsto methat theidea ofareservationto onetreaty
operatingalso as a reservationto anothertreaty isessentiallynot right. In
the NuclearTests(Australiav.France)case(I.C.J.Reports1974,p. 253)the

Court had before it a contention that certain reservationscontained in a
declaration by Franceaccepting the compulsoryjurisdiction oftheCourt
under Article36,paragraph 2, ofthe Statuteapplied also to itsobligations
under the General Act for the Pacific Settlement of International Dis-
putes, 1928.Referring to thiscontention and to Article2,paragraph 1 (d),
ofthe ViennaConvention on the Law ofTreaties, 1969,thejoint minority
opinion (Judges Onyeama, Dillard, Jiménez de Aréchaga and Sir
Humphrey Waldock) observed :

"in principle, areservationrelates exclusivelyto a State'sexpression
ofconsentto bebound by aparticular treaty orinstrument andto the
obligations assumed by that expression of consent. Consequently,
thenotionthata reservationattachedtooneinternationalagreement,
by some unspecified process, is to be superimposed upo; or trans-
ferredto anotherinternationalinstrument isaliento theveryconcept
of a reservation in international law; and also cuts across thes
governing the notification, acceptance and rejection of reserva-
tions." (Ibid.,p. 350.)

The correctness of this statement of principle is scarcely open to
challenge.
The effectofthe Romanian reservation ison Section30 ofthe Conven-
tion alone. By contrast, competence to request an advisory opinion is
regulated exclusivelyby Article 96of the Charter. Section 30 ofthe Con-
vention does not and cannot confer a competence on anyone to request
an advisory opinion; the Sectionis hinged on anysuch competence con-
ferred by or under Article 96 of the Charter. Al1that Section 30 of the
Convention does is to make it compulsory for the body vested with
appropriate cornpetenceby or under Article 96of the Charter to exercise

that cornpetence in relation to certain differences, and incumbent on the II. LARÉSERVE ROUMAINE À LACONVENTIONGÉNÉRALE

Lesparagraphes29 à 36del'avisconsultatiftraitentdelathèsedelaRou-
manieselonlaquelleledéfautdeconsentementdesapart interditlerecours
àla compétenceconsultativedelaCour autitrede l'article96delaCharte.
Commela Cour semblele laisserentendre dans son avis,la Roumanie ne
peut logiquementsoutenircettepositionquesi ellesoutientaussiquela ré-
servequ'elleafaiteàlasection30delaconventiongénéralees atpplicablà
laCharte defaçon à imposerl'exigencedu consentementcommecondition
préalable au recoursà cettejuridiction. J'approuve la Cour de ne pas ac-

cepter cettethèsemaisje voudraisdonner mesraisons.
IndépendammentdelaquestiondesavoirsilaChartepeut êtrel'objed te
réservesetmisesà part lesdifficultésqueprésentel'hypothèse'uneréserve
àun traité(enl'espèceàla Charte) faitepar un Etat aprèsqu'il estdevenu
partieà ce traité,il me semble que l'idée selon laquelleune réserveà un
traitéjouerait aussi comme réserveà un autre traitéest foncièrementer-
ronée.Dans l'affaire desEssais nucléaires(Australiec.France) (C.I.J.Re-
cueil1974,p. 253),une thèse était présentéela Cour selon laquelle cer-
taines réservescontenues dans la déclarationde la France acceptant la
juridiction obligatoire de laCour conformémentauparagraphe 2de l'ar-
ticle 36du Statut s'appliquaient aussisesobligationsenvertu de l'Acte

générap lour le règlementpacifique desdifférendsinternationaux(1928).
Seréférant à cettethèseet au paragraphe 1 d)de l'article2 de la conven-
tion de Viennesur le droit destraités969),la minorité,MM. Onyeama,
Dillard,Jiménezde AréchagaetsirHumphrey Waldock, avaitdéclaré ce
qui suit dans une opinion commune :

«en principe, une réservene concerne que l'expression, qui a été
donnéepar unEtat, de son consentement às'obligerpar un traité ou
par un instrument déterminé etles obligations qu'il a assuméesen
exprimant ainsi son consentement.Parconséquent,l'idéequ'uneré-
servejointeà un accord international puisse, par un processus qui
n'est pas précisé, surimposer àun autre acte international ou se
rattacheràcelui-ciestétrangèreàla notion mêmederéserveen droit
internationalellefaiten outrebon marchédesrèglesrégissantlano-
tification, l'acceptation et le rejetdes réserves.»(Ibid.,p. 350.)

Lajustesse de cettedéclarationdeprincipe ne prête guèreàcontestation.

L'effetde la réserveroumaine porte seulement sur la section 30 de la
convention, alors que le droit de demander un avis consultatif est régi
exclusivementpar l'article96dela Charte. Lasection30dela convention
ne donne et ne peut donner à personne le droit de demander un avis
consultatif; elle ne peut que s'appliquàrun tel droit, déjà confépar
l'article96dela Charteouen vertu de cettedisposition. Leseuleffetdela

section30delaconvention estd'obligerl'organe investide cepouvoir par
l'article96dela Charte ou envertu de cettedispositioàl'exercerdans le
cas de certains différends et d'imposer aux parties de tels différendsparties to such differences to accept the resulting advisory opinion as
"decisive". The action of the reservation is exerted on these two addi-
tional features and not on the Court'sjurisdiction under Article96 of the
Charter. If,because of the reservation, these two features fa11away in
the case of Romania, the jurisdiction under Article 96 of the Charter
remains, as before, unaffected by the reservation. And this, it should be
added, is putting at its highest Romania's view of theextent to which
the reservation affects Section30 of the Convention - a view that is
open to dispute but which 1 agree with the Court it is not necessary to
examine (seeparagraph 34ofthe AdvisoryOpinion).
In sum then, whileagreeingwithparagraph 36ofthe AdvisoryOpinion
that "the reservationmade by Romaniato Section30ofthe General Con-

vention does not affect the Court's jurisdiction to entertain the present
request",1would liketoaddthatthe reservationdoesnot affectthatjuris-
diction because it simplycannot.

