Opinion individuelle de M. Petrén

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061-19751016-ADV-01-06-EN
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061-19751016-ADV-01-00-EN
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Bien que j'aie trouvé inutile et par conséquent inopportun que la Cour

réponde à la question 1,j'ai voté sur cette question comme mes collègues
puisque l'abstention n'estpas admise. Quant àla question II,je suisd'accord
avec ce que je considère comme le contenu essentiel de la réponsedonnée
dans le présent avis consultatif, tout en ne pouvant souscrire à certaines
parties de cette réponse.C'est pourquoi j'ai pu voter avec la majorité sur la
question II, tout en joignant à l'avis consultatif l'opinion individuelle

suivante.

Ainsi qu'une procédure contentieuse, une procédure consultative peut
souleverdesquestionspréliminaires que la Cour a ledevoir detrancheravant

de se prononcer sur le fond. En ce qui concerne lesaffairescontentieuses, les
questionspréliminairesconcernant la compétencede la Cour ou la recevabi-
litédes requêteo snt fait l'objet d'une attention particulière lorsderevision
du Règlement adoptée en 1972. Selon l'article 67, paragraphe 3, du Règle-
ment revisé,une exception a pour effet la suspension de la procéduresur le
fond, laquelle ne sera reprise qu'après que la Cour se sera prononcée sur

l'exception. Le paragraphe 7 du mêmearticle permet cependant que, au lieu
de la retenir ou de la rejeter,la Cour déclare quea exception n'a pas dans les
circonstances de l'espèce uncaractère exclusivement préliminaire ». Cette
dernière disposition a remplacé l'ancien article62,paragraphe 5,qui autori-
sait la Cour ajoindre tout simplement des exceptions préliminairesau fond.
La Cour a donc manifesté son intention de ne plus différer le règlement

définitif des exceptionsque dans lescas couverts par la nouvelle formule.

Les questions préliminaires qui peuvent surgir en matière consultative ne
sont pas tout à fait de mêmenature qu'en matière contentieuse. Certes, des
questions concernant la compétence de la Cour peuvent aussi se poser,
puisquel'article 65,paragraphe 1,du Statut nepermet àlaCour de donner un

avis consultatif que si la demande émane d'un organe ou d'une institution
dûment autorisé à la formuler et porte sur une question juridique. Mais le
Statut n'impose pas à la Cour l'obligation absolue de donner un avis dans
tous lescas où elleserait compétentepour lefaire. L'article 65,paragraphe 1,
lui laissela libertéde s'yrefuser si ellejuge inopportun d'agir. Laquestion de
l'opportunitéde donner un avis consultatif peut ainsijouer un rôle analogue
à celui de la recevabilitéen matière contentieuse. La procédure consultative

connaît enfindans la pratique de la Courune troisièmecatégoriede questions105 SAHARA OCClDENTAL(0P. IND. PETRÉN)

préliminaires:si elle estime que, telle qu'elle est formulée, la question sur
laquelle son avis est demandé ne prête pasà réponsede sa part, la Cour se

considère comme libre de reformuler cette question.
Le Règlementest très sommaire en ce qui concerne la procédure consul-
tative. Les questions préliminaires qui viennent d'être évoquéens'y sont pas
mentionnées. L'article87,paragraphe 1,contient la disposition suivante:

En matière d'avis consultatifs, la Cour applique, en dehors des
dispositions de l'article 96 de la Charte et du chapitIV du Statut, les
articles ci-après. Elle s'inspire, en outre, des dispositions du présent
Règlement relatives à la procédure en matière contentieuse dans la

mesureoù elle lesreconnaît applicables: àcet effet,elle recherche avant
tout si la demande d'avis consultatif a trait ou non à une question
juridique actuellement pendante entre deux ou plusieurs Etats.»

En matière consultative, il ne paraît pas moins désirable qu'en matière
contentieuse que les questions préliminaires soient tranchées avant toute
procéduresur le fond. Sinon, la réponse a une question préliminaire risque-
rait de rendre vains le temps et l'argent consacrésa procédure sur lefond.
C'estpourquoi l'esprit et la lettre de l'article 87,paragraphe 1,exigent, àmes

yeux, que les dispositions du Règlementconcernant les exceptions prélimi-
naires en matière contentieuse soient aussi appliquées dans la mesure du
possible en matière consultative.
En la présente affaire, ont étésoulevées des questions préliminaires
concernant aussi bien la compétencede la Cour que l'opportunité de son
exerciceet que la reformulation éventuelledes questions soumises à la Cour.

Avant l'ouverture de laprocédure oralesurlefond, laCour a indirectement
effleuréune de cesquestions,celle de sa compétence,enprenant position, par
ordonnance du 22 mai 1975, sur les requêtespar lesquelles les Gouverne-
mentsmarocain et mauritanien avaient demandé àdésignerdesjuges ad hoc.
En acceptant la demande du Gouvernement marocain, la Coura ainsimotivé
sa décision:

« Considérantque,aux finsde la présentequestion préliminairequ'est
la composition de la Cour en l'affaire, les éléments soumis à la Cour
indiquent que,au moment de l'adoption de la résolution3292(XXIX), il

paraissait y avoir un différendjuridique relatif au territoire du Sahara
occidental entre le Maroc et l'Espagne; que lesquestions poséesdans la
requêtepour avis peuvent êtreconsidérées commese rattachant à ce
différend et qu'en conséquence, pour l'application de l'article 89 du
Règlement, l'avisconsultatif sollicitédans cette résolution paraît être
demandé «au sujet d'une question juridique actuellement pendante

entre deux ou plusieurs Etats»
Comme la compétence de la Cour dépend du caractère juridique des

questions qui lui sont posées,il va de soi que la Cour est compétentepour
connaître d'une requêtepour avis consultatif au sujet d'une question juri-dique pendante entre deux ou plusieurs Etats. L'ordonnance du22 mai 1975
implique donc que la Cour s'est considérée comme compétente,mais seule-
ment à titre provisoire. Elle a déclaré que, au momentde l'adoption de la
résolution 3292 (XXIX) de l'Assembléegénérale,il paraissait y avoir un

différendjuridique relatifau territoire du Sahara occidental entre leMaroc et
l'Espagne et elle en a conclu, avec la mêmeabsence de certitude, que l'avis
consultatif paraissait avoir étédemandé au sujet d'une question juridique
pendante entre deux Etats. Cela représentait une sorte de fuite en avant
imposant àla Cour ledevoir deprendre position plus tard surunequestion de
nature préliminaire.
L'ordonnance du 22 mai 1975 soulève une question d'interprétation de

l'articl89 du Règlementque l'on ne saurait passer sous silence. Cet article
prescrit que les dispositions du Statut concernant la désignationdejuges ad
hocs'appliquent «si l'avis consultatif est demandé au sujet d'une question
juridique actuellement pendante entre deux ou plusieurs Eta».Mais que se
passe-t-il si ledifférend envisagédans la requêtepour avis consultatif a cessé
d'exister au moment où la Cour prend position sur lademandede désignation
d'un juge ad hoc? L'ordonnance s'en tient à la situation qui existait le
13 décembre 1974, au moment de l'adoption par l'Assembléegénéralede la

résolutiondemandant l'avisde la Cour. L'ordonnance a été adoptéed,it son
texte, en considération«des élémentssoumisàla Cour ». Celacomprend les
piècesécritesdéposéep sar l'Espagne, le Maroc et la Mauritanie ainsi que les
exposésprésentép sar lesreprésentantsdeces Etatset de l'Algérieau coursdes
audiences publiques du 12 au 16 mai 1975 consacrées a la désignation
éventuelledejuges ad hoc.De leurexamen,la Cour a seulementconclu qu'ils
indiquaient «que, au moment de I'adoption de la résolutio3292 (XXIX), il
paraissait y avoir un différend juridique relatif au territoire du Sahara

occidental entre le Maroc et l'Espagne ». Elle n'a pas recherché s'il ne
ressortait pas aussi de ces déclarationsque le différendayant peut-être existé
le13 décembre 1974 avait disparu. En pareil cas, il aurait fallu examiner si
I'articl89du Règlementexigeaitnéanmoins ladésignation d'unjuge ad hoc,
ce que pour ma part je ne pense,pas. En ne considérant pas l'évolution
éventuellede la situation entre le 13 décembre 1974 et le22 mai 1975,
l'ordonnance présentedonc une lacune. Elle aurait notamment dû examiner

s'il existait vraiment au mois de mai1975 un différend juridique entre le
Maroc et l'Espagne au sujet de la qualification du Sahara occidental comme
terra nulliusau moment de sa colonisation par l'Espagne.

En outre il faut constater que I'article89 du Règlement ne prescrit
l'application de l'articledu Statut que si une questionjuridique pendante
entre deux ou plusieurs Etats est une réalité actuelle. ne parle pas d'un

différendparaissant exister. II est vrai que, dans son avis consultatif sur les
Conséquencesjuridiques pour les Etats de laprésence continude l'Afriquedu
Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)nonobstant la résolution 276(1970)du
Conseilde sécurité,la Cour a dit que la question des juges ad hocdevait être
régléeavanttout débatsur lesexceptionspréliminairesetque ladécisionprise107 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND.PETRÉN)

ne préjugeait pas la compétencede la Cour au cas où l'on prétendrait, par
exemple, qu'iln'existait pas de différend(C.Z.J.Recueil 1971,p. 25 et 26).Je
ne suispas prêtàsuivreceraisonnement. Une désignation dejuge ad hoc est

définitiveet vaut pour toute la procédure. Accepter pareille désignation en
supposant qu'un différend existe, mais laisser en suspens toute prise de
position définitivequant à l'existence de ce différend,comporte des risques
graves. Tout d'abord, si cetteprise de position est finalementnégativeet vaà
l'encontre de l'appréciation provisoire de la Cour, cela impliquera qu'il

n'aurait pasdû y avoir dejuge ad hoc.De surcroît lejuge ad hoc sera admis à
participer au vote final sur la question dont la Cour a faitdépendre la légalité
de sa présencesurle siège;il se peut mêmeque sa propre voix soit décisive à
cet égard.
A mon avis, le moment est venu pour la Cour d'abandonner une pratique
susceptible de donner lieu à de telles anomalies procédurales. Elle aurait
d'autant plus de raisons de lefaireque l'undes butsprincipaux de la revision

du Règlementadoptéeen 1972a étéd'éviteqrue les réponsesàdes questions
préliminaires soient reportéesà la fin de la procédure. Lors des audiencesdu
mois de mai 1975,la Cour avait devant elleles représentantsdu Maroc et de
la Mauritanie ainsi quede l'Espagne et elleétaiten possession non seulement
des procès-verbaux de l'Assembléegénéraleconcernant la question de la

décolonisation du Sahara occidental mais encore des pièces écritesde la
présenteprocédure, avecleursannexes.Je mepermets de penserque, dans des
conditions si favorables, elle aurait pu, moyennant des questions adéquates
poséesaux représentantsdestrois Etats concernés,obtenir tous lesrenseigne-
ments nécessairespour vérifiers'il existait entre eux un ou plusieurs diffé-
rends juridiques au sujet du Sahara occidental. Elle n'aurait alors pas eu
besoin de différersa réponseàcettequestion jusqu'à la finde la procédure sur

le fond.
En outre je suis d'avis que la Cour aurait dû définir l'objet desquestions
poséespar l'Assembléegénéraledèlsemois de mai 1975,époque àlaquelle les
membres de la Cour avaient eu letemps de sefamiliariser avec lecontenu des
procès-verbaux de l'Assembléegénérale.A quelle source meilleure la Cour
aurait-elle pu avoir recours pour se rendre compte du sensdes questions? La

définitionde leur objet aurait permis d'examiner leur caractèrejuridique ou
non, ainsi que l'opportunitéde les reformuler. Ainsi tous les points prélimi-
naires auraient pu être tranchésavant l'ouverture de la procédure orale surle
fond, cequi aurait permisd'orienter celle-cisur dessujetsprécisetsoigneuse-
ment circonscrits. La duréede la procédures'enserait trouvée raccourcie. La
Cour ayant choisiune autre méthodedeprocéder,cen'estquemaintenant, au

stade ultime de l'affaire,que les questions préliminaires sont réglées.

Ce qui caractérise avant tout les questions sur lesquelles l'Assemblée

générale des NationsUnies a demandé l'avis consultatif de la Cour, c'est108 SAHARAOCCIDENTAL(OP. IND.PETRÉN)

qu'elles portent sur la qualificationjuridique de situations appartenant à un
passédéjà lointain.

