Opinion individuelle de M. Evensen (traduction)

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081-19891215-ADV-01-02-EN
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081-19891215-ADV-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. EVENSEN

[Traduction]

J'approuve entièrementl'avis consultatif donnépar la Gour, mais je
voudraisajouter certaines vuescomplémentairessurun aspectparticulier
de laquestion. Il estdit au paragraphe 14del'avisque M.Mazilua «subi,
ainsique safamille, defortespressions».
Ainsi, dans la lettre qu'il a adresséele 5 avril 1988à M. Martenson,
Secrétairegénéra aldjoint aux droits de l'homme,M. Mazilu affirme que
«malheureusement, de fortes pressions continuent d'être exercées sur
moi et ma famille pour que je signe un tel télégramme». Le télégramme
dont il s'agitdevait annoncer qu'ilrenonçait établir lerapport sur «les
droits de l'homme et lajeunesse »dont ilétaitchargé.Dansune lettre du
19avril 1988adresséeau présidentde la Sous-Commissionconcernéede

l'organisation des Nations Unies, il s'estaussiplaint que son gouverne-
ment «faisait tout pour [le]dissuader de l'établir[sonrapport])).
Commeexempleparticulier de cespressions, M. Mazilu indiquedans
sa lettre du 8 mai 1988que:«depuis le 15février1988,une vingtaine de
policiers me suivent,ainsi que ma femme etmon fils,jour et nuit».
Dans ses lettres, M. Mazilu mentionne, comme autres exemples con-
crets de tracasseries, qu'il a été«empêchéd'entrer au centre d'infor-
mations des Nations Unies à Bucarest)) et que son ((téléphone aété
débranché ».
Or,l'unique questionposée àlaCour dans larequêtedu Conseilécono-
miqueetsocialest «la questionjuridique del'applicabilitédelasection22
de l'articleVI de la convention sur les privilèges etimmunités».La Cour
n'adonc pas été priéede seprononcer sur desviolationsconcrètesde ces
dispositions. Mais il sembleévidentque lespressions exercéesont causé
des inquiétudes et des épreuvesnon seulement à M. Mazilu mais aussi

à sa famille. Il paraît clair que la protection prévàela section 22 de
l'articleVI de la convention de 1946ne peut êtrelimitéeau seul «expert
Mazilu»maisdoit s'appliquer,dans une mesureraisonnable, à safamille.
Cette considérationparaît aller de soi et une disposition spécialede la
section 18del'articleVdelaconventionen abordeun aspect.Cettedispo-
sitionprévoitquelesfonctionnaires del'organisation des Nations Unies
«d) ne seront pas soumis,non plus que leursconjoints et les membresde
leur famille vivant leur charge,aux dispositions limitant l'immigration
et aux formalitésd'enregistrement des étranger».
Cette disposition particulière est toutefois l'expression concrète d'un
principe généralfondamental. Pour chacun l'intégritd ée la familleet de
la viefamilialeestun droit fondamental del'homme protégé par lesprin-
cipes en vigueur du droit international qui découlent non seulementdudroit international conventionnel ou du droit international coutumier,
maisaussides ((principesgénéraux dedroit reconnus par lesnations civi-
lisées».
Ainsi, dans la Déclaration universelle des droitsde l'homme adoptée
par l'Assembléegénérale des Nations Uniesle 10décembre1948,l'inté-
gritéde la famille et de la vie familiale a présentée sous formed'un
droit fondamental de l'homme, au paragraphe 3 de l'article 16,dans les
termes suivants :((La famille est l'élémenntaturel et fondamental de la
sociétéet a droitàla protection de la sociétéet e 1'Etat.»Cette disposi-
tion,qui estl'expressionconcrèted'un principefondamental desdroits de
l'hommedans ledroitdesgenscontemporain,a étéénoncé defaçon ana-
logue dans d'autres instruments de droit international. Ainsi le para-
graphe 1de l'article 8 de la convention des droits de l'homme du 4 no-

vembre 1950(la convention de Rome) dispose que: ((toute personne a
droit au respect de sa vieprivéeet familiale,de son domicileet de sa cor-
respondance ».
Lerespect de la familleet de laviefamilialedoit êtreconsidérécomme
faisant partie des ((privilègeset immunités»dont les experts ont besoin
pour exercerleursfonctions entoute indépendance D, commeilestdit à
la section 22 de l'articleVI de la convention de 1946sur les privilègeset
immunitésdes NationsUnies.

