Opinion individuelle de M. Ago

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072-19870527-ADV-01-04-EN
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072-19870527-ADV-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. AG0

1. Je ne saurais commencer les quelques brèvesconsidérationsque je
joins àl'avisconsultatif rendu par la Cour en laprésente affairesansindi-
quer au préalablequela lecture dujugement no333du Tribunal adminis-
tratif des Nations Unies n'a pas produit en moi la même impressionde
clartéque m'avaitdonnéel'examend'autres jugements de la mêmehaute
juridiction. Cette lecture ne m'a pas non plus laissépleinement assuré
que, dansle cas concret, toute la lumière voulueait étéfaiteaux fins de la
réalisationd'une parfaitejustice. Maison pourrait m'opposer avecraison
quede telles impressions n'ont pas de véritablerapport avecla tâche res-
treinte qui seuleestconfiéeàla Cour enl'espèce. C'estpourquoi, je m'em-

presse d'ajouter que les prémissesqueje viens de poser ne m'empêchent
pas de préciserqueje nevoispas de raison suffisante pourme dissocier de
la réponsenégativeque la Cour a estimé devoirdonner aux deux ques-
tions à elle poséespar le Comitédes demandes de réformationde juge-
ments du Tribunal administratif.
2. J'estime aussi que le Tribunal n'a en réalitépas manqué de faire
connaître sa penséesur la question figurant au point 1 de la demande
d'avis, mêmes'il l'a fait d'une manière implicite plutôt que directe et
spécifique, etqu'il n'y a donc pas de motif de retenir le grief d'«omis-
sion d'exercice de juridiction)) de la part du Tribunal. Cette conclu-
sion me paraît d'ailleurs confirméepar la considérationque la véritable
demande avancéepar lerequérantneconcernait pas tellement la question
de savoir si oui ou non le Tribunal s'étaitprononcésur l'existence d'un
éventuel obstaclejuridique a son engagement aux Nations Unies, mais
plutôt celle de savoir si,d'aprèsleTribunal, l'administration des Nations

Unies avait ou non fait bénéficier lerequérant de la résolution 37/126
(sect. IV,par.5),en prenant en considérationéquitablementsademande
tendant a obtenir une nomination de carrière. La réponse à la première
question découlaiten quelque sorte automatiquement de celle qui était
donnée à la seconde. Sur celle-ci le Tribunal s'est indéniablement pro-
noncé, aprèsavoir préciséque, d'après lui, ledéfendeuravait le pouvoir
exclusif de déciderce qui constituait une «prise en considération équi-
table»,en concluant que, dans l'exercice régulierde son pouvoir discré-
tionnaire, le défendeuravait pris équitablement en considérationle cas
du requérant auxfins d'une nomination de carrière et qu'il avait adopté
a ce propos une conclusion négativeque le Tribunal a estiméeirrépro-
chable.Or, quoique l'on puissepenser du bien-fondéde cetteconclusion,
quels que soient le regret que l'on peut avoirpour la relative fragilitéde
l'argumentation produite à son appui et la perplexitéque peuvent engen-

drer les divergences qui se sont manifestéessur certains aspects entre lestrois membres du Tribunal, je reconnais que la Cour n'a pas à exprimer
de jugement là-dessus. Dans les limites étroitesde sa compétence,elle
doit seulement dire si, à son avis, le Tribunal a jugéou a manqué de

juger, etje n'estime pas que l'on puisse conclure autrement qu'en recon-
naissant qu'ilajugé.
3. D'autre part, je ne saurais non plus me dissocierdela conclusion de
laCour à propos de laquestiondes «erreurs dedroitconcernant lesdispo-
sitions de la Charte des Nations Unies» que le Tribunal administratif
aurait pu commettre dans son jugement no 333. Là aussi, à la réflexion,
j'en suis venu àpartager l'avisque la réponse doit êtrenégative.Dans ce
contexte spécifique, un point avait initialement retenu mon attention et
continued'ailleurs de laretenir.Ils'agitdupassagedujugement no333du
Tribunal où cedernier a estiméopportun de reproduire à nouveaula cita-
tion - faite dans sonjugement no326 - d'une opinion expriméeen 1953
parun délégué au seinde laCinquièmeCommission de l'Assembléegéné-