III. ROMANIA 'ASE RELATIN 'oMR.MAZILU'S
STATE OF HEALTH

Onthe question of Mr.Mazilu'sstateofhealth, 1agreewiththefinding
made inparagraph 59ofthe AdvisoryOpiniontothe effect"that itwasfor
the United Nations to decide whether in the circumstancesit wished to
retain Mr. Mazilu as special rapporteur..."but, apart fromthe circum-
stancethatthat proposition issoself-evidentthat 1hesitateto interpret the
material as credibly evidencing an intention by Romania to dispute it, it
appears to methat the Romanian argumentonthisbranch ofthe casedoes
not necessarily depend on who has the right to retain Mr. Mazilu as
special rapporteur orto terminate his appointment on grounds of illness
(governmental appointments being another matter). What Romania
seemsto be saying in its written statementto the Court, asunderstand
it,is somethingdifferent which maybe expressedthis way :

(i) even assumingthat Mr. Mazilu was and continues to be an expert on
mission (as is found by the Court, with which 1 agree), illness so
wholly incapacitated him from carrying out his functions as to pre-
cludehimfrom havinganyneedfor, andthereforeanyentitlement to,
the privileges and immunitiesprovided for by the Convention, these
beingfunctionallybased;and
(ii) Romania has exclusive domestic jurisdiction over the health of its
nationals, with the consequencethat, Romania having made its own
determination of Mr. Mazilu'sstate of health, that determinationisd'accepter comme «décisif» l'avisconsultatif qui en résultera.C'estsur
ces deux éléments supplémentaireq sue s'exercela réserveet non sur la
compétenceattribuéeàla Cour par l'article96de la Charte. Mêmesi,du
fait de la réserve, cesdeux élémentsdisparaissentdans le cas de la Rou-
manie,la Cour n'en estpas moinscompétenteenvertu del'article 96dela
Charte, qui n'estpas touchépar la réserve.Cette hypothèse impliquerait
d'ailleurs une adhésion totaleau point de vue de la Roumanie quant à

l'étendue deseffetsdelaréservesurlasection30delaconvention - point
devuequipeut êtrecontestémaid sontj'estime,commelaCour, qu'iln'est
pas nécessairede l'examiner(voir leparagraphe 34de l'avis consultatif).
En résuméd ,onc,tout en souscrivantàce qui est dit au paragraphe 36
de l'avisconsultatif, à savoir que «la réservefaite par la Roumanie à la
section30de la conventiongénérale estsansincidence sur la compétence
delaCourpour connaître delaprésenterequête »,je voudraisajouter que
la réserve estsans incidence sur cette compétencepour la simple raison
qu'unetelle incidence estimpossible.

111.LA THÈSE DE LA ROUMAN IENCERNANT
L'ÉTATDE SANTÉ DE M. MAZILU

En ce qui concerne la question de l'étatde santé deM. Mazilu, j'ap-
prouvela conclusionénoncéeau paragraphe 59del'avisconsultatifselon
laquelle«il appartenait àl'Organisation des Nations Unies de décider

dans les circonstances de l'espèces'ilconvenait de maintenir M. Mazilu
dans sa qualitéderapporteur spécial..»; mais, indépendammentdu fait
que cetteaffirmation est siévidenteen soi quej'hésiteraisàinterpréterle
dossiercommedémontrantde façon crédibleque la Roumanie avait l'in-
tention dela contester,il mesemblequel'argumentation roumainesurcet
aspect de l'affairene dépendpasnécessairementde la question de savoir
qui a le droit de maintenir M. Mazilu dans ses fonctions de rapporteur
spécialou de mettre finàsa nomination pour raisons desanté(lesnomi-
nations faites par les Etats sont une autre question). A ce que je com-
prends, ce que la Roumanie semble diredans son exposé écritprésentéà
la Cour estune idéedifférenteque l'onpourrait exprimer de la façon sui-

vante :

i) même enadmettant que M.Maziluaété etcontinued'être un expert en
mission(conclusion dela Courque je partage),lamaladie l'a misdans
l'incapacité d'assumersa tâcheà un tel point qu'ellelui a ôtétout be-

soin etdonc toutdroitquant aux privilèges etimmunitésprévus parla
convention,ceux-ciétantaccordéssurune basefonctionnelle; et

ii) la Roumanie a une compétence interneexclusiveen ce qui concerne
la santé de ses ressortissants, ce qui a pour conséquence que la
Roumanie, ayant pris sa propre décisionquant à l'étatde santéde final for al1purposes, and any attempt by the United Nations to
verify it within Romania or to act contrary to it would be an inter-
ferencein Romania'sinterna1affairs(paras. 19and 26ofthe Advisory
Opinion; Dossier, doc. No. 61,para. 53, and doc. No. 64,para. 42;
Romania's written statement to the Court, pp. 7-8; United States
written statement to the Court, p. 10; and the Secretary-General's
writtenstatementtothe Court, paras. 17,19and 67).