(Signé)Jens EVENSEN.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE EVENSEN

1fully agree with the Advisory Opinion of the Court but have some
additional views on one special aspect thereof. The Opinion states in
paragraph 14that "strongpressure had been exerted on him [Mr.Mazilu]
and on his family".
Thus in his letter of 5 April 1988to Mr. Martenson, United Nations
Under-Secretary-General for Human Rights, Mr. Mazilu maintains that
"unfortunately, a strong pressure on me and on my family continues in
order to signsuch a paper". The paper here referred to is a letter of resig-
nation as rapporteur on the topic assigned to him on "Human rights
and youth". In a letter of 19April 1988to the Chairman of the relevant
United Nations Sub-Commission he also complains that his own
Government "did everything possible to discourage me to prepare it
[thereport]".

Asspecialincidents of suchpressures Mr. Mazilumentions inhis letter
of8May 1988that :"Since 15February 1988morethan twentypolicemen
are followingme,mywifeand my son day and night."
In his letters he mentions as additional concrete examples of such
harassments that his "access to the UN Information centre in Bucharest
was blacked" and his "telephone hasbeen disconnected".

However,the solequestion put to theCourt inthe request of ECOSOC
is "the legalquestion of the applicability of Article VI, Section22,of the
Convention on the Privileges and Immunities". Thus the Court has not
beenrequested to expressitselfon concreteviolations ofthese provisions.
But it seemsevident that the pressures exerted have caused concern and
hardship not onlyto Mr. Mazilu but also to his family. It seemsobvious
thatthe protection provided forinArticleVI,Section22,ofthe 1946Con-
vention cannot be confined onlyto the "expert Mazilu" but mustapplyto
a reasonable extent to his family. This seems self-evident and has been
touched upon in one special relation in Article V, Section 18 (d),of the
Convention. It states that officials of the United Nations shall "be

immune, together with their spouses and relatives dependent on them,
from immigrationrestrictions and alien registration".

However, this provision is one concrete expression of a basic general
principle. The integrity of a person's family and family life is a basic
human right protected by prevailing principles of international law
which derive not onlyfrom conventional international law or customary OPINION INDIVIDUELLE DE M. EVENSEN

[Traduction]

J'approuve entièrementl'avis consultatif donnépar la Gour, mais je
voudraisajouter certaines vuescomplémentairessurun aspectparticulier
de laquestion. Il estdit au paragraphe 14del'avisque M.Mazilua «subi,
ainsique safamille, defortespressions».
Ainsi, dans la lettre qu'il a adresséele 5 avril 1988à M. Martenson,
Secrétairegénéra aldjoint aux droits de l'homme,M. Mazilu affirme que
«malheureusement, de fortes pressions continuent d'être exercées sur
moi et ma famille pour que je signe un tel télégramme». Le télégramme
dont il s'agitdevait annoncer qu'ilrenonçait établir lerapport sur «les
droits de l'homme et lajeunesse »dont ilétaitchargé.Dansune lettre du
19avril 1988adresséeau présidentde la Sous-Commissionconcernéede