Cela soulèvela question de savoir si la requêtede l'Assembléegénérale
satisfait aux exigences de l'article 65, paragraphe 1, du Statut selon lequel la
Cour peut donner des avis consultatifs sur des questions juridiques. Cela
veut-il dire que mêmedes questions portant sur l'appréciation juridique de
situations qui ont cesséd'exister peuvent lui êtresoumises ? Que telle soit

l'opinion de la Cour, cela semble ressortir des termes dans lesquels elle
s'exprime dans le présent avisconsultatif, notamment au paragraphe 19.Je
ne saurais pour ma part y souscrire. La Cour est l'organejudiciaire principal
desNations Unies. Ellen'estpas un institut de rechercheshistoriques. Ilestde
nombreux problèmesd'histoire dudroit auxquels on n'a pasencore donnéde

réponsedéfinitive.Personnen'aurait cependant l'idéede soumettre àlaCour,
par exemple, la question de l'authenticitédu testament de l'empereur Trajan
ou celle de la justification de l'invasion de l'Angleterre par Guillaume le
Conquérant. Pour forcésqu'ils soient, ces exemples montrent l'impossibilité
d'une interprétation de l'articl65 du Statut selon laquelle il ne faudrait pas

exigerquelesquestionsadressées àlaCourdemandent desréponsesdenature
àcontribuer àla clarification de problèmesjuridiques actuels.Autrement, la
Cour ne seraitpas invitée à remplirune fonctionjudiciaire, ce àquoi doivent
aussi servir ses avis consultatifs.
A mes yeux, une requête pouravis consultatif ne saurait être considérée
comme recevable que si la question qu'elle adresse à la Cour porte soit sur

l'existenceou le contenu de droits ou obligations de droit international, soit
sur les conditions dont la réalisation donnerait lieu à la naissance, à la
modification ou àl'extinction de telsdroitsouobligations.Cela est-illecas de
la présenterequêtepouravis consultatif ?
Le neuvièmealinéadu préambulede la résolution 3292 (XXIX) adoptée

par l'Assembléegénérale le 13décembre1974,telque leSecrétairegénérad le
l'organisation desNations Unies l'acommuniquéàla Cour dans une version
correcte au mois d'août 1975, le ferait penser. Il y est constaté qu'une
controversejuridique a surgiau cours des débatssur lestatut du territoire du
Sahara occidental au moment de sa colonisation par l'Espagne. Ce serait
donc à propos de cettecontroverse que l'avisde la Cour aurait étédemandé.

Mais quelles seraient les partiesà la controverse et sur quoi porterait-elle
exactement? C'est une réponseà cette question que la Cour a amorcée en
rendant son ordonnancedu 22 mai 1975par laquelle ellea accordéau Maroc,
mais refusé à la Mauritanie, la désignationd'un juge ad hoc.Comme je l'ai
rappeléplus haut, la Cour a énoncédans cette ordonnance qu'il paraissait

avoir existéle 13décembre1974entre le Maroc et l'Espagne, mais non entre
la Mauritanie et l'Espagne, un différend juridique relatif au territoire du
Sahara occidental et que les questions poséesdans la requête pour avis
consultatif pouvaientêtreconsidéréescommeserattachant àcedifférend.La
controversejuridique à laquelle la résolution 3292 (XXIX) de l'Assemblée
généralea fait allusion serait donc un différendjuridique entre le Maroc et

l'Espagne relatif au territoire du Sahara occidental.109 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. PETRÉN)

Lestermes dans lesquelslaCour s'estexpriméedans l'ordonnance sont de
nature à fairecroire qu'ellea supposéque la présente affaireavaittrait àune
revendication de caractère territorial formuléepar le Marocà l'encontre de
l'Espagne etcontestéepar celle-ci.C'estauparagraphe 34 de l'avisconsultatif
qu'on retrouve des traces du différend présentédans l'ordonnance comme
paraissant avoir existéle13 décembre 1974. Sans faire aucune référenceà

l'ordonnance, le paragraphe 34 de l'avisconsultatif énoncequ'il existe dans
laprésenteaffaireune controverse,juridique, mais une controverse qui a surgi
lors des débatsde l'Assembléegénérale etau sujet de problèmes traitéspar
celle-ci. différendjuridiqueentre leMaroc etl'Espagne dont l'ordonnance
de mai 1975 a supposél'existenceau 13décembre précédens te trouve donc,
dans le présent avis consultatif, transformé en une controverse juridique

existant encoreen octobre 1975 maisdéfiniepar une référence àdesdébatsde
l'Assembléegénérale.La suite du paragraphe 34 de l'avis consultatif, ainsi
que les paragraphes 35 et 36,sont consacrésà la définition plus détailléde
cette controverse. Elle remonte à l'année1958 et a pour origine une reven-
dication du Sahara occidental par le Maroc comme faisant partie intégrante
de son territoire national, revendication à laquelle l'Espagne s'est opposée.
Selon le paragraphe 36, la controverse ainsi surgie à l'Assembléegénéraleau

sujet du Sahara occidental a persisté.
Quoi qu'il ait pu en être au stadedes débatsà l'Assembléegénérale, les
déclarationsfaites par le Maroc et par l'Espagne dèsledébut dela procédure
devant la Cour ont rendu clair qu'en la présente affaire il n'existe aucune
questionjuridique pendanteentre cesdeux Etats quant au Sahara occidental.
Le Maroc ne conteste pas la souveraineté actuelle de l'Espagne sur ce
territoire; aussi bien le Maroc que l'Espagne acceptent, pour sa décolonisa-

tion, l'application des résolutions de l'Assembléegénérale.En d'autres
termes, la Cour ne setrouve pas devant une revendication de droit formulée
par leMaroc àl'encontre del'Espagneetcontestéepar celle-ci - cequi aurait
en effetconstituéun différendjuridique entre lesdeux Etats. Ce en quoi leurs
opinions diffèrent depuis les débats de l'Assembléegénérale,ce sont les
modalitésqu'ilresteencore à arrêterpourla réalisationde la décolonisation.
Que des Etats participant aux débats de l'Assembléegénérale manifestent

des divergences de vues au sujet des questions débattues ne saurait être
considérécommeconstituant un différendjuridique entre eux.Amesyeux,la
désignation,en la présente affaire,d'unjuge adhoc par le Maroc en vertu de
l'article9 du Règlement a manqué de fondement. Si j'avais apprécié la
situation autrement, j'aurais étéd'avis que la Mauritanie, elle aussi, avait
droit à la désignation d'un juge ad hoc. Pour ces raisons, j'ai votécontre

l'ordonnance du 22 mai 1975 dans son ensemble.
Cependant le caractèrejuridique que l'article65, paragraphe 1,du Statut
exiged'une question,pour qu'elle puissefaire l'objet d'un avis consultatif, ne
dépend pasde l'existence d'un différend juridique entre deux ou plusieurs
Etats. Il me faut donc poursuivre l'examen du caractère juridique des
questions posées à la Cour par la présente requêtpour avis consultatif.
Le contexte dans lequel ces questions ont été formulées est celui de la110 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. PETRÉN)

décolonisation du Sahara occidental sous administration espagnole. Point
n'estbesoin de rappeler la place qu'occupe, sous l'égidedel'organisation des
Nations Unies,ladécolonisationdans l'évolutionactuelle dudroit internatio-

nal. Sous l'inspiration d'une sériede résolutions de l'Assembléegénérale,
notamment la résolution 1514(XV), un véritabledroit de la décolonisation
est entrain deprendre forme. Il procède essentiellement du droit despeuples
à disposer d'eux-mêmesproclamé par la Charte des Nations Unies et
confirmépar un grand nombre de résolutionsde l'Assemblée générale. Mais,

dans certains cas d'espèce,on doit également tenir compte du principe de
l'unité etde l'intégriténationalesdesEtats,principequia fait, lui aussi,l'objet
de résolutions de l'Assembléegénérale.C'est donc par la combinaison
d'élémentsdifférentsdu droit international évoluant sous l'inspiration de
l'organisation des Nations Unies que le processus de décolonisation se
poursuit. La décolonisation d'un territoire peut soulever la question de

l'équilibrenécessaireentre ledroit de sa population à l'autodétermination et
l'intégrité territorialed'un ou mêmede plusieursEtats. On peut sedemander,
par exemple, si le fait que le territoire appartenait, au moment de sa
colonisation, à un Etat qui existeencore aujourd'hui justifie que cet Etat le
revendique au nom de son intégrité territoriale. Cettethèsea été avancée et

contestée. La question de sa validité en général et la question de son
applicabilité au Sahara occidental sont d'un caractèrejuridique indéniable.
Il semble pourtant que ce genre de questions ne soient pas encore
considéréescommemûres pour êtredéférées àla Cour. La raison en est sans
doute que la grande variétéde données géographiquesou autres dont il faut

tenircompte en matièrededécolonisationn'apasencore permis deconstituer
un corps de règleset une pratique suffisamment élaboréspour couvrir toutes
les situations pouvant poser des problèmes. En d'autres termes, bien que ses
principes directeurssoient dégagésl,edroit de la décolonisation ne constitue
pas encore un corps de doctrine et de pratique achevé.Il est donc naturel que
les forces politiques soient toujours l'Œuvrepour préciseret compléterle

contenu de cedroit dans descasd'espècecommecelui du Sahara occidental.
Ainsi l'Assembléegénérales'est-elle réservéela tâche de déterminer les
modalitésde la décolonisation du territoire en conformité avec les principes
de la résolution 1514 (XV). Mais, avant de s'en acquitter, elle a éprouvé le
besoin d'obtenir un avisconsultatif de la Cour surdeuxquestionsconsidérées

commepréalables aux décisions àprendre.
Les questions sur lesquelles un avis consultatif de la Cour est demandé
visent le statut qu'avait le Sahara occidental à une époque révolue, définie
comme le moment de sa colonisation par l'Espagne. La Cour est invitée à
répondre d'abordàlaquestion de savoirsi, àcemoment, leSahara occidental
étaitun territoire sans maître (terra nullius).Au cas où sa réponse à cette

première question serait négative, il lui est demandé de répondre à une
deuxième question, celle de savoir quels étaient les liens juridiques dudit
territoire avec le Royaume du Maroc et avec l'ensemble mauritanien. A les
prendre à la lettre, ces deux questions ne demandent àla Cour que de définir
quel était le régimejuridique du Sahara occidental dans un passé déjà111 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. PETRÉN)

lointain. La Cour n'est pas appeléeà lever le regard vers le présentet encore
moins vers l'avenir. Ellen'est pas invitéeà tirer de ses recherches historiques
une conclusion juridique visant le Sahara occidental d'aujourd'hui ou de
demain.

Il ressort de ce que j'ai dit plus haut que, si tel étaitle sens des questions
poséesà la Cour, je ne leur verrais pas le caractère juridique exigépar
l'article 65,paragraphe 1,du Statut, car ellesn'appelleraient aucune réponse
portant sur 'lasolution d'un problème juridique actuel. Or, dans le présent
avis consultatif, la Cour définitles deux questions de manière à créer untel
lien avecl'actualité. Celaesténoncénotamment auxparagraphes 85et 161de

l'avis consultatif. La Cour y expose qu'en répondant à la requêtede
l'Assembléegénéraleelle doit indiquer si, au moment de sa colonisation, le
Sahara occidental avait, avec le Maroc et l'ensemble mauritanien, des liens
juridiques qui pourraient influersur la politiquàsuivre pour sa décolonisa-
tion. Puisla Cour s'acquitte de cettetâche,non pas dans ledispositif, mais au
paragraphe 162auquel ledispositif renvoie expressément.La Cour y énonce

qu'ellen'a pas constatél'existencede liensjuridiques de nature à influer sur
l'application de la résolution1514 (XV) de l'Assembléegénéralequant à la
décolonisation du Sahara occidental et en particulier sur l'application du
principe d'autodétermination grâce à l'expression libre et authentique de la
volontédes populations du territoire. C'est cette orientation du présent avis
consultatif qui lui confèreàmes yeux le catactère de réponseàune question

juridique au sensde l'article 65,paragraphe1,du Statut. Maisest-cevraiment
conforme à la requêtede l'Assembléegénérale?

Nous venons de dire qu'à la lettre les questions formuléesne demandent
pas à la Cour de définir une situation juridique actuelle. Tout au long de la
procédure,le Maroc et la Mauritanie ont fait valoir que la Cour n'était pas

invitéeàseprononcer sur l'effetde sesconstatations quant aux modalitésde
la décolonisationdu Sahara occidental. Selon cesdeux Etats, qui ont jouéun
rôle important pour la formulation et l'adoption de la résolution 3292
(XXIX), l'incidence qu'auraient éventuellementles conclusions de la Cour
sur la définition des modalités de la colonisation du Sahara occidental
relèverait entièrement des décisions de nature politique que l'Assemblée

générales'estréservée de prendre. Dans cesconditions, on peut se demander
si l'interprétation que la Cour a décidéde donner aux questions posées
correspond bien aux intentions de I'Assem6léegénérale ou sielle ne repré-
sente pas plutôt une nouvelle formulation de ces questions.