If indeed this isthe Romanian argument, itwouldnot appearto be free
from difficulty.Mr. Mazilu'sstatus as a special rapporteur is based on a

relationship subsisting exclusivelyasbetween himself and the Sub-Com-
missionon Preventionof Discrimination and Protection of Minorities. A
decisionasto whether a specialrapporteur isin suchastate ofhealth asto
be incapable of functioning is oneto be made bythe Sub-Commissionas
the employer. As a stranger in law to the relationship between the Sub-
Commission and Mr. Mazilu, Romania had no juridical basis for inter-
veningto imposeitsownopinion onthe point. No doubt Statesordinarily
have exclusive domesticjurisdiction overquestionsconcerning the health
oftheir nationals and can and do intervene on such questions asbetween
employerand employee.Butthe settledjurisprudence oftheCourt makes
it clear that a matter which would normallybe within a State'sdomestic
jurisdiction ceasestobeexclusivelysotothe extentto whichithascometo
be alsogovernedbyanyinternational obligations undertaken bythe State
(see the NationalityDecreesIssued in Tunisand Moroccocase, P.C.I.J.,
SeriesB,No.4,pp. 21-24;the Acquisition oP f olishNationalitycase,P.C.I.J.,
Series B, No. 7,p. 16; the CertainNorwegianLoanscase, I.C.J. Reports

1957,pp. 37-38,perJudge Lauterpacht; and the Aegean Sea Continental
Shelfcase, I.C.J.Reports1978,pp. 24-25).

In my view, in agreeing to accord privileges and immunities to their
nationals for the purpose of enabling them to carry out their functions
when appointed as experts on missions, alternatively,by reason of their
being parties to the Charter and committed to promoting its objectives,
Member Statesby necessaryimplicationconceded to the United Nations
aright ingoodfaith(notquestionedinthiscase) to determinethe capacity
of such nationals, on grounds of il1health or otherwise, to continue to
carry out their functions. If the Romanian position is correct,the United
Nations would be wholly excluded from exercising that right once the
viewwasexpressedbythe Stateofnationality that an expert wastoo il1to
perform; It is not necessary, in my view, to consider what settlement
procedures mightbe available if a dispute wereto arise asto whether the

United Nations was actingin good faith. PRIVILÈGESET IMMUNITÉS (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 216

M. Mazilu,cettedécisionestdéfinitive àtous égardsettoute tentative
de lapart de l'organisation des Nations Unies pour s'assurer en Rou-
manie de son bien-fondéou pour agir contrairement àcette décision
constituerait une ingérencedans les affaires intérieuresde cet Etat
(avis consultatif, par. 19et 26; dossier, pièce61, par. 53, et pièce
no64,par. 42; exposéécritde la Roumanie présenté àla Cour, p. 7-8;

exposé écrit des Etats-Unis présentéàla Cour, p. 10;exposé écritdu
Secrétairegénéralprésenté à laCour,par. 17,19et67).

Si telle est bien l'argumentation de la Roumanie, elle ne semble pas
exempte de difficultés.Le statut de M. Mazilu en qualitéde rapporteur
spécialest fondé sur unerelation qui continuait d'exister exclusivement
entre lui-mêmeet la Sous-Commissionde la lutte contre lesmesuresdis-
criminatoires et de la protection desminorités. Une décisionsur la ques-
tion de savoirsiunrapporteur spécialestdans un étatde santétel qu'il est
incapable de remplir ses fonctions est une décision qui doit être prise
par la Sous-Commission en tant qu'employeur. Etant juridiquement

étrangère à la relation existant entre la Sous-Commission et M. Mazilu,
la Roumanie n'avait pas de base juridique lui permettant d'intervenir
pour imposer son propre point de vue sur la question. Il n'est pas dou-
teux que, d'ordinaire, les Etats ont une compétenceinterneexclusivesur
les questions relatives la santé deleurs ressortissants, qu'ils peuvent
intervenir et interviennent effectivement sur ces questions dans les rela-
tions entre employeur et employé. Mais la jurisprudence constante de
la Cour montre bien qu'une question qui serait normalement de la com-
pétence interne d'un Etatcesse de l'être exclusivemenltorsque la situa-
tion vientà être aussirégiepar des obligationsinternationales assumées
par cet Etat (voircretsdenationalitépromulgué enTunisieetauMaroc,

C.P.J.I. sérieB no 4, p. 21-24; Acquisitionde la nationalité polonaise,
C.P.J.I.sérieno7,p. 16;Certainsemprunts norvégiensC , .I.J.Recueil1957,
p. 37-38, opinion individuelle de sir Hersch Lauterpacht; et Plateau
continentalde lamerEgée,C.I.J.Recueil 1978,p.24-25).
A mon avis, que ce soit parce qu'ils ont accepté d'accorder des privi-
lègeset immunités à leurs ressortissants pour leur permettre d'exercer
leurs fonctions lorsqu'ils sont nommés experts en missions, ou parce
qu'ilssont partiesàlaCharte et se sont engagés àfavoriser sesobjectifs,
lesEtats Membresontimplicitement etnécessairementconcédé à 170rga-
nisation des Nations Unies le droit (qui n'estpas contestéenl'espèce)de
déciderdebonne foidel'aptitudedecesressortissants,pour desmotifsde

santéou autres, àcontinuer d'exercer leursfonctions. Sila position de la
Roumanie étaitjuste, cela aurait pour conséquenceque l'organisation
desNations Uniesseraittotalement empêchéed'exercecredroitdèsl'ins-
tant où1'Etatdontun expert estressortissant aurait exprimél'avisque ce
dernier esttrop malade pour travailler.n'estpas nécessaire,àmonsens,
d'envisager quelles pourraient êtreles procédures de règlement utili-
sables s'ilsurgissait un différendsur le point de savoir si l'organisation
des Nations Unies a agide bonne foi.217 PRIVILEGESAND IMMUNITIES (SEP.P.SHAHABUDDEEN)

IV. APPLICABIL IFTHE GENERAC LONVENTIO TNENABL AENEXPER TO
LEAVEHISSTAT E FNATIONALI TRYRESIDENC IECONNECTIO WNITHHIS
MISSION