l'organisation des Nations Unies, il s'estaussiplaint que son gouverne-
ment «faisait tout pour [le]dissuader de l'établir[sonrapport])).
Commeexempleparticulier de cespressions, M. Mazilu indiquedans
sa lettre du 8 mai 1988que:«depuis le 15février1988,une vingtaine de
policiers me suivent,ainsi que ma femme etmon fils,jour et nuit».
Dans ses lettres, M. Mazilu mentionne, comme autres exemples con-
crets de tracasseries, qu'il a été«empêchéd'entrer au centre d'infor-
mations des Nations Unies à Bucarest)) et que son ((téléphone aété
débranché ».
Or,l'unique questionposée àlaCour dans larequêtedu Conseilécono-
miqueetsocialest «la questionjuridique del'applicabilitédelasection22
de l'articleVI de la convention sur les privilèges etimmunités».La Cour
n'adonc pas été priéede seprononcer sur desviolationsconcrètesde ces
dispositions. Mais il sembleévidentque lespressions exercéesont causé
des inquiétudes et des épreuvesnon seulement à M. Mazilu mais aussi

à sa famille. Il paraît clair que la protection prévàela section 22 de
l'articleVI de la convention de 1946ne peut êtrelimitéeau seul «expert
Mazilu»maisdoit s'appliquer,dans une mesureraisonnable, à safamille.
Cette considérationparaît aller de soi et une disposition spécialede la
section 18del'articleVdelaconventionen abordeun aspect.Cettedispo-
sitionprévoitquelesfonctionnaires del'organisation des Nations Unies
«d) ne seront pas soumis,non plus que leursconjoints et les membresde
leur famille vivant leur charge,aux dispositions limitant l'immigration
et aux formalitésd'enregistrement des étranger».
Cette disposition particulière est toutefois l'expression concrète d'un
principe généralfondamental. Pour chacun l'intégritd ée la familleet de
la viefamilialeestun droit fondamental del'homme protégé par lesprin-
cipes en vigueur du droit international qui découlent non seulementduinternational law but from "general principles of law recognized by
civilizednations".

Thus in the Universal Declaration of Human Rights adopted by the
United Nations General Assemblyon 10December 1948the integrity of
familyand familylifewas laid down as a basic human right in Article 16,
paragraph 3, as follows: "The family is the natural and fundamental
groupunit of societyand isentitledto protection bysocietyand the State."
Thisprinciple, which is a concreteexpression of an establishedprinciple
of human rights in the modern law of nations, has been similarly
expressed in other international law instruments. Thus the European
Convention on Human Rights (the Rome Convention) of 4 November
1950 providesin Article8,paragraph 1 :"Everyonehas the rightto respect
for his private and familylife,his home and his correspondence."

Therespectfora person'sfamily and familylifemustbe consideredas
integral parts of the "privileges and immunities" that are necessary for
"the independent exerciseoftheirfunctions" under ArticleVI,Section22,

of the 1946Convention on the Privilegesand Immunities of the United
Nations.

(Signed)Jens EVENSEN.droit international conventionnel ou du droit international coutumier,
maisaussides ((principesgénéraux dedroit reconnus par lesnations civi-
lisées».
Ainsi, dans la Déclaration universelle des droitsde l'homme adoptée
par l'Assembléegénérale des Nations Uniesle 10décembre1948,l'inté-
gritéde la famille et de la vie familiale a présentée sous formed'un
droit fondamental de l'homme, au paragraphe 3 de l'article 16,dans les
termes suivants :((La famille est l'élémenntaturel et fondamental de la
sociétéet a droitàla protection de la sociétéet e 1'Etat.»Cette disposi-
tion,qui estl'expressionconcrèted'un principefondamental desdroits de
l'hommedans ledroitdesgenscontemporain,a étéénoncé defaçon ana-
logue dans d'autres instruments de droit international. Ainsi le para-
graphe 1de l'article 8 de la convention des droits de l'homme du 4 no-

vembre 1950(la convention de Rome) dispose que: ((toute personne a
droit au respect de sa vieprivéeet familiale,de son domicileet de sa cor-
respondance ».
Lerespect de la familleet de laviefamilialedoit êtreconsidérécomme
faisant partie des ((privilègeset immunités»dont les experts ont besoin
pour exercerleursfonctions entoute indépendance D, commeilestdit à
la section 22 de l'articleVI de la convention de 1946sur les privilègeset
immunitésdes NationsUnies.

(Signé)Jens EVENSEN.

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