Quoi qu'ilen soit, je pensequecette orientation de l'avisconsultatif aurait

dû faire l'objet d'undélibéréet d'undeécisionau débutet non àl'extrêmefin
de la procédure. J'yvois un autre exemple de question préliminaire pouvant
surgir dans une affaireconsultativeet devant, àmes yeux,être traitée comme
telleet tranchéeavant l'ouverture définitivede toute procédure sur le fond. Il
me semble qu'en la présente affaire une telle organisation de la procédure
aurait été particulièrement indiquéepar égard pour les Etats représentésdevant la Cour, lesquels n'ont cesséde répéterque l'Assembléegénérale
n'avait nullement invitéla Cour à se prononcer sur l'effet éventuelde ses

constatations quant au processus de décolonisation. En ne dévoilant pas
qu'elle envisageaitde lefaire, laCour n'a pas faitcomprendreaux Etats dont
ils'agitl'intérêqtu'ilsavaient àexposerleurs vuessur cesujet.

Le point de savoir dans quelles conditions et dans quelle mesure des liens
juridiques passéspeuvent influencer la décolonisation d'un territoire me
semble relever d'un domaine encore mal exploré du droit international

contemporain. C'est pourquoi je trouve que la Cour n'aurait pas dû aborder
ces questions sans procéder à un examen de leurs aspects théoriques aussi
bien que pratiques. Force m'est de constater que le paragraphe 162de l'avis
consultatif ne porte pas la marque d'une telle analyse.

La participation des Etats intéresséa conféréà la présente procédureun
caractèretout àfait inaccoutumétendant àobscurir la différencede principe
entre lecontentieux et leconsultatif. Alors qu'enmatièrecontentieusela Cour
a devant elle des parties qui plaident leur cause et doivent apporter, le cas
échéant, despreuves à l'appui de leurs thèses, la procédure consultative

suppose que la Cour se procure elle-même lesrenseignements dont elle a
besoin, dans la mesure où les Etats ne les lui fournissent pas. Dans une
procédure contentieuse,si une partie n'arrive pas àjustifier une demande, la
Cour n'a qu'à la rejeter,tandis qu'en matière consultative la tâche de la Cour
ne se limitepas à évaluerla force probante des renseignements apportés par
des Etats, mais consiste àessayerde seformer une opinion àl'aidede tous les

élémentsd'information à sa portée.
En la présente affaire,l'Assembléegénéralee ,n formulant sa requêtepour
avis consultatif, a demandé expressément à l'Espagne, au Maroc et à la
Mauritanie de soumettre à la Cour tous renseignements ou documents
pouvant servir à éluciderles questions posées.Répondant à cette invitation,
ces trois Etats, auxquels s'estjointe l'Algérie,ont continué devant la Cour le

débatsur le Sahara occidental qu'ils avaient entaméà l'Assembléegénérale.
L'effeten a étéque la procédurea pris une allure beaucoup plus contentieuse
queconsultative. Ainsilestrois Etats ont-ilsprésentéàlaCour une abondante
documentation historiqueet cartographique dont lasignification afait l'objet
de nombreuses contestations. Les mêmesévénements,les mêmestraités,les
mêmesactes législatifset administratifs, les mêmesphénomènesreligieux,

culturels et linguistiques ont été présentéest interprétésde manières diffé-
rentes, souvent contradictoires. Sur maints points, la Cour a été invitée à
faire un choix entre des thèsesdifférentes.
Bien que ces divergences de vues entre les Etats intéressés n'aient pas
abouti àdes revendications de droits, la procédure s'estdéroulée commes'il
en avait été-ainsi.'activitéde la Cour en vuede seprocurer d'autres éléments

d'information que ceux qui avaient étémis à sa disposition par les Etats113 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND. PETRÉN)

intéresséss'enesttrouvéeréduite.Elle n'apaséprouvélebesoin de rechercher
d'autres renseignements que ceux qui lui étaient fournis par les Etats inté-
ressés.Elle ne s'estpas adjoint d'assesseursexperts en droit islamiqueou en

histoire de l'Afrique, commeson Statut lelui aurait permis. Il est notoire que
sa pratique interne ne prévoit pas la désignationdejuges rapporteurs.Certes
chaque juge a dû - dans les limites de ses connaissaficeslinguistiques- se
frayer un chemin à travers l'immense littérature qui existesur les questions
d'histoire africaine évoquéeestila pu fairepartàsescollèguesdesfruits deses

lectures.Il est néanmoinsfrappant que I'avisconsultatif soit fondépresque
exclusivement sur des documents et arguments présentés par les Etats
intéressés, lesquelssont retenus ou rejetésen fonction d'un examen des
preuves offertes. On ne trouve pas ici la zone d'incertitude dans laquelle un
avis consultatif devrait laisser les faits qui ne sont pas établis mais dont le
contraire n'est pas prouvé non plus.

Ce qui vient d'être développné'affectepas la compétencede la Cour pour
donner un avis consultatif sur desquestions qu'elledéfinitcommeelle l'afait
de celles qui lui ont étéposéespar l'Assembléegénérale. Resteà examiner
l'opportunitépour la Cour d'yrépondre.Un telexamen s'impose, àmesyeux,
avecuneacuitéparticulièreen cequiconcernelapremièredesdeuxquestions

adressées àlaCour, cellede savoir sileSahara occidental était,au moment de
sa colonisation par l'Espagne, un territoire sans maître (terra nullius).
Cette question est née d'undébatau commencementduquel on a contesté
la validité des titres de l'Espagne sur les différentes parties du Sahara
occidental. Que l'expression terra nulliusait pu faire son apparition dans ce
débat s'explique, puisque ce terme technique a servi, dans la doctrine, à

définir la légalitéde certains modes d'acquisition de territoire par: des
Puissances coloniales. Mais ce stade du débat sur le Sahara occidental est
maintenant dépasséL . a requêtepour avisconsultatif n'invite pas la Cour àse
prononcer sur la légitimitéde l'acquisition par l'Espagne de la souveraineté
sur le Sahara occidental. La question de savoir si ce territoire était terra
nulliusau moment de sa colonisation manque donc d'objet dans le contexte

de la présente affaire. Ce sur quoi l'Assembléegénéralea éprouvéle besoin
d'êtrerenseignéepar la Cour, c'est lebien-fondé desprétentionsdu Maroc et
de la Mauritanie dont l'un a fait valoir que la souveraineté sur le Sahara
occidental au moment de sa colonisation lui revenait, tandis que l'autre a
avancé qu'au mêmemoment ce territoire appartenait en CO-souveraineté à
une pluralité d'émirats etde confédérations tribales dénommée l'ensemble

mauritanien. Dans sa réponse à la première des questions posées par
l'Assembléegénéralel,'avisconsultatif passe àcôtéde cet objet de la requête.
C'est enéludant la questionde lasouverainetéque lesparagraphes 81et 82de
I'avisénoncentque le Sahara occidental n'était pas terra nulliuspuisqu'il y
avait dans ce territoire des tribus nomades ayant une organisation sociale et
politique. Cedernier fait n'ajamais étécontestépar l'Espagneet nedoit guère

être nouveau pourl'Assembléegénérale.114 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND.PETRÉN)

Vu ce qui précède,je trouve inutile et en conséquenceinopportun pour la
Cour de répondreà la première des deux questions posées.
En ce qui concerne la seconde question, lescirconstances sont différentes.
Portant sur les liens juridiques ayant éventuellement existéentre le Sahara
occidental et le Maroc ou l'ensemblemauritanien, ellecouvre le problèmede
lasouveraineté.Amesyeux,c'estessentiellement sur cepoint que l'Assemblée

généralea besoin d'êtrerenseignée.C'est pourquoi je trouve opportun de
répondreà la seconde question.
La réponsede la Cour à cette question est donnée au paragraphe 162de
l'avisconsultatif. La partie essentiellede ceparagraphe estla conclusion de la
Cour selon laquelle les éléments et renseignements portésà sa connaissance

n'établissent l'existence d'aucun lien de souveraineté territoriale entre le
territoire du Sahara occidental d'une part et le Royaume du Maroc et
I'ensemblemauritanien d'autre part. Je ne crois pas possible d'arriver àune
autre conclusion sur la base des élémentsdont dispose la Cour. Je suis donc
d'accord égalementavecladernière phrase duparagraphe 162,selon laquelle
la Cour n'a pas constatéI'existencede liensjuridiques de nature à influer sur

l'application de la résolution1514(XV) quant àla décolonisation duSahara
occidental et en particulier sur l'application du principe d'autodétermination
grâce à l'expression libre et authentique de la volonté des populations du
territoire. Je crois utile de signaler que cette phrase n'indique pas quel effet
aurait eu sur la décolonisation du Sahara occidental un prononcé dela Cour

constatant I'existenced'anciens liens de souverainetéentre ce territoire et le
Maroc ou I'ensemblemauritanien.
A mes yeux, les constatations faites dans les deux dernières phrases du
paragraphe 162 sufisent pour répondre à la question de l'Assemblée géné-
rale, qui ne vise que I'existence de liensjuridiques passésmaispouvant per-
mettre aujourd'hui au Maroc ou à la Mauritanie de formuler des demandes

concernant la décolonisation du Sahara occidental. Le début du para-
graphe 162 contient cependant deux déclarations auxquelles je ne saurais
souscrire car, à mes yeux, elles sont superflues et dépassent l'objectif de la
requêtepour avis consultatif. La Cour énonceque les élémentset renseigne-
ments portés à sa connaissance montrent l'existence de liens juridiques
d'allégeanceentre le sultan du Maroc et certaines des tribus vivant sur le

territoire du Sahara occidental, ainsi que I'existence de droits, y compris
certains droits relatifs à la terre, qui constituaient des liensjuridiques entre
l'ensemblemauritanien, au sensoù la Cour l'entend, et leterritoire du Sahara
occidental. Pour ma part, je doute que les élémentsdont dispose la Cour lui
permettent de se prononcer aussicatégoriquement. La portéede la première

déclaration dépend en tout cas d'une analyse de la signification réellede
l'allégeance invoquéeet d'une identification exacte des tribus qui la recon-
naissaient et des parties du Sahara occidental où elles se trouvent. L'une et
l'autre sont absentes du présent avis consultatif.
D'autre part lesliensayant existéentre leterritoire du Sahara occidental et
I'ensemblemauritanien sont certainement nombreux et importants, mais on

ne saurait lesconsidérercommedesliensjuridiques entre eux.C'estsurtout la115 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND. PETRÉN)

contribution de la Mauritanie à la procédure qui a démontrél'existence, à
l'époqueviséepar la requêtepour avis consultatif, d'un genre de vie et d'un

riche héritageculturelcommuns àune pluralitéde tribusnomadisant dans de
vastes territoires de l'Afrique du Nord-Ouest compris aujourd'hui dans le
Sahara occidental et dans les Etats voisins, notamment la Mauritanie. Que
des tribus distinctes aient la mêmereligion, la même langue,la même
structure sociale et politique, le mêmemode de vie et les mêmestraditions
littéraires, musicales etartistiques ne signifie pas qu'elles soient soudées en

une entitéétatique.Certes, cegenre de liensnon juridiques pourraient donner
lieu à l'établissementde liensjuridiques représentant la création d'une telle
entité,maispareilleévolutionnes'estpasproduite en cequiconcerne le Bilad
Chinguiti, dénomination traditionnelle des territoires où se retrouvent les
tribus précitées. ela n'empêchepas que l'Assembléegénéralepuissetrouver
approprié de tenir compte des facteurs non juridiques ci-dessus évoqués,
lorsqu'elle déterminera les modalitésde la décolonisation du Sahara occi-

dental, maissesdécisionsàcetégardauront un caractère purement politique.
Il ne revient donc pas à la Cour de se prononcer à ce sujet.
C'estpourquoi je trouve que la premièrepartie du paragraphe162 de l'avis
consultatif n'aurait pas dû y figurer, d'autant moins que la requêtepour avis
consultatif ne sauraitêtreinterprétéecomme ayant invitéla Cour àconstater
l'existence de liens entre le territoire du Sahara occidental et le Maroc ou

l'ensemblemauritanien autres que les liensjuridiques qui pourraient influer
sur l'application de la résolution 1514 (XV) à la décolonisation de ce
territoire.

(SignéS ). PETREN.

Bilingual Content

Bien que j'aie trouvé inutile et par conséquent inopportun que la Cour

réponde à la question 1,j'ai voté sur cette question comme mes collègues
puisque l'abstention n'estpas admise. Quant àla question II,je suisd'accord
avec ce que je considère comme le contenu essentiel de la réponsedonnée
dans le présent avis consultatif, tout en ne pouvant souscrire à certaines
parties de cette réponse.C'est pourquoi j'ai pu voter avec la majorité sur la
question II, tout en joignant à l'avis consultatif l'opinion individuelle

suivante.