rale et que,sansjustification apparente, je pense, leTribunal a considérée
commelargementrépandue. Le présentavis de la Cour fait àce sujetdes
remarques qui me paraissent rétablir la vérité.J'estime, pour ma part,
qu'un examen plus approfondi aurait dû révéler au Tribunal que, vu les
termes dans lesquels elle avait étéformulée,unetelle opinion ne saurait
être considéréc eomme compatible avec la prescription de l'article 100,
paragraphe 2, de laCharte ni d'ailleurs avec la notion mêmede fonction
publique internationale.Jepuiscomprendre lesappréhensions que,surce
point, lejugement du Tribunal administratif a pu susciterauprès du per-
sonnel. Mais quoi qu'il en soit, ce qui me paraît déterminant, c'estque le
Tribunal, dans sonjugement no333,ne mesembleavoirtiré de l'opinion
à laquelle il s'est réféaucune conséquenceconcrètement applicable au

cas d'espèce et préjudiciable au requérant. Or il me paraît clair que le
statut du Tribunal administratif, en prévoyant comme motif possible de
réformationd'unjugement duTribunal uneerreur de droitconcernant les
dispositions de la Charte, ne peut avoir eu en vue que les hypothèses où
l'erreur dénoncée auraiteu une influence déterminante sur le contenu
concretd'une conclusion dujugement contraire àunedemandedu requé-
rant. Dans la présente affaire, tel ne me paraît pas avoir le cas.

4. Ayant dit ce qui précède,je voudrais maintenant profiter de l'occa-
sionqui m'estdonnéepour formuler une observation de principe qui tra-
vaille mon esprit depuis longtemps.Je voudrais exprimer le sentiment de
relative insatisfaction quej'éprouve - pas plus d'ailleurs dans l'affaire

actuellement considérée quedans d'autres qui l'ont précédée - chaque
fois que la Cour est requise de donner un avis dans le cadre d'une procé-
durede réformationd'une décisiondu Tribunal administratifdesNations
Unies ou d'autres tribunaux similaires.Je ne peux en effet pas m'empê-
cher de penser que la Cour n'estpas vraiment àson aise lorsqu'on lui de-
mande de se prononcer dans des cas de ce genre. Elle est comme prise
entre deux exigences opposées. D'une part, elle doit rigoureusement
éviterde se laisseramener à exercer si peu que ce soit des fonctions quipourraient relever d'une cour administrative d'appel, mais qui seraient

absolumentincompatiblesavecsanature d'organejudiciaire suprêmedes
Nations Unies chargédejuger desdifférendsde droit international entre
les Etats. D'autre part, il m'apparaît indéniable que les limites étroites
entre lesquelles lestextesstatutaires et notamment ceux du statut du Tri-
bunal administratifdes Nations Unies circonscrivent - etbien à propos,
je m'empresse de le dire- lespossibilitésd'appréciationde la Cour dans
lesaffairesqu'on luisoumet sont telles qu'elles nelamettentguèreen me-
sure d'exercer une influence concrète décisiveaux fins de la réalisation
d'une véritablejustice administrative.
5. La nécessitéde parer auxinconvénientsquipeuventnaître desdéci-
sions du Tribunal administratif créépour sauvegarder le respect du droit
dans lesrapports réciproquesde l'administration desNations Unies et de

son personnel est apparue dèsle débutaux promoteurs de cetteinstance
judiciaire essentielle. C'estpour cela qu'une procédurede réformationa
été envisagéeem t ise en Œuvre. Maison peut se demander si cetteprocé-
dure, indéniablementcomplexeet comportant l'intervention successiveet
conjointe de deux hautes instances, est celle qui répondle mieux aux ob-
jectifs concretspoursuivis.L'organe que lesystèmeainsiconçu metimmé-
diatement àla disposition de la partie qui s'estime léear un jugement
du Tribunal administratif est le Comitédes demandes de réformationde
jugements du Tribunal administratif. Font partie de ce Comitéles repré-
sentants de tous les Etats Membres du bureau de la dernière en date des
sessionsordinaires de l'Assemblée.Cettecompositionextrêmementlarge
et le type de procédure que le Comitéapplique aux fins de décisions à