Thecircumstance that the Court's AdvisoryOpinion specifiessome of
the more important privileges and immunities available to experts on
missions,and thereforeto Mr. Maziluasuchan expert, does not perhaps
mesh entirely with the view presented by the Secretary-General to the
effectthat "the Court..as not been aske...about what privilegesand
immunitiesMr. Mazilumightenjoyasa result ofhis statu..."(Advisory
Opinion,para. 27).Ifthe Court has infactacted on alesssparing concep-
tion ofthescope ofthe request,this isbecause,asitappears to me,theview
referred to is admissible not by way of modification of the scope of the
request, but only by way of interpretation, as it was of course intended;

and possibleinterpretations advancedbefore the Courtdo not restrictthe
range of choice open to it as to the meaning of thening text of the
resolutionpresenting therequest(seethe analogous approach taken inthe
FactoryutChorzbwcase,P.C.Z.J., eriesA,No.13,pp. 15-16;the FreeZones
of UpperSavoy andtheDistrict of Gexcase,P.C.Z, eriesA, No.22,p. 15,
and P.C.Z.J.,Series A/B, No. 46, p. 138; the South WestAfrica case,
Z.C.J.Reports 1966,p. 354,per Judge Jessup, dissenting; and Application
forRevisionandZnterpretatioof theJudgmentof24February1982inthe
Caseconcerningthe Continental Shelf(Tunisia/Libyan ArabJamahiriya)
(Tunisiav. Libyan Arab Jamahiriya), JudgmentZ , .C.J.Reports 1985,
p. 223).

In settlingwhatinterpretation isto beplaced onthe questionbefore the
Court, it would seem best to approach the question "in the light of
the actual framework of fact and law in which it falls for consideration"
(Zntetpretatiof theAgreementof 25 March1951betweenthe WHOand
Egypt,Z.C.J.Reports1980,p. 76).That framework may be gathered from
the terms of the request viewed against the backgroundterial sub-
mittedby the Secretary-Generalin relation to the Sub-Commission's own
resolution to which the request expressly refers (seethe approach
by Judge Lauterpacht in the South WestAfricacase, Z.C.J.Reports 1956,
p. 36). Interpreted this way, it is reasonably clear that the request is
intended to invitean answernot onlyasto whetherArticleVI,Section22,

of the General Convention is applicable in principle "in the case of
Mr. Dumitru Mazilu as Special Rapporteur of the Sub-Commission",
but also, if it is applicable, asto the way in which it is applicable in the
particular circumstances of that particular case. When the context and
structure ofthe request are considered,technicaldistinctionsbetween the
concepts of "applicability" and "application" do not have the effect of
excluding these aspects,provided that the answer does not trench on any
questionas to whetheranyparticular privilegeor immunitywasviolated.

In my view,therefore, the Advisory Opinion has correctly gone on to
identify particular privileges and immunities available to experts onIV. APPLICABILI DTÉ LA CONVENTION GÉNÉRALE POUR PERMETTRE A UN
EXPERT DE QUITTER SON PAYS DE NATIONALITÉOU DE RÉSIDENCE DANS LE
CADRE DE SA MISSION

Lefaitquel'avisconsultatif dela Courprécisecertains desprivilègeset
immunitéslesplus importants accordés aux expertsen missions, et donc
à M. Mazilu en cette qualité, ne cadre peut-êtrpas entièrement avecle
point de vueprésenté par le Secrétairegénéralselon lequel«la demande
adressée àlaCour concerne ..non ..lanature des privilègesetimmunités
dont M. Mazilupourrait bénéficier en conséquencede son statut..»(avis
consultatif,par. 27). SilaCour a en faitadoptéuneconception moins res-
trictive de la portée dela demande c'est, mesemble-t-il,que ce point de
vue estacceptable, non entant que modification du champde la requête,

mais seulement comme interprétation, ce qui était bien entendu son
propos ;etlesinterprétationspossiblesavancéesdevantlaCour nerestrei-
gnentpaslalatitude dont elledisposepour déterminerlesensdelarésolu-
tion qui présentela requête(voir le principe analogue adoptédans l'af-
faire del'Usinede Chorzbw,C.P.J.Z.série Ano13,p. 15-16;l'affaire des
Zonesfranchesde laHaute-Savoie etduPaysde Gex,C.P.J.Zs .érieA no22,
p. 15,et C.P.J.Z.sérieA/B no46,p. 138;l'affaire du Sud-Ouest africain,
C.Z.JR. ecueil966,p.354,opinion dissidentede M.Jessup ;etla Demande
en revisionet en interprétatide l'arrêdtu 24février1982en l'affairedu
Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c.
Jamahiriya arabelibyenne),C.Z.J.Recueil1985,p. 223).

Pour déterminer commentil faut interpréterla question soumise àla

Cour, ilsembleraitque lemieuxsoitdelaplacer «dans la situation de fait
et de droit où il convient de l'examiner))Interprétationde l'accorddu
25mars1951entrel'OMS etI'Egypte,C.Z.JR . ecueil1980,p. 76).Cettesitua-
tion peut être reconstituée à partir des termes mêmesde la requête,
éclairéspar la documentation présentéepar le Secrétaire général en
relation avec la résolutionde la Sous-Commission à laquelle la requête
se réfère expressément(voir la position adoptée par M. Lauterpacht
en l'affaire de'Admissibilitde l'auditiondepétitionnairepar le Comité
du Sud-Ouest africain,C.Z.J.Recueil1956,p. 36). Interprétée dansce
contexte, il est assezclair que la requête visebtenir une réponse non
seulement sur la question de savoir si la section 22 de l'articlee la
convention généraleest applicable en principe au «cas de M. Dumitru
Mazilu en sa qualitéde rapporteur spécialde la Sous-Commission)),

maisaussi,dans l'affirmative,surlafaçon dont elleestapplicable dans les
circonstances particulières de cette affaire. Si l'on envisage le contexte
et la structure de la requête, les distinctionsd'ordre technique entre les
notions d7«applicabilité» et d'«application » n'ont pas pour effet d'ex-
clure ces aspects, àcondition que la réponse n'empiètesuraucune ques-
tion portant surla violation éventuelledetel ou tel privilègeou immunité.
C'estdonc àjuste titre, me semble-t-il,que l'avisconsultatifa définiles
privilèges et immunités divers dont bénéficient les experts enmis-218 PRIVILEGES AND IMMUNITIES (SEP .P.SHAHABUDDEEN)

missions,and henceto Mr. Maziluas suchan expert. Butthere isone par-
ticular right,namely,that relatingto travel,which,1believe,merits closer
attention. This aspect is linked to paragraph 55 of the Advisory Opinion
which Statesthat rapporteurs or specialrapporteurs