Ainsi qu'une procédure contentieuse, une procédure consultative peut
souleverdesquestionspréliminaires que la Cour a ledevoir detrancheravant

de se prononcer sur le fond. En ce qui concerne lesaffairescontentieuses, les
questionspréliminairesconcernant la compétencede la Cour ou la recevabi-
litédes requêteo snt fait l'objet d'une attention particulière lorsderevision
du Règlement adoptée en 1972. Selon l'article 67, paragraphe 3, du Règle-
ment revisé,une exception a pour effet la suspension de la procéduresur le
fond, laquelle ne sera reprise qu'après que la Cour se sera prononcée sur

l'exception. Le paragraphe 7 du mêmearticle permet cependant que, au lieu
de la retenir ou de la rejeter,la Cour déclare quea exception n'a pas dans les
circonstances de l'espèce uncaractère exclusivement préliminaire ». Cette
dernière disposition a remplacé l'ancien article62,paragraphe 5,qui autori-
sait la Cour ajoindre tout simplement des exceptions préliminairesau fond.
La Cour a donc manifesté son intention de ne plus différer le règlement

définitif des exceptionsque dans lescas couverts par la nouvelle formule.

Les questions préliminaires qui peuvent surgir en matière consultative ne
sont pas tout à fait de mêmenature qu'en matière contentieuse. Certes, des
questions concernant la compétence de la Cour peuvent aussi se poser,
puisquel'article 65,paragraphe 1,du Statut nepermet àlaCour de donner un

avis consultatif que si la demande émane d'un organe ou d'une institution
dûment autorisé à la formuler et porte sur une question juridique. Mais le
Statut n'impose pas à la Cour l'obligation absolue de donner un avis dans
tous lescas où elleserait compétentepour lefaire. L'article 65,paragraphe 1,
lui laissela libertéde s'yrefuser si ellejuge inopportun d'agir. Laquestion de
l'opportunitéde donner un avis consultatif peut ainsijouer un rôle analogue
à celui de la recevabilitéen matière contentieuse. La procédure consultative

connaît enfindans la pratique de la Courune troisièmecatégoriede questions[Translation]

Although 1found it unnecessary, hence inappropriate, for the Court to
reply to Question 1, 1voted on this question like my colleagues, since
abstention isnot allowed.Asfor Question II, 1 findmyself inagreementwith
what 1 regard as the essential content of the answer given in the Advisory
Opinion, though unable to subscribe to certain parts of that answer.
Accordingly,while 1 wasthus able to votewiththemajorityon Question II, 1
append this statement of my separate opinion to the Court's decision.

Likecontentiousproceedings,advisoryproceedings mayraisepreliminary
questions whichit isthe duty of the Court to settlebefore givingitsecision
on matters of substance. With regard to contentious cases, preliminary
questions concerning the Court's competence or the admissibility of
applications weresubjectedto particular attention at the time of the revision
of the Rules effected in 1972.Under Article 67, paragraph 3, of the revised
Rules,the effectof an objection isto suspend the proceedings on the merits,
which are not to continue until after the Court has pronounced on the
objection. However, paragraph 7 of the same Article permits the Court,
instead of upholding or rejectingtheobjection, todeclare that "the objection
doesnot possess,in thecircumstances of the case,an exclusivelypreliminary
character". This latter provision replaces the former paragraph 5 of Article

62, which authorized the Court simply to join preliminary objections to the
merits. The Court has thus shown its intention henceforth not to postpone
the definitivesettlement of objections except in cases covered by the new
formula.
Thepreliminaryquestions which mayariseinadvisoryproceedingsarenot
entirely of the same nature as those in contentious proceedings. Of course,
questions concerning the competence of the Court may also arise, since
Article 65,paragraph 1,of the Statute permits the Court to give an advisory
opinion only if the requestemanates from a body authorized to make such a
request and relates to a legalquestion.TheStatute does not however impose
on the Courtan absolute obligation to givean opinion in al1casesin whichit
is competent to do so. Article 65, paragraph 1,leaves it free to refuse if it
considers that itis not proper to proceed. The question of the propriety of
giving an advisory opinion may thus play a part analogous to that of
admissibilityincontentious proceedings.Finally,inadvisoryproceedingsthe

practice of the Court recognizesa third category of preliminary questions:if105 SAHARA OCClDENTAL(0P. IND. PETRÉN)

préliminaires:si elle estime que, telle qu'elle est formulée, la question sur
laquelle son avis est demandé ne prête pasà réponsede sa part, la Cour se

considère comme libre de reformuler cette question.
Le Règlementest très sommaire en ce qui concerne la procédure consul-
tative. Les questions préliminaires qui viennent d'être évoquéens'y sont pas
mentionnées. L'article87,paragraphe 1,contient la disposition suivante:

En matière d'avis consultatifs, la Cour applique, en dehors des
dispositions de l'article 96 de la Charte et du chapitIV du Statut, les
articles ci-après. Elle s'inspire, en outre, des dispositions du présent
Règlement relatives à la procédure en matière contentieuse dans la

mesureoù elle lesreconnaît applicables: àcet effet,elle recherche avant
tout si la demande d'avis consultatif a trait ou non à une question
juridique actuellement pendante entre deux ou plusieurs Etats.»

En matière consultative, il ne paraît pas moins désirable qu'en matière
contentieuse que les questions préliminaires soient tranchées avant toute
procéduresur le fond. Sinon, la réponse a une question préliminaire risque-
rait de rendre vains le temps et l'argent consacrésa procédure sur lefond.
C'estpourquoi l'esprit et la lettre de l'article 87,paragraphe 1,exigent, àmes

yeux, que les dispositions du Règlementconcernant les exceptions prélimi-
naires en matière contentieuse soient aussi appliquées dans la mesure du
possible en matière consultative.
En la présente affaire, ont étésoulevées des questions préliminaires
concernant aussi bien la compétencede la Cour que l'opportunité de son
exerciceet que la reformulation éventuelledes questions soumises à la Cour.

Avant l'ouverture de laprocédure oralesurlefond, laCour a indirectement
effleuréune de cesquestions,celle de sa compétence,enprenant position, par
ordonnance du 22 mai 1975, sur les requêtespar lesquelles les Gouverne-
mentsmarocain et mauritanien avaient demandé àdésignerdesjuges ad hoc.
En acceptant la demande du Gouvernement marocain, la Coura ainsimotivé
sa décision:

« Considérantque,aux finsde la présentequestion préliminairequ'est
la composition de la Cour en l'affaire, les éléments soumis à la Cour
indiquent que,au moment de l'adoption de la résolution3292(XXIX), il

paraissait y avoir un différendjuridique relatif au territoire du Sahara
occidental entre le Maroc et l'Espagne; que lesquestions poséesdans la
requêtepour avis peuvent êtreconsidérées commese rattachant à ce
différend et qu'en conséquence, pour l'application de l'article 89 du
Règlement, l'avisconsultatif sollicitédans cette résolution paraît être
demandé «au sujet d'une question juridique actuellement pendante

entre deux ou plusieurs Etats»
Comme la compétence de la Cour dépend du caractère juridique des

questions qui lui sont posées,il va de soi que la Cour est compétentepour
connaître d'une requêtepour avis consultatif au sujet d'une question juri- WESTERNSAHARA (SEP.OP.PETRÉN) 105

it considers that the question on which its opinion is asked does not, as
formulated, lend itself to being answered by the Court, the Court regards

itself as free to reformulate the question.
The provisionsof the Rules of Court concerning advisory proceedings are
very summary; the preliminary questions just referred to are not mentioned.
Article 87,paragraph 1,contains the followingprovision:

"In proceedings in regard to advisory opinions, the Court shall, in
addition to the provisions of Article 96of the Charter and Chapter IVof
theStatute, apply theprovisions of theArticles which follow.Itshallalso
be guided by the provisions of these Rules which apply in contentious

cases to theextent to which it recognizes them to be applicable; for this
purpose it shall above al1consider whether the request for the advisory
opinion relates to a legalquestion actually pending between two or more
States."

In proceedings in regard to advisory opinions, it appears no less desirable
than in contentious proceedings that preliminary questions should be settled
before any proceedings onthe substantive issues. There would otherwisebe a

risk that areply to a preliminary question would cause the time and money
devoted to the proceedings on the substance to be wasted. That is why the
spirit and the leter of Article 87, paragraph 1, in my view require that the
provisions of the Rules concerning preliminary objections in contentious
casesshould also be applied so far as possible in advisory proceedings.
In the present case, preliminary questions have been raised concerning

both the Court's competence and the propriety of its exercise, and the
possible reframing of the questions submitted to the Court.
Before the opening of the oral proceedings on the substantive issues, the
Court indirectly touched on one of these questions, that of its competence,
when by its Order of 22 May 1975 it ruled on the applications by the
Moroccan and Mauritanian Governments for the appointment ofjudges ad

hoc. When accepting the Moroccan Government's application, the Court
gave the following reason for its decision:

"Whereas, for the purpose of the present preliminary issue of the
composition of the Court in the proceedings, the material submitted to
the Court indicates that, when resolution 3292 (XXIX) was adopted,
there appeared to be a legal dispute between Morocco and Spain
regarding the Territory of Western Sahara;that the questionscontained

in the request for an opinion may be considered to be connected with
that dispute; and that, in consequence, for purposes of application of
Article 89 of the Rules of Court, the advisory opinion requested in that
resolution appears to be one 'upon a legal question actually pending
between two or more States'."

Since the competence of the Court depends on the questions which are put to
it being legal ones, it goes without saying that the Court is competent to
entertaina request for advisory opinion on a legal question pending betweendique pendante entre deux ou plusieurs Etats. L'ordonnance du22 mai 1975
implique donc que la Cour s'est considérée comme compétente,mais seule-
ment à titre provisoire. Elle a déclaré que, au momentde l'adoption de la
résolution 3292 (XXIX) de l'Assembléegénérale,il paraissait y avoir un

différendjuridique relatifau territoire du Sahara occidental entre leMaroc et
l'Espagne et elle en a conclu, avec la mêmeabsence de certitude, que l'avis
consultatif paraissait avoir étédemandé au sujet d'une question juridique
pendante entre deux Etats. Cela représentait une sorte de fuite en avant
imposant àla Cour ledevoir deprendre position plus tard surunequestion de
nature préliminaire.
L'ordonnance du 22 mai 1975 soulève une question d'interprétation de

l'articl89 du Règlementque l'on ne saurait passer sous silence. Cet article
prescrit que les dispositions du Statut concernant la désignationdejuges ad
hocs'appliquent «si l'avis consultatif est demandé au sujet d'une question
juridique actuellement pendante entre deux ou plusieurs Eta».Mais que se
passe-t-il si ledifférend envisagédans la requêtepour avis consultatif a cessé
d'exister au moment où la Cour prend position sur lademandede désignation
d'un juge ad hoc? L'ordonnance s'en tient à la situation qui existait le
13 décembre 1974, au moment de l'adoption par l'Assembléegénéralede la

résolutiondemandant l'avisde la Cour. L'ordonnance a été adoptéed,it son
texte, en considération«des élémentssoumisàla Cour ». Celacomprend les
piècesécritesdéposéep sar l'Espagne, le Maroc et la Mauritanie ainsi que les
exposésprésentép sar lesreprésentantsdeces Etatset de l'Algérieau coursdes
audiences publiques du 12 au 16 mai 1975 consacrées a la désignation
éventuelledejuges ad hoc.De leurexamen,la Cour a seulementconclu qu'ils
indiquaient «que, au moment de I'adoption de la résolutio3292 (XXIX), il
paraissait y avoir un différend juridique relatif au territoire du Sahara

occidental entre le Maroc et l'Espagne ». Elle n'a pas recherché s'il ne
ressortait pas aussi de ces déclarationsque le différendayant peut-être existé
le13 décembre 1974 avait disparu. En pareil cas, il aurait fallu examiner si
I'articl89du Règlementexigeaitnéanmoins ladésignation d'unjuge ad hoc,
ce que pour ma part je ne pense,pas. En ne considérant pas l'évolution
éventuellede la situation entre le 13 décembre 1974 et le22 mai 1975,
l'ordonnance présentedonc une lacune. Elle aurait notamment dû examiner

s'il existait vraiment au mois de mai1975 un différend juridique entre le
Maroc et l'Espagne au sujet de la qualification du Sahara occidental comme
terra nulliusau moment de sa colonisation par l'Espagne.