prendre n'évoquentpas tellementla composition et la procédure d'un or-
ganechargéd'exercer descompétencesjudiciaires. Pourtant ce sontbien
des fonctionsjudiciaires, ou tout au moins quasijudiciaires, qui lui sont
confiées,tellesque :a)trier etexaminer lesdemandesreçues tendant à une
réformationdejugements du Tribunal administratif; b)décidersi oui ou
non ces demandes de réformation ((reposent sur des bases sérieusesD;
c) choisir, parmi les différentsmotifs de recours prévuspar le statut du
Tribunal administratif, ceux qu'il estime applicables en l'espèce,en pre-
nant sur lui d'exclure définitivementles autres;)demander, sitel lui pa-
raît êtrele cas, un avis consultatif la Cour internationale de Justiceà
propos des motifsretenus.D'autre part, lacompétenceattribuée à la Cour

de donner, àla suite d'une telle demande,un avis consultatif audit Co-
mité estforcémentlimitée à certains aspects de droit bien définis,et nul
parmi ceux qui ont le souci de ne pas altérerla nature desfonctions de la
Cour ne sauraitsérieusementpenser à étendreceslimites.Je dis cela sans
nullement meprononcer sur cequ'ilpeut y avoir pour lemoins d'étrange,
en termes de logiquejuridique, dans une procédure qui consiste à de-
mander à un tribunal de statuer par voie d'avis consultatif sur une déci-
sionrendue par un autre tribunal. 6. Ce qui me paraît surtout irnportant, c'est de souligner certaines
conséquencesdecettesituation d'ensemble. Ils'ensuitpresque inévitable-
ment que lesjugements duTribunal administratif échappentendéfinitive
à toute véritablepossibilitéde réformationparla voiejudiciaire, non seu-
lement pour ce qui concerne leurs aspects de droit qui dépassentles li-
mites de la compétence consultative de la Cour, mais surtout pour leurs
aspects de fait souvent trèsimportants. On ne saurait donc dire, mon
avis, que le systèmeéchafaudé ait complètementrépondu aux exigences
d'un systèmedejustice administrative qui soitvraimentsatisfaisant et qui

garantisse pleinement, comme il se doit etla fois, les exigences de l'in-
térêt suprêmdee l'organisation et les positionsjuridiques légitimesdes
personnes qui sont à son service. C'estpour ces raisons que j'ai toujours
estimé et queje continue d'estimer que le vrai remèdeaux inconvénients
indiquésne saurait êtreque l'introduction d'un deuxième degréde juri-
diction administrative. autrement dit la création d'unecourom~étente
pour revoir lesdécisionsdu tribunal de premièreinstance,sous tohs leurs
aspects defaitcomme dedroit, etpour redresser etcorriger, lecaséchéant,
les vices éventuelsqu'elles pourraient contenir. Je ne manquerai pas de
relever que cette cour de deuxième instance pourrait exercer sa compé-
tence àl'égarddes décisionsde tous lestribunaux administratifs existant
dans le cadre des diverses organisationsinternationales et réaliser ainsi,
cetéchelonplusélevé,cette unitédejuridiction qu'ilaparu jusqu'ici diffi-

cile d'établirau premier échelon.
7. Pour conclure ces quelques remarques, j'exprimerai le vŒuque les
organes compétents des Nations Unies consacrent leur attention à ces
problèmeset surtout qu'ilsaient unjour lavolonténécessaire etdisposent
des moyens voulus pour réaliserune réformeadéquatedu systèmeen vi-
gueur.

(SignR é)berto AGO.