"enjoy, inaccordance with Section22,the privilegesand immunities
necessaryforthe exerciseoftheir functions, and inparticularfor the
establishment of any contacts which may be useful for the prepara-
tion, the drafting and the presentation oftheir report...".

1 understand this as conveying, among other things, that experts on
missions,whether or not assigned to any particular place, are entitled to
invoke the privileges and immunities conferred by the Convention to
enable them to leavetheir State of nationalityor residence in connection
withtheperformance oftheir missions.Withthisview1agree,but 1should
liketo givemy reasons for supporting it with a degree of specificitycom-
mensuratewith the special,ifnotprimary, interestwhich it manifestlyhas
forthe requestingorgan, asmaybegatheredfrom the severalreferencesto

it,on one aspect or another, in the AdvisoryOpinion itself (seeparas. 11,
13, 14,16, 17,18,21,22,24,26,49 and 52).

My reasons may be conveniently set out in relation to the Romanian
contention by which the issue was presented. Treating Mr. Mazilu as an
expert present in his own State but assigned to function elsewhere (a
position which 1willassumeforthe sakeofanalysis),Romaniasubmitted
that -

"Section 22ofthe Convention provides that 'experts . ..performing
missions for the United Nations shall be accorded such privileges
and immunitiesas arenecessaryfortheindependent exerciseoftheir
functions'.Those provisionsmake it clearlyapparent that an expert
isnot accorded suchprivilegesand immunitiesanywhere and every-
where, but only in the country to which he is sent on mission and
during the time spent on the mission, and also in the countries to
whichhemusttransitwhentravellingto meetthe requirements ofthe
mission. In the same way,the privileges and immunities only come
into existencefrom the expert's timeofdeparture, when hetravelsto
accomplish the mission. In so far asthe expert'sjourneyto carryout
the mission for the United Nations has not begun, for reasons
entirelyunconnected with his activityas an expert, there is no legal
basis upon which to lay claim to privileges and immunities under
the Convention,regardlessofwhetherheisin hiscountryofresidence

or in another country, in a capacity otherhan that of an expert.

In the country ofwhich he isa citizen,in the countrywherehe has
his permanent residence, or in other countries where he may be for
reasons unconnected with the missionin question, the expert is onlysions,ycompris M.Mazilu. Maisun droitparticulier,celui desedéplacer,
mérite, à mon avis, un examen plus attentif. Cet aspect est liéau para-

graphe 55de l'avisconsultatif où il est dit que lesrapporteurs et rappor-
teurs spéciaux
((jouissen...conformément àla section 22,des privilèges et immu-
nitésnécessairespour exercerleurs fonctions, et en particulier pour

établirtous contactsutileà la préparation,àla rédactionetàla pré-
sentation de leur rappor..»
Ce passage me semble signifier, entre autres choses, que les experts en
missions, qu'ilssoientounon affectés àun endroit déterminéo ,nt ledroit

d'invoquer les privilèges et immunités qui leur sont conféréspar la
convention pour quitter leur pays de nationalité oude résidencedans le
cadre de l'exercicede leur mission.Je partage cette opinion maisje vou-
drais expliquerpourquoi, avecun degréde précisionproportionné à l'in-
térêt particulier, sinon primordial, que présente manifestement cette
question pour l'organe requérant,comme on peut le déduire dunombre
de référencesqui sont faitesàtel ou tel de sesaspects,dans l'avisconsul-
tatif lui-même(voirlesparagraphes 11,13, 14, 16,17,18,21,22,24,26,49
et 52).
Par souci de commodité,j'exposeraimesraisons en me référana tu do-
cumentroumain par lequellaquestion aétéprésentée.TraitaM nt.Mazilu
comme un expert présentdans son propre pays mais affectéà des fonc-
tions ailleurs (hypothèseque j'admettrai aux fins de l'analyse),la Rou-
manie a alléguéque :

«la section 22de la conventionprévoitque ((lesexperts ..lorsqu'ils
accomplissentdes missions pour l'organisation des Nations Unies,
jouissent, pendant la duréede cette mission, y compris le temps du
voyage, des privilègeset immunités nécessairespour exercer leurs
fonctions en toute indépendance)). Ces dispositions font ressortir
clairementqu'unexpert nejouit pas deprivilègesetimmunitésn'im-
porte où et n'importe quand, maisuniquement dans lepays où il est
envoyéen mission, et seulement pendant la duréede celle-ci, de
même quedans lespays detransit,lorsdes voyagesrequispar lamis-

sion.De mêmel,esprivilèges etimmunitésne peuvent courirque du
moment du départde l'expert envoyagepour accomplirla mission.
Pour autantque levoyagedel'expertauxfins d'accomplir lamission
pour l'organisation des Nations Unies n'ait pas commencé,et cela
pour desraisonsqui n'ontaucun lienavecsonactivitéd'expert,iln'y
a nul fondementjuridique pour prétendre [àdesprivilègesetimmu-
nitésconformément à laconvention,sanségardaufaitqu'il setrouve
dans son pays de résidenceou dans un autre pays, dans une qualité
autre que celled'expert.
Dans lepays dont ilpossèdela citoyenneté,dans lepays où il a sa
résidencepermanente,oudans d'autres paysoù ilpourrait setrouver
en dehors de la mission respective,l'expert nejouit de privilègeset219 PRIVILEGES AND IMMUNITIES (SEP .P.SHAHABUDDEEN)

accorded privileges and immunitiesin relation to the content of the
activityinwhich he engages during hismission(includinghisspoken
and written communications)." (Romania's written statementto the
Court,p. 6.And seeAdvisoryOpinion,para. 24.)