En outre il faut constater que I'article89 du Règlement ne prescrit
l'application de l'articledu Statut que si une questionjuridique pendante
entre deux ou plusieurs Etats est une réalité actuelle. ne parle pas d'un

différendparaissant exister. II est vrai que, dans son avis consultatif sur les
Conséquencesjuridiques pour les Etats de laprésence continude l'Afriquedu
Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)nonobstant la résolution 276(1970)du
Conseilde sécurité,la Cour a dit que la question des juges ad hocdevait être
régléeavanttout débatsur lesexceptionspréliminairesetque ladécisionprise WESTERNSAHARA(SEP.OP.PETRÉN) 106
two or more States. The Order of 22 May 1975therefore implies that the
Court regarded itselfas competent, but only on a provisionalbasis. It stated

that, when General Assembly resolution 3292 (XXIX) was adopted, there
appearedto be a legal dispute between Morocco and Spain regarding the
territory of Western Sahara, and it concluded, with the same absence of
certainty, that the advisoryopinionappearedto have been requestedupon a
legal question pending between two States. This was thus a sort of
side-steppingof the point, which imposed on the Court the duty to commit
itselfon a preliminary questionat a later stage.

The Order of 22 May 1975raisesa question of interpretation of Article89
of the Rules which cannot be passed over. That Article provides that the
provisions ~fthe Statute concerningthe appointment ofjudges ad hocapply
"if the advisoryopinion isrequested upon a legal questionactually pending
between twoor more States". But what happens if the dispute contemplated
in the request for advisory opinion has ceased to exist at the time when the
Court takesitsdecisionon the requestforthe appointment ofajudge adhoc?

TheOrderis confinedtothesituation existingon 13December1974,whenthe
resolution seeking the opinion of the Court was adopted by the General
Assembly. The Order was adopted, according to its text, in view of the
"material submitted to the Court". Thisincludesthe written statements filed
by Spain, Morocco and Mauritania, and the statements made by the
representativesof those Statesand of Algeriaduring the public hearings (12
to 16May,1975)devoted to thepossibleappointment ofjudges ad hoc.From
its examination of this material, the Court drew solely the conclusion that
they indicated "that, when resolution 3292 (XXIX) was adopted, there
appeared to be a legal dispute between Morocco and Spain regarding the
Territory of Western Sahara". It did not seek to ascertain whether these
statementsdid not also revealthat the dispute whichhad perhaps existedon
13 December 1974 had disappeared. It would in such case have been
necessary to consider whether Article 89 of the Rules nevertheless required
theappointment of ajudge ad hoc,whichfor mypart 1do not think it did. By
not considering the possible development of the situation between 13

December 1974,and 22May 1975,the Order therefore contains a lacuna. In
particular, the question should have been examined whether in May 1975
there really was a legal dispute between Morocco and Spain as to the
categorization of Western Sahara as terra nullius at the time of its
colonization by Spain.
Further, it should be observed that Article 89 of the Rules only calls for
application of Article31 of the Statute if a legal question pending between
twoor moreStates isa matter of current reality. It doesnot refertoa dispute
which appearsto exist.The Court did of coursesay, in its AdvisoryOpinion
on the Legal Consequencefsor States of the ContinuedPresenceof South
Africa in Namibia (South West Africa) notwithstandingSecurity Council
Resolution 276 (1970),that the question of judges ad hochad to be settled
before any argument on the preliminary objections, and that the decision107 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND.PETRÉN)

ne préjugeait pas la compétencede la Cour au cas où l'on prétendrait, par
exemple, qu'iln'existait pas de différend(C.Z.J.Recueil 1971,p. 25 et 26).Je
ne suispas prêtàsuivreceraisonnement. Une désignation dejuge ad hoc est

définitiveet vaut pour toute la procédure. Accepter pareille désignation en
supposant qu'un différend existe, mais laisser en suspens toute prise de
position définitivequant à l'existence de ce différend,comporte des risques
graves. Tout d'abord, si cetteprise de position est finalementnégativeet vaà
l'encontre de l'appréciation provisoire de la Cour, cela impliquera qu'il

n'aurait pasdû y avoir dejuge ad hoc.De surcroît lejuge ad hoc sera admis à
participer au vote final sur la question dont la Cour a faitdépendre la légalité
de sa présencesurle siège;il se peut mêmeque sa propre voix soit décisive à
cet égard.
A mon avis, le moment est venu pour la Cour d'abandonner une pratique
susceptible de donner lieu à de telles anomalies procédurales. Elle aurait
d'autant plus de raisons de lefaireque l'undes butsprincipaux de la revision

du Règlementadoptéeen 1972a étéd'éviteqrue les réponsesàdes questions
préliminaires soient reportéesà la fin de la procédure. Lors des audiencesdu
mois de mai 1975,la Cour avait devant elleles représentantsdu Maroc et de
la Mauritanie ainsi quede l'Espagne et elleétaiten possession non seulement
des procès-verbaux de l'Assembléegénéraleconcernant la question de la

décolonisation du Sahara occidental mais encore des pièces écritesde la
présenteprocédure, avecleursannexes.Je mepermets de penserque, dans des
conditions si favorables, elle aurait pu, moyennant des questions adéquates
poséesaux représentantsdestrois Etats concernés,obtenir tous lesrenseigne-
ments nécessairespour vérifiers'il existait entre eux un ou plusieurs diffé-
rends juridiques au sujet du Sahara occidental. Elle n'aurait alors pas eu
besoin de différersa réponseàcettequestion jusqu'à la finde la procédure sur

le fond.
En outre je suis d'avis que la Cour aurait dû définir l'objet desquestions
poséespar l'Assembléegénéraledèlsemois de mai 1975,époque àlaquelle les
membres de la Cour avaient eu letemps de sefamiliariser avec lecontenu des
procès-verbaux de l'Assembléegénérale.A quelle source meilleure la Cour
aurait-elle pu avoir recours pour se rendre compte du sensdes questions? La

définitionde leur objet aurait permis d'examiner leur caractèrejuridique ou
non, ainsi que l'opportunitéde les reformuler. Ainsi tous les points prélimi-
naires auraient pu être tranchésavant l'ouverture de la procédure orale surle
fond, cequi aurait permisd'orienter celle-cisur dessujetsprécisetsoigneuse-
ment circonscrits. La duréede la procédures'enserait trouvée raccourcie. La
Cour ayant choisiune autre méthodedeprocéder,cen'estquemaintenant, au

stade ultime de l'affaire,que les questions préliminaires sont réglées.

Ce qui caractérise avant tout les questions sur lesquelles l'Assemblée

générale des NationsUnies a demandé l'avis consultatif de la Cour, c'est WESTERN SAHARA(SEP.OP.PETRÉN) 107

taken did not prejudge the competence of the Court if it were claimed, for

example, that there was no dispute(Z.C. Reports1971, pp. 25 f.). 1am not
prepared to follow this reasoning. The appointment of a judge ad hoc is
definitive, and operates for the whole of the proceedings. To accept such an
appointment on the supposition that a dispute exists,but to leavein suspense
any definitivedecision as to the existence of that dispute, involves serious
risks. First of all, if the ultimate decision is negative, and contrary to the
provisional assessment made by the Court, this will imply that there should

not have been any judge ad hoc. In addition, the judge ad hoc will be
permitted to take part in the final vote on the question upon which the Court
has made the legality of his presence on theBench depend; it could even
happen that his own vote tipped the scaleon the point.
In my opinion, the time has come for the Court to abandon a practice
which iscapable ofgiving riseto such procedural anomalies.It would haveal1

the more reason to do so inasmuch as one of the principal objects of the
revision of the Rules adopted in 1972was to avoid the replies to preliminary
questionsbeing postponed to the end of the proceedings. At the hearings of
May 1975 the Court had before it the representatives of Mauritania and
Morocco, as also of Spain, and was in possession not only of the records of
the General Assembly concerning the question of the decolonization of

Western Sahara but also of the written statements in the proceedings to-
gether with their annexes. 1 venture to believe that, in such favourable
circumstances, the Court, by putting the appropriate questions to the
representatives of the three States concerned, could have obtainedal1the
information necessary to ascertain whether there existed any legaldispute or
disputes between them concerning Western Sahara. It would not then have

needed to postpone its reply to this questionuntil the end of the proceedings
on the issues of substance.
It isfurthermore my opinion that the Court shouldhave defined thesubject
of the questions put by the General Assembly in May 1975, when the
Members of the Court had already had time to familiarize themselveswiththe
contents of the General Assembly records. To what better source could the
Court havc turned in order to appreciate the meaning of the questions? To

have defined theirsubject-matter would have enabled the Court to consider
whether they were of a legal nature or not, and whether there was any
occasion to reframe them. Thus al1the preliminary issues could have been
disposed of before the opening of the oral proceedings on matters of
substance, which would have made it possible to focus those hearings on
precise and carefully limited subjects. This would have resulted in shorter

proceedings.The Court having chosen another course, it is only now, at the
final stage of the case, that the preliminaryquestions have been decided.

The most salient characteristic of the questions upon which the United

Nations General Assembly has sought the advisory opinion of the Court is108 SAHARAOCCIDENTAL(OP. IND.PETRÉN)

qu'elles portent sur la qualificationjuridique de situations appartenant à un
passédéjà lointain.

Cela soulèvela question de savoir si la requêtede l'Assembléegénérale
satisfait aux exigences de l'article 65, paragraphe 1, du Statut selon lequel la
Cour peut donner des avis consultatifs sur des questions juridiques. Cela
veut-il dire que mêmedes questions portant sur l'appréciation juridique de
situations qui ont cesséd'exister peuvent lui êtresoumises ? Que telle soit

l'opinion de la Cour, cela semble ressortir des termes dans lesquels elle
s'exprime dans le présent avisconsultatif, notamment au paragraphe 19.Je
ne saurais pour ma part y souscrire. La Cour est l'organejudiciaire principal
desNations Unies. Ellen'estpas un institut de rechercheshistoriques. Ilestde
nombreux problèmesd'histoire dudroit auxquels on n'a pasencore donnéde

réponsedéfinitive.Personnen'aurait cependant l'idéede soumettre àlaCour,
par exemple, la question de l'authenticitédu testament de l'empereur Trajan
ou celle de la justification de l'invasion de l'Angleterre par Guillaume le
Conquérant. Pour forcésqu'ils soient, ces exemples montrent l'impossibilité
d'une interprétation de l'articl65 du Statut selon laquelle il ne faudrait pas

exigerquelesquestionsadressées àlaCourdemandent desréponsesdenature
àcontribuer àla clarification de problèmesjuridiques actuels.Autrement, la
Cour ne seraitpas invitée à remplirune fonctionjudiciaire, ce àquoi doivent
aussi servir ses avis consultatifs.
A mes yeux, une requête pouravis consultatif ne saurait être considérée
comme recevable que si la question qu'elle adresse à la Cour porte soit sur

l'existenceou le contenu de droits ou obligations de droit international, soit
sur les conditions dont la réalisation donnerait lieu à la naissance, à la
modification ou àl'extinction de telsdroitsouobligations.Cela est-illecas de
la présenterequêtepouravis consultatif ?
Le neuvièmealinéadu préambulede la résolution 3292 (XXIX) adoptée

par l'Assembléegénérale le 13décembre1974,telque leSecrétairegénérad le
l'organisation desNations Unies l'acommuniquéàla Cour dans une version
correcte au mois d'août 1975, le ferait penser. Il y est constaté qu'une
controversejuridique a surgiau cours des débatssur lestatut du territoire du
Sahara occidental au moment de sa colonisation par l'Espagne. Ce serait
donc à propos de cettecontroverse que l'avisde la Cour aurait étédemandé.

Mais quelles seraient les partiesà la controverse et sur quoi porterait-elle
exactement? C'est une réponseà cette question que la Cour a amorcée en
rendant son ordonnancedu 22 mai 1975par laquelle ellea accordéau Maroc,
mais refusé à la Mauritanie, la désignationd'un juge ad hoc.Comme je l'ai
rappeléplus haut, la Cour a énoncédans cette ordonnance qu'il paraissait

avoir existéle 13décembre1974entre le Maroc et l'Espagne, mais non entre
la Mauritanie et l'Espagne, un différend juridique relatif au territoire du
Sahara occidental et que les questions poséesdans la requête pour avis
consultatif pouvaientêtreconsidéréescommeserattachant àcedifférend.La
controversejuridique à laquelle la résolution 3292 (XXIX) de l'Assemblée
généralea fait allusion serait donc un différendjuridique entre le Maroc et

l'Espagne relatif au territoire du Sahara occidental.that theyconcernthe legalcategorization ofsituations whichbelongto atime
now long past.
This taisesthe question whether the General Assembly'srequestmeetsthe
requirementsof Article 65, paragraph 1,of the Statute, according to which
theCourt maygiveadvisoryopinionson legalquestions. Doesthismean that
even questions concerning the legal assessment of situations which have

ceased to exist may be submitted to it? It seemsclear from the terms of the
present AdvisoryOpinion, in particular from paragraph 19thereof,that that
is the view of the Court.1myself am unable to subscribe to this view.The
Court is the principal judicial organ of the United Nations; it is not an
historical research institute.ere are numerous problems of the history of
lawto whichno definitiveanswerhas yetbeen given.Yetno onewouldthink
ofsubmittingtotheCourt thequestion,for example,oftheauthenticityofthe
willofthe Emperor Trajan, or whethertheinvasionof Britain by Williamthe
Conqueror wasjustified. These examples,extreme as they are, indicate the
impossibilityof interpreting Article5of the Statute to mean that there isno
need to require that the questions submitted to the Court cal1for answers
which are such as will contribute to the clarification of present-day legal
problems. The Court would not otherwisebe called upon to fulfilajudicial
function, a function whichshould alsobe furthered by itsadvisoryopinions.