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OPINION INDIVIDUELLE DE M. AG0

1. Je ne saurais commencer les quelques brèvesconsidérationsque je
joins àl'avisconsultatif rendu par la Cour en laprésente affairesansindi-
quer au préalablequela lecture dujugement no333du Tribunal adminis-
tratif des Nations Unies n'a pas produit en moi la même impressionde
clartéque m'avaitdonnéel'examend'autres jugements de la mêmehaute
juridiction. Cette lecture ne m'a pas non plus laissépleinement assuré
que, dansle cas concret, toute la lumière voulueait étéfaiteaux fins de la
réalisationd'une parfaitejustice. Maison pourrait m'opposer avecraison
quede telles impressions n'ont pas de véritablerapport avecla tâche res-
treinte qui seuleestconfiéeàla Cour enl'espèce. C'estpourquoi, je m'em-

presse d'ajouter que les prémissesqueje viens de poser ne m'empêchent
pas de préciserqueje nevoispas de raison suffisante pourme dissocier de
la réponsenégativeque la Cour a estimé devoirdonner aux deux ques-
tions à elle poséespar le Comitédes demandes de réformationde juge-
ments du Tribunal administratif.
2. J'estime aussi que le Tribunal n'a en réalitépas manqué de faire
connaître sa penséesur la question figurant au point 1 de la demande
d'avis, mêmes'il l'a fait d'une manière implicite plutôt que directe et
spécifique, etqu'il n'y a donc pas de motif de retenir le grief d'«omis-
sion d'exercice de juridiction)) de la part du Tribunal. Cette conclu-
sion me paraît d'ailleurs confirméepar la considérationque la véritable
demande avancéepar lerequérantneconcernait pas tellement la question
de savoir si oui ou non le Tribunal s'étaitprononcésur l'existence d'un
éventuel obstaclejuridique a son engagement aux Nations Unies, mais
plutôt celle de savoir si,d'aprèsleTribunal, l'administration des Nations

Unies avait ou non fait bénéficier lerequérant de la résolution 37/126
(sect. IV,par.5),en prenant en considérationéquitablementsademande
tendant a obtenir une nomination de carrière. La réponse à la première
question découlaiten quelque sorte automatiquement de celle qui était
donnée à la seconde. Sur celle-ci le Tribunal s'est indéniablement pro-
noncé, aprèsavoir préciséque, d'après lui, ledéfendeuravait le pouvoir
exclusif de déciderce qui constituait une «prise en considération équi-
table»,en concluant que, dans l'exercice régulierde son pouvoir discré-
tionnaire, le défendeuravait pris équitablement en considérationle cas
du requérant auxfins d'une nomination de carrière et qu'il avait adopté
a ce propos une conclusion négativeque le Tribunal a estiméeirrépro-
chable.Or, quoique l'on puissepenser du bien-fondéde cetteconclusion,
quels que soient le regret que l'on peut avoirpour la relative fragilitéde
l'argumentation produite à son appui et la perplexitéque peuvent engen-

drer les divergences qui se sont manifestéessur certains aspects entre les SEPARATE OPINION OF JUDGE AG0

[Translation]

1. 1 cannot begin these few brief comments which 1 am appending
to the Advisory Opinion rendered by the Court in the present case
without first stating that1 did not, in perusing Judgement No. 333 of

the United Nations Administrative Tribunal, receive the same impres-
sion of clarity and exhaustiveness as 1have previously had in studying
other judgements of that Tribunal. Nor did this perusal satisfy me
that, in this particular case, the proper degree of elucidation which
must accompany the quest for full justice took place. Against this it
might reasonably be argued that such impressions are not actually
relevant to the Court's strictly defined task in this case. Accordingly1
hasten to stress that, despite these preliminary remarks, 1find no suffi-
cient cause to dissociate myself from the negative answers which the
Court has considered it necessary to give to both questions put to it by
the Committee on Applications for Review of Administrative Tribunal
Judgements.
2. 1 also consider that the Tribunal did not, in fact, omit to indicate
its line of thought regarding the question contained in paragraph 1 of
the request for advisory opinion, even if it did so implicitly ratheran