1 accept as accurate Romania's statement "that an expert is not
accorded suchprivilegesand immunities anywhereand everywhere" :their

functional character clearlyexcludes so wholesale and undiscriminating
an application. Where 1have difficulty is in so far as it would seem to
followfrom Romania's position that an expertpresent ina MemberState
who, for reasons entirelyunconnected with his activityas an expert, has
not in fact begun his outwardjourney to cary out a missionfalling to be
discharged elsewherebut who wishesto embark on such ajourney, can-
not, as amatter of law,invoke those privileges and immunities to enable
him to commence the journey. This is because, on Romania's argument,
solongashe hasnot begun hisjourney, he isnot entitledto anyprivileges
and immunities apart from the limited and not relevant exception men-
tioned in its statement. So,the limitedexception apart, not havingbegun
thejourney, the expert has no privilegesand immunities,and, not having
anyprivilegesand immunities,hecannot enforcearight to beginthejour-
ney. Locked in within this system,the expert may wellbe unable to per-
form the mission which the privileges and immunities were intended to
enable himto perform. Possibly,sostrange a result could collide with the
position taken by the Court as to the "duty [ofa party to a treaty]not to

deprive [it]of itsobject and purpose" (Militaryand ParamilitaryActivities
in and against Nicaragua, I.C.J. Reports 1986,p. 140,para. 280; cf. ibid.,
p. 249, para. 79, per Judge Oda, dissenting). 1 propose, however, to
approachthe matter inthe followingway.

In conferring privilegesand immunitieson experts "during. ..thetime
spent on journeys in connection with their missions", Article VI, Sec-
tion 22,ofthe Conventionobviouslyregards the makingofsuchajourney
as an essential step in the discharge of an expert's mission, as,indeed, it
plainly is. Equally obviously, an expert may need to commence such a
journey from any Member State in which he happens to be, even if he is
there forapurpose whollyunconnected withhismission.Accordingly,his
entitlement under that provisionto "suchprivilegesand immunitiesas are
necessaryfortheindependent exerciseof [his]functions during theperiod
of' his missionwould extend to enable him to embark on such ajourney

undertaken in connection with the discharge of those functions. The
express reference to "privileges and immunities ... during .. .the time
spent on journeys in connection with his mission cannot be read as
meaning that privileges and immunities are available only if and when
such a journey is in fact in progress but not also for the purpose of en-
forcing a right to commencethejourney in the first place. PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS(OP. IND. SHAHABUDDEEN) 219

immunitésqu'encequi concerne lecontenu de l'activitédéployée au
cours de sa mission (ycompris sesparoles et écrits).(Exposé écrit
de la Roumanie à la Cour, p. 6.Voiraussi avis consultatif, par. 24.)

J'admets commeexactel'assertionde la Roumanie selonlaquelle «un
expert nejouit pas de privilèges et immunitésn'importeoù et n'importe
quand »,le caractèrefonctionnelde ceux-ciexcluant manifestement une

application aussilargeet aussigénérale. Là oùje comprends moinsbien,
c'estlorsqu'il sembledécoulerdelaposition dela Roumaniequ'un expert
présentsur leterritoire d'un Etat Membreet qui, pour des raisonstotale-
ment étrangères à son activitéd'expert, n'apas effectivementcommencé
le voyage qu'il esttenu de faireà l'étrangerpour accomplir sa mission,
maisqui souhaite entreprendre cevoyage,ne pourrait, en droit, invoquer
lesditsprivilègeset immunitéspour commencerledit voyage.Cette thèse
sejustifierait, selon la Roumanie, parce quetant que l'expert n'a pas en-
trepris son voyageiln'a droit àaucun privilège etimmunité,hormisl'ex-
ception limitéeet sans application en l'espècequi est mentionnéedans
l'exposé. Ainsi,à cette exception mineure près,tant qu'il n'apas com-
mencésonvoyage,l'expert n'aaucun privilègeetimmunité,etpar consé-
quent ilne peut exercerledroit d'entreprendre sonvoyage.Enfermédans

ce système,l'expert risquefort d'êtredans l'incapacité d'exécuter la is-
sion que les privilèges etimmunités avaientpour objet de lui permettre
d'accomplir. Unrésultat aussisurprenant pourrait bien êtreen contradic-
tion avecla position prise par la Coursur'aobligation[d'unepartie à un
traité]de ne pas priver [celui-ci]de son but et de son objet» (Activités
militaires etparamilitaires au Nicaragua et contre celui-ci,C.I.J. Recueil
1986, p. 140,par. 280; cf. ibid.,p. 249, par. 79, opinion dissidente de
M. Oda). Quoi qu'il en soit,je voudrais aborder la question de la façon
suivante.
En accordant des privilèges etimmunitésaux experts «pendant la
duréede [leur]mission,y compris le temps du voyage »,la section 22 de
l'articleVI de la conventionconsidèremanifestementl'accomplissement
d'un tel voyagecomme un moyen essentield'exécutionde la mission de
l'expert, ce qui est certainement le cas. est tout aussi manifeste qu'un

expert peut avoir besoin de commencer un tel voyage à partir de 1'Etat
Membre,quel qu'ilsoit,dans lequelilsetrouve,même s'ils'ytrouveàdes
fins qui n'ont rieà voiravecsa mission.Il s'ensuitque ledroit quilui est
conférépar cette disposition de jouir ((pendant la durée decette mis-
sion ..desprivilègeset immunités nécessaire psour exercer[ses]fonctions
en toute indépendance))devrait couvrir le droit pour lui de commencer
un tel voyage entrepris dans le cadre de l'exercice desdites fonctions.
Laréférenceexpresseaux privilèges etimmunités ..» apendant ladurée
de cette mission, y compris le temps du voyage))ne saurait signifier que
les privilègeset immunitésne pourraient être invoqués que lorsqu'un tel
voyage esteffectivementen cours,maisne pourraient pas l'être pour per-
mettre àl'expert d'exercer son droitde commencer levoyage.220 PRIVILEGES AND IMMUNITIES (SEP .P.SHAHABUDDEEN)