In my view, a request for an advisory opinion cannot be regarded as
admissible unlessthe question whichit submits to the Court relates eitherto
theexistenceor thecontent of rightsor obligations of international law,orto
theconditions which,if fulfilled,wouldresultinthecomingintoexistence,the

modification or the termination of such a right or obligation. 1sthat so with
regard to the present request for an advisory opinion?
Theninth paragraph of the preamble of resolution 3292(XXIX) adopted
by the General Assembly on 13 Decerhber 1974,as communicated to the
Court by the Secretary-General of the United Nations in a correct version in
August 1975,would suggest that this was so. It is there stated that a legal
controversy arose during the discussion on the status of the territory of
WesternSahara at the timeof its colonization by Spain. Thus it issuggested
that itisupon that controversythat theopinion oftheCourt has beensought.
Butwho then are parties to thiscontroversy,and to what preciselyisitsaidto
relate?The replyto thisquestion washinted at by the Court whenitmadeits
Order of 22 May 1975, by which it granted to Morocco, but refused to
Mauritania, the appointment of ajudge ad hoc.As 1havementioned above,
the Court stated in that Order that there appeared to have existed on 13
December 1974between Morocco and Spain, but not between Mauritania
and Spain,a legaldisputeregardingtheterritory ofWesternSahara, andthat
the questions contained in the request for advisory opinion might be
considered to be connected with that dispute.The legalcontroversyalluded
to inGeneral Assemblyresolution 3292(XXIX) isthus,it issuggested,alegal

dispute between Morocco and Spain regarding the territory of Western
Sahara.109 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. PETRÉN)

Lestermes dans lesquelslaCour s'estexpriméedans l'ordonnance sont de
nature à fairecroire qu'ellea supposéque la présente affaireavaittrait àune
revendication de caractère territorial formuléepar le Marocà l'encontre de
l'Espagne etcontestéepar celle-ci.C'estauparagraphe 34 de l'avisconsultatif
qu'on retrouve des traces du différend présentédans l'ordonnance comme
paraissant avoir existéle13 décembre 1974. Sans faire aucune référenceà

l'ordonnance, le paragraphe 34 de l'avisconsultatif énoncequ'il existe dans
laprésenteaffaireune controverse,juridique, mais une controverse qui a surgi
lors des débatsde l'Assembléegénérale etau sujet de problèmes traitéspar
celle-ci. différendjuridiqueentre leMaroc etl'Espagne dont l'ordonnance
de mai 1975 a supposél'existenceau 13décembre précédens te trouve donc,
dans le présent avis consultatif, transformé en une controverse juridique

existant encoreen octobre 1975 maisdéfiniepar une référence àdesdébatsde
l'Assembléegénérale.La suite du paragraphe 34 de l'avis consultatif, ainsi
que les paragraphes 35 et 36,sont consacrésà la définition plus détailléde
cette controverse. Elle remonte à l'année1958 et a pour origine une reven-
dication du Sahara occidental par le Maroc comme faisant partie intégrante
de son territoire national, revendication à laquelle l'Espagne s'est opposée.
Selon le paragraphe 36, la controverse ainsi surgie à l'Assembléegénéraleau

sujet du Sahara occidental a persisté.
Quoi qu'il ait pu en être au stadedes débatsà l'Assembléegénérale, les
déclarationsfaites par le Maroc et par l'Espagne dèsledébut dela procédure
devant la Cour ont rendu clair qu'en la présente affaire il n'existe aucune
questionjuridique pendanteentre cesdeux Etats quant au Sahara occidental.
Le Maroc ne conteste pas la souveraineté actuelle de l'Espagne sur ce
territoire; aussi bien le Maroc que l'Espagne acceptent, pour sa décolonisa-

tion, l'application des résolutions de l'Assembléegénérale.En d'autres
termes, la Cour ne setrouve pas devant une revendication de droit formulée
par leMaroc àl'encontre del'Espagneetcontestéepar celle-ci - cequi aurait
en effetconstituéun différendjuridique entre lesdeux Etats. Ce en quoi leurs
opinions diffèrent depuis les débats de l'Assembléegénérale,ce sont les
modalitésqu'ilresteencore à arrêterpourla réalisationde la décolonisation.
Que des Etats participant aux débats de l'Assembléegénérale manifestent

des divergences de vues au sujet des questions débattues ne saurait être
considérécommeconstituant un différendjuridique entre eux.Amesyeux,la
désignation,en la présente affaire,d'unjuge adhoc par le Maroc en vertu de
l'article9 du Règlement a manqué de fondement. Si j'avais apprécié la
situation autrement, j'aurais étéd'avis que la Mauritanie, elle aussi, avait
droit à la désignation d'un juge ad hoc. Pour ces raisons, j'ai votécontre

l'ordonnance du 22 mai 1975 dans son ensemble.
Cependant le caractèrejuridique que l'article65, paragraphe 1,du Statut
exiged'une question,pour qu'elle puissefaire l'objet d'un avis consultatif, ne
dépend pasde l'existence d'un différend juridique entre deux ou plusieurs
Etats. Il me faut donc poursuivre l'examen du caractère juridique des
questions posées à la Cour par la présente requêtpour avis consultatif.
Le contexte dans lequel ces questions ont été formulées est celui de la WESTERNSAHARA (SEP.OP. PETREN) 109

The terms in which the Court expressed itself in the Order are such as to
suggest that it supposed that the present case related to a territorial claim
formulated by Morocco against Spain, and disputed by the latter. In
paragraph 34of the Advisory Opinion one findstraces of the dispute which is
presented in theOrder as appearing to have existed on 13 December 1974.

Paragraph 34 of the Advisory Opinion states, without making any reference
to theOrder, thatthereisinthiscase a legal controversy, but one which arose
during the proceedings of the General Assembly and in relation to matters
with which it was dealing. The legal dispute between Morocco and Spain
which was taken by the Order of May 1975 to have existed on13 December
1974 is thus transformed, in the Advisory Opinion, into a legal controversy
still existing in Octobe1975 but defined by reference to the proceedings of

theGeneral Assembly.The rest ofparagraph 34 of the Advisory Opinion, and
paragraphs 35 and 36, are devoted to a more detailed definition of this
controversy. It goesback to1958,and originated from a claim by Morocco to
Western Sahara as being an integral part of its national territory, a claim
opposed by Spain. According to paragraph 36,the controversy which thus
arose in the General Assembly with regard to Western Sahara continued to

subsist.

Whatever may have been the position at the time of the discussions in the
General Assembly,the statements made by Morocco and Spain fromthe very
outset of the proceedings before the Court have made it clear that in the
present casethere is no legal question pending between these two States with
regard to Western Sahara. Morocco does not dispute the present sovereignty

of Spain over the territory, and both Morocco and Spain accept, for its
decolonization, the application of the resolutions of the General Assembly.
In other words, the Court is not faced with a legal claim of right made by
Morocco against Spain, and disputed by Spain, which would have
constituted a legal dispute between the two States. The point on which their
opinions have differed since the discussions in the General Assembly is that
of the procedures still to be decided for the implementation of the

decolonization. For States taking part in discussions in theGeneral Assembly
to express divergent views on the questions under discussion cannot be
regarded as constituting legal disputes between them. In my opinion, the
appointment in the present case of ajudge ad hoc by Morocco by virtue of
Article89 of the Rules was not warranted. Had 1taken a different viewof the
situation,1would havebeen of the opinion that Mauritania also was entitled
to choose a judge ad hoc.For those reasons, 1voted against the Order of22

May 1975 as a whole.
However, the legal character which Article65, paragraph 1,of the Statute
requires of a question, ifit isto be the subject of an advisoryopinion, does not
depend on theexistence of a legaldispute between two or more States. 1must
thus pursue my examination of the legal character of the questionsput to the
Court in the present request for an advisory opinion.

The context in which those questions have been formulated is that of the110 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. PETRÉN)

décolonisation du Sahara occidental sous administration espagnole. Point
n'estbesoin de rappeler la place qu'occupe, sous l'égidedel'organisation des
Nations Unies,ladécolonisationdans l'évolutionactuelle dudroit internatio-

nal. Sous l'inspiration d'une sériede résolutions de l'Assembléegénérale,
notamment la résolution 1514(XV), un véritabledroit de la décolonisation
est entrain deprendre forme. Il procède essentiellement du droit despeuples
à disposer d'eux-mêmesproclamé par la Charte des Nations Unies et
confirmépar un grand nombre de résolutionsde l'Assemblée générale. Mais,

dans certains cas d'espèce,on doit également tenir compte du principe de
l'unité etde l'intégriténationalesdesEtats,principequia fait, lui aussi,l'objet
de résolutions de l'Assembléegénérale.C'est donc par la combinaison
d'élémentsdifférentsdu droit international évoluant sous l'inspiration de
l'organisation des Nations Unies que le processus de décolonisation se
poursuit. La décolonisation d'un territoire peut soulever la question de

l'équilibrenécessaireentre ledroit de sa population à l'autodétermination et
l'intégrité territorialed'un ou mêmede plusieursEtats. On peut sedemander,
par exemple, si le fait que le territoire appartenait, au moment de sa
colonisation, à un Etat qui existeencore aujourd'hui justifie que cet Etat le
revendique au nom de son intégrité territoriale. Cettethèsea été avancée et

contestée. La question de sa validité en général et la question de son
applicabilité au Sahara occidental sont d'un caractèrejuridique indéniable.
Il semble pourtant que ce genre de questions ne soient pas encore
considéréescommemûres pour êtredéférées àla Cour. La raison en est sans
doute que la grande variétéde données géographiquesou autres dont il faut

tenircompte en matièrededécolonisationn'apasencore permis deconstituer
un corps de règleset une pratique suffisamment élaboréspour couvrir toutes
les situations pouvant poser des problèmes. En d'autres termes, bien que ses
principes directeurssoient dégagésl,edroit de la décolonisation ne constitue
pas encore un corps de doctrine et de pratique achevé.Il est donc naturel que
les forces politiques soient toujours l'Œuvrepour préciseret compléterle

contenu de cedroit dans descasd'espècecommecelui du Sahara occidental.
Ainsi l'Assembléegénérales'est-elle réservéela tâche de déterminer les
modalitésde la décolonisation du territoire en conformité avec les principes
de la résolution 1514 (XV). Mais, avant de s'en acquitter, elle a éprouvé le
besoin d'obtenir un avisconsultatif de la Cour surdeuxquestionsconsidérées

commepréalables aux décisions àprendre.
Les questions sur lesquelles un avis consultatif de la Cour est demandé
visent le statut qu'avait le Sahara occidental à une époque révolue, définie
comme le moment de sa colonisation par l'Espagne. La Cour est invitée à
répondre d'abordàlaquestion de savoirsi, àcemoment, leSahara occidental
étaitun territoire sans maître (terra nullius).Au cas où sa réponse à cette

première question serait négative, il lui est demandé de répondre à une
deuxième question, celle de savoir quels étaient les liens juridiques dudit
territoire avec le Royaume du Maroc et avec l'ensemble mauritanien. A les
prendre à la lettre, ces deux questions ne demandent àla Cour que de définir
quel était le régimejuridique du Sahara occidental dans un passé déjàdecolonization of Western Sahara under Spanishadministration. There isno
need to recall the place of decolonization, under the aegis of the United
Nations, in the present evolution of international law. Inspired by aseries of

resolutions of the General Assembly, in particular resolution 1514 (XV), a
veritable law of decolonization is in the course of taking shape. It derives
essentially from the principle of self-determinationof peoplesproclaimed in
the Charter of the United Nations and confirmed by a large number of
resolutions of the General Assembly. But, in certain specificcases, one must
equallytake into account the principle of the national unity and integrity of

States, a principle which has also been the subject of resolutions of the
General Assembly. It is thus by a combination of different elements of
international law evolving under the inspiration of the United Nations that
the process of decolonization is being pursued. The decolonization of a
territory may raise thequestionofthebalance which has to be struck between
the right of itspopulation to self-determination and theterritorial integrity of

one or even of several States. The question may be raised, for example,
whether the fact that the territory belonged, at the time of itscolonization, to
a State which still existstoday justifies that State in claimingiton thebasis of
its territorial integrity. That argument has been put forward, and has been
contested. The question of its validity in general and the question of its

applicability to Western Sahara are undeniably of a legal character.
It seemshowever that questions of thiskind are not yet consideredripe for
submission to the Court. Thereason isdoubtlessthe factthat the widevariety
of geographical and otherdata which must be taken into account in questions
of decolonization have not yet allowed of the establishment of a sufficiently
developed body of rules and practice to cover al1the situations which may

give rise to problems. In other words, although its guiding principles have
emerged,the law of decolonization does not yetconstitute a completebody of
doctrine and practice. It is thus natural that political forces should be
constantly at work rendering more precise and complete the content of that
law in specificcases like that of Western Sahara.Thus the General Assembly
has reserved to itselfthetask of determiningthemethods to beadopted for the

decolonizationoftheterritory in accordance with theprinciples of resolution
1514 (XV). But, before discharging that task, it felt the need to obtain an
advisory opinion of the Court on two questions which were regarded as
~reliminarv to the decisions to be taken.
Thequestionson which an advisoryopinion of theCourt isrequested relate
to the status of Western Sahara at a period in the past, defined as the timeof

its colonization by Spain. The Court is asked to answer first the question
whether, at that time, Western Sahara was a territory belonging to no-one
(terra nullius).In the event of its answer to that first question being in the
negative, it is asked to answer a second question, namely what the legal ties
were between the said territory and the Kingdom of Morocco and the
Mauritanian entity. Taken literally, those two questionsonly asked theCourt

to define the legal status of Western Sahara in an already distant past. The
Court is not called upon to lift its eyesto the present, still lessto the future. It111 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND. PETRÉN)

lointain. La Cour n'est pas appeléeà lever le regard vers le présentet encore
moins vers l'avenir. Ellen'est pas invitéeà tirer de ses recherches historiques
une conclusion juridique visant le Sahara occidental d'aujourd'hui ou de
demain.