directly and specifically, and that there are therefore no grounds for
upholding the complaint of "failure to exercise jurisdiction" on the
Tribunal's part. Moreover, 1find this conclusion borne out by the fact
that the question really involved in the Applicant's claim was not so
much whether the Tribunal had ruled upon the existence of any legal
impediment to his employment with the United Nat,ions as whether, in
the Tribunal's view, the United Nations administration had extended
to the Applicant the benefit of resolution 37/126 (sec. IV, para. 5) by
giving reasonable consideration to his application for a career appoint-
ment. The answer to the first question followed, as it were, automati-
cally from the answer to the second. Now, the Tribunal undoubtedly
did rule upon the latter question, in that it first explained that, in its
view, the Respondent had sole authority to decide what constituted
"reasonable consideration" and then concluded that the Respondent,
in the proper exercise of his discretion, had given reasonableconsider-

ation to the Applicant's case for the grant of a career appointment,
reaching however a negative conclusion which the Tribunal found un-
impeachable. ,matever one may think of the soundness of this con-
clusion, and however much one may regret the relative fiimsiness of
the arguments produced in its support and the perplexity likely to be
occasioned by the conflicting views expressed on certain points by the
three members of the Tribunal, 1 realize that it is not for the Court totrois membres du Tribunal, je reconnais que la Cour n'a pas à exprimer
de jugement là-dessus. Dans les limites étroitesde sa compétence,elle
doit seulement dire si, à son avis, le Tribunal a jugéou a manqué de

juger, etje n'estime pas que l'on puisse conclure autrement qu'en recon-
naissant qu'ilajugé.
3. D'autre part, je ne saurais non plus me dissocierdela conclusion de
laCour à propos de laquestiondes «erreurs dedroitconcernant lesdispo-
sitions de la Charte des Nations Unies» que le Tribunal administratif
aurait pu commettre dans son jugement no 333. Là aussi, à la réflexion,
j'en suis venu àpartager l'avisque la réponse doit êtrenégative.Dans ce
contexte spécifique, un point avait initialement retenu mon attention et
continued'ailleurs de laretenir.Ils'agitdupassagedujugement no333du
Tribunal où cedernier a estiméopportun de reproduire à nouveaula cita-
tion - faite dans sonjugement no326 - d'une opinion expriméeen 1953
parun délégué au seinde laCinquièmeCommission de l'Assembléegéné-

rale et que,sansjustification apparente, je pense, leTribunal a considérée
commelargementrépandue. Le présentavis de la Cour fait àce sujetdes
remarques qui me paraissent rétablir la vérité.J'estime, pour ma part,
qu'un examen plus approfondi aurait dû révéler au Tribunal que, vu les
termes dans lesquels elle avait étéformulée,unetelle opinion ne saurait
être considéréc eomme compatible avec la prescription de l'article 100,
paragraphe 2, de laCharte ni d'ailleurs avec la notion mêmede fonction
publique internationale.Jepuiscomprendre lesappréhensions que,surce
point, lejugement du Tribunal administratif a pu susciterauprès du per-
sonnel. Mais quoi qu'il en soit, ce qui me paraît déterminant, c'estque le
Tribunal, dans sonjugement no333,ne mesembleavoirtiré de l'opinion
à laquelle il s'est réféaucune conséquenceconcrètement applicable au

cas d'espèce et préjudiciable au requérant. Or il me paraît clair que le
statut du Tribunal administratif, en prévoyant comme motif possible de
réformationd'unjugement duTribunal uneerreur de droitconcernant les
dispositions de la Charte, ne peut avoir eu en vue que les hypothèses où
l'erreur dénoncée auraiteu une influence déterminante sur le contenu
concretd'une conclusion dujugement contraire àunedemandedu requé-
rant. Dans la présente affaire, tel ne me paraît pas avoir le cas.