Under ArticleVII,Section26,ofthe GeneralConvention(referred to in
paragraph 43 of the Advisory Opinion) an expert is entitled to travelling
facilities(including the issueofanynecessaryvisas)from a MemberState
to whichorthrough whichhe intendstogoinconnection withhismission.
In exerciseofthisentitlement,the expert mayhaveapplied to sucha State
for visas and other facilities and secured them only to discover that he
cannot use them if he cannot rely on the privileges and immunities con-
ferredbyArticleVI,Section22,ofthe Convention to enablehimto leavea
Member State in which he happens to be present for a purpose uncon-
nected with his mission.
Howeverstrict maybethe construction to beplaced onprovisions pro-

viding for privileges and immunities (seeAlain Plantey, Droitetpratique
de la Fonctionpublique internationale, Paris, 1977,p. 409, para. 1298),
results as surprising as those indicated above suggestthat the privileges
and immunities conferred on an expert by Article VI, Section 22, of the
Convention must, subject to the limitations prescribed in that Article,
be construed as extending to afford protection against al1 acts which
could frustrate their operation or empty them of real content, with the
consequence of effectivelypreventing the expert from embarking on or
resuming his mission. The dangers which proverbiallylurk in the use of
maxims do not seem to forbid recourse in this case to the well-known

words quandolex aliquidalicuiconceditconcederevideturet id sine quo
res @saesse nonpotest - when the law gives a man anything, it gives
himthat alsowithout which the thing itselfcannot exist.
Explaining the rarity of references in the judgments of the Court to
arbitral decisions, Judge Charles De Visscherwrote :

"The rarity of such referencesis a matter of prudence; the Court
is careful not to introduce into its decisions elementswhosehetero-
geneous character might escape its vigilance" (Charles De Visscher,
TheoiyandRealityinPublicInternational Law, rev.ed., 1968,p. 391).

Judge Jessup's interesting explanation was: "The Court, qua Court,

naturally hesitates to cite individuals or national courts lest it appear
to have some bias or predilection" (Judge Philip C. Jessup, letter dated
16August 1979, Annuairede l'Institutde droitinternational,1985,Vol.61,
1,p. 253). No doubt these words of caution extend to other decisions
as well. But,apart from the fact that there is some flexibilityin the case
of individualjudges, 1do believethatthe judicial policy concerning such
citations, wise as it is, is not of such rigidity as in practice to disable the
Court from benefiting from other experience, particularly where
specific guidance in its ownjurisprudence is lacking, as seemsto be the
casehere.

Withoutsuggestingthat itiswhollyapplicable, 1turn accordinglyto the
general approach taken in the majority opinion of the European Court PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 220

Envertu delasection26del'articleVI1delaconventiongénérale (visée
au paragraphe 43de l'avis consultatif),un expert a ledroit d'obtenir d'un
paysdans lequelilentend serendre ou qu'ilentendtraverser dans lecadre
de sa mission desfacilitésde voyage(ycompris la délivrancedetout visa
nécessaire).Exerçant cedroit,l'expert risquedonc dedemander à cetEtat
desvisasetautresfacilitésetdelesobtenir,pour découvrirensuitequ'il est
dans l'impossibilitédelesutiliser s'ilnepeutjouir desprivilègesetimmu-

nitésconféré psar lasection22del'articleVIdelaconventionpour quitter
un Etat Membre dans lequel il se trouve pour une raison qui n'a pas de
rapport avecsa mission.
Certes, lesdispositions créant desprivilèges etimmunitéssont d'inter-
prétation stricte(voir Alain Plantey,roit etpratique de lafonctionpu-
bliqueinternationale,Paris, 1977,p. 409, par. 1298);mais des résultats
aussi surprenants que ceuxquiviennent d'être évoqués donnent àpenser
qu'ilfaut interpréterlesprivilèges etimmunitésconférés un expert par la
section 22 de l'article VI de la convention générale comme s'étendant,
sous réservedes limitations stipulées dans cet article,à la protection
contre tous actespropresà faire échecàleur application ouà lesvider de

contenu réel et,partant, empêchereffectivementl'expertde commencer
sa mission ou de la reprendre. On dit qu'ily a périlciter des maximes,
mais celle-cisembleappropriée :Quandolexaliquidalicuiconceditconce-
dere videturet idsine quores@saessenonpotest - ((lorsquela loi donne
quelque chose à quelqu'un, ellelui donne aussi cesans quoi la choseelle-
même nepeut être ».
Expliquant la rareté des référence s des sentencesarbitrales dans les
arrêtsde la Cour, M. Charles De Visschera écrit:

la rareté des références lajurisprudence arbitrale s'explique par
un souci deprudence; la Cour est attentiveàne pas introduire dans
ses décisions des éléments dont le caractère hétérogène pourrait
échapper à savigilance»(CharlesDe Visscher,Théories etréalitéesn
droitintemationalpublic,3eéd.,1960,p. 470).