Il ressort de ce que j'ai dit plus haut que, si tel étaitle sens des questions
poséesà la Cour, je ne leur verrais pas le caractère juridique exigépar
l'article 65,paragraphe 1,du Statut, car ellesn'appelleraient aucune réponse
portant sur 'lasolution d'un problème juridique actuel. Or, dans le présent
avis consultatif, la Cour définitles deux questions de manière à créer untel
lien avecl'actualité. Celaesténoncénotamment auxparagraphes 85et 161de

l'avis consultatif. La Cour y expose qu'en répondant à la requêtede
l'Assembléegénéraleelle doit indiquer si, au moment de sa colonisation, le
Sahara occidental avait, avec le Maroc et l'ensemble mauritanien, des liens
juridiques qui pourraient influersur la politiquàsuivre pour sa décolonisa-
tion. Puisla Cour s'acquitte de cettetâche,non pas dans ledispositif, mais au
paragraphe 162auquel ledispositif renvoie expressément.La Cour y énonce

qu'ellen'a pas constatél'existencede liensjuridiques de nature à influer sur
l'application de la résolution1514 (XV) de l'Assembléegénéralequant à la
décolonisation du Sahara occidental et en particulier sur l'application du
principe d'autodétermination grâce à l'expression libre et authentique de la
volontédes populations du territoire. C'est cette orientation du présent avis
consultatif qui lui confèreàmes yeux le catactère de réponseàune question

juridique au sensde l'article 65,paragraphe1,du Statut. Maisest-cevraiment
conforme à la requêtede l'Assembléegénérale?

Nous venons de dire qu'à la lettre les questions formuléesne demandent
pas à la Cour de définir une situation juridique actuelle. Tout au long de la
procédure,le Maroc et la Mauritanie ont fait valoir que la Cour n'était pas

invitéeàseprononcer sur l'effetde sesconstatations quant aux modalitésde
la décolonisationdu Sahara occidental. Selon cesdeux Etats, qui ont jouéun
rôle important pour la formulation et l'adoption de la résolution 3292
(XXIX), l'incidence qu'auraient éventuellementles conclusions de la Cour
sur la définition des modalités de la colonisation du Sahara occidental
relèverait entièrement des décisions de nature politique que l'Assemblée

générales'estréservée de prendre. Dans cesconditions, on peut se demander
si l'interprétation que la Cour a décidéde donner aux questions posées
correspond bien aux intentions de I'Assem6léegénérale ou sielle ne repré-
sente pas plutôt une nouvelle formulation de ces questions.

Quoi qu'ilen soit, je pensequecette orientation de l'avisconsultatif aurait

dû faire l'objet d'undélibéréet d'undeécisionau débutet non àl'extrêmefin
de la procédure. J'yvois un autre exemple de question préliminaire pouvant
surgir dans une affaireconsultativeet devant, àmes yeux,être traitée comme
telleet tranchéeavant l'ouverture définitivede toute procédure sur le fond. Il
me semble qu'en la présente affaire une telle organisation de la procédure
aurait été particulièrement indiquéepar égard pour les Etats représentés WESTERN SAHARA (SEP. P.PETRÉN) 111

isnot asked to draw from its historicalresearchany legal conclusionrelating

to the Western Sahara of today or of tomorrow.

It follows fromwhat 1have said above that, ifsuch werethemeaning of the
questions put to the Court, 1 would not find they had the legal character
required by Article 65,paragraph 1,of the Statute, for they would not cal1for

any answerbearing on the solution of a legal problem of the present time. In
the present Advisory Opinion, however, the Court defines the two questions
in such a way asto create such a link with the present time. This isto befound
in inter aliaparagraphs 85 and 161 of the Advisory Opinion. The Court
explains there that in answeringthe request of the General Assembly it must

indicate whether at the time of itscolonization, Western Saharahad, with the
Kingdom of Morocco and the Mauritanian entity, such legal ties as may
affect the policy to be followed in its decolonization. Then the Court fulfils
that task, not in the operative part of its Advisory Opinion, but in paragraph
162,to which theoperative part expresslyrefers. There the Court states thatit
has not found legal ties of such a nature as might affect the application of

General Assembly resolution 1514 (XV) in the decolonization of Western
Sahara and, in particular, of the principle of self-determinationthrough the
free and genuineexpression of the willof the peoples of theterritory. It isthat
approach in the present Advisory Opinion which confers on it in my viewthe
character of an answer to a legal question within the meaning of Article 65,

paragraph 1,of the Statute. But is this really in harmony with the request of
the General Assembly?
1havejust observed that, taken literally, the questions asked do not cal1on
the Court to define a current legal situation. Throughout the proceedings,
Morocco and Mauritania have asserted that the Court was not asked to
pronounce on the effect its findings might have on the procedures for the

decolonization of Western Sahara. According to those two States, which
played an importantpart in the formulation and adoption of resolution 3292
(XXIX), the effect which the Court's conclusions might possibly have as
regards determination of the procedures for the decolonization of Western
Sahara is entirely a matter for the decisions of a political nature which the

General Assembly has reserved for itself. That being so, one may wonder
whether the interpretation which the Court has decided to give to the
questions put is in fact in accordance with the intentions of the General
Assembly, and whether it does not, rather, represent a new formulation of
those questions.
However that may be, 1think that this approach by the Advisory Opinion

shouldhave been the subject of a deliberation and adecision at thebeginning
and not right at the end of the proceedings. To me it is a further example of a
preliminary question which may arise in advisory proceedings and which
should, in my view, be treated as such and dealt with before the definitive
opening of any proceedingson the merits. It seemsto me that in the present
case to have organized the proceedings in that way would have beendevant la Cour, lesquels n'ont cesséde répéterque l'Assembléegénérale
n'avait nullement invitéla Cour à se prononcer sur l'effet éventuelde ses

constatations quant au processus de décolonisation. En ne dévoilant pas
qu'elle envisageaitde lefaire, laCour n'a pas faitcomprendreaux Etats dont
ils'agitl'intérêqtu'ilsavaient àexposerleurs vuessur cesujet.

Le point de savoir dans quelles conditions et dans quelle mesure des liens
juridiques passéspeuvent influencer la décolonisation d'un territoire me
semble relever d'un domaine encore mal exploré du droit international

contemporain. C'est pourquoi je trouve que la Cour n'aurait pas dû aborder
ces questions sans procéder à un examen de leurs aspects théoriques aussi
bien que pratiques. Force m'est de constater que le paragraphe 162de l'avis
consultatif ne porte pas la marque d'une telle analyse.

La participation des Etats intéresséa conféréà la présente procédureun
caractèretout àfait inaccoutumétendant àobscurir la différencede principe
entre lecontentieux et leconsultatif. Alors qu'enmatièrecontentieusela Cour
a devant elle des parties qui plaident leur cause et doivent apporter, le cas
échéant, despreuves à l'appui de leurs thèses, la procédure consultative

suppose que la Cour se procure elle-même lesrenseignements dont elle a
besoin, dans la mesure où les Etats ne les lui fournissent pas. Dans une
procédure contentieuse,si une partie n'arrive pas àjustifier une demande, la
Cour n'a qu'à la rejeter,tandis qu'en matière consultative la tâche de la Cour
ne se limitepas à évaluerla force probante des renseignements apportés par
des Etats, mais consiste àessayerde seformer une opinion àl'aidede tous les

élémentsd'information à sa portée.
En la présente affaire,l'Assembléegénéralee ,n formulant sa requêtepour
avis consultatif, a demandé expressément à l'Espagne, au Maroc et à la
Mauritanie de soumettre à la Cour tous renseignements ou documents
pouvant servir à éluciderles questions posées.Répondant à cette invitation,
ces trois Etats, auxquels s'estjointe l'Algérie,ont continué devant la Cour le

débatsur le Sahara occidental qu'ils avaient entaméà l'Assembléegénérale.
L'effeten a étéque la procédurea pris une allure beaucoup plus contentieuse
queconsultative. Ainsilestrois Etats ont-ilsprésentéàlaCour une abondante
documentation historiqueet cartographique dont lasignification afait l'objet
de nombreuses contestations. Les mêmesévénements,les mêmestraités,les
mêmesactes législatifset administratifs, les mêmesphénomènesreligieux,

culturels et linguistiques ont été présentéest interprétésde manières diffé-
rentes, souvent contradictoires. Sur maints points, la Cour a été invitée à
faire un choix entre des thèsesdifférentes.
Bien que ces divergences de vues entre les Etats intéressés n'aient pas
abouti àdes revendications de droits, la procédure s'estdéroulée commes'il
en avait été-ainsi.'activitéde la Cour en vuede seprocurer d'autres éléments

d'information que ceux qui avaient étémis à sa disposition par les Etats113 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND. PETRÉN)

intéresséss'enesttrouvéeréduite.Elle n'apaséprouvélebesoin de rechercher
d'autres renseignements que ceux qui lui étaient fournis par les Etats inté-
ressés.Elle ne s'estpas adjoint d'assesseursexperts en droit islamiqueou en

histoire de l'Afrique, commeson Statut lelui aurait permis. Il est notoire que
sa pratique interne ne prévoit pas la désignationdejuges rapporteurs.Certes
chaque juge a dû - dans les limites de ses connaissaficeslinguistiques- se
frayer un chemin à travers l'immense littérature qui existesur les questions
d'histoire africaine évoquéeestila pu fairepartàsescollèguesdesfruits deses

lectures.Il est néanmoinsfrappant que I'avisconsultatif soit fondépresque
exclusivement sur des documents et arguments présentés par les Etats
intéressés, lesquelssont retenus ou rejetésen fonction d'un examen des
preuves offertes. On ne trouve pas ici la zone d'incertitude dans laquelle un
avis consultatif devrait laisser les faits qui ne sont pas établis mais dont le
contraire n'est pas prouvé non plus.

Ce qui vient d'être développné'affectepas la compétencede la Cour pour
donner un avis consultatif sur desquestions qu'elledéfinitcommeelle l'afait
de celles qui lui ont étéposéespar l'Assembléegénérale. Resteà examiner
l'opportunitépour la Cour d'yrépondre.Un telexamen s'impose, àmesyeux,
avecuneacuitéparticulièreen cequiconcernelapremièredesdeuxquestions

adressées àlaCour, cellede savoir sileSahara occidental était,au moment de
sa colonisation par l'Espagne, un territoire sans maître (terra nullius).
Cette question est née d'undébatau commencementduquel on a contesté
la validité des titres de l'Espagne sur les différentes parties du Sahara
occidental. Que l'expression terra nulliusait pu faire son apparition dans ce
débat s'explique, puisque ce terme technique a servi, dans la doctrine, à

définir la légalitéde certains modes d'acquisition de territoire par: des
Puissances coloniales. Mais ce stade du débat sur le Sahara occidental est
maintenant dépasséL . a requêtepour avisconsultatif n'invite pas la Cour àse
prononcer sur la légitimitéde l'acquisition par l'Espagne de la souveraineté
sur le Sahara occidental. La question de savoir si ce territoire était terra
nulliusau moment de sa colonisation manque donc d'objet dans le contexte

de la présente affaire. Ce sur quoi l'Assembléegénéralea éprouvéle besoin
d'êtrerenseignéepar la Cour, c'est lebien-fondé desprétentionsdu Maroc et
de la Mauritanie dont l'un a fait valoir que la souveraineté sur le Sahara
occidental au moment de sa colonisation lui revenait, tandis que l'autre a
avancé qu'au mêmemoment ce territoire appartenait en CO-souveraineté à
une pluralité d'émirats etde confédérations tribales dénommée l'ensemble

mauritanien. Dans sa réponse à la première des questions posées par
l'Assembléegénéralel,'avisconsultatif passe àcôtéde cet objet de la requête.
C'est enéludant la questionde lasouverainetéque lesparagraphes 81et 82de
I'avisénoncentque le Sahara occidental n'était pas terra nulliuspuisqu'il y
avait dans ce territoire des tribus nomades ayant une organisation sociale et
politique. Cedernier fait n'ajamais étécontestépar l'Espagneet nedoit guère

être nouveau pourl'Assembléegénérale.diminished.The Court did not feel the need to seek other information than

that submitted to it by the interested States. It did not arrange for experts in
Islamic law or in thehistory of northern Africa to sit with it as assessors,asits
Statute would have allowed. It is common knowledge that its interna1
practice does not provide for the appointment ofjuges-rapporteurs. It istme
that each judge has had to stmggle-as far as his knowledge of languages
would allow - through the immense literature existing on the questions of

Africanhistory to which reference wasmade, and has been able to informhis
colleagues of the fruit of his reading. It is nevertheless striking that the
Advisory Opinion should bebased almost exclusivelyon the documents and
argumentssubmitted by theinterestedStates, which are accepted or dismissed
in the light of an examination of theevidenceadduced. One does not findhere
the margin of uncertainty in which an advisory opinion ought to leave the

facts which haveneither been proved nor disproved.
*

Whathas just been expounded does not affectthecompetence of the Court
to give an advisory opinion on questions defined by it in the way in which it
has defined those put to it by the General Assembly. There remains the
question of the propriety of the Court's answering them. The need to go into

that question is, in my view,particularly acute as regards the first of the two
questionsput to the Court, namely whether Western Sahara was, at the time
of colonization by Spain, a territory belonging to no-one (terra nullius).
This question originated in a debate at the beginning of which the validity
of Spain's titles to various parts of Western Sahara had been contested. It is
understandable that theterm terra nulliusshould havemade itsappearance in

that debate, since that technicaltermhas been used bylegal writers, to define
the legality of certain ways in which colonial Powers acquired territory. But
that phase of the debate on Western Sahara is now over. The request for an
advisoryopinion does not ask the Court to state itsviewasto the lawfulness
of the acquisition by Spain of sovereignty overWestern Sahara.Thequestion
of whether the territory was terra nullius at the time of colonization is thus

withoutobject in the context of the present case.What the General Assembly
feltthe need to be informed about by the Court wasthe validity of the claims
of Morocco and Mauritania, of which one claimed that it had sovereignty
over Western Sahara at the time of colonization, whereas the other asserted
that at that timethe territory belonged in CO-sovereigntyto an assemblage of
emirates and tribal confederations called the Mauritanian entity. In its

answer to the firstof thequestionsput by theGeneral Assembly,the Advisory
Opinion sidesteps that object of the request. Paragraphs 81 and 82 of the
Opinion evade the question of sovereignty when they state that Western
Sahara was not terra nulliussince there were in that territory nomadic tribes
having a social and political organization. This latter fact has never been
disputed by Spain and will hardly be news to the General Assembly.114 SAHARAOCCIDENTAL(OP.IND.PETRÉN)

Vu ce qui précède,je trouve inutile et en conséquenceinopportun pour la
Cour de répondreà la première des deux questions posées.
En ce qui concerne la seconde question, lescirconstances sont différentes.
Portant sur les liens juridiques ayant éventuellement existéentre le Sahara
occidental et le Maroc ou l'ensemblemauritanien, ellecouvre le problèmede
lasouveraineté.Amesyeux,c'estessentiellement sur cepoint que l'Assemblée

généralea besoin d'êtrerenseignée.C'est pourquoi je trouve opportun de
répondreà la seconde question.
La réponsede la Cour à cette question est donnée au paragraphe 162de
l'avisconsultatif. La partie essentiellede ceparagraphe estla conclusion de la
Cour selon laquelle les éléments et renseignements portésà sa connaissance

n'établissent l'existence d'aucun lien de souveraineté territoriale entre le
territoire du Sahara occidental d'une part et le Royaume du Maroc et
I'ensemblemauritanien d'autre part. Je ne crois pas possible d'arriver àune
autre conclusion sur la base des élémentsdont dispose la Cour. Je suis donc
d'accord égalementavecladernière phrase duparagraphe 162,selon laquelle
la Cour n'a pas constatéI'existencede liensjuridiques de nature à influer sur

l'application de la résolution1514(XV) quant àla décolonisation duSahara
occidental et en particulier sur l'application du principe d'autodétermination
grâce à l'expression libre et authentique de la volonté des populations du
territoire. Je crois utile de signaler que cette phrase n'indique pas quel effet
aurait eu sur la décolonisation du Sahara occidental un prononcé dela Cour

constatant I'existenced'anciens liens de souverainetéentre ce territoire et le
Maroc ou I'ensemblemauritanien.
A mes yeux, les constatations faites dans les deux dernières phrases du
paragraphe 162 sufisent pour répondre à la question de l'Assemblée géné-
rale, qui ne vise que I'existence de liensjuridiques passésmaispouvant per-
mettre aujourd'hui au Maroc ou à la Mauritanie de formuler des demandes

concernant la décolonisation du Sahara occidental. Le début du para-
graphe 162 contient cependant deux déclarations auxquelles je ne saurais
souscrire car, à mes yeux, elles sont superflues et dépassent l'objectif de la
requêtepour avis consultatif. La Cour énonceque les élémentset renseigne-
ments portés à sa connaissance montrent l'existence de liens juridiques
d'allégeanceentre le sultan du Maroc et certaines des tribus vivant sur le

territoire du Sahara occidental, ainsi que I'existence de droits, y compris
certains droits relatifs à la terre, qui constituaient des liensjuridiques entre
l'ensemblemauritanien, au sensoù la Cour l'entend, et leterritoire du Sahara
occidental. Pour ma part, je doute que les élémentsdont dispose la Cour lui
permettent de se prononcer aussicatégoriquement. La portéede la première

déclaration dépend en tout cas d'une analyse de la signification réellede
l'allégeance invoquéeet d'une identification exacte des tribus qui la recon-
naissaient et des parties du Sahara occidental où elles se trouvent. L'une et
l'autre sont absentes du présent avis consultatif.
D'autre part lesliensayant existéentre leterritoire du Sahara occidental et
I'ensemblemauritanien sont certainement nombreux et importants, mais on

ne saurait lesconsidérercommedesliensjuridiques entre eux.C'estsurtout la WESTERNSAHARA(SEP.OP.PETRÉN) 114

In view ofthe foregoing,1find it pointless and consequently inappropriate

for the Court to answer the first of the two questions put.
Asregards the secondquestion, thecircumstances are different. Relating as
it does to the legal tieswhich may have existed between WesternSahara and
Morocco or the Mauritanian entity, it covers the problem of sovereignty. In
my view,it is essentially on that point that the General Assembly needs
enlightenment. That is why 1find it proper to answerthe second question.

The answer of theCourt to that question is given in paragraph 162 of the
Advisory Opinion. The essential part of that paragraph is the Court's
conclusion that the materials and information presented to it do not establish
any tieof territorial sovereignty between the territory of Western Sahara and

the Kingdom of Morocco and the Mauritanian entity. 1do not believe it
possible to arrive at any other conclusion on the basis of the information
available to theCourt. 1am therefore also in agreement with the lastsentence
of paragraph 162,according to which the Court has not found legal ties of
such a nature as might affect the application of resolution 1514 (XV) in the
decolonization of Western Sahara and, in particular, of the principle of

self-determination through the free and genuine expression of the willof the
peoples of the territory.feel it isas wellto point outthat this sentence does
not indicate what would have been the effect on the decolonization of
Western Sahara of a pronouncement by theCourt establishing the existence
of former ties of sovereignty between that territory and Morocco or the

Mauritanian entity.
In my view,the findings stated in the last two sentences of paragraph 162
sufficeto answer the General Assembly'squestion, which only relates to the
existenceof legal ties whichbelong to the past but which are such as to allow
Morocco or Mauritania now to make claims concerning the decolonization
of Western Sahara. The beginning of paragraph 162,however, contains two

statements to which 1cannot subscribe, for in my viewthey are superfluous
and go beyond the purpose of the request for an advisory opinion.The Court
Statesthat thematerials and information presented to it show the existenceof
legal ties of allegiance between the Sultan of Morocco and some of the
nomadic tribes found in the territory of Western Sahara, together with the

existence of rights, including certain rights relating to the land, which
constitute legal ties between the Mauritanian entity, as understood by the
Court, and the territory of Western Sahara. For mypart, 1doubt whether the
information available to the Court allows it to make such a categorical
assertion. The effect of the firststatementpends in any caseon an analysis
of the real significance of the allegiance mentioned, and on an exact

identification of the tribes acknowledging it and of the parts of Western
Sahara inhabited by them. No such analysis or identification are to be found
in the Advisory Opinion.
Furthermore, the ties which existed between the territory of Western
Sahara and the Mauritanian entity were certainly numerous and important,

but one could not regard them as legal ties between them. Mauritania's115 SAHARA OCCIDENTAL(OP. IND. PETRÉN)

contribution de la Mauritanie à la procédure qui a démontrél'existence, à
l'époqueviséepar la requêtepour avis consultatif, d'un genre de vie et d'un

riche héritageculturelcommuns àune pluralitéde tribusnomadisant dans de
vastes territoires de l'Afrique du Nord-Ouest compris aujourd'hui dans le
Sahara occidental et dans les Etats voisins, notamment la Mauritanie. Que
des tribus distinctes aient la mêmereligion, la même langue,la même
structure sociale et politique, le mêmemode de vie et les mêmestraditions
littéraires, musicales etartistiques ne signifie pas qu'elles soient soudées en

une entitéétatique.Certes, cegenre de liensnon juridiques pourraient donner
lieu à l'établissementde liensjuridiques représentant la création d'une telle
entité,maispareilleévolutionnes'estpasproduite en cequiconcerne le Bilad
Chinguiti, dénomination traditionnelle des territoires où se retrouvent les
tribus précitées. ela n'empêchepas que l'Assembléegénéralepuissetrouver
approprié de tenir compte des facteurs non juridiques ci-dessus évoqués,
lorsqu'elle déterminera les modalitésde la décolonisation du Sahara occi-

dental, maissesdécisionsàcetégardauront un caractère purement politique.
Il ne revient donc pas à la Cour de se prononcer à ce sujet.
C'estpourquoi je trouve que la premièrepartie du paragraphe162 de l'avis
consultatif n'aurait pas dû y figurer, d'autant moins que la requêtepour avis
consultatif ne sauraitêtreinterprétéecomme ayant invitéla Cour àconstater
l'existence de liens entre le territoire du Sahara occidental et le Maroc ou

l'ensemblemauritanien autres que les liensjuridiques qui pourraient influer
sur l'application de la résolution 1514 (XV) à la décolonisation de ce
territoire.

(SignéS ). PETREN. WESTERNSAHARA (SEP.OP.PETRÉN) 115

contribution to the proceedings, in particular, showed the existence, at the
period referred to by the request for an advisory opinion, of a way of lifeand

a rich cultural heritage common to alargenumber of tribesleading anomadic
existence in vast territories of north-west Africa included today in Western
Sahara and intheneighbouring States, Mauritania in particular. The fact that
distinct tribes have theame religion,the same language, the same social and
political structure, theame mode of life and the same literary, musical and
artistic traditions does not mean that they are welded together in a State

entity. It is true that non-legal ties of that kind could give rise to the
establishment of legal tiesamounting to the creation of such an entity, but no
such development took place with regard to the Bilad Shinguitti, the
traditional appellation of the territories where the said tribes were to be
found. That does not mean that the General Assembly may not find it

appropriateto takeintoaccountthe non-legal factors mentioned above when
it is determining the procedures to be followed in the decolonization of
Western Sahara, but its decision in that connection will be of a purely
political character. It is thus not for the Court to pronounce thereon.
That is why 1 find that the first part of paragraph 162 of the Advisory
Opinion should not have been included, particularly as the request for an

advisory opinion did not ask the Court for any finding on theexistence of ties
between the territory of Western Sahara and Morocco or the Mauritanian
entity other than such legal ties as might affect the future application of
resolution 1514 (XV;! in the decolonization of the territory.

(Signed) S. PETREN.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Petrén

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