4. Ayant dit ce qui précède,je voudrais maintenant profiter de l'occa-
sionqui m'estdonnéepour formuler une observation de principe qui tra-
vaille mon esprit depuis longtemps.Je voudrais exprimer le sentiment de
relative insatisfaction quej'éprouve - pas plus d'ailleurs dans l'affaire

actuellement considérée quedans d'autres qui l'ont précédée - chaque
fois que la Cour est requise de donner un avis dans le cadre d'une procé-
durede réformationd'une décisiondu Tribunal administratifdesNations
Unies ou d'autres tribunaux similaires.Je ne peux en effet pas m'empê-
cher de penser que la Cour n'estpas vraiment àson aise lorsqu'on lui de-
mande de se prononcer dans des cas de ce genre. Elle est comme prise
entre deux exigences opposées. D'une part, elle doit rigoureusement
éviterde se laisseramener à exercer si peu que ce soit des fonctions quimake any finding upon it. Within the narrow bounds of its compe-
tence, al1the Court has to state is whether, in its opinion, the Tribunal
did or did not exercise itsjurisdiction, and 1do not think it possible to
reach any conclusion other than that it did.

3. Nor can 1 dissociate myself from the Court's conclusion on the
question whether errors were made by the Administrative Tribunal, in
its Judgement No. 333, on "questions of law relating to provisions of
the Charter of the United Nations". Here again, on reflection, 1 have
come to endorse the view that the answer must be in the negative. In
this particular connection, there is one point which caught my atten-
tion from the start, and still preoccupies me: the passage in Judge-
ment No. 333 where the Tribunal saw fit to quote once more - as it
had done in its Judgement No. 326 - an opinion expressed in 1953

by a delegate to the Fifth Committee of the General Assembly, one
which the Tribunal, 1 believe without any clear justification, con-
sidered to be widely held. The Court's present Opinion includes some
observations on this point which, 1feel, constitute a proper corrective.
1 believe that a more thorough examination would and should have
led the Tribunal to realize that, as articulated, such an opinion could
not be deemed compatible with the requirement laid down in Arti-
cle 100,paragraph 2, of the Charter, nor indeed with the very concept
of an international civil service. 1 find it understandable that the
Judgement of the Administrative Tribunal should have excited concern
among the staff on this point. But however that may be, it is 1 think
crucial that the Tribunal, in its Judgement No. 333, does not appear
to have drawn from the opinion in question any inferences of concrete
relevance to the case in point and actually prejudicial to the Applicant;
Statute of the Administrative
for it seems clear to me that. where the
Tribunal provides as a possible ground for review of a Tribunal judge-
ment an error of law relating to the provisions of the Charter, it can
only have contemplated situations in which the alleged error would have
had a decisive impact on the actual substance of a finding counter to a
plea of the applicant's. No such situation seems to have arisen in the
present case.
4. Having said that, 1 now wish to take advantage of the opportu-
nity afforded me to stress a point of principle by which 1 have long
been exercised. 1 must Say that 1 have always felt some dissatisfac-
tion - although no more in the case now in question than in previous
ones - whenever the Court has been called upon to give an opinion
in the context of proceedings for review of a decision of the United
Nations Administrative Tribunal or of other similar tribunals. This
is because such requests, or so 1 cannot help feeling, place the Court

in an uncomfortable position. It is, so to speak, caught betweentwo con-
flicting requirements. On the one hand, it must scrupulously avoid the
temptation to carry out any of the functions which might be proper to
an administrative appeal court, but which would be wholly incompatiblepourraient relever d'une cour administrative d'appel, mais qui seraient

absolumentincompatiblesavecsanature d'organejudiciaire suprêmedes
Nations Unies chargédejuger desdifférendsde droit international entre
les Etats. D'autre part, il m'apparaît indéniable que les limites étroites
entre lesquelles lestextesstatutaires et notamment ceux du statut du Tri-
bunal administratifdes Nations Unies circonscrivent - etbien à propos,
je m'empresse de le dire- lespossibilitésd'appréciationde la Cour dans
lesaffairesqu'on luisoumet sont telles qu'elles nelamettentguèreen me-
sure d'exercer une influence concrète décisiveaux fins de la réalisation
d'une véritablejustice administrative.
5. La nécessitéde parer auxinconvénientsquipeuventnaître desdéci-
sions du Tribunal administratif créépour sauvegarder le respect du droit
dans lesrapports réciproquesde l'administration desNations Unies et de

son personnel est apparue dèsle débutaux promoteurs de cetteinstance
judiciaire essentielle. C'estpour cela qu'une procédurede réformationa
été envisagéeem t ise en Œuvre. Maison peut se demander si cetteprocé-
dure, indéniablementcomplexeet comportant l'intervention successiveet
conjointe de deux hautes instances, est celle qui répondle mieux aux ob-
jectifs concretspoursuivis.L'organe que lesystèmeainsiconçu metimmé-
diatement àla disposition de la partie qui s'estime léear un jugement
du Tribunal administratif est le Comitédes demandes de réformationde
jugements du Tribunal administratif. Font partie de ce Comitéles repré-
sentants de tous les Etats Membres du bureau de la dernière en date des
sessionsordinaires de l'Assemblée.Cettecompositionextrêmementlarge
et le type de procédure que le Comitéapplique aux fins de décisions à

prendre n'évoquentpas tellementla composition et la procédure d'un or-
ganechargéd'exercer descompétencesjudiciaires. Pourtant ce sontbien
des fonctionsjudiciaires, ou tout au moins quasijudiciaires, qui lui sont
confiées,tellesque :a)trier etexaminer lesdemandesreçues tendant à une
réformationdejugements du Tribunal administratif; b)décidersi oui ou
non ces demandes de réformation ((reposent sur des bases sérieusesD;
c) choisir, parmi les différentsmotifs de recours prévuspar le statut du
Tribunal administratif, ceux qu'il estime applicables en l'espèce,en pre-
nant sur lui d'exclure définitivementles autres;)demander, sitel lui pa-
raît êtrele cas, un avis consultatif la Cour internationale de Justiceà
propos des motifsretenus.D'autre part, lacompétenceattribuée à la Cour

de donner, àla suite d'une telle demande,un avis consultatif audit Co-
mité estforcémentlimitée à certains aspects de droit bien définis,et nul
parmi ceux qui ont le souci de ne pas altérerla nature desfonctions de la
Cour ne sauraitsérieusementpenser à étendreceslimites.Je dis cela sans
nullement meprononcer sur cequ'ilpeut y avoir pour lemoins d'étrange,
en termes de logiquejuridique, dans une procédure qui consiste à de-
mander à un tribunal de statuer par voie d'avis consultatif sur une déci-
sionrendue par un autre tribunal. APPLICATION FOR REVIEW (SEP.OP.AGO) 108

with its nature as the supreme judicial organ of the United Nations,
whose role is to settle international legal disputes between States.
On the other hand, given the narrow limits to which its powers of
appraisal in such cases are confined - and quite rightly, let me hasten

to Say - by the governing texts, including the Statute of the United
Nations Administrative Tribunal, itcan scarcelybe denied that the Court
has very little scope for exercising any decisive concrete influence in
the interest of ensuring that administrative justice is genuinely done.

5. That something had to be done to counteract the drawbacks
which might result from the decisions of the Administrative Tribunal,
established in order to ensure observance of the law in the mutual
relations between the United Nations administration and its staff,
was clear from the outset to those responsible for setting up this essen-
tial judicial body. This was the reason why a review procedure was
devised and put into operation. But it may be wondered whether
this procedure, which is undeniably cornplex, requiring as it does the

successive and combined intervention of two high-level bodies, is
the most appropriate one for the particular ends in view. Under this
system, the forum which is immediately available to an individual con-
sidering himself injured by a judgement of the Administrative Tribunal
is the Committee on Applications for Reviewof Administrative Tribunal
Judgements. The members of this Committee are the representatives of
al1 the member States on the General Committee of the most recent
regular session of the General Assembly. This extremely broad compo-
sition, and the type of procedure followed by the Committee in reach-
ing its decisions, do not correspond very closely to the sort of compo-
sition and procedure one expects of a body entrusted with judicial
functions. And yet the functions entrusted to it are certainly judicial,
or at least quasi-judicial. It has to)sift and examine the applications
received for review of judgements of the Administrative Tribunal;

(b) decide whether or not there is a "substantial basis" for each appli-
cation; (c) select, among the various grounds for review laid down in
the Statute of the Administrative Tribunal, those which it considers
applicable to the case in hand, thereby taking the responsibility of
excluding the others outright; (d) request, in such cases, an advisory
opinion of the International Court of Justice on the grounds not
rejected. Moreover, the competence bestowed upon the Court for the
rendering of an advisory opinion to that Committee following such a
request is necessarily confined to certain clearly-defined legal aspects,
and nobody anxious to avoid distorting the Court's proper functions
would seriously contemplate widening these limits. Then again, 1leave
unuttered al1 that might be said about the, to Say the least, curious
aspects, in legal logic, of a procedure which consists of requesting a
tribunal to rule by means of an advisory opinion upon a decision
handed down by another tribunal. 6. Ce qui me paraît surtout irnportant, c'est de souligner certaines
conséquencesdecettesituation d'ensemble. Ils'ensuitpresque inévitable-
ment que lesjugements duTribunal administratif échappentendéfinitive
à toute véritablepossibilitéde réformationparla voiejudiciaire, non seu-
lement pour ce qui concerne leurs aspects de droit qui dépassentles li-
mites de la compétence consultative de la Cour, mais surtout pour leurs
aspects de fait souvent trèsimportants. On ne saurait donc dire, mon
avis, que le systèmeéchafaudé ait complètementrépondu aux exigences
d'un systèmedejustice administrative qui soitvraimentsatisfaisant et qui

garantisse pleinement, comme il se doit etla fois, les exigences de l'in-
térêt suprêmdee l'organisation et les positionsjuridiques légitimesdes
personnes qui sont à son service. C'estpour ces raisons que j'ai toujours
estimé et queje continue d'estimer que le vrai remèdeaux inconvénients
indiquésne saurait êtreque l'introduction d'un deuxième degréde juri-
diction administrative. autrement dit la création d'unecourom~étente
pour revoir lesdécisionsdu tribunal de premièreinstance,sous tohs leurs
aspects defaitcomme dedroit, etpour redresser etcorriger, lecaséchéant,
les vices éventuelsqu'elles pourraient contenir. Je ne manquerai pas de
relever que cette cour de deuxième instance pourrait exercer sa compé-
tence àl'égarddes décisionsde tous lestribunaux administratifs existant
dans le cadre des diverses organisationsinternationales et réaliser ainsi,
cetéchelonplusélevé,cette unitédejuridiction qu'ilaparu jusqu'ici diffi-

cile d'établirau premier échelon.
7. Pour conclure ces quelques remarques, j'exprimerai le vŒuque les
organes compétents des Nations Unies consacrent leur attention à ces
problèmeset surtout qu'ilsaient unjour lavolonténécessaire etdisposent
des moyens voulus pour réaliserune réformeadéquatedu systèmeen vi-
gueur.

(SignR é)berto AGO. 6. What is chiefly important, in my view, is to bring out some of the
consequences of this general situation. One almost inevitable result is
that the judgements of the Administrative Tribunal are ultimately be-
yond the reach of any genuine judicial review, and not only as regards
whichever legal aspects exceed the limits of the Court's advisory juris-

diction, but also as regards their factual aspects, which are often of
great importance. It cannot therefore be claimed, in my view, that the
system as originally devised fully met the need for a system of admini-
strative justice which must be satisfactory in itself, and must also pro-
vide proper safeguards both for the overriding interests of the United
Nations as an organization and for the legitimate claims at law of indi-
viduals in its service. For these reasons 1 have always held the view
that the only true remedy for the drawbacks 1 have mentioned would
be the introduction of a second-tier administrative court, in other
words, a court with competence to review the decisions of th,efirst-tier
court in al1 respects, both legal and factual, and to correct 'hnd com-
pensate any defects they may contain. 1would also point out that such
a second-tier court could exercise jurisdiction over the decisions of
al1the administrative tribunals which exist in the various international
organizations, thus achieving at this higher level the kind of unified
jurisdiction which has so far proved difficult to create at the lower
level.

7. To conclude these few remarks, 1may Saythat 1hope the compe-
tent organs of the United Nations will focus their attention on these
problems, and above al1that they will one day possess the necessary
will and find the requisite resources to carry out a proper reform of
the existing system.

(SigneR d)berto 4~0.

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Opinion individuelle de M. Ago

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