L'intéressante explicationdonnée par M. Jessup était la suivante: (La
Cour, entant que telle,hésitenaturellementà citerdespersonnes privées
ou des tribunaux nationaux de peur de paraître avoir des préjugésou
des préférences»(PhilipC.Jessup,lettredatéedu 16août 1979,Annuaire
de l'Institutde droit international,1985,vol. 61,1,p. 253). Ces formules
de prudence valent certainement aussi pour d'autres décisions. Mais,
indépendamment du fait qu'individuellement les juges sont un peu
plus libres,je suis persuadéque la pratique judiciairel'égardde telles

citations, quelle que soit sa sagesse, n'est pas d'une telle rigueur qu'il
soit en fait interdià la Cour de bénéficierde l'expérience d'autrui,
en particulier lorsqu'elle nepeut pas trouver dans sa propre jurispru-
dence desorientations précises,commecelasembleêtrelecasenl'occur-
rence.
Sans prétendrequ'il soit intégralement transposable,je mentionnerai
donc le principe généraladoptépar la majorité des membresde la Cour221 PRIVILEGES AND IMMUNITIES (SEP . P.SHAHABUDDEEN)

of Human Rights in the Goldercase (Judgment of 21 February 1975,
Series A, Vol. 18)in which that Court had to construe Article 6, para-
graph 1,ofthe European Convention on Human Rights,reading:

"In the determination of his civilrights and obligations or of any
criminal chargeagainst him,everyoneis entitled to a fair and public
hearing within a reasonable time by an independent and impartial
tribunal established by law..."

Recognizingthat thisprovisiondid not intermsconfer a right ofaccessto
the courts, the European Court of Human Rightsnevertheless affirmed
the existenceof such a right in these word:

"While the right to a fair, public and expeditious judicial pro-
cedure can assuredly apply only to proceedings in being, it does
not, however,necessarilyfollowthat a right to the veryinstitution of
such proceedings isthereby excluded .. .(Ibid., p.15,para. 32.)
In effect,ifit wascorrectto Saythat Article6,paragraph 1,ofthe Euro-
pean Conventionexcluded an antecedent right to instituteproceedingsin
a court,itwould follow thatthe right conferred bythat provisionto a fair,
public and expeditious judicial procedure could prove to be largely

devoid of substance. Likewise in this case, if it is correct to say that
Article VI, Section 22, of the General Convention excludes an ante-
cedent right to commence ajourney from a Member State in connection
with the performance of the expert'smission wherethe expert's presence
in that State was for a purpose unconnected with the mission, it would
followthat the right conferredon him by that provisionto privilegesand
immunities "during ... the time spent on journeys in connection with"
such a mission (not to speak of other privileges and immunities) could
turn out to be illusory, with the further result that the mission itself
couldremain undischarged.
Whilethesituationinthe Goldercasediffersin severalrespectsfromthat
here, at the level of principle it would seem to me that the reasoning
inthat casesupports theconclusionthat ArticleVI,Section22,ofthe Gen-
eral Convention is applicable to enable an expert to leave any Member
Stateforthe purpose ofcarryingout hismissionevenifhispresenceinthat
Statewasfor a purpose entirelyunconnected withthe mission.

(Signed) Mohamed SHAHABUDDEEN.européenne des droitsde l'homme dans l'affaire Golder(arrêtdu 21 fé-
vrier 1975,sérieA, vol. 18)dans laquelle cette cour devait interpréter le
paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne des droits de
l'homme,ainsilibellé :
«Toute personne adroit à ceque sacausesoitentendue équitable-
ment, publiquement et dans un délai raisonnable,par un tribunal

indépendant et impartial, établipar la loi, qui décidera, soit des
contestations sur ses droits et obligations de caractèrecivil,soit du
bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre
ell..»
Reconnaissant que cette disposition ne conféraitpas littéralementun
droit d'accèsaux tribunaux, la Cour européenne desdroitsde l'homme à
néanmoins affirmél'existenced'untel droit en cestermes:

«Siledroit àl'équitél,apublicitéetlacéléritéelaprocédurejudi-
ciairenepeut, àcoup sûr,s'appliquer qu'àune procédureengagée,il
ne s'ensuitpourtant pas forcémentqu'ilexclutun droitàl'ouverture
mêmede celle-ci ..»(Zbid.,p. 15,par. 32.)

En effet,s'ilétaitvraiqueleparagraphe 1de l'article6dela convention
européenne excluaitun droit préalable d'entamerune procédure judi-
ciaire,ils'ensuivraitqueledroitreconnu par cettedispositioàl'équité,la
publicité etla céléride la procédure judiciaire pourrait être grande
partiedénuédesubstance.De mêmed ,ans laprésenteaffaire,s'ilétaitvrai
quelasection22del'article VIdelaconventiongénéraleexcluaip t ourun
expert ledroit préalablede quitter un Etat Membre pour entreprendre un
voyagedans lecadre de l'exécutionde samission alors qu'ilsetrouve sur
leterritoire de cet Etat àdesfins qui n'ont pasderelation avec la mission,
il s'ensuivrait queledroit qui lui estconfpar cettedisposition dejouir
de privilèges etimmunités«pendant la duréede cettemission,ycompris
le temps du voyage »(sansparler d'autres privilèges et immunités)pour-
raitserévélerillusoire;enoutre,lamissionelle-mêmerisqueraitdenepas

être accomplie.
Silasituationdansl'affaire Golderdiffèrà plusieurségardsdecellequi
intéresseprésentement laCour, il me semblequ'au plan des principes le
raisonnement tenu dans cetteaffaireétaiela conclusion que la section22
de l'articleI de la convention généraleest applicable pour permettre
à un expert de quitter le territoire d'un Etat Membre quel qu'il soit afin
d'exécutersa mission, même slia raison de sa présencedans cet Etat n'a
rienà voir avecla mission.

(Signé)Mohamed SHAHABUDDEEN.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Shahabuddeen (traduction)